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La tentation hagiographique dans les biographies de Pascal

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par Karine Lanini
Université Paris III-Sorbonne nouvelle -  1996
  

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3. Les lacunes du texte

Au sein de cette `entreprise biographique' viennent se glisser des références à des événements non explicités ; par exemple, à la page 22, Gilberte fait allusion à `l'affaire des carrosses', sans pourtant juger utile de rappeler la teneur de cette affaire. En se reportant à des documents `historiques' extérieurs, on apprend que cette affaire n'est autre qu'une entreprise commerciale élaborée par la famille Pascal et qui lui permit de recouvrer une situation financière honnête. Or, la présence de cette allusion dans le texte de Gilberte suscite au moins deux remarques : d'une part, le schéma informatif est ici rompu puisqu'il faut se reporter à des clefs extérieures pour reconstituer le cadre événementiel de la biographie, alors que sa fonction aurait dû être justement de dessiner ce cadre. D'autre part, le silence attaché aux détails les plus prosaïques peut impliquer deux réalités, la détermination de Gilberte d'écrire pour un public averti du contexte, et qui peut comprendre les différentes allusions - mais se pose alors la question du destinataire - et sa volonté de ne faire entrer aucun détail matériel - en l'occurrence il s'agit d'argent - dans le portrait idéal et moral qu'elle dresse de son frère.

D'une certaine manière, ce `filtre' qui présiderait à l'élaboration du texte se retrouve dans les nombreuses `lacunes' que comporte le récit, et que l'on peut faire apparaître si l'on compare cette vie de Pascal aux éléments issus de récits historiques relevant cette fois de la seule sphère publique, et à ce titre digne de foi, ou même à des écrits de Pascal lui-même. Première absence remarquable et remarquée, le récit de la seconde conversion : nulle allusion directe en effet à la nuit du 23 novembre 1654, date pourtant décisive dans l'itinéraire pascalien. De la même manière, les Provinciales, dont la publication fit pourtant grand bruit, sont quasiment omises, comme si ces textes, et le contexte polémique qu'ils impliquent, n'avaient pas droit de cité dans une `vie' de Pascal : à peine mentionne-t-on leur existence, et encore comme exemple de la puissance de son écriture.

« Enfin il était tellement maître de son style qu'il disait tout ce qu'il voulait, et son discours avait toujours l'effet qu'il s'était proposé. Et cette manière d'écrire naïve, juste, agréable, forte et naturelle en même temps lui était si propre et si particulière qu'aussitôt qu'on vit paraître les Lettres au Provincial , on jugea bien qu'elles étaient de lui »9(*).

Gilberte ne retient, ou plutôt veut que l'on ne retienne de son frère , et des Provinciales, que l'image d'un homme saint à l'écriture `naïve'. Pascal apparaît alors comme un solitaire qui aurait rompu tout commerce avec le monde, alors même qu'il continue à entretenir des liens avec le monde qui l'entoure. Gilberte ne parlera jamais des relations de Pascal avec un Descartes ou un Père Noël, bien que la correspondance de Pascal les attestât. La confrontation de la parole de Gilberte et des documents qui touchent à la vie de Pascal révèle alors les larges limites de sa fidélité à la mémoire de son frère. Mémoire très sélective et parfois infidèle, ou plutôt falsificatrice, par exemple dans le rapport fait de la prise de voile de leur soeur Jacqueline, à laquelle Pascal était d'abord opposé. Or, il n'est fait nulle trace de cette opposition dans le récit, qui présente cette prise de voile comme la conséquence directe et heureuse de l'influence bénéfique d'un frère sur la conscience de ses proches.

Cette biographie est donc très éloignée des règles du genre ; la fonction `informative' n'est pas remplie, et l'on peut même dire plus, ne semble pas visée. De surcroît, la figure du destinataire se dessine difficilement : soit ce texte est destiné à des contemporains qui peuvent comprendre le contexte sans qu'il soit besoin de le leur rappeler, mais dans ce cas le récit ne peut plus prétendre à la conservation d'une mémoire ; soit il est effectivement destiné à la postérité, mais alors quel étrange monument qui ne livre que des bribes d'information ! Si l'on ne possédait aucun autre document d'époque, le Pascal de Gilberte serait le seul `officiel'. Pourtant, si d'autres textes existent, ils émanent tous de la sphère publique, et n'ont pas pour objet de tracer un portrait fidèle d'un particulier. A ce titre, ils sont peut-être plus objectifs, mais seuls les écrits de Gilberte, en proposant un projet d'ensemble, peuvent jouer le rôle d'une biographie, et le jouent en effet : par bien des aspects, la postérité a retenu de Pascal l'image dessinée par sa soeur . Pourtant, il existait, et il existe encore, en marge de la biographie `officielle' constituée par Gilberte , un autre récit, celui de la nièce de Pascal, Marguerite, et qui peut faire figure de biographie non autorisée.

* 9 p.15

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci