République du Bénin
*******
Ministère de l'Enseignement Supérieur et
de la Recherche Scientifique
**************
Université d'Abomey Calavi
****************
ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE
MAGISTRATURE
*****************************
MEMOIRE DE FIN DE FORMATION AU CYCLE I
OPTION
FILIERE
Administration Générale
Diplomatie et Relations Internationales
PROMOTION 2002 - 2005
(c) www.un.org
(c)
www.laconscience.com
THEME
L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES FACE AUX CONFLITS
ARMES EN AFRIQUE : CONTRIBUTION A UNE CULTURE DE PREVENTION
Réalisé et soutenu par :
Sous la direction
de :
Franck Armel O. AFOUKOU Mohamed ABDOU
Professeur de Droit International
Humanitaire à l'ENAM
Décembre 2005
AG : Assemblée
Générale des Nations Unies
BIRFA : Brigade d'Intervention Rapide des
Forces en Attente
CEDEAO : Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest
DDR : Désarmement, Démobilisation,
Réinsertion
DHA: Department of Humanitarian Affairs
DPA: Department of Political Affairs
DPKO: Department of Peace-Keeping Operations
FORDEPRENU: Force de Déploiement
Préventif des Nations Unies
FUNU : Force d'Urgence des Nations Unies
HCR : Haut Commissariat des Nations Unies
aux Réfugiés
MINUAR : Mission des Nations Unies pour
l'Assistance au Rwanda
MINUL : Mission des Nations Unies au
Libéria
MINURCA : Mission des Nations Unies en
République Centrafricaine
OMP : Opération de Maintien de la
Paix
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUC : Opération des Nations Unies
au Congo
ONUSOM : Opération des Nations Unies
en Somalie
OUA : Organisation de l'Unité
Africaine
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
UE : Union Européenne
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour
l'Enfance
UNITAF : United Nations International Task
Force
INTRODUCTION GENERALE
................................................... 1
PREMIERE PARTIE : DE LA NECESSITE DE PREVENIR LES
CONFLITS ARMES EN AFRIQUE ...............................................
5
CHAPITRE I : LES CONSEQUENCES DES CONFLITS ARMES EN AFRIQUE
................................................................................
7
Section I : Les conséquences sur les plans
humain et politique ..... 7
Section II : Les conséquences
socio-économiques ..................... 14
CHAPITRE II : LE MAINTIEN DE LA PAIX A L'EPREUVE DES
REALITES AFRICAINES
............................................................ 21
Section I : Historique des OMP
............................................ 21
Section II : Analyse des OMP au regard des conflits
africains .... 26
DEUXIEME PARTIE : VERS UNE CULTURE DE PREVENTION
DES CONFLITS ARMES
......................................................... 32
CHAPITRE I : LES MECANISMES DE PREVENTION
DES CONFLITS ARMES
........................................................... 34
Section I : La diplomatie préventive
..................................... 34
Section II : La consolidation de la paix
.................................. 40
CHAPITRE II : APPROCHES POUR UNE MEILLEURE
PREVENTION
........................................................................ 46
Section I : Le passage de la réaction à
la proaction ................... 46
Section II : Vers une paix durable : s'attaquer
aux causes
profondes des conflits
armés................................................ 54
CONCLUSION GENERALE
...................................................... 63
Introduction générale
C
es dernières années, l'Afrique a
été ébranlée par les conflits les plus meurtriers
et les plus dévastateurs de toute son histoire contemporaine.
Aujourd'hui, de nombreuses guerres usent encore en permanence le continent et
ne cessent de livrer au monde un spectacle d'horreurs, d'atrocités et de
barbarie que la communauté internationale observe médusée.
Les conflits du Libéria, de la République Démocratique du
Congo (RDC), de la Somalie, du Soudan, de la Sierra Léone, de la
Côte d'Ivoire, et... surtout les sommets de l'horreur atteints avec le
génocide des Tutsis au Rwanda en furent des illustrations poignantes.
A ce point, les problèmes de sécurité
continuent d'être vivement préoccupants en Afrique. Le continent
semble marqué de plus en plus du sceau de la violence armée au
point d'apparaître comme son propre bourreau après son
affranchissement des tutelles diplomatiques étrangères1(*). La guerre, les coups d'Etat ou
les rébellions semblent être le mode de règlement des
différends auquel les protagonistes des crises africaines ont le plus
souvent recouru.
La multiplication des conflits en Afrique constitue
aujourd'hui l'un des principaux défis auxquels doit faire face la
communauté internationale. Au premier rang de celle-ci se retrouve
l'Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été
créée lors de la conférence de San Francisco tenue au
lendemain de la seconde guerre mondiale. Son rôle principal est de
maintenir la paix et la sécurité internationales. Après
l'immobilisme de la période de la guerre froide, l'ONU a sensiblement
accru ses activités dans ce domaine. De nombreuses opérations de
maintien de la paix (OMP) ont été projetées dans le monde
et surtout en Afrique pour faire face à toute une série de
guerres qui ont éclaté à l'intérieur même des
Etats.
La mise en place de ces opérations a permis
d'atténuer, dans bien de cas, les tensions et d'éviter des
escalades violentes. A l'inverse, elles ont également
révélé leurs limites.
Les difficultés et insuccès enregistrés
dans le maintien et la défense de la paix ont mis en évidence
cette vieille leçon de sagesse selon laquelle "il vaut mieux
prévenir que guérir". Aujourd'hui, non seulement l'ONU, mais
également toute la communauté internationale prennent timidement
conscience de cette affligeante leçon et de la nécessité
d'agir dans ce sens.
Dans cette perspective, le Secrétaire
général de l'ONU, M. Kofi A. ANNAN, a affirmé que
« L'Organisation des Nations Unies n'a pas d'objectif plus
élevé, d'engagement plus profond, ni d'ambition plus grande que
la prévention des conflits armés2(*) ».
C'est à cette idée de prévention des
conflits armés que nous voudrions bien nous intéresser.
Aujourd'hui plus que jamais, elle apparaît en Afrique comme un
impératif catégorique au regard des conséquences
désastreuses des conflits pour ce continent. Le choix de l'ONU est
dicté par la responsabilité première qui lui incombe
de « ...préserver les générations futures du
fléau de la guerre3(*) ». Elle a été mandatée
dès sa création pour maintenir la paix et la
sécurité internationales en prenant des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la
paix4(*).
La notion de prévention des conflits armés
n'est pas des moindres à cerner. En effet, le mot prévention
vient du latin "praeventio" qui signifie "action de devancer". Quant
au conflit armé, c'est toute situation dans laquelle il y a eu un
« Recours à la force armée entre Etats ou, au sein d'un
Etat, soit entre les forces gouvernementales et un ou des groupes armés
organisés, soit entre des groupes armés échappant au
contrôle du Gouvernement5(*) ». La prévention des conflits
armés est alors l'action de prendre des précautions
nécessaires pour empêcher la transformation des tensions en
affrontements violents. « ... Son but n'est pas tellement
d'éviter le conflit, mais plutôt son approche destructive. La
prévention de conflit a deux caractéristiques : aplanir les
litiges et diminuer les risques de guerres 6(*) ».
Les statistiques de ces dernières années ont
révélé une nette diminution des conflits entre Etats.
Désormais les conflits sont pour la plupart intra-étatiques.
C'est pourquoi, un intérêt particulier sera porté aux
conflits armés internes dont les formes les plus récurrentes
sont : guerres civiles, rébellions, conflits ethniques, claniques,
tribaux...
Le présent travail se propose d'apporter une modeste
contribution à la prévention des conflits en Afrique en mettant
un accent particulier sur le rôle de l'ONU. Notre réflexion part
du constat que cette Organisation avait pour vocation originelle de
prévenir les conflits pour maintenir la paix et la
sécurité internationales. Or, l'ONU a été plus
active à déployer des activités en matière de lutte
contre les conflits plutôt qu'en matière de prévention des
conflits. Cela est surtout valable pour le continent africain qui, ces
dernières années, accueille la plupart des OMP sans être
épargné par les conflits armés. Les rêves de paix
semblent encore plus utopiques que jamais pour des millions d'Africains. Il est
donc nécessaire aujourd'hui de (re)penser une véritable
culture de prévention.
Les OMP sont-elles adaptées aux conflits armés
internes qui caractérisent l'Afrique aujourd'hui ? Quelle place
l'ONU accorde-t-elle à la prévention des conflits en
Afrique ? Par quels mécanismes peut-on réussir à
atteindre cet objectif ? Telles sont entre autres les questions auxquelles
nous essayerons de répondre.
Pour y parvenir, il conviendra de mettre en évidence la
nécessité pour les Nations Unies de prévenir les conflits
armés en Afrique (Première partie). Cette nécessité
nous conduira à mettre un accent particulier sur une culture de
prévention des conflits armés (Deuxième partie).
Premiere partie :
DE LA NECESSITE DE PREVENIR
LES CONFLITS ARMES EN AFRIQUE
D
epuis les années 1970, le continent africain a connu
plus de trente guerres qui, dans leur vaste majorité, sont d'origine
interne. Pour la seule année 1996, quatorze des cinquante trois pays
africains - soit plus du quart - étaient touchés par des conflits
armés qui avaient provoqué plus de la moitié de tous les
décès liés à la guerre dans le monde entier et qui
avaient de même expliqué le sort de huit millions de
réfugiés et de personnes déplacées7(*).
Ce constat indique que les conflits armés
entraînent des conséquences de plus en plus colossales pour
l'Afrique. La cruauté et la barbarie qui les caractérisent font
qu'au-delà des conséquences désastreuses pour le
continent, c'est toute l'idée même de la civilisation humaine qui
recule. Des valeurs universellement défendues avec acharnement sont
purement et simplement méprisées.
La coopération internationale face à cette
situation a souvent été de nature réactive. Les
interventions procédant pour la plupart de décisions tardives,
parfois improvisées et bien souvent légitimées par la
pression médiatique8(*), sont dirigées vers des mesures curatives qui
ne répondent qu'à l'immédiat. Cette approche a conduit
à privilégier davantage le maintien de la paix plutôt que
la construction de cette paix qui implique une action dans la durée.
Le but de cette première partie est de nous convaincre,
s'il en était encore besoin, de la nécessité de
prévenir les conflits armés en Afrique. Pour ce faire, nous
aborderons d'abord les conséquences des conflits armés en Afrique
(chapitre 1), puis le maintien de la paix à l'épreuve des
réalités africaines (chapitre 2).
CHAPITRE I : LES CONSEQUENCES DES CONFLITS ARMES EN
AFRIQUE
Prétendre analyser toutes les conséquences des
conflits en Afrique serait abusif dans le cadre de ce chapitre. Elles sont si
considérables et se relèvent sur divers plans qu'il serait
impossible d'être complet en si peu de lignes.
Ceci étant, l'accent sera mis sur celles d'entre elles
qui contrastent manifestement avec les grands idéaux de l'ONU :
dignité humaine, protection des enfants, développement durable,
droit à la vie, intégrité territoriale ... Le
succès de ces valeurs et principes en Afrique dépendra des
efforts déployés pour prévenir les conflits et, ce
faisant, éliminer leurs conséquences sur les plans humain et
politique d'une part (section I) sans négliger d'autre part les domaines
social et économique (section II).
SECTION I : LES CONSEQUENCES SUR LES PLANS HUMAIN
ET
POLITIQUE
Lorsque la guerre éclate, les conséquences sur
le plan humain sont les plus spectaculaires. Leurs images font en un temps
record le tour du monde. La dégradation du respect humain (§1) qui
s'observe est plus émouvante que les bouleversements politiques
(§2) qui s'imposent.
Paragraphe I : La dégradation du respect
humain
L'observation la plus affligeante depuis quelques
décennies réside dans un mépris du respect humain en
période de conflits violents. Il s'ensuit un accroissement
considérable du nombre de morts (A) et de personnes
déplacées (B).
A- Les pertes en vies humaines
Le droit à la vie est considéré comme un
droit de l'homme auquel on ne peut déroger. C'est un droit intangible.
Toutefois, en période de guerre, ce droit semble dépourvu de
toute signification. Le nombre sans cesse considérable des victimes en
est la triste illustration.
Une étude réalisée sur la dynamique des
conflits en Afrique a révélé que le nombre estimé
de morts suite à des guerres entre 1955 et 1995 varie de 7 à 8
millions9(*). Une analyse
par période de 5 ans laisse entrevoir quelques moments forts dans
l'évolution de la violence armée et, partant, du nombre de
victimes. C'est ce qu'illustre le tableau ci-dessous.
Source: Les conflits en Afrique : Analyse des
crises et pistes pour une prévention, p.18
Toutefois, il importe de faire remarquer que «Ces pics ne
sont pas vraiment la conséquence d'une extension horizontale ou
verticale de la violence en Afrique, mais bien de quelques conflits locaux qui
ont dégénéré. La première flambée est
due à l'Algérie ; pour la période 1970- 1975 (sic)
ce sont le Nigeria et le Soudan qui détiennent le record de la violence.
Le génocide du Rwanda explique la dernière
flambée10(*) ». Entre 500 000 et 1 000 000 de
Rwandais en étaient morts en 1994.
La plupart des conflits africains tendent à
s'étirer sur un plus grand nombre d'années avec plus de victimes.
Ainsi, les 20 ans de guerre civile au Soudan ont fait 2 000 000 de
morts tandis que 13 ans de guerre ont précipité au trépas
300 000 Burundais.
La révélation la plus accablante au sujet des
victimes des conflits armés en Afrique provient de l'International
Rescue Commity. En avril 2003, cet organisme a estimé qu'au moins 3,3
millions et peut-être jusqu'à 4,7 millions de personnes
étaient mortes des conséquences directes de la guerre au Congo
depuis 199911(*). Il faut
toutefois prendre cette information avec prudence. En effet, pour 85 à
90% des victimes, la mort était plus précisément due
à la famine ou à la maladie. Ceci n'empêche pas pour autant
de conclure avec Adam HIGAZI que « Ce conflit est le plus meurtrier
depuis la seconde guerre mondiale et le plus meurtrier de toute l'histoire
africaine contemporaine 12(*)».
Dans ce décompte macabre, ce sont malheureusement les
civils qui payent le plus lourd tribut. Ce drame des populations civiles tient
au caractère désormais interne de la grande majorité des
conflits où les objectifs stratégiques des combattants les
amènent fréquemment à prendre des civils pour cible.
Les pertes en vies humaines ne constituent pas les seuls
impacts désagréables des conflits sur le plan humain. Outre, les
guerres en Afrique propulsent sur le chemin de l'exil, un nombre encore plus
considérable de personnes dans le rang des survivants.
B- Les déplacements de populations
Les déplacements de populations sont une autre
conséquence des conflits. Sans doute, le problème se pose avec
acuité en Afrique aujourd'hui. Les mouvements massifs de populations
fuyant désespérément des zones de conflits sont des
scènes terrifiantes.
La guerre civile au Soudan - l'une des plus anciennes
d'Afrique - a fait 4 millions de déplacés13(*). Pire, le conflit
récent qui oppose le gouvernement central de Khartoum à l'une de
ses périphéries, le Darfour, est devenu l'un des plus
préoccupant du continent. Depuis le début de l'année 2003,
il avait déjà déraciné plus de 1,5 million de
Soudanais de leur foyer14(*). Avec ces chiffres, le Soudan enregistre la plus
large proportion de personnes déplacées dans le monde. Il est
suivi par la République Démocratique du Congo dont le conflit a
provoqué le déplacement de 3,4 millions de personnes.
Les déplacements de populations font
référence à deux notions : les personnes
déplacées à l'intérieur du territoire et les
réfugiés. D'un point de vue juridique, une personne
déplacée est celle qui est « ... forcée, parmi
de nombreuses autres, de fuir son lieu de résidence habituel en raison
d'un conflit armé, de troubles intérieurs ou de catastrophes
naturelles ou pour d'autres raisons de sécurité
impérieuses et indépendantes de sa volonté, qui se
retrouve en situation de réfugié tout en n'ayant, dans sa fuite,
franchi aucune frontière internationale reconnue15(*) ». Leur proportion
n'a fait que croître avec la multiplication des guerres civiles qui ne se
déroulent pas sur un champ de bataille mais au sein des villes et
villages voire des familles. Leur situation est davantage la
préoccupation des organisations non gouvernementales à
caractère humanitaire. Mais l'action de ces dernières n'est pas
aisée. Les gouvernements y voient souvent une ingérence dans
leurs affaires intérieures. Ceci justifie l'abandon des personnes
déplacées à leur triste sort.
Le réfugié, quant à lui, est une personne
« ...qui du fait d'une agression, d'une occupation extérieure,
d'une domination étrangère ou d'événements
troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité
de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est
obligée de quitter sa résidence habituelle pour rechercher refuge
dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du
pays dont elle a la nationalité16(*) ». Suivant les statistiques du Haut
Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR), on
dénombre à la fin de l'année 2000, plus de 9 millions de
réfugiés africains. Ceux-ci représentent plus de la
moitié de leurs compagnons d'infortune dans le monde17(*). L'Afrique est
incontestablement le premier "producteur" mondial de réfugiés et
de personnes déplacées.
La situation des réfugiés est d'autant plus
préoccupante qu'aujourd'hui, « (...) il devient de plus en
plus difficile de trouver des refuges sûrs dans des pays voisins ou plus
éloignés pour les victimes de la guerre ou des violations des
droits de l'homme. Tant les pays pauvres que les pays industrialisés
répugnent de plus en plus à accepter l'obligation
élémentaire de fournir leur protection aux
réfugiés18(*)».
Dans ces conditions, le sort des populations victimes de la
guerre se détériore plus que jamais. Déshumanisées
à l'excès, elles perdent toute dignité et les
bouleversements politiques ne sont pas de nature à améliorer leur
condition.
Paragraphe II : Les bouleversements politiques
Les conflits armés internes ont la particularité
de plonger les institutions étatiques dans une crise systémique
qui aboutit à l'effondrement de l'Etat (A) et au
démantèlement du processus démocratique (B).
A- L'effondrement de l'Etat
Le drame politique des sociétés africaines en
proie à un conflit armé est l'effondrement de l'Etat. «C'est
une situation où la structure, l'autorité, le droit et l'ordre
politique se sont émiettés et ont besoin d'être
recomposés19(*)».
L'exemple le plus caractéristique de cette situation
est la Somalie. Depuis janvier 1991, cet Etat de la corne de l'Afrique n'a plus
de gouvernement central. Cette vacance du pouvoir a conduit à une
fragmentation du pays en une douzaine de "fiefs" dont les "autorités" se
concurrencent et se recoupent20(*). Depuis, le pays ne s'est toujours pas remis et
continue de constituer une entité chaotique ingouvernable21(*).
D'un point de vue juridique, c'est l'existence même de
l'Etat qui est compromise du fait de l'écroulement de l'édifice
institutionnel servant d'assise au pouvoir politique.
L'effondrement de l'Etat conduit aussi inéluctablement
à l'éclatement de la nation - du moins celle qui est en
construction -. Il en résulte une certaine remise en cause du sentiment
collectif du vouloir vivre ensemble. La société en tant que
groupe se fragmente.
Martin LOWENKOPF résume mieux ces deux aspects de
l'effondrement de l'Etat avec l'exemple du Libéria :
« (...) Non seulement l'Etat est absent dans sa
fonction d'ordre et de légitimité, mais la société
a volé en éclats, la nation est fragmentée, la population
dispersée et l'économie en ruine. De plus, alors que l'Etat est
vacant, ni ordre, ni pouvoir, ni légitimité ne sont transmis
à des groupes (même si plusieurs organisations existantes
pourraient évoluer dans ce sens). La réalité et le symbole
du pouvoir sont tous deux à qui veut les prendre parmi les factions
armées qui se combattent 22(*)».
La réponse de la communauté internationale face
à cette situation consiste souvent à faire appel aux leaders des
factions en lice : ce qui porte un véritable coup à la
démocratie.
B- Le démantèlement du processus
démocratique
La plupart des Etats africains ont amorcé, quoique
timidement, un processus démocratique depuis une quinzaine
d'années. La décennie 1990 a enregistré à ses
débuts une vague de conférences nationales sur le continent.
Celles-ci ont constitué le point de départ d'un processus
démocratique du moins pour ceux des pays qui les ont réussi.
Sans remettre en cause le caractère naissant de la
démocratie dans les pays africains, il convient de faire remarquer que
les guerres ont tendance à porter un coup dur au processus
démocratique, certes fragile.
Cette situation est le corollaire de l'effondrement de l'Etat.
En effet,
« L'Etat n'est plus le seul détenteur du
pouvoir de répression légale. Il peut à tout moment se
trouver en compétition avec d'autres centres de pouvoir, en
détenant les mêmes moyens. L'apparition d'un tel
phénomène dans le paysage politique africain est un facteur de
grande vulnérabilité, d'instabilité chronique et
même de délégitimation des pouvoirs légalement mis
en place, qui hypothèque les fragiles processus démocratiques
amorcés ici et là23(*) ».
C'est bien cela que vit actuellement la République de
Côte d'Ivoire. A l'issue des élections présidentielles de
2000, le gouvernement mis sur pied doit aujourd'hui partager le pouvoir avec
des groupes rebelles. Comme mode d'expression politique, nous constatons avec
amertume que les armes ont tendance à prendre le pas sur les urnes.
Ce phénomène constitue un défi pour la
démocratie et pour ses promoteurs. La gestion de cette crise le prouve.
Des accommodements de toutes sortes sont consentis à l'égard des
rebelles désormais sur le même pied avec le pouvoir légal.
Sous prétexte de "réconciliation nationale", des criminels de
guerre sont intégrés dans des processus de reconstruction de
l'Etat de droit, ce qui contredit les idéaux de justice et de
démocratie. La démocratie du peuple devrait prévaloir sur
celle des "Seigneurs de la guerre".
L'ampleur désastreuse des conflits en Afrique
n'épargne pas les secteurs social et économique des
régions concernées.
SECTION II : LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES
Les guerres civiles - conflits armés les plus
répandus en Afrique - ont la caractéristique de s'étendre
sur plusieurs années ponctuées de trêves et de reprise des
hostilités. Elles évoluent très rarement de façon
linéaire et oscillent entre détérioration, escalade,
désordre, accalmie, espoir, retournement de situation... Ceci explique
les profondes cicatrices qu'elles laissent sur les sociétés
(§1) et la ruine infligée à l'économie (§2).
Paragraphe I : La déstructuration sociale
La guerre détruit toute société. Mais
plus encore, elle la transforme profondément jusque dans ses valeurs
sociales et culturelles. La violence qu'elle favorise devient un mode de vie ou
de survie (A). Dans ces conditions le sort des enfants est beaucoup plus
préoccupant (B).
A- Le développement d'une culture de
violence
A l'avènement de la guerre, tout ce qui a pu unir les
membres d'une société vole en éclat. La violence
s'installe sous toutes ses formes. Cette caractéristique des
sociétés post-conflictuelles est manifeste en Afrique où
barbaries, atrocités et violations graves des Droits de l'Homme
accompagnent les conflits armés.
La situation de guerre civile en Afrique du Sud durant
l'apartheid a, par exemple, favorisé l'émergence d'une culture de
violence qui prévaut jusqu'à aujourd'hui. En 1997, plus de
150 000 viols ont été signalés avec près de
25 000 meurtres24(*).
En Afrique de l'Ouest, après cinq années d'une guerre civile
particulièrement violente, 5 à 10 000 viols ont
été commis en Sierre Léone25(*). La violence sexuelle à l'égard des
femmes est, en effet, une façon immonde de blesser physiquement et
psychiquement.
Cette violence est pour la plupart le fait des factions
armées pour qui razzias, pillages, viols... sont le mode d'action
quotidien. Les populations civiles sont leurs cibles
privilégiées ; ce qui explique que ces dernières
vivent une crainte effarée de ces factions.
La violence se développe dans un contexte social
déjà très endolori. Les populations sont
confrontées à la famine et vivent une situation traumatisante du
fait de l'éclatement des familles ou des communautés, des
relations brisées en raison de la mort, de la séparation, de la
marginalisation.
Les conflits armés enferment les sociétés
dans un cercle vicieux de la violence duquel il est difficile de sortir. Un tel
contexte favorise des comportements morbides, sadiques et vengeurs. C'est ainsi
que Amnesty International rapporte :
« Le 24 août 1998, pour venger la mort d'une
trentaine de leurs compagnons et de militaires rwandais, des combattants du RCD
[Rassemblement Congolais pour la Démocratie] ont tué plus de 850
civils non armés dans la paroisse catholique de Kasika et dans les
villages environnants (province du sud Kivu). Ils ont tué un chef
traditionnel à coup de couteau et lui ont arraché le coeur. Une
femme enceinte a été éventrée. Des enfants tenus
par les pieds ont eu la tête fracassée contre le mur ou un
arbre ; beaucoup ont été jetés dans des
latrines26(*)».
Lorsque les enfants ne sont pas tués, ils sont victimes
de la guerre de diverses autres manières. L'avenir de la
société se trouve alors compromis.
B- Les enfants dans la guerre : l'avenir de la
société compromis
En Afrique, les enfants occupaient traditionnellement une
place de choix dans la société. Ils étaient perçus
comme l'espoir et l'avenir de la famille, de la communauté. A ce titre,
ils bénéficiaient de toutes les affections. Avec leur
cortège d'atrocités, les conflits armés ont
bouleversé toutes ces valeurs.
La déstructuration sociale occasionnée par la
guerre est plus dramatique pour les enfants. « Les conflits
armés les affectent de bien de façons, et même s'ils ne
sont pas tués ou blessés, ils peuvent être rendus orphelins
ou être enlevés ou violés ou profondément
marqués et traumatisés après avoir été mis
directement en présence d'actes de violence ou avoir dû endurer un
déplacement forcé, la pauvreté ou la perte d'êtres
chers27(*) ».
Au Rwanda, 100 000 enfants ont été
séparés de leur famille d'après l'Organisation des Nations
Unies pour l'Enfance (UNICEF). Le génocide a également fait de
nombreuses victimes en leur sein. Les maternités, les orphelinats, les
foyers pour enfants ont, en effet, fait l'objet d'attaques
systématiques.
(c) www.afrik.com
Les conflits engendrent par ailleurs le dysfonctionnement du
système éducatif et les enfants, « ...parce que
longtemps exposés à une culture de violence, voient et pensent
leur avenir par la guerre28(*) ». Ils ne vont plus à l'école
et se promènent avec des kalachnikovs.
Devant un tel fait, on ne peut qu'être
stupéfait :
« Comble cynisme, on recrute ou kidnappe des
enfants pour en faire des soldats. Certains d'entre eux, filles ou
garçons n'ont que sept ou huit ans. On peut les manipuler facilement
afin d'en faire des outils de combat impitoyables et inconditionnels. Ces
enfants ont commis certaines des pires brutalités en Sierra
Léone29(*) ».
Ce phénomène est né en Afrique de l'Ouest
de la guerre en Sierra Léone et au Libéria. On en compte
respectivement 10 000 et 15 000. Avec la crise en Côte
d'Ivoire, il trouve son prolongement.
La réinsertion de ces enfants est une
problématique complexe comme l'attestent les propos d'un enfant soldat
membre des forces armées du président Kabila depuis l'âge
de 13 ans : « Aller à l'école ne
m'intéresse pas, j'ai combattu et tué de nombreuses personnes. Je
suis un soldat, c'est la seule expérience dont j'ai besoin30(*) ».
Ainsi, lorsqu'ils ne sont pas tués, les enfants sont
privés d'éducation et souvent attirés sinon
capturés par des groupes rebelles. Dans de telles conditions, c'est par
delà l'enfance, l'avenir de toute la société qui est
compromis.
A cette déstructuration sociale s'ajoutent
également sur le plan économique, des conséquences tout
aussi désastreuses.
Paragraphe II : Le désastre
économique
L'économie des pays africains déjà
fragile n'est pas à l'abri des impacts de la guerre. C'est un
véritable désastre qui s'installe du fait des dépenses de
la guerre (A) et du retard de la croissance (B).
A- Les dépenses de guerre
Pour soutenir la guerre, les pays africains y consacrent des
sommes faramineuses. Elles sont essentiellement destinées à
acquérir des armes et entretenir la machine de guerre.
Une estimation laisse penser que pendant la période de
guerre civile, l'Ethiopie a consacré environ 30 milliards de franc
belge par an à la guerre ! Cette somme était
supérieure à ce que les Etats-Unis ont accordé durant
l'année 1987 pour le développement, l'aide alimentaire et
l'urgence pour toute l'Afrique subsaharienne31(*).
Les conflits font détourner à leur profit les
principales ressources des pays éprouvés. Selon un rapport de
l'International Institut for Strategic Studies (IISS), l'Erythrée (4
millions d'habitants) consacre 44% de son PIB (Produit intérieur brut)
à l'armée soit 310 millions de dollars sur 700 millions. C'est le
taux le plus élevé de la planète32(*). Mieux, au plus fort de la
guerre que ce pays a livré à l'Ethiopie en mai 1998, 320 000
soldats éthiopiens et 270 000 érythréens
étaient massés de part et d'autre de la frontière
terrestre entre les deux Etats. Le coût de cette opération est
estimé à plus de 1 million de dollar par jour33(*).
Pour mobiliser ces ressources considérables, les pays
en guerre entretiennent souvent des activités illicites. Ainsi,
« Au Libéria, par exemple, le contrôle de l'exploitation
de diamants, de bois et d'autres matières premières était
l'un des objectifs majeurs des factions en présence, ce qui leur donnait
les moyens de financer leurs actions et de poursuivre la guerre34(*) ».
Dans cette logique, c'est la croissance économique qui
se voit retarder par la conjugaison des facteurs susmentionnés.
B- Le retard de la croissance
économique
La récurrence de la violence armée à
grande échelle sur le continent africain a lourdement contribué
à son retard économique par rapport au reste du monde.
Dans les régions en proie à la violence,
l'économie est en ruine. Des infrastructures ou unités de
production, les cultures sont endommagées et, l'anarchie aidant, toute
l'activité économique se met au ralenti. Les guerres
entraînent généralement, là où elles
sévissent, la perte des récoltes, l'irrégularité
des semailles, le découragement des paysans, des chefs d'entreprises et
des investisseurs, la fuite de l'épargne nationale, ou encore le
départ souvent irrémédiable des opérateurs
internationaux35(*).
C'est donc l'agriculture, secteur dominant dans la plupart des
économies africaines, qui est la plus touchée. Non seulement les
bras valides sont tués mais également les terres sont
minées. On attribue à la guerre civile et à l'utilisation
des mines terrestres, l'abandon d'une partie du sol angolais dont on estimait
qu'elle représentait 80% des terres agricoles du pays. Au Burundi, la
production déjà insuffisante de denrées alimentaires avait
baissé de 170% au cours des conflits récents36(*). Toutes ces
conséquences se traduisent en termes de retard de la croissance et
prédisent une reconstruction de longue haleine.
La situation du Libéria illustre ces remarques. Selon
les chiffres des Nations Unies, le PNB (Produit National Brut) par habitant
dans ce pays était de 699$ US en 1991 et atteignait à peine 390$
en 1995. En d'autres termes, le Libéria a connu une croissance
négative de -8% par an de son PIB au cours des cinq années en
question37(*).
Il devient clair que les conséquences des conflits
armés sont assez lourdes pour l'Afrique. Elles contrastent de
manière brutale et flagrante avec l'idéal auquel aspire toute la
communauté internationale incarnée par les Nations Unies. Cette
situation va entraîner un sursaut qui a conduit à une
multiplication des OMP en Afrique.
CHAPITRE II : LE MAINTIEN DE LA PAIX A L'EPREUVE
DES
REALITES AFRICAINES
Les OMP représentent l'instrument le plus
privilégié des Nations Unies pour prendre en charge les
situations conflictuelles menaçant la paix et la sécurité
internationales. De toutes les régions du monde, l'Afrique est celle
où le grand nombre de ces opérations a été
déployé en raison de la multitude des conflits dont elle continue
d'être le théâtre.
L'historique des OMP (section I) permettra d'en faire une
analyse au regard des conflits africains (section II).
SECTION I : HISTORIQUE DES OMP
La Charte des Nations Unies n'a pas expressément
prévu les OMP. Elles sont nées de la pratique de l'Organisation.
Il convient dès lors de retracer l'évolution de la notion
(§1) avant de s'intéresser à ses fondements (§2).
Paragraphe I : Le maintien de la paix : une
notion en évolution
constante
Depuis la fin de la guerre froide, les OMP au sens
traditionnel (A) ont subi des avatars majeurs compte tenu de la multiplication
des conflits internes et de la complexité des urgences humanitaires. Ces
exigences ont conduit à une nouvelle approche desdites opérations
(B).
A- Les opérations classiques
L'invention du concept d'OMP remonte à la crise de Suez
de 1956 qui avait mis aux prises l'Egypte à l'Etat d'Israël. Par un
veto conjugué, le Royaume Uni et la France ont paralysé le
Conseil de sécurité qui ne pouvait condamner leur intervention en
Egypte. L'affaire est alors portée devant l'Assemblée
générale (AG) au moyen de la procédure "Acheson"38(*).
Sur cette base, l'AG a exigé des parties un
cessez-le-feu puis adopté la résolution 998 du 3 novembre 1956
instituant une Force d'Urgence des Nations Unies (FUNU) chargée
d'assurer et de surveiller la cessation des hostilités. Ce
précédent a inspiré l'Organisation mondiale dans le
déploiement d'opérations futures.
D'une manière générale, il s'agissait
toujours de forces d'interposition dont les actions sont semblables d'un cas
à l'autre : observation du respect du cessez-le-feu ;
surveillance des lignes de front, des zones tampons voire des zones
démilitarisées ; échanges de prisonniers et
éventuellement, observation d'opérations de
désarmement.
Avec la fin de la guerre froide, une nouvelle
génération d'OMP viendra mettre un terme à cette routine
des opérations classiques.
B- La conception moderne du maintien de la
paix
Depuis quelques années, la nature des conflits que
l'ONU doit gérer a radicalement changé. Le monde de
l'après guerre froide s'est caractérisé par
l'émergence de nouveaux conflits internes aux Etats. Ces conflits
particulièrement meurtriers menacent la paix et la
sécurité internationales et causent d'indicibles souffrances aux
populations.
Face à ces conflits, les OMP classiques ont
été appliquées avec des aménagements allant dans le
sens de l'élargissement des mandats et des moyens de l'opération.
Dans cette logique, il ne s'agit plus de s'interposer entre deux Etats voire
deux armées mais d'accomplir un certain nombre d'activités
polyvalentes :
« En application d'accords sur la
cessation de troubles civils, il peut s'agir notamment de désarmer les
adversaires, de rétablir l'ordre, de recueillir les armes et
éventuellement de les détruire, de rapatrier les
réfugiés, de fournir un appui consultatif et une formation au
personnel de sécurité, de surveiller des élections, de
soutenir les efforts de protection des droits de l'homme, de réformer ou
de renforcer les institutions gouvernementales et de promouvoir des processus,
formels ou informels, de participation politique39(*) ».
Un niveau de coercition nécessaire pour atteindre ces
objectifs a été désormais admis. Alors que les
opérations classiques ne pouvaient faire usage de la force que dans le
seul cas de la légitime défense, les nouvelles OMP sont
autorisées à user de tous les moyens nécessaires à
la pleine exécution de leur mandat.
Cette évolution se trouve ainsi en complet
déphasage avec les OMP classiques qui étaient de nature
consensuelle et coopérative. Cependant, les fondements des
opérations restent inchangés.
Paragraphe II : Les fondements des OMP
Deux éléments, certes non strictement
cumulatifs, servent de fondements aux OMP. Il s'agit du consentement des
parties au conflit (A) et de la décision du Conseil de
sécurité (B).
A- Le consentement des parties au conflit
Le consentement des parties au conflit comme base du
déploiement d'une OMP est une nécessité historique. La
définition que donne M. FLORY des OMP rend bien compte du contexte
d'imposition de cette nécessité :
« Les OMP (...) sont toutes les opérations
militaires et paramilitaires qui sont organisées sous la pression de la
nécessité, faute de pouvoir mettre en oeuvre les
mécanismes de l'article 4340(*) et parfois faute de pouvoir s'appuyer sur les
décisions du Conseil de sécurité41(*) ».
C'est précisément de l'incapacité du
Conseil de sécurité à adopter une décision
adéquate lors de la crise de Suez que l'AG a été
amenée à créer la première OMP. Ne disposant que
d'un pouvoir de recommandation, l'AG a consacré le
consensualisme42(*) comme
postulat des OMP.
Cette nécessité historique pourrait
également se justifier par le contexte dans lequel étaient
déployées les premières opérations. En effet, les
OMP au sens traditionnel ont été toutes déployées
dans le cadre d'un conflit armé international à l'exception de
l'ONUC (Opération des Nations Unies au Congo). Ainsi, à
défaut de se fonder sur une décision coercitive de Conseil de
sécurité, le déploiement des OMP ne peut s'effectuer
qu'avec l'accord des Etats intéressés. La souveraineté des
Etats implique que ces derniers ne peuvent se voir imposer ce à quoi ils
n'ont point consenti.
De fait, le caractère consensuel est resté l'un
des principes cardinaux des OMP. Avec leur inflexion dans les conflits
armés internes, l'ONU cherche dès lors à avoir le
consentement de toutes les parties au conflit. Elles doivent accepter le
déploiement des opérations à défaut d'en faire la
demande.
Le recours plus ou moins fréquent au chapitre VII dans
la création des dernières OMP a fait du consentement des parties
un fondement négligeable face à la décision du Conseil de
sécurité.
B- La décision du Conseil de
sécurité
Le rôle principal de l'ONU, le maintien de la paix et de
la sécurité internationales, a été confié au
Conseil de sécurité43(*).
Après l'initiative de l'AG en 1956, le Conseil de
sécurité a développé la technique des OMP. Il
semble définitivement admis que seul le Conseil de
sécurité puisse actuellement en constituer une. Lorsque le
Conseil décide de créer de telles opérations, il peut
fonder sa décision sur le chapitre VI ou le chapitre VII. Cette
décision requiert le vote favorable de neuf des quinze membres du
Conseil et chacun des cinq membres permanents (Chine, Etats-Unis, France,
Royaume Uni et Russie) peut s'opposer en usant de son droit de veto44(*).
Une OMP fondée sur le chapitre VI est de nature
coopérative et respecte les principes directeurs des opérations
classiques : respect du consentement des parties, impartialité et
non usage de la force sauf en cas de légitime défense. Le recours
au chapitre VII rend par contre l'opération contraignante. Le maintien
de la paix devient une opération musclée. Pour ce, le Conseil de
sécurité doit au préalable constater
« ...l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la
paix ou d'un acte d'agression...45(*) » avant d'autoriser les Etats membres
disposés à user de la force pour imposer la paix.
Le mélange maintien et imposition de la paix dans les
décisions du Conseil de sécurité a conduit à des
échecs de plusieurs interventions majeures. Nulle part dans le monde ce
constat n'est pas plus avéré qu'en Afrique.
SECTION II : ANALYSE DES OMP AU REGARD DES
CONFLITS
AFRICAINS
Les OMP des Nations Unies, menées en Afrique en
période de conflits armés, se heurtent à des
difficultés sans cesse croissantes (§1). Plusieurs facteurs
(§2) expliquent cette situation dont les conséquences politiques
sont déjà lourdes pour les Nations Unies46(*).
Paragraphe I : Les difficultés des OMP
exemplifiées par les cas
somalien et rwandais
En Somalie, l'opération des Nations Unies a presque
tourné en un fiasco total (A) tandis qu'au Rwanda, c'est l'impuissance
de l'Organisation qui est mis en évidence (B).
A- La Somalie et les dérives d'une
OMP
L'Etat de Somalie est créé le 1er
juillet 1960 de la fusion de l'ex-Somalie britannique (le Somaliland) et de
l'ex-Somalie italienne (la Somalia). Cette dernière était, au
moment de l'indépendance, un territoire sous tutelle des Nations Unies
et administré par l'ancienne puissance coloniale.
La période post-indépendance fut marquée
par une succession de conflits qui culmine en une guerre civile sanglante en
1990-1991. La catastrophe humanitaire consécutive à cette guerre
a motivé le Conseil de sécurité à mettre sur pied
une force d'intervention armée dite Opération des Nations Unies
en Somalie (ONUSOM). Elle a eu pour fonction de surveiller l'application du
cessez-le-feu à Mogadishu, d'assurer la protection du personnel, des
installations et du matériel de l'ONU dans le port et à
l'aéroport de Mogadishu et d'escorter les convois d'aide
humanitaire47(*).
C'est dans l'incapacité, faute de moyens, de s'imposer
face aux « Seigneurs de la guerre » que l'ONUSOM tentait de
se consacrer à la distribution de l'aide humanitaire qui ne tardera non
plus à se heurter à des obstacles majeurs. Le Conseil de
sécurité admit alors que « ...l'ampleur de la
tragédie humaine causée par le conflit en Somalie , qui est
encore exacerbée par les obstacles opposés à
l'acheminement de l'aide humanitaire, constitue une menace à la paix et
à la sécurité internationales48(*) ». Sur cette base,
une force d'intervention unifiée (United Nations International Task
Force - UNITAF) est établie dès le mois de décembre
1992.
Pour la première fois dans l'histoire onusienne, un
groupe d'Etats est autorisé à recourir à la force pour
intervenir dans un conflit interne, à des fins humanitaires. L'ONUSOM
fut mise en veilleuse et l'opération « Restore
Hope » a été conduite sous l'égide des
Etats-Unis pour faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Mais à
partir de la mi-juin 1993, l'intervention humanitaire tourne à la guerre
et l'opération entame un dérapage fatal49(*). Finalement, elle s'est
retirée en mars 1995 sans avoir réglé quoi que ce soit.
Il apparaît que les interventions successives de l'ONU
en Somalie ont constitué un échec tragique. La conclusion
malheureuse de l'opération serait, selon certains observateurs, la
principale cause de la réticence manifestée par le Conseil de
sécurité à autoriser d'autres opérations
d'imposition de la paix depuis cette date. Le Rwanda en a été
l'illustration.
B- L'impuissance face au drame
rwandais
Le conflit rwandais demeure sans doute de part son
caractère particulièrement sanglant et atroce,
celui qui a le plus indigné la conscience collective du monde entier.
C'est également le conflit qui continue actuellement de
déstabiliser toute la région des Grands Lacs.
Le rôle peu glorieux de l'ONU dans le drame rwandais a
débuté réellement le 4 août 1993, date de la
signature des accords de paix d'Arusha entre le Gouvernement du Rwanda et le
Front Patriotique Rwandais (FPR). Ces accords sont censés mettre un
terme à trois années de guerre civile. Les articles 53 et 54 ont
prévu la mise en place d'une force militaire internationale neutre sous
la responsabilité de l'ONU. Cette force prêtera son assistance
à l'exécution des accords. Dans cet ordre, le Conseil de
sécurité décida d'établir par sa résolution
872 du 5 octobre 1993, une Mission des Nations Unies pour l'Assistance au
Rwanda (MINUAR).
L'exécution des accords de paix a été
confrontée à des problèmes50(*) et la présence de la MINUAR51(*) n'a pas empêché
que le Rwanda soit frappé par la violence d'un génocide huit mois
plus tard. En effet, la violence massive a éclaté au lendemain du
6 avril 1994, jour où l'avion du président HABYARIMANA a
été abattu. Après que 10 casques bleus belges aient
été faits prisonniers et assassinés, la Belgique a
annoncé le retrait de son bataillon et plaidé pour la fin de
toute la mission des Nations Unies. Le 21 avril, le Conseil de
sécurité suivit cette logique et transforme, par sa
résolution 912, la MINUAR en une force symbolique de 270 hommes dont le
mandat a été réduit au rôle de
« spectateurs impuissants52(*) ».
Le général Roméo A. DALLAIRE, pour avoir
assuré le commandement de la MINUAR du moment de sa création
jusqu'au 19 août 1994 ne pouvait cacher son indignation :
« En tant qu'être humain, je suis
scandalisé par le fait que la MINUAR ait été à tel
point marginalisée qu'elle n'ait pu empêcher les atrocités
commises tant à l'égard des forces de maintien de la paix
qu'à l'égard des millions de Rwandais victimes du génocide
et de la guerre civile53(*) ».
Après la Somalie, le départ sans gloire du
Rwanda n'a pas non plus redoré le blason de l'ONU. Elle doit
éviter les interventions inconséquentes de même que le
refus conséquent d'intervenir. Outre, un certain nombre de remarques
s'imposent :
« Telles qu'elles ont été
menées pour l'instant, les interventions humanitaires pour quelques vies
sauvées (mais dans quelle qualité de vie ?) ont eu des
conséquences difficilement discutables :
- Elles s'inscrivent dans l'urgence et le très court
terme et diffèrent toujours les analyses et les mesures de fond.
- Elles servent les intérêts politiques ou
électoraux des grandes puissances, comme cela a été patent
pour les opérations de Somalie et du Rwanda.
- Elles encouragent sur place, par la durée et la
maîtrise insuffisante des opérations, des prédations et des
activités mafieuses difficiles ensuite à éradiquer qui
contribuent à déstructurer les sociétés54(*) ».
De ces considérations, il ressort que l'Organisation
mondiale éprouve des difficultés à servir la cause de la
paix dans un rôle de soldat. Plusieurs facteurs l'expliquent.
Paragraphe II : Les facteurs d'échec des
OMP
Les OMP menées en Afrique comme ailleurs sont
confrontées à des difficultés majeures qui assombrissent
l'avenir de ces opérations. Elles tiennent pour la plupart au manque de
moyens (A) et à l'épineuse question du mandat (B).
A- Le manque de moyens
Dans les situations extrêmement complexes des conflits
internes, l'actualité ne cesse de mettre en évidence les
difficultés des casques bleus. Pour Boutros BOUTROS-GHALI, alors
Secrétaire général de l'ONU, « ...l'impuissance
de l'organisation mondiale tient partout à la même raison :
sa double inaptitude à imposer la paix quand celle-ci n'existe pas et
à la maintenir lorsque les parties en conflit s'échinent à
la torpiller55(*) ».
Le manque de moyens militaires pour intervenir efficacement
tient au fait que l'ONU n'a pas une armée. Pourtant l'exécution
des OMP exige des moyens militaires considérables. Il s'ensuit que
« ...rien n'est plus dangereux pour une opération de maintien
de la paix que de devoir user de la force lorsqu'elle n'est pas en mesure de le
faire (...)56(*) ». Ce ne sont pas les moyens qui manquent
à la communauté internationale mais plutôt la
volonté politique de les mettre au service de l'ONU conformément
à l'article 43 de la Charte. Pour imposer la paix l'ONU est contrainte
de sous-traiter l'opération. Cette solution ne paraît pas la plus
idoine puisqu'elle implique une délégation du pouvoir au profit
d'acteurs, certes efficaces, mais dont la légitimité et
l'impartialité peuvent s'avérer douteuses.
Les efforts de certains pays à créer et à
maintenir une Brigade multinationale d'Intervention Rapide des Forces en
Attente (BIRFA)57(*)
représentent une initiative salutaire. Elle participera certes à
la dynamisation des OMP. Cependant, l'initiative ne rencontre pas encore
l'adhésion de tous les Etats.
Le manque de moyens financiers constitue une autre
difficulté des OMP. Leur succès dépend en grande partie de
leur financement. Ainsi un financement non assuré peut facilement
handicaper les activités des troupes, contraignant ces dernières
à sélectionner certaines régions plutôt que
d'honorer leur mandat dans son intégralité.
Le mandat des OMP représente d'ailleurs une
épineuse question.
B- L'épineuse question du
mandat
Depuis la fin de la confrontation idéologique
Est-Ouest, le mandat des OMP ne cesse de s'élargir. Il embrasse un
nombre considérable d'activités qui, parfois, nuisent à
l'efficacité de la mission et à l'image de l'Organisation.
Par ailleurs, le Conseil de sécurité, pour
décider une OMP, recherche le consensus même si sa décision
ne doit pas nécessairement être prise à l'unanimité.
Cette recherche exige des compromis qui nuisent parfois à la
précision. L'ambiguïté qui en résulte peut avoir des
conséquences sérieuses sur le terrain si le mandat est
interprété différemment par les divers acteurs de
l'opération. Dans ces conditions, le rapport BRAHIMI parvient à
la conclusion que des mandats clairs, crédibles et réalistes sont
déterminants pour le succès des OMP58(*).
Au demeurant, l'opinion ne retient des OMP en Afrique qu'une
inefficacité. Nous estimons que l'ONU s'efforce à maintenir la
paix et la sécurité au plan régional. Ce n'est donc pas
une négation des OMP qu'il importe de prôner mais leur
amélioration. Etant donné toutefois que les mécanismes les
plus perfectionnés ne permettront jamais de déployer des OMP sur
tous les théâtres de conflit, il apparaît nécessaire
de penser une véritable culture de prévention permettant
d'étouffer à temps les conflits.
Deuxième partie
VERS UNE CULTURE DE PREVENTION DES
CONFLITS ARMES
A
ujourd'hui, l'idée d'une prévention des conflits
armés s'impose comme une nécessité, notamment en Afrique.
La communauté internationale semble avoir acquit la conviction et la
preuve qu'il vaut mieux prévenir les conflits que d'essayer d'y mettre
fin ou d'en atténuer les manifestations.
L'orientation vers la prévention est importante au sein
des Nations Unies, si l'Organisation compte encore jouer un rôle dans le
maintien de la paix et redorer son blason. C'est compte tenu de cela que le
Secrétaire général de l'Organisation a émis
l'idée de faire de la prévention des conflits, la pierre
angulaire du système de sécurité collective des Nations
Unies au XXIè siècle59(*). Cette proposition représente un pas essentiel
vers l'enracinement d'une véritable culture de prévention des
conflits armés.
La culture de prévention peut être
considérée comme un mode d'action qui sera omniprésent
dans la stratégie des conflits et qui consistera à
détecter, aussitôt que possible, toute menace à la paix et
à la sécurité internationales et à prendre des
mesures adéquates afin d'empêcher tout recours aux armes.
Divers mécanismes peuvent permettre à
l'Organisation mondiale de prévenir les conflits armés (Chapitre
I). Toutefois, pour que la paix soit durable, nous explorerons des approches en
vue d'une meilleure prévention (Chapitre II).
CHAPITRE I : LES MECANISMES DE PREVENTION DES
CONFLITS ARMES
L'ONU a développé certains mécanismes de
prévention des conflits armés. Le plus ancien est celui de la
diplomatie classique mise au service de la prévention des conflits
(Section I). Le concept plus récent de consolidation de la paix promu
par M. Boutros BOUTROS-GHALI dans son rapport Agenda pour la paix, englobe
également des mécanismes pratiques susceptibles de contribuer
à la prévention des conflits armés dans un contexte
post-conflit (Section II).
SECTION I : LA DIPLOMATIE
PREVENTIVE
La diplomatie préventive est conçue comme la
plus souhaitable et la plus efficace utilisation de la diplomatie dans le but
« ... d'éviter que des différends ne surgissent entre
les parties, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme
en conflit ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il
s'étende le moins possible60(*) ».
Sa mise en oeuvre (§2) suppose que soient obtenues
à temps des informations sur les risques de conflits (§1).
Paragraphe I : L'information : socle de la
diplomatie préventive
A la base de la prévention, se trouve l'information.
Mais sa collecte (A) n'est pas une fin en soi. Elle doit se fonder sur le souci
majeur d'alerter rapidement la communauté internationale (B).
A- La collecte
d'informations
Elle consiste en un regroupement d'une masse de
données. Ces dernières doivent porter aussi bien sur les
tendances économiques et sociales que sur les évènements
politiques pouvant susciter de dangereuses tensions61(*).
C'est pour satisfaire à la recommandation du Conseil de
sécurité de donner la priorité aux activités
préventives que le Département des Affaires Politiques (DPA) a
été mis en place au sein du Secrétariat. La collecte
d'informations est aujourd'hui sa fonction principale. Il est organisé
de manière à « ...suivre l'évolution politique
dans le monde, pour pouvoir repérer très tôt les risques de
conflits et analyser les possibilités d'actions
préventives62(*) ».
Le DPA témoigne du consensus autour de l'idée
que c'est au Secrétaire général qu'incombe la direction
principale de la diplomatie préventive et de la collecte d'informations
sur les conflits naissants et à venir. Une politique préventive
suppose, en effet, que l'on dispose à temps d'une information fiable
pour avoir une vue d'ensemble sur les situations porteuses de conflits. Les
informations proviennent pour la plupart de divers organismes des Nations
Unies, des autres Organisations internationales et des canaux de renseignement
des Etats membres - avec les réserves nécessaires quant à
leur fiabilité ou leur sélectivité.
Il convient de remarquer ici qu'aucune collaboration avec des
organismes non gouvernementaux n'est explicitement prévue63(*) afin d'obtenir un son de
cloche autre que celui émis officiellement. Pourtant, « Les
ONG sont souvent les premières à savoir ce qui se passe dans les
zones de crises et à agir, et disposent souvent d'une montagne
d'informations sur les circonstances et les griefs donnant lieu à une
explosion de violence64(*) ». L'idéal serait alors de croiser
les informations de diverses sources, qu'elles soient gouvernementales ou non,
en vue d'une meilleure prévention.
Une fois collectées, les informations sont
analysées au sein d'un dispositif d'alerte rapide.
B- Le système
d'alerte rapide
Le système d'alerte rapide permet un véritable
travail de synthèse des données pertinentes afin d'aboutir
à un tableau d'indicateurs qui, tels les feus de signalisation,
passeraient à l'orange en cas de menace pour la paix et la
sécurité internationales65(*).
C'est une sorte d'intégration des informations au sein
d'une procédure opérationnelle permettant à la fois
d'isoler des indicateurs précis, de déterminer un seuil à
partir duquel un conflit est imminent, de préparer un plan d'action
réaliste et, enfin , d'aboutir à la saisine d'un organe de
décision66(*).
Le dispositif d'alerte rapide est au coeur de la diplomatie
préventive. C'est un véritable moyen de veille au service de la
prévention des conflits. L'alerte peut être précoce ou
ultime. Elle est précoce lorsqu'elle est déclenchée au
tout premier stade d'un conflit c'est-à-dire dès les premiers
bouleversements annonciateurs d'un conflit potentiel. Elle est ultime lorsque
l'éclatement du conflit est imminent.
Il est toujours préférable de déclencher
l'alerte de manière précoce.
« Le bon sens et la sagesse mais aussi, et en
particulier, l'expérience pratique montrent clairement que les efforts
déployés pour prévenir les conflits violents ont le
maximum de chances de porter leurs fruits si les zones potentielles à
problèmes sont identifiées et prises en charge à un stade
précoce67(*) ».
L'intérêt accordé à la
prévention étant récent au sein de la communauté
internationale, il convient de remarquer que l'ONU ne dispose pas encore d'une
capacité globale d'alerte rapide en matière de prévention
des conflits armés68(*). La création d'un Centre d'Alerte Rapide est
donc à encourager au sein du Secrétariat69(*).
Par ailleurs, l'alerte rapide doit nécessairement
déboucher sur une action tout aussi prompte. La Commission Carnegie l'a
si bien soulignée lorsqu'elle indique que : « La
prévention des conflits meurtriers est moins une question d'alerte
précoce que de réaction précoce70(*) ». Malheureusement,
l'ONU ne dispose pas non plus d'un mécanisme d'action rapide ; ce
qui compromet l'efficacité de l'alerte rapide. Il est essentiel
d'intervenir à temps pour réussir la prévention.
En pratique, l'alerte rapide conduit à la mise en
oeuvre de mesures permettant d'éliminer ou de juguler les risques de
conflits armés.
Paragraphe II : La mise en oeuvre de la diplomatie
préventive
La mise en oeuvre de la diplomatie préventive consiste
en une utilisation, avec le consentement des acteurs intéressés,
d'un ensemble de procédés diplomatiques (A) et parfois
opérationnels (B).
A- Les mesures
diplomatiques
L'expression diplomatie
préventive est une association de deux concepts qui font
respectivement allusion à une méthode (diplomatie) et à un
objectif (prévenir). C'est en sorte l'art de la négociation
politique mis au service de la prévention. Les mesures diplomatiques
fréquemment utilisées dans la mise en oeuvre de la
prévention des conflits sont la médiation et l'enquête.
En fait de médiation, c'est le Secrétaire
général qui joue un rôle prépondérant. En cas
de crise, il peut conduire en personne une mission de bons offices ou
désigner un Représentant Spécial (RS) qui agira en son
nom. De part la discrétion exigée, il s'agit la plupart du temps
d'actions peu médiatisées et donc peu ou pas connues du public. A
côté de cette médiation d'urgence, le Secrétaire
général agit constamment auprès des Etats. Cette
diplomatie préventive prend souvent les formes les plus
discrètes, pour ne pas dire les plus secrètes71(*). C'est d'ailleurs cette
discrétion qui assure son plein succès. « Une mission
parfaite de bons offices, affirmait l'ancien Secrétaire
général U Thant, est celle qui n'est pas ébruitée
avant son succès et qui n'est peut-être même jamais
dévoilée72(*) ».
Quant aux missions d'enquête, c'est une procédure
encouragée par l'AG et le Conseil de sécurité dans le
cadre de la diplomatie préventive. Elles permettent d'exposer
objectivement les intérêts des parties à un conflit
potentiel dans le but de définir les mesures que l'ONU pourrait prendre
pour les aider à aplanir leurs divergences ou régler leurs
différends.
Ainsi, le Secrétaire général a
envoyé une telle mission en Gambie en novembre 2000 « ...afin
d'étudier avec ses interlocuteurs gambiens la possibilité pour
l'ONU d'aider concrètement le pays à surmonter les multiples
difficultés auxquelles il se heurte en vue de prévenir les
menaces contre la paix et la sécurité73(*) ». Une seconde
mission d'envergure a été dépêchée en mars
2001 dans onze pays d'Afrique de l'Ouest « ...pour faire le bilan des
besoins et problèmes prioritaires de la région dans les domaines
de la paix et de la sécurité, de la coopération
régionale, des affaires humanitaires et du développement
économique et social, et examiner leur interdépendance74(*) ».
En ce début du XXIè siècle, le discours
ne concerne pas l'utilité des mesures diplomatiques dans la
prévention des conflits. Il prône sa négation et une
propension à la guerre préventive se constate dans l'arène
politique internationale. Il serait très dommageable que les armes
prennent la place de la diplomatie. La situation actuelle en Irak nous illustre
à quel chaos cette approche pourrait conduire. Le mieux serait toujours
de recourir à la diplomatie et au besoin, la compléter par des
mesures opérationnelles.
B- Les mesures
opérationnelles
Les mesures opérationnelles
participent de l'extension de la notion de diplomatie préventive. Elles
sont très exceptionnelles et essentiellement relatives aux nouveaux
conflits : conflits internes, risques de sécession ou conflits
ethniques75(*). Nous
pouvons tenter d'identifier deux principalement : le déploiement
des Casques bleus à titre préventif et la création de
zones spéciales.
Le déploiement préventif est l'envoi de casques
bleus sur un territoire hors conflit dans le but d'éviter l'embrasement
et l'implication d'autres pays ou régions périphériques
dans un conflit existant. L'opération n'est donc pas
déployée pour maintenir la paix mais pour prévenir des
menaces imminentes. Dans l'histoire de l'ONU, il n'existe que deux exemples
avérés de déploiement à titre préventif. Ce
fut les cas de la Force de Déploiement Préventif des Nations
Unies76(*) (FORDEPRENU) et
de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCA).
Le déploiement préventif comme modalité de diplomatie
préventive a fait ses preuves et devrait faire l'objet d'un recours
fréquent. Leur rareté actuelle tient entre autres au fait que la
plupart des Etats déjà réticents à envoyer des
troupes lorsqu'un conflit ravage un pays, hésitent encore plus lorsque
ce conflit n'a pas encore éclaté. Il n'en demeure pas moins
qu'à tous les égards, le préventif coûte moins cher
que le curatif.
Quant aux zones spéciales, elles constituent des
espaces juridiquement soustraits à un conflit. Elles sont
créées par le Conseil de sécurité dans une logique
de prévention ou de limitation des conflits. Il s'agit souvent de zones
démilitarisées ou sécurisées. Les premières
sont des espaces exempts d'un certain type d'armement, tandis que les secondes
sont des espaces sanctuarisés lors d'un conflit et à
l'intérieur desquels les populations civiles peuvent se regrouper afin
d'obtenir protection et aide humanitaire.
D'autres mécanismes de prévention peuvent
également être identifiés dans le cadre des programmes de
consolidation de la paix à l'issue d'un conflit.
SECTION II : LA CONSOLIDATION DE LA PAIX
La consolidation de la paix est le
pendant de la diplomatie préventive. Elle intègre un certain
nombre de mesures de nature militaire et politique qui sont susceptibles de
prévenir la résurgence d'un conflit. Ces mesures consistent
à démilitariser la société ayant été
en proie à la violence armée (§1) et à
démocratiser son entité étatique (§2).
Paragraphe I : La démilitarisation de la
société
L'existence des armes dans les zones de conflit aggrave ce
dernier et retarde sa résolution. C'est pourquoi le désarmement
(A) et la réinsertion des combattants (B) à l'issue d'un conflit
armé peuvent être classés au chapitre de la
prévention.
A- Les programmes de
désarmement
Les mesures de désarmement représentent une
phase essentielle de la consolidation de la paix. Aux yeux de certains
spécialistes, « ...cette phase de démilitarisation d'un
pays ayant été en proie à un conflit est le point de
départ de tout effort pour instaurer une paix durable77(*) ».
L'ONU définit le désarmement comme la collecte,
le contrôle et l'enlèvement des armes de petit calibre, des
munitions, des explosifs, des armes lourdes et légères des
combattants et souvent de la population78(*). Cette mission a fait l'objet du mandat de plusieurs
OMP principalement en Afrique où on estime à des millions le
nombre d'armes légères en circulation. Des programmes de
désarmement ont été conduits en Angola, au Mozambique, en
Sierra Léone, en Namibie, en Erythrée, en RDC, au
Libéria ... Toutefois, on s'aperçoit que sur tous ces
programmes de désarmement, le taux de réussite est à peine
de 20% selon les chiffres mêmes des Nations Unies79(*). C'est dire que les programmes
de désarmement n'ont pas encore sensiblement tenu la promesse de
prévention des conflits qu'ils renferment.
Dans ce contexte, un désarmement qui se veut
préventif doit être rationnellement conduit sur l'ensemble du
territoire concerné et ce, de manière simultanée. En
outre, lorsqu'il est mis en oeuvre dans des situations qui ont des implications
régionales, la meilleure approche de prévention reste celle qui
met un accent sur la recherche de solutions transfrontalières.
La démilitarisation ne vise pas seulement à
priver les belligérants de leurs moyens de destruction mutuelle. Sa
deuxième fonction essentielle consiste à faciliter un retour des
combattants à des conditions de vie normales.
B- Le processus de
réinsertion
Le processus de réinsertion
est complémentaire au désarmement et c'est la réussite de
ces deux composantes de la démilitarisation post-conflit qui amenuise
les risques de résurgence des conflits. La réinsertion permet aux
combattants désarmés et démobilisés de retourner
à la vie communautaire en tant que civils pour y jouer un rôle
normal. Le but est d'accroître leur potentiel social et
économique.
La réinsertion peut
signifier le retour dans les familles, l'acquisition de techniques de formation
ou l'intégration dans les forces armées. La réinsertion
est une entreprise ardue mais nécessaire, qui requiert une bonne dose de
réalisme et de patience.
Il convient de consacrer des
ressources suffisantes aux activités de Désarmement -
Démobilisation - Réinsertion (DDR). Dans les phases
post-conflictuelles où les vieux démons dorment encore d'un
sommeil léger, s'abstenir de le faire peut conduire à la
recrudescence de la violence armée.
Il reste que des mesures concrètes et efficaces de
démilitarisation aussi diverses que celles qui portent sur le
désarmement et la réinsertion des ex-combattants, peuvent
contribuer à prévenir les conflits ou leur résurgence en
réduisant le volume des armes en circulation et en les rendant moins
aisément accessibles.
Dans le même cadre de la consolidation de la paix, la
démocratisation de l'Etat peut également contribuer à
empêcher la résurgence de la violence armée.
Paragraphe II : La
démocratisation de l'Etat
Les efforts de l'ONU dans le domaine de la
démocratisation étaient essentiellement concentrés sur
l'assistance électorale (A). De plus en plus, ils tendent à la
restauration de l'Etat de droit (B).
A- L'assistance
électorale
L'assistance électorale fournie dans le cadre
d'opérations de consolidation de la paix peut consister à
proposer des conseils en matière de droit électoral, organiser ou
superviser des élections, observer le déroulement des campagnes
électorales, assurer les opérations de vote et le
dépouillement des résultats, voire rédiger des lois
électorales80(*).
Depuis les indépendances, plusieurs dirigeants
africains ont considéré l'Etat comme un bien personnel, un
patrimoine pour leur clan ou tribu. De nombreux conflits armés ont eu
pour causes profondes la contestation de cette forme kleptomaniaque de gestion
du pouvoir politique. C'est pourquoi il convient de faire remarquer :
« Au sortir d'un conflit, les élections
doivent remplir un double objectif. D'une part, elles permettent d'installer un
gouvernement légitime et démocratique ; ceci est
particulièrement important dans des situations où (...) il existe
un vide politique au niveau de l'Etat (...). D'autre part, des élections
permettent de consolider la paix dans le cadre d'un système
démocratique stable81(*) ».
La compétence de l'assistance électorale fournie
par l'ONU échoit au DPA et notamment, à sa division de
l'assistance électorale établie en 1992. Cette opération a
été récemment conduite au Libéria où la
MINUL a aidé à l'organisation de l'élection du 23è
président du pays en octobre et novembre 2005.
Les opérations d'assistance électorale
menées dans les phases de consolidation de la paix renferment des
promesses avérées de prévention des conflits. C'est
pourquoi il serait souhaitable de passer d'une assistance électorale
post-conflictuelle à une assistance à titre préventif.
Les élections sont une condition nécessaire mais
non suffisante pour créer des démocraties viables en situation
post-conflit. Elles doivent s'accompagner de certaines mesures pour restaurer
l'Etat de droit.
B- La restauration de
l'Etat de droit
Les conflits ont conduit à l'effondrement de plusieurs
pays africains. L'ONU a eu ainsi à faire face à deux types de
situation. Dans certains cas, la situation était telle qu'il fallait
rétablir l'existence même de l'Etat et recréer une
administration nationale. Dans d'autres cas, il s'agissait seulement de
restaurer l'autorité de l'Etat et de son gouvernement.
A cet égard, il convient de remarquer que les
structures de l'Etat, affaiblies ou totalement détruites, peuvent
rarement venir en aide aux populations qui en ont le plus besoin. La faiblesse
de l'Etat constitue donc une source d'insécurité. Une
stratégie globale et dynamique de réforme et de renforcement
institutionnel, de reconstruction et d'amélioration des infrastructures
et des services, peut mettre à l'abri des risques de résurgence
des conflits.
Au total, la consolidation de la paix à l'issue d'un
conflit est un mécanisme conçu pour prévenir la
résurgence des conflits. Mais elle semble n'avoir pas encore fait ses
preuves de manière probante. « A l'heure actuelle, selon un
bilan fourni par les Nations Unies, la moitié des pays qui sortent d'une
guerre retombe dans la violence dans les cinq années qui
suivent82(*) ».
C'est pour relever ce défi que l'AG a adopté le 15 septembre 2005
l'idée de la création d'une Commission de la consolidation de la
paix qui devrait également intervenir en amont des conflits. Mais elle
« ...a été [finalement] débarrassée de
toutes attributions dans le domaine de la prévention des conflits
(...)83(*) ».
Il serait toujours préférable que l'ONU
intervienne en amont des conflits pour prévenir leur escalade violente.
Cela est bien possible. Dans ce sens, quelques pistes peuvent permettre d'y
parvenir.
CHAPITRE II : APPROCHES POUR UNE MEILLEURE
PREVENTION
Plusieurs spécialistes soutiennent
que la politique traditionnelle de prévention des conflits armés
est inadéquate. La prépondérance des efforts
réactifs est l'une de ses caractéristiques fondamentales. Elle ne
vise qu'à réduire et à mettre un terme à
l'intensité, la durée et l'étendue géographique de
la violence84(*) comme
l'illustre la figure ci-après.
Figure n°1 :
Prévention proactive et réactive des conflits
Source : Les conflits en Afrique : Analyse
des crises et pistes pour une prévention, p.27
Une meilleure prévention des conflits armés
suppose une stratégie proactive (section I). De même la
prévention ne sera efficace que si elle prend en compte les causes
profondes des conflits (section II) et ne s'intéresse pas uniquement
à leurs manifestations symptomatiques.
SECTION I : LE PASSAGE DE LA REACTION A LA
PROACTION
La prévention proactive est un ensemble de mesures
soigneusement mises en oeuvre pour éviter le déclenchement d'un
conflit armé. A l'instar de la Commission Carnegie sur la
prévention des conflits meurtriers, nous estimons que les conflits
violents peuvent être évités.
Pour qu'il en soit ainsi, l'Organisation mondiale doit
surmonter les obstacles actuels à une prévention cohérente
et efficiente (Paragraphe I). En outre, elle doit organiser, sous son
égide, une coordination et une coalition de tous les acteurs intervenant
dans la prévention (Paragraphe II).
Paragraphe I : La prévention des conflits
armés : surmonter les
obstacles
L'histoire récente de l'ONU montre bien que les plus
grands obstacles à la prévention efficiente des conflits
armés sont de nature juridique et politique. Il y a lieu, pour y
remédier, de rechercher une prévention qui tienne compte de la
souveraineté des Etats (A) et qui bénéficie d'un soutien
politique manifeste (B).
A- La compatibilité de la prévention
avec la souveraineté des Etats
Le respect de la souveraineté fondamentale, de
l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique
des Etats constitue l'une des pierres angulaires du système
international et l'un des éléments les plus essentiels du
progrès à l'échelle mondiale85(*). Cependant, la
souveraineté représente parfois un obstacle majeur à la
prévention.
Le principe de non-ingérence, en effet,
« ...n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les
affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale
d'un Etat ni n'oblige les Membres à soumettre les affaires de ce genre
à une procédure de règlement86(*)... » définie
par l'Organisation. Il en est ainsi parce qu'il est souvent
considéré que la sécurité d'un Etat ne peut
être troublée que par des facteurs essentiellement
extérieurs. Mais depuis la fin de la guerre froide, on a la preuve que
les plus graves menaces à la sécurité de l'Etat voire
internationale résulte des situations conflictuelles purement
internes.
La non-ingérence est un principe directeur de l'ONU et
son strict respect amène l'Organisation à des efforts tardifs de
prévention sinon de réaction dans des situations
déjà très dégradées. Les propos de M. Kevin
KENNEDY en charge des opérations au siège de New York confirment
cette remarque : « Les endroits où l'ONU est
généralement envoyée sont pourris (...) S'ils ne
l'étaient pas, les Etats membres s'en occuperaient
eux-mêmes87(*) ».
Pour rendre compatibles prévention et
souveraineté des Etats, deux cas de figure sont envisageables.
D'une part, les Etats membres peuvent reconnaître, comme
le souhaite le Secrétaire général M. Kofi ANNAN, le
principe d'une culture de prévention dans laquelle ils solliciteraient
l'avis et l'aide de la communauté internationale pour prévenir
les conflits armés auxquels ils sont exposés chaque fois que cela
serait nécessaire et aussitôt que possible88(*). Dans ce sens, « Des
mesures prises rapidement au plan national, avec une assistance internationale
(...) pour remédier aux conditions qui pourraient conduire à un
conflit armé, peuvent aider à renforcer la souveraineté
des Etats89(*) ».
Cette option semble loin d'être une
réalité dans un proche avenir. En effet, jusqu'au dernier Sommet
spécial consacré au 60è anniversaire de l'ONU en septembre
2005, les perspectives de cette proposition sont restées encore
incertaines « ...à cause de l'opposition de la grande
majorité des Etats à l'opérationnalisation de la
prévention des conflits considérée à tort comme de
nature à favoriser l'ingérence des grandes puissances dans les
affaires intérieures des autres Etats90(*) ». Face à l'urgence que
représente la prévention des conflits armés pour le
continent africain, une seconde option plus pratique est possible.
D'autre part, le Conseil de sécurité pourra
élargir l'interprétation du chapitre VII afin d'englober les
situations de tensions internes qui menacent la paix. Cette proposition est
d'ailleurs conforme à la lettre de la Charte91(*). La qualification de "menace
à la paix et à la sécurité internationales" devrait
s'appliquer très fréquemment et très rapidement aux
conflits internes afin de permettre au Conseil de sécurité de
prévenir les drames qui en résultent. Par ailleurs, l'adoption
sans précédent du concept de la "responsabilité de
protéger92(*)" lors
du Sommet spécial consacré au 60è anniversaire de l'ONU
représente une avancée majeure dans cette direction.
Si le Conseil de sécurité peut agir en toute
légalité dans les situations de troubles intérieurs,
encore faudrait-il qu'il manifeste la volonté politique
nécessaire.
B- La mobilisation de la volonté
politique
Une ONU efficace dans le domaine de la prévention des
conflits armés exige avant tout une volonté politique. Cela va de
soi pour qu'une véritable culture de prévention des conflits
s'enracine au sein de la communauté internationale.
La mobilisation de la volonté politique qui donnerait
un souffle aux actions préventives de l'Organisation mondiale est
surtout attendue des cinq membres permanents du Conseil de
sécurité. Les Etats membres non permanents peuvent
également contribuer pour beaucoup. Pour sa part, « Le
Bénin a réussi au Conseil de sécurité à
faire accepter le principe d'un passage de la culture de réaction aux
crises et aux conflits à l'établissement d'une culture de la
prévention des conflits. Cela s'est fait par la Résolution 1625
(2005)93(*) »
(voir annexe). Par cette résolution, le Conseil de
sécurité « ...exprime sa détermination à
renforcer l'efficacité de l'Organisation des Nations Unies dans la
prévention des conflits armés [notamment en Afrique] et à
surveiller de près les situations susceptibles de déboucher sur
des conflits armés94(*) ».
Une fois la volonté politique manifestée,
faudrait-il encore qu'elle soit sainement traduite dans la
réalité. Un écart entre les prises de position verbales et
les actions concrètes au sein de l'ONU n'offrirait guère une
chance de réussite à l'action préventive. La
volonté politique pourrait se réaliser, selon une proposition du
Secrétaire général, par l'introduction systématique
d'une dimension "prévention des conflits" dans les programmes et
activités multiformes de toutes les composantes du système des
Nations Unies. C'est alors que ces derniers seront à même de
contribuer à la prévention des conflits à dessein et non
plus par défaut95(*).
Pour une meilleure prévention, l'ONU devrait
également s'appuyer davantage sur les autres acteurs intervenant dans le
domaine de la prévention. Cela pourrait se faire au moyen d'une
coordination et d'une coalition.
Paragraphe II : La coordination et coalition des
acteurs intervenant
dans la
prévention : un pas vers l'efficacité
Une meilleure approche préventive peut consister
à envisager l'ONU comme un creuset de tous les efforts gouvernementaux
de prévention (A) et à valoriser les capacités des autres
acteurs oeuvrant pour la paix (B).
A- Les Nations Unies : un creuset des efforts
de prévention
La prévention des conflits armés en Afrique
figure à l'agenda de plusieurs acteurs des relations internationales.
Cependant, ce qui fait encore défaut, c'est une véritable
coordination des actions allant dans ce sens. Le Rapport final de la Commission
Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers a rappelé le
caractère complexe de la prévention et ses implications :
« Nous sommes, affirment les membres de la
Commission, parvenus à la conclusion que la prévention des
conflits représente à long terme une tâche trop difficile,
intellectuellement, techniquement et politiquement, pour ne relever que d'une
seule institution ou d'un seul gouvernement, quelle que soit par ailleurs sa
puissance96(*) ».
Il va sans dire qu'une importante condition de succès
des actions préventives peut être l'instauration d'une
véritable coopération entre tous les acteurs dont les actions
s'inscrivent au chapitre de la prévention. Ceux-ci doivent rechercher un
creuset de concertation et une coordination plus intensive pour créer
des effets de synergie.
L'ONU pourrait se proposer de servir de cadre à une
telle démarche en raison de son caractère universel. En effet,
plusieurs Etats membres développent, individuellement ou au sein
d'Organisations (sous-)régionales des capacités de
prévention avérées. Par exemple, l'Union Européenne
(UE) s'est dotée d'une stratégie globale de prévention et
de résolution des crises97(*). De même, en 1993, l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) a institué son propre mécanisme de
prévention, de gestion et de règlement des conflits98(*). Plus tard en 1999, la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'est
dotée d'un dispositif de la même teneur.
Les mécanismes développés par ces trois
institutions sont axés sur l'alerte rapide et la réaction rapide
suivant une procédure à trois phases : observation et
collecte d'informations ; alerte précoce et action
préventive. Si aujourd'hui l'institution d'une telle procédure
fait encore défaut au sein de l'ONU99(*), c'est parce qu'elle a longtemps entretenu une
culture de réaction aux crises.
Une concertation voire coalition avec d'autres acteurs peut
véritablement permettre à l'ONU d'accroître son
efficacité dans le domaine de la prévention. Dans le même
temps, cette démarche favorisera une cohérence des acteurs sur le
terrain par l'établissement de priorités communes. La proposition
du Secrétaire général d'exploiter davantage « Le
chapitre VIII de la Charte des Nations Unies [qui] confère à
l'ONU et aux organisations régionales une grande latitude d'action
concertée pour la prévention des conflits100(*) » nous
paraît venir à point nommé.
La prévention des conflits n'est toutefois pas
l'apanage des acteurs publics. Des acteurs non gouvernementaux agissent
constamment dans ce sens et leurs actions méritent une
reconnaissance.
A- La valorisation des
capacités non gouvernementales pour la paix
Aujourd'hui, l'ONU éprouve beaucoup de
difficultés à mettre un terme aux guérillas, tentatives de
sécession et autres violences intérieures101(*). Le cas de la Côte
d'ivoire est à ce titre évocateur.
Une lueur d'espoir peut résider dans la multiplication
des réseaux d'acteurs non gouvernementaux militant pour la
prévention des conflits à laquelle nous assistons depuis quelques
années. En effet, c'est Paul Van TONGEREN qui a souligné à
juste titre :
« Les ONG spécialisées dans la
prévention des conflits et d'autres acteurs sociaux sont souvent mieux
placés pour opérer, au plan politique et personnel, des
changements qui, initialement modestes, permettent parfois de désamorcer
un conflit en le ramenant à une série de désaccords
négociables102(*) ».
Le concept récent de diplomatie à voies
multiples conduite par des acteurs privés est une approche prometteuse
en faveur de laquelle militent plusieurs arguments. Entre autres,
- Elle intervient avec plus de rapidité et de
ponctualité dans les situations à risque car, elle n'est pas
liée par des procédures qui retardent la mise en place des
mécanismes ;
- Elle favorise l'exploration de nouvelles voies de
règlement qui sont libres de pressions et de la
publicité ;
- Elle empêche l'éternel dilemme de l'ONU qui
doit éviter de légitimer des factions combattantes en les
incluant dans les négociations103(*).
La diplomatie non gouvernementale peut donc s'avérer
efficace. C'était le cas par exemple au Mozambique et au Burundi avec
l'action de la communauté Sant-Egidio qui a offert aux factions
belligérantes un terrain neutre de dialogue et de
négociation104(*). Tout concourt à dégager un principe
nouveau : une guerre civile, pour être efficacement prévenue,
nécessiterait une action civile. Ce principe est d'ailleurs conforme
à la Charte des Nations Unies dont l'article 71 prévoit que les
Organisations non gouvernementales peuvent servir les buts visés par
l'ONU grâce à leurs actions. Qu'elles s'investissent dans la
prévention des conflits ne peut que contribuer à renforcer
l'efficacité de l'Organisation mondiale en la matière. Pour qu'il
en soit ainsi, l'ONU doit établir une coopération officielle avec
ces acteurs afin de valoriser leurs actions. Les diverses résolutions
sur le rôle des femmes et de la société civile dans la
gestion des conflits constituent un préalable non négligeable.
Les conflits armés en Afrique ont des causes profondes
sur lesquelles l'ONU devrait chercher à agir constamment afin que
s'amenuisent les risques de leur survenance.
SECTION II : VERS UNE PAIX
DURABLE : S'ATTAQUER AUX
CAUSES PROFONDES DES CONFLITS ARMES
L'approche stratégique qui conduira à
l'enracinement d'une véritable culture de prévention
cohérente, efficace et légitime semble être, selon le
débat international, celle qui consiste à s'attaquer aux causes
profondes des conflits dans toutes leurs dimensions. Nous mettrons l'accent sur
celles qui paraissent importantes. Les unes s'observent sous une dimension
politique et économique (§1) et, les autres sous un angle social et
militaire (§2).
Paragraphe I : La dimension politique et
économique
Elle intègre principalement la promotion d'une culture
démocratique (A) et des efforts allant dans le sens de la
réduction de la pauvreté (B).
A- La promotion de la culture
démocratique
La contestation du pouvoir politique a été en
Afrique l'une des causes de plusieurs conflits armés depuis les
indépendances. Cette remarque est partagée par le
Secrétaire général des Nations Unies dans ce qui
paraît être l'un de ses plus importants rapports politiques. En
réalité, dit-il, « C'est la nature du pouvoir politique
dans bien de pays d'Afrique de même que les conséquences (...) de
la prise du pouvoir et du maintien de celui-ci, qui est une source majeure de
conflit dans le continent105(*) ». Dans ces conditions, la promotion et le
renforcement d'une culture démocratique pourraient aider à
réduire les risques de conflits armés.
C'est le même constat que fait le Human Security Centre
dans son Rapport lorsqu'il mentionne que:
« The risk of civil war is indeed low in stable and
inclusive democracies but countries with governments that are partly democratic
and partly authoritarian (...) are more prone to civil war than either
democracies or autocracies106(*)».
Le rôle de l'ONU dans la promotion de la
démocratie en Afrique devrait alors s'affermir. L'idée de la
création à l'ONU d' « ...un fonds pour la
démocratie destinée à aider les pays qui cherchent
à instaurer la démocratie ou à la renforcer107(*) » paraît une
avancée décisive dans cette perspective. Il importe toutefois de
rappeler que la démocratie peut se traduire sous des formes multiples
selon la réalité des peuples qui l'assimilent. L'ONU ne devrait
donc pas chercher à imposer un modèle particulier de
démocratie au risque de servir la politique de certains de ses Etats
membres puissants.
La promotion de la culture démocratique pourrait
également consister à faire échec par des menaces voire
l'emploi de la force à toute tentative de prise illégale du
pouvoir. La crédibilité de cette proposition suppose que les
Etats africains se soient engagés au préalable dans un processus
démocratique fiable. La culture démocratique est garante des
Droits de l'Homme et accorde à tous les mêmes chances de
participation au pouvoir politique. Elle est également une forme non
violente de gestion des conflits intérieurs108(*). Une action axée sur
le long terme et visant sa promotion en Afrique peut permettre d'instaurer une
paix durable.
Aussi, la réduction de la pauvreté contribue
t-elle à l'enracinement de cette paix.
B- La réduction de la
pauvreté
L'Afrique est un continent où la pauvreté
sévit à grande échelle. Elle est le lot quotidien de la
population. C'est aussi en Afrique que les conflits armés font le plus
de ravages. Cet état de fait conforte l'idée selon laquelle
pauvreté et violence vont de pair dans la mesure où les pays
développés semblent être à l'abri des conflits
violents. Dans cette logique, on peut valablement soutenir que « Sans
développement, il n'y a guère d'espoir de réduire les
conflits en Afrique109(*) ».
Réduire la pauvreté endémique de
l'Afrique, c'est y promouvoir un développement durable, gage d'une paix
aussi péreine. Le Human Security Report 2005 a d'ailleurs abondé
dans ce sens. Il souligne que « Poverty is associated with weak state
capacity. The greater the poverty and the lower the capacity, the higher the
risk of war110(*)
».
Dans ces conditions, une aide au développement, sans
doute reformée111(*), peut être un outil précieux de
prévention des conflits à long terme. Certains
spécialistes vont même jusqu'à soutenir que « La
coopération au développement est indiscutablement l'instrument
unique le plus important d'une politique efficace de consolidation de la paix
dans les pays en développement112(*) ».
L'ONU peut véritablement contribuer à lutter
contre la pauvreté en Afrique en réduisant sensiblement le
coût des OMP et en réaffectant les crédits au profit de
l'aide au développement113(*). Ce faisant, elle pourrait corriger la
démarche qualifiée par certains auteurs de contresens absolu qui
a jusque là consisté, en matière de traitement des
conflits, à prélever pour l'action humanitaire des crédits
initialement alloués au développement114(*). De même, les Etats
membres devraient accroître le montant de l'aide au développement
qui passe par le canal de l'Organisation afin de lui donner les moyens de
réduire véritablement la pauvreté. Ce montant est encore
extrêmement faible. Il est égal à 6,5% du total115(*).
Pour une meilleure prévention des conflits en Afrique,
l'ONU pourrait également s'attaquer aux causes profondes des conflits
liées à la dimension sociale et militaire.
Paragraphe II : La dimension sociale et militaire
Les mesures qui peuvent être prises ici vont dans le
sens du renforcement des droits des minorités (A) et du contrôle
de la prolifération des armes (B).
A- Le renforcement des droits des
minorités
En Afrique, les Etats sont socialement pluriethniques. A
l'exception du Botswana, il n'y a pas de pays ethniquement
homogène116(*).
La conférence de Berlin de 1885 y a contribué pour beaucoup. En
considération de leurs propres intérêts, les puissances
européennes avaient procédé au partage du continent en
traçant des frontières artificielles qui ne correspondent
nullement aux réalités ethniques et tribales. Mieux, avec la
colonisation, « ...des populations qui s'ignoraient furent
amenées à comparer leurs cultures respectives et contraintes de
les rejeter sous le prétexte d'avoir à créer une nation
aux frontières précises mais artificielles, dont l'unité
ne pouvait se faire qu'en adoptant la culture du colonisateur117(*) ».
Aujourd'hui les pays africains sont parvenus à
l'édification de leur Etat mais celle de la nation est encore
problématique. Dans l'idéale, elle devrait consister à
forger une véritable identité nationale à partir de
communautés souvent disparates, voire rivales. Il n'est donc pas
surprenant que la question des minorités soit souvent au coeur de
sanglants conflits.
Partant de cette situation, il serait superflu de
préconiser un droit à l'autodétermination à chaque
minorité. La balkanisation ne connaîtrait plus de limite si chacun
des groupes ethniques, religieux, ou linguistiques minoritaires
prétendait au statut d'Etat. Par contre l'ONU pourrait veiller à
ce que leurs droits soient respectés voire renforcés en
condamnant sans réserve les politiques identitaires et l'exploitation
violente de l'ethnicité. Pour ce faire elle pourrait s'inspirer de la
politique de l'UE qui a consisté à créer un observatoire
pour le suivi des minorités afin de prévenir les risques de
conflits y afférents. A ce titre, elle pourrait envisager la
création, en Afrique subsaharienne, de quatre observatoires des
minorités - à raison d'un observatoire par sous-région.
A partir de leurs observations, l'ONU serait capable
d'intervenir à temps pour éviter qu'une tension ethnique
répétée ne provoque l'explosion d'un conflit armé.
Prévenir les conflits reviendra à « ...pousser un Etat
déterminé où une crise menace, à entreprendre des
négociations avec sa ou ses minorités, et des réformes de
structures (...) nécessaires à l'atténuation de la
tension118(*) ».
La dimension arme est aussi présente dans les violents
conflits en Afrique. Elle mérite une solution concrète si la
communauté internationale espère réussir la
prévention.
B- Le contrôle et la limitation de la
prolifération des armes
La prolifération des armes, surtout celles dites
légères et de petit calibre, est une réalité en
Afrique. A ce sujet, tous les observateurs sont aujourd'hui unanimes pour
considérer que l'afflux des armements entretient et amplifie
l'insécurité de même qu'il permet le déclenchement
d'un conflit armé119(*). Il semble alors impossible de
réfléchir à une politique efficace de prévention
des conflits sans s'intéresser minutieusement à cette
problématique.
Les programmes de désarmement mis en place en aval des
conflits et menés dans le cadre des OMP représentent
déjà un moyen de lutte contre la prolifération des armes.
Une meilleure solution serait toutefois de rechercher le moyen d'empêcher
l'accès aux armes, et ce, en amont des conflits. C'est dans cette
perspective qu'il convient d'admettre qu' « Un des aspects
majeurs de la prévention des conflits est l'amélioration du
contrôle et de la limitation des exportations d'armes, en particulier des
armes légères120(*) ». La limitation des armes paraît
réaliste que leur suppression. La question est, en effet, assez
délicate puisque reliée aux intérêts
géopolitiques et économiques de certains Etats. Leur commerce
représente un chiffre d'affaires colossal pour qu'une interdiction
totale soit réalisable sur le plan pratique malgré leurs
destructions massives121(*).
Pour parvenir à un contrôle et à une
limitation de la prolifération des armes dans une perspective de
prévention des conflits armés en Afrique, il semble
nécessaire d'opérer à la fois sur l'offre et la
demande.
En matière d'offre, les cinq membres permanents du
Conseil de sécurité représentent environ 85% des
transferts d'armes classiques122(*) quoiqu'ils assument la responsabilité la plus
élevée pour la sécurité mondiale. Pour un
contrôle responsable, ils pourraient adopter les principes directeurs
suivants :
- subordination des critères commerciaux au jugement
politique et moral ;
- refus des transferts d'armes vers des pays qui se livrent ou
risquent de se livrer à des actes d'agression ;
- suppression des subventions gouvernementales directes et
indirectes aux transferts d'armes ;
- refus des transferts d'armes vers des pays coupables de
violations graves et répétées des Droits de l'Homme, ou
qui consacrent aux achats d'armes des sommes inutilement
élevées ;
- définition de procédures nationales et
internationales de limitation responsable des transferts d'armes123(*).
D'autres propositions idéales pour certains
consisteraient à :
- conclure un traité multilatéral sur le
contrôle et la limitation des transferts des armements conventionnels
à l'instar du traité de non prolifération des armes
nucléaires124(*)
ou,
- proposer, dans le cadre de l'ONU, un code de conduite
international sur le transfert des armes125(*).
Quant à la demande, deux remarques s'imposent. Les
Etats non démocratiques ont le plus souvent recours aux armes pour
affermir leur pouvoir et réprimer toute opposition. Cette
dernière recourt aux armes à son tour pour tenter de renverser
les premiers lorsque le système politique ne permet pas aux forces
politiques d'accéder au pouvoir par des élections
démocratiques126(*). Cette constatation fait apparaître une fois
encore la nécessité de promouvoir une culture démocratique
en Afrique pour asseoir la paix sur des bases solides et durables.
Somme toute, il existe plusieurs étapes dans le
processus de déclenchement d'un conflit armé. Celui-ci prend sa
source dans les conditions de la vie sociale, subit l'effet de certains
facteurs aggravants qui provoquent l'escalade des tensions, avant d'exploser
sous l'effet d'un ou de plusieurs incidents déclencheurs. Le tableau
suivant résume comment le système des Nations Unies intervient
dans la prévention des conflits à chaque étape du
processus de déclenchement des conflits armés.
Tableau 2: Contribution du système des
Nations Unies à la prévention des conflits
Source : Hervé
CASSAN : L'ONU et la Diplomatie des conflits, séminaire à
l'Ecole des Hautes Etudes Internationales de Genève.
Conclusion générale
D
ans un débat aussi animé et complexe que celui
des conflits armés en Afrique, nous avons évoqué, sans
aucune prétention d'exhaustivité, le rôle des Nations Unies
dans la prévention. Le choix s'imposait en raison de la
responsabilité la plus élevée que l'Organisation assume en
matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
Dans un premier temps, il ressort de notre étude que la
prévention des conflits armés en Afrique est nécessaire
pour des raisons variées. Le système des Nations Unies est
censé promouvoir des valeurs et le bien-être économique et
social de tous les peuples127(*). Mais aujourd'hui, le continent africain continue
d'être, de toutes les régions du monde, le théâtre
des conflits les plus sanglants aux conséquences indicibles. Les
victimes civiles sont les plus nombreuses et la proportion des personnes
déplacées est sans égal. Les processus
démocratiques déjà fragiles sont mis à mal par des
prises illégales du pouvoir. Tout concourt presque à
éloigner le continent du développement indispensable à
cette ère de mondialisation. Le contraste de cette situation avec les
objectifs onusiens est brutal et flagrant. De ce point de vue, si l'ONU ne fait
rien, elle court non seulement le risque d'être mis en marge de la
politique mondiale mais elle trahira aussi des millions d'êtres humains
qui attendent qu'elle mette en oeuvre les nobles idéaux de la
Charte128(*). La
prévention des conflits armés peut paraître en
définitive comme un moyen de promouvoir la réalisation de ces
idéaux en Afrique.
Le déploiement des OMP, originellement conçues
pour gérer les conflits entre Etats, semble avoir du mal à
constituer dans tous les cas une solution adéquate aux crises
intérieures. L'adaptation des mécanismes de gestion des conflits
interétatiques à la violence interne demeure un grand défi
pour l'Organisation mondiale129(*). De même, la Somalie et le Rwanda qui
résonnent dans l'histoire onusienne comme des échecs tragiques
ont assombri l'avenir des OMP et troublé l'image de l'Organisation. A ce
point, elle « ...ne redeviendra crédible en Afrique que si la
communauté internationale se montre déterminée à
agir et à étudier de nouveaux moyens de promouvoir la paix et la
sécurité sur ce continent130(*) ».
Ces moyens ressortent dans un second temps de ce travail.
L'ONU devrait développer une culture de prévention des conflits.
Pour ce faire, elle devrait recourir fréquemment à des
mécanismes de prévention des conflits que sont la diplomatie
préventive et celui plus récent de consolidation de la paix. Des
pistes ont été également explorées dans une
perspective d'amélioration de la politique de prévention. Elles
tiennent surtout à la nécessité de rendre compatibles la
souveraineté des Etats et la prévention des conflits puis
à la manifestation d'une volonté politique véritable. Au
demeurant, une paix durable nécessite une action sur les causes
profondes des conflits que sont : pauvreté, mépris des
droits de l'homme, mauvaise gouvernance, accès facile aux armes...
L'impression d'ensemble qui se dégage de cette
étude est que l'ONU dispose d'un ensemble de mécanismes qu'elle
pourrait utilement mettre au service de la prévention des conflits
armés. Prôner la suppression de cette organisation ne serait donc
pas la solution la plus idoine. Le monde, en particulier l'Afrique, a encore
besoin d'une ONU renforcée, sans doute orientée vers la
prévention des conflits pour atteindre les objectifs fondamentaux de la
Charte.
Dans la perspective d'une meilleure prévention des
conflits en Afrique, ne serait-il pas aussi judicieux d'envisager
l'amélioration des mécanismes sous-régionaux et nationaux
de prévention ?
Bibliographie
(Présentée suivant la norme Z44-005 de
L'Association Française de Normalisation : AFNOR).
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http://www.inwent.org/E+Z/1997-2002/df300-3.htm
(Page consultée le 19 septembre 2005).
* 1 Philippe LEYMARIE :
Espoirs de renaissance, dérive d'un continent : Ces guerres qui
usent l'Afrique in Le Monde Diplomatique, avril 1999 [en ligne]. Disponible sur
http://www.monde-diplomatique.fr
* 2 Kofi A. ANNAN : Eviter
la guerre, prévenir les catastrophes : le monde mis au défi.
Rapport annuel sur l'activité de l'organisation, New York : Nations
Unies, 1999, p.13
* 3 Charte des Nations Unies,
préambule.
* 4 Ibidem, article premier,
paragraphe1
* 5 Jean SALMON (dir.) :
Dictionnaire de droit international public. Bruxelles : Bruylant /
AUF, 2001, p.233
* 6 Luc REYCHLER : Les
crises et leurs fondements : La prévention de conflits violents in
Conflits en Afrique : Analyse des crises et pistes pour une
prévention. Bruxelles : GRIP, 1997, pp.61-62
* 7 Kofi A. ANNAN : Les
causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement
durables en Afrique. Rapport au Conseil de sécurité, New York,
Nations Unies, Avril 1998, §4. (Disponible sur www.un.org)
* 8 Michel ROCARD : Pistes
pour une meilleure prévention in LE COURRIER N° 168, Mars-Avril
1998, p.68
* 9 Luc REYCHLER : Les
conflits en Afrique : comment les gérer ou les
prévenir ? In Conflits en Afrique : Analyse des crises et
pistes pour une prévention, op.cit. p.17
* 10 Luc REYCHLER : Les
conflits en Afrique : comment les gérer ou les
prévenir ? In Conflits en Afrique : Analyse des crises et
pistes pour une prévention, op.cit. p.17
* 11 Voir
http://www.guardian.co.uk/international/Story/0.3604.931997.00.html
* 12 Adam HIGAZI : Les
dilemmes de la réhabilitation post-conflit in LE COURRIER N° 198,
p.29
* 13 Vincent FOUCHER et Jean H.
JEZEQUEL : Conflits d'Afrique subsaharienne in Les conflits dans le monde
2004, p. 147
* 14 Ibidem, p.148
* 15 Jean SALMON, op. cit.
p.822
* 16 Paragraphe 1 de
l'article premier de la Convention de l'OUA du 10 septembre 1969 sur les
réfugiés. Cette convention régit les aspects propres aux
problèmes des réfugiés en Afrique.
* 17 Voir
www.un.org/News/fr-press/docs/2002/POP843.doc.htm.
De tous les pays du monde, la Guinée est celui qui abrite la plus forte
proportion de réfugiés. Les réfugiés
Libériens et Sierra Léonais représentent 10% de sa
population selon le Secrétaire général des Nations Unies
Kofi A. ANNAN.
* 18 Kofi A. ANNAN :
Eviter la guerre, prévenir les catastrophes : le monde mis au
défi op.cit. p.88
* 19 William ZARTMAN
cité par Béatrice POULIGNY : Ils nous avaient promis la
paix : Opérations de l'ONU et populations locales. Paris :
Presses de sciences po, 2004, p.50
* 20 Simon HORNER :
Somalie. Réunir les pièces du puzzle : rêve ou
réalité ? In LE COURRIER N°162 Mars-Avril 1997, p.46
* 21 Cette expression est
empruntée à Abdoul R. EDUI MOKA : La prévention des
conflits en Afrique. Mémoire de DEA. Droit de la personne humaine et de
la Démocratie. UAC : FASJEP, 2002, p.31
* 22 Martin LOWENKOPF
cité par Victor G. AHANHANZO et Modeste HOUEDJISSIN :
L'intégration régionale comme instrument de prévention des
conflits : cas de la CEDEAO. Mémoire de fin de 1er
cycle. DRI. UAC : ENAM, 2000, p.17
* 23 Alpha O. KONARE
cité par Abdoul R. EDUI MOKA, op.cit. p.30
* 24 Graeme SIMPSON cité
par Abdoul R. EDUI MOKA op.cit. p.30
* 25 Voir
http://www.diplomatie.gouv.fr/actu/articletxt.asp?ART=44411
* 26 Informations citées
par Abdoul R. EDUI MOKA, op.cit. p.33
* 27 UNICEF : La situation
des enfants dans le monde 2005, p.41
* 28 Victor G. AHANHANZO et
Modeste HOUEDJISSIN, op.cit. p.24
* 29 Propos du
Représentant Spécial du Secrétaire général
des Nations Unies pour la protection des enfants dans les conflits
armés. Ibidem pp.24-25
* 30 Propos rapportés
par Amnesty International et cités par Abdoul R. EDUI MOKA, op.cit.
p.36
* 31 Luc REYCHLER, op.cit.
p. 24
* 32 Jeune Afrique
l'Intelligent n° 2090 cité par Abdoul R. EDUI MOKA op.cit. p.37
* 33 Jeune Afrique
l'Intelligent n° 2083, ibidem
* 34 Kofi A. ANNAN :
Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement
durables en Afrique, op.cit. §14
* 35 Michel ROCARD, op.cit.
p.69
* 36 Rapport final de la
Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers
cité par Kofi A. ANNAN : Prévention des conflits
armés. Rapport du Secrétaire général. New
York : Nations Unies, 2002, p.1
* 37 Données
rapportées dans LE COURRIER N° 163 Mai-Juin 1997, p. 25
* 38 C'est une
procédure instituée par la résolution 377 (V) de
l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 3
novembre 1950. Elle est dite « Union pour le maintien de la
paix ». Elle est plus connue sous le nom du Secrétaire d'Etat
américain Dean ACHESON (1893-1971) qui s'était employé
à la faire adopter. Elle dispose que «...du fait que
l'unanimité n'a pu se réaliser parmi ses membres permanents, le
Conseil de sécurité manque à s'acquitter de sa
responsabilité principale pour le maintien de la paix et de la
sécurité internationales, l'Assemblée examinera
immédiatement la question afin de faire aux membres les recommandations
appropriées sur les mesures collectives à prendre, y compris,
s'il s'agit d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression, l'emploi de la
force armée en cas de besoin (...) ». (cf. Jean SALMON op.cit.
p.21)
* 39 Boutros
BOUTROS-GHALI : Agenda pour la paix, 2è édition. New
York : Nations Unies, 1995, pp.64-65
* 40 L'article 43
prévoit, faut-il le rappeler que « Tous les membres des
Nations Unies (...) s'engagent à mettre à la disposition du
Conseil de sécurité (...) les forces armées (...)
nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité
internationales ».
* 41 M. FLORY cité
par Yves PETIT : Droit International du maintien de la paix. LGDJ, Paris,
2000, p.40
* 42 C'est le principe selon
lequel le fondement d'un accord quelconque en relations internationales repose
sur le consentement des intéressés, quelle que soit la forme de
ce consentement. (Cf. Dictionnaire de Droit International Public, op. cit.
p.239)
* 43 C'est
précisément par les articles 24 et 25 de la Charte que les Etats
membres de l'ONU ont délégué cette responsabilité
au Conseil de sécurité et convenu d'accepter et d'appliquer les
décisions de ce dernier.
* 44 ONU : 50 ans de
maintien de la paix. New York : Département de l'information.
DPI/2004-Mars 1999, p.6
* 45 Charte des Nations
Unies, article 39.
* 46 L'ONU semble perdre
toute crédibilité. Une tendance à l'africanisation de la
gestion des conflits s'installe. Des organisations sous régionales
n'hésitent pas à recourir à la force et, parfois, sans
l'autorisation du Conseil de sécurité de plus en plus
tenté de se décharger de sa responsabilité.
« Mais il serait très dangereux, et même irresponsable,
sous prétexte de responsabilisation, de pousser les Africains à
s'enfermer dans des circuits interafricains de gestion des crises et des
conflits qui les couperaient du reste de la communauté internationale.
C'est (...) avec l'ONU, malgré ses immenses imperfections et
insuffisances (...) que l'Afrique doit gérer ses conflits ».
(Hugo SADA, Préface à l'ouvrage de Mamadou Aliou BARRY : La
prévention des conflits en Afrique de l'Ouest. Paris : Karthala,
1997, p. 9)
* 47 C'est le Rapport
S/23829 du Secrétaire général en date du 21 avril 1992 qui
suggéra cette extension de mandat.
* 48 Résolution 792
du 3 décembre 1992 citée par Evelyne LAGRANGE : Les
opérations de maintien de la paix et le chapitre VII de la Charte des
Nations Unies. Paris : Montchrestien, 1999, p.40
* 49 Pour comprendre et
mieux décrypter cette opération, se référer
à Gérard PRUNIER : L'ONU et les Etats-Unis dans l'imbroglio
somalien in L'ONU dans tous ses états. Bruxelles : GRIP, 1995,
pp.83-87
* 50 Nous pensons
principalement au retard dans l'installation du gouvernement d'unité
nationale.
* 51 La MINUAR
n'était impliquée que dans les aspects militaires et humanitaires
des accords de paix. Pour l'installation d'un Etat de droit, on ne fit appel ni
à la MINUAR, ni à d'autre organisations internationales ou Etats
(Cf. Filip REYNTJENS et Anne PAUWELS : Des mesure préventives.
Etude de cas : Namibie, Angola, Rwanda, Kenya. In Conflits en
Afrique : Analyse des crises et pistes pour une prévention op. cit.
p.84)
* 52 Filip REYNTJENS :
L'ONU au Rwanda : le discrédit. In L'ONU dans touts ses
états op.cit. p.89
* 53 Roméo A.
DALLAIRE : La fin de l'innocence : Rwanda 1994. In Les dilemmes
moraux de l'humanitaire, op.cit. p.135
* 54 André
MICHEL : Surarmement, pouvoirs et démocratie cité par Abdoul
Razack EDUI MOKA op.cit. p.51
* 55 Boutros BOUTROS-GHALI
in Le Monde du 13 octobre 1993 cité par André DUMOULIN :
Vers une armée permanente de l'ONU ? In L'Onu dans tous ses
états, op.cit. p.117
* 56 Boutros BOUTROS-GHALI,
Agenda pour la paix, op.cit. p.16
* 57 La BIRFA permet de
disposer dans un délai de quinze à trente jours d'une force
d'intervention rapide de 5000 hommes pour une durée limitée de 6
mois. Le 15 décembre 1996, sept pays avaient contribué à
sa création. Aujourd'hui, ce sont 14 pays : Argentine, Autriche,
Brésil, Canada, Chili, Danemark, Italie, Lituanie, Norvège,
Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Suède. Sa première
intervention concrète s'est faite entre l'Ethiopie et l'Erythrée
en 2002. (Cf. Patrick SIMON : Quels moyens pour l'Onu et ses missions de
paix.)
* 58 Rapport du groupe
d'étude sur les opérations de paix de l'ONU, § 56.
(Disponible sur www.un.org)
* 59 Kofi A. ANNAN :
Prévention des conflits armés, op. cit. p.11
* 60 Boutros
BOUTROS-GHALI : Agenda pour la paix, op. cit. p.48
* 61 Boutros
BOUTROS-GHALI : Agenda pour la paix, op. cit. p.50
* 62 Ibidem p.14
* 63 Cf. Hervé
CASSAN : L'ONU et la diplomatie des conflits. Séminaire à
l'Institut des Hautes Etudes Internationales (HEI) Genève, semestre
d'hiver 2004-2005. Document inédit.
* 64 Commission Carnegie sur
la prévention des conflits meurtriers : La prévention des
conflits meurtriers : Résumé du Rapport final, Washington
DC, Commission Carnegie, 1997
* 65 Olivier PAYE : Les
nouveaux outils de la paix in L'ONU dans tous ses états, op. cit. p.104
* 66 Au sein du
système des Nations Unies, le Secrétaire général
déclenche l'alerte en faisant recours à l'article 99 de la Charte
qui lui confère la prérogative d' « ...attirer
l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui,
à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la
sécurité internationales. » Le Conseil
économique et social le peut également sur la base de l'article
65 en fournissant au Conseil de sécurité des informations sur des
situations d'ordre économique et social qui risquent de constituer une
menace pour la paix et la sécurité internationales. Un Etat
membre peut également attirer l'attention du Conseil sur toute situation
susceptible de menacer la paix conformément à l'article 35
§1 de la Charte.
* 67 Joao de Deus
PINHEIRO : Consolidation de la paix et prévention des conflits en
Afrique, Bruxelles, UE, mars 1999, p.6
* 68 Cf. Hervé
CASSAN : L'ONU et la diplomatie des conflits, op. cit.
* 69 Ibidem
* 70 Commission Carnegie sur
la prévention des conflits meurtriers, op. cit.
* 71 Boutros
BOUTROS-GHALI : Le Secrétaire général des Nations
Unies : Entre l'urgence et la durée in Politique
Etrangère, été 1996, n°2, p. 412
* 72 Propos cité par
Kofi A. ANNAN : Eviter la guerre, prévenir les catastrophes :
Le monde mis au défi, op. cit. pp. 13-14
* 73 Kofi A. ANNAN :
Prévention des conflits armés, op. cit. p.31
* 74 Ibidem
* 75 Cf Hervé CASSAN,
op. cit.
* 76 La FORDEPRENU est
établie le 31 mars 1995 dans l'Ex- République yougoslave de
Macédoine pour surveiller l'évolution de la situation dans les
zones frontalières et signaler tout événement susceptible
de saper la confiance et la stabilité dans cet Etat et menacer son
territoire. Son mandat a été régulièrement
prorogé pour des périodes de six mois jusqu'en mars 1999
où il a pris fin suite à un veto inattendu de la
République populaire de Chine (cf.
http://www.patricksimon.com/textes.htm).
* 77 Cf Hervé CASSAN,
op. cit.
* 78 Nelson ALUSALA : La
dynamique des opérations de soutien de la paix. Disponible sur
http://www.iss.co.za/pubs/Monographs/N°98French/contents.pdf
* 79 Mamadou Aliou BARRY in
L'Afrique ne désarme pas. Disponible sur
http://www.afrik.com/article7363.html
* 80 ONU : 50 ans de
maintien de la paix, op. cit. p.14
* 81 Béatrice
POULIGNY : Ils nous avaient promis la paix, op. cit. p.295
* 82 Kofi A. ANNAN :
Dans une liberté plus grande : Développement,
sécurité et respect des droits de l'homme pour tous.
Résumé du Rapport du Secrétaire général. New
York, Nations Unies, 2005, p.10
* 83 Entretien par
correspondance avec Son Excellence, M. Jean-Francis ZINSOU, Ministre conseiller
à la Représentation permanente du Bénin à New
York.
* 84 Luc REYCHLER : Les
conflits en Afrique : Comment les gérer ou les prévenir, op.
cit. p. 26
* 85 Kofi A. ANNAN :
Maintien de la paix, intervention militaire et souveraineté des Etats in
Les dilemmes moraux de l'humanitaire op. cit. p.107
* 86 Charte des Nations
Unies, article 2, paragraphe 7.
* 87 Propos cités par
Samantha POWER : Pour nous sauver de l'enfer : Réformer les
Nations Unies in Le Monde Diplomatique n° 618, septembre 2005, p.19
* 88 Kofi A. ANNAN :
Prévention des conflits armés, op. cit. p.95
* 89 Ibidem p.4
* 90 Entretien par
correspondance avec Son Excellence, M. Jean-Francis ZINSOU, Ministre conseiller
à la Représentation permanente du Bénin à New
York.
* 91 Aux termes de l'article
2 § 7 in fine, l'interdiction faite aux Nations Unies de
s'ingérer dans les affaires internes des Etats « ...ne porte
en rien atteinte à l'application des mesures de coercition
prévues au chapitre VII ». A condition qu'il ne s'agisse pas
d'une qualification manifestement abusive, le Conseil pourra donc prendre en
toute légalité les actions coercitives qu'il jugera
nécessaires pour rétablir la paix dans les situations de troubles
intérieurs. Nul besoin pour cela comme on le croit trop souvent,
d'élaborer en marge de la Charte un nouveau « droit
d'ingérence ». (Cf. Olivier PAYE : Les nouveaux outils de
la paix in L'Onu dans tous ses états, op. cit. p.107)
* 92 La
responsabilité de protéger est un nouveau concept du droit
international. Elle prévoit que la communauté internationale a
non seulement la possibilité mais encore le devoir d'intervenir pour
protéger les populations en danger dans un autre Etat lorsque les
autorités de cet Etat ne veulent pas ou ne sont pas en mesure de leur
porter secours. (Cf Document final du Sommet).
* 93 Entretien par
correspondance avec Son Excellence, M. Jean-Francis ZINSOU, Ministre conseiller
à la Représentation permanente du Bénin à New
York.
* 94 Voir Résolution
1625 (2005) du Conseil de sécurité.
* 95 Cf. Kofi A.
ANNAN : Prévention des conflits armés, op. cit. p.38
* 96 Commission Carnegie sur
la prévention des conflits meurtriers, op. cit.
* 97 Voir notamment Joao de
Deus PINHEIRO : La réponse de l'Europe aux conflits de l'Afrique in
LE COURRIER n° 168, pp.66-67
* 98 Avec la transformation
de l'OUA en Union Africaine, ce mécanisme est devenu Conseil de Paix et
de Sécurité.
* 99 Voir Hervé
CASSAN, op.cit. Ce constat est également partagé par Maurice
BERTRAND lorsqu'il affirme qu'à l'ONU, « Il n'existe aucune
méthode pour prévenir les crises qui se multiplient dans les pays
pauvres, ni par interventions militaires, ni par
négociation ». (Maurice BERTRAND : L'ONU, op. cit.
p.104)
* 100 Kofi A. ANNAN :
Prévention des conflits armés, op. cit. p.81
* 101 Paul Van
TONGEREN : Le rôle des ONG : La valorisation des
capacités locales pour la paix in LE COURRIER n° 168 p.70
* 102 Ibidem
* 103 Cf. Hervé
CASSAN, op. cit.
* 104 Kofi A. ANNAN :
Prévention des conflits armés, op. cit. p.84
* 105 Kofi A. ANNAN :
Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement
durables en Afrique op. cit. §12
* 106 Human Security
Centre : Human security Report 2005 [en ligne]. Traduction possible:
« Le risque de guerre civile est en effet peu élevé
dans les pays démocratiques et stables. Mais les pays au gouvernement
partiellement démocratique et autoritaire sont plus enclin à la
guerre civile que toutes les autres démocraties ou
autocraties ».
* 107 Proposition de Kofi
A. ANNAN : Dans une liberté plus grande :
Développement, sécurité et respect des droits des droits
de l'homme pour tous, op.cit. p.12
* 108 Cf. Kofi A.
ANNAN : Eviter la guerre, prévenir les catastrophes : Le monde
mis au défi, op. cit. p.17
* 109 Kofi A. ANNAN: Les
causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement
durables en Afrique, op. cit. §79
* 110 Human Security
Centre, op. cit. Traduction possible: « La pauvreté est
liée à la faible puissance de l'Etat. Plus il est pauvre et moins
il est puissant, le risque de guerre est plus
élevé ».
* 111 Aujourd'hui beaucoup
de spécialistes s'accordent pour reconnaître que la polique d'aide
au développement doit être reformée.
* 112 Joao de Deus
PINHEIRO : Consolidation de la paix et prévention des conflits en
Afrique, op. cit. p. 7
* 113 L'ONU dépense
actuellement 3 ou 4 fois plus pour les OMP que pour le développement. En
Somalie par exemple, l'acheminement d'une aide humanitaire d'une valeur de 150
millions de $ US a coûté 2 milliards à la communauté
internationale en termes de soutien militaire soit plus de dix fois plus. (cf.
Bernard ADAM : Une Onu efficace exige avant tout des moyens et une
volonté politique in L'ONU dans tous ses états, op. cit. p.199)
* 114 Cette démarche
de contresens absolu est notamment le point de vue de Michel ROCARD :
Pistes pour une meilleure prévention in LE COURRIER n° 168 p. 68
* 115 Cf. Maurice
BERTRAND : L'ONU, op. cit. p.79
* 116 Mamadou Aliou
BARRY : La prévention des conflits en Afrique de l'Ouest, op. cit.
p.13
* 117 Ibidem, p.12
* 118 Michel ROCARD :
Pistes pour une meilleure prévention, op. cit. p.68
* 119 Cf. Bernard
ADAM : Armes en quête de contrôle in LE COURRIER n°168
p.73
* 120 Bernard ADAM :
Armes en quête de contrôle, op. cit. p.73
* 121 Roger
WILLIAMSON : Briser le cercle vicieux : Les dilemmes moraux des
transferts d'armements et de la fabrication d'armes in Les dilemmes moraux de
l'humanitaire, op. cit. p.341
* 122 Ibidem p.332
* 123 Ces recommandations
sont celles de l'Eglise anglicane. Elles sont formulées dans son Rapport
intitulé Responsability in Arms Transfer Policy et vise le
contexte national britannique. Mais elles pourraient aisément être
adaptées au niveau international puisque les mêmes critères
s'appliqueraient pour l'ONU. (cf. Roger WILLIAMSON, op.cit. pp.337-338)
* 124 Cf. Bernard ADAM :
Armes en quête de contrôle, op. cit. pp.74-75
* 125 Proposition d'un
groupe de lauréats du Prix Nobel de la Paix sous l'initiative de M.
Oscar ARIAS, ancien Président du Nicaragua. Cf Bernard ADAM : Armes
en quête de contrôle, op. cit. p.75
* 126 Ibidem, p.73
* 127 Cf. Charte des Nations
Unies, préambule.
* 128 Kofi A. ANNAN :
Prévention des conflits armés, op.cit. p.165
* 129 Commission Carnegie sur
la prévention des conflits meurtriers, op. cit.
* 130 Kofi A. ANNAN : Les
causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement
durables en Afrique, op. cit. §30