La tentation hagiographique dans les biographies de Pascal( Télécharger le fichier original )par Karine Lanini Université Paris III-Sorbonne nouvelle - 1996 |
B. Les failles du discours biographique1. La répartition du discoursLa longueur des différents épisodes est très variable ; par exemple, le récit de son éducation jusqu'à sa conversion ne compte que cinq pages, comme si son activité scientifique, qui correspond aux deux tiers de sa vie, s'effaçait devant le récit de sa vie morale et spirituelle, de la conversion jusqu'à la mort. Du portrait physique et événementiel, Gilberte passe au portrait de l'âme de Pascal, et ce portrait se révèle à travers l'apparition d'un « je ». En effet, alors que jusque là, l'écriture de Gilberte se limitait à l'énoncé, sinon objectif, du moins extérieur, des progrès de l'esprit du jeune Blaise, le récit de la conversion se traduit par la marque de l'énonciatrice. Désormais, Gilberte parle en son nom, ou plutôt au nom du `clan' Pascal, le « je » cédant souvent la place au « nous ». Comme si la première partie, la plus courte, devait faire naître l'admiration du lecteur pour ce génie précoce qu'on lui présente, et la seconde, la plus longue, n'avait d'autre fonction que d'indiquer l'admiration d'une soeur pour un frère. Et en effet, le contenu `informatif' de la seconde partie se révèle très pauvre : une anecdote sur l'acharnement que Blaise met à persécuter un libertin4(*), à peine quelques lignes sur la prise de voile de Jacqueline5(*), et quasiment rien sur ce qu'il est convenu d'appeler `la période mondaine' de Pascal, réduite ici à quelques mots6(*). Ces allusions seront les dernières à évoquer le `destin terrestre' de Pascal: « Il avait trente ans quand il résolut de quitter ces nouveaux engagements qu'il avait dans le monde ; il commença à changer de quartier, et, pour rompre d'avantage toutes ses habitudes, il alla à la campagne, d'où, étant de retour après une retraite considérable, il témoigna si bien qu'il voulait quitter le monde que le monde enfin le quitta »7(*). Dès lors, le portrait deviendra exclusivement moral, consacré à la peinture de sa conduite `sainte' et parfaite, rapportée par un « je » ou un « nous » qui se fait humble devant tant de grandeur. Plus aucun mot sur sa vie d'homme, sauf pour souligner l'adéquation de ses actes à la vie de saint qu'il entendait mener : ses différents écrits ne seront jamais évoqués que dans cette perpective. Alors que la présentation et le choix d'un genre codé laissait entrevoir une `histoire' de la vie de Pascal, l'écriture tend au contraire vers un éloge qui passe sous silence les détails les plus prosaïques pour ne plus se livrer qu'à une peinture sans fin des qualités morales d'un homme, qui devient vite un modèle : la `vie ' de Pascal s'érige en règle de conduite - « Voilà une partie des instructions qu'il nous donnait pour nous porter à l'amour de la pauvreté ». * 4 p.9 * 5 p.9 * 6 p.10 * 7 p.11 |
|