Thème : théorie islamique des
Relations Internationales
Plan :
Première partie :
La « théorie islamique
classique » des relations entre les nations
A) la genèse de la théorie classique
A.1) le contexte historique
A.2) le cadre épistémologique
A.3) une théorie d'essence
théologico-juridique : `ilm a-siyar
B) la conception islamique classique des
« relations entre les nations »
B.1) une vision ontologique binaire du monde
B.1.1) Dar Al-islam
B.1.2) Dar Al-harb
B.2) les moyens d'expansion et d'instauration d'un Pax
islamica
B.2.1) Al-`ahd wa sulh : les voies
diplomatiques
B.2.2) Al- jihad : la puissance au service de
l'idée
La deuxième partie :
La désuétude d'une théorie
islamique classique des « Relations Internationales »
A) l'inadaptation à l'évolution historique et
politique
A.1) l'émergence de L'Etat moderne
A.2) la sécularisation des Relations internationales
B) penser l'étude des Relations Internationales en terre
d'islam
B.1) la réforme méthodologique : du fiqh
classique à la science politique
B.2) vers une étude oecuménique des
phénomènes internationaux
« Théorie islamique des relations
internationales »
Introduction :
Depuis l'Antiquité, nombreux sont les auteurs et
nombreux sont les travaux qui ont tenté d'entrer en
intelligibilité avec les phénomènes internationaux,
notamment, les phénomènes de la paix et de la guerre,
déceler les lois cachées et latentes qui régissent les
tendances belliqueuses chez les hommes et les entités politiques. Des
travaux de Thucydide sur les guerres de péléponèse sont
illustrants.
La volonté de produire une conception théorique
synthétisant et simplifiant la diversité de complexité du
réel, s'est poursuivie à travers les siècles, et dont le
contexte islamique ne fait pas exception. Ainsi, en pleine expansion
spectaculaire et prodigieuse d'État islamique, les jurisconsultes et
Théologues musulmans, dans un contexte culturel dominé par un
légalisme triomphant(750 - 900 ), vont élaborer dans le cadre des
Siyars, une « théorie » islamique des relations
internationales, réduisant le monde en deux blocs antagonistes, Dar
al-islam et Dar al-harb.
Elaborée dans un cadre juridique visant à
réguler les rapports entre musulmans et non musulman, elle n'a pas pu
échapper à avoir une connotation eschatologique suite à
cette vision binaire du monde, dar al-islam /dar al-harb, la foi et la
mécréance, le bien et le mal. Mais, sous les coups des
changements historiques, politiques et culturels, cette conception n'a pas pu
se tenir debout, devenu désormais une simple partie de notre patrimoine
culturel, témoin d'un effort intellectuel des jurisconsultes musulmans
d'alors, dont l'intérêt n'est que historique aujourd'hui, mais,
qui se trouve sacralisé par des mouvements politiques et
idéologiques faisant de cet héritage avec des nombreuses
déformations leurs source idéologique.
Et pour cela, nous allons scinder notre exposé en deux
parties, la première sera consacrée à l'étude du
contenu et de la portée de la théorie islamique classique des
relations internationales, la deuxième traitera délimiter les
éléments de caducité et de désuétude de
cette théorie et la crise de l'étude des relations
internationales en terre d'islam.
Première partie : la théorie
islamique classique de relations entre les nations :
La théorie islamique classique fut le fruit d'une
époque historique dite classique de l'histoire musulmane, à
savoir le huitième et le neuvième siècle. Il faut noter
que cette période a connu sur le plan politique le déclin de la
dynastie ummayade et l'avènement et l'essor de la dynastie abbasside,
alors que le monde musulman s'est constitué des gens en un vaste empire
s'étendant de l'Occident jusqu'aux confins de l'Extrême-Orient.
Ainsi par la force des choses et de fait de cette expansion, l'islam( Etat
islamique) s'est trouvé obligé d'avoir des contacts avec les
autres nations, soit dans un cadre de conflit soit dans un cadre de
coopération, ainsi, et afin de gérer ces relations
imprégnés d'extranéité ( Etat
islamique/entités étrangères), nombreuses sont les
écoles et nombreux sont les juristes et théologues qu'ont pris
pour charge d'élaborer un corpus juridique des règles juridiques
à même de gérer ces situation nouvelles de paix et de
guerre avec les autres entités.
A) genèse de la théorie classique
la théorie classique des R.I en islam, trouve son
essence dans l'esprit du siècle coincidant à la période
classique de l'islam ( VIII et XI), ainsi, afin de bien comprendre le contenu
et la portée de cette théories il nous parait utile de poser
quelques points de lumière sur le cadre et historique et politique et
culturel de cette période ainsi que son cadre
épistémologique.
A.1) le cadre historique et épistémologique de
la théorie classique
La période classique de l'islam fut dominée,
politiquement, par l'une des grandes dynasties régnantes de l'histoire
de l'islam, en l'occurrence les `abbasside régna jusqu'au 13 ème
siècle ( 1258).
L'époque abbasside fut marqué par
l'élargissement spectaculaire de l'empire musulman. ainsi
l'apogée du pouvoir abbasside fut atteinte sous le règne du
calife Harun al-Rashid (786-809), et qui divisa le califat entre ses deux fils,
Al-Amin (809-813) en Irak et en occident et Al Ma'Mun (813-833) en Iran,
après sa mort l'accord fut brisé, suivi d'une décennie de
guerre civile destructrice avant que AL ma'mun ne fut capable de
s'établir à Bagdad son règne fut une période
florissante sur le plan intellectuel et culturel ou le calife lui-même a
joué un rhum majeur dans la traduction et l'assimilation de
l'héritage culturel hellénique. À côté de cet
intérêt tardif philosophie grecque, le Fiqh, science religieuse
droit de jurisprudence, et de fait de la nature religieuse voire messianique du
mouvement abbasside, ont eu une classe d'élections sous le califat
abbasside, ainsi avec l'arrivée des abbassides au pouvoir, quelques
écoles « Madahib » commencèrent à se
constituer, l'école de Mèdine fut fondée par le grand
maître Malik ibn Anas, son ouvrage principal Al Muwatta, et un recueil
méthodique des hadiths admis à Médine
Est destiné à y fonder la pratique du droit.
Auprès des abbassides l'école qui a été liée
au régime est celle de Abu Hanifa, remarquable surtout par la
cohérence théorique générale et l'audace novatrice.
La personnalité de Shafi'i devait laisser sur le droit musulman
l'empreinte la plus puissante, le kitab Al-umm, sa
« somme »eut une belle exposition méthodique d'un
droit bannissant le ra'y et reposant sur le hadith interprété
par le kiyas ou la déduction logique. Ibn Hannbal, professe qu'il faut
éviter autant que possible toute interprétation du hadith qui
s'écarte de son sens littéral. La plupart de ces écoles
ont donné dans une confusion totale entre droit privé droit
publicdes solutions et les prescriptions touchant les rapports avec les
infidèles et les autres nations étrangères, un corpus
juridique éparpillé dans les oeuvres des maitres et de leurs
disciples.
A.2) une théorie d'essence
théologico-juridique : la tradition de A-siyar
La conception islamique classique de relations
internationales, trouve ses origines et ses fondements dans la
spéculation juridique des Foqahas, reposant sur un effort conceptuel
abstrait de classification schématique qui se pose d'une certaine
manière à la considération fondamentale des coutumes
diverses, les règles régissant les rapports des musulmans avec
l'étranger ont été englobées sous le titre des
AS-siyar. Le concept de siyarau droit islamique de nations régit les
relations et pacifiques et conflictuelles avec les autres nations, les
règles régissant la fin août la suspension des
hostilités, l'élaboration de traités etc. le droit
islamique du genre ne constitue pas un système séparé de
la loi islamique chari'a, régissant les relations entre les musulmans et
non musulmans à l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur
du territoire de l'islam.
Si on considère les siyar comme signifiant le droit
islamique des nations, ils ne constituent un chapitre régissant ce qui
croit en l'islam ainsi que ceux qui veulent protéger leurs
intérêts en faisant recours à la justice islamique. Comme
le jus gentium, extension de jus civile en droit romain, le siyar est une
extension de la shari'a, désigné pour réglementer leurs
relations des musulman avec les non musulmans dans une période ou
l'islam entra en contacts avec les autres nations.
La force obligatoire de sillage n'a pas été
basée essentiellement sur la réciprocité ou le
consentement mutuel, sauf si lesnon musulmans désirent de se soumettre
à la justice islamique, mais, il était un système
juridique imposait à soi, les sanctions ont été d'ordre
moral et religieux et obligatoire à l'égard de leurs
adhérents, même si ces règles peuvent être contre
leurs propres intérêts.
De même, le droit islamique des nations s'appliquait
aussi bien sur les groupes territoriaux ainsi que sur les individus, comme tous
les systèmes juridiques anciens le droit musulman est un droit personnel
plus que territorial. La littérature musulmane et riche 10 oeuvres
traitant du siyar ainsi et dans cette perspective en recense l'ouvrage de AL
Awza'i, de Abu youssouf, et notamment de SHAIBANI avec ses ouvrages
« kitab siyar as-sagir ; kitab siyar al kabir »,
à coté des ouvrages de al ADAB notamment celui de Mawardi et du
Tartushi.
B) conception islamique classique de l'ordre
international :
L'oeuménisme de la foi musulmane poussait l'Etat
musulman à s'étendre et à faire son expansion ad
infinitum, toutefois et en attente de réaliser l'édification
d'un Etat musulman universel englobant la terre toute entière, une
distinction s'impose de cette situation intermédiaire, entre les
territoires touchés par l'islam, par sa foi ou par sa
souveraineté, et qu'on appelait dar al-islam, te dar al-harb (
territoire de la guerre), qui reste en dehors du sphère musulman, et qui
n'est touché, ni par la foi islamique, ni par la souveraineté de
l'Etat musulman, ni sous sa juridiction. Toutefois, Dar alharb, constituait un
dar-islam potentiel, ainsi, par le biais de Al-muad'ah wa sulh, il peut
être assimilé à dar al islam, ou se transformer
complètement en un dar islam par la voie du jihad.
B.1) une vision ontologique binaire du monde
B.1.1) Dar al-islam
Le Dar al-islam (pays où territoire de l'islam,
désigné l'ensemble du territoire où règne la loi de
l'islam, son unité réside dans la communauté de la foi,
l'unité de la loi et des garanties assuraient aux membres de l'Umma.
Néanmoins la notion de l'umma en réalité transcende le
territoire de l'islam pour s'étendre jusqu'aux minorités
musulmanes vivant en dehors du dar al-islam, d'après Louis Gardet «
la communauté musulmane, sous sa forme idéale n'est pas elle
supranationale, mais bien la seule nation qui ait un plein droit d'exister
». Ainsi les critères essentiels pour la qualification d'un
territoire de Dar al-islam, sont la souveraineté musulmane et
l'application de la shari'a. Si ces deux critères ne se trouve pas
requis, la qualification adéquate serait celle de Dar al-harb.
D'après le rite hanafite, dar al-islam devient dar al-harb, s'il est
conquis par les infidèles, et qui applique par la force leurs propres
lois. Si le territoire occupé est voisin à dar al-harb, et si les
biens et les personnes des musulmans et des Dhimmis ne sont pas
protégés. Cela signifie qu'en vertu de l'école hanafite et
ces règles juridiques, qu'une région islamique qui fut conquise
par des infidèles pouvait rester un dar islam tant que les envahisseurs
nomment un cadi (juge musulman) pour appliquer la loi musulmane, et tant que
les musulmans et les dhimmis restent sécurité comme ils l'ont
été sous le gouvernement musulman. Ce débat de distinction
entre dar alharb et dar alislam a persisté jusqu'à
l'époque coloniale, deux exemples appartenant à deux maddhads
différents illustrent cette situation, le premier est celui d'inde avec
le colonisateur britannique, le deuxième celui de l'Algérie
Malékite avec le colonisateur français. Ainsi, dans ces deux
exemples de l'appartenance à l'une ou à l'autre école
à déterminer la situation juridique de ces deux pays et
conséquemment la légalité ou l'illégalité de
pratiquer le jihad.
B.1.2) Dar Al-harb
classiquement, le dar al-harb englobe les pays où la
loi musulmane d'exerce pas son effet, dans les domaines du culte et de la
protection des fidèles et des dhimmis. Un territoire repris par les non
musulmans quels qu'ils soient redevient donc territoire du dar al harb, pourvu
que :
1) la loi de non-croyants remplace la loi divine
islamique ;
2) le territoire en question soit un voisin
immédiat de Dar al harb ;
3) les musulmans et leur dhimmis non musulmans ne
jouissent d'aucune protection.
Néanmoins, il reste que c'est la première de ces
conditions qui est la plus importante. En outre, il faut noter que quelques
juristes musulmans soutenait le fait que un pays reste dar al islam tant que
une seule disposition (hukm) de la loi musulmane y est maintenue en vigueur.
Ainsi, on peut dire, que dar al harb constitue un territoire ennemi qui se
trouve en dehors de la juridiction islamique, les habitants de Dar al harb
(harbis ou ahl alharb) sont définis comme étant ceux qui ont
refusé de se convertir après avoir été
invités à l'islam.
Cette conversion peut être effectuée par les
moyens de la conquête si les gouvernants ne se soumis pas, mais l'usage
de la force peut être évité lorsque soumission il y a.
À partir de moment où les gouvernants de Dar al harb acceptent
islam, ce territoire est considéré comme étant une partie
intégrante de Dar al islam.
Grosso modo, on peut dire que dar al harb rester en dehors et
sans relation aucune avec la communauté islamique et le Pax islamica,
à cause de son manque de compétence juridique qui lui permettra
d'entrer en relation avec l'Etat musulman sur les bases de
l'égalité et la réciprocité, un tel territoire peut
ce pendant être considéré comme étant encore dans
l'état de nature, parce que incapable de se conformer aux standards
éthiques et juridiques de l'islam.
B.2) les moyens d'expansion et d'instauration d'un
« Pax islamica »
B.2.1) Al-sulh wa Almuad'ah : les voies diplomatiques
Selon l'école juridique de shafi'i, il existe à
part ces deux territoires, celui de Dar al harb est celui de dar al-islam une
troisième catégorie appellé dar al-sulh ou dar al-`ahd, le
fondement de cette catégorie réside dans l'acte conventionnel qui
le caractérise et qui relie les musulmans avec les non musulmans, qui
les maintient dans leurs foi et leurs terres et qui préserve leur
propriété. dar al-sulh « pays de trêve » est
constitué ainsi par les territoires non conquis par les troupes
musulmanes, mais achetant la paix au prix d'un tribut dont le paiement garantit
une trêve (hudna) ou un accommodement (sulh), les deux exemples qu'il est
ces situations dans l'histoire musulmane classique et qui furent un point de
départ de toute cette conception, Sont le Nadjran et la nubie.
En outre, il faut noter que cette catégorie ne fait pas
l'unanimité des auteurs musulmans, et qui soutenaient le fait qu'un
territoire ne peut être qu'un Dar-islam ou un Dar harb, selon le
critère de la souveraineté. Toutefois, à
l'intérieur de l'école hanafite, Muhammad Al-shaybani accepte
aussi l'existence d'un territoire de trêve (muwada'ah) comme étant
une catégorie séparée. AlMawardi distinguait dans tous les
territoires placés plus ou moins directement sous le contrôle
musulman entre trois catégories :
1) ceux qui ont été conquis par la
force des armes ;
2) ce qui ont été occupés
sans combat après la fuite de leurs gouvernants ;
3) ceux qui ont été acquis par
traité.
Enfin, et à la lumière de ce qui
précède, on peut dire que les voies conventionnelles
diplomatiques notamment sulh, mu'ahada, muada'ah ont permis à
l'État musulman de s'étendre sans faire recours à la
force.
B.2.2) Al-jihad : la puissance au service de
l'idée
étymologiquement, le mot jihad signifie « effort
tendu vers un but déterminé », mujahada, jihad c'est
l'effort sur soi-même en vue de perfectionnement moral et religieux, les
auteurs chiites font la distinction entre « djihad des
ames » (djihad majeur par opposition au « djihad des
corps »( djihad mineur). D'après la doctrine juridique
classique, le jihad « consiste dans l'action armée en vue de
l'expansion de l'islam, et éventuellement de sa défense ».
L'obligation du jihad et corollaire au principe fondamental d'universalisme de
l'islam : cette religion, et ce qu'elle implique de puissance temporelle, doit
s'étendre à tout l'univers, au besoin par la force, tout en
tolérant l'existence au sein de la communauté musulmane des
adeptes « des religions a livres saints » pour qui le jihad
doit s'arrêter dès lors qu'ils acceptent de se soumettre à
l'autorité politique de l'islam et au paiement du tribut de capitation
(djizya) et de l'impôt foncier (kharaj).
Le jihad en principe la seule forme de guerre concevable en
islam car théoriquement, l'islam doit se constituer en une seule umma
(communauté organisée sous une autorité politique unique ;
les toutes luttes contre musulmans est interdite). Dans cette perspective, le
jihad incarne l'instrument a travers lequel, le Dar al-harb pourrait être
transformé en un Pax islamica, toutefois, dans son sens
générique, il ne signifie pas nécessairement l'emploi et
l'usage de la force militaire, bien que théoriquement « un
état de guerre » existe entre dar al harb et Dar al-islam, plus que
l'expansion de dar al-islam pourrait être réalisé et par
des procédés pacifiques et par des moyens de violence. Le jihad
était l'équivalent du concept chrétien des croisades, les
jurisconsultes musulmans voyaient dans le jihad un effort individuel visant la
promotion et la propagation du message divin, dans la récompense serait
la délivrance et le salut de soi. Ce pendant la participation et
l'exercice de jihad peut être accompli et par le coeur, et par la longue,
et par la fortune et par les mains et le sabre. Conséquemment, le jihad
serait une forme de propagande religieuse, idéologique effectué
par des moyens spirituels comme matériels. Le jihad en islam à
l'instar des croisades au sein de la chrétienté, était le
Bellum justum, toutefois en islam il a été étroitement
associé à l'autorité, dont l'emploi fut pour des
« raisons d'état ». Le jihad fut primordial dans
l'action de l'état musulman, lui permettant l'établissement de sa
souveraineté de son autorité politique assise fondamentale pour
l'expansion de la sphère du verbe d'Allah.
Deuxième Partie : Désuétude et
caducité d'une théorie islamique classique des relations
internationales
A) changement de circonstances historiques politiques :
A.1) l'émergence de l'Etat moderne
la théorie politique islamique fut bâtie sur le
fait que : l'état constituait un instrument majeur dans
l'établissement et l'adoption d'une religion universelle ; islam, et par
conséquence il a été considéré capable de
s'étendre ad infinitum, d'où la tendance vers l'instauration d'un
État islamique universel. Toutefois, dans sa phase primaire
l'état islamique n'avait pas ce caractère universel, en
dépit de l'aspect oecuménique de la religion musulmane.
Dès ses débuts l'état en islam passait à travers
des phases et des étapes d'évolution qu'on peut résumer
ici de la manière suivante :
_la phase de la cité-Etat (622-632
après j.c)
_la phase impériale (632-750)
_la phase universelle (750-900)
_la phase de la
« décentralisation » (900-1500)
_la phase de la fragmentation (1500-1918)
_ la phase nationale (1918- )
Malgré le fait que l'état islamique ne
reconnaisse en théorie aucun autre état à part
soi-même, il se trouvait acculé à accepter certaines
limitations et s'accommoder avec les réalités politiques et les
contextes historiques auxquels il s'est trouvé. Ainsi, faute de pouvoir
incorporer en son sein l'humanité tout entière, l'état
islamique tacitement acceptait le principe de la coexistence avec les autres
Etats et la conduite des relations extérieures en vertu non seulement de
la loi islamique mais aussi des principes dérivés des
expériences des rapports avec les différents états. De
même, l'état islamique avait subi des changements dans sa
structure interne résultant des conflits existants entre le centre et
les périphéries. De même, La nature de l'autorité
et du pouvoir au sein de la communauté musulmane fut l'objet d'une
controverse théorique qui a réuni deux courants juridiques, l'un
défendant une théorie moniste du pouvoir et l'autre une
théorie pluraliste du pouvoir. Les adeptes d'un seul pouvoir politique
central mirent en exergue l'unité de Dieu, source de tous pouvoir et
l'existence d'une seule loi islamique(shari'a) et concluaient la
légitimité d'un seul et unique calife.
En revanche, l'école pluraliste aux les
défenseurs de la division de la Terre d'islam en deux ou plusieurs
entités politiques, avançaient d'argument suivant : lorsque la
Terre de l'islam était divisée par la mer et les autres obstacles
naturels, elle doit être divisée en plusieurs entités
politiques, chacune serait gouvernée par un calife séparé
ayant la mission d'appliquer la loi sacrée dans son domaine.
Après la division du califat en plusieurs entités politiques, un
autre principe fut adopté, il s'agissait de la souveraineté
territoriale, ainsi la ségrégation territoriale a eu comme
résultante la transformation graduelle de la souveraineté de
l'universalisme vers la territorialité et du droit qui passa du
caractère personnel a un caractère territorial.
A.2) la consécration du principe des relations
pacifiques
adoption du principe de relations pacifiques entre les nations
ayants des religions différentes qui remplacera le principe classique du
jihad, où l'état de guerre permanent avec dar al-harb, qui
désormais fut suspendu il ne devenait plus la base de relations de
l'islam avec les autres nations. Les gouvernants musulmans commencèrent
dès lors a signé des traités établissant la paix
avec les états non- musulmans qui dépassaient même la
période légale de 10 ans. Ainsi, le traité de 1535
stipulant la consécration du principe de la paix et le respect mutuel
entre le sultan Sulayman le Magnifique et le roi François 1er
, et qui fut ouvert à l'adhésion de tous les princes
chrétiens (art 1-15), constitua un instrument notable dans la
formalisation et l'affirmation de ce principe, ce traité peut être
considéré comme étant un point de départ d'une
reconnaissance des nations de différentes religions par l'islam.
A.3) la sécularisation de relations
extérieures
parmi les changements majeurs qui ont affecté la
conception islamique des relations internationales, en relève le
principe de la séparation de la doctrine religieuse de la conduite de
relations extérieures. Ce principe reléguant la religion à
l'échelle interne, fut le résultat du shiisme que a connu
l'islam. Ainsi, le shiisme doctrinal ne constituait plus un
phénomène nouveau dans l'histoire musulmane, il est issu de la
rivalité politique religieuse qu'a connu les premiers temps de l'islam.
Avec l'avènement du XVIe siècle, incline phase permanent scinda
l'islam en trois zones distinctes. L'émergence de deux dynasties
rivales- les ottomans et les safavides en perse -chacune adoptant une croyance
différente, les a obligés après une longue période
de conflit et d'hostilités à séparer leurs
différences doctrinales et religieuses de la conduite de leurs affaires
extérieures, et à réguler le relation sur des bases
a-religieuses. Chose qui ne fut pas différent de la séparation
des doctrines religieuses et de la conduite des affaires extérieures au
sein de la chrétienté divisée en deux sectes les
protestants et catholiques, et l'accord des princes chrétiens de
reléguer leurs doctrines religieuses au plan interne et de conduire
leurs relations extérieures sur des bases séculières ainsi
le principe cuius regio, eius religio adopté en premier temps lors des
accords de Augsburg de 1555 qui deviendra la base de la paix et de Westphalie
1648, est un principe accepté qui va gouverner d'abord les relations
entre les états chrétiens de l'Europe et après entre les
états de différentes confessions à travers le monde.
B) penser l'étude de relations internationales
en terre d'islam
le champ d'étude des phénomènes
internationaux en terre d'islam, et comme on a déjà dit, lors de
la présentation du contenu de la théorie islamique classique de
relations internationales, et à travers la discipline des siyars, qui
ne constituait qu'une extension de la charia, loi divine, suite au contact
multiplié par le fait de l'expansion de l'État musulman. Depuis
sa genèse, la conception des phénomènes internationaux ou
des rapports imprégnés d'un élément
d'extranéité, fut d'une essence purement juridique et
théologique, chose qui n'est pas étonnant a constater, si on
considère l'esprit du siècle de cette théorie
caractérisé par le triomphe du légalisme et des sciences
théologiques.
Face à l'échec de la conception classique, et
notamment de cette « théorie islamique classique de
relations internationales » a remplir les fonctions cognitives d'une
théorie en relations internationales, à savoir, décrire,
comprendre, et expliquer les phénomènes internationaux du monde
actuel, force est de constater la nécessité de faire une rupture
épistémologique dans ce domaine avec les anciennes conceptions
qui ont régit la compréhension, l'analyse et la régulation
de relations internationales en terre d'islam. Une telle rupture, devrait
toucher et le corpus de cette vision ontologique du monde est la méthode
et le processus de conceptualisation des sciences sociales en
général et des relations internationales en particulier.
1) le contexte paradigmatique classique : le
légalisme triomphant
Dans la théorie juridique islamique, la loi
émane d'une source divine, les sources de la théorie juridique
islamique sont ; le coran, la sunna, l'ijma' et le qiyas.
Le droit musulman des nations, ou les siyars, avait pour bases
et fondement théoriques les mêmes sources de la shari'ah, la loi
religieuse,enseigne les conditions et les moyens d'une vie individuelle et
collective en parfaite conformité avec les prescriptions divines. Ainsi
la totalité du conduite humaine sont rangées sous cinq
qualifications juridico-religieuses : le licite et l'illicite, le neutre ou
l'indifférent, la loi, le recommandable et le
répréhensible. La pensée juridique islamique a
élaboré une science théorique nommée
sources-fondements de la connaissance de la loi (usul-al fiqh) pour formaliser
l'activité exégétique et déductive du juriste
théologien chargé d'expliciter les qualifications légales
(ahkam).
Dans un tel contexte paradigmatique dominé par le
légalisme, la théorie islamique des relations internationales et
siyar furent largement imprégnés par cette vision de cette
représentation théologico-juridique des phénomènes
internationaux.
2) la réforme méthodologique et
épistémologique : vers une étude oecuménique des
phénomènes internationaux
malgré l'ancienneté des phénomènes
les rapports internationaux, et malgré l'ancienneté du champ
d'étude de relations internationales, cela soit en adoptant une
méthode historiographique ou juridique, le statut
épistémologique de relations internationales es qualité de
science sociale, ne sera reconnu que dans les ans de l'après
première guerre mondiale, sous la dénomination de «
politique internationale », chose qui n'est pas étonnant, puisque
les relations internationales sont bel et bien une branche de la science
politique, ainsi et désormais la méthodologie et le processus de
conceptualisation au sein de la discipline internationale seront largement
imprégnés des méthodes de science politique tout en se
séparant des méthodes juridiques et historiques. Ainsi, face au
changement des circonstances des contextes politiques, historiques et culturels
la dite « théorie islamique des relations internationales »
fille du contexte médival de la phase classique de l'islam et de
l'esprit de son siècle, se trouve dans l'incapacité de remplir
les fonctions que devrait remplir une théorie au sens
épistémologique moderne, et n'ayant même pas le statut
épistémologique d'une théorie_expression cohérente
et systématique de notre connaissance de la réalité_ parce
que trop subjective substantiellement imprégnée par l'idiologie
musulmane.
En outre, à l'époque actuelle, nonobstant la
diversité des différences doctrinales théoriques entre les
différents courants, nonobstant la distinction entre un courant
traditionaliste philosophique et un courant scientifique, force est de
constater la présence d'un certain oecuménisme concernant les
démarches méthodologiques et épistémologiques de la
conceptualisation et du processus de théorisation. Dans le contexte
paradigmatique actuel, une étude « islamique » visant à
contribuer à l'avancement de la recherche en relations internationales
ne peut échapper à ces règles
épistémologiques les méthodologiques d'élaboration
et de production du savoir, ni à s'inscrire dans l'une ou l'autre
tendance théorique, à moins d'instaurer par elle-même un
paradigme nouveau à même de concurrencer les autres sur le plan
théorique, tâche qui ne serait pas mince.
Conclusion :
enfin, face à cette uniformisation et universalisation
des méthodes de production du savoir scientifique et théorique,
et face à la prédominance des nouveaux paradigmes produits et
élaborés au sein de la civilisation occidentale, mais ayants une
portée universelle, quelle place peut-elle être
réservée à une « théorie islamique des
relations internationales » ? et quel intérêt
scientifique et théorique peut-elle avoir dans un système
international multiculturel et multiconfessionnel ? Hormis, le sous
système islamique, je ne vois pas de plus-value qu'elle puisse ajouter
à notre connaissance théorique des relations internationales.
C'est pour ces raisons que je pense, qu'il est beaucoup plus utile de
s'investir dans l'étude de relations internationales sous sa forme
moderne avec toute la diversité des courants, des conceptions, des
théories qu'elle englobe, chose qui sera à mon sens beaucoup plus
utile à l'islam et à sa civilisation que de spéculer
vainement sur l'élaboration d'une éventuelle
« théorie islamique des relations
internationales ».
Bibliographie
I° ouvrages de
référence :
1) l'encyclopédie de l'islam
2) The oxforde encyclopedia of the modern islamic world;ed.john
L.Esposito, Oxford university press.1995
3) Encyclopédie philosophique universelle;les notions
philosophiques, P.U.F.1990,v2
4) Dictionnaire de pensée politique (Dominique colas.).
Larousse 1997.
II° ouvrages
spécialisés :
1) Procter, J.Harris, Islam and international relations, London,
1965.
2) Rudolph Peters, Islam and colonialism: the doctrine of jihad
in modern history; Mouton publishers, The Hague. Paris. New York.1979
3) Claude cahen, L'islam des origines au début de l'empire
ottoman, Bordas.1970
4) Muhammad ibn al-Hassan ach'chaibani, Le grand livre de la
conduite de L'Etat, Trad.Muhammad Hamidullah.Turkie diyanet vaki ;
Ankara.1989
5) Khaddouri Majid, origin & development of islamic law, AMS
Press. New York 1955
6) Khaddouri Majid, the Islamic law of nations, shaybani's siyar,
the johns Hopkins Press, Baltimore, Maryland, 1966
7) Djalili Mohammad-Reza, Diplomatie islamique: stratégie
internationale du khomeynisme :Paris, PUF,1989.
8) Hasbi Aziz, Théories des relations
internationales : Paris, L'Harmattan,2004.
9) Arkoun Mohammed, pour une critique de la pensée
islamique, Ed.Maisonneuve et larose, Paris, 1984.
III° Articles :
1) M.R.Djalili, Dar al-harb, in The oxforde encyclopedia
of the modern islamic world.
2) Rudolph Peters, dar al-islam, dar al-sulh, in The
oxforde encyclopedia of the modern islamic world.
3) E.TYAN, Djihad, in encyclopédie de l'islam
4) D.SOURDEL, Dar al-harb; A.ABEL, Dar al-islam, in
encyclopédie de l'islam.
5) Khaddouri, SULH, in E.i
6) J.SCHACHT, Fikh, in E.i
D.B.Macdonald.A.Abel, dar a-sulh, in
encyclopédie de l'islam
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