2.3 Quelles solutions pour un tourisme doux et une Montagne
à vivre ?
Nous chercherons ici les solutions possibles pour intégrer
la durabilité au tourisme de montagne. Nous illustrerons nos propos par
le projet Butiner en Belledonne et tenterons de comprendre comment valoriser
les ressources existantes pour favoriser un développement local durable
et équitable d'un territoire.
2.3.1 Jeux
d'acteurs et légitimité
La population du massif de Belledonne est
caractérisée par deux types d'habitants. Ceux habitant et
travaillant sur le massif et ceux habitant le massif mais travaillant dans la
vallée ou sur les agglomérations de Grenoble et Chambéry.
Ce sont les communes les plus proches de la vallée qui sont
habitées pour la plus grande partie par des rurbains travaillant dans la
vallée ou sur l'une des deux agglomérations à
proximité.
Les élus de ces communes qui jouissent de la
proximité de la vallée et des agglomérations, n'ont donc
pas à satisfaire les mêmes attentes que ceux des communes plus
enclavées dans le massif. Une différence se fait sentir au niveau
de la conduite politique dans les 2 types de commune. Les maires, qui ne
doivent pas répondre aux mêmes attentes, ont souvent du mal
à se retrouver sur des dossiers communs. Au sein des structures
intercommunales (communauté de communes, associations, Groupe d'Action
local, Syndicat intercommunal...) qui sont multiples et
enchevêtrées, les élus doivent arbitrer les attentes des
uns et des autres et gérer les conflits qui peuvent apparaître. Le
tourisme durable, qui est une manière pour certaines communes de faire
perdurer des activités économiques sur leur territoire, n'a a
priori que peu d'intérêt pour les communes dont la population
travaille en dehors du territoire municipal.
Commune, communauté de communes, syndicat
intercommunal, groupe d'action local..., on retrouve souvent, sur les massifs,
les mêmes élus et personnes clés aux positions
stratégiques de décisions dans les différentes structures.
On ne peut leur reprocher de s'impliquer dans la vie locale, cependant la super
puissance accordée par ces mandats/présidences/... à
certaines personnes sur le massif peut poser problème. En effet,
certaines personnes sont incontournables et ont le pouvoir de décision
très fort. Ils peuvent donc encourager ou exclure un projet.
La motivation des élus vis-à-vis d'un projet est
souvent influencée par les ressources financières de leurs
communes. En effet, les communes à dominante rurbaine ont pour ressource
principale les impôts locaux qui sont plus élevés que sur
les communes à dominante plus rurale. En effet, comme me l'expliquait un
élu de Belledonne lors d'un entretien, la population rurbaine dispose de
moyens financiers plus importants. Les élus des communes qui
perçoivent ces impôts locaux doivent alors répondre
à des demandes et logiques plus urbaines que dans les communes plus
éloignées des agglomérations, notamment en terme de
service à la population et de cadre de vie (écoles,
infrastructures sportives et culturelles...). Les communes à dominante
plus rurale n'ont pas la même capacité financière, elles
sont moins peuplées et les impôts locaux sont moindres, elles ont
donc la nécessité de trouver d'autres ressources, notamment la
taxe professionnelle. Ces communes recherchent donc à maintenir ou
développer les activités économiques présentes sur
leur territoire.
Les élus de ces deux types de commune travaillent
ensemble dans de nombreuses structures intercommunales et leurs
intérêts divergent souvent. Ils ont donc des difficultés
à s'entendre sur les objectifs et priorités à
définir pour ces structures. Les communes à dominante rurbaine
ont un poids plus important en terme de population et de finance que les
communes plus rurales et plus éloignées des
agglomérations. De ce fait, les élus ruraux ont moins de pouvoir
de décision et s'imposent moins dans les négociations. Il en
résulte des décisions prises dans des logiques urbaines avec des
intérêts de satisfaction de la population rurbaine en terme de
services et de cadre de vie. Ainsi, les territoires plus ruraux sont bien
souvent défavorisés dans les structures intercommunales et ne
bénéficient pas toujours des avantages présupposés
de l'intercommunalité.
De plus, le « présidentialisme
municipal » comme on l'évoquait plus haut, ne rend pas la
tache facile. En effet, comme les acteurs rencontrés l'ont souvent
souligné, certains maires ont du mal à accepter les projets dont
ils ne sont pas les protagonistes. Une structure extérieure au massif
comme Mountain Wilderness qui leur propose un projet leur pose problème.
Leur première réaction est donc souvent de rejeter les projets
venant de l'extérieur, ce fut le cas pour Butiner lorsqu'une demande de
subvention leader + fut demandée pour mettre en place le projet sur le
massif. On ne peut que le regretter.
La superposition des échelles administratives et
institutionnelles est source d'une grande incompréhension de la
société civile. En effet, comme le montre le schéma
ci-dessous, les structures sont nombreuses et le citoyen s'y perd.
Figure 26: Les différentes structures
administratives présentent sur le massif de Belledonne et la
vallée du Grésivaudan,
source : www.gresivaudan.com
Savoie (73)
Savoie (73)
Isère (38)
Isère (38)
Le massif de Belledonne :
un territoire d'action complexe tant par sa
géographie que par ses institutions administratives.
Chambéry
L
E
G
E
N
D
E
Massif de Belledonne
Vallée du Grésivaudan
Massif de la Chartreuse
Isère
A 41
Agglomérations
Communauté de Communes des Balcons de Belledonne
Limite départementale
Pays du Grésivaudan
Espace Belledonne
Grenoble
Figure 27 : Le massif de Belledonne :
un territoire d'action complexe tant par sa géographie que par ces
institutions administratives, source : Marie
Jaouen
Une rencontre avec un élu du massif en 2006 a pu nous
éclairer sur l'origine de certains blocages. Le nom anglais de
l'association et ses positions parfois tranchées sur les loisirs
motorisés ou plus souples sur les grands prédateurs n'ont pas
été vus d'un bon oeil par tous les acteurs du massif. En effet,
l'association étant, jusque là, surtout perçue comme
« contre » les projets, certains acteurs du territoire ont
réagi avec méfiance à la proposition de mise en place de
Butiner sur le massif de Belledonne.
Elus, professionnels du tourisme ou non, associations,
techniciens... acteurs du territoire ou non, nombreuses sont les personnes
concernées par un projet. Chacun d'entre eux a des intérêts
précis dans la conduite d'un projet et ceux-ci divergent parfois. Bien
étudier les jeux d'acteurs avant de mettre en place un projet sur un
territoire donné est donc primordial.
Cependant, il est aussi et surtout important de réunir
toutes les catégories d'acteurs (après les avoir
rencontrés individuellement). En effet, il semble que nombre de freins
à la mise en place de Butiner sur le massif de Belledonne soient dus
à une lacune de communication. La démarche de Mountain Wilderness
a très certainement été mal comprise. Plusieurs
catégories d'acteurs ont perçu la démarche comme
déplacée puisqu'elle venait d'un acteur extérieur au
territoire. La méfiance développée par certain est
très certainement issue d'une ignorance ou d'une méconnaissance
des volontés de Mountain Wilderness quant à ce projet. La
mobilisation des acteurs de Belledonne en a légèrement
pâti.
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