Un tata samba (Atacora) avec ses fétiches. La
religion animiste tourne autour des fétiches qui sont la
représentation et plus exactement un abri pour l'âme de
l'être ou de l'animal vénéré
décédé.
INTRODUCTION
« Qu'on apporte cent preuves de la même
vérité, aucune ne man quera de partisans, chaque esprit a son
télescope. C'est un colosse à mes yeux que cette objection qui
disparaît aux vôtres : vous trouvez légère une raison
qui m'écrase. »
Diderot, pensées phiosophiques, 1746, XXIV
« Il nous faut sortir de la logique impersonnelle et
objective de la démarche scientifique habituelle et explorer l'univers
mental des hommes ». Par cette invitation, Paul Claval résume un
courant de pensée de plus en plus adopté dans les sciences
humaines et sociales et plus particulièrement dans la géographie:
la prise en compte de la subjectivité dans l'approche des
problématiques socio-spatiales. L'identification et la lecture des
représentations1 de la réalité
géographique, permettent aujourd'hui de tendre à une meilleure
compréhension des logiques et des stratégies qui motivent les
individus et leurs groupes sociaux.
Ces multiples réflexions ont engendré une
profonde remise en cause épistémologique dans la discipline : en
enrichissant la portée des connaissances disponibles sur les
comportements spatiaux des hommes, elles s'affirment progressivement comme une
alternative incontournable aux principes, aux démarches
déterministes et ethnocentriques qui sévissent toujours. En
effet, si l'on s'attache aux politiques de développement et de gestion
de l'environnement écologique, passées et présentes, dans
les pays du Sud on constate que bien trop souvent elles sont pensées,
conçues et appliquées en référence à des
rationalités occidentales, qui sont propres aux pays du Nord.
Relayées par des Etats soumis aux conditions
drastiques des ajustements structurels et qui n'ont pas véritablement le
choix de leurs perspectives, ces conceptions du développement et de
l'écologie apparaissent inadéquates aux réalités et
aux logiques des sociétés du Sud. Rares sont les projets ou les
politiques menées dans ces domaines qui parviennent à leurs
termes tout en remplissant les objectifs fixés.
Ainsi, à travers l'exemple des hautes terres en
l'Afrique de l'Ouest et en l'Afrique Centrale -à savoir la dorsale
guinéenne, la chaîne de l'Atacora et la dorsale
camerounaise2-, nous chercherons à mettre en évidence
l'importance de l'étude des représentations, dans une approche
géographique et critique de politiques et de projets conduits dans les
pays du Sud. La dissémination de ce terrain d'étude s'explique
par la nécessité de concrétiser notre démarche
à travers des exemples, qui présentent des
caractéristiques biophysiques, culturelles et
socio-économiques
1 la représentation consiste soit à
évoquer les objets en leur absence, soit à enrichir la stricte
connaissance perceptive par des considérations et des connotations
émanant du couple intelligence / imagination. (Piaget et Inhelder)
2 voir carte p. 4 bis et p.8 à p.1 1bis
contrastées, mais qui facilitent l'argumentation par
une documentation plus importante et les possibilités de comparaison.
Ajoutons enfin que dans des aires géographiques
où la grande majorité de la population vit dans des espaces
ruraux, où l'environnement écologique est considéré
comme riche et fragile, une multitude de projets se succèdent depuis
plusieurs décennies. Or, la compréhension des logiques paysannes
et de leurs dynamiques spatiales, étape qui parait obligatoire dans ces
processus, souffre visiblement trop souvent d'un cloisonnement des conceptions
et des méthodes employées.
La clé d'entrée des représentations
montre que les recherches menées à ce niveau restent
sous-utilisées, voire ignorées par les structures nationales,
internationales ou privées, chargées des actions de
développement et de gestion de l'environnement. Nous ne jugeons pas ce
système interventionniste, mais nous tentons plutôt de mettre en
valeur un courant de recherche qui apparaît porteur et utile dans ses
applications.
Dans notre première partie, la difficulté
réside dans l'étendue du domaine d'étude des
représentations. Cette thématique est en effet partagée,
étudiée, conceptualisée par de nombreuses sciences
humaines et sociales (psychologie, sociologie, ...etc.) ; elle peut donc
être abordée sous différents points de vue. Pour notre part
nous nous placerons dans une approche géographique, en essayant de
cerner quelles peuvent-être les implications des perceptions et des
représentations, d'objets géographiques mais aussi d'objets
socioculturels ou économiques, dans les logiques spatiales des individus
et des sociétés des pays du Sud.
La deuxième partie sera consacrée à la
dialectique représentations-milieux montagnards. En effet, les montagnes
sont communément admises, notamment dans les discours des
différents organismes et projets, comme des milieux aux
caractéristiques et aux potentialités spécifiques, mais
également comme des aires sous-développées et fragiles.
Quelle est la véritable portée de ces écosystèmes
sur les sociétés, leurs territoires et les images qu'elles
produisent ? Nous nous pencherons alors sur ce « fait montagnard » et
sa confrontation aux environnements des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et
d'Afrique Centrale, et nous nous interrogerons sur leurs interactions avec les
représentations des individus et des communautés qui y vivent.
La dernière partie proposera une grille de lecture des
représentations, en s'appuyant sur des études de cas. Il s'agit
de faire une critique d'actions menées sur les hautes terres d'Afrique
de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Loin d'être exhaustifs, les faisceaux
de représentations présentés invitent à
s'interroger sur la validité de l'interventionnisme dans ces
environnements socio-écologiques et tente de justifier la
nécessité de s'ouvrir aujourd'hui à d'autres
méthodes de travail.