CONCLUSION GENERALE
La libéralisation n'est pas qu'une politique
économique, elle est en fait un instrument organisationnel qui doit
s'inscrire dans la synergie du grand chantier du développement. Pour
être efficace la libéralisation agricole devait prendre en compte
toutes les contraintes du contexte local. Au Cameroun il n'a pas
été tenu compte de cette spécificité. La
libéralisation n'a pas intégré les impératifs de
coordination entre l'économique et le social. A défaut de
générer l'efficacité économique comme le
prévoyait ses concepteurs, la libéralisation agricole a
renforcé la paupérisation du Cameroun. Dès lors il est
établit que la libéralisation sans garde-fous a remis en cause
« le droit à la sécurité alimentaire des plus
faibles, en déstabilisant les agricultures locales et en
renchérissant le coût de la facture alimentaire >>.
l'importance de l'agriculture dans une économie comme celle du Cameroun,
fait que les externalités constatées se sont rapidement
propagées dans la société en compromettant la
santé, l'éducation, et l'équilibre social. La mise en
route d'un jeu économique gérer par les seules forces du
marché compromet donc le développement des nations les moins
avancées. Elle promeut l'ouverture de l'économie alors que les
acteurs locaux ne sont pas encore suffisamment organisés pour faire face
à la concurrence. De plus au niveau international, les normes d'une
concurrence saine et efficace ne sont pas encore à jour. De ce fait, la
libéralisation du secteur agricole nous est apparue être
précoce pour le Cameroun. En l'état actuel, le rôle de
l'Etat dans ce pays est encore capital. Il méritait certes d'être
revu, mais pas dans le sens du retrait radical comme l'a
matérialisé la libéralisation agricole au Cameroun. Il ne
s'agit pas de le penser comme cela se disait au début des
réformes structurelles que « l'Etat ne doit plus tout faire
>> mais plutôt que « l'Etat doit faire autrement >>.
L'Etat doit faire autrement, c'est dire que l'objectif doit être de faire
mieux qu'avant. Le but ne saurait être celui d'un retrait pur et simple
de la sphère économique mais d'un repositionnement de l'Etat,
dans des missions de facilitation de l'activité économique. Ce
rôle novateur s'opère par l'édiction des règles
applicables à tous, mais aussi par la création d'un cadre
permettant la mise en oeuvre de celles-ci. Il est question non pas de faire du
tout libéralisé un but en soi, mais de libéralisé
là où les conditions sont réunies et d'accompagner
là où le besoin se fait sentir. Ceci suppose donc une
libéralisation progressive et sélective pour prendre en compte
toutes les contraintes. Dès lors une politique de modernisation efficace
du secteur agricole dans les pays les moins avancés doit se faire avec
l'Etat, en lui permettant d'opérer des interventions ciblées en
faveur des catégories que le marché ne peut efficacement prendre
en charge. C'est le cas de la fourniture des financements aux agriculteurs pour
leurs activités ou de l'accompagnement dans la production et la
commercialisation. Cette démarche impose certes de revoir les
règles de libéralisation de l'OMC, mais elle s'avère
nécessaire pour la réussite du développement durable.
Pour autant, on ne peut totalement imputer la dérive
observée à la seule politique de libéralisation. L'autre
fait en cause doit être recherché dans le pilotage du projet. Il a
été observé à ce niveau des carences en termes
d'analyse des risques et de suivi des reformes instruites. Les
dysfonctionnements consécutifs à ces carences ont cependant
l'intérêt de mettre en exergue les besoins de l'administration
camerounaise dans le domaine du pilotage du changement. Ces besoins ne sont pas
particuliers à un secteur. Ils se retrouvent dans tous les domaines de
la vie administrative qui impliquent une conduite du changement. C'est le cas
du programme de la lutte contre la corruption ou du Programme National de
Gouvernance lancé en 2000, mais dont les résultats tardent. Il
s'agit en somme d'un besoin refonte des instruments de gestion publique. Cette
entreprise est nécessaire pour faire face aux impératifs de
compétitivité que la mondialisation impose aux administrations
publiques. Les dysfonctionnements de la libéralisation agricole
révèlent donc le besoin impératif, de l'introduction d'une
réflexion pour un management de qualité, au sein de
l'Administration publique camerounaise. Des réponses conjoncturelles
sont possibles dans le cadre de séminaires gouvernementaux d'initiation
aux mécanismes modernes de pilotage du changement. Mais une
réflexion plus structurelle concernant le management public
s'avère nécessaire. La question à se poser dans ce cadre,
est de savoir comment les administrations publiques peuvent mieux participer
à la compétitivité des économies. Il ne s'agit pas
seulement d'édicter des règles de réforme
économique et sociale, mais aussi de s'interroger sur la qualité
des instruments de mise en oeuvre dont on dispose. Dès lors, la
qualité du service rendu aux usagers doit être analysée. La
compétitivité économique des nations se fait de plus en
plus sur la capacité d'attraction des capitaux productifs. Le choix
d'investir se détermine à partir de la qualité des
facteurs productifs et des politiques publiques qui en réglementent
l'accès. Toutefois la facilité des procédures et la
qualité du service fournit dans les administrations est aussi un facteur
important. C'est là un enjeu considérable pour les
administrations locales en économie ouverte. Aucun projet de
réforme structurelle ne peut avoir la garantie du succès, si
à la base il n'existe pas d'instruments efficace de mise en oeuvre des
décisions gouvernementales. Pour y faire face, il s'impose donc une
réflexion sur la normalisation de l'activité administrative au
Cameroun. Il importe de réfléchir sur un dispositif visant
à doter les services publics de l'Etat de normes communes dans l'accueil
de l'usager, le traitement des dossiers et la remontée des besoins. Deux
notions doivent présider à la construction de ce dispositif. Il
s'agit de la simplification et de la direction par objectifs. Seul un tel
dispositif peut réaliser les besoins de conduite et de suivi efficace du
développement durable.
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