C. Les différends
Crevettes/Tortues.
En application d'une loi de 1973 sur les espèces
marines menacées d'extinction, les Etats-Unis avaient publié en
1987 des règlements obligeant tous les crevettiers des Etats-Unis
à utiliser des dispositifs d'exclusion des tortues marines (DET), ou de
réduire le temps de chalutage dans des zones déterminées
où la mortalité des tortues marines à bord était
très importante. Ces règlements ont été
modifiés de façon à ce que les DET soit d'utilisation
obligatoire en toute saison et en tout lieu lorsque le chalutage des crevettes
risque d'avoir des influences sur la survie des tortues marines. L'article 609
b) 1) de la loi adoptée le 21 novembre 1989 interdit à compter du
1er mai 1991 l'importation de crevettes péchées avec
des techniques de pêche commerciales susceptibles de nuire aux tortues
marines. L'article 609 b) 2) dispose que l'interdiction d'importer des
crevettes ne s'applique pas aux pays qui ont été
certifiés. A contrario donc, les pays non certifiés
voyaient leurs exportations interdites. C'est donc contre cette mesure que
l'Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande
s'élevèrent. Pour ces parties, cette réglementation aurait
pour effet d'établir une discrimination injustifiée entre les
pays pratiquant une pêche soumise à des DET selon que ces pays
soient ou non certifiés.
Par directives adoptées en 1991, les pays de la
région des Caraïbes et de l'Atlantique-Ouest
bénéficiaient d'un délai de trois ans
supplémentaires pour la mise en place de la certification, et une
convention interaméricaine pour la protection et la conservation des
tortues marines avait été conclue entre les Etats-Unis et
certains pays d'Amérique du Sud. Ces directives et convention faisaient
donc apparaître une différence de traitement par rapport aux Etats
tiers.
L'Organe d'appel devait décider de la
compatibilité de ces mesures avec les règles de l'accord
général, mesures ayant officiellement pour objectif la
préservation de l'environnement, mais qui en réalité
pouvaient constituer des restrictions commerciales déguisées.
Pour les Etats-Unis, cette réglementation était
pleinement conforme aux exigences de l'article XX de l'accord
général qui autorise l'application de mesures ayant pour effet de
restreindre les échanges commerciaux si celles-ci sont justifiées
par la protection de ressources naturelles épuisables (Article XX
g)).
1. Le premier rapport rendu
par l'Organe d'appel.
Dans son premier rapport, l'Organe d'appel a conclu à
l'incompatibilité des mesures américaines avec le système
du GATT. Mais il a tout de même reconnu que les mesures prises par les
Etats-Unis étaient justifiées au regard du point g) de
l'article XX. Tout d'abord parce que les tortues sont bien des ressources
naturelles épuisables, surtout les cinq espèces de tortues
marines en cause qui sont protégées par la Convention sur le
commerce international des espèces de faune et de flore menacées
d'extinction (CITES). Ensuite parce que les mesures concernées se
rapportent directement à la conservation de ces ressources naturelles
épuisables. Enfin parce que ces mesures sont appliquées
conjointement avec des restrictions à la production ou à la
consommation nationale puisque depuis 1987, les crevettiers américains
sont soumis à des règles similaires.
Ainsi, la mesure contestée (l'article 609)
répond aux critères de l'article XX g). Elle est donc
provisoirement justifiée à ce titre.
Même si ce premier rapport condamne les Etats-Unis en
vertu de la discrimination arbitraire qu'instauraient leurs mesures, il a le
mérite de reconnaître que les tortues sont des ressources
naturelles épuisables et que de ce fait les mesures prises par les
Etats-Unis pour les protéger peuvent bénéficier d'une
justification provisoire.
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