Université des Sciences sociales Toulouse
I
La politique étrangère
américaine à l'épreuve des évènements du 11
septembre 2001 :
le cas irakien
Mémoire de MASTER de Relations Internationales
Présenté par Mr MAMADOU DIA
Directeur de recherche Mr Thomas Lindemann
Août 2005
La politique étrangère
américaine à l'épreuve des évènements du 11
septembre 2001 :
le cas irakien
REMERCIEMENTS
Mes vifs remerciements vont à mon professeur
encadreur Mr Thomas Lindemann. Ses conseils judicieux, ses critiques positives
m'ont aidés à surmonter les difficultés de ce travail. Si
j'ai pu mener ce travail à son terme, c'est aussi grâce à
un petit cercle de proches qui étaient à mes
côtés.
A mes parents, je voudrai leur dire qu'ils m'ont
inculqué certaines valeurs non étrangères à ce
travail. Enfin, je l'offre à toute ma famille.
A mon père Amadou Moustapha
SOMMAIRE
Première PARTIE : Le 11 Septembre où
la vulnérabilité des Etats-Unis mis à nu
CHAPITRE I: Day of infamy
Section I: Les failles des services de renseignement
américain
Section II : Le Patriot Act : Vers une restriction
des libertés aux USA ?
CHAPITRE II : La guerre contre les
terrorisme : « l'axe du mal » ou comment se
trouver de nouveaux ennemis
Section I : De l'Afghanistan à l'Irak : un
calendrier militaire chargé
Section II : Une guerre sans fin contre « l'axe
du mal »
Deuxième partie : La nouvelle
stratégie nationale de sécurité de l'administration Bush
et ses implications sur le terrain
CHAPITRE I : L'unilatéralisme
américain ou l'assumation de la puissance
Section I : La guerre en Irak : seul contre tous
Section II : la doctrine de guerre préventive
CHAPITRE II : Un an après la guerre en
Irak, le monde est-il pour autant plus sûr ?
Section I : l'Irak : une exception ou
première étape dans la généralisation de la guerre
préventive
Section II : La guerre préventive, futur mode de
règlement des affaires internationales
Conclusion
Introduction
Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis subissent la plus grave
attaque terroriste* jamais enregistrée sur leur sol. Les
américains viennent de découvrir que leur pays, longtemps
considéré comme un sanctuaire inviolable, ne l'était pas
vraiment. Al Qaïda vient de transposer sur le territoire américain
une guerre déjà commencée depuis des années sous
d'autres cieux. En effet dès 1993, la ville de New York fut la cible de
terroristes égyptiens sous la houlette de Ramzi Youssef de son vrai nom
Abdoul Basit Balochi 1(*) et
du cheikh Abdel Rahman. Ces actions considérées comme une forme
de répétition générale par certains 2(*) seront suivies par d'autres
actes terroristes notamment par les attentats contre les ambassades
américaines en Tanzanie et au Kenya, en Afrique, dont le nombre de
victimes à dépassé 200 morts.
Ce 11 septembre, devant les caméras du monde entier, le
monde est saisi d'effroi par des images venues d'ailleurs d'avions
bourrés de kérosène s'encastrant dans les tours jumelles
du World Trade Center de New York, les Twin Towers (icône du
capitalisme triomphant). La capitale fédérale américaine
n'est pas non plus épargnée car un avion s'est
écrasé sur le Pentagone, le ministère de la
défense, bâtiment longtemps considéré comme une
forteresse imprenable (centre névralgique de la puissance
américaine) tandis qu'un quatrième s'abattait dans un champ en
Pennsylvanie. Cela finit de convaincre les sceptiques qu'un cran a
été franchi dans la lutte du terrorisme contre l'occident.
Les Etats-Unis viennent de connaître la plus grave
attaque terroriste* sur leur territoire depuis la fin de la guerre de
sécession. Ces évènements marquent un tournant capital
dans l'évolution des Etats-Unis et de l'humanité. L'ampleur des
pertes en vie humaines - les plus importantes de toute l'histoire des
Etats-Unis - et les dégâts matériels - plusieurs milliards
de dollars - atteste de la gravité du désastre. Comme le rappelle
Alain Dieckoff, ces évènements « marquent
incontestablement une césure dans la marche du monde ».
En effet, dit-il « avec eux, apparaît une menace nouvelle,
celle du terrorisme extrême, pratiqué par des réseaux
transnationaux, dotés d'une capacité de destruction massive mise
au service d'une hostilité sans borne de
l'Occident »3(*). Cela n'empêchera pas Olivier Roy de la
qualifier « d'attentat classique » car ayant
été commis par des kamikazes comme les attentats de 1983 et de
1984 contre les Français et les Américains au Liban.4(*) Pour lui, la nouveauté
n'est pas dans le type de terrorisme mais la nouvelle menace terroriste,
redoutée par les analystes, consisterait dans la privatisation d'armes
de destruction massive (ADM), c'est-à-dire leur usage par des groupes
non étatiques.
Cet acte sans précédent appelle néanmoins
plusieurs réflexions. D'abord une nouvelle donne entre alors dans le
concert complexe des relations internationales : les Etats-Unis ne sont
plus le sanctuaire inviolable qui a pendant longtemps fait que ce pays n'a pas
été victime d'acte de terrorisme international sur son sol.
Ensuite, un cran a été franchi par le terrorisme
international. N'en déplaise à Olivier Roy, pour autant qu'ils
demeurent « classiques » ces actes constituent une
nouvelle forme de guerre. En effet, peu d'entre nous, pour ne pas dire
personne, pensaient qu'un tel acte, par la manière de l'exécuter,
pouvait se réaliser un jour.
Le soir même, cette phrase de Georges W Bush
« nous ne ferons aucune différence entre les terroristes
et ceux qui les hébergent » permet de mieux comprendre,
aujourd'hui, la volonté des Etats-Unis d'en découdre avec ceux
qu'ils considèrent comme étant des soutiens des terroristes. Les
Talibans en Afghanistan allaient, les premiers, faire les frais de cette
politique en étant chassés du pouvoir suite à une campagne
de bombardement. La raison est leur soutien public à Oussama Ben Laden,
accusé par l'administration américaine d'être
derrière ces actes du 11 septembre. En mars 2003, l'Irak à son
tour est attaqué en raison cette fois, des liens qui unissent selon
l'administration Bush, Saddam Hussein et Al Qaïda mais surtout à
cause de la détention par le maître de Bagdad d'armes de
destruction massive. Pour des raisons d'organisation du travail, la guerre
contre les talibans ne sera pas au centre de notre réflexion. En effet,
sous l'angle de la problématique que nous nous proposons
d'étudier et sur laquelle nous reviendrons, cette guerre est totalement
différente de celle d'Irak, les Etats-Unis étant dans leur droit
de riposter après ce qu'ils ont vécu.
Pour mieux apprécier l'évolution de la politique
étrangère américaine après le 11 septembre, nous
avons décidé de nous pencher sur la guerre menée par la
coalition américano-britannique contre l'Irak. Ce conflit, fait contre
l'assentiment de la grande partie de l'opinion publique internationale et dont
les conséquences se font encore voir tous les jours, est l'application
sur le terrain de la nouvelle doctrine américaine de guerre
préventive stipulée dans le discours de Georges W Bush en
septembre 2002 :
« Le plus grave danger pour
notre Nation est l'alliance de l'extrémisme et de la technologie. Nos
ennemis ont clairement déclaré qu'ils cherchent à se doter
d'armes de destruction massive et il y a des preuves qu'ils y travaillent avec
détermination. Les Etats-Unis ne permettront pas à ces efforts de
réussir. Nous construirons des défenses contre des missiles
balistiques et d'autres vecteurs. Nous coopérerons avec d'autres pays
pour empêcher nos ennemis d'acquérir des technologies dangereuses.
Et, parce que c'est le bon sens même et qu'il s'agit
d'autodéfense, l'Amérique agira contre de telles menaces
émergeantes avant même qu'elles ne soient prêtes à
nous frapper. Nous ne pouvons défendre l'Amérique et nos amis en
nous contentant d'espérer que tout ira bien. Nous devons donc être
prêts à contrer les plans de nos ennemis, à utiliser les
meilleurs renseignements dont nous disposons et à agir de manière
volontariste. L'Histoire jugera sévèrement ceux qui ont vu venir
ce nouveau danger sans réagir. Dans le monde qui commence, la seule voie
vers la paix et la sécurité est celle de
l'action »5(*).
La mise en oeuvre de cette doctrine qui est au centre de
l'action menée par l'armée américaine en Irak pose
évidemment des problèmes dans l'organisation et la gestion des
affaires du monde : un pays peut-il unilatéralement décider
dans un monde où le multilatéralisme est prôné par
le reste du monde, de faire la guerre sur des suppositions ou sur la crainte de
revivre des actions terroristes ? La réponse venant du
président américain ne laisse pas de place au doute :
« Nous agirons directement et sans aucune
interruption, avec tous les moyens de notre propre puissance et celle des
autres pays. Nous commencerons par nous occuper des organisations terroristes
internationales, ainsi que des états terroristes ou soutiens du
terrorisme qui tentent de se doter d'armes de destruction massive ou de moyens
de les construire ». 6(*)
Plusieurs millions de personnes dans le monde ne partagent pas
cette conception des relations internationales et s'y opposent de façon
bruyante. Au plus haut niveau, les présidents français Chirac,
Russe Poutine et le Chancelier allemand Schröder relaient cette opposition
de l'opinion créant une véritable crise entre leurs pays et les
Etats-Unis.7(*) Cette
opposition atteint son sommet en février 2003 au Conseil de
sécurité de l'Onu où le ministre français des
affaires étrangères Dominique de Villepin se fait le chantre du
multilatéralisme honni par les faucons en place à la
Maison-Blanche.8(*)
PROBLEMATIQUE
Dans ce travail, il ne s'agit pas de raconter les
péripéties de la journée du 11 septembre ou de revenir sur
le déroulement des opérations militaires en Irak. Notre ambition
est de montrer que le 11 septembre, avec le terrible choc qu'il a causé
dans l'esprit des Américains, a permis à l'administration de
Georges W Bush de conduire une politique agressive à l'encontre de
l'Irak en jouant sur la peur des armes de destruction massive, en somme montrer
que le 11 septembre est un « accélérateur »
dans la volonté des « faucons » de terminer le
travail commencé en 1991 avec la guerre du Golfe. Selon plusieurs
observateurs9(*), quelque
soient les décisions prises par les autorités irakiennes en vue
d'autoriser les inspections de l'ONU afin d'éviter une éventuelle
guerre contre leurs pays, rien n'y échapperait : la guerre aura
lieu. Selon Eric Maurice, la guerre contre le terrorisme constitue le
soubassement de ce conflit :
« Après le
11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan et le
démantèlement des bases d'Al Qaïda ont constitué
l'objectif principal des Etats-Unis. Mais, en janvier dernier, une fois les
talibans chassés de Kaboul et Ben Laden disparu quelque part entre
l'Afghanistan et le Pakistan, Saddam Hussein est revenu sur le devant de la
scène, protagoniste de «l'axe du Mal» de George Bush aux
côtés de l'Iran et de la Corée du Nord. Le but :
profiter de la guerre contre le terrorisme pour mettre en oeuvre le grand
dessein des faucons. Le gouvernement envisageait initialement une confrontation
avec Saddam Hussein cet automne, une fois qu'il aura monté un dossier
aux Nations unies prouvant que le leader irakien refuse les inspections»,
écrivait «The New York Times» fin avril. «De hauts
responsables reconnaissent maintenant qu'une offensive sera probablement
repoussée au début de l'année prochaine, pour se donner le
temps de créer les bonnes conditions militaires, économiques et
diplomatiques .La détention de ces armes par Saddam Hussein et
l'usage qu'il s'apprêterait à en faire est au coeur de la raison
officielle du déclenchement du conflit »1(*)0.
Nous nous appesantirons aussi sur la conception
unilatéraliste des affaires du monde de l'administration Bush en
essayant de mieux connaître ces « faucons » et leurs
liens avec le monde pétrolier. Avec Dick Cheney ancien de Halliburton
première compagnie fournisseur de matériels pétroliers,
Condoleeza Rice venant de Chevron, Georges W Bush lui-même ancien
dirigeant de compagnie pétrolière au Texas, il faut
reconnaître que les intérêts pétroliers sont bien
représentés à la Maison-Blanche. Et comme l'Irak
détient les deuxièmes réserves mondiales de
pétrole, il serait intéressant, au delà des discours
officiels, d'analyser cette composante pétrolière qui est un
élément essentiel de la politique de Georges W Bush.
Donc notre travail est divisé en deux parties :
dans la première, nous essayerons de montrer que le 11 septembre,
au-delà du fait de montrer la vulnérabilité des Etats-Unis
face à des actions pareilles, a permis à ce pays de se faire de
nouveaux ennemis à travers « l'axe du mal » et de
satisfaire le complexe militaro-industriel au plan budgétaire.
La deuxième partie est consacrée à cette
nouvelle stratégie de sécurité définie par Georges
W Bush et son corollaire : l'unilatéralisme. On
s'intéressera aux conséquences de cette politique notamment sur
les relations euro atlantiques et dans le monde arabe. Enfin, il nous semble
important aujourd'hui, de faire un petit bilan de cette politique en Irak un an
après la chute de Saddam : cette volonté américaine
d'instituer la démocratie, au pire par la force est-elle viable ?
Peut-on imposer sa volonté même en étant animé de
bonnes intentions ? Bref la guerre en Irak, avec la manière dont
elle fut déclarée, est-elle une exception où le point de
départ d'un grand bouleversement des relations internationales où
les puissants n'auront aucune limite, surtout si d'autres Etats
présentent les mêmes caractéristiques (détention
d'armes de destruction massive) ? Cet exemple peut-il être
utilisé contre « l'axe du mal » où figure,
entre autre, la Corée du Nord détentrice de l'arme
nucléaire ?
PREMIERE PARTIE : Le 11 septembre où la
vulnérabilité des Etats-Unis mis à nu
PREMIERE PARTIE : Le 11 septembre où la
vulnérabilité des Etats-Unis mis à nu
Même si pour certains auteurs les
évènements du 11 septembre ne constituent pas une césure
dans le jeu des relations internationales comme le fut la chute du mur de
Berlin 1(*) , il n'en
demeure pas moins que ces attentats, par leur portée médiatique
et leurs conséquences politique et militaire dans le jeu des relations
internationales marqueront à coup sûr notre époque.
« Le 11 septembre 2001 est un tournant dans l'histoire politique de
la puissance » dira à cet effet Zbigniew Brzezinski.2(*) Par sa nature, le 11 septembre
nous a fait entrer dans une ère nouvelle du terrorisme. En effet, comme
l'affirme Sergio Romano, « il existe désormais dans la
guerre moderne un nouveau front sans tranchées ni positions militaires,
où l'ennemi ne porte pas d'uniforme et où l'action est d'autant
plus efficace que les règles des conflits conventionnels ne sont pas
respectées »3(*).
Dans ces formes de guerre, le soldat est devenu un terroriste
qui se meut dans la société ennemie et frappe la population
civile. L'exemple algérien, le conflit israélo-arabe, le conflit
tchétchène etc. sont autant de cas qui révèlent la
difficulté des gouvernants à faire face à ce type de
conflit ce qui ne leur permet pas d'échapper à
d'éventuelles critiques si les mesures prises ne semblent pas être
efficaces4(*). Dans un
article, le journal Le Monde déclare que Richard Clarke, un des
membres de l'administration Bush5(*) avait aussi plaidé en 2001 pour une aide
militaire secrète à l'opposition aux Taliban en Afghanistan mais
que la conseillère pour la sécurité nationale, Condoleeza
Rice, a refusé d'entériner dans l'immédiat cette
proposition, suggérant de procéder à un examen plus large
et aussi plus long des options pour répondre à la menace d'Al
Qaïda. « La proposition de M. Clarke n'a été
soumise au président Georges W Bush que quelques semaines avant les
attentats du 11 septembre »6(*).
CHAPITRE I : L'administration Clinton et le voeu
des « faucons » d'en découdre ?
SECTION I : 11 septembre : exploitation par
l'administration Bush ?
Quel bilan laissent finalement les deux administrations
Clinton ? L'Amérique de janvier 1993 ne manquait pas d'atouts, ni
de défis à relever. Pour la première fois de l'histoire,
elle jouissait d'une position dominante incontestée et le système
démocratique et capitaliste auquel elle s'identifiait
bénéficiait d'une nouvelle légitimité. A
l'extérieur, sa nouvelle hégémonie risquait de la pousser
à abuser de sa suprématie. Le défi étant pour le
nouveau président des Etats-Unis à parvenir à transformer
une prééminence dont, avec le temps, les fondements seraient
contestés en un leadership ralliant, outre le peuple américain,
un maximum d'amis ou d'anciens ennemis derrière un nouvel ordre pour les
prochaines années. N'a-t-il pas
déclaré : « Notre politique doit oeuvrer
dans deux directions. D'abord en faisant face aux défis immédiats
lancés à nos intérêts par les Etats voyous, par les
explosions soudaines de haines ethniques, raciales et religieuses, par les
crises à court terme, et ensuite, en effectuant des investissements
à long terme dans la sécurité, la
prospérité, la paix et la liberté qui pourront
empêcher ces problèmes de simplement
apparaître ».7(*) Dans cette optique, l'Administration n'hésita
pas à envisager des opérations limitées et à rompre
avec la doctrine très restrictive à laquelle, à son
arrivée, le nom de Colin Powell était accolé. Elle refusa
donc l'idée que tout engagement devrait être massif et comporter
un dispositif clair de sortie.
Le 26 janvier 1998 - bien avant la guerre contre le
terrorisme » - un groupe d'amis politiques, conservateurs, adressait
une lettre ouverte au président Clinton. Constatant que
« la politique américaine actuelle à l'égard
de l'Irak est stérile », les signataires
suggéraient une nouvelle stratégie dont « le but
serait, avant tout, de renverser le régime de Saddam
Hussein », ce dernier menaçant « les
troupes américaines dans la région, nos amis et alliés
comme Israël, les Etats arabes modérés et une partie
significative de l'offre mondiale de pétrole ». Au nom de
« la sécurité du monde dans la première
moitié du XXIè siècle », les auteurs
appelaient à « l'action
militaire ».8(*)
Cette conception selon laquelle le 11 septembre n'a servi que
de prétexte pou la mise en oeuvre d'une politique établie
longtemps en avance est partagée par Stanley Hoffmann qui
déclare : « le président a trouvé
dans ces actes criminels non seulement la raison d'être qui avait
manqué jusqu'alors à son administration, mais un levier qu'il a
pu utiliser pour accroître sa puissance et celle de son
pays »9(*).
Pour arriver à cette solution, poursuit-il, la technique que
l'administration Bush a utilisée de la façon la plus brillante
est ce qu'il appelle « la manipulation de la
peur »10(*)
en déclarant que les Etats-Unis étaient en guerre,
d'étendre cette guerre aux Etats qui soutenaient les terroristes ou leur
donnaient asile tel que l'Afghanistan, et de soutenir qu'il y avait un lien
intime entre les terroristes islamistes et les « Etats
voyous » que sont l'Iran, l'Irak ou encore la Corée du Nord.
En portant un coup brutal à l'âme même de l'Amérique,
les terroristes islamistes ont validé, de la manière la plus
dramatique, les fantasmes hobbesiens et manichéens de la
représentation néo-conservatrice du monde déclare sans
ambages Alexis Debat11(*).
De son côté, le financier Georges Soros enfonce
l'administration Bush : « Je prétend que
l'administration de M. Bush a sciemment exploité les
évènements du 11 septembre pour s'engager dans une voie politique
que la population américaine n'aurait pas acceptée en d'autres
circonstances »12(*) alors que pour Ignacio Ramonet, ces
évènements sont une aubaine pour les hommes entourant Georges
Bush en leur « restituant un donnée stratégique
majeure dont l'effondrement de l'Union soviétique en 1991 les avait
privés depuis dix ans : un adversaire »13(*). En 1987, un conseiller de
Mikhaïl Gorbatchev Gueorgui Arbatov annonçait à ses
interlocuteurs américains : « Nous allons vous
rendre le pire des services : vous priver d'ennemi ».14(*) Aurait-il pu penser qu'elle
allait être, en fin de compte, à la fois confirmée et
infirmée par les évènements ? Dans l'esprit d'Arbatov
pense savoir Boniface, il s'agissait simplement de proclamer que la
« perestroïka » lancée par Mikhaïl
Gorbatchev allait mettre fin à la rivalité
soviéto-américaine et lui substituer une véritable
politique de coopération.15(*)
Donc le 26 janvier 1998, 3 ans avant le 11 septembre, des
hommes de l'actuelle administration avaient pensé à se
débarrasser du dictateur irakien alors que pour l'administration
Clinton, l'objectif premier est de « contenir Saddam dans sa
boîte »16(*). Dans leur lettre, les néo-conservateurs
contestent cette politique de « containment » qui, à
leurs yeux a montré ses limites. « Nous ne pourrons plus
longtemps compter sur nos alliés de la coalition de la guerre du Golfe
pour faire respecter les sanctions de l'ONU et empêcher Saddam de bloquer
le travail des inspecteurs (...). Si nous acceptons cette situation de
faiblesse, nous mettons nos intérêts et notre avenir en
danger ».17(*)
Cette différence de perception dans la mise en oeuvre
de la politique étrangère a commencé dés
l'arrivée de Clinton à la Maison-Blanche lorsque ce dernier s'est
vu reprocher de porter attention à des parties du monde qui
n'étaient pas essentielles pour les intérêts
stratégiques des Etats-Unis. Ces critiques sont balayées d'un
revers de mains par Madeleine Albright qui les considèrent comme
injustes arguant que l'administration à laquelle elle appartient
s'emploie à traiter les dossiers prioritaires comme renforcer les liens
avec les alliés européens et asiatiques, établir des
rapports nouveaux avec la Russie, oeuvrer pour la paix au Proche-Orient ou
encore rechercher des appuis pour un accord de libre-échange avec le
canada et le Mexique18(*)
toute chose qui va à l'encontre des idées des
néo-conservateurs qui prônent la défense des
intérêts des Etats-Unis.
Le récit de Richard Clarke19(*) le jour de attentats
achève de montrer que l'administration Bush avait déjà
réfléchi sur les coupables qui allaient payer. Selon Clarke, dans
la soirée du 12 septembre, il rencontre le Président Bush qui a
« manifestement une idée en tête »
dit il. « Ecoutez, lui dit le Président Bush, je
sais que vous avez des tonnes de choses à faire mais je veux vous voir
tous (...) tout repasser au peigne fin depuis le début, voir si
Saddam est à l'origine de tout ça. Voir s'il y est lié
d'une manière ou d'une autre ». Ce à quoi, Clarke
répond : « Mais M. le Président, c'est Al
Qaïda... ». « Je sais, je sais mais voyez
quand même si Saddam n'est pas dans le coup (...) »
rétorque le Président Bush. Devant l'insistance de Clarke qui lui
rappelle que des recherches avaient déjà été faites
afin de savoir qui finançait la nébuleuse terroriste et qu'en
aucun cas, le nom de l'Irak n'est apparu, Bush lui
assène : « Cherchez du côté de
l'Irak de Saddam » entraînant ce commentaire de Lisa
Gordon-Hagerty, une conseillère : « Wolfowitz lui a
bourré le mou ». Cet échange entre le chef de
l'exécutif américain et celui qui est chargé de coordonner
la lutte anti-terroriste n'est que le dernier avatar d'une lutte féroce
dans l'administration entre ceux qui veulent s'en prendre à l'Irak et
ceux qui ne comprennent pas le besoin de s'en prendre à d'autres
à la place des vrais coupables.
Le second exemple vient d'une réunion du PC
opérationnel de la Maison-Blanche en Avril 2001, 5 mois avant le 11
septembre lors d'une opposition avec Paul Wolfowitz l'actuel secrétaire
adjoint à la Défense et un des théoriciens de l'aile dure
de l'administration Bush.
A Clarke qui demandait qu'on mette la pression à la
fois sur les Talibans et sur l'Afghanistan en armant l'alliance du Nord, mais
aussi sur Ben Laden en reprenant les vols du Predator, Wolfowitz affirme :
« Je ne comprends pas pourquoi on commence à parler de ce
Ben Laden il y a d'autres terrorismes notamment le terrorisme
irakien ». Malgré les objections de Clarke pour qui,
aucune menace terroriste en provenance d'Irak n'est en sa possession, ni en
celle du FBI et de la CIA ce qui a été confirmé par John
Mc Laughlin Directeur adjoint de la CIA à l'époque (mais qui a
remplacé Georges Tenet après la démission de celui-ci).
Wolfowitz lui rétorque : « Le fait que le FBI et
la CIA ne soient pas parvenus à établir des liens ne signifie pas
qu'il n'y en a pas ».
Même si sur le fond Wolfowitz n'a pas tort, on peut
alors légitimement se poser des questions sur l'efficacité voire
le rôle des grands organes de service américain lesquelles
questions ont atteint le paroxysme lors de l'après guerre en Irak avec
le problème des rames de destruction massive. Lors de sa comparution le
24 mars devant la commission nationale enquêtant sur les attaques
terroristes du 11 septembre, et dans un entretien d'une heure durant le
programme d'information de la chaîne NBC - Meet the press du 28 mars -
l'ancien responsable de l'anti-terrorisme de l'administration Bush, Richard
Clarke, a réitéré ses accusations quant à la
sous-évaluation par l'administration Bush de la menace d'attaques
terroristes venant d'Al Qaïda jusqu'aux détournements d'avions et
à leur chute sur le Pentagone et sur le World Trade Center, et aussi
quant à l'utilisation de ces attaques comme prétexte pour mettre
en application des plans d'invasion de l'Irak prévus de longue date.
Les accusations de Clarke sont exposées dans son livre
récemment paru, Against All Ennemies.20(*) Une ribambelle de
représentants officiels de l'administration, de leaders
Républicains au Congrès et d'experts médiatiques de droite
ont contesté vivement les affirmations de Clarke, sans pour autant
fournir de réfutation des faits exposés par celui-ci. Pas plus
qu'ils n'ont pu justifier pourquoi l'ancien assistant du président en
charge du contre-terrorisme, qui est officiellement membre du Parti
Républicain, voudrait détruire la crédibilité
politique de Bush sur le point précis sur lequel le président
Bush a largement basé sa campagne de réélection,
c'est-à-dire sa gestion de la « guerre à la
terreur ».21(*)
Les accusations de Clarke attirent l'attention sur la question
politique la plus explosive : la connexion entre les attaques terroristes
du 11 septembre 2001 et la décision de l'administration Bush de
déclarer la guerre à l'Irak. Clarke lie explicitement et à
plusieurs reprises l'inaction de l'administration Bush, avant le 11 septembre
et à propos de la menace d'attaques d'Al Qaïda, avec son obsession
de l'envahissement de l'Irak. Il maintient que le consensus au sein des agences
de renseignement américain était que l'Irak n'avait aucun lien
avec les attaques terroristes du 11 septembre, et dénonce la guerre en
Irak comme une déviation de « la guerre à la
terreur » et comme une gaffe stratégique qui a enflammé
le monde musulman et a renforcé politiquement Al Qaïda.
Avec 30 ans d'expérience dans les agences de
sécurité nationale américaine, incluant des postes
stratégiques sous les administrations Reagan, Bush père et
Clinton avant de servir Bush fils, Clarke n'est pas un dissident anti-guerre.
Il est un défenseur impitoyable d'actions militaires directes ou
discrètes au service des intérêts américains rendant
ainsi son témoignage contre l'administration Bush
dévastatrice.
A la fois dans sa déclaration devant la
« commission du 11 septembre » et dans l'entretien
télévisé du 28 mars, Clarke a mis en exergue la
différence entre l'approche de l'administration Clinton face à
une croissance de la menace terroriste et celle de l'administration Bush dans
des circonstances similaires.22(*)
Dans la période précédant les
célébrations du nouveau millénaire en Décembre
1999, les services de renseignement américains ont rapporté un
accroissement dramatique des interceptions de communication menaçante
mettant en cause Al Qaïda. A la demande de Clinton, son conseiller
à la sécurité nationale, Samuel Berger, participa à
des réunions quotidiennes avec les plus hauts dignitaires des agences de
sécurité, incluant les dirigeants de la CIA et du FBI, pour
suivre les efforts entrepris pour devancer une attaque planifiée pour la
Saint Sylvestre contre l'aéroport de Los Angeles, quand les membres
opérationnels d'Al Qaïda enrôlé dans cette action
avaient été arrêtés dans leur tentative de franchir
la frontière américano-canadienne prés de Vancouver,
British Columbia.
Clarke insiste sur le fait que si un effort d'une
intensité similaire avait été mise en oeuvre durant
l'été 2001, quand les services de renseignement ont
commencé à nouveau à intercepter un nombre croissant de
messages sur des menaces d'Al Qaïda, les attaques du 11 septembre auraient
pu être perturbées ou empêchées.
Une grande part de l'attention des médias sur ce
témoignage a concerné une série de réunions et
d'échanges de mémorandum entre les officiels de la Maison-Blanche
durant les premiers mois de 2001, et sur les différences
supposées entre les déclarations de Clarke alors qu'il
était le conseiller de Bush et ses déclarations actuelles. Mais
Clarke insiste sur le fait que l'administration a traîné les
pieds, bureaucratiquement, et que cela a eu des conséquences
réelles sur les efforts en vue de prévenir une attaque terroriste
sur le sol américain.
SECTION II : Failles des services de renseignement
Au lendemain des attentats du 11 septembre, la mise en cause
des services de renseignement américain est établie,
accusés de n'avoir pas pu ou su empêcher l'exécution de ce
projet. Ces failles, les autorités américaines le reconnaissent.
Ainsi, l'explication donnée par Donald Rumsfeld est que pendant des
décennies, l'appareil de renseignement a été conçu
et développé pour traiter les problèmes de la guerre
froide et que les Etats-Unis étaient concentrés sur les pays du
Pacte de Varsovie, en s'efforçant de dénombrer leurs moyens -
navires, canons, chars, avions - afin de comprendre leurs adversaires et la
nature de la menace.
Mais cette époque est révolue et l'Union
soviétique n'existe plus. Les cibles sont désormais multiples,
beaucoup plus complexes et disséminées à la surface du
globe. A la fin de la guerre froide, il y eut un relâchement des tensions
et un accroissement des échanges mondiaux de technologies, y compris
d'armes très puissantes et de missiles. « Nous devons en
prendre conscience et conserver la trace de ces armes qui mettent en
péril les peuples libres » déclare Rumsfeld ajoutant
que le département de la Défense a mis au point, ces derniers
mois, une nouvelle stratégie : il ne s'agit plus seulement de
s'occuper de menaces spécifiques - nord coréenne, irakienne,
etc.- mais de se réorienter vers l'examen des diverses capacités
qui, de par le monde, sont susceptibles de mettre en péril les
intérêts américains. La prolifération aidant, ces
technologies sont désormais présentes en de nombreux points du
globe. En outre, les technologies à usage dual et les communications par
fibre optique compliquent singulièrement la tâche.
Le rapport final de la Commission d'enquête sur le 11
septembre prône « la nécessité de
restructurer la communauté du Renseignement » en
insistant sur l'importance d'une analyse intégrée et multisources
sans laquelle « il est impossible de relier les
points »23(*). D'ailleurs ce rapport reconnaît que cette
nécessité de changement découle de six problèmes
apparus avant et après le 11 septembre :
· Existence de barrières structurelles s'opposant
aux performances du Renseignement conjoint; aucune des composantes ne
détient à elle seule toutes les informations pertinentes.
· Manque de normes et de pratiques communes dans le
cloisonnement étranger-domestique impliquant le besoin d'unifier
l'information collectée à l'étranger avec celle
collectée aux Etats-Unis.
· Gestion morcelée des moyens du Renseignement
national.
· Faible capacité à établir les
priorités et à réattribuer les ressources, les agences
étant organisées en fonction de ce qu'elles collectent et de la
façon de collecter
· Trop de fonctions pour le directeur du Renseignement
central qui en a trois : CIA, gestion de la confédération
des agences qui forment la communauté du Renseignement, analyste en chef
du gouvernement conseillant le président en sa qualité de
principal conseiller au renseignement.
· Les 15 agences ou branches d'agences sont trop
complexes, trop secrètes. La communauté et les pouvoirs du
directeur du Renseignement central sont devenus opaques, accessibles uniquement
aux initiés après approfondis.24(*)
A - Négligence ou
suffisance ?
La présence de cette menace diffuse explique la
redéfinition de la stratégie nationale de sécurité
afin de pouvoir organiser, entraîner et équiper les forces en
fonction de leurs capacités virtuelles, plutôt que d'une menace
spécifique et tangible émanant de tel ou tel pays ou
entité géographique.25(*)
Si comme le reconnaît Donald Rumsfeld des
précautions avaient été prises, comment se fait-il alors,
que les services de renseignement américains et, plus largement,
occidentaux, n'aient rien vu venir ? La réponse vient de
François Heisbourg qui distingue deux catégories de
prévisions. La première concerne le projet d'un Etat ou d'une
organisation. L'attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941,
n'était pas surprenante en tant que telle. Les Japonais nourrissaient un
projet expansionniste qu'ils avaient commencé à mettre en oeuvre,
dés le début des années 30, en Mandchourie. La
surprise fut générale.
Pour Heisbourg, il semblerait que les services
américains se soient davantage intéressés aux risques
d'actions terroristes contre des intérêts américains
situés hors des Etats-Unis. Ben Laden, volontairement ou non, les a
encouragés dans cette voie par le choix de ses cibles en 1998 et en
2000 : les ambassades au Kenya et en Tanzanie, puis le navire USS
Cole.26(*)
B- Facteurs technique et
humain : déséquilibre dans l'orientation du
budget
L'autre hypothèse défendue par les experts du
renseignement est que la défaillance des services de renseignement
s'explique aussi par une faiblesse du renseignement humain, relativement
négligé par rapport aux moyens de surveillance et d'écoute
électronique.
Les Américains dépensent des fortunes pour leurs
services de renseignement, de l'ordre de 30 milliards de dollars par an, dont
la plus grande partie est absorbée par la technique, notamment les
moyens d'écoute spatiale.27(*) Est-ce que l'arbitrage a été mal
fait ? Le réseau Echelon est destiné à écouter
la quasi-totalité du trafic électronique, analogique ou
numérique. Il brasse des quantités de données, qui sont
traitées électroniquement. A trop mettre l'accent sur le
renseignement économique et technologique, les Etats-Unis ont fini par
oublier la hiérarchie des priorités.28(*)
Oleg Kalougine officier du KGB prononce un verdict
martial : « La CIA, à l'image des Etats-Unis et
de l'Occident, a eu le sentiment d'avoir triomphé, d'avoir gagné
la guerre froide. Résultat, ils ont cessé d'être vigilants
et l'ennemi a surgi de l'autre côté.» 29(*)
Donc il est clair que le renseignement américain n'est
pas riche en source d'information à l'intérieur du cercle
rapproché de Ben Laden, ni même, en l'occurrence, d'Al Qaïda
en général. Il devient également clair que le
renseignement américain ne disposait pas de suffisamment d'atouts
à l'intérieur de l'Irak. Cette absence de capacité
à faire du renseignement humain de haut niveau n'est pas
compensée par la quantité et la qualité des
systèmes technologiques de surveillance. Pire, Gary Schmitt fait
remarquer : « La plupart des terroristes et des Etats voyous
sur lesquels nous voudrions rassembler de l'information savent comment
déjouer nos capacités d'écoute de leurs conversations et
de photographie de leurs installations depuis
l'espace. »30(*) N'empêche, pour lui, la mission n'est toutefois
pas impossible « pourvu que le renseignement américain
veuille bien changer ses façons
d'opérer ».31(*) Le renseignement technologique permet d'accumuler de
plus en plus de données mais de moins en moins de renseignement solide
rendant essentiel le traitement (trier et collationner) du matériau
collecté processus très coûteux.
CHAPITRE II : LA GUERRE CONTRE LE TERRORISME
« Trois jours seulement après ces
évènements, les Américains n'ont pas encore le recul
nécessaire. Mais notre responsabilité envers l'Histoire est
déjà claire : il faut répondre à ces attaques
et débarrasser le monde du mal. On nous a fait la guerre de
manière furtive, fourbe et meurtrière. Notre peuple est
épris de paix, mais la colère le rend féroce. Le conflit a
commencé au moment et d'une manière choisis par d'autres. Il se
terminera de la manière et au moment que nous aurons
choisis.»
Président Bush
Washington,
D.C. (National Cathedral), le 14 septembre 2001
SECTION I : Une guerre sans fin ?
Pour défendre son pays contre le terrorisme, Bush a
déclaré une guerre « dont on ne peut prévoir
la fin » selon l'expression de Stanley Hoffmann32(*). Sous le nom de
« terrorisme » est désigné comme cible,
l'islamisme radical symbolisé par un homme : Oussama Ben Laden.
Cela explique l'objectif énoncé au lendemain du 11 septembre par
l'administration Bush : démanteler le réseau Al Qaïda
et capturer, « mort ou vif » Ben Laden. Ce voeu, facile
à formuler, n'est pas simple à réaliser malgré la
différence des moyens entre les deux parties. Pourtant certains auteurs
font remarquer que la lutte contre le terrorisme que
« prétendent mener les Etats-Unis et les Occidentaux est
frappée d'impuissance puisqu'ils n'ont pas osé
désigné clairement leurs ennemis (l'islam intégriste) et
que, par naïveté, ils laissent des millions de migrants
allogènes issus du tiers-monde et des pays musulmans s'installer (...)
sur leur sol ».33(*) La vraie lutte contre le terrorisme passerait
donc par la réduction, puis par l'élimination de la
présence massive et organisée de l'islam dans les zones où
il n'était pas présent au XXè siècle.
La situation militaire actuelle de l'armée
américaine est inédite serait-on tenté de dire vu que
c'est la première fois qu'un empire fait la guerre, non pas à un
Etat, mais à un homme. Par définition, le terrorisme ne joue pas
sur le même échiquier que les adversaires qu'il décide de
combattre et ce, en raison de la certitude de n'avoir aucune chance d'emporter
la victoire par les moyens de confrontation classiques.
Le caractère révulsant du terrorisme sur les
opinions publiques partage certains auteurs quant à la
nécessité d'abdiquer ou non toute tentative d'analyse et de
réflexion. Ainsi, pour Pascal Bruckner, « la
recherche éperdue des causes, même si elle part d'une bonne
intention, fait fausse route. La culture de l'excuse, l'explication par le
désespoir, l'humiliation, exonère l'acte de son horreur et
débouche sur la tentation de l'indulgence ».34(*) Même
considération pour André Glucksmann qui croit qu'il ne faut pas
chercher à comprendre car « comprendre, c'est excuser. Il
faut simplement lutter contre la haine qui ne résulte ni d'un
traumatisme ni d'une injustice, ni d'une humiliation, mais qui est
inhérente à la nature humaine, à
l'Histoire ».35(*) De son côté, Pascal Boniface va à
l'encontre de ces thèses en défendant l'idée que le
rôle des intellectuels devrait consister à s'emparer,
« intellectuellement parlant » précise
t-il, de ce phénomène majeur qu'est le terrorisme international
et de susciter, de soutenir, d'en alimenter l'analyse :
« comprendre n'est pas approuver, expliquer n'est pas
légitimer ».36(*) En tout cas pas de doute, des actions terroristes
menées par des fanatiques islamistes ou par d'autres seront
perpétrés et le risque d'utilisation des moyens biologiques,
chimiques ou nucléaires. Guillaume Corvus rappelle que sept redoutables
dangers menacent nos sociétés :
- continuation des frappes par aéronefs-suicides, y
compris de petits avions ou hélicoptères détournés
et bourrés d'explosifs.
- attentats aériens ou par bombes au sol contre les
réacteurs des centrales nucléaires
- bioterrorisme par dispersions de souches
bactériennes, en réalité peu meurtrières, mais d'un
effet psychologique très important
- dispersion dans des lieux clos de gaz toxiques ou
empoisonnement des canalisations d'eau potable
- attentats aux camions suicides contenant plus de cent kilos
d'explosifs et roulant au coeur des grandes villes, sans aucun contrôle
ne soit possible, comme à Beyrouth contre les casernes françaises
et américaines
- explosion de bombes atomiques rudimentaires ou
miniaturisées dans les grandes villes ou sur des sites sensibles.
- explosion de bombes radiologiques dans les zones urbaines,
aux effets dévastateurs, par irradiation massive.37(*)
De plus, il distingue 3 types de terrorisme : le
micro-terrorisme (moins de 200 morts), le macro-terrorisme (plusieurs milliers
de morts) ex : 11 septembre, et le giga-terrorisme (à partir de
10 000 morts) que, précise t-il, « nous n'avons
jamais vu mais que nous verrons ».38(*) Bien entendu le
giga-terrorisme constitue la plus forte menace surtout s'il est commis avec des
armes nucléaires poussant Corvus à parler de
néo-terrorisme.39(*)
Le problème de l'armée américaine est
qu'elle demeure formatée pour faire face à des conflits
étatiques et non pour affronter un ennemi invisible et diffus.
L'histoire militaire n'enseigne t-elle pas que dans un conflit
asymétrique, celui qui peut le plus ne peut pas forcément le
moins ? L'armée britannique, pendant plus d'un quart de
siècle n'a-t-elle pas montré ses limites face à la
détermination des éléments de l'Irish Republic Army (IRA)?
Car comme le rappelle l'historien Eric Hobsbawn cité par Ramonet,
« certes l'IRA n'a pas eu le dessus, mais elle n'a pas
été vaincue pour autant ».40(*)
Pire, la situation actuelle de l'armée
américaine en Irak, embourbée dans ce pays et subissant
quotidiennement des pertes dans ses rangs conforte cet avis qu'elle n'est pas
« prête » pour faire face à ce type de
guérilla.41(*)
Cette guerre s'accompagne de certains nombres de mesures prises par les
Etats-Unis dont le fait de renouer des alliances avec des dirigeants, qui hier,
étaient infréquentables : le général
putschiste Pervez Musharraf du Pakistan, ou le directeur d'Ouzbékistan,
Islam Karimov.42(*)
Face à toutes ces affirmations qui feraient croire
à une mise en application de la stratégie proclamée en
septembre 2002 à travers la guerre en Irak, notons la relative prudence
de certains intellectuels arabes comme Ghassam Salamé qui penche de son
côté pour une guerre de choix (contrairement à celle du
Kosovo ou d'Afghanistan) où Washington ne s'est pas contenté
d'user de son aviation pour atteindre un objectif fondamentalement diplomatique
ou humanitaire, mais a décidé d'employer massivement son
armée de terre. Mais n'empêche, pour l'ancien ministre libanais,
« cette guerre est capable d'en enfanter d'autres par un
enchaînement qui ne semble pas entièrement maîtrisé
par la superpuissance qui l'a engagée ».43(*)
Mais l'une des conséquences les plus vues de cette
lutte mondiale contre la terreur est l'atteinte aux droits de l'homme au nom de
cette guerre. Avec la chute du Mur de Berlin, la célébration des
principes démocratiques, de l'Etat de droit et la glorification des
droits humains demeuraient une trinité aussi bien en politique
intérieure qu'étrangère pour la plupart des Etats qui en
étaient privés jusqu'alors. Les mesures prises pour lutter contre
le terrorisme comme le Patriot Act aux Etats-Unis, le recours à la
torture44(*), demeurent un
retour en arrière dans la lutte en faveur du respect des droits de
l'homme.
SECTION II : La loi dite du Patriot Act : Vers
une restriction des libertés aux USA ?
La loi présentée par la Chambre des
Représentants sous le nom de PATRIOT ACT of 2001 pour
« Provide Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct
Terrorism Act of 2001 » littéralement « Loi pour
fournir les moyens appropriés pour intercepter et faire obstacle au
terrorisme » est une des conséquences manifestes des attentats
du 11 septembre. Par les mesures qu'elle propose45(*), cette loi a suscité
l'ire de plus de cent cinquante associations de défense du citoyen
d'obédiences politiques très diverses qui vont de la très
conservatrice Gun of Owners of America à la très libérale
American Civil Liberties Union qui y voient une atteinte aux droits
fondamentaux garantis par la Constitution.46(*)
D'ailleurs, une pétition pour lutter contre
« l'érosion des libertés qui sont au coeur du mode de
vie américain »47(*) a circulé dans le pays afin de rassembler dans
un même combat mouvements de défense du citoyen et groupes de
luttes contre l'extension des pouvoirs fédéraux. Même si
Georges W Bush réaffirme que « les hommes et les femmes
chargés de la loi disposeront des outils nécessaires pour vaincre
l'ennemi dans le cadre de la Constitution », les craintes des
associations ont trouvé un écho au Congrès où, en
dépit d'un soutien budgétaire sans faille, des réserves de
plus en plus nombreuses se sont exprimées comme celle du sénateur
démocrate du Vermont et président de la commission pour les
affaires judiciaires Patrick Leahy qui craint une utilisation abusive de
mesures qu'il considère devoir rester exceptionnelles48(*) lesquelles peuvent être
résumer comme suit : possibilité pour les autorités
d'arrêter des suspects étrangers pour un temps quasi
indéfini, de les déporter, de les faire incarcérer dans
des cellules d'isolement, de faire surveiller leur courrier, leurs
conservations téléphoniques, leurs communications via Internet et
de faire fouiller leur domicile sans autorisation judiciaire.49(*) Pour le rédacteur en
chef du Monde-diplomatique, pas moins de 1200 étrangers sont
secrètement arrêtés dont 600 demeuraient
incarcérés sans jugement à la fin décembre 2001
sans avoir été, pour nombre d'entre eux, présentés
aux juges et sans avoir eu la possibilité d'être assistés
par un avocat.50(*) Cette
méthode est appliquée aux prisonniers détenus sur la base
américaine de Guantanamo depuis janvier 2002 ; Accusés
d'appartenir à Al Qaïda et d'avoir combattu avec les Talibans en
Afghanistan, ces hommes devraient être jugés par les tribunaux
militaires à procédure spéciale créés par
l'administration américaine.
Le jugement de la Cour Suprême des Etats-Unis s'opposant
contre la détention de ces prisonniers sans statut est
présenté comme un camouflet pour l'administration Bush. Dans deux
arrêts, la plus haute juridiction met fin aux zones de non droit
organisées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les
prisonniers considérés comme « combattants
ennemis » ou « irréguliers » pourront
saisir les tribunaux américains et contester leur
détention.51(*)
Cela entraîne cette réaction d'Amnesty
International : « La Cour Suprême des Etats-Unis a
fait un grand pas vers la restauration de l'état de droit pour les
centaines de non ressortissants des Etats-Unis actuellement détenus par
l'armée à Guantanamo Bay »52(*). L'organisation pour la
défense des droits de l'homme n'est pas tendre avec l'administration
Bush car selon elle, « dans toute cette affaire, l'administration
a montré un manque de confiance envers ses tribunaux nationaux, et du
mépris pour ses obligations internationales. Dans le même temps,
cette administration a demandé aux autres de croire qu'elle n'abuserait
pas de son pouvoir. Cet appel à une foi aveugle vient d'être
rejeté aujourd'hui par la Cour suprême. »53(*)
Cet avis de la Cour Suprême est d'autant plus important
que des voix s'élèvent afin de contester que des méthodes
peu avouables pour un Etat démocratique y soient
appliquées : le recours à la torture.54(*) L'explication est assez
simple : la torture n'est pas bien, mais le terrorisme c'est pire. Aussi,
dans certaines circonstances, la torture est un moindre mal.
Abrogeant une décision de 1974 qui interdisait à
la CIA d'assassiner des dirigeants, Georges W Bush a donné à
celle-ci carte blanche pour mener toutes les opérations secrètes
nécessaires à l'élimination physique des chefs d'Al
Qaïda. Et afin qu'aucune poursuite ne puisse être intentée
contre des militaires américains du fait d'opérations conduites
à l'étranger, Washington se montre hostile à la
ratification de l'accord instituant la Cour pénale internationale (CPI)
entraînant l'approbation par le Sénat de la loi ASPA (American
Service members Protection Act) qui permet aux Etats-Unis de prendre des
mesures extrêmes - pouvant aller jusqu'à l'invasion d'un pays -
pour récupérer tout citoyen américain menacé
d'être traduit devant la future CPI.
SECTION III : De l'Afghanistan à l'Irak :
un calendrier militaire chargé
« Les machines ne font pas la guerre. Le terrain
ne fait pas la guerre. Les hommes font la guerre. Vous devez rentrer dans le
cerveau des hommes. C'est là que les batailles se
gagnent. »
Colonel John Boyd
Frappée en plein coeur, l'Amérique
éprouva d'abord des difficultés afin de comprendre ce qui s'est
passé. Si comme le pense Jean Yves Haine, « la menace
terroriste avait été absente des débats
stratégiques américains et le personnage de Ben Laden pas inconnu
des cercles restreints du contre-espionnage
américain »55(*), la première réaction de l'opinion
publique américaine mêla incrédulité et indignation.
Une fois ce choc digéré, l'offensive de l'administration se
dirigea contre les Talibans.
Le 7 octobre 2001, soit moins d'un moins après les
attentats, les Etats-Unis débutent la riposte contre le terrorisme en
s'en prenant aux Talibans coupables d'héberger sur leur territoire
l'ennemi public numéro 1 des Etats-Unis : Oussama Ben Laden et plus
grave, refusant de le livrer malgré toutes les démarches
effectuées par les autorités américaines. Une vaste
coalition se mit en place afin de se débarrasser des étudiants en
théologie, sous l'approbation tacite d'une grande partie de l'opinion
publique mondiale révulsée par la vision terrifiante d'avions
s'encastrant dans les tours jumelles de New York. « Les Etats-Unis
ont le droit de se défendre » dit on dans les manifestations
contre le terrorisme. Faiblement armée, inorganisée,
l'armée des Talibans est balayée après une intense
campagne de bombardement. Les attaques terroristes qui ont détruit le
World Trade Center et endommagé le Pentagone sont certes des liens
importants dans la chaîne des évènements qui ont
entraîné les Etats-Unis à attaquer l'Afghanistan.
Mais selon Patrick Martin le gouvernement américain a
planifié la guerre bien à l'avance. « Le choc du 11
septembre n'a que contribué à la rendre politiquement faisable en
stupéfiant l'opinion publique au pays et en donnant à Washington
un coup de main essentiel pour convaincre ses alliés réticents
à l'étranger ».56(*) Selon lui, la classe dirigeante des Etats-Unis
envisageait de mener la guerre en Asie centrale depuis au moins une
décennie puisqu'elle a présenté la région de la mer
Caspienne et l'Asie centrale comme une alternative possible à la
dépendance pétrolière de cette région instable
qu'est le Golfe persique.
A - Une guerre sans l'OTAN
Dans ce conflit, l'Alliance Atlantique ne fut pas
impliquée. Le Pentagone assura seul la planification et le
déroulement des opérations militaires. Cette guerre que la
communauté internationale jugeait légitime se déroula en
dehors des structures otaniennes car il s'agissait pour l'Amérique
d'exercer son droit de légitime défense individuelle et non
collective. En dépit de la protestation de solidarité
exprimée par l'invocation de l'article 5 de l'Alliance, Washington
n'entendait pas être bloqué par les rouages trop lourds d'une
institution telle que l'Otan. L'exemple de la guerre en Bosnie est encore dans
les esprits.
Certains auteurs, de leur côté, n'hésitent
pas à souligner la responsabilité des Etats-Unis dans la non
capture de Ben Laden, coupables qu'ils sont d'avoir initié une alliance
incertaine : s'en remettre au présidant pakistanais Musharaf pour
contrôler sa frontière.57(*) Cet avis est partagé par Georges Soros qui
croit que la non arrestation de Ben Laden met en lumière l'une des
limites dont souffre l'Amérique dans le contexte d'une guerre. En effet
pour le financier, « le pays a beau possédé les
moyens militaires les plus formidables de la planète, il rechigne
à subir des pertes »58(*) même si les troupes américaines ont
joué un rôle plus important par la suite, lors de
l' « opération Anaconda » qui a permis de
retrouver des Talibans et des combattants d'Al Qaïda dans la vallée
de Shat-i-Kot.
B - L'après guerre : le choix de
l'action militaire au détriment de l'humanitaire
Focalisé sur les opérations militaires,
l'administration Bush se désintéressera de l'après-guerre.
« Le désintérêt fut tel qu'aucune aide pour
l'Afghanistan ne fut provisionnée dans le budget
2003 »59(*)
clame Haine qui croit que cela témoigne seulement d'une conception toute
militaire de la lutte contre le terrorisme. « L'administration
Bush n'a pas su gagner toute la bataille de la paix (...) elle a
été handicapée par son aversion viscérale pour la
collaboration internationale et par le refus de s'investir dans des efforts
pour bâtir une nation »60(*). Plutôt qu'à une démonstration
des effets de l'aide internationale, on assiste à une situation
où peu de progrès ont été faits. Pire, Mitch
Daniels le Directeur du budget de l'administration Bush affirme au
Congrès qui s'apprêtait à accorder 150 millions de dollars
au titre de l'assistance pour l'éducation et l'agriculture, qu'il
n'aurait pas plus de 40 millions.61(*)
L'insécurité du pays rend l'acheminement de
l'aide hasardeux. Deux ans après l'invasion américaine,
l'Afghanistan se caractérise par son instabilité, et les Talibans
réaffirment leur présence dans les zones pachtounes du Sud.
Véritable carrefour sur la route de l'opium à destination du
marché européen (alors que la production d'opium en 2002 est de
3400 tonnes, que le secteur de la drogue génère environ 2,5
milliards de dollars, l'aide internationale se situe aux alentours de 2
milliards de dollars62(*)), le gouvernement central d'Hamid Karzaï aura du
mal à venir à bout des chefs de guerre engagés dans le
trafic de drogue et ce, malgré l'apport de l'Otan. La question est de
savoir si, aujourd'hui, l'intervention en Irak n'aurait pas
détourné l'attention de l'opinion mondiale de l'Afghanistan.
SECTION IV : Bagdad : nouvelle cible des
faucons
Après la fin de la campagne d'Afghanistan,
l'administration américaine devant l'impossibilité de trouver Ben
Laden, se trouve un autre coupable idéal : l'Irak de Saddam
Hussein. Ce dernier est accusé entre autre de brutaliser son peuple, de
menacer ses voisins et surtout, de détenir des armes de destruction
massive. « C'est probablement au soir du 29 janvier 2002 lors de
son discours sur l'état de la nation que l'Irak a été
désigné comme la prochaine cible de l'administration
américaine »63(*). Ce soir là, Georges W Bush avait
souligné : « Nos découvertes en Afghanistan
ont confirmé nos pires craintes et montré l'étendue de la
tâche qui nous attend. Des milliers de dangereux assassins
entraînés à tuer de toutes les manières, souvent
soutenus par des régimes hors la loi, sont maintenant répartis de
par le monde comme autant de bombes à retardement, prêtes à
exploser sans prévenir. »64(*) Et Bush de menacer : « Certains
gouvernements seront timides face à la terreur, mais ne vous y trompez
pas : s'ils n'agissent pas, l'Amérique
agira. »65(*) Ce soir là, dira Ben Hammouda, le compte
à rebours pour la guerre d'Irak avait réellement commencé.
Cela est confirmé par Chalmers Johnson qui montre tout le processus qui
a abouti à la guerre en Irak sous l'impulsion des néo
conservateurs.66(*) Pour
lui, en l'absence d'un « évènement catastrophique
et catalyseur, comme un nouveau Pearl Harbor », tous
s'attendaient à ce que les changements radicaux qu'ils
préconisaient ne puissent être appliqués que lentement.
« Mais avec le 11 septembre 2001 ils l'ont eu leur Pearl
Harbor » conclut-il. Mais l'attaque des néo conservateurs
américains contre le régime de Saddam n'a pas attendu
l'arrivée des Républicains à la Maison-Blanche. Dés
le milieu des années 1990, Paul Wolfowitz l'actuel Secrétaire
d'Etat adjoint à la Défense alors doyen du département
d'Etudes internationales de l'université John Hopkins considérait
que la chute du régime de Saddam était une condition à la
stabilité internationale et à la paix dans le Moyen-orient. Alors
que la politique étrangère est édictée par
l'administration démocrate de Clinton, il soulignait que l'endiguement
conduirait de plus en plus de pays à s'accommoder de Saddam :
« si nous sommes sérieux pour ce qui est de
démanteler les armes de destruction massive de Saddam, (...) nous aurons
à nous confronter à lui tôt ou tard, et le plus tôt
sera le mieux » argumente t-il.67(*) Ainsi, nul ne pouvait être surpris lorsque en
septembre 2002 Georges W Bush demande à l'ONU l'application des
résolutions votées à l'encontre de l'Irak.
L'Etat présent d'insécurité
soulève un ensemble de questions inédites qui engagent les
Etats-Unis dans un grand débat national sur sa défense, leur
troisième d'après Brezinski. Ainsi, pour le conseiller au Center
for Strategic and International Studies (CSIS), le premier débat a
agité les premières années d'indépendance car il
s'agissait de savoir si l'Etat américain, tout juste
émancipé, devait se doter d'une armée
régulière et, dans ce cas, quelles précautions devait-il
adopter pour en extirper tout penchant au despotisme ce qui amena Alexander
Hamilton à écrire qu'à défaut d'armée,
« les Etats-Unis donneraient alors le spectacle le plus
extraordinaire que le monde ait jamais vu, celui d'une nation
empêchée par sa Constitution de préparer sa défense
au moment d'être envahie »68(*).
Le deuxième débat fut provoqué par le
refus du pays d'adhérer à la Société des Nations,
à l'issue de la première guerre mondiale. Il allait atteindre le
point culminant avec l'engagement américain formulé dans
l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. Conséquence : la
défense de l'Amérique avait désormais pour ligne de front
celle de l'Europe elle-même.
Quant au troisième débat, il tourna autour de
quelques questions : jusqu'où les Etats-Unis vont-ils
étendre leur rayon d'action pour maximiser leur propre
sécurité ? La contribution particulière de
l'Amérique à la sécurité de ses alliés comme
à la stabilité internationale justifie qu'elle s'efforce
d'atteindre un niveau de sécurité plus élevé que
celui auquel peuvent aspirer les autres Etats.
De son côté, Thérèse Delpech
remarque que plus encore que leurs collègues européens, les
présidents américains sont élus sur un programme de
politique intérieure pour découvrir très vite que les
problèmes les plus graves auxquels l'Amérique est
confrontée sont de nature internationale.69(*)
CHAPITRE III : Une guerre sans fin contre
« l'axe du mal »
SECTION I : Un ennemi bienvenu ?
Après le 11 septembre, dans l'optique de la
guerre mondiale contre le terrorisme, certaines priorités sont nettement
apparues à l'administration Bush. D'abord, protéger le sol
américain. Même si la défense antimissile avait dans sa
version stratégique l'ambition de défendre le territoire des
Etats-Unis, la National Missile Defense (NMD) envisage la possibilité
d'une attaque extérieure provenant de la Corée du Nord ou de
l'Iran. L'attaque a donc eu lieu beaucoup plus vite que prévu et elle a
conforté l'idée que le territoire américain était
menacé, que les citoyens des Etats-Unis seraient désormais
atteints sur leur sol. 37 milliards de dollars sont ainsi mis en place en 2003
dans le cadre du programme de défense du territoire.70(*) Après le 11 septembre,
dans l'optique de la guerre mondiale contre le terrorisme, certaines
priorités sont nettement apparues à l'administration Bush.
D'abord, protéger le sol américain. Même si la
L'autre priorité est de se préparer à
des attaques terroristes non conventionnelles car au moment où les
frappes en Afghanistan débutaient, les Etats-Unis faisaient face
à une vague d'attentats par l'intermédiaire des lettres
piégées à l'anthrax lesquelles ont tué cinq
personnes et ont paralysé pendant un moment le Congrès
entraînant cette réflexion de Brzezinski :
« Depuis que l'Amérique est une nation souveraine, ses
citoyens ont considéré la sécurité comme la norrme
et l'insécurité occasionnelle comme une
aberration » .71(*) Ainsi, le budget consacré à la bio
défense civile en 2003 s'élève à 4,3 milliards de
dollars.72(*)
C'est dans son discours sur l'état de l'Union en
janvier 2002 que l'expression « axe of evil » ou
« axe du mal » fut employée par Georges W Bush pour
désigner trois Etats - l'Iran, la Corée du Nord et l'Irak -
accusés de soutenir le terrorisme. Pour le président Bush, «
la Corée du Nord est un régime qui s'arme de missiles et
d'armes de destruction massive, tout en affamant ses citoyens. L'Iran recherche
agressivement ces armes et exporte la terreur, tandis qu'une minorité
non élue réprime les espoirs de liberté du peuple iranien.
L'Irak continue d'afficher son hostilité envers l'Amérique et de
soutenir la terreur...Des Etats comme ceux-ci, et leurs alliés
terroristes, constituent un axe du mal, s'armant pour menacer la paix du
monde. »73(*) Même si ces régimes ne constituent pas
des modèles d'humanisme selon Frédéric Encel,
« il est fort possible qu'aucun d'entre eux n'a connu, ni
même soupçonné les projets cataclysmiques d'Al Qaïda
sur New York »74(*) en raison des divergences au plan des objectifs, des
stratégies, des représentations politiques et idéologiques
ou encore des appartenances et allégeances religieuse d'un Ben Laden,
d'un Khatami ou d'un Saddam. Bref ils ont trop à y perdre et pas
grand-chose à y gagner vu qu'ils sont déjà dans le
collimateur des Etats-Unis par le biais de sanctions plus ou moins
sévères. Alors comment expliquer ce besoin de se créer des
ennemis ? « Axe du mal » vrai danger ou
prétexte de l'administration Bush pour justifier sa politique en
matière de lutte contre le terrorisme ?
La réponse, pour partie nous est apportée par
Encel pour qui cette rhétorique n'est destinée qu'à donner
des signes aux autres pays tel la Russie voire la Chine. Ainsi, en incluant
Téhéran dans « l'axe du mal », malgré
le fait que ce régime sous l'impulsion du réformateur Khatami
présente des signes d'apaisement à l'endroit de l'Occident, c'est
la Russie que les Etats-Unis cherchent concrètement à
impressionner par une démarche ambivalente faites de promesses et de
menaces : prises en compte des intérêts russes dans le
Caucase et dans le partage de la mer Caspienne, tolérance des violations
des droits de l'homme dans la guerre en Tchetchénie, souplesse dans les
négociations quant à des subventions de Washington ou du Fonds
monétaire international (FMI). Tous
ces « avantages » soient liés selon Encel
à un relâchement des liens avec Téhéran notamment
dans le domaine nucléaire.
C'est cette même logique qui anime la
relation avec la Corée du Nord car il semble invraisemblable que le
Pentagone échafaude des plans d'attaque préventive, donc sans
agression préalable, contre le dernier Etat stalinien du globe sans que
la Maison-Blanche souscrive à un tel scénario. L'explication est
simple : Pékin ne tolérerait pas probablement qu'on attaque
de cette manière son allié et voisin, aussi encombrant soit-il
fait remarquer Encel. En contrepartie d'une forte pression de la Chine sur la
Corée du Nord afin qu'elle cesse la fourniture d'armes à l'Iran
ainsi qu'à la Syrie, les Etats-Unis mettront en sourdine leurs critiques
sur la politique répressive de Pékin à l'encontre des
indépendantistes musulmans ouïgours du Xinjiang et des autonomistes
bouddhistes du Tibet.
Des trois pays cités seul l'Iran était
clairement connu pour ses liens avec le terrorisme international. Même si
aujourd'hui le régime des mollahs a ratifié le Traité de
non-prolifération nucléaire (TNP) et se défend de
développer le nucléaire à des fins non civiles, les
inspections menées dans le cadre de ce TNT révèlent,
d'après Georges Soros, que « le programme iranien est en
infraction par rapport aux exigences du traité » et que
du point de vue des armes nucléaires, « l'Iran est bien
plus dangereux que l'Irak depuis plus d'une dizaine
d'années »75(*). Alors comment expliquer l'intérêt
porté à l'Irak ?
L'une des difficultés dans cette guerre contre le
terrorisme est de définir le choix de la méthode pour le
combattre : faut-il recourir à une coalition d'Etats ou doit-il
s'agir avant tout de la guerre des Etats-Unis ? Il existe aussi un danger
de ce que Stanley Hoffmann appelle la « pente savonneuse »
c'est-à-dire une extension indéfinie de cette guerre. Depuis le
11 septembre, le gouvernement américain a étendu sa guerre contre
le terrorisme transnational en visant les Etats qui les abritent. Une extension
plus que discutable concerne les Etats possédant des armes de
destruction massive et hostiles aux Etats-Unis, ce qui excluait par exemple
Israël, le Pakistan voire l'Inde. Cela ne risquerait-il pas de fragiliser
le nouvel ordre mondial instauré depuis la fin de la première
guerre du Golfe et surtout inciter certains pays à vouloir appliquer la
méthode américaine ? Les Indiens contre les Pakistanais, les
Russes contre les Tchétchènes et à l'occasion contre les
Géorgiens, les Israéliens contre l'Autorité
palestinienne ? Il est à noter que le déséquilibre
entre l'opposition des Européens à cette formule
d' « axe du mal » et leur silence lorsque les
Etats-Unis sont qualifiés de « Grand Satan » par
certains de ce pays. Pour Amir Taheri, il est intéressant de noter, au
passage que ceux qui se sont élevés contre la formule de George W
Bush sur l' « axe du mal » n'ont jamais condamné
l'emploi systématique par Téhéran de l'expression
« Grand Satan » pour désigner les Etats-Unis ou
lorsque le régime irakien a qualifié les Américains de
« chien de garde des juifs ». Et Taheri de rappeler que
Joschka Fischer lui-même est allé encore plus loin lorsqu'il
déclare : « l'expression « Grand
Satan » n'est qu'un slogan qui n'empêchera pas l'Allemagne de
renforcer ses liens avec la République
islamique ».76(*)
SECTION II - Evolution politique de la National Missile
Defense
A - La réticence de l'Administration Clinton
au projet NMD
Le programme NMD provient à l'origine d'une loi
votée en novembre 1991 par le Congrès alors à
majorité démocrate : le NMD Act. Ce texte exige
l'accélération des études sur des programmes capables de
répondre à la menace que représenterait, dans le cadre
d'opérations extérieures, des engins de type Scud (programme
Theater Missile Defense ou TMD). Lorsqu'il accède à la
présidence en janvier 1993, Bill Clinton se montre favorable à ce
projet mais réticent, voire hostile à un système de
défense antimissile destiné à protéger l'ensemble
du territoire américain en interceptant en vol tout missile se dirigeant
vers les Etats-Unis. Il considère en effet que la défense du
territoire repose avant tout sur la dissuasion nucléaire et la
réduction du risque de prolifération par la voie diplomatique, et
donc que cette « défense antimissile nationale » n'y
a pas sa place.
La victoire électorale des Républicains en
novembre 1994 va changer la donne car, face à la nouvelle
majorité républicaine du Congrès, plus sensible à
l'idée d'un protection à tout prix du territoire,
l'Administration Clinton adopte une politique du compromis. Adoptée en
1996, celle-ci consiste à financer, à hauteur de 1,6 milliard de
dollars par an, la réalisation et la préparation d'essai d'un
système d'interception pour la fin de l'année 1999, de
façon à pouvoir prendre une décision de déploiement
en 2003 si l'évolution de la menace confirme la nécessité
d'une telle mesure. Le projet NMD est alors entamé et confié
à une division du Département de la Défense, la Ballistic
Missile Defense Organization (BMDO).77(*)
Malgré cette décision, l'Administration Clinton
annonce, le 20 janvier 1999, le report du programme NMD : la date d'un
éventuel déploiement est repoussée de 2003 à 2005,
au nom même de l'efficacité du futur système. Un rapport
commandé par la présidence, le rapport Welch, a en effet conclu
au risque de produire un système technologiquement peu efficace à
trop vouloir le concevoir rapidement. De plus, il a mis en avant le coût
exorbitant du programme pour un résultat au final incertain : il
estime que les coûts engendrés par cette technique d'ici à
2015 s'élèveront à plus de 29,5 milliards de dollars
(contre 20,9 initialement annoncé) et que les simples opérations
de mise en route du programme nécessiteront 8,8 milliards de dollars,
soit 3,7 milliards de dollars de plus que prévu. Cette annonce par la
présidence d'un ralentissement de la NMD ne sera cependant pas suivie
d'effets puisqu'en juillet 1999, le président Clinton annonce que le
système NMD sera déployé « dés qu'il sera
technologiquement réalisable ».
Si tous les chefs d'Etat américains après 1945,
de Harry Truman à Georges Bush (père), ont été,
selon l'expression de l'historien Ronald Steel, « des
présidents de guerre », Bill Clinton, lui avait la
possibilité de faire autrement. Sous sa présidence, le centre de
gravité du pouvoir s'est effectivement quelque déplacé de
l'appareil de sécurité nationale vers le ministère des
finances et le nouveau Conseil de sécurité économique
à la Maison-Blanche. De grands argentiers comme M. Robert Rubin se sont
imposés dans la conduite de la politique mondiale, orchestrant la
globalisation et gérant ses crises. Le président avait d'ailleurs
annoncé en 1992, avant même son investiture, que la
libéralisation économique et les échanges commerciaux
seraient désormais les instruments privilégiés de la
diplomatie américaine. Les accords de libre-échange avec le
Mexique et le Canada en 1993, la ratification de l'OMC en 1994, la
libéralisation financière en Asie orientale et la politique
d'engagement avec la Chine et la Russie ont concrétisé
ce choix.
A.
Faire prédominer l'économique sur le stratégique
était logique : si l'affrontement bipolaire avait justifié
quarante ans de mobilisation militaire, sa disparition ouvrait la voie à
un renversement des priorités. Les formes d'intervention de l'Etat
devaient changer pour accompagner et profiter de l'ouverture de la Chine, du
développement fulgurant des économies émergentes d'Asie
orientale et de la transition en Europe centrale et orientale. L'Etat de
sécurité nationale devait en quelque sorte céder la place
à l'« Etat globalisateur ».
B.
En proposant ce renversement des priorités, M. Clinton
« mettait en question la raison d'être du Pentagone et de
la structure de sécurité nationale de guerre
froide »78(*), souligne Steve Clemons, directeur du Japan Policy
Research Institute. Favorable à une démobilisation militaire
substantielle, Clemons affirme que les relations entre Clinton et les
généraux étaient « dés le départ
exécrables ». Il avait en effet annoncé en 1993,
à travers son secrétaire à la Défense Les Aspin,
son intention de revenir sur deux éléments clés de la
politique de défense de ses prédécesseurs : la
doctrine dite de la base force (forces de base) de Colin Powell -
c'est-à-dire la capacité de mener deux grandes guerres
régionales simultanément - et le programme de
développement d'armes antibalistiques amorcé sous Reagan. Aspin
avait même évoqué la « fin de l'ère de la
guerre des étoiles ».
Ces initiatives n'ont pas abouti. Devant la résistance
farouche du complexe militaro-industriel, qui lui était à priori
très hostile, notamment à cause de son engagement contre la
guerre du Vietnam lorsqu'il était étudiant à Londres, Bill
Clinton allait plier quelques mois plus tard. Faiblesses politique et
personnelle se sont conjuguées pour lui faire perdre les deux premiers
bras de fer l'opposant au Pentagone : sa proposition d'ouvrir les forces
armées aux homosexuels a été enterrée, et la
doctrine de la base force a été conservée (ironiquement,
les Républicains qui l'ont inventée la remettent en cause
aujourd'hui). « C'est à partir de ce
moment-là, explique Lawrence Korb, du Council on Foreign Relations
(CFR), que Clinton a décidé de caresser le Pentagone dans le
sens du poil. »
Le budget de la Défense a été maintenu en
1994 à 280 milliards de dollars, soit 88 % de la moyenne observée
entre 1974 et 1989 au moment de la guerre froide. Il a augmenté de
112 milliards sur six ans en 1998 sous la pression des deux Chambres du
Congrès, dominé après 1994 par les Républicains. De
concession en concession, Bill Clinton a donné au pentagone à peu
prés tout ce qu'il voulait. Ce qui n'a pas empêché certains
républicains d'engager une polémique virulente contre sa
politique de sécurité et de défense. Relayés
après1994 par le Congrès, ce derniers ont mené une
campagne hargneuse, accusant le président d'avoir mis en cause
la « sécurité nationale » parmi eux,
l'actuelle conseillère à la sécurité nationale du
président Bush, Mme Condoleeza Rice, a pu dire de Clinton qu'il avait
transformé les forces armées américaines en
« travailleurs sociaux » et les avait ainsi réduites
à un état d'impotence comparable à celui de 1940.79(*)
B - Une hausse des crédits sous
l'administration Bush
L'élection présidentielle de l'an 2000, qui voit
la victoire du candidat républicain Georges W Bush, va donner un coup
d'accélérateur au projet. En effet, en fervent défenseur
de la politique militaire, le nouveau président croit fermement à
la nécessité et à la faisabilité d'un
système de défense antimissile. Il a d'ailleurs promis durant sa
campagne d'en faire un axe central de sa politique de défense. Aussi
reprend il à son compte le projet de « bouclier
antimissile » que constitue la NMD. Le 1er mai 2001,
Georges Bush présentait son plan de défense antimissile ; il
annonçait en particulier que les essais d'interception en vol
l'obligeraient à dénoncer le traité ABM (Anti Ballistic
Missiles) de 1972 avec la Russie.
Puis, le 8 mai, le secrétaire à la
défense, M. Donald Rumsfeld, annonçait, sans le chiffrer, un
accroissement considérable de l'effort de défense
américain dans le domaine spatial. L'espace, affirmait-il, occuperait
désormais une place prioritaire dans la planification stratégique
américaine. Cette initiative prend tout son sens lorsque l'on relit les
conclusions de la commission présidée par M. Rumsfeld avant qu'il
ne devienne ministre. Rendu public le 11 janvier 2001, le rapport Rumsfeld
évoque la « vulnérabilité croissante des
Etats-Unis » propose d'y remédier en « donnant
au président l'option de déployer des armes dans l'espace pour
dissuader d'éventuelles menaces, et si nécessaire défendre
les intérêts américains contre des
attaques ».80(*)
La NMD va sans doute demeurer une source de division politique
aux Etats-Unis en raison de la différence de perceptions entre
démocrates et républicains sur cette question même si, pour
James Lindsay des chances d'accord bipartisan reste de mise en s'appuyant sur
quelques principes :
* Premier principe, les Etats-Unis devraient joindre au projet
de défense antimissile une stratégie élargie de non
prolifération nucléaire.
* Second principe, les défenses antimissile devraient
être destinées à défendre les Etats-Unis, leurs
alliés et leurs amis contre des attaques lancées par des nouveaux
détenteurs de missiles balistiques, et non par la Chine ou la Russie.
Comme le président Bush l'a lui-même affirmé, ni l'une ni
l'autre ne sont les ennemis de l'Amérique.
* Troisième principe défendu par Lindsay, la
coopération entre le Russie et les Etats-Unis dés que possible.
« Le monde a changé depuis le guerre froide, mais Moscou
conserve la capacité d'entraver les efforts américains de lutte
contre la prolifération nucléaire ».81(*) L'administration Bush a-t-elle
raison d'encourager le Kremlin à faire plus pour aider à stopper
la prolifération de technologies avancées au profit de pays comme
l'Iran ? La réponse du Senior Fellow à la Brookings
Institution est positive mais conditionnées au fait que
l'administration Bush devrait également accroître son aide aux
programmes bilatéraux visant à protéger les
infrastructures russes d'armement nucléaire, chimique et biologique,
contre les trafiquants. Mais la conséquence la plus marquante du 11
septembre est certainement d'avoir autorisé une politique
budgétaire expansive, levant du même coup l'hypothèque
pécuniaire qui existait jusqu'ici. Outre les 20 milliards de dollars
immédiatement accordés par le Congrès, Georges W Bush a
obtenu 48 milliards de rallonge supplémentaires, ce qui devrait porter
le budget du Pentagone en 2002 (année fiscale 2003) à quelque 379
milliards de dollars. Projetée sur dix ans, cette augmentation
représente environ 600 milliards de dollars, soit vingt années du
budget français de la défense.82(*)
Le budget alloué à la défense antimissile
s'élevait à 5.3 milliards de dollars en 200183(*). Il passa à 7 milliards
en 2002. Cette augmentation s'inscrit plus généralement dans le
contexte de hausse du budget du Pentagone, qui passe de 295 à 329
milliards de dollars lesquels chiffres sont confirmés par
Thérèse Delpech qui assure de son côté que le budget
du Pentagone ainsi que celui du Département de l'énergie
consacré aux armes nucléaires représentaient 300 milliards
de dollars en 2000, 350 milliards en 2002, 396 milliards en 2003.84(*) La projection pour 2007 est
estimée à 470 milliards soit quinze fois le budget britannique
suscitant cette réflexion de Delpech pour qui « entre les
Etats-Unis et le reste du monde, ce n'est plus d'un gap (fossé) dont il
faut parler, mais d'un gouffre ». L'Amérique
contrôle aujourd'hui très largement les mers, le ciel et l'espace.
Elle a aussi le premier réseau de bases militaires, et demeure la seule
puissance militaire globale du monde actuel. Plus important que le fossé
des dépenses globales est celui des sommes investies dans la recherche,
le développement et l'acquisition de matériel, soit 100 milliards
de dollars aux Etats-Unis contre 45 milliards de dollars environ pour les cinq
autres pays réunis.85(*)
CARTE SUR BUDGETS MILITAIRES p 41
BUDGET p 42
EFFECTIFS FORCES ARMEES
Au sein de la défense antimissile, le projet NMD voit
lui aussi son budget augmenter : il passe ainsi de 2.8 à 3.3
milliards de dollars. Cette hausse devait servir à financer les
recherches d'un concurrent de Boeing, qui avait mené les travaux de la
NMD depuis 1996 avec des résultats mitigés. L'administration Bush
entendait donc mettre en concurrence Boeing et un autre industriel (en
l'occurrence Lockheed), de façon à favoriser une émulation
entre les deux adversaires,seul le système le plus performant devant
être retenu au final.
Cependant, cette hausse dans les budgets est loin d'être
significative : en réalité, si elle est symbolique de la
volonté du président Bush de redonner la
prééminence à la chose militaire après les
années Clinton où c'est l'économie qui était au
centre des débats, elle est dans les faits peu visible; le budget final
de la Défense accorde en définitive une enveloppe de 7.8
milliards de dollars pour la défense antimissile, soit 500 millions de
moins que les objectifs que Georges Bush avait fixé début 2001
en faveur de ce qui avait été annoncé comme l'une de ses
grandes priorités, mais 2.5 milliards de plus qu'en 2001. Le budget
prévisionnel pour 2003, qui annonce 349 milliards de dollars pour le
Pentagone, est censé augmenter encore cette somme. Il n'en reste pas
moins que la somme accordée à la NMD en tant que telle a peu
variée. Pas suffisamment en tous cas pour justifier l'augmentation de
publicité médiatique que l'on a fait à ce programme.
Comme l'Irak hier, l'hypothétique « menace
chinoise » sert aujourd'hui de prétexte à une
mobilisation militaire high tech qui devrait porter les budgets du
Pentagone à 320 milliards de dollars par an, soit plus que les budgets
militaires de tous les « adversaires »potentiels des
Etats-Unis réunis, alors que tous les autres budgets, surtout sociaux,
sont mis en cause pour financer une nouvelle réduction d'impôts. A
supposer qu'elle le veuille, la Chine n'est pas en mesure de faire basculer les
équilibres en Asie orientale, encore moins au niveau mondial. Cela ne
veut pas dire qu'un nationalisme chinois agressif ne serait pas destabilisant
à l'avenir en Asie. Mais en qualifiant la Chine
d' « adversaire stratégique » pendant la
campagne électorale, puis de « concurrent
stratégique » une fois arrivé à la
Maison-Blanche, M. Bush est en train de construire la réalité
qu'il prétend décrire.
C - Un programme surmédiatisé, des
résultats mitigés
Si quelque chose s'est modifiée au cours de l'an 2001
à propos de la NMD, c'est bien l'attention que les journalistes et les
pessimistes lui ont portée. Elle est passée du statut de projet
quasi-confidentiel, peu connu et hasardeux à celui de programme-phare du
Département et la Défense, novateur et prometteur. Ce changement
de traitement de l'information à son sujet est dû à l'effet
d'annonce sur lequel l'administration Bush a très bien su jouer. En
présentant un projet déjà existant comme une innovation
majeure de la Présidence, comparable à la Strategic Defense
Initiative du président Reagan, en s'en attribuant le mérite et
en la décrivant comme une avancée essentielle pour la
sécurité des Etats-Unis, l'administration Bush a su attirer
l'attention sur la NMD. La dénonciation du traité ABM qui s'en
est suivie n'a fait que médiatiser encore plus le projet. Tout, jusque
dans l'annonce que le programme était dorénavant ouvert à
la concurrence, a été fait pour faire passer l'idée que la
NMD était « LE » grand projet de défense du
Président Bush et que ce dernier était attaché à
redonner au militaire la place qu'il méritait et dont Bill Clinton
l'avait privé.
En réalité, l'augmentation presque
dérisoire du budget allouée à la NMD relève avant
tout de manoeuvre politique, d'une volonté d'affirmer son soutien
à la défense, plutôt que d'une stratégie militaire
à long terme. Aussi la présidence dut-elle essuyer le feu des
critiques lorsque les résultats des recherches dans le cadre de la NMD
se révélèrent nettement moins bons que ceux
escomptés. Les industriels ne cachent pas en particulier leur agacement
face aux reproches qui leur sont faits de gaspiller l'argent public et de ne
pas réaliser de progrès alors même que leurs budgets ont
augmenté. Des ingénieurs de Boeing et de Lockheed, les deux
firmes en « concurrence » sur le projet d'interception de
missiles balistiques, ont assuré qu'il ne s'agit pas d'un
problème d'argent, mais de technologie ; plus
précisément, multiplier par dix la somme dont disposent les
chercheurs n'amènerait aucune amélioration des
résultats ; les laboratoires de recherche bénéficient
presque déjà de trop d'argent, mais c'est la technologie qui ne
peut pas suivre : il est scientifiquement impossible à l'heure
actuelle de réaliser les performances souhaitées. C'est ce point
qu'avait déjà soulevé le rapport Welch en 1998 : les
objectifs fixés par le programme NMD ne peuvent être atteints en
l'état actuel des connaissances. Les industriels et les chercheurs
accusent alors à demi-mot l'administration Bush de leur avoir
compliqué la tâche en les plaçant sous le feu des
projecteurs et en leur imposant des tâches insurmontables par pur calcul
politique, alors qu'ils avaient été prévenus de
l'impossibilité technique à les effectuer.86(*) De son côté Henry
Kissinger demeure « convaincu qu'il est moralement
nécessaire d'affirmer l'importance de la défense
anti-missile »87(*). La question de la technologie à mettre en
oeuvre se pose, pour lui, dans un deuxième temps.
DEUXIEME PARTIE : LA NOUVELLE STRATEGIE NATIONALE
DE SECURITE DE L'ADMINISTRATION BUSH ET SES IMPLICATIONS SUR LE TERRAIN
Deuxième partie : la nouvelle
stratégie de sécurité de l'administration Bush et ses
implications sur le terrain
Le premier rapport du président Georges Bush sur la
stratégie de sécurité nationale, publié par la
Maison-Blanche le 20 septembre 2002, a fait l'objet d'une vive attention aux
Etats-Unis comme à l'étranger et a été accueilli
comme un énoncé de la stratégie des Etats-Unis dans le
monde de l'après-11 septembre.
Quatre thèmes clés de la stratégie de
sécurité nationale de Georges Bush ont suscité des
controverses.
· Premier thème : le document prévoit
des actions militaires préventives contre les Etats hostiles et les
groupes terroristes cherchant à se doter d'armes de destruction
massive.
· Deuxième thème : le document annonce
que les Etats-Unis ne permettront pas que leur puissance militaire mondiale
soit concurrencée par un autre pays.
· Troisième thème : la nouvelle
stratégie, après avoir exprimé la volonté de
coopération internationale multilatérale, précise
explicitement que les Etats-Unis « n'hésiteront pas à
agir seuls, s'il le faut » pour défendre leurs
intérêts nationaux et leur sécurité.
· Quatrième thème : la
stratégie de sécurité nationale affirme avoir pour but la
propagation de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde
entier, en particulier le monde musulman.88(*) Bien entendu pour chacun des thèmes
précités, des développements seront apportés afin
de mieux comprendre les dessous de cette stratégie qui guide de nos
jours l'action de l'administration néo conservatrice à la
Maison-Blanche.
CHAPITRE I : L'unilatéralisme
américain : historique et vision proposée dans le jeu des
relations internationales
« Le danger le plus grave pour la liberté
est l'alliance de l'extrémisme et de la technologie. Si les armes
chimiques, biologiques et nucléaires se répandaient en même
temps que la, technologie des missiles balistiques, même de petits
groupes pourraient disposer d'une puissance leur permettant de frapper les
grands pays de manière catastrophique. Nos ennemis pont
déclaré leur intention de se doter de ces armes terribles et ont
été surpris en train de chercher à s'en procurer. Ils
veulent pouvoir nous faire chanter, nous faire du mal ou en faire à nos
amis - et nous lutterons contre eux de toutes nos forces »
Président Bush West Point, New York le 1er
juin 2002
SECTION I: L'unilatéralisme, assumation de la
puissance
Cet unilatéralisme était déjà en
germe dans le discours d'adieu prononcé par le président George
Washington en 1796 : « Notre situation
détachée et distante nous permet de poursuivre un chemin
différent (...). Pourquoi renoncer aux avantages d'une situation si
particulière, (...) Pourquoi, en liant notre destin avec celui de
quelque partie de l'Europe, empêtrer notre paix et notre
prospérité dans les peines de l'ambition, des rivalités,
des intérêts, des humeurs et des caprices de
l'Europe ? »89(*). Même s'il a été plus ou moins
appliqué - l'Amérique ayant tissé, depuis, un grand nombre
d'alliances -, cet élan doctrinaire en faveur d'une
« diplomatie de l'offre » a toujours imprégné
la pensée de l'aile conservatrice de l'establishment
politico-intellectuel américain, depuis la controverse sur les
euromissiles jusqu'à la défense antimissile. Il inspire
aujourd'hui le « discours de la méthode »
internationale de certains hauts responsables de l'administration Bush, comme
le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, qui livrait,
début 2002, sa vision des alliances : « Il faut que
la mission détermine la coalition et non que la coalition
détermine la mission ».
L'unilatéralisme renvoie autant à une
idéologie qu'à un projet politique et dépasse largement le
cadre de la diplomatie. Comment comprendre, autrement, que la National Security
Strategy of the United States aille jusqu'à promettre l'universalisation
des réductions d'impôts ou des « politiques de
régulation favorables à la croissance
économique » (euphémisme pour désigner un
relâchement des lois sur l'environnement) ? Ne s'agit-il pas, ici,
de l'attachement à une forme d'organisation socio-politique tout autant
que du rôle de l'Amérique dans le monde ? Et cet attachement
n'est-il pas de la même nature que celui que les néo-conservateurs
éprouvent pour la famille, la religion, l'initiative économique
émancipée de toute forme d'arbitrage étatique
(l'unilatéralisme lui-même n'est-il pas une forme d'individualisme
stratégique?), l'économie de l'offre, le droit de porter des
armes à feu, ou encore une certaine prédilection pour la peine de
mort ?
L'unilatéralisme américain en ce moment
constitue une rupture avec le multilatéralisme de l'administration Bush
en 1990-1991. En faisant cavalier seul, les Etats-Unis illustrent la
thèse hobbienne de l'impossible coopération en matière de
sécurité, vu que tout Etat doit être
soupçonné de vouloir profiter de la foi de ses partenaires dans
les engagements qu'il a pris pour les duper. Pour Dario Battistella, en
accusant Saddam Hussein de tergiversations diverses, le président
Georges W Bush ne fait que paraphraser Hobbes pour qui « c'est un
précepte de la raison que tout homme doit s'efforcer à la paix
aussi longtemps qu'il a un espoir de l'obtenir ; et quand il ne peut pas
l'obtenir, il lui est loisible de rechercher et d'utiliser tous les secours et
tous les avantages de la guerre.»90(*) L'autre côté de l'unilatéralisme
est le refus d'alliance des Etats-Unis, pratique inaugurée au moment des
bombardements de l'Afghanistan en riposte aux attentats du 11 septembre 2001.
Ils ont préféré substituer au principe « les
coalitions déterminent les missions », le
principe « les missions déterminent les
coalitions » défendu par Wolfowitz alors que le
Secrétaire général de l'OTAN, Lord Robertson avait fait
savoir que ces attentats entraient dans le cadre de l'article 5 du
traité de l'Atlantique Nord.91(*)
Bref, c'est l'âme de l'Amérique qui est en jeu.
D'où, sans doute, le rejet viscéral et violent par la mouvance
néo-conservatrice des valeurs issues de l'establishment
idéologique des années 1960 (liberté sexuelle et sociale,
Etat-providence, féminisme, affirmative action). Cette attitude, qui
n'est pas sans rappeler celle de la droite française à
l'égard du Front populaire à la fin des années 1930,
confère au débat droite gauche américain depuis le
début des années 1990 des allures de « guerre
culturelle » entre les partisans d'une Amérique arc
boutée sur ses valeurs traditionnelles, et ceux d'une Amérique
débarrassée des pesanteurs religieuses et sociales de son
passé, héritière de l'esprit de tolérance et
d'émancipation sociale du baby-boom. Même la relation
transatlantique est désormais polluée par cette confusion des
genres. Ce rejet de l'Europe, soit dit en passant, est moins celui du Vieux
continent que celui d'une tradition de gauche et de laïcité honnie
par les néo-conservateurs, pour qui le président Clinton est
européen, ou du moins pense comme un Européen ».
A - L'unilatéralisme, nostalgie d'une
époque révolue ?
Le discours néo-conservateur se forme très amont
de la réalité des enjeux stratégiques et politiques de
l'après guerre froide. On a même pu voir transpirer, dans certains
commentaires ou déclarations officielles, l'idée que les actes
terroristes du 11 septembre 2001 constituaient une sorte de
« test » du caractère de l'Amérique,
l'occasion d'en finir avec la « crise morale » de la nation
en troquant les valeurs de confort, de cosmopolitisme et de sécularisme
contre celles de courage, de sacrifice et de foi en Dieu. En cultivant la
similitude entre la période actuelle et 1941 - sans doute est-ce
là l'une des raisons de l'attachement de l'administration à la
formule « axe du mal », qui fait référence
à l' « Axe » tout court -, le président
George W Bush et ses principaux conseillers veulent signifier que l'heure est
venue de se hisser au niveau de la génération de leurs
pères : « la plus grande
génération ». L'Amérique, n'hésita pas
à déclarer le président George W Bush dans un hommage aux
héros du 11 septembre, a abandonné son slogan national, qui
consistait à dire : « si cela est agréable,
faisons le », pour en découvrir un nouveau :
« on y va » [ Let's Roll] , la dernière parole
prononcée par Todd Beamer, l'un des passagers du vol United Airlines 93,
avant de ravir avec quelques autres les commandes de l'appareil pour le jeter
au sol en Pennsylvanie.92(*)
B - Une volonté hégémonique
à toute épreuve
La succession de Clinton engagée, au printemps 2000,
William Kristol et Robert Kagan, publient un manifeste unilatéraliste
profilant la ligne politique de l'administration Bush : « le
système international actuel ne repose pas sur l'équilibre entre
puissances, mais sur l'hégémonie américaine. Les
institutions financières internationales ont été
développées par les Américains et servent les
intérêts américains. Les structures de
sécurité internationale sont essentiellement une succession
d'alliances dirigées par les Etats-Unis (...) L'environnement
international actuel, relativement pacifique, étant le produit de notre
influence hégémonique, tout amoindrissement de cette influence
laisserait à d'autres le soin de jouer un plus grand rôle afin de
modeler le monde selon leurs besoins . Des Etats comme la Chine et la
Russie, si on leur en donnait l'occasion, appliqueraient au système
international une configuration très différente. (...) Par voie
de conséquence, il faut activement travailler au maintien de
l'hégémonie américaine. »93(*)
L'élection de George W Bush va sans conteste
profondément modifier l'état des relations internationales.
L'unilatéralisme est déjà sur ses rails avec la
primauté des intérêts particuliers des Etats-Unis
clairement affirmée, entraînant la dépossession des Nations
Unies de compétences inscrites dans la Charte, l'attribution de
nouvelles missions à l'Otan et un retour, comme moyen ou menace,
à la politique de la canonnière à des fins de domination
ou de partage. C'est le constat que fait William Pfaff pour qui l'activisme
libéral et l'unilatéralisme néo conservateur,
évidents dans la politique étrangère américaine de
des dernières années, trahissent un esprit
hégémonique.
Cette volonté hégémonique
américaine selon Thomas Lindemann, divise l'école réaliste
entre le réalisme « hégémonique » qui
défend la thèse que « les guerres sont seulement
déclenchées si leur issue est certaine et
calculable (...)» et l'école réaliste de
l'équilibre des puissances laquelle admet, selon Lindemann, que
« les coûts d'une agression armée sont en effet
très élevés lorsque des adversaires à peu
prés équivalents s'affrontent et sont en revanche minimes pour un
Etat lorsqu'il possède une supériorité militaire
écrasante ».94(*) Quelle vision l'a emportée avec l'implosion
de l'ex Union soviétique ? Aucune dira Lindemann qui en analysant
les guerres interétatiques américaines majeures reconnaît
le recours à la force a pu être éviter dans les cas de
Haïti en 1996 mais pas dans le cas somalien.95(*)
SECTION II : La doctrine de guerre
préventive
Lorsque en septembre 2002 l'administration Bush
définissait la nouvelle stratégie de sécurité de
son pays, le signal était donné qu'un revirement complet de la
politique étrangère de la première puissance mondiale
allait s'accomplir. Si comme l'affirme Madeleine Albright,
« l'objectif de la politique étrangère consiste
à influer sur les politiques et les agissements des autres pays dans un
sens qui serve vos intérêts »96(*), le président Bush
est bien décidé à le faire appliquer. En effet, pour lui,
« nos ennemis ont clairement déclaré qu'ils
cherchent à se doter d'armes de destruction massive et il y a des
preuves qu'ils y travaillent avec détermination. Les Etats-Unis ne
permettront pas à ces efforts de réussir. Nous construirons des
défenses contre des missiles balistiques et d'autres vecteurs. Nous
coopérerons avec d'autres pays pour empêcher nos ennemis
d'acquérir des technologies dangereuses. Et, parce que c'est le bon sens
même et qu'il s'agit d'autodéfense, l'Amérique agira contre
de telles menaces émergeantes avant même qu'elles ne soient
prêtes à nous frapper. »97(*) N'empêche, Henry
Kissinger considère cette doctrine comme
« imprudente » et pense qu' « elle
allait faire tâche d'huile à travers le monde et serait
utilisée pour légitimer toutes sortes d'agressions des forts
contre les faibles »98(*).
Il est clair que cette doctrine qui veut qu'on attaque avant
de l'être va à l'opposé de celle qui a pendant longtemps a
fait office de document officiel des Etats-Unis en la matière et ce,
pendant toute la période de la guerre froide. Pour preuve, cette
affirmation du président Dwight Eisenhower qui, devant l'invasion de
l'Egypte par la France, l'Angleterre et Israël déclarait en
1957 : « Nous ne pouvons considérer que l'invasion
armée et l'occupation d'un autre pays sont des moyens pacifiques ou des
moyens appropriés pour garantir la justice et la conformité avec
le droit international. » Le monde a changé depuis
lors : on est passé de l'adversaire partisan du statut quo, peu
enclin à prendre des risques et donc pour qui la dissuasion était
un mode efficace, à un adversaire constitué d'Etats de non droit
prêts à prendre tous les risques et à jouer aux dés
la vie de leur population et la prospérité de leur pays.
Désormais, comme le déclara le président Bush lors d'une
conférence de presse le 31 janvier 2003, « après
le 11 septembre, la doctrine de l'endiguement ne tient plus ».
La nouvelle stratégie nationale de
sécurité du président Bush note que les concepts
d'autodéfense traditionnels reconnaissent la « menace
imminente » comme base possible d'action préventive, mais une
menace imminente traditionnellement comprise comme « une mobilisation
visible d'armées, de flottes et de forces aériennes se
préparant à attaquer ». Mais dans ce nouveau contexte
d'un monde assailli par des terroristes, les Etats-Unis doivent adapter le
concept de menace imminente aux capacités et aux objectifs de ces
adversaires d'aujourd'hui. Les Etats voyous et les terroristes n'ayant pas
l'intention de se conformer, pour attaquer les Etats-Unis, aux méthodes
qu'on peut considérer comme « classiques »,
« les Etats-Unis ne resteront pas sans rien faire pendant que les
dangers s'amoncellent »99(*) et agir ainsi, serait « un jeu de
dés imprudent »100(*) selon Wolfowitz rejoint dans on jugement par le
président Bush pour qui « l'histoire jugera
sévèrement ceux qui ont vu venir ce nouveau danger sans
réagir et dans le monde qui commence, la seule voie vers la paix et la
sécurité est celle de l'action » car l'idée
principale de cette doctrine est que plus la menace est grande, plus le risque
de l'inaction est grand et plus il est important de prendre des mesures
préemptives pour se défendre même si des doutes persistent
quant au moment et à l'endroit de l'attaque ennemie. Comme l'indique
Gary Schmitt, l'action préventive n'est pas une option de premier
recours car dit-il « il faut qu'un Etat ait une longue histoire
de violation du droit international et de ses populations pour devenir une
cible potentielle ».101(*)
Peu importe ce qu'en pensent les autres pays. Le
président n'a-t-il pas affirmé dans un de ses
discours : « (...) Toutes les nations sont
concernées par la prévention d'attaques soudaines et
catastrophes. Nous leur demandons de nous rejoindre, et nombreuses sont celles
qui agissent. Mais le destin de cette nation ne dépend pas des
décisions d'autrui. (...) Nous consulterons. Mais pas de
malentendu : si Saddam Hussein ne désarme pas complètement,
pour la sécurité et pour la paix du monde, nous dirigerons une
coalition pour le désarmer. »102(*)
Cette doctrine de guerre préventive formalisée
par le président Bush dans son rapport annuel au Congrès
(National Security Strategy, septembre 2002) s'inscrit dans la lignée de
la doctrine Monroe formulée au début du 19è siècle
(1823) et au corollaire de Roosevelt au début du 20è
siècle (1904). La doctrine Monroe énonçait alors le refus
de l'intervention étrangère dans l'hémisphère
occidental autant que la volonté de préserver le droit des
Etats-Unis d'intervenir et éventuellement d'annexer des territoires. Le
corollaire à la doctrine Monroe de Roosevelt précise que la
défense de la prééminence des Etats-Unis passe par son
rôle et devoir de « police internationale » pour un
« intervention préventive » (preventive
intervention) en cas de « méfait ou
défaillance » (wrondoing or impotence) des acteurs
régionaux et extérieurs.103(*) Mais l'un des dangers principaux de cette doctrine
est sa banalisation pouvant donnant des idées à certaines
puissances avides de régler leurs différends par des voies
guerrières. Ainsi, qu'en sera-t-il si demain le Pakistan utilisait cette
méthode contre l'Inde à propos du Cachemire ou encore Israël
contre ses ennemis (Israël, Iran etc...) ? Les exemples sont
multiples : Corée Nord contre Corée du Sud ou Japon, Chine
contre Taïwan ou vice versa.
Dans un monde considéré comme peu amical voire
hostile, les institutions internationales comme l'ONU ou l'OTAN doivent d'abord
servir les intérêts américains, sinon il faut agir en
dehors de leur cadre. Cette dangereuse conception est en train d'aboutir
à la remise en question de la légalité internationale, de
la sécurité coopérative et notamment de tous les efforts
réalisés patiemment depuis une trentaine d'années dans le
domaine de la maîtrise et de la limitation des armements. Richard Perle,
conseiller influent auprès de l'administration Bush a ainsi
déclaré : « Les Etats-Unis ont un droit
fondamental à se défendre comme ils l'entendent. Si un
traité empêche d'exercer ce droit, alors il faut passer
outre. »104(*) C'est ainsi que les Etats-Unis ont
dénoncé le traité sur les missiles anti-balistiques de
1972, remis en question celui sur les armements stratégiques (START) de
1993, freiné l'application de la Convention sur l'interdiction des armes
biologiques de 1972, ainsi que celle sur les armes chimiques de 1993.
A- Les Etats-Unis hors la
loi ?
Une telle politique a des conséquences très
dangereuses en apportant des signaux d'encouragement aux Etats qui seraient
tentés de se lancer ou de poursuivre des programmes de fabrication
d'armes de destruction massive. Les Etats-Unis sont d'ailleurs contradictoires
face à ces Etats, puisqu'ils exigent de des derniers de respecter des
traités internationaux qu'eux même ne cessent de dénoncer
ou d'affaiblir. Dans le domaine du respect des droits de l'homme, les
Etats-Unis sont tout aussi contradictoires depuis qu'ils se sont retirés
du Traité instituant la Cour pénale internationale. Ils
dénoncent les dictatures mais rejettent les moyens qui permettent de les
juger.
Les Etats-Unis se situent donc
délibérément en dehors de la légalité
internationale, tout en voulant que les autres Etats s'y conforment. Leurs
motivations sont notamment socio-économiques dans la défense de
leurs intérêts immédiats. A propos du refus de ratifier le
protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre, le porte-parole du
président affirme : « une forte consommation d'énergie
fait partie de notre mode de vie, et le mode de vie américain est
sacré ». Rappelons que les Etats-Unis sont responsables de 25
% du rejet des gaz à effet de serre, lorsqu'ils ne représentent
que 5 % de la population mondiale. Sous le présidence Clinton, Madeleine
Albright avait résumé la position de son gouvernement par la
formule : « Multilatéraux quand nous le pouvons,
unilatéraux quand nous le devons »105(*). Mais il semble que la
formule se soit inversée dans l'administration américaine. Les
Etats-Unis seraient à la fois responsables, garants et exemptés
des normes internationales, puisque détenteurs principaux du droit et de
la morale.
L'aboutissement de l'unilatéralisme est
l'impérialisme, terme utilisé sans complexe par certains
idéologues néo conservateurs. Par exemple, le directeur de
l'Institut d'études stratégiques OLIN a
déclaré : « Une entité politique
disposant d'une puissance militaire écrasante et utilisant ce pouvoir
pour influer sur le comportement des autres Etats s'appelle bel et bien un
empire. Notre but n'est pas de combattre un rival, car il n'y en a pas, mais de
conserver notre position impériale et de maintenir l'ordre
impérial »106(*).
L'autre conception fondamentale défendue par les
néo conservateurs a trait à l'usage de la force. L'administration
Bush a opéré une militarisation progressive de la politique
étrangère américaine. L'action militaire n'est plus
considérée comme un moyen ultime, mais bien un outil utilisable
pour atteindre ses objectifs. La diplomatie est d'ailleurs
considérée comme inopérante notamment dans le domaine des
armes de destruction massive : le choix américain s'est
porté sur une politique de contre prolifération
(anéantissement de la menace par la force) plutôt que de
non-prolifération (traités de désarmement et de
contrôle des armements) qui est celle suivie par le reste du monde.
Ce choix de mise en oeuvre d'action unilatéraliste est
tenté d'être expliqué par Lauren Cohen
Tannugi : « Comment ne pas être tenté
d'agir conformément à ses seuls intérêts et selon
ses propres convictions lorsqu'on en a les moyens, qu'on a la certitude de
défendre une juste cause et des valeurs universelles, qu'on est la cible
première du terrorisme et l'objet d'une hostilité
planétaire, et qu'on ne dispose enfin, à ses côtés,
d'aucun partenaire à la fois totalement fiable et à sa
mesure ? »107(*) Cette perception de Tannugi rejoint celle de
Kissinger qui définit la protection des intérêts vitaux de
l'Amérique comme critères d'intervention armée
unilatérale des Etats-Unis. Mais comment les définir de
façon précise dans un monde de communication globale et
instantanée où l'Internet peut servir d'instrument et d'arme de
politique étrangère ?
Kissinger rappelle : « il s'agit de la
sécurité de nos frontières et de notre peuple, à
laquelle s'ajoutent certaines questions politiques et
économiques. »108(*) Les anciennes doctrines politico-militaires
américaines de « dissuasion » et
« d'endiguement » sont bel et bien abandonnées. Les
derniers doutes se sont évanouis lorsque le président Bush a
présenté en juin 2002 le concept de « guerre
préventive », marquant un tournant capital dans la politique
étrangère. En effet, jusqu'alors, les Etats-Unis affirmaient que,
conformément au droit international, ils n'emploieraient la force que
pour répondre à une agression.
Une telle évolution dans la gestion militaire
s'explique par le sentiment d'invincibilité des dirigeants
américains, fondée sur des progrès technologiques
considérables. Pourquoi dès lors s'en priver ? Cet
excès de confiance dans la technique leur fait oublier qu'au-delà
des moyens militaires, ce sont des solutions politiques qu'il faut trouver. Et
dans un grand nombre de cas, l'usage de la force crée davantage de
problèmes qu'il n'en résout. Il y a quelques années un
général américain disait d'ailleurs avec
dépit : « Nous les Américains, nous ne
réglons pas les problèmes, nous les
écraserons ». La menace des organisations terroristes au
21è siècle est telle que la préemption est devenue
nécessaire de l'avis de Jack Spencer.109(*)
Les idées unilatéralistes et militaristes, mises
en application par l'équipe du président Bush, ont pu
l'être grâce à une double conjoncture internationale. D'une
part, après la fin de la guerre froide et de la disparition de l'URSS,
les Etats-Unis sont devenus la seule et unique hyperpuissance, désormais
libre de ses mouvements sur la scène internationale. D'autre part, les
attentats du 11 septembre 2001 ont donné un prétexte
rêvé à la nouvelle équipe dirigeante. Puisqu'ils ont
été victimes, ils croient détenir la
légitimité de leurs choix actuels.
B - De la
« dissuasion » à
l'unilatéralisme
Il faut revenir en arrière pour comprendre cet
infléchissement vers l'unilatéralisme. Après
l'effondrement de l'Union soviétique, les Etats-Unis avaient plusieurs
grandes options stratégiques. En simplifiant, on peut les ramener
à trois :
· Premièrement, privilégier la
coopération et le multilatéralisme dans une optique de cogestion
d'un système mondial en voie de multipolarisation et de pacification
(entre les principaux Etats).
· Deuxièmement, adopter une politique classique
d'équilibre des forces, comparable à celle de la Grande-Bretagne
en Europe continentale au XIXe siècle.
· Troisièmement, pérenniser
l'unipolarité par une « stratégie de
primauté».
Les deux premières options admettent des
possibilités combinatoires, comme l'a montré le dosage de
coopération et de contrainte introduit depuis 1989 dans la gestion des
relations bilatérales avec la Chine. Mais la grammaire de la force et de
la contrainte a rendu exclusive la troisième option.
La stratégie dite de la primauté a
été articulée au sein du Pentagone en 1992 dans un rapport
confidentiel intitulé Défense Policy Guidance 1992-1994 (DPG).
Ecrit par Paul Wolfowitz et Lewis Libby, aujourd'hui respectivement
secrétaire adjoint à la défense et conseiller aux
questions de sécurité du vice-président, M. Dick Cheney,
ce texte préconisait d' « empêcher toute
puissance hostile de dominer des régions dont les ressources lui
permettraient d'accéder au statut de grande puissance »,
de « décourager les pays industrialisés
avancés de toute tentative visant à défier notre
leadership ou à renverser l'ordre politique et économique
établi », et de « prévenir l'émergence
future de tout concurrent global »110(*). Ces recommandations ont
été écrites au plus fort du « moment
unipolaire », peu après la chute de l'URSS et la guerre contre
l'Irak.
Ce détail a son importance, car la guerre du Golfe a
joué un rôle décisif dans la remobilisation des forces
armées américaines. Elle a justifié le maintien de budgets
militaires élevés et a légitimité la conservation
de l'archipel militaire planétaire des Etats-Unis, c'est-à-dire
du réseau mondial de leurs forces armées. Celui-ci était
dirigé contre les « Etats voyous » susceptibles,
disait-on, de menacer les équilibres stratégiques
régionaux. En février 1991, Dick Cheney, alors secrétaire
à la Défense, considérait cette guerre comme la
« préfiguration typique du genre de conflit que nous
pourrions connaître dans la nouvelle ère (...). Outre l'Asie du
Sud-Ouest, nous avons des intérêts importants en Europe, en Asie,
dans le Pacifique et en Amérique latine et centrale. Nous devons
configurer nos politiques et nos forces de telle sorte qu'elles dissuadent ou
permettent de vaincre rapidement de semblables menaces régionales
futures ».111(*)
La guerre, en somme, a sauvé un Pentagone et un
complexe militaro-industriel devant la perspective d'une ample
démobilisation découlant de la disparition de l'Union
Soviétique ; Mais, comme l'ont souligné à
l'époque Robert Tucker et David Hendrickson, « en
démontrant que la puissance militaire demeurait toujours aussi
significative dans les relations interétatiques », elle a
aussi « été perçue aux Etats-Unis comme un
coup rude, peut-être fatal, porté à la vision d'un monde
multipolaire ». Faiblement autonomes, les concurrents allemand
et japonais s'étaient révélés pendant le conflit
« aussi dépendants que jamais de la puissance militaire
américaine ».112(*)
La stratégie de primauté a été
mise en veilleuse sous la présidence Clinton. Celui-ci a
privilégié la poursuite des intérêts nationaux
à travers les institutions multilatérales (dominées par
les Etats-Unis, soit dit en passant) et la mise en oeuvre d'une
stratégie internationale libérale axée sur la
globalisation.
Face à cette inquiétante évolution de la
politique américaine, et après la guerre en Irak, l'Europe et la
Communauté internationale devront réévaluer leurs
politiques dans le cadre des institutions en construisant une doctrine
alternative basée sur des choix clairs et une action volontariste.
Sinon, le monde connaîtra de nouvelles aventures guerrières, avec
le risque de création d'un chaos permanent. Les
présupposés sur lesquels se base la nouvelle stratégie de
guerre préventive plongent leurs racines dans la théorie
stratégique rationaliste qui a produit l'équilibre de la
terreur.
C - : Primauté des forces
militaires
La stratégie des sécurité nationale de M.
Bush reconnaît avec la confiance la supériorité des
Etats-Unis en tant que première puissance mondiale et note sans ambages
que l'un des objectifs de la stratégie d'ensemble des Etats-Unis doit
être d'assurer la primauté des Etats-Unis en décourageant
l'émergence de toute puissance capable de les défier. On peut
lire dans le document : « Aujourd'hui, les Etats-Unis
jouissent d'une force militaire sans égale et d'une grande influence
économique et politique. Conformément à notre
héritage et à nos principes, nous n'employons pas notre force
pour obtenir des avantages unilatéraux. Nous cherchons au contraire
à établir un équilibre des pouvoirs favorables à la
liberté humaine... ».113(*) Et dans un passage qui a suscité de nombreux
débats et discussions, on trouve la déclaration suivante :
« Nos forces seront d'un niveau suffisant pour dissuader les
adversaires potentiels de chercher à accroître leur puissance
militaire dans l'espoir de surpasser ou d'égaler la puissance des
Etats-Unis ».
Les critiques de la stratégie de sécurité
nationale de M. Bush voient dans cette proclamation une évolution
inquiétante dans le sens d'une confiance excessive et d'une tendance
impériale extrême. Le souci de maintenir la primauté de
l'Amérique en cherchant à prévenir la montée d'un
concurrent de force comparable a guidé la politique
étrangère américaine pratiquée durant la majeure
partie du siècle dernier. La logique stratégique fondamentale
explique en grande partie pourquoi les Etats-Unis sont finalement intervenus
dans les deux guerres mondiales et pourquoi les forces américaines ont
été ramenées dans leurs foyers après la
première guerre mondiale, mais ont été
redéployées pour assurer la défense de l'Europe peu
après la fin de la deuxième guerre mondiale (en raison de la
présence d'un concurrent de calibre égal dans le second cas mais
le premier).
L'objectif de la préservation de
l'hégémonie militaire des Etats-Unis n'est lui-même pas
nouveau. En 1992, un document de planification stratégique du
ministère de la défense révélé par des
fuites a présenté un programme visant à prévenir la
montée d'un concurrent de force analogue, énoncé en des
termes remarquablement semblables à ceux de l'actuelle stratégie
de sécurité nationale de M. Bush. (Le texte de 1992 a fini par
l'objet d'un désaveu des responsables officiels américains, mais
le concept fondamental n'a pas été abandonné).114(*)
Pour Lieber, il y a d'excellentes raisons de penser que la
suprématie des Etats-Unis est, de fait, bonne pour la paix et la
stabilité mondiales, et également préférable de
loin aux autres options. La meilleure preuve selon lui, en est l'accueil
favorable fait à la présence militaire américaine dans un
grand nombre de régions du globe. Mais on peut se demander aussi si les
motivations des Etats des diverses régions ne sont pas simplement de
bénéficier gratuitement du bouclier de la sécurité
américaine, ou encore de l'effet pacificateur ou stabilisateur de le
présence américaine, car malgré les tensions politiques
évidents et prévisibles résultant ipso facto du
stationnement de troupes américaines à l'étranger, de
nombreux Etats peuvent considérer la suprématie militaire
américaine à la stabilité et préférable aux
autres options, notamment en Europe, en Asie de l'Est et dans le golfe
persique.
Au bout du compte, cet élément de le nouvelle
stratégie de sécurité nationale de M. Bush ne risque
guère de redéfinir les contours de la politique
étrangère américaine. Il est improbable, par exemple, que
les Etats-Unis prendront délibérément des mesures visant
à retarder la croissance économique et militaire de grandes
puissances potentielles telles que la Chine. Par ailleurs, selon toute
vraisemblance, les dépenses de défense des Etats-Unis
continueront d'augmenter avec la guerre contre le terrorisme, ce qui continuera
de creuser l'écart militaire qui les sépare d'éventuels et
cela pourra en fait dissuader les adversaires potentiels de défier les
Etats-Unis dans le domaine militaire.
La simple préservation de cette position militaire -
sans même parler de son renforcement - coûte de l'argent. Le budget
de la défense américaine était de 403 milliards de dollars
en 1988, de 260 milliards en 1998, pour remonter à nouveau à 300
milliards en 2000, dernière année de l'administration Clinton.
Depuis 2002, le budget militaire américain dépasse les 400
milliards de dollars annuels. Cela sans compter les guerres qui exigent souvent
des rallonges. Celle d'Irak a commencé en mars 2003 avec un budget de 75
milliards de dollars pour couvrir les dépenses opérationnelles et
de normalisation pour six mois.115(*) Salamé nous rappelle d'ailleurs que le
Président Bush a obtenu en octobre 2003 un supplément de 87
milliards, 25 milliards en mai 2004 alors qu'il en réclamait 50, sans
oublier sa demande de 80 autres milliards en février 2005 d'où le
coût total de 200 milliards de dollars payés par contribuable
américain dans les deux ans qui ont suivi son
déclenchement.116(*) Ces chiffres sont confirmés aussi par Michael
Parenti qui ajoute que des fonds additionnels étaient également
promis à la NSA, à la CIA, au FBI et à d'autres
unités de l'Etat.117(*)
Eliot Cohen cité par Salamé rappelle que
l'émergence des acteurs transnationaux n'affectent pas la
prévalence des Etats, le problème étant dit-il, que les
Américains ont oublié comment penser le stratégique en
l'absence d'un ennemi évident. Pour Cohen, cinq raisons au moins font
que les Américains font tout pour rester la première puissance
militaire :
- Défendre le territoire
- soutenir des Alliés menacés
- jouer le coupe-feu entre deux protagonistes dont le
conflit peut menacer les intérêts de l'Amérique
- protéger les flux du commerce international.
- La cinquième raison qui fut reprise par
l'administration Bush est : l'incertitude, car à leurs yeux, il
faut demeurer puissant pour faire face à des menaces que l'on sait pas
ne pas connaître.118(*)
D - Avènement d'un nouveau
multilatéralisme
Au vu de tout ce qui a été affirmer, certains
ont interprété la nouvelle doctrine de l'administration Bush
comme l'incarnation d'un unilatéralisme, ou tout simplement comme
« le gant de velours rhétorique cachant la main
de fer de la force brute américaine » pour reprendre la
belle expression de Robert Lieber.119(*) La stratégie de sécurité
nationale de M. Bush énonce clairement les avantages et la
nécessité d'une coopération multilatérale, en
particulier que le comportement récent de l'administration Bush ne le
donnerait à penser.
La nouvelle stratégie déclare :
« Nous sommes guidés par la conviction qu'aucune nation
ne peut, à elle seule, bâtir un monde meilleur et plus sûr.
Les alliances et les institutions multilatérales peuvent multiplier la
force des nations éprises de liberté. Les Etats-Unis sont
attachés à l'existence d'institutions durables
(...) », le document note également : « Les
Etats-Unis s'efforceront constamment de rallier l'appui de la communauté
internationale, mais ils n'hésiteront pas à agir seuls
(...)».
Ce qui est différent, c'est que l'administration Bush
semble rejeter la poursuite aveugle du multilatéralisme par égard
pour le multilatéralisme, c'est-à-dire en tant qu'approche
intrinsèquement nécessaire à la légitimité
ou à la moralité internationale. La stratégie de
sécurité nationale de M. Bush considère au contraire que
la volonté de faire cavalier seul ne s'oppose pas un
multilatéralisme productif et qu'elle pourrait même en faciliter
l'instauration. Ici encore, il faut se garder d'exagérer la rupture avec
le passé. Ceci est confirmé par Richard Armitage l'actuel
secrétaire d'Etat adjoint qui révèle que l'échange
de renseignements et la coopération des forces de police ont conduit
à l'arrestation ou à la détention de presque 2300 suspects
dans 99 pays et ont permis d'éviter des attaques sur des civils dans le
monde entier, même si malheureusement certaines n'ont pu être
empêchées, que 160 pays ont gelé plus de 100 millions de
dollars d'avoirs appartenant aux terroristes et à leurs
alliés.120(*) Le
gouvernement Clinton lui-même malgré son attachement résolu
au multilatéralisme, a fréquemment choisi de faire passer ce
principe au second plan dans la poursuite d'intérêts nationaux
plus directs lorsque ces deux positions étaient inconciliables.
L'hypothèse de la sécurité
coopérative débouche sur celle de communauté de
responsabilité. Une coordination et une harmonisation des politiques
nationales sont donc sources d'un gain collectif appréciable d'où
l'importance accordée au consensus entraînant cette
réflexion de Bertrand
Badie : « L'ingérence apparaît ainsi de
plus en plus comme un faux ami de la puissance et le contournement du
multilatéralisme s'impose de plus en plus comme un piège qui se
referme sur celui qui en fait usage »121(*)
Il est de bonne stratégie de se déclarer
disposé à agir seul. La stratégie de
sécurité nationale de M. Bush stipule que la guerre mondiale
contre le terrorisme exige la coopération au plan international de pays
qui partagent les mêmes idées. Mais il apparaît
également que d'autres nations évalueront elles-mêmes les
coûts et les avantages de la coopération avec les Etats-Unis (ou
de leur opposition). Même les pays qui se hérissent devant
l'unilatéralisme américain finissent souvent par se
décider à coopérer avec les Etats-Unis si l'alternative
est d'être laissés sur la touche. Il en a été ainsi
de la récente adoption à l'unanimité de la
résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations unies
exigeant de l'Irak qu'il se conforme pleinement à ses obligations en
matière de désarmement. Plusieurs membres permanents du Conseil
de sécurité (la Russe, la Chine et la France) ainsi qu'un Etat
arabe (la Syrie) avaient d'abord exprimé leurs divers désaccords
avec la politique américaine mais ont finalement choisi de
coopérer en votant en faveur de la résolution.
Néanmoins, l'émancipation des alliés des
Etats-Unis dans la phase diplomatique de la crise irakienne évoque selon
Bertrand Badie tout autre chose car selon lui « dans un contexte
où le jeu solitaire n'apporte aucune chance de gain hors de l'alignement
total sur le plus fort, le jeu multilatéral devient avantageux en
étant en même temps inclusif et
effectif. »122(*) Le contournement de l'ONU suppose, pour
réussir, une légitimité propre soutenue par l'opinion
publique internationale comme ce fut le cas lors de la guerre du Kosovo en mars
1999. Il faut aussi rappeler que l'élévation des coûts est
également sensible sur le plan matériel car en prenant le risque
de ne pas partager les gains, l'action unilatérale se réserve de
fait la totalité des pertes. Même si l'enjeu évolue
très vite, comme ce fut le cas pour l'Afghanistan ou pour l'Irak avec la
mise en place d'une conférence de donateurs qui atténue les
effets de l'unilatéralisme, leur résultat est
généralement médiocre avec le peu d'empressement des
exclus à la rejoindre. Le multilatéralisme tend à devenir
le lieu d'investissement privilégié des puissances moyennes trop
faibles pour triompher sur le mode unilatéral, mais trop solides pour
renoncer à tout rôle international et se réfugier dans la
passivité du client, les puissances moyennes font des institutions
multilatérales le réceptacle privilégié de leur
démonstration de force internationale.
E : La propagation de la
démocratie
La stratégie de sécurité nationale de M.
Bush ne concerne pas exclusivement la puissance et la sécurité au
sens étroit de ces termes. Elle énonce l'engagement des
Etats-Unis de répandre la démocratie dans le monde entier et
d'encourager la formation « de sociétés libres et
ouvertes sur tous les continents ». A ces fins, le document
prévoit une vaste campagne d'information du public, « une
lutte idéologique » pour aider les étrangers, notamment
dans le monde musulman, à connaître et à comprendre
l'Amérique. Rappelons que cette ambition américaine de propager
la démocratie a été formulée pour la
première fois par l'ancien conseiller de Bill Clinton Anthony Lake en
1994 et qu'elle est à géométrie variable selon qu'on est
en Afrique ou au Proche-Orient où des intérêts
énergétiques sont bien visibles. Cet état de fait en plus
du faible intérêt des médias américains pour le
génocide rwandais explique, selon Thomas Lindemann l'absence de
réaction américaine face à la catastrophe rwandaise en
1994.123(*)
Cet engagement reflète des thèmes
profondément ancrés dans la grande stratégie
américaine et s'inscrit dans le droit fil des idées
américaines en politique étrangère. En particulier,
l'idée que l'exercice de la puissance américaine va de pair avec
la promotion des principes démocratiques se retrouve dans les
déclarations de politique des présidents des Etats-Unis depuis
Woodrow Wilson jusqu'à John Kennedy, Ronald Reagan et Bill Clinton. Cet
amalgame de valeurs est l'expression à la fois d'une croyance en la
démocratie et en la liberté en tant qu'idéaux universels
(« Les Etats-Unis, lit-on dans le document, doivent
défendre la liberté et la justice parce que ces principes sont
justes et vrais pour tous les gens en tous les lieux »), et
celle d'un jugement selon lequel la propagation de ces principes à
l'étranger bénéficie non seulement aux populations
d'autres pays mais renforce également la sécurité
nationale des Etats-Unis en réduisant les risques de conflit entre les
nations.
La stratégie de sécurité nationale de M.
Bush exprime l'engagement des Etats-Unis de « s'employer à
porter l'espoir de la démocratie, du développement, de
l'économie de marché et du libre échange aux quatre coins
du monde ». Cet objectif est motivé par la conviction que la
cause fondamentale du terrorisme de groupes islamiques radicaux est l'absence
de démocratie, la fréquence de l'autoritarisme et le manque de
liberté et de possibilités dans le monde arabe. Cette idée
avait été rejetée dans le passé comme relevant de
la rhétorique politique. Mais après le 11 septembre les Nations
Unies dans leur rapport sur le développement humain ont identifié
le problème et lancé un appel à la mise en oeuvre de
mesures d'expansion des institutions démocratiques et du respect des
libertés humaines fondamentales dans le Moyen-Orient musulman.
CHAPITRE II : L'administration Bush : une
équipe cosmopolite
SECTION I : Un gouvernement de guerre froide sans
guerre
Si Bill Clinton n'a pas su ou voulu le Pentagone au pas, on
assiste avec George W Bush à un retour en force de l'Etat de
sécurité nationale. Contrairement à l'administration
Clinton, ce sont maintenant des guerriers et des stratèges civils et
militaires qui occupent les postes décisifs. MM. Dick Cheney, Colin
Powell, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, Richard Armitage, James Kelly, Lewis
Libby, John Negroponte124(*), parmi d'autres, ont tous eu des fonctions
sécuritaires de premier plan dans la défense ou le renseignement
pendant la guerre froide et/ou au moment de la transition soviétique et
de la guerre contre l'Irak. John Negroponte, par exemple, a été
un des hommes-clés dans la guerre « secrète »
menée contre les sandinistes, au Nicaragua alors que James Kelly
était dans la Navy. De son côté, Richard Armitage, un
ancien du Vietnam est au secrétariat à la défense. Paul
Wolfowitz et Lewis Libby ont théorisé l'unipolarité sous
la présidence de Bush père. Donald Rumsfeld, qui a
présidé à la « deuxième guerre
froide » (1975-1989) a fait disparaître le mot
« détente » du vocabulaire officiel et passé
les années 1980 et 1990 à promouvoir la « guerre des
étoiles » et à dénoncer la politique des
démocrates. Subtil mélange de centristes proches de son
père (Henry Kissinger, Brent Scrowcroft, George Shultz, Condoleeza Rice,
l'avocat international Robert Zoellick) et de néo conservateurs purs et
durs issus de la puissante organisation Project for a New American Century
(Paul Wolfowitz, Dick Cheney, Richard Perle, John Bolton, Lewis Libby, William
J. Bennett, Zalmay Khalilzad et James Woolsey), et l'équipe de
conseillers diplomatiques rassemblée par le gouverneur Bush dés
1998 navigue entre réalisme et « souverainisme ».
Bref c'est un gouvernement de guerre froide sans guerre
froide. Ses actes et sa composition reflètent une vision et un
choix : la vision d'un système mondial structuré par le seul
jeu des rapports de forces, et le choix de poursuivre des objectifs de richesse
et de puissance déterminés par une définition très
étroite de l'intérêt national.
Le choix de Dick Cheney par exemple comme numéro deux
sur son « ticket » n'est pas un hasard. George W Bush
apprécie Cheney pour son expérience (il fut secrétaire
général de la Maison-Blanche, membre du Congrès et
secrétaire à la Défense) mais aussi pour ses immenses
réseaux de contacts dans les milieux politiques, économiques et
universitaires républicains. Il a pour fonction de transformer les
« instincts idéologiques » de George W Bush en
grille de lecture du monde. Puisant dans son impressionnant carnet d'adresses,
il réunit une équipe se quatorze experts en matière de
politique étrangère : surnommés « les
Vulcains », ceux-ci forment un mini-conseil de sécurité
nationale coordonné par Condoleeza Rice125(*). Par delà la
doctrine, le parcours de ces hommes est en général assez
homogène. Souvent formés à l'école démocrate
du début des années 1960 (celui de John Kennedy et du missile
gap), les néo conservateurs ont profité de l'ostracisme
politique, universitaire et social dont ils ont fait l'objet en raison de la
guerre du Vietnam pour se rallier à la droite religieuse. Dés le
début des années 1970, ils trouvent refuge dans les organisations
(l'American Entreprise Institute, la Heritage Foundation ou le Committee on the
Present Danger) ou les médias (National Review) qui forment
désormais l'essentiel de la base politique du conservatisme. C'est
à eux que l'on doit le ralliement à la fois tactique (ils
cherchent à se constituer une base électorale dans des Etats
clés comme la Floride, New York ou la Californie) et idéologique
(par inclination religieuse personnelle) de cette droite conservatrice à
Israël. Ils voient, en effet, dans l'Etat juif une autre
« nation assiégée », alter ego de
l'Amérique du XVIIIe siècle et « poste
avancé » de la démocratie dans une région qui ne
connaît - Liban excepté - que la tyrannie.
A - Une mouvance très proche
d'Israël
Cette prégnance des enjeux de sécurité au
Moyen-Orient se reflète dans deux de leurs bastions intellectuels les
plus influents : le Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA)
et le Center for Security Policy (CSP), organisations jumelles dont la
composition est en tous points identique à celle du Committee on the
Present Danger, et dont les conseils d'administration constituent une sorte de
Who's Who du néo-conservatisme américain contemporain.
Fondée en 1976 dans le sillage de la guerre du Kippour
par un groupe d'intellectuels et d'hommes d'affaires, le Jewish Institute for
National Security Affairs (JINSA) est devenu, en vingt cinq ans, une
véritable « machine de guerre » de lobbying et de
relations publiques, dotée d'un budget de 1,5 million de dollars par an.
Jusqu'en janvier 2001, le conseil d'administration du JINSA rassemblait Dick
Cheney, John Bolton (aujourd'hui Undersecretary of State for Arms Control),
Douglas Feith (Undersecretary of Defense Policy), Richard Perle (ancien
président du Defense Policy Board et toujours membre du conseil du
JINSA). L'organisation se vante également de compter parmi ses membres
plus de 200 anciens officiers supérieurs de l'armée
américaine. Sa fonction consiste, selon son site web, à
sensibiliser l'opinion américaine à la
nécessité de doter les Etats-Unis d'une de capacité de
défense efficace pour que ses intérêts vitaux puissent
être protégés, ainsi qu'à « informer
la communauté de défense et des affaires étrangères
du rôle fondamental d'Israël dans la propagation des valeurs
démocratiques en Méditerranée et au
Moyen-Orient ».
Cette « proximité » entre les
Etats-Unis et Israël, la conviction des faucons selon laquelle
l'équilibre des forces entre Israël et le monde arabe changerait de
façon décisive en faveur d'Israël si l'Irak était
d'abord « libéré » ajoutées à
ce que Hoffmann appelle « l'antipathie de Bush pour Arafat et son
horreur du terrorisme par les attentats suicides »126(*), tout cela a
entraîné la suspension du processus de paix.
SECTION II : Néo-conservateurs, un groupe
à plusieurs tendances
Communément appelés « néo
conservateurs » ou « faucons », les hommes
constituant l'entourage du président américain ne laissent pas
indifférent ceux qui s'intéressent à la politique
étrangère américaine en raison de leur poids dans on
orientation de celle-ci. Mieux, l'équipe Bush est composée par
plusieurs tendances du conservatisme américain. En
réalité, trois branches se distinguent au sein de
l'administration Bush.
La première composante, qui peut-être
qualifiée de nationaliste, est représentée par le
vice-président Richard Cheney et Donald Rumsfeld. Ces
personnalités qui ont fait leur carrière durant la guerre froide,
ont assisté à la fin de l'empire soviétique et en ont
tiré quelques convictions très profondes. Ils considèrent
que le contrôle des armements qui a occupé l'essentiel des efforts
vis-à-vis de l'Union soviétique était une chimère
et que seule une démonstration de force a permis de vaincre la guerre
froide.127(*) La guerre
des étoiles fut à leurs yeux l'élément
déterminant dans la chute de l'empire soviétique.
Le deuxième groupe est plus idéologiquement
marqué. Cette mouvance, personnalisée par le
sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz et son
assistant Douglas Feith considère que la force militaire doit être
mise au service de la démocratie dans le monde. La
sécurité américaine passe par une refonte de la
scène internationale à l'image de l'Amérique.128(*) Affichant leur
« wilsonnisme botté », selon l'expression de Pierre
Hassner, ils ont oeuvré pour renverser Saddam Hussein déjà
sous la présidence Clinton. Prenant acte de l'hégémonie
américaine, « ce groupe a utilisé le 11 septembre comme
alibi pour avancer un agenda qui dépassait de loin la seule lutte contre
le terrorisme »129(*). Autre membre influent de cette mouvance, Richard
Perle qui était jusqu'à la fin mars 2003 (il a dû
démissionner à la suite de certaines révélations
concernant les conflits d'intérêts entre ses activités
publiques et privées) président du Defense Policy Board, organe
consultatif su Pentagone et « boîtes à
idées » de Donald Rumsfeld. Surnommé « super
faucon » en raison de son attachement aux valeurs les plus
traditionnellement de l'Amérique, il dispose d'une immense influence sur
la politique de l'administration, par l'intermédiaire de ses
protégés qu'il a habilement placés aux postes les plus
stratégiques du Pentagone, du NSC et du département d'Etat.
Déjà très présent dans l'entourage de Georges W
Bush depuis le début de la campagne électorale, Perle a fait
honneur à son surnom de « Prince des
ténèbres ». Il a refusé d'intégrer
l'administration ( on lui proposait le poste d'Undersecretary of Defense for
Policy, numéro trois du Pentagone) pour se glisser dans le rôle
celui d'éminence grise.130(*)
Le dernier groupe est plus traditionnel et est
personnalisé par Colin Powell. Cet ancien général n'a pas
caché sa réticence à l'usage de la force et a pesé
de son poids pour que les Etats-Unis obtiennent le soutien de l'ONU lors de la
guerre en Irak en 2003. S'il se montre prudent sur l'emploi de la force, il
estime que, lorsque les circonstances l'exigent, cette force doit être
massivement utilisée.131(*) Malgré leur divergence, ces
différentes composantes de l'administration partagent certaines
convictions. Tous sont convaincus de la supériorité
américaine, tous ont confiance dans la force armée des Etats-Unis
et rejettent la politique étrangère d'internationalisme
libéral de Clinton.
A - Des liens étroits avec le monde
pétrolier
L'autre caractéristique de cette administration est son
lien avec le monde du pétrole expliquant les doutes quant aux vraies
raisons qui ont poussées les Etats-Unis à intervenir en Irak.
Mais s'il évident que Washington est décidé à
éliminer toute menace pesant sur la production et sur le transport du
pétrole dans cette région, pour les stratèges
américains, il s'agit également de s'assurer que les vastes
réserves pétrolières irakiennes demeureront disponibles,
c'est-à-dire ne tomberont pas sous le contrôle exclusif des
compagnies pétrolières russes, chinoises ou
européennes.
Les pétroliers n'ont jamais eu de liens aussi intimes
avec la Maison-Blanche qu'aujourd'hui. Pour le vice-président Dick
Cheney, cela pourrait être la deuxième fois qu'il fait des
affaires en Irak depuis la guerre du Golfe. Cheney est en effet l'ancien
directeur d'Halliburton, le plus grand prestataire de services
pétroliers du monde. En août 2000, Cheney a publiquement
déclaré, en tant que directeur d'Halliburton :
« Ma politique était stricte quant au fait de ne rien
faire en Irak, pas même passer des accords soi-disant
légaux. » Le Financial Times a pourtant
démontré que Cheney a supervisé en 1998 et 1999 des ventes
à l'Irak s'élevant à 23.8 millions de dollars.132(*) Georges W Bush et sa famille
sont liés aux compagnies pétrolières depuis
l'époque de son grand-père. Condoleezza Rice, la
conseillère pour la sécurité nationale de Bush, a
siégé au conseil d'administration de Chevron, qui a
récemment donné son nom à un pétrolier.
Grand spécialiste des questions
pétrolières, le Dr. JJ Traynor de la Deutsche Bank perçoit
Exxon Mobil, la plus grosse et sans doute la plus influente politiquement des
compagnies, comme étant « au premier rang » pour
tirer tous les bénéfices d'un changement de régime en
Irak. Exxon Mobil a travaillé dur pour entretenir la demande de
pétrole en faisant pression sur le gouvernement américain pour
qu'il se retire du Protocole de Kyoto sur le réchauffement
planétaire. Durant la campagne électorale 2000, Exxon Mobil a
versé 1 375 250 dollars pour financer les campagnes de
politiciens (seule Enron parmi les compagnies pétrolières et
gazières a consacré plus d'argent au financement de campagnes
électorales). Sur cette somme, 89 % sont à des candidats
républicains.133(*) En sapant les efforts de réduction des
émissions de gaz à effet de serre, Exxon Mobil prolonge la
dépendance des Etats-Unis envers le pétrole et leurs liens avec
des pays producteurs de pétrole souvent politiquement instables.
Pour autant, contrairement à ses homologues
français, russes et chinois, Exxon Mobil, la plus grosse compagnie
pétrolière du monde, a dû rester à l'écart de
l'Irak à cause de la position politique des Etats-Unis ces dix
dernières années. Exxon possédait auparavant 25 % des
champs de pétrole irakiens. Une nouvelle guerre contre l'Irak lui
donnerait de nouveau accès aux vastes réserves
pétrolières du pays. Fin mars 2004, l'armée
américaine avait attribué le principal contrat de lutte contre
les incendies de puits de pétrole en Irak au géant texan
Halliburton, dirigée de 1995 à 2000 par l'actuel
vice-président, Dick Cheney. Déjà les soupçons de
collusion d'intérêts allaient bon train, surtout que le dit
contrat avait été attribué sans appel d'offres. Mais il
semble aujourd'hui que l'administration Bush a aussi caché l'ampleur du
mandat confié à Halliburton. Dans une lettre adressée
à Henry Waxman, membre démocrate de la Chambre des
représentants (qui avait déjà dénoncé la
collusion d'intérêts entre les pétroliers et la
Maison-Blanche), le Corps du génie de l'Armée de terre vient en
effet de révéler que le contrat en question comprenait non
seulement l'extinction des puits en feu, comme annoncé, mais aussi
« la gestion d'installations et la distribution de
produits ». Pour autant les liens de l'administration Bush avec le
milieu énergétique ne s'arrêtent pas seulement à
Exxon mobil car derrière ces révélations, celles faites
sur les relations entre l'équipe Bush et Enron sont plus
préoccupantes.134(*)
CHAPITRE III : Guerre en Irak : seul contre
tous
SECTION I - La guerre en Irak, ultime stade du
néo-conservatisme
La guerre en Irak est la transcription exacte de cette
doctrine unilatéraliste. Mais elle aussi le produit de la rencontre de
certains éléments :
· une obsession qui remonte pour certains (comme Paul
Wolfowitz) aux années 1970, et qui a été sensiblement
renforcée par la frustration de n'avoir pas été
jusqu'à Bagdad en 1991.
· La formulation d'un projet politique clair et, depuis
le 11 septembre, attractif pour les Américains.
En se mettant dans cette posture de puissance
hégémonique, le risque pour la puissance américaine est de
multiplier ses exigences, lesquelles pouvant paraître excessives selon
l'Etat faible, peuvent le pousser « à combattre pour son
honneur tout en sachant que sa défaite est
inéluctable » selon Thomas Lindemann.135(*) On peut raisonnablement
penser que c'est ce qui est arrivé à Milosevic et surtout
à Saddam Hussein lors de la dernière guerre contre l'Irak.
Georges W Bush n'a-t-il pas exigé 48 heures avant le
déclenchement des opérations le départ de Saddam et de ses
deux fils ?
A - Les raisons de l'invasion
américaine
Loin, très loin des enjeux pétroliers,
certainement présents mais bien ridicules pour Alexis Debat,
l'administration Bush réalise avec l'Irak, et pour la première
fois depuis 1941, la conjonction parfaite de l'exceptionnalisme et de
l'exigence de sécurité absolue. Il s'agit, là encore,
d'assurer la sécurité de l'Amérique en imposant la
liberté à une région qui, jusque là, a
été incapable de la faire naître elle-même.
Mais l'objectif de la Maison-Blanche dépasse de
beaucoup cette seule perspective : il ne fait aucun doute, pour le
président Bush ainsi que pour la plupart de ses conseillers, que la
bataille de Bagdad constitue le point de départ d'une révolution
similaire à celle qui avait suivi le débarquement des troupes
américaines en Europe en 1944. Pour l'administration américaine,
les soldats qui se sont battus et qui sont morts en Irak sont la nouvelle
« plus grande génération » de
l'Amérique, débarquée au Moyen-Orient pour y apporter la
démocratie et la prospérité comme ses aînés
l'avaient fait en Europe et en Asie. Selon Michel
Fortmann, « la volonté d'en découdre avec
l'Irak peut-être vue comme un désir inconscient, chez les
réalistes néoconservateurs de trouver un ennemi bien
identifiable, territorialement marqué, que l'on puisse désigner
aux foules comme sources de menace, à qui l'on puisse ensuite faire la
guerre selon les canons « classiques ».136(*)
En agissant de la sorte, l'administration et les
néo-conservateurs font, néanmoins, un pari dangereux. Ils
prennent d'abord le risque de heurter une partie de leurs opinion,
traditionnellement attachée au multilatéralisme. Ensuite, en
promettant de préempter les situations où s'exerce la tyrannie,
ils mettent le doigt dans un engrenage dont personne ne maîtrise l'issue.
Enfin, en liant aussi étroitement son discours et son avenir à ce
qui s'annonce comme une délicate transition démocratique en Irak
et dans l'ensemble du Moyen-Orient, l'aile souverainiste du Parti
républicain, se lance dans une croisade historique pour le moins
hasardeuse. Le triomphe purement militaire des forces américaines sur le
régime irakien n'est que la toute première étape d'un long
et complexe processus.137(*) L'exercice est particulièrement
périlleux, d'autant que les terribles images du 11 septembre tendent
à s'estomper et que la faiblesse de l'argument menace de plus en plus le
consensus interne.
B - Coopération entre Al Qaïda et le
régime irakien ?
On n'a pu établir à ce jour aucun lien entre
l'Irak et Al Qaïda, ni que ce pays possédait des armes chimiques et
de destruction massive, ni que ses fusées avaient une portée
suffisante pour atteindre les Etats-Unis. On peut même présumer
que l'Irak, affaibli et appauvri par la guerre du Golfe en 1991, les attaques
américaines répétées depuis ainsi qu'un embargo
dévastateur, n'a tout simplement pas les moyens de posséder de
telles armes. A moins que quelque riche pays, ami de circonstance, lui en ait
fait cadeau, par exemple, du temps de la guerre contre l'Iran. Pourtant, sans
aucune preuve, l'administration Bush n'a cessé de déclarer le
contraire pour justifier, à l'encontre du droit international, la «
légitime défense » et sa politique d'invasion. C'est ainsi
que le rapport de l'ancien inspecteur Richard Butler n'hésita pas
à reconnaître ce lien en parlant « d'évidence
dans l'association entre le régime irakien et Al Qaïda ».
Pour Butler, ces contacts datent de 1998 alors que le groupe terroriste cherche
des produits toxiques et sont poursuivis et sont poursuivis en 2000 en
Afghanistan ; avec l'expulsion d'Al Qaïda de ce pays, le groupe
terroriste aurait trouvé refuge dans le nord de l'Irak, où Abu
Musa Al Zarqawi était relativement libre de se déplacer et de
recevoir à sa guise.138(*)
Après le 11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan et
le démantèlement des bases d'Al Qaïda ont constitué
l'objectif principal des Etats-Unis. Mais, en janvier dernier, une fois les
talibans chassés de Kaboul et Ben Laden disparu quelque part entre
l'Afghanistan et le Pakistan, Saddam est revenu sur le devant de la
scène, protagoniste de « l'axe du Mal » de Georges
Bush aux côtés de l'Iran et de la Corée du Nord. Le
but : profiter de le guerre contre le terrorisme pour mettre en oeuvre le
grand dessein des faucons. Dans certaines rédactions on n'hésite
plus à affirmer que l'administration Bush envisageait initialement
une confrontation avec Saddam Hussein cet automne, une fois qu'il aura
monté un dossier aux Nations Unies prouvant que le leader irakien les
inspections. De hauts responsables reconnaissent maintenant qu'une offensive
sera probablement repoussée au début de l'année prochaine,
pour se donner le temps de créer les bonnes conditions militaires,
économiques et diplomatiques.139(*)
Peut-on ignorer les liens entre les membres de cette
administration et les puissants groupes et lobbies qui ont des
intérêts à défendre comme le Carlyle Group
considéré comme le fonds d'investissement le plus puissant du
monde, le plus discret aussi vu qu'il n'est pas côté en bourse ni
obligé de dévoiler ses membres. Dans son comité de
direction, d'ex-ministres côtoient d'anciens représentants des
principales agences de régulation américaine et deux anciens
directeurs de la CIA. Etroitement relié au secteur de la défense,
il est capable de répondre à n'importe quel appel d'offres, de
l'aéronautique aux télécoms, de l'électronique de
défense à la décontamination nucléaire,
bactériologique et chimique, en passant par la production de chars, de
canons, de missiles.140(*) C'est ainsi qu'après les attentats du 11
septembre, l'augmentation des budgets militaires est devenue « une
aubaine dont le Carlyle Group entend bien profiter ». Le 26 septembre
2001 nous rappelle Dallecoste, Donald Rumsfeld, secrétaire à la
Défense, « déterre le programme
« Crusader », un contrat d'armement de 11 milliards de
dollars porté par United Defense, la filiale du Carlyle Group que
préside son vieil ami Franck Carlucci ».141(*)
SECTION II : Les armes de destruction massive :
raisons fallacieuses d'une guerre illégale ?
« Je m'attends à être
questionné, interrogé sur le programme d'armement irakien. (...)
Je vous le dis pour l'Histoire : nous n'avons rien, et ce n'est pas pour
défendre le régime »
Général Amer Hammoudi Hassan - conseiller
scientifique du président, lors de sa reddition le 13 avril 2003
« Nous nous sommes entendus sur une question, les
armes de destruction massive, parce que c'était la seule raison sur
laquelle tout le monde pouvait tomber d'accord. »
Paul Wolfowitz, 29 mai 2003
« Il s'agit donc, sans doute, du plus grand
mensonge d'Etat de ces dernières années. D'une campagne de
manipulation menée probablement en toute connaissance des choses, en
tout cas malgré toutes les indications contraires, pour faire croire aux
opinions publiques mondiales que l'Irak détenait et fabriquait des armes
de destruction massive.(...) Robin Cook, ancien ministre britannique, qui a
démissionné contre la guerre, réclame une enquête
parlementaire. Face à ce mensonge d'Etat, la démocratie exige que
l'opinion mondiale sache toute la vérité. »
Le Monde, 29 mai 2003
Cette question des armes de destruction massive (ADM) est
à la base de la guerre en Irak, laquelle est une application de cette
doctrine de guerre préventive. En janvier 2002, devant le
Congrès, le Président Bush affirme de façon claire que les
services britanniques avaient découverts que l'Irak poursuit
malgré les résolutions de l'ONU, cherche à se doter
d'armes de destruction massive. Après moult tergiversations, la guerre
est déclarée le 20 mars 2003 et allait aboutir au renversement de
Saddam Hussein. Ici, le rôle des perceptions est largement
présent, surtout du côté américain car ils
surestiment la menace émanant de leurs adversaires surtout les
« Etats voyous ». En effet selon Lindemann, ces Etats
« sont censés être irrationnels pour diriger des
armes de destruction massive contre des cibles américaines et
compromettre ainsi leur survie ».142(*) Cette situation
correspondait aux yeux de Lindemann, au fait que des intérêts dans
l'armée américaine et dans l'industrie de l'armement
prônaient ce sentiment de méfiance vis-à-vis de ces Etats
voyous.
Dés le 17 mars, le président américain
lance un ultimatum au président irakien lui laissant 48h afin de quitter
le pouvoir et, dans la foulée le vice-président Dick Cheney
déclare : « Nous pensons qu'il a bel et bien
reconstitué des armes nucléaires », propos aussi fermes
qu'infondés dira Hans Blix143(*). La volonté américaine d'en
découdre - de façon unilatérale si besoin en est -
malgré toutes les propositions des autres pays désireux
d'éviter un conflit pousse à se demander si les dés
n'étaient pas déjà jetés.
A - Une guerre décidée
d'avance ?
Certains auteurs ont suggéré que Washington
avait décidé la guerre dans le courant de l'été
2002 et que les inspecteurs de l'ONU n'avaient été
autorisées que pour laisser à l'armée le temps de se
préparer144(*)
même si, agissant du Moyen-Orient et d'une zone particulièrement
riche en pétrole, les facteurs économiques et l'accès au
pétrole ont été avancés comme raisons essentielles
derrières les visées de la coalition. Hans Blix de son
côté, croit savoir que l'administration Bush décida
qu'à la suite des attentats du 11 septembre elle devait être
prête à lancer une attaque préventive conte tout ennemi
susceptible de représenter une menace pour les Etats-Unis » et
vu que Saddam représentait le « Mal », les
Etats-Unis en guerre contre le terrorisme devaient éliminer cette menace
bien avant l'élection présidentielle.145(*) Il était urgent pour
les néo-conservateurs de réagir afin de construire un monde qui
rejette à sa marge les forces du « Mal » et fasse
des valeurs occidentales des normes communes au camp du bien. Mais les menaces
que représentait le régime irakien pour les Etats-Unis, leurs
alliés et leurs intérêts, si sérieuses qu'elles
pussent être, ne paraissaient pas suffisantes pour convaincre les
Américains de soutenir la guerre massivement et sans réserve, ce
qui avait obligé le président et ses partisans à recourir
à d'autres justifications.146(*) Ces opposants se demandaient si les Etats-Unis
avaient le droit d'intervenir unilatéralement dans les affaires d'autres
peuples et d'autres pays, si la démocratie pouvait y être au
final, selon la belle expression de Rashidi,
« transplantée » et si cette greffe en Irak ou dans
un autre pays du Moyen-Orient était le véritable objectif de la
politique américaine. Ce doute était légitime si on
considère que plusieurs membres de l'administration Bush (Dick Cheney,
Donald Rumsfeld..) avaient des liens pendant des décennies avec
plusieurs dictateurs du 147(*)Moyen-Orient dont Saddam Hussein
lui-même.148(*)
Ainsi, pour Rashidi Khalidi le doute persiste lorsqu'ils parlent de l'Irak
comme d'un « domino antidémocratique qui serait le premier
de la série à s'effondrer au Moyen-Orient, suivi par la Syrie,
l'Iran, l'Arabie Saoudite et d'autres encore si les Etats-Unis étaient
en mesure de simplement montrer leur volonté et leur résolution
à user de leur puissance illimitée et
désintéressée dans l'intérêt des populations
de cette région qui ployaient sous le joug de despotes divers et
variés, toujours cruels. »
En avouant en août 2002 que les inspections de l'ONU
étaient, au mieux, « inutiles », le
vice-président Dick Cheney ne disait il pas tout haut ce qu'on pense
vraiment tout bas dans l'administration ? Mieux, en laissant aux
inspecteurs le soin de mener leur travail, n'était ce qu'un moyen de
gagner du temps afin de finaliser le renforcement de la présence
américaine comme le pense Hans Blix ?
L'importance d'une action militaire trouve aussi son
explication dans la situation pétrolière des Etats-Unis et leur
forte dépendance vis-à-vis des importations de cette ressource
car aujourd'hui, prés du quart de la consommation
pétrolière américaine provient du monde arabe soit 3.9
millions de barils alors qu'au même moment le pétrole
représente prés de la moitié des importations
américaines du monde arabe dont le total était estimé
à 80 milliards de dollars en 2001. Or, les exportations
américaines vers cette région ne dépassent guère
les 35 milliards de dollars.149(*)
Et Bob Woodward, cité par Georges Soros, de nous faire
part des sentiments de Paul Wolfowitz pour qui, l'Irak ayant un régime
autoritaire et fragile, « serait facile à briser (..) et que
les Etats-Unis devraient s'attaquer à lui tôt ou tard s'ils
voulaient que le guerre contre le terrorisme soit prise au
sérieux ».150(*) Le désir d'y aller est d'autant plus grand
que Bush peut apparemment compter sur l'appui des Américains. Selon les
sondages, ces derniers approuvent son désir de renverser Saddam Hussein
dans le cadre de la guerre contre le terrorisme.151(*) Face à toutes ces
attaques, le Département d'Etat sort de son silence et apporte un
démenti officiel à ces accusations en affirmant que
« l'actuel chef de la Maison-Blanche n'avait pas
débuté son mandat avec l'objectif d'entrer en guerre avec Saddam
Hussein »152(*).
Comment ne pas penser aux idées de ceux qui aujourd'hui
composent l'aile dure de l'administration américaine et qui, durant le
second mandat de Bill Clinton n'hésitait pas à réclamer
une intervention armée des Etats-Unis en Irak ? L'exemple patent
est celui Robert Kagan qui proposa en septembre 1998 un plan pour
l'établissement d'une zone libérée dans le sud de l'Irak
comme celle créée par l'administration Bush dans le nord du pays
en 1991 et ce, afin de sauver les opposants à Saddam Hussein. Cette zone
leur permettrait en outre de mettre sur pied un gouvernement provisoire reconnu
internationalement et de constituer une alternative à la dictature de
Saddam.153(*)
Le sous secrétaire américain à la
Défense Paul Wolfowitz a déclaré que le choix du
thème des armes de destruction massive pour justifier la guerre contre
l'Irak avait été opéré pour des raisons
« bureaucratiques ». Autrement dit, il y avait d'autres
motifs, mais celui-ci était le seul susceptible d'assurer un large
soutien de l'opinion américaine, le seul aussi qui ait une chance de
séduire hors des Etats-Unis et à l'ONU. L'idée, largement
partagée au sein de l'administration, d'une obstruction de l'Irak aux
efforts de l'ONU et de la communauté mondiale pour éliminer les
ADM était, de toute évidence, le meilleur argument utilisable
à l'appui de ce projet. C'est le seul qui a été
défendu aux Nations Unies, et de loin la principale des justifications
données au Congrès et à l'opinion publique
américaine. « Ni le gouvernement de Washington, ni
celui de Londres n'auraient probablement obtenu de leurs parlementaires le
droit d'intervenir militairement à seule fin de renverser le
régime de terreur de Saddam Hussein. Il est tout à fait
improbable aussi qu'ils auraient pu recevoir un tel mandat du Conseil de
sécurité » confesse l'ancien inspecteur Hans
Blix154(*) alors que de
son côté, Nicole Bacharan souligne que malgré toutes ces
accusations, Georges Bush ne convainc pas l'ONU car on doute de ses
préoccupations pour les droits de l'homme, les liens entre Saddam
Hussein et Al Qaïda que l'administration s'est efforcée à
démontrer paraissent bien ténus, sinon existants.155(*) Quant aux armes de
destruction massive, la France et quelques autres plaident pour des inspections
prolongées. Ce doute est nourri par la seule motivation attribuée
au président américain : le pétrole d'autant plus
qu'à la même période, un autre Etat faisant partie de
« l'axe du mal » reconnaissait publiquement détenir
l'arme nucléaire et ne faisait pas l'objet d'un conflit armé.
B- L'importance du pétrole dans le conflit
irakien
Depuis des décennies, tant les Républicains que
les Démocrates poursuivent les mêmes objectifs dans le monde
pétrolier : maintenir tant que faire se peut la stabilité du
cours du pétrole, réduire en douceur la consommation
intérieure, diminuer la dépendance liée aux importations
et diversifier le sources d'approvisionnement étrangères.
Malgré les apparences, ces objectifs sont toujours les mêmes
aujourd'hui, sous l'administration Bush. Une augmentation importante de la
production irakienne accroîtrait probablement la dépendance
pétrolière des USA. Le prix du baril de pétrole baissera
sans doute avec l'apparition d'une nouvelle source d'approvisionnement,
d'où une dépendance accrue des USA, notamment vis-à-vis du
Moyen-Orient.
Il est paradoxal de constater que les USA exerçaient
davantage de contrôle sur le pétrole irakien dans le cadre du
programme « Nourriture contre pétrole » de l'ONU
avant la guerre (c'était alors l'ONU et non pas Saddam Hussein qui
fixait le niveau des exportations irakiennes) qu'ils ne pourront le faire dans
le contexte d'un futur Etat irakien démocratique. Si l'administration
Bush cherchait des sources d'approvisionnement pétrolier stables,
sûres, diversifiées et bon marché, il lui suffisait de
lever l'embargo imposé à la Libye, à l'Iran, à
l'Irak et au Soudan et de laisser couler le pétrole. Pour
Alhadji156(*),
l'intérêt de l'Amérique pour le pétrole irakien
n'est pas dicté par l'économie ou par la politique
énergétique. L'administration Bush a reconnu que le
pétrole irakien est avant tout un atout géopolitique car
contrôle le pétrole irakien, contrôle l'Irak.
Saddam a dû son pouvoir au fait qu'il contrôlait
la deuxième réserve mondiale de pétrole. Il savait
parfaitement ce qu'il devait à l'or noir. Confronté à
l'éventualité de l'invasion et de la défaite, il a
menacé de mettre feu aux champs pétroliers irakiens. Le saccage
et le pillage des installations pétrolières et des pipelines
montre que pratiquement tout le monde a compris que contrôler le
pétrole, c'est contrôler le pays.
Lors de la préparation de l'invasion par les
Etats-Unis, la sécurisation des champs pétroliers était
une priorité. Le but n'était pas une augmentation de
l'approvisionnement ou une baisse des prix sur le marché
américain, mais le renversement de Saddam et son remplacement par un
nouveau gouvernement.
L'avenir de l'Irak est lié à la production
pétrolière du pays. Mais étant donné les caprices
du marché pétrolier, surtout dans une situation aussi instable,
on ne voit pas comment l'administration Bush parviendra à atteindre ses
objectifs dans les années qui viennent. En effet, pour Alhadji, le
problème est simple : les USA doivent utiliser les revenus du
pétrole pour alléger la charge financière du changement de
régime irakien qui repose sur les contribuables américains et
à long terme, tout plan de reconstruction dépend de la
capacité de l'Irak à exporter des volumes importants de
pétrole. « Si l'Irak ne produit pas de pétrole, le
président Bush ne peut tenir les promesses qu'il faites au peuple
irakien, au peuple américain et à la communauté
internationale ».157(*)
Avant l'invasion, l'Irak avait une capacité de
production de trois millions de barils de pétrole par jour. Mais il ne
pourra revenir à ce niveau de production dans le temps imparti pour
établir un gouvernement irakien. Une augmentation de la production
nécessite le développement des installations
pétrolières, ce qui nécessite de gros investissements, un
gouvernement en place et la stabilité politique.
La stabilité politique est la condition première
pour augmenter la capacité de production. L'expérience de l'Iran,
du Koweït, de la Russie et même de l'Irak, montre qu'il faut environ
trois ans de stabilité politique avant que la capacité de
production ne puisse augmenter de manière significative et durable. Il
faudra plusieurs années à l'Irak pour élaborer une
nouvelle Constitution, établir un gouvernement démocratique,
négocier la distribution des revenus pétroliers entre les
différentes régions, réglementer les investissements et
rendre l'économie attractive aux investisseurs étrangers. Il lui
faudra aussi du temps pour négocier avec les compagnies
pétrolières multinationales et les pays voisins la
réalisation des études de faisabilité et des études
techniques, ainsi que la reconstruction, la remise en état et
l'exploration de ses champs pétroliers.
Or la réalité risque d'être tout autre.
Des tensions importantes peuvent subsister durant des années. Et il ne
serait pas étonnant que la production de pétrole irakien
s'interrompe brutalement, même avec un gouvernement démocratique.
L'Histoire montre que les grèves et les troubles sociaux qui peuvent
désorganiser la production pétrolière surviennent plus
facilement dans un contexte démocratique que sous une dictature.
Si l'Irak est incapable d'augmenter sa production
pétrolière dans les années à venir, ce sra une
épine dans le pied, tant pour la politique étrangère que
pour la politique énergétique des USA. Comment ces derniers
pourront-ils financer à long terme la reconstruction de l'Irak ?
Qui payera pour le maintien d'une démocratie fragile en Irak? Les USA
pourront-ils maintenir leur occupation sans assurer l'alimentation du peuple
irakien, les soins médicaux et les autres services de base ? Ce
sont là des questions difficiles, et l'on ne peut y répondre
avant qu'un régime démocratique ne contrôle et ne
garantisse la production pétrolière irakienne. Au Koweït,
avant de se retirer, les Irakiens ont mis le feu aux puits de pétrole,
provoquant une grande catastrophe écologique. Durant cette
période où les spécialistes s'employaient à
éteindre ces puits, la production a bien entendu cessé mais
celle-ci « ne pesait pas lourd au niveau mondial pour que
l'interruption du pompage menace le marché ».158(*) Néanmoins, si la
guerre ne saurait être considéré comme la cause principale
des guerres passées et récentes, il représente
néanmoins un enjeu stratégique majeur depuis le début du
siècle. La première guerre mondiale a eu pour effet
d'accroître considérablement la demande de produits
pétroliers. La paix revenue, les secteurs les plus dynamiques des pays
industriels (automobile, pétrochimie, aéronautique) ont eu besoin
de plus en plus de pétrole pour assurer leur croissance. Et depuis la
seconde guerre mondiale, les hydrocarbures sont devenus une denrée
stratégique, tant à usage militaire et civil, dont l'enjeu a
été accru par le rythme rapide de la croissance économique
des pays industriels. L'association pétrole et guerre que Yannakakis
appelle la « vulgate pétrolière » condense la
dénonciation de la guerre menée par
« l'impérialisme américain ». L'argument qui
assène que le pétrole est la cause constitue un obstacle majeur
à l'exploitation de cette ressource si importante pour l'économie
mondiale et la vie quotidienne des populations. La guerre pour libérer
le Koweït de l'occupation irakienne et la guerre en Irak en fournissent
l'éclatante démonstration.
L'éditorialiste Thomas Friedman évoque lui
absence de démocratie en Irak. Malheureusement, poursuit-il,
« l'équipe Bush ne défend la démocratie que
chez les ennemis des Etats-Unis et jamais dans les régimes autoritaires
qui soutiennent ostensiblement sa politique».159(*) Donald Rumsfeld et Georges
Bush, poursuit-il, doivent toujours examiner toutes les options et ne prendront
leur décision qu'après la consultation des membres du
Congrès et de leurs alliés étrangers. Cette volonté
messianique d'instaurer la démocratie ne recueille évidemment pas
tous les suffrages car certains considèrent qu'il est très
difficile d'instaurer la démocratie et une société
ouverte, qu'elles que soient les bonnes intentions des acteurs.160(*) Le risque pris par
l'administration Bush compte des divisions ethniques et religieuses,
était de précipiter la désintégration de ce pays et
c'est cette raison qui aurait poussée le président Bush en 1991
à ne pas chasser Saddam du pouvoir.
SECTION III : Une guerre aux conséquences
multiples et diverses sur les relations internationales
A - L'ONU sacrifiée
· Le rôle des Nations Unies : un
enjeu pour l'avenir
La position européenne est la suivante : pour
toute action militaire, il faut une légitimation des Nations Unies. Ceci
est reconnu dans les conclusions du Conseil européen d'Helsinki des 10
et 11 décembre 1999, au paragraphe 26 : « l'Union
reconnaît que le Conseil de sécurité des Nations Unies est
l'instance à laquelle il appartient en premier de veiller au maintien de
la paix et de la sécurité
internationale ».161(*)
L'enjeu de l'après guerre est crucial pour les Nations
Unies car le rôle qui leur sera assigné sera un test important
pour leur avenir. Ce n'est pas pour rien que les pays européens
insistent pour que leur rôle dans l'après-guerre soit
« central ». Le premier ministre britannique, Tony Blair,
dont le pays est un pilier de la coalition dans la guerre en Irak reconnaissait
le 16 avril 2003 « l'importance du rôle des Nations Unies
dans la période post conflit en Irak. Ce rôle ne doit pas
être rempli simplement par des questions politiques et de
reconstruction. »162(*) L'attitude de l'administration Bush par rapport
à l'ONU, avant et après la guerre en Irak occupe aujourd'hui une
place importante dans la campagne pour la prochaine élection
présidentielle au point que John Kerry, le challenger de Georges Bush
n'hésite pas à reprocher à Georges Bush de ne pas avoir
laissé continuer les inspections de l'ONU et d'avoir tenu à
l'écart l'organisation internationale, non seulement pour
déclencher la guerre mais aussi, ensuite, une fois la victoire acquise,
pour reconstruire le pays. « Notre diplomatie a été
aussi arrogante et inefficace que possible » proclame le
candidat démocrate.163(*) Mais cette situation n'était-elle pas
prévisible au vu de l'approche stratégique unilatérale
défendue par les Etats-Unis ? En effet, elle va à l'encontre
du droit international qui exige que le recours à la force soit
légitimé par la communauté internationale,
regroupée dans les Nations Unies. En adoptant une stratégie de
frappe préventive unilatérale, le gouvernement Bush se doit de
mettre les Nations Unies à l'écart, sinon de neutraliser
l'organisme international dans son fonctionnement. Si le monde allait
entériner cette doctrine de Bush et le nouvel ordre international
qu'elle contient, il s'en suivrait une mise au rancart de facto des Nations
Unies, du moins en ce qui concerne la superpuissance américaine. Les
Etats-Unis pourraient contourner en tout temps l'ONU pour faire
unilatéralement la guerre, non seulement contre des groupes terroristes,
mais aussi contre des Etats souverains chaque fois que le gouvernement
américain et lui seul, jugerait que cela est nécessaire pour
défendre les intérêts nationaux américains. L'une
des raisons pour laquelle les Etats-Unis s'appuient moins sur les alliances
officielles et les organisations multilatérales de
sécurité est, selon David Gompert, que ces institutions n'ont pas
évolué, et qu'elles ont, ces dernières années,
montré leur impuissance face aux dangers nouveaux et accrus qui
pèsent sur la sécurité dans le monde sans oublier les
hésitations et lenteurs inhérentes à ces organisations au
moment où les décisions et l'action sont nécessaires.
164(*) Toutes raisons
qui font que les Etats-Unis ne veulent pas s'encombrer de procédures au
moment où la guerre contre le terrorisme est à son paroxysme.
Ainsi, une fois les Nations Unies éclipsées qui
pourra prévenir les guerres ? Ce sera un retour à l'anarchie
des relations internationales du XIXè siècle, quand des empires
armés jusqu'aux dents faisaient la pluie et le beau temps dans le monde.
Il s'agirait véritablement d'un recul de civilisation : le droit de
la force remplacerait le droit démocratique. Entre la violence
anarchique des terroristes et ce que Rodrigue Tremblay appelle la
« violence impériale américaine », l'auteur
reconnaît qu'il n'y a plus de place pour organisation internationale
comme les Nations Unies pour agir en gendarme légitime et
prévenir les conflits meurtriers, tant régionaux que
mondiaux.165(*)
B- L'opposition de l'opinion publique
La guerre en Irak, en raison des causes invoquées par
la coalition et la façon dont elle a été provoquée
fut certainement l'un des conflits les plus controversés de ce
début de siècle. Elle aura, en outre, ressuscité
l'anti-américanisme mis en veilleuse depuis les attentats du 11
septembre.
De fait, la politique étrangère
américaine et l'hostilité qu'elle suscite, notamment dans le
monde arabe, de même que la problématique très largement
occidentale de la mondialisation sont depuis longtemps les principaux aliments
de l'anti-américanisme de gauche sur les registres de
l'anti-américanisme et de l'antilibéralisme.
Laurent Cohen Tannugi tente d'apporter une explication
à ce sentiment anti-américain en affirmant :
« la suprématie stratégique des Etats-Unis, leur
rayonnement culturel et leur attachement à la sécurité
d'Israël irritent, du reste bien au-delà de la gauche, et
l'exagération systématique de certaines divergences
transatlantiques actuelles rappelle fortement les vieilles passions
antiaméricaines.»166(*) Mais selon l'auteur, la fidélité
constante manifestée à Israël est naturellement le point
d'impact le plus important de la politique étrangère de
Washington sur le sentiment antiaméricain dans le monde, tant par le
nombre des Etats et des populations concernés que par l'intensité
des réactions qu'elle suscite, notamment dans le monde arabo-musulman et
en Europe. L'opinion publique européenne est contre cette guerre.
L'Union comme institution a été divisée en deux lignes
inconciliables. En attendant une politique étrangère commune, les
évènements ont créé un axe Paris-Bruxelles-Berlin
qui s'étend jusqu'à Moscou. Qu'elles en sont les lignes ?
· Remettre le droit international au centre du
dispositif
· Donner une dimension régionale à
l'après-guerre
· S'opposer à l'américanisation et à
la privatisation de la phase de reconstruction. L'ONU n'est pas
reconstructrice, elle retrouve sa fonction décolonisatrice. En face la
ligne américano-britannique défend.
· Le recours à la force comme moyen
légitime de transformation politique et sociale.
· La « communauté
internationale » comme source de financement des objectifs
définis par la puissance dominante, qui en détermine l'agenda et
l'étendue territoriale.
· Le développement du marché et l'existence
d'Etats minimums, non tyranniques, institués « de gré
ou de force ». Les citoyens doivent choisir. En Europe, de leur
détermination dépend la position de leurs dirigeants. Au Maghreb
et au Machrek, les gouvernements ne pourront contenir longtemps l'humiliation,
communautaire. Aux Etats-Unis les forces opposées à la guerre
peuvent pallier l'incapacité des élus démocrates à
proposer une alternative transnationale.
SECTION IV : Désaccords
euro-transatlantique
La guerre en Irak a démontré aux sceptiques sur
les relations américano-européennes traversant une phase
très difficile car jamais depuis la fin de la guerre froide,
Américains et Européens ne se sont aussi éloignés
dans la gestion des crises du monde. Cette divergence de perception sur la
manière de gérer les affaires du monde trouve son explication,
entre autre, dans la différence de perception du monde entre les membres
de l(administration Bush et les Européens. Dans cette optique nous
allons étudier ces conceptions qui nous permettront de mieux
appréhender cette opposition qui a atteint son paroxysme lors de la
guerre en Irak.
A - Perceptions différentes dans le
règlement des affaires du monde
Pour l'un des idéologues de la Maison-Blanche, la
vision politique des Européens découle de leur faiblesse, celle
des Américains résulte de leur puissance et de leurs
responsabilités mondiales.167(*) Les Européens mettent aujourd'hui l'accent
sur la diplomatie. Cette culture stratégique représente un rejet
délibéré du passé européen. L'Union
européenne est le produit d'un siècle de guerres intestines
abominables. Les Européens sont passés du monde anarchique
décrit par Hobbes à celui souhaité par Kant.
Américains et Européens ont échangé leurs statuts
et leurs points de vue. Aujourd'hui, les Etats-Unis sont les plus forts ;
ils se comportent comme les grandes puissances d'autrefois l'ont toujours fait.
Les Américains garantissent la sécurité de l'Europe ;
ils ont pris pour eux le fardeau de maintenir l'ordre mondial.
« La plupart des Européens n'ont pas compris que leur
passage dans l'ère post-moderne n'a été possible que parce
que les Etats-Unis n'ont pas pris le même chemin »
prétend il confirmé par Stevens Everts cité par
Kagan : « la différence essentielle est une affaire
de culture et de philosophie que de moyens car les Européens se
préoccupent surtout des problèmes qui peuvent être
résolus par l'engagement politique et par des investissements
massifs ».168(*) Pour Pierre Barnès, l'Amérique aime
l'Europe, bien sûr, mais seulement dans la mesure où celle-ci se
cantonne dans une relative impuissance car l'auteur considère que la
France est la seule depuis le Général de Gaulle à nourrir
la conception d'une Europe - puissance qui ferait jeu égal avec les
Etats-Unis, au sein d'une alliance rééquilibrée.169(*) Les Américains ont
créé une société de libre entreprise et de
libre-échange qui cherche à réduire le rôle de
l'Etat et lui assigne avant tout le devoir d'assurer l'égalité
des chances alors que les Européens accordent, pour leur part, un grand
prix à la protection sociale et aspirent à une
société de solidarité, garantie par l'Etat-providence. La
vision européenne de l'ordre international s'appuie sur une double
conviction : d'abord les problèmes actuels ne se situent plus
à l'échelle d'une seule puissance. L'une est davantage
axée sur la liberté, le rôle des communautés et la
religion, l'autre se veut plus sociale et plus vigilante envers les
dérives possibles des mécanismes du marché car comme le
disait le général de Gaulle parlant des mécanismes du
marché car comme le disait le Général de Gaulle parlant
des relations franco-américaines : « Quand le monde
est difficile, quand le danger plane au-dessus des peuples, cet
élément moral que constitue l'accord naturel de nos deux pays est
d'un prix et d'un poids exceptionnel. »
La guerre en Irak a montré aujourd'hui que cette
unité tant voulue ne résiste pas aux intérêts des
uns et des autres. Les relations transatlantiques en sont désormais au
stade de l'affrontement conceptuel chronique. L'intérêt de la
prise en compte des réalités transatlantiques, et
précisément de l'affrontement en cours, serait notamment de
chercher une issue qui soit une recherche de règlement des
problèmes ainsi apparus, plutôt que de les écarter. Le seul
moyen d'en savoir plus est de nous tourner vers les commentateurs. Justement,
ils deviennent prolixes, explicites et sans ambages en ce qui concerne ces
relations transatlantiques, essentiellement du côté
américain. Ce fait est intéressant parce que ces commentateurs,
la plupart d'entre eux dans tous les cas, sont en général
impeccablement politically correct par rapport aux consignes
générales. S'ils n'hésitent plus à prendre
position, c'est que les conditions politiques générales le
permettent. La réalité devient pressante. Robert Kagan, du
Carnegie Endowment for International Peace et aussi un des rédacteurs en
chef du Weekly Standard, avec un article de l'International Herald
Tribune170(*),
publié le 27 mai, et qu'on peut lire comme un commentaire de la
visite de Georges Bush en Europe, a une approche exprimée avec mesure
(quoique certaines appréciations sur le comportement de l'administration
Bush peuvent prêter à contestation, et paraître à
certains involontairement ironiques) mais radicale sur le fond :
« l'administration Bush fait de gros efforts pour avoir une bonne
alliance mais Européens et Américains ne partagent pas les
mêmes points de vue sur le monde. Sur l'importante question de la
puissance - l'utilité de la puissance, la moralité de la
puissance-, ils ont choisi des voies
différentes ».171(*) Ce que Kagan met en évidence, c'est le
divorce des conceptions du monde des Européens et des Américains.
Mais est-ce un divorce ou une mise en évidence ? On se heurte
continuellement à la question de savoir si, plutôt qu'une
évolution rapide qui séparerait les deux partenaires en passe de
devenir différents, étrangers, et peut-être plus, on ne se
trouve pas plus simplement devant la mise à jour d'une situation qui fut
dissimulée pendant la période guerre froide, avec la très
forte pression de ce qui était présenté comme une menace
subversive générale (l'URSS et le communisme) et la menace de
guerre nucléaire. Georges W Bush insensible à la distinction
entre l'Union et l'Alliance atlantique - toutes deux considérées
comme des organisations internationales, la première subordonnée
à la seconde - n'hésite pas à décréter que
l'Europe doit s'étendre à tous les pays du continent eurasiatique
situés à l'Ouest de la Fédération de Russie. L'OTAN
doit assurer pleinement la sécurité de ce vaste ensemble et
l'hôte de la Maison-Blanche n'envisage l'organisation européenne
en la matière que strictement encadrée par l'Alliance sous
direction américaine.
Le Quadriennal Defense Review, publiée le 30
septembre 2001, est très clair quant à la place de l'Europe et de
la coopération transatlantique dans les perspectives
américaines : l'Europe n'existe pas. Elle n'est pas
mentionnée une seule fois au long des 71 pages comme un acteur
défini.172(*) Le
mot Europe n'est employé que comme définition géographique
d'une zone de positionnement d'unités américaines ou dans
l'expression « alliés européens »,
c'est-à-dire sous l'angle de l'OTAN, jamais sous l'angle de l'Union
européenne. La notion de « Transatlantique » n'a non
plus aucune place dans la QDR. Quant à la coopération, elle
désigne suivant les cas, des relations en cours avec la Russie (pour sa
part deux fois mentionnées, seule parmi les grandes puissances à
être dans ce cas), ou plus généralement la notion vague de
« coopération de sécurité avec les
alliés », jamais les relations industrielles avec les pays de
l'Union européenne, ni sur des programmes d'armement.
Le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, souhaite
que les priorités stratégiques portent désormais sur
l'Asie, et non plus sur l'Europe et le bassin méditerranéen. Il
prône la mise en place de nouveaux instruments et de structures qui
privilégieraient les armes à longue portée et
réduiraient la dépendance à l'égard des bases
à l'étranger173(*) alors que cette attitude est perçue aux
Etats-Unis même comme une forme de mépris de l'administration Bush
pour une partie de l'Europe expliquant au plus fort de la crise
précédant la guerre en Irak, l'expression de Rumsfeld
« vieille Europe » pour qualifier la France et
l'Allemagne.174(*)
EPILOGUE : Un an après la guerre en Irak, le
monde est-il pour autant plus sûr ?
Devant le recours résolu au militaire, on ne peut se
focaliser que sur la légitimité juridique internationale. Ce que
le chancelier Schröder avait mis en lumière en avançant il y
a plusieurs semaines que résolution de l'ONU ou non, il refuserait la
participation militaire de l'Allemagne. L'intervention américaine
envisagée sortirait clairement et ouvertement du droit international.
Théoriquement, il s'agit de se prononcer sur les recours à la
force, non pas pour réprimer un déviant, mais pour transformer
des régimes politiques. La charte de l'ONU avait banni le recours
à la force. L'URSS avait avancé que son intervention en
Afghanistan en 79 visait à moderniser un régime archaïque.
C'est dans cette ligne qu'il faut replacer les objectifs de Bush. On ne peut
pas se limiter à la figure de l'adversaire - menace dans une
lignée talibans, Irak, Soudan, Libye, Somalie, Corée du Nord...
Il faut passer au recours à la force comme moyen de modernisation
politique ou à l'occasion d'une stabilisation. Elle s'étend alors
à des régimes comme l'Arabie Saoudite, l'Iran, pour des objectifs
économiques (pétrole), mais aussi la Syrie, et pourquoi pas
l'Egypte...
Il faut aussi considérer la situation
stratégique régionale issue d'une intervention. L'Irak de
l'après Hussein est pensé comme démantelé entre une
large autonomie au nord et un lien entre les chiites irakiens et l'Iran au sud.
La Turquie (et éventuellement l'Iran) craint la constitution
d'un Kurdistan réel qui réanimerait son opposition interne.
La réaction des chiites irakiens du sud pourrait être plus
nationale que religieuse, et l'Iran n'a pas envie d'être pris entre un
Irak et un Afghanistan contrôlés par les Etats-Unis.
La création de nouveaux fronts locaux est donc
probable. Sharon, qui représente la majorité des
Israéliens et joue sur leurs peurs, profitera de la situation pour
éliminer les sites irakiens présentant des risques virtuels pour
Israël. Il pourrait utiliser une décomposition du territoire
irakien pour « inciter » les palestiniens à s'y
installer, via la Jordanie. Il est peu probable que l'incendie s'étende
au sous continent indien, lequel appartient à une autre aire
stratégique. Mais l'Afghanistan « politique » est
tout sauf stable. La pression des radicaux ne peut que s'accroître au
Pakistan ou en Indonésie, accentuant les risques dans un autre espace
mondial.
L'hypothèse d'un soulèvement
« régional » des rues arabes n'aurait pas de
conséquences militaires, mais pourrait être fatal à
plusieurs régimes « amis » des Etats-Unis. On peut
cyniquement prétendre que c'est la seule solution pour renverser des
régimes indéfendables. Avec le risque que Khomeiny succède
au Shah. Enfin, les conséquences extérieures à la zone
sont latentes. La « rue arabe » existe aussi en France et
en Grande Bretagne et l'articulation avec la question palestinienne
inévitable. La légitimité des actions
américano-israéliennes sera impossible à défendre,
non seulement dans les opinions, et dans les relations entre communautés
ethnico-religieuses.
Au total, un modèle américano-israélien
de guerre se met en place, suscitant autant que suscité par le
terrorisme. La Tchétchénie en est la version massive et
brouillonne. Il diffère et bouscule le mode de gestion de la violence
expérimentée par le s Européens. Face à ce
déplacement d'objectifs les Etats tiers (et en particulier les
alliés européens des Etats-Unis) sont contraints de se
positionner, non plus sur les critères juridiques du droit positif ou
même la faisabilité militaire, mais bien à la fois sur le
retour à l'usage de la force et sur les conséquences dans le cas
irakien et le moyen-oriental.
En ce qui concerne l'évolution du système
international, l'hypothèse la plus plausible est celle d'un
aboutissement du rôle hégémonique des Etats-Unis dans les
affaires du monde, à la faveur de la lutte contre le terrorisme. Ce
renforcement se traduirait à la fois par l'affaiblissement de ma
souveraineté de la plupart des pays et, sur le plan territorial, par
l'expansion de la présence militaire américaine. C'est ce
mécanisme que Justin Vaïsse dénomme « appel
d'empire ».175(*)
La nature de la menace terroriste et de la guerre menée
contre elle va inévitablement accentuer l'évolution du
système international vers une plus grande confusion entre
l'interétatique et l'interne. Les pressions américaines vont donc
s'exercer dans des domaines qui touchent directement à la
souveraineté étatique : police, justice, renseignement,
recherche scientifique et éducation, etc. Nul doute qu'au nom de la
défense commune contre le terrorisme, les Américains vont
chercher à diffuser sur le terrain leurs normes de
sécurité et leurs modes opératoires ; on pense par
exemple au filtrage de l'immigration au Canada et au Mexique, dont les
frontières avec les Etats-Unis sont ouvertes. On pense aussi aux
méthodes de surveillance des suspects dans les pays où la justice
laisse à désirer.
L'affaiblissement de la souveraineté des Etats est
l'effet de coalition, au demeurant bien connu. Pour Vaïsse, le mandat
obtenu par Washington auprès de nombreux pays va inévitablement
être interprété de manière extensive, et servir
à justifier des demandes nouvelles. C'est le fameux raisonnement :
« si vous êtes contre le terrorisme, alors vous êtes avec
nous ; et il faut donc prendre telle ou telle mesure ». Si les
alliés souhaitent démontrer leur solidité et leur
fiabilité, il leur sera difficile de résister aux demandes de
Washington en matière de police et de renseignement par exemple.
On peut enfin poser l'hypothèse que l'implication des
Etats-Unis en Asie du Sud pourrait les conduire à accroître leur
présence militaire dans la région. Après tout, c'est ce
qui s'est passé après la guerre du Golfe et l'intervention de
l'OTAN dans les Balkans. A ce stade, il est difficile d'être plus
précis ; mais on peut imaginer un stationnement discret (comme en
Arabie Saoudite) qui se pérenniserait - soit dans un Afghanistan repris
par la coalition du Nord, soit en Asie centrale. On retrouve ici un
mécanisme historique classique : une puissance intervenant pour
rétablir l'ordre et qui, pour les besoins de la cause, s'installe dans
la région. Il n'en reste pas moins que ces développements
pourraient paradoxalement offrir une réponse partielle aux défis
de la mondialisation. De fait, on assisterait bien à une
coopération accrue des Etats répondant aux problèmes
transfrontaliers tels que le terrorisme et le blanchiment de l'argent sale...
Sauf que cette coopération se ferait sous l'impulsion des Etats-Unis et
en appliquant leurs modèles. Ainsi se rapprocherait-on, un peu plus,
d'une « gouvernance mondiale », non pas par l'adoption d'un
modèle coopératif interétatique de type onusien, mais par
la projection de la puissance étatique des Etats-Unis.
François Heisbourg le reconnaît en
affirmant : «...Les Etats-Unis ne sont pas pour autant un
empire exerçant son hégémonie. Ils ne peuvent pas occuper
durablement un territoire, sauf à consentir des pertes de
mobilité stratégique dans d'autres parties du monde. On voit donc
leurs limites même en matière de défense. Politiquement,
les Etats-Unis n'ont pas même pas pu convaincre leurs voisins les plus
proches - le Canada et le Mexique- de les soutenir pendant la crise irakienne.
Dés lors, nous sommes dans un système international où le
pouvoir d'influence directe de l'une quelconque des puissances qui le compose
est relativement faible, même s'il s'agit de la seule superpuissance que
sont les Etats-Unis. » 176(*)
CONCLUSION
Plus d'un an après la guerre en Irak, l'administration
Bush est en train de montrer à la face du monde, les limites de sa
doctrine de guerre préventive, une guerre dont les autorités
américaines reconnaissent aujourd'hui qu'elle fut déclarée
sur de fausses preuves. C'est une armée américaine
embourbée qui se débat dans un pays en chaos, qui tente de se
sortir de ce bourbier dont les responsables se trouvent autour du
président Bush. Pour autant, trois ans après les attentats du 11
septembre et la déclaration de guerre au terrorisme dont
« l'axe du mal » constitue un pan, le monde est il devenu
plus sûr pour autant. Un bref rappel de l'actualité internationale
durant cette période, montre que même si des actions ont
menées pour déjouer des attentats, il reste beaucoup à
faire pour pacifier le monde. Georges Bush n'avait pas tort en disant que ce
sera une lutte longue et âpre car entre temps, le Moyen Orient est devenu
plus que jamais un endroit instable : processus de paix au point mort,
guerre en Irak, avec son corollaire qui est à la hausse du prix du
pétrole laquelle peut engendrer des conséquences
désastreuses sur l'économie mondiale.
L'Europe, elle, s'est réveillée sous le choc le
11 mars 2004 avec les actions terroristes à Madrid donnant du grain
à moudre aux américanophobes qui accusent les Etats-Unis d'en
être responsable au vu de leur politique en Irak en particuliers, dans le
monde en général. Plusieurs interprétations peuvent
être apportées sur cette politique étrangère des
Etats-Unis.
Une première interprétation consiste à
dire que les Américains veulent mettre la main sur l'ensemble de la
planète et y appliquer leur vision du monde. Une deuxième
interprétation est de considérer que les Américains vont
procéder par étape, plus subtilement, et que s'ils souhaitent
privilégier un modèle de développement, de
société, ce modèle devra s'adapter aux régions et
aux régimes. L'administration Bush entend désormais instaurer la
démocratie au Moyen Orient. Cette noble ambition laisse songeur au
regard, par exemple, de l'absence de démocratie en Arabie Saoudite en
dépit des relations de longue date avec les Etats-Unis. L'administration
Bush développe une vision fondée sur une sorte d'idéalisme
qui consiste à penser que les valeurs américaines, porteuses de
progrès, représentent le bien et devraient être
acceptées partout. Cette vision s'accompagne de textes,
élaborées à la suite des attentats du 11 septembre, qui
visent à garantir la sécurité de la population
américaine par tous les moyens et qui marquent le souhait des Etats-Unis
de contribuer au bonheur de la planète à travers sa politique
économique. Dans ce cadre et afin de sécuriser la planète,
d'une stratégie de containment, les Etats-Unis sont passés
à une logique d'engagement, y compris sur des zones où ils
étaient absents.
Le 3 novembre 2004, les Américains décidaient de
renouveler leur confiance à Georges W Bush qui n'est plus le
président « mal élu » de 2000. En effet, avec
plus de 3 millions de voix d'avance face à son challenger
démocrate John Kerry, le président américain peut se
targuer d'avoir fait taire tous ses détracteurs qui l'accusaient d'avoir
bénéficié du soutien d'une Cour Suprême à
majorité républicaine.
Mais en le reconduisant à la Maison Blanche, les
électeurs Américains non seulement cautionnent quelque part la
politique appliquée par l'administration Bush depuis les attentats du 11
septembre, laquelle politique a fait beaucoup parlé d'elle notamment en
Irak, mais aussi permettent à Georges W Bush de terminer le travail
entamé. Mais est ce pour autant carte blanche accordée à
l'administration Bush ? Rien n'est moins sûr car malgré sa
victoire, force est de constater la population américaine supporte de
moins en moins les pertes américaines journalières en Irak, une
guerre dont les guerres qui ont poussé à l'engagement
américain (liens avec Al Qaïda, possession d'armes de destruction
massive etc...) se sont révélées pour le moins,
invérifiables, sans compter le coût financier astronomique (200
milliards de dollars) continue de peser sur le budget fédéral
américain.
La politique de guerre préventive a dans ce cas
précis montré ses limites. L'Irak est pour le moins plus instable
que sous Saddam même si Georges Bush père affirme le
contraire.177(*) Pire,
la guerre contre le terrorisme a semblé redonné un nouveau
souffle aux actions terroristes qu'elle était sensée combattre,
l'Irak devenant ainsi un sanctuaire pour tous les terroristes en mal
d'opérations suicides. Les attentats de Madrid le 11 mars 2004 et
récemment ceux de Londres en juillet 2005 montrent que loin d'être
à terre, les organisations terroristes ont retrouvé un second
souffle.
Ce travail nous a permis de montrer que même si des
doutes subsistent quant à savoir l'administration Bush était ou
non au courant des attentats du 11 septembre, il devient clair qu'ils ont mis
à profit cette tragédie afin d'exécuter une politique
longtemps mûrie et qui n'attendait qu'un contexte favorable afin de
prospérer.
Ce qui est condamnable, c'est que les Etats-Unis mènent
et veulent mener non pas des guerres défensives ou préemptives,
mais bien des guerres préventives qui ne peuvent que rendre le monde
plus dangereux et la prolifération des ADM plus probable.
L'asymétrie de la puissance des Etats-Unis déséquilibre
tout ordre international surtout avec une administration avec des visées
si unilatéralistes. Il serait judicieux pour les Etats-Unis de
méditer cette phrase de Pierre Hassner : « Le
danger pour les Américains est que la lutte contre le fanatisme ne les
amène à devenir fanatiques eux-mêmes. »
ANNEXESL'ORGANISATION D'AL QAEDA
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Pentagone)
Table des matières
|
|
Remerciements...........................................................................................3
|
Sommaire..................................................................................................5
|
Introduction................................................................................................6
|
|
PREMIERE PARTIE : LE 11 SEPTEMBRE : LA
VULNERABILITE DES Etats-Unis MIS A
NU................................................................................................13
|
|
CHAPITRE I : L'administration Clinton et le voeu
des « faucons » d'en
découdre.................................................................................................15
|
Section I : 11 septembre : exploitation par
l'administration Bush ?............................15
|
Section II : Des failles au sein des services de
renseignement.............................20
|
A- Négligence ou
suffisance...................................................................22
|
B- Facteurs techniques et humain :
déséquilibre dans l'orientation du budget ...23
|
|
CHAPITRE II : La guerre du
terrorisme........................................................25
|
Section I : Une guerre sans
fin ?................................................................................25
|
Section II : La loi dite du Patriot Act : Vers une
restriction des libertés aux USA ?....28
|
Section III : De l'Afghanistan à l'Irak : Un
calendrier militaire chargé.....................30
|
A- Une guerre sans
l'Otan.......................................................................31
|
B- L'après guerre : le choix de l'action militaire
au détriment de l'humanitaire....32
|
Section IV : Bagdad : nouvelle cible des
faucons..............................................33
|
|
CHAPITRE III : Une guerre sans fin contre
« l'axe du mal »........................... 36
|
Section I : Un ennemi
bienvenu ?...............................................................................36
|
Section II : Evolution politique de la National Missile
Defense..............................39
|
A- Les réticences de l'administration
Bush.................................................39
|
B- Une hausse des crédits sous l'administration
Bush..................................42
|
C- Un programme surmédiatisé, des
résultats mitigés.................................49
|
DEUXIEME PARTIE : LA NOUVELLE STRATEGIE NATIONALE
DE SECURITE DE L'ADMINISTRATION BUSH ET SES IMPLICATIONS SUR LE
TERRAIN.......52
|
|
CHAPITRE I : L'unilatéralisme
américain : historique et vision proposée dans le jeu des
relations
internationales.................................................................53
|
Section I : L'unilatéralisme, assumation de la
puissance.....................................53
|
A- L'unilatéralisme, nostalgie d'une époque
révolue ?.........................................55
|
B- Une volonté hégémonique à toute
épreuve............................................56
|
Section II : La doctrine de guerre
préventive....................................................57
|
A- Les Etats-Unis hors la
loi ?..............................................................................60
|
B- De la « dissuasion » à
l'unilatéralisme...................................................62
|
· primauté des forces
militaires..............................................................64
|
· Avènement d'un nouveau
multilatéralisme.............................................67
|
· La propagation de la
démocratie..........................................................69
|
|
CHAPITRE II - L'administration Bush : une
équipe cosmopolite....................71
|
Section I : Un gouvernement de guerre froide sans
guerre.................................71
|
A- Une mouvance très proche
d'Israël.......................................................72
|
B- Des liens très étroits avec le monde
pétrolier..........................................73
|
Section II : Néo conservateurs : un groupe
à plusieurs tendances .......................75
|
|
CHAPITRE III : Guerre en Irak : Les
Etats-Unis, seul contre tous....................77
|
Section I : La guerre en Irak, ultime stade du néo
conservatisme.........................77
|
A- Les raisons de l'invasion américaine
....................................................77
|
B- Coopération entre Al Qaïda et le régime
irakien ?...........................................78
|
Section II : Les armes de destruction massive :
raisons fallacieuses d'une guerre
illégale ?.....................................................................................................................80
|
A- Une guerre décidée
d'avance..............................................................81
|
B- L'importance du pétrole dans le conflit irakien
........................................84
|
Section III : Une guerre aux conséquences
multiples et diverses sur les relations
internationales............................................................................................................88
|
A- L'ONU
sacrifiée................................................................................88
|
* Le rôle des Nations Unies : un enjeu pour
l'avenir........................................88
|
B- L'opposition de l'opinion
publique.........................................................89
|
Section IV : Désaccords euro-atlantique : des
perceptions différentes dans le règlement des affaires du
monde..................................................................91
|
|
EPILOGUE : Un an après la guerre en Irak,
le monde est-il pour autant plus
sûr ?...........................................................................................................................95
|
|
CONCLUSION...........................................................................................98
|
Annexes................................................................................................101
|
.Bibliographie.........................................................................................105
|
* 1 Annette Levy Willard,
«World Trade Center. 6 morts en 1993» in
Libération du 12 sept. 2001
* 2 Ibid.
* 3 Alain
Dieckoff « Ondes de choc »
Monde-diplomatique décembre 2001
* 4 Olivier Roy, Les
illusions du 11 septembre, Paris, Seuil, 2002, p 10
* 5 Georges W Bush, La
stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis
d'Amérique, Septembre 2002
*
6 Georges W Bush, discours à Washington D.
C.,(National Cathedral), le 14 septembre 2001
* 7
Robert
Kagan , «America's Crisis of Legitimacy» in
Foreign Affairs,
Mars-Avril 2004
* 8 Robert Kagan, La
puissance et la faiblesse, Les Etats-Unis et l'Europe dans le nouvel ordre
mondial, Grasset, Paris, 2003
* 9 Eric Laurent,
« Comment Bush a programmé sa guerre » in
Courrier International du 30 mars 2004
* 10 Ibid
* 1 Hubert Védrine,
Face à l'Hyperpuissance, Fayard, Paris, 2003
* 2 Zbigniew Brzezinski, Le
Vrai Choix l'Amérique et le reste du monde, Odile Jacob, Paris,
2004, 310 p
* 3 Sergio Romano, Le grand
désordre mondial, Ed Syrte, 2001
* 4 Le Monde du
23-4-04 « 11 septembre : un rapport critique
l'administration Bush »
* 5 Sur le cas Richard Clarke,
nous y reviendrons car après avoir fait partie de l'administration Bush,
il a fait des déclarations retentissantes sur le bien fondé de la
guerre en Irak.
* 6Le Monde du 23-4-04
« 11 septembre... » opcit
* 7 Cité par Pierre
Mélandri, Justin Vaïsse, l'Empire du Milieu, les Etats-Unis et
le monde depuis la fin de la guerre froide, Odile Jacob, 2001, Paris, 550
p
* 8 « Avec
l'Irak, l'objectif serait de redessiner le Moyen-Orient »
www.geostrategie.com
* 9 Stanley Hoffmann,
« Régression américaine » in revue
Esprit juillet 2003 pp 44-58
* 10 Ibid.
* 11 Alexis Debat,
« Vol au dessus d'un nid de faucons »
Politique Internationale n°99 printemps 2003
* 12 Georges Soros, Pour
l'Amérique contre Bush, Donod, Paris, 2004, 221 p
* 13 Ignacio Ramonet,
Guerres du XXIè siècle, Galilée, Paris, 2002, 183
p
* 14 Pascal Boniface, Vers
la 4è guerre mondiale, Armand Colin, 2005, Paris, 172 p
* 15 Ibid.
* 16 Madeleine Albright,
« Madame le Secrétaire d'Etat... »
Mémoires, Albin Michel, Paris, 2003, 652 p
* 17 Letter to President
Clinton www.newamericancentury.org
* 18 Ibid.
* 19 Richard Clarke, Contre
tous les ennemis, Albin Michel, Paris, 364 p
* 20 Richard Clarke, Contre
tous les ennemis, opcit.
* 21 Patrick Martin
« L'administration Bush et le 11 septembre : les
implications des révélations de RICHARD Clarke »
www.wsws.org
* 22 Patrick Martin,
« L'administration Bush et le 11 septembre... »
opcit
* 23 11 septembre,
Rapport final de la Commission d'enquête, Ed des Equateurs,
Paris, 2004, 501 p
* 24 Ibid. Plus de
renseignement avec les propositions faites par les membres de la Commission.
* 25 Donald Rumsfeld,
« Une guerre au long cours » Politique
Internationale n° 93 Automne 2001
* 26 François Heisbourg,
« Le basculement du monde » Politique
Internationale n° 93 Automne 2001
* 27 Ibid.
* 28 François Heisbourg,
« Le basculement du monde » op cit
* 29 Déclaration faite
lors de l'émission « CIA : guerres
secrètes » diffusée sur ARTE
* 30 Gary Schmitt,
« La stratégie de sécurité nationale de
l'administration Bush » in Les Etats-Unis aujourd'hui, Choc
et changement, Odile Jacob, Paris, 2004, 363 p
* 31 Ibid.p 285
* 32 Stanley Hoffmann opcit. p
44
* 33 Guillaume Corvus, La
convergence des catastrophes, Ed Die, Paris, 2004, 221 p
* 34 Cité par Pascal
Boniface, Vers la quatrième guerre mondiale? , Armand Colin,
Paris, 2005, 172 p
* 35 Ibid.p 89
* 36 Ibid. p 89
* 37 Guillaume Corvus, La
convergence des catastrophes, Ed Die, Paris, 2004, 221 p
* 38 Ibid. p 52
* 39 Ibid. p 53
* 40 Ignacio Ramonet,
Guerres du XXIè siècle opcit
* 41 « Washington
et Londres sans le bourbier irakien : analyse des contours et des
conséquences d'une victoire à la pyrrhus ? »
par Jean Emmanuel Pondi dans Une lecture africaine de la guerre en
Irak, Ed Maisonneuse §Larose, Paris, 2003, 242 p
* 42 Ignacio Ramonet,
Guerres.... opcit
* 43 Ghassan Salamé,
Quand l'Amérique refait le monde, Fayard, Paris, 2005, 568 p
* 44 Ibid.
* 45 Voir Annexe
* 46 François Heisbourg
et la Fondation pour la Recherche stratégique,
Hyperrterrorisme : la nouvelle guerre, Odile Jacob, Paris, 2001, 270
p
* 47 Ibid.
* 48 Ibid.
* 49 Ignacio Ramonet opcit p
55
* 50 Ibid. p 56
* 51 Eric Leser
« Guantanamo : La cour suprême donne tort à
l'administration Bush » Le Monde du 26 juin 2004
* 52 www.amnesty.org
* 53 Ibid.
* 54 Ignacio Ramonet opcit p
57
* 55 Jean Yves Haines, les
Etats-Unis ont-ils besoin d'alliés, Payot, Paris, 2004, 379 p
* 56 Patrick Martin,
« Les Etats-Unis se préparaient à attaquer
l'Afghanistan bien avant le 11 septembre » www.wsws.org
* 57 Jean Yves Haine, Les
Etats-Unis ont-ils besoin d'alliés opcit
* 58 Georges Soros, Pour
l'Amérique... opcit p 51
* 59 Jean Yves Haine, les
Etats-Unis.... opcit p 276
* 60 Georges Soros opcit p
51
* 61 Michael Hirsch,
« Bush and the world » in Foreign Affairs
september-october 2002
* 62 Estimations de
l'International Crisis Group
* 63 Hakim Ben Hammouda,
Bagdad année zéro au lendemain de la seconde guerre,
Maisonneuse§Larose, Paris, 2003, 248 p
* 64 Ibid. p 23
* 65 Ibid.
* 66 Chalmers Johnson
« Eliminer Saddam, un projet lancé en
1998 » Courrier International 30 mars 2004
* 67 Ibid.
* 68 Zbigniew Brzezinski,
Le Vrai choix... opcit p 44
* 69 Thérèse
Delpech, « Quatre regards sur le 11 septembre Etats-Unis, Europe,
Russie, Chine » in Esprit, Août- septembre 2002 p 19
* 70 Ibid.
* 71 Zbigniew Brzezinski,
Le Vrai choix... opcit. p 21
* 72 Thérèse
Delpech « Quatre regards.... » opcit p 21
* 73 Ces citations du
présidents sont disponibles sur le site http://whitehouse.gov
* 74 Frédéric
Encel, La démocratie à l'épreuve de l'islamisme,
Flammarion, 2002, 203 p
* 75 Georges Soros, Pour
l'Amérique.... opcit... p 50
* 76 Amir Tahéri,
« Bush et l'axe du mal » Politique
Internationale n° 96
* 77 Nicolas Descours,
« Choix stratégiques de défense et
intérêts économiques américains »
Polytechnique, 1999
* 78 Cité par Philip
Golub, « Rêves d'empires de l'administration
américaine » Monde-diplomatique, Juillet 2001
* 79 Condoleeza Rice,
« Promoting the National Interest », Foreign
Affairs, Janvier-Février 2000
* 80 Philip Golub,
« Rêves d'empires .... » opcit.
* 81 James Lindsay,
« La politique américaine de défense
antimissile : la troisième fois sera-t-elle la
bonne ? » Politique Etrangère Mars 2001
* 82 Etienne Durand,
« Les armes de l'empire » Politique
Internationale n° 97 automne 2002
* 83 Chiffres avancés
par Nicolas Descours
* 84 Thérèse
Delpech, « Quatre regards avec le 11 septembre
... » opcit p 20
* 85 Guillaume Parmentier,
Les Etats-Unis aujourd'hui..... opcit p 237
* 86 James Lindsay,
« La politique américaine de défense
antimissile : la troisième fois sera-t-elle la
bonne ? » Politique Etrangère Mars 2001
* 87 Henry Kissinger,
« Ce que je ferai » Politique
Internationale n° 90
* 88
http://usinfo.state.gov/journals/itps/1202/ijpf/ippf1202.htm
* 89 Alexis Debat,
« Vols au dessus d'un nid de faucons » opcit.
* 90 Dario Battistella,
« « Liberté en Irak » ou le
retour de l'anarchie hobbienne », Raisons politiques,
n° 13, février 2004 p 72
* 91 Ibid
* 92 Alexis
Debat, « Vol au dessus d'un nid.... » op cit
* 93 Nils
Andersson : « Le mal américain
l'unilatéralisme » www.cicg.free.fr
* 94 Thomas Lindemann,
« Les guerres américaines dans l'après-guerre
froide. Entre intérêt national et affirmation
identitaire » in Raisons politiques, Etudes de
pensée politique, n°13, février 2004 pp 42-43
* 95 Ibid.
* 96 Madeleine Albright,
« Madame le Secrétaire... » op cit p 394
* 97 Stratégie
nationale de sécurité des Etats-Unis d'Amérique
* 98 Ghassan
Salamé, Quand l'Amérique refait le monde, Fayard,
Paris, 2005, 568 p
* 99 Ibid.
* 100 « What
does disarmament look like », allocution prononcée devant
le Council on Foreign Relations, New York, 23 janvier 2003
* 101 Gary Schmitt,
« La stratégie de sécurité nationale de
l'administration Bush » in Les Etats-Unis aujourd'hui, Choc
et changement, Odile jacob, Paris, 2004 p 280
* 102 Dario Battistella,
« « Liberté en Irak » ou
... » op cit p 70
* 103 Saïdar Bédar
« La préemption conforme à la
globalisation » Le Débat Stratégique n° 65
novembre 2002
* 104 Bernard Adam,
« Unilatéralisme et militarisme », note
d'analyse du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la
sécurité (GRIP)
* 105 Pierre Hassner, Justin
Vaïsse Les Etats-Unis et le monde p 75
* 106 Cité par Adam
opcit.
* 107 Laurent Cohen Tannugi,
Les sentinelles de la liberté, l'Europe et l'Amérique au
seuil du XXè siècle, Odile Jacob, Paris, 2001, 225 p
* 108 Henry Kissinger,
« Ce que je ferai » opcit
* 109 Jack Spencer,
« Why Preemption is necessary »
www.heritage.org
* 110 Paul Marie de La Gorce,
« Washington et la maîtrise du monde »,
Le Monde diplomatique, avril 1992
* 111 Déclaration
devant la commission de la défense du Sénat, le 21février
1991
* 112 Robert Tucker et
Frederick Hendrickson, « The Imperial
Temptation », Council on Foreign Relations, New York, 1992, pp
9-10
* 113 La stratégie de
sécurité nationale des Etats-Unis : une ère nouvelle
http://usinfo.state.gov/journals/journals.htm.fr
* 114 Keir Lieber, La
stratégie de sécurité nationale du président Bush
http://usinfo.state.gov:journals:itps/1202/ijpf/frtoc.htm
* 115 Ghassan Salamé,
Quand l'Amérique refait le monde opcit
* 116 Ibid.
* 117 Michael Parenti
L'horreur impériale, les Etats-Unis et l'hégémonie
mondiale, Ed Aden, Bruxelles, 2004, 243p
* 118 Ghassan Salamé,
Quand l'Amérique....opcit
* 119 Robert Lieber professeur
de gestion publique et de politique étrangère, université
de Georgetown http://usinfo.state.gov/journals:itps/1202/ijpf/frtoc.htm
* 120 Richard Armitage,
« La place de la coopération internationale dans la
stratégie de sécurité nationale »
http://usinfo.state.gov/français/homepage.htm
* 121 Bertrand Badie,
L'impuissance de la puissance, Fayard, Paris, 2004, p 243
* 122 Bertrand Badie,
L'impuissance de la puissance, Essai sur les nouvelles relations
internationales, Fayard, Paris, 2004, p 227
* 123 Thomas Lindemann,
« Les guerres américaines.... » op cit p
45-47
* 124 Respectivement
vice-président, secrétaire d'Etat, secrétaire à la
Défense, secrétaire adjoint à la
Défense,secrétaire d'Etat adjoint chargé de l'Asie du
Sud-Est et de la zone Pacifique, conseiller de sécurité de M.
Dick Cheney, ambassadeur non encore confirmé à l'ONU.
* 125 Voir Annexe
* 126 Stanley Hoffmann,
« Régression américaine » opcit
* 127 Jrean Yves Haine,
Les Etats-Unis ont-ils besoin d'alliés opcit
* 128 Nicole Bacharan, les
Etats-Unis en guerre in Irak, an I...opcit
* 129 Jean yves Haine opcit
* 130 Alexis Debat,
« Vol au dessus d'un nid de faucons » opcit
* 131 Sami Naïr,
L'empire face à la diversité opcit
* 132 « Bush et
les barons du pétrole » www.webplaza.com
* 133 Ibid.
* 134 « Enron, le
rapport qui embarasse Bush », 24 heures, 18 janvier 2002 Le rapport
dans son entier est disponible en format pdf sur le site
www.entrefilet.com/enron_Bush _rapport pdf
* 135 Thomas Lindemann,
« Les guerres américaines.... » opcit p
43
* 136 Michel Fortmann,
« L'obsolescence des guerres
interétatiques ? » in Raisons politiques, Etudes
de pensée n° 13 fev 2004 p 89
* 137 William Kristol,
Notre route commence à Bagdad, Denoel, Paris, 2003
* 138 Lire le rapport de
Richard Butler in Review of Intelligence on Weapons of Mass
Destruction p119
* 139 Eric Maurice, Comment
Bush a programmé sa guerre » Courrier International30 mars
2004
* 140 Pascal Dallecoste
« Qui veut vraiment du Carlyle Group » laboratoire
de recherche de l'école de guerre économique ( LAREGE)
* 141 Ibid.
* 142 Thomas Lindemann,
« Les guerres américaines... » opcit p
51
* 143 Hans Blix, Irak, les
armes introuvables, Fayard, Paris, 2004, 450 p
* 144 Hakim Ben Hammouda,
« Bagdad dans l'oeil du Cyclone » opcit
* 145 Hans Blix
« Irak, les armes introuvables » opcit
* 146 Rashidi Khalidi,
L'empire aveuglé les Etats-Unis et le Moyen-Orient, Actes Sud,
Paris, 2004, 262 p
* 147 Rashidi Khalidi,
L'empire.... opcit p 35
* 148 La photo en Annexe de
Saddam Hussein et de Donald Rumsfeld en 1983 est illustratif.
* 149 Données fournies
par Hakim Ben Hammouda opcit p 102
* 150 Georges Soros,
« Pour l'Amérique... » opcit pp 59-60
* 151 Steven Thomma et Jackie
Koszczuk « Attaquer l'Irak, un rêve devenu
priorité » The Philadelphia Inquirer-Courrier
International 30 mars 2004
* 152
« L'Administration Bush se défend maladroitement d'avoir
planifié l'invasion de l'Irak dès Janvier 2001 »
13 Janvier 2004 www.fairelejour.org
* 153 Robert Kagan
« A way to Oust Saddam » Weekly Standard 28
septembre 1998
* 154 Hans Blix, Irak, les
armes introuvables op cit p 433
* 155 Nicole Bachran,
« Les Etats-Unis en guerre » Irak, an I un
autre regard sur un monde en guerre, Ed du Rocher, Paris, 2004, p 425
* 156 Professeur
d'économie au College of Business Administration Ohio, Northern
University
* 157 Alhadji,
« La guerre pour le pétrole »
www.project-syndicate.org
* 158 IIios Yannakakis,
« Une guerre pour le pétrole » Irak, an I
op cit p 177
* 159 Ph J « Mr
Bush montrez nous vos preuves » Courrier International
30 mars 2004
* 160 Sur ce point lire
Georges Soros, Pour l'Amérique contre Bush opcit
* 161 Lire le rapport de
l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale « L'Europe
et la stratégie de sécurité nationale des
Etats-Unis » mai 2003
* 162 Ibid.
* 163 Patrick Jarreau
« La situation se détériore pour l'administration
Bush » Le Monde 23 04 04
* 164 David Gompert,
« La transformation de l'appareil militaire
américain » op cit
* 165 Rodrigue Tremblay,
Le nouvel empire américain opcit p 161
* 166 Laurent Cohen Tannugi,
Les sentinelles de la liberté op cit pp 25-26
* 167 Robert Kagan, La
puissance et la faiblesse, les Etats-Unis et l'Europe dans le nouvel ordre
mondial, 2003
* 168 Ibid.
* 169 Pierre Barnès,
« Les Etats-Unis et le reste du monde, les chemins de la
haine », Harmattan, Paris, 2002, 284 p
* 170 Robert Kagan,
« Different philosophies of power »
International Herald Tribune 27 mai 2002
* 171 Robert Kagan,
« Different...... » opcit
* 172 Pour de plus amples
informations consulter le site www.i-d-europe.org
* 173 « La
guerre au long cours » Politique Internationale n°
93
* 174 John Vinocur «
Trans-Atlantic Quarrel : An indifferent Washington shrugs»
International Herald Tribune 20 Janvier 2004
* 175 Justin Vaïsse
« L'Hyperpuissance au défi de
l'Hyperterrorisme » Politique Etrangère Octobre
2001
* 176 Dossiers
Européens, Décembre 2003
* 177 Voir RTL.fr du 30 juin
2005
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