L'Organisation des Nations Unies face aux conflits armés en Afrique: Contribution à une culture de prévention( Télécharger le fichier original )par Franck Armel O. Afoukou Université d'Abomey Calavi (Bénin) - Diplome de fin de formation au Cycle I de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature du Bénin 2005 |
Paragraphe II : Le désastre économiqueL'économie des pays africains déjà fragile n'est pas à l'abri des impacts de la guerre. C'est un véritable désastre qui s'installe du fait des dépenses de la guerre (A) et du retard de la croissance (B). A- Les dépenses de guerre Pour soutenir la guerre, les pays africains y consacrent des sommes faramineuses. Elles sont essentiellement destinées à acquérir des armes et entretenir la machine de guerre. Une estimation laisse penser que pendant la période de guerre civile, l'Ethiopie a consacré environ 30 milliards de franc belge par an à la guerre ! Cette somme était supérieure à ce que les Etats-Unis ont accordé durant l'année 1987 pour le développement, l'aide alimentaire et l'urgence pour toute l'Afrique subsaharienne31(*). Les conflits font détourner à leur profit les principales ressources des pays éprouvés. Selon un rapport de l'International Institut for Strategic Studies (IISS), l'Erythrée (4 millions d'habitants) consacre 44% de son PIB (Produit intérieur brut) à l'armée soit 310 millions de dollars sur 700 millions. C'est le taux le plus élevé de la planète32(*). Mieux, au plus fort de la guerre que ce pays a livré à l'Ethiopie en mai 1998, 320 000 soldats éthiopiens et 270 000 érythréens étaient massés de part et d'autre de la frontière terrestre entre les deux Etats. Le coût de cette opération est estimé à plus de 1 million de dollar par jour33(*). Pour mobiliser ces ressources considérables, les pays en guerre entretiennent souvent des activités illicites. Ainsi, « Au Libéria, par exemple, le contrôle de l'exploitation de diamants, de bois et d'autres matières premières était l'un des objectifs majeurs des factions en présence, ce qui leur donnait les moyens de financer leurs actions et de poursuivre la guerre34(*) ». Dans cette logique, c'est la croissance économique qui se voit retarder par la conjugaison des facteurs susmentionnés. B- Le retard de la croissance économique La récurrence de la violence armée à grande échelle sur le continent africain a lourdement contribué à son retard économique par rapport au reste du monde. Dans les régions en proie à la violence, l'économie est en ruine. Des infrastructures ou unités de production, les cultures sont endommagées et, l'anarchie aidant, toute l'activité économique se met au ralenti. Les guerres entraînent généralement, là où elles sévissent, la perte des récoltes, l'irrégularité des semailles, le découragement des paysans, des chefs d'entreprises et des investisseurs, la fuite de l'épargne nationale, ou encore le départ souvent irrémédiable des opérateurs internationaux35(*). C'est donc l'agriculture, secteur dominant dans la plupart des économies africaines, qui est la plus touchée. Non seulement les bras valides sont tués mais également les terres sont minées. On attribue à la guerre civile et à l'utilisation des mines terrestres, l'abandon d'une partie du sol angolais dont on estimait qu'elle représentait 80% des terres agricoles du pays. Au Burundi, la production déjà insuffisante de denrées alimentaires avait baissé de 170% au cours des conflits récents36(*). Toutes ces conséquences se traduisent en termes de retard de la croissance et prédisent une reconstruction de longue haleine. La situation du Libéria illustre ces remarques. Selon les chiffres des Nations Unies, le PNB (Produit National Brut) par habitant dans ce pays était de 699$ US en 1991 et atteignait à peine 390$ en 1995. En d'autres termes, le Libéria a connu une croissance négative de -8% par an de son PIB au cours des cinq années en question37(*). Il devient clair que les conséquences des conflits armés sont assez lourdes pour l'Afrique. Elles contrastent de manière brutale et flagrante avec l'idéal auquel aspire toute la communauté internationale incarnée par les Nations Unies. Cette situation va entraîner un sursaut qui a conduit à une multiplication des OMP en Afrique.
* 31 Luc REYCHLER, op.cit. p. 24 * 32 Jeune Afrique l'Intelligent n° 2090 cité par Abdoul R. EDUI MOKA op.cit. p.37 * 33 Jeune Afrique l'Intelligent n° 2083, ibidem * 34 Kofi A. ANNAN : Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, op.cit. §14 * 35 Michel ROCARD, op.cit. p.69 * 36 Rapport final de la Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers cité par Kofi A. ANNAN : Prévention des conflits armés. Rapport du Secrétaire général. New York : Nations Unies, 2002, p.1 * 37 Données rapportées dans LE COURRIER N° 163 Mai-Juin 1997, p. 25 |
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