Introduction
Depuis plusieurs années le système financier
international connaît de profondes mutations, les marchés ont
connu une véritable révolution, ces mutations sont principalement
déclenchées par deux phénomènes majeurs à
savoir les nouvelles technologies et la déréglementation.
Sous l'effet de ces deux forces combinées, on assiste
à une véritable explosion de la sphère financière,
à l'apparition de nouvelles activités et de nouveaux instruments
financiers.
Les banques commerciales sont dès lors contraintes de
suivre le mouvement en créant de nouvelles innovations
financières parfois même en se lançant dans des
opérations à haut risque.
La titrisation qui est la transformation de certaines
créances illiquides figurant à l'actif des banques en titres
négociables et liquides vient s'inscrire dans ce processus
général de désintermédiation et d'innovation
financière.
Avec la titrisation, les établissements de
crédit disposent d'un instrument de gestion de leur actif qui permet la
réduction des risques portés au bilan. La cession des
créances sur la clientèle entraîne le transfert à
l'investisseur des principaux risques attachés à la
détention d'un crédit (risque de défaut, risque de
liquidité et de taux). La titrisation favorise l'externalisation des
risques vers le marché ou se sont les investisseurs qui supportent la
plupart des risques des crédits titrisés.
La titrisation permet d'optimiser la structure des bilans des
établissements de crédit par la réduction des risques,
elle permet d'accroître la compétitivité et l'obtention
d'une meilleure rentabilité.
Nous développerons dans ce travail d'étude et
de recherche le concept de titrisation avec comme contour global une
étude comparative de cette technique entre la France et les
Etats-Unis, nous aborderons sa genèse suite à la crise du
logement aux Etats-Unis. Nous développerons
ensuite ses fondements et mécanismes de mise en place par la
méthode classique et synthétique. Une dernière partie
portera sur l'application de cette technique aux prêts immobiliers
résidentiels en france.
Chapitre 1. Historique, fondements et mécanismes
de la titrisation
La compréhension des mécanismes fondamentaux de
la titrisation passe par le rappel de son historique. En effet, la
présentation des origines de ce procédé
d'ingénierie financière et du contexte dans le quel il s'est
développé permettra de comprendre cette technique et de
décrire le rôle des organes servant à réaliser cette
opération. La titrisation a été d'abord mise en place aux
Etats-Unis sous l'impulsion des agences fédérales. Le
mécanisme et méthodes de titrisation se sont
développés au fil du temps compte tenu de l'évolution de
la sphère financière, cette technique présente un grand
nombre d'avantages en matière de gestion des risques et de
diversification du financement.
Section 1. Genèse et prémices de la
titrisation aux USA
La titrisation constitue une des formes de financement des
crédits les plus évoluées de la finance moderne. Bien
comprendre cette technique nécessite de se pencher sur le modèle
américain qui fait figure de référence.
La titrisation est apparue aux Etats unis dans les
années 1970, au moment ou il fallait relancer le financement de
l'immobilier qui était inadapté en raison du niveau
élevé des taux d'intérêt et du plafonnement de la
rémunération des dépôts qui avait pour objet de
remédier au déficit de la balance des paiements et éviter
la fuite des capitaux « Réglementation Q 1(*)».
L'apparition de la titrisation aux USA n'a pas
été immédiate, cette technique a
bénéficié au fur et à mesure d'un environnement
juridique et financier adéquat parfois qualifié de
libéral né à la suite de la crise du financement du
logement.
1. Le financement du logement et le marché
hypothécaire aux USA
Le système de financement du logement aux USA a
été mis en place dans les années 1930 en même temps
que la mise en place du système bancaire après la crise de 1929.
La priorité de l'époque était d'assurer une
stabilité financière au système en offrant une protection
maximale aux déposants. Le système mis en place distingue deux
secteurs : Les banques commerciales traditionnelles et les caisses
d'épargne dont la fonction principale et de drainer l'épargne des
particuliers et de les protéger contre tout risque de
défaillance.
Or, ce système après 50 ans de fonctionnement
est qualifié comme l'une des causes majeures de la crise qui affecte le
système des caisses d'épargne depuis 1980. La surprotection dont
a bénéficié ce secteur est sans doute à l'origine
de sa mauvaise gestion et de sa faillite, forts de la garantie de l'Etat et ne
redoutant pas la sanction des clients, les caisses d'épargne ont pu se
livrer à des actes de gestion arbitraires tels que la mauvaise
évaluation des risques, une insuffisante répartition
géographique de ces risques et application de taux
d'intérêts élevés.
Le système de distribution des financements
hypothécaires a été réformé en 1989 selon
les dispositions du Financial Institution Reform Recovry and Enforcement qui
finalise une restructuration du système devenu obsolète. C'est en
définitive dans un contexte extrêmement morcelé que se
trouve le marché hypothécaire américain avant l'apparition
de la titrisation.
2. L'environnement financier et juridique
américain
Une des raisons au développement de la titrisation aux
USA repose sur l'existence d'une forme de financement appelée le
« Structured Financing » qui consiste à adosser un
titre d'emprunt à un actif financier. Les « Structured
Financing » ont connu une rapide évolution du fait des
transformations de la réglementation et du paysage financier
américain.
Ce type d'innovation financière a pu se mettre en place
grâce à l'existence d'un environnement juridique libéral
qui a permis l'affectation de certains éléments de l'actif en
garantie de l'émission de titres de dettes. Ainsi les
« Structured Financing » ont connu un rapide succès
sur le marché américain et ont permis le développement de
la titrisation et donné naissance aux « Asset Backed
Securities » (Titres adossés à des actifs bancaires) et
« Mortgage Backed Securities » (Titres adossés a des
créances hypothécaires)
3. Organismes initiateurs de la titrisation aux USA, le
coup d'envoi des agences fédérales
Pour comprendre le phénomène d'apparition de la
titrisation il faut remonter à la période de la grande
dépression de 1930 ou les caisses d'épargne (Saving and Loans)
finançaient le logement par la collecte de fonds à court terme
qu'elles reprêtaient à long terme. En raison des retraits
massifs2(*), de la mauvaise
gestion des caisses d'épargne et de la défaillance des
crédits hypothécaires, l'administration Roosevelt créa
03 organismes :
· En 1932 La Federal Home Loan Bank (FHLB) qui
arrêta la réglementation applicable aux caisses d'épargne
avec pour objectif de créer un marché secondaire ;
· En 1934 la Federal Housing Authority (FHA) propose une
assurance contre le risque de défaillance sur le marché
hypothécaire et met en place une standardisation des garanties des
prêts ;
· En 1938 la Federal National Mortgage Association
(FNMA) ou Fannie Mae disposait de la capacité d'acheter les prêts
hypothécaires et de les conserver.
Il existait jusqu'à la fin des années 1970 un
oligopole sur la détention des créances hypothécaires, la
fonction de stabilisation du marché hypothécaire revenait
à la FNMA chargée d'acheter les prêts hypothécaires
auprès des établissements de crédit en se
refinançant sur le marché obligataire, parallèlement
à ça, la FHA garantissait les créances
hypothécaires.
Ce schéma a été remis en cause par
l'apparition de nouvelles contraintes notamment la hausse des taux
d'intérêt, l'accroissement des encours de créances
hypothécaires et le marché du logement qui est devenu plus
concurrentiel3(*).
De ce fait, les pouvoirs publics ont tenté de faciliter
le refinancement des créances hypothécaires, la FNMA a
été scindée en deux organismes, l'un conservant ses
fonctions initiales et l'autre prenant le nom de Government National Mortgage
association (GNMA ou Ginnie Mae) dont la mission était de garantir les
certificats représentatifs de crédit aux standards FHA. En 1970
un autre organisme vit le jour la Federal Home Loan Mortgage Corporation (FHLMC
ou Freddie-Mae), une agence fédérale qui assume pour sa propre
signature des tâches similaires à celles de la FNMA et de la
GNMA.
A elles seules, ces agences assument plus de trois quarts des
émissions et ce sont ces institutions qui ont lancé les
premières opérations de titrisation aux USA.
Section 2. Méthodes et formes de titrisation
Afin de mieux cerner les différentes méthodes de
titrisation aux USA, il convient de donner une brève description de la
notion du trust4(*). Les
émissions des titres s'accompagnent en effet de la création d'un
«Trust».Celui-ci constitue la pierre angulaire de l'opération
de titrisation, le « Trust » est issu du droit anglo-saxon
(Common Law). Il se caractérise par le transfert en
Pleine propriété de tout ou partie du patrimoine
d'une personne « le constituant » à une autre
personne « trustee » qui doit le gérer et en
disposer dans l'intérêt des bénéficiaires. Le
trust sert à l'agencement des opérations
financières, il est donc une structure dont le rôle est
l'intermédiation entre émetteurs et investisseurs de titres tant
en ce qui concerne le transit et l'affectation des flux monétaires que
la représentation des droits légaux. Le trust est
constitué sur l'initiative du propriétaire des actifs
gagés selon les termes d'une charte préalablement établie
entre les deux parties
Il existe deux mécanismes de titrisation, la
titrisation classique ou traditionnelle et la titrisation synthétique
1. La titrisation classique :
Consiste dans son principe en la cession des actifs au trust,
les revenus provenant des actifs ainsi cédés sont en
priorité affectés au remboursement de la dette émise par
le véhicule, le cédant perd le contrôle des actifs
cédés.
1.1. Le Pass through
Le pass through est une méthode classique de
titrisation et a été crée par l'agence
fédérale américaine GNMA en 1970. Lors de
l'émission, l'établissement demandeur de fonds vend une partie de
ses actifs à l'entité ad hoc qui émet en contrepartie des
titres représentatifs d'un droit de propriété sur l'actif
gagé. Les titres ne constituent pas une dette pour l'émetteur
mais une cession d'actif, les revenus issus de l'actif gagé sont
passés aux détenteurs des titres au prorata de leur
participation. Les actifs gagés sont généralement assortis
de garanties spécifiques en cas de défaillance. L'entité
ad hoc opère une distinction entre les flux d'intérêt et de
capital provenant de l'actif gagé.
2. La titrisation synthétique :
Il y a un transfert du risque des actifs
à un ou plusieurs investisseurs sans cession d'actif. Un
collatéral composé de portefeuille de créances est
constitué pour le paiement des titres, cette méthode fait appel
aux techniques de dérivés de crédit, en cas de pertes sur
le portefeuille titrisé les pertes sont allouées aux
différents vendeurs de protection.
2.1. Le Pay through
Cette nouvelle méthode est apparue en 1975. Plus
complexe que la première, elle consiste a émettre des Mortgage
Backed Bonds et permettre aux émetteurs de conserver leur
créances bilantielles. Une caution est constituée par la
création d'un portefeuille de créances appelé
collatéral qui demeure la propriété de l'émetteur
et ne peut l'utiliser que pour des fins de paiement des obligations.
Il existe un autre type de titres appelés les Pay
through bonds crées en 1981. Ceux-ci apparaissent comme des dettes de
l'émetteur garanties par une sûreté. Dans ce
système, les flux financiers des titres sont directement liés
à ceux des créances. Le produit du capital et des
intérêts reçus des créances sont directement
versés aux souscripteurs.
2.2. Le Collateralized Mortgage Obligation
(CMO)
Nouvelle technique apparue en 1983, l'intérêt de
cette méthode est d'adosser à un lot de créances plusieurs
tranches de titres de maturité différentes5(*). Plusieurs investisseurs peuvent
être ainsi touchés, le CMO est un Pay through à
plusieurs tranches, les trois premières
tranches offrent des taux fixes : Tranche A de
maturité de quatre à sept ans, tranche B de maturité de
sept à dix ans et tranche C de maturité de dix à douze
ans. Sur le plan technique chaque tranche reçoit les
intérêts, mais le remboursement du capital peut être
différé, la première tranche dont la maturité est
la plus faible est amortie alors que les autres ne perçoivent que les
intérêts dus, puis le remboursement des tranches suivantes
débute une fois terminé celui de la première.
Source : Bond Market Association
3. Schéma simplifié de la titrisation aux
USA
Le mécanisme de titrisation aux USA consiste pour un
établissement de crédit à céder à un
intermédiaire « trust » un ensemble de
créances bien déterminées, généralement
l'établissement conserve la gestion de ses créances moyennant une
rémunération. L'acquéreur des créances se finance
par émission de titres négociables par l'intermédiaire
d'un établissement spécialisé (cf. schéma :
Autres établissements de crédit) qui en fonction de la
nature et de la qualité des crédits et de la
notation délivrée déterminent les caractéristiques
des titres (Montant, taux, durée)
Source : CERESOLI. M et GUILLAUD. M titrisation et
gestion financière de la banque
4. Une vue d'ensemble : Avantages et
inconvénients de la titrisation
L'introduction de nouveaux actifs financiers et la
création de nouveaux marchés par le biais de la titrisation tient
compte de divers intervenants à savoir : les émetteurs, les
investisseurs et le marché financier. Avec la titrisation le
prêteur initial n'est plus le détenteur de la créance, il
en découle un certain nombre d'avantages :
4.1. Diversification du refinancement
Avant l'existence de la titrisation, la possibilité de
se refinancer sur le marché était étroite, les
marchés sont parfois peu liquides avec peu d'intervenants. Certaines
régions peuvent être demandeuses de crédits et d'autres
prêteuses, les taux d'intérêt peuvent être localement
différents. La titrisation a permis de ramener de nouveaux investisseurs
en leur offrant un marché plus liquide et plus large
caractérisé par plus d'opportunités.
4.2. Diminution des risques
Compte tenu de la liquidité du marché, il
devient plus facile de titriser une large gamme de créances et en
conséquence de reporter les risques inhérents sur les nouveaux
investisseurs. Cette réduction des risques portée au bilan des
banques concerne aussi bien les risques de liquidité car la
créance n'est plus à financer par la banque que les risques de
défaillance lorsque ces derniers sont transférés aux
détenteurs de titres ou aux garanties mises en oeuvre notamment aux
organismes d'assurance ou aux vendeurs de protection pour la titrisation
synthétique.
4.3. Assouplissement des contraintes
Les organismes de crédit sont soumis à diverses
contraintes relatives notamment à des ratios de fonds propres (Ratio
Cooke6(*) et Mc Donough
à partir du 01/01/2007). S'ils disposent de créances, ils doivent
détenir un montant associé en fonds propres. La titrisation
permet de transférer les créances sous formes de titres à
d'autres investisseurs, donc ne plus avoir à détenir les fonds
propres correspondants.
4.4. Une large gamme de produits, des garanties et une
liquidité élevée
L'existence d'une large gamme de titres aussi bien du point de
vue de maturité que des modalités de remboursement facilite pour
les investisseurs la diversification de leur portefeuille.
Par ailleurs, les titres bénéficient de diverses
garanties et en général ont des degrés de qualité
élevée généralement supérieurs aux
AAA .Les titres émis par les établissements de crédit
ont une liquidité élevée par rapport aux autres titres de
créances (Bons de trésor et obligations).
4.5. Sécurité du système
financier
Il y a un risque relatif à la qualité des
créances sélectionnées par les banques. En effet, en
titrisant leurs créances, les banques se défaussent en partie du
risque de défaillance des crédits qu'elles ont accordés et
peuvent être amenées à relâcher leur discipline de
sélection des emprunteurs. Néanmoins ce phénomène
se reflétera lors de la notation des titres, la banque sera alors
sanctionnée sur le marché, celui-ci exigera une
rémunération pour ce risque de défaut.
Chapitre 2. La titrisation en France
La transposition de la technique de titrisation en France
s'inscrit dans une logique de continuité d'un processus de
marchéisation des bilans bancaires suite aux diverses réformes
engagées à cet effet. Bien avant l'introduction officielle de la
titrisation, un certain nombre de tentatives de cession de créances
bancaires avaient été mis en place soit sous l'impulsion des
pouvoirs publics ou sur l'initiative des agents privés, ce qui augurait
déjà de grandes mutations dans le système financier
français.
La loi 88-1201 portant création des fonds communs de
créances a définitivement instauré la titrisation en
France. Cette technique innovante a bénéficié d'un cadre
réglementaire adéquat répondant aux
spécificités de l'environnement financier par la mise en place
d'organes de gestion et de contrôle. La notation financière rendue
obligatoire dans les montages de titrisation consiste en l'évaluation
des risques attachés aux titres émis par les fonds communs de
créances, l'évaluation se fait suivant un processus
préétabli.
Section 1. Descriptif du mécanisme de
titrisation
1. L'environnement juridique, bancaire et financier
1.1. L'environnement bancaire et financier
Les transformations de L'environnement financier dans les
années 1980 ont conduit le dispositif législatif et
réglementaire à s'adapter à la situation des agents
économiques. Ces modifications s'appréhendent au travers des
moyens de financement dont disposent les établissements financiers et
des besoins de refinancement auxquels ils font face notamment sur le
marché hypothécaire.
D'après le rapport du conseil national du crédit
et du titre de l'année 2001, les établissements de crédit
représentent 85 % du financement de sociétés non
financières en 1981, ils en représentent 45 % vingt ans
après. La diminution de la part des établissements de
crédit dans le financement des entreprises a transformé leur
rôle et se sont spécialisé en ingénierie
financière pour répondre aux besoins des entreprises en
matière d'endettement. De simples intermédiaires, les
établissements de crédit sont devenus des prestataires de service
financiers.
Les habitudes des ménages et des entreprises se
transforment peu à peu, parallèlement la réforme en 1984
des marchés financiers a facilité le recours au marché
pour financer l'économie en élargissant les conditions d'offre et
de demande de capitaux. Les établissements de crédit
disposent de la possibilité de céder leurs créances
à un tiers constitué à cet effet le fonds commun de
créances dont l'objet est de placer sur le marché des parts
émises représentatives des créances.
L'objectif de création du marché
hypothécaire était de résoudre les problèmes de
financement du logement, les particuliers compte tenu de la hausse de
l'inflation donnaient une nette préférence aux placements
liquides en même temps les pouvoirs publics souhaitaient se
désengager de l'effort de construction. L'objectif du marché
hypothécaire était de canaliser l'épargne privée de
moyen et long terme vers les placements de long terme de l'immobilier. Les
établissements de crédit trouvaient dans cette procédure
une solution efficace de refinancement, des effets représentatifs de
créances étaient alors émis par les banques et sont
négociés sur le marché, le mécanisme de titrisation
voyait alors le jour.
1.2. L'environnement juridique
Le premier cadre réglementaire régissant la
titrisation a été mis en place en 1988. Ce cadre
réglementaire a été réformé ensuite en
1993, pour connaître divers assouplissements et s'adapter aux
contraintes et aux opportunités de l'environnement économique
français en matière de titrisation.
1.2.1. Le dispositif législatif de 1988
C'est la loi 88-1201 du 23 décembre 1988 portant
création des fonds commun de créances qui a posé les
fondements de la titrisation. L'objectif de la loi portait essentiellement sur
la titrisation des créances hypothécaires. La commission des
opérations de bourse a accompagné cette disposition en
régissant les règles d'agrément des fonds communs de
créances puis diverses précisions on été
apportées par les organismes intéressés par la mise en
oeuvre des opérations de titrisation. La mise en place de cette
réglemention n'a pas eu pour conséquence un développement
significatif de la titrisation, des groupes de travail sont alors mis en place
et proposent des mesures à favoriser la titrisation en France.
1.2.2. Les réformes de 1993
La loi 93-06 du 4 janvier 1993 a été
adoptée pour aménager le régime précèdent,
différents textes sont venus cerner le dispositif réglementaire
de la titrisation et ont apporté des réponses à des
difficultés rencontrées par les initiateurs de la
titrisation7(*) . Les
créances des entreprises d'assurance étaient désormais
concernées par la titrisation, une possibilité est donnée
au fonds
commun de créances d'acquérir des
créances après l'émission des parts (Rechargement du
fonds), des mesures de constitution et de liquidation du fonds commun de
créances ont été déterminées.
Ainsi l'évolution de la titrisation correspond
approximativement aux transformations de la législation, on distingue 03
étapes : 1988- 1996 Période de préparation
,1996-1998 période de décollage et enfin de 1998 à nos
jours période de maturité.
2. Acteurs du processus de titrisation
2.1. Le fonds commun de créances
Le fonds commun de créances est une
copropriété qui a pour objet d'acquérir des
créances et d'émettre des parts représentatives de ces
créances, il peut comporter deux ou plusieurs compartiments, chaque
compartiment donne lieu à l'émission de parts
représentatives des actifs du fonds qui lui sont attribués. Le
fonds n'a pas de personnalité morale et est constitué à
l'initiative conjointe d'une société chargée de la gestion
du fonds et d'une personne morale dépositaire des actifs du fonds.
Différents aspects relatifs à l'objet du fonds
commun de créances sont à noter
· Emission de diverses parts ;
· Montage des opérations de titrisation ;
· Rechargement du fonds.
Le rechargement du FCC consiste à ajouter au
portefeuille cédé initialement de nouvelles créances sur
de nouveaux débiteurs, Le FCC ne peut céder les créances
qu'il a acquises tant que celles-ci ne sont pas échues. Le recouvrement
des créances cédées continue d'être assuré
par l'originateur, toutefois un recouvrement total ou partiel peut être
confié à un autre établissement de crédit ou
à la Caisse des dépôts et consignations.
2.2. La société de gestion du fonds
commun de créances
La société de gestion du FCC a un statut de
société commerciale, le montant de son capital social est
fixé à 225 000 € et doit représenter au moins
0,5 % de l'ensemble des actifs du fonds. Elle a pour objet la gestion du fonds
commun de créances. L'exercice de ses fonctions est subordonné
à l'agrément de la commission des opérations de bourse.
La société de gestion a pour missions
principales :
· Etablissement des conditions d'achat des
créances entre la banque cédante et le fonds commun de
créances ;
· Etablissement de la réglementation
régissant le fonds commun de créances ;
· Réception des paiements en provenance de la
banque cédante, opérer les remboursements aux porteurs de parts
en fonction des règles préalablement fixées ;
· Représenter les porteurs de parts
émises ;
· Gestion de la trésorerie du fonds commun de
créances.
2.3. La société dépositaire des
fonds
C'est une personne morale dépositaire des
créances acquises par le fonds commun et de sa trésorerie, elle
est responsable de la conservation des titres cédés au fonds et
des liquidités disponibles à tout moment. La
société dépositaire est le plus souvent
l'établissement cédant, mais il peut s'agir d'un autre
établissement de crédit ou tout autre établissement
agrée par le ministère des finances et ayant son siège en
France
En résumé le rôle de la
société dépositaire des fonds est le suivant :
· Conservation des titres de créances ;
· Dépositaire de la liquidité du
FCC ;
· Contrôle de la régularité des
décisions de la société de gestion du FCC.
2.4. Schéma
simplifié de la titrisation en France
Source : Banque Magazine Avril 2005,
Article : Fonds communs de créances un cadre juridique
élargi et précisé
2.5. Alliance des techniques de titrisation aux
dérivés de crédit
Le développement des dérivés de
crédit ces dernières années a été
remarquablement rapide. Compte tenu du développement de la
marchéisation des crédits, les encours des produits sont
passés de 2000 milliards de dollars en 2002 à plus de 5000
milliards en 2004 soit un accroissement de 250 % 8(*).La liquidité du
marché des dérivés de crédit s'améliore
particulièrement celle des Crédits Défaut Swap (CDS). Le
nombre d'établissements détenant des dérivés de
crédit dépasse les 400 en juin 2002, en terme d'intervenants le
marché reste largement interbancaire puisque 52 % des acheteurs de
protection et 39 % des vendeurs de protection sont des banques. La titrisation
en France qui s'est développé avec la loi sur les fonds commun de
créances et l'utilisation des dérivés de crédit
tels que le CDS et le CLN (Credit Linked Notes) sont deux outils au service
d'une même stratégie dont le croisement permet à un
établissement financier de transférer le risque de crédit
sur un portefeuille sans le céder, il s'agit de l'ancrage de la
titrisation synthétique.
La titrisation synthétique transfère tous les
risques liés à une créance dans la mesure où il y a
cession juridique des risques. Lors de l'utilisation des dérivés
de crédit, les risques sur lesquels un établissement
achète une protection sont contractuels, et on peut distinguer les
pertes en capital de l'intérêt couru. L'absence de cession
présente des avantages pour l'émetteur dans la mesure ou il y a
maintien des relations clients et une plus vaste variété des
actifs. Pour toutes ces raisons le succès des titrisations
synthétiques ou cohabitent cession des risques et dérivés
de crédit est l'évènement majeur ces dernières
années, leur part de marché passe de 10 % en 1999 à 32 %
en 2000, l'Allemagne est très avancée avec un marché
à 100% synthétique
2.5.1. Simulation d'une titrisation synthétique
l'exemple Natix
L'opération Natix, montée par Natexis Banque
populaire en juin 2000 sur un portefeuille d'obligations américaines
émises par de grandes entreprises américaines est un exemple
intéressant mêlant titrisation et dérivés de
crédit (cf. Schéma en dessous) les principes essentiels de ce
montage sont les suivants :
· Les actifs du portefeuille ne sont pas
cédés, le risque de crédit est simplement
transféré à des parties tierces par le biais d'un CDS.
· Un premier CDS (CDS 1) est conclu avec un
véhicule ad hoc (dans le cas de l'opération Natix, une
société établie au New Jersey), ce dérivé de
crédit sera le premier a être appelé en cas de
défaillance d'actif composant le portefeuille,ce CDS couvre les pertes
sur le portefeuille jusqu'à un certain montant donné (dans le cas
Natix, à hauteur de 44,2 millions de dollars, soit environ 11% du
portefeuille), Natix Plc compense donc toute perte durant la vie de transaction
en deçà de ce niveau. Le solde du risque de crédit sur le
portefeuille fait l'objet d'un CDS super senior généralement
conclu avec un autre établissement de crédit ou un assureur.
· Les deux CDS fournissent une protection contre le
risque de signature (faillite et incapacité à payer) sur les
entités composant le portefeuille, ces CDS sont assimilables à
des assurances crédit et sont appelables en commençant par le
plus subordonné, une fois le CDS 1 est épuisé il y a
continuité sur le CDS super senior.
· Les obligations de CDS 1 sont financées par
l'émission de CLNs, il y a un lien de subordination entre ces CLNs, les
pertes sur le portefeuille sous-jacent viennent s'imputer sur la tranche la
plus junior (Classe C), une fois le niveau de protection épuisé
les pertes sont affectés aux tranches mezzanine en commençant par
la tranche B puis la tranche A. La première tranche couvre les
premières pertes environ 1% du portefeuille, les classes mezzanine
couvrent les pertes mezzanine au dessus de 1% et jusqu'à 5 % des pertes
cumulées.
· les produits des CLNs sont investis dans des titres
liquides présentant une notation AAA, dans le cas de Natix , des
titres de l'Etat belge OLOs, ces titres servent de collatéral aux CLNs,
leur cession permet au véhicule de compenser la banque en cas de
perte.
Source : Banque Magazine Mai 2001, Article :
Dérivés de crédit et titrisation, un mariage
prometteur
3. La notation financière
Le rating est un terme d'origine américaine dont la
traduction signifie « évaluation ». Il
désigne à la fois un processus et un résultat final qu'est
la notation. La définition du rating admise par tous les professionnels
est : « Processus d'évaluation du risque attaché
à un titre de créance, synthétisé en une note,
permettant un classement en fonction des caractéristiques
particulières du titre proposé et des garanties offertes par
l'émetteur ». L'évaluation du risque est
assimilée au risque de perte due à une défaillance de
l'émetteur qui ne pourrait honorer ses engagements en
intérêts et en capital à la bonne date.
Les deux premières agences de notation dans le monde
sont Moody's et standard_& Poor's, le développement de la notation a
été très lent aux Etats unis, mais la faillite en 1970 de
la première entreprise de transport (Penn Central Transportation
Company) qui avait émis 80 millions de dollars de commercial Paper
imposa définitivement le rating.
En France, l'agence d'évaluation financière ADEF
a été créée en 1986, le rating est apparu en raison
de la métamorphose de la sphère financière à
savoir le :
· Décloisonnement des marchés ou existe
désormais une complémentarité entre le compartiment
obligataire et monétaire ;
· Désintermédiation financière ou
les entreprise accèdent aux différents marchés ;
· Développement du marché financier, le
marché des actions est aujourd'hui significatif et est
représentatif de l'économie.
Une autre agence franco britannique fut créée en
1992, IBCA Notation Groupe , celle-ci est de reconnaissance
internationale, elle est reconnue par la security Exchange commission aux Etats
unis et par le ministère japonais des finances.
3.1. L'appréciation par les agences de
notation
L'obligation de faire appel à une agence de notation
est imposée par la loi L 214-44 du code monétaire et financier
qui exige la présence d'un document d'appréciation des
caractéristiques des parts que le fonds commun est appelé
à émettre et des créances qu'il se propose
d'acquérir. La notation du fonds commun de créances dans les
opérations de titrisation revient à déterminer le niveau
de risque final des parts émises par ce fonds et à
apprécier si sa structure est à même de respecter ses
engagements de paiement en fonction du calendrier contractuel. Il s'agit donc
d'une estimation du risque de défaut auquel s'exposent les investisseurs
et d'identifier les garanties à faire correspondre à ce
risque.
3.2. Processus de notation
Les agences de notation s'assurent que la demande de
notation émise par les émetteurs est recevable, il n'est donc pas
nécessaire d'entamer le processus de notation sachant que la notation
sera mauvaise, ce qui est souvent le cas des banques de création
récente caractérisées par une forte activité de
spéculation, ne disposant pas d'outils performants de
contrôle des risques et ayant des actionnaires de référence
peu solvable.
Le schéma du processus de notation est le
suivant :
Source : Karyotis, la notation financière
3.2.1. Demande de notation
La présentation du dossier de notation doit comporter
les statuts, le registre de commerce, les cinq derniers rapports de gestion,
bilan et comptes de résultats et annexes certifiés par le
commissaire aux comptes. Ce dossier permet à l'agence d'apprécier
la possibilité d'engager la notation si c'est le cas, l'entreprise
présente une demande officielle signée par le dirigeant
principal. La demande requiert l'autorisation pour l'agence de prendre
connaissance de toutes les informations qui lui paraîtront
nécessaires qui assurent à l'agence une parfaite
compréhension de la situation et des perspectives du demandeur et des
conditions de réalisation des opérations financières
à noter.
3.2.2. Etude de notation
Dans le processus de titrisation l'émetteur est
étudié sous trois angles :
3.2.2.1. Etude de l'environnement économique et
réglementaire :
En règle générale, l'agence de notation
cherche à comprendre la structure institutionnelle qui
caractérise le système financier auquel appartient
l'émetteur, examine le degré d'intermédiation du
système, les parts de marché, le degré de concentration au
niveau du groupe. En France en respectant ces principes, il est
nécessaire d'examiner les points suivants :
· Les conséquences de la réglementation
bancaire sur le contrôle du crédit, mécanismes de mise en
place, le rôle de la banque de France et de la commission
bancaire ;
· Emergence de nouveaux marchés et de nouveaux
produits et leur impact sur le secteur bancaire ;
· Etude de l'organisation et de la stratégie des
banques face au phénomène de désintermédiation
financière ;
· Indépendance des banques face aux pouvoirs
publics, leur lien avec les autres secteurs d'activité.
3.2.2.2. Etude de l'émetteur au sein du
système financier et bancaire
L'agence de notation doit se poser la question sur la
pérennité de l'émetteur au sein du système
financier et les soutiens sur lesquels il s'appui en cas de difficultés,
plusieurs facteurs doivent être étudiés :
· Les activités de l'émetteur, ses parts
de marché ; dispose-t-il d'une activité
prépondérante ?
· L'actionnariat de l'émetteur, en France l'Etat
est très présent dans le capital des établissements de
crédit ce qui rassure les investisseurs ;
· Le statut de l'entreprise (institution
financière spécialisée ou à caractère
général)
3.2.2.3. Analyse de l'émetteur
L'analyse de l'émetteur porte sur deux
éléments :
· Les fonds propres : les fonds propres
constituent toujours un volant de sécurité pour les
investisseurs. Ils sont un indicateur de la santé financière de
l'établissement car leur niveau élevé renforce la
pérennité de l'émetteur en lui permettant de traverser des
périodes difficiles. Certaines règles on été
imposées telle que le ratio de fonds propres de Cooke à 8 %. La
constitution des fonds propres est attentivement étudiée au
niveau du noyau dur, des provisions à caractère de réserve
et des quasis fonds propres, parallèlement la capacité de
l'émetteur est étudiée à travers ses plus values
et ses résultats
· La qualité des actifs :
l'appréciation par les agences de notation de la qualité des
actifs est délicate car les critères retenus pour
l'évaluation des actifs n'ont qu'une valeur relative : Montant des
créances douteuses, taux de provisionnement et masse des créances
impayées. Pour une meilleure appréciation des actifs d'un
émetteur, l'analyse doit porter sur l'organisation en matière de
crédit (niveaux de délégation, différents
comités), la politique de mise en oeuvre et les produits de suivi
(division des risques, secteur d'engagement, tableau de bord sur les risques de
crédit, recouvrement) et l'analyse du portefeuille de crédits
(évolution du portefeuille crédit et évaluation par le
calcul de certains ratios significatifs)
3.2.3. Échelles et Grille de
notation
· L'étude de notation est soumise à un
comité, la décision du comité est notifiée à
l'émetteur avec toutes les explications et justifications utiles. La
note accordée, en définitive n'est publiée qu'avec
l'agrément du demandeur, si elle n'est pas publiée elle ne peut
être évoquée par lui dans ses relations avec les tiers
qu'avec l'accord de l'agence de notation. Au moment du lancement d'une
émission, les agences de notation attribuent une note qui pourra
être modifiée jusqu'au remboursement.
Standard & Poor's
|
Moody's
|
Fitch-IBCA
|
Interprétation des notes
|
AAA
|
Aaa
|
AAA
|
Le risque est quasi nul, la qualité est la meilleure
possible.
|
AA
|
Aa
|
AA
|
L'émetteur noté est d'une qualité
très fiable.
|
A
|
A
|
A
|
Le risque peut être présent dans certaines
circonstances économiques.
|
BBB
|
Baa
|
BBB
|
La solvabilité est jugée de qualité
moyenne.
|
BB
|
Ba
|
BB
|
À partir de cette note, l'affaire commence à
être spéculative. Le risque de non remboursement est plus
important sur le long terme
|
CCC
|
Caa
|
CCC
|
La probabilité de remboursement est incertaine, le
risque est assez fort.
|
CC
|
Caa
|
CCC
|
On présume un risque très important de non
remboursement sur le long terme.
|
C
|
Ca
|
C
|
L'émetteur est très proche de la faillite,
l'emprunt est très spéculatif.
|
D
|
C
|
D
|
Faillite de l'emprunteur.
|
Signes
|
|
+ ou -
|
1,2 ou 3
|
+ ou -
|
|
Section 2 - Titrisation des prêts immobiliers
en France
1. Marché et financement de l'immobilier en
France
Le prix de l'immobilier en France a fortement augmenté
au cours de ces dix dernières années, dépassant les pics
atteints en 1991. La pression démographique et la baisse des taux
d'intérêt ont été des facteurs de dynamisme de la
demande. Le marché actuel se stabilise dans la mesure où le
nombre de transactions n'augmente plus, la baisse tant de l'activité que
des prix d'ici un à deux est une hypothèse plausible. La forte
demande de ces dernières années, était inattendue si l'on
considère l'évolution du taux de chômage qui passe de 8,9 %
en 2000 à 10 % en janvier 2005 et de la dégradation de la
solvabilité des ménages (l'endettement est passé de 33 %
du revenu disponible en 1980 à 59 % en 2003). La hausse de la demande
de l'immobilier est essentiellement due à trois facteurs
· Evolution démographique ;
· Des taux d'intérêt attractifs ;
· Des mesures fiscales incitatives.
Les banques tentent de tirer profit du dynamisme du
marché par l'accroissement de leur volume de production de
crédits immobiliers d'autant plus que le taux de défaillance de
la clientèle reste faible. La baisse du coût du risque
résulte de la hausse de la valeur des biens hypothéqués et
du recours au cautionnement bancaire et aux entreprises d'assurance.
En 2004, 80,3 % des encours de crédit étaient
destinés au financement de la résidence principale, 15,4 %
à l'investissement locatif (Crédit bail) et 4,3 % à la
résidence secondaire.
Le coût du risque de crédit immobilier reste
faible en raison de la diminution des encours douteux bruts et des reprises de
provisions (incrémentés suite à la hausse du prix des
biens hypothéqués).
Sur les cinq dernières années, le coût
moyen annuel du risque est à 0,06 % des encours, le taux de
défaillance avoisine les 0,05 % des prêts accordés, ces
faibles coûts ont permis aux banques d'utiliser le crédit
immobilier comme un outil pour attirer de nouveaux clients.
La durée moyenne des crédits consentis en 2004
était de 15,7 ans contre 13,6 ans en 2000, cette durée est plus
longue lorsque les prêts sont importants.
Malgré la baisse des taux d'intérêt et de
l'allongement de la durée des prêts, la part des remboursements
mensuels dans les revenus des emprunteurs s'est sensiblement alourdie, passant
de 27,5 % en 2000 à 29,2 % en 2004.
La part des prêts à taux variable reste faible,
cependant les taux plafonnés (variables jusqu'à 2 % au-dessus du
taux de référence) représentent en 2004, 26,4 % de la
production de crédits immobiliers, compte tenu des
caractéristiques actuelles des prêts en France, une hausse des
taux de référence à un impact important sur le niveau des
mensualités de remboursement pouvant augmenter celle-ci de 8 %.
En définitive, les prêts à l'habitat sont
sensibles aux remontées des taux d'intérêt et à la
dégradation de la situation financière des ménages,
liée elle-même à la hausse du chômage.
2. Titrisation des prêts immobiliers
résidentiels en France
Les caractéristiques des prêts immobiliers
résidentiels s'accommodent bien aux modalités de titrisation. En
Europe ceux-ci constituent l'actif sous jacent de 40 % des montages de
titrisation. Le marché français est distinct en l'espèce,
une première exception concerne le type du cédant pouvant
être un organisme non financier, EDF et GDF par exemple ont
titrisé leur quote-part respective dans les prêts octroyés
à leurs employés.
Les banques françaises montrent peu d'appétit
pour la titrisation des prêts résidentiels, en effet les
ressources émanant des RMBS (Residential Mortgage Backed Securities)
sont peu attractives pour les banques qui peuvent se financer à des taux
compétitifs ou disposent suffisamment de capacités de financement
bon marché à travers leur activité de dépôt,
ce qui explique surtout pourquoi ce sont les prêteurs
spécialisés qui en France ont pratiqué la titrisation des
prêts immobiliers résidentiels.
Ainsi la caisse de refinancement de l'habitat (CRH)
créée en 1985 est détenue par une quinzaine d'institutions
financières a pour vocation d'émettre des titres adossés
à l'ensemble des prêts hypothécaires aux particuliers qui
lui sont apportés par ses actionnaires. Le total des actifs de la CRH se
montait à 14 milliards d'euros au 31 décembre 2002. Les
sociétés de crédit financier (SCF) constituent un
autre instrument de refinancement du marché immobilier en France, les
SCF régies par la loi du 25 juin 1999 sont limitées par leur
statut à l'octroi de prêts hypothécaires mais aussi de
prêts aux entités publiques, ces contraintes concernent aussi bien
les proportions à financer que la situation géographique des
biens à financer et la nationalité des emprunteurs. Concernant la
titrisation et le refinancement hypothécaire l'exemple du Crédit
immobilier de France (CIF Euromortgage) est révélateur d'autres
formes de refinancement hypothécaire en effet, les prêts
immobiliers octroyés par les caisses régionales du CIF ne sont
pas directement cédés au CIF Euromortgage mais ils sont
préalablement cédés à un fonds commun de
créances dont les parts sont elles mêmes placées
auprès de la société de crédit financier (SCF) et
servent à leur tour de collatéral pour l'émission de
RMBS.
Tous ces organismes ont en commun le fait qu'ils apportent un
financement externe aux originateurs de prêts résidentiels,
à l'inverse de la titrisation synthétique9(*) parce qu'elle ne comporte pas de
transfert physique du portefeuille et ne fournit pas une source de financement
externe,le produit de placement des titres est investi et les ressources issues
de ce placement servent soit à dédommager l'originateur en cas de
pertes résultant d'événements en cours soit à la
date d'échéance au remboursement des investisseurs.
La méthodologie de notation des RMBS quelque soit la
structure retenue pour la titrisation d'un portefeuille de prêts
hypothécaires résidentiels s'articule autour de trois axes :
revue des aspects juridiques de la transaction, évaluation des
capacités personnelles de l'originateur et du gestionnaire des
créances titrisés et l'étude des données
chiffrées de l'opération,cette dernière revêt un
caractère très particulier dans la mesure ou elle aboutit
à la détermination du rehaussement du crédit. Dans les
opérations synthétiques, le rehaussement de crédit est
égal pour une tranche donnée à la somme de la perte
attendue sur chaque prêt du portefeuille, la perte attendue se calcule en
multipliant l'encours du prêt par sa probabilité de défaut.
Néanmoins, les banques disposent de systèmes de scoring
très sophistiqués capables d'obtenir de bonnes
appréciations du risque de défaut.
Les titrisations des prêts immobiliers
résidentiels sont soumises à une surveillance continue, en
particulier les informations périodiques relatives à
l'évolution du portefeuille sous-jacent (Prix du logement)
comparées à la notation initiale. Les prêts immobiliers
font preuve de performances très satisfaisantes à titre d'exemple
en septembre 2003, l'agence Fitch a augmenté la note de 47 tranches de
RMBS européens et dégrade celle de sept seulement, toutes les
notes des RMBS français en vie ont fait l'objet d'une confirmation
tandis que trois tranches ont vu leur notes augmenter.
Conclusion
La titrisation technique financière est apparue pour la
première fois aux Etats unis suite à la crise de financement du
logement, cette technique consiste en l'adossement d'un titre négociable
à un actif financier figurant au bilan des établissements de
crédit.
Il existe deux mécanismes de titrisation comportant
chacun différentes méthodes, la titrisation classique qui
consiste en la cession d'actif et la titrisation synthétique qui se
caractérise par une cession des risques avec constitution de
collatéral servant au remboursement de la dette du SPV, ce dernier
mécanisme fait appel aux techniques de dérivés de
crédit telles que les Crédits Défaut Swap.
La titrisation en France est apparue suite à la
promulgation de loi fixant la création des fonds commun de
créances, un cadre réglementaire a été mis en place
obéissant aux spécificités du système bancaire
français.
Plusieurs acteurs interviennent dans le processus de
titrisation : l'établissement cédant originateur, le fonds
commun de créances, la société de gestion du fonds et la
société dépositaire du fonds.
La notation financière est obligatoire dans les
opérations de titrisation, elle consiste en l'évaluation du
risque attaché aux titres émis par les fonds commun de
créances, l'évaluation aboutie à l'attribution d'une
note.
Le marché de l'immobilier en France est très
dynamique du fait de la faiblesse des taux d'intérêts et des
mesures fiscales incitatives, les risques de crédit immobilier en France
sont les plus faibles en Europe.
La titrisation des prêts immobiliers résidentiels en France est faiblement
pratiquée, ceci s'explique par la forte liquidité des bilans
bancaires, la titrisation des prêts immobiliers est dédiée
à des établissements spécialisés, les RMBS en
France bénéficient d'une très bonne notation.
Bibliographie
AZARCHS .T, « Titrisation quel impact
sur la solvabilité des banques ?», Banque Magazine, N°
638 juillet/août 2002, Pages 22 à 24
BENDAVID. D, « Motifs et enjeux de la
diversification des actifs titrisés », Banque magazine,
N° 638 juillet/août, Pages 25 à 28
BRUYÈRE. R, « Les produits
dérivés de crédit », Economica, paris 1998, 260
Pages
BRYAN. L « La banque
éclatée », Intereditions ; Paris 1989, 245
Pages
CARRON .A et Tanguy. E « Dérivés de
crédit et titrisation un mariage prometteur », Banque Magazine
N° 625, Mai 2001, Pages 30 à 33 ;
CERESOLI .M et GUILLAUD. M, « Titrisation et
gestion financière de la banque », Eska, Paris 2002, 221
Pages
DE KERGOMMEAUX .X et VAN GALLABAERT .C, « Les
nouvelles catégories d'actifs titrisés », Banque
Magazine, N° 638 juillet/août, Pages 29 à 31
DELFOUR .O « Titrisation : un marché en
constante évolution » Banque Magazine, N° 625, Mai 2001,
pages 26 à 29 ;
DESPOUX. J-F (2002) «Le marché financier
continue de se développer à son rythme », Banque
Magazine, N° 638 juillet/août, Pages 18 à 21
FRACHOT. A et GOURIEROUX .C, « Titrisation et
remboursements anticipés », Economica, Paris 1995, 242 Pages
FREHA.N et FEGHALI.R « Le développement des
dérives de crédit se confirme » Banque Magazine,
N° 648, Juin 2003 Pages 56 à 59
GALLAIS HAMONNO. G, « SICAV et fonds commun de
placement, les OPCVM en France » PUF, Paris 1992,127 Pages
HEBERLEIN .H « La titrisation des prêts
immobiliers résidentiels en France » Banque Stratégie,
N° 210 Décembre 2003, Pages 22 à 25
KARYOTIS .C « 20 ans de rétrospective dans
les titres en France » Revue banque Edition, Paris 2005 ,127
Pages.
KARYOTIS .D, « La notation financière
une nouvelle approche du risque », Revue banque Edition, Paris
1996,191 Pages
La loi 88-1201 du 23 décembre 1988
MALATERRE .N «Emancipation de la titrisation
française », Banque magazine, N° 668 Avril 2005, Pages
30 à 31
RAIBOURG .P « Les agences de rating »
Economica, Paris 1990, 199 Pages
TARNAUD. N, « Guide des prêts
immobiliers », seuil, 1999
Mots clés traduits en anglais
Titrisation : Securitization, Mortgage :
Hypothèque, Trust : Fonds commun, Notation : Rating
Residential Mortgage Backed Securities (RMBS): Titres
adossés à des prêts hypothécaires
résidentiels
Nombre de pages 27, Nombre d'annexes 0
* 1 La
réglementation Q se traduit par un plafonnement sur les
dépôts et les taux d'intérêt pratiqués par
les banques ,les taux sont de 6,25 % pour les dépôts de
30 à 59 jours et de 7,5% pour les dépôts à plus d'un
an .
* 2 Les retraits massifs sont
dus à la faillite d'un grand nombre estimé à un tiers des
banques américaines durant la décennie 1930.
* 3 La
réglementation dite Q qui plafonnait les dépôts
n'était pas de nature à améliorer la situation des
établissements prêteurs alors que les fonds mutuels qui
n'étaient pas soumis à cette réglementation offraient des
taux de marché plus attractifs.
* 4 Le trust est analogue
au Fonds Commun de Créances entrant dans le processus de titrisation en
France, éventuellement Appelé l'entité ad hoc ou
SPV :
Special
Purpose Vehicle
* 5 Les titres de
maturités différentes permettent d'attirer un éventail
élargi d'investisseurs en fonction de leur capacité de
financement ; la maturité des titres est généralement
de quatre ans.
* 6 Le ratio Cooke issu du
premier accord de Bale de 1988, est un ratio de solvabilité
internationale centré sur le risque de crédit, il s'exprime de la
manière suivante : Fonds propres Risques de crédit
pondérés > 8%
* 7 Les premiers
initiateurs (cédants) de la titrisation en France sont : La caisse
des dépôts et consignations, Le Crédit Agricole ; Le
Crédit Lyonnais, La Société Générale et le
CETELEM
* 8 Source :
Commission bancaire
* 9 La
préférence pour la titrisation synthétique s'explique
comme déjà rappelé par la possibilité de recourir
aux dérivés de crédit permettant une couverture contre
tous risque de perte.
|