PERRIN Thomas
DESS de Relations interculturelles
Université Paris III - Sorbonne
Nouvelle
LE SUD-OUEST FRANÇAIS DANS L'ESPACE
EUROPÉEN :
VERS UNE COLLABORATION INTERRÉGIONALE
EN MATIÈRE DE RELATIONS CULTURELLES
EXTÉRIEURES ?
Directeur de recherche : M. Moncef BENOTHMAN
Tuteur de recherche : Mme Brigitte REMER
Juin 2001
REMERCIEMENTS
Je remercie Mme Brigitte REMER et M. Moncef BENOTHMAN pour
leur suivi et leur orientation tout au long de la réalisation de ce
mémoire.
Je remercie également M. Richard LAGRANGE, directeur
des Affaires culturelles en Midi-Pyrénées, et M. Guy MANGIN,
expert auprès de la délégation de la Commission
européenne au Royaume du Maroc, pour leurs conseils quant à la
conception et la finalisation de ce travail.
Enfin, ce mémoire n'aurait pu être
numérisé sans l'aide d'Arnaud TAFFIN DE TILQUES, à ce
titre je le remercie chaleureusement.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PARTIE A : LES ENJEUX PARTAGÉS ENTRE LES
COLLECTIVITÉS PUBLIQUES 10
I. La culture en région 11
1. Décentralisation et partage des
compétences 11
2. Rôle de l'Etat en région 13
3. Culture et aménagement du territoire
15
II. L'interrégional : premiers
éléments 17
1. L'action de la DATAR : présentation et
historique 17
2. L'échelle interrégionale dans les
contextes européen et international 19
III. Articulation de
la politique culturelle en région et
des relations internationales 21
1. La dialectique contemporaine entre cosmopolitisme et
localisme 21
2. Cadre des relations internationales des régions
22
3. Enjeux des relations culturelles internationales pour
les régions 24
a. Enjeu "global" et symbolique 24
b. Enjeu économique 25
c. Enjeu politico-identitaire 26
PARTIE B : L'EXEMPLE DES RÉGIONS
FRANÇAISES EN EUROPE DU SUD-OUEST 28
I. Présentation géographique 29
1. Le "Grand Sud-Ouest", espace interrégional
29
2. L'espace communautaire du "Sud-ouest européen"
30
3. L'ouverture extra-européenne du sud-ouest
européen :
Maroc et espace euro-méditerranéen
31
II. Acteurs des relations culturelles
32
1. Partenaires institutionnels extérieurs
32
a. Institutions espagnoles 32
b. Institutions portugaises 34
c. Institutions marocaines 35
d. Institutions internationales 35
2. Institutions françaises 37
a. Le ministère de la Culture et de la Communication 37
b. Le ministère des Affaires étrangères
38
c. Les services culturels régionaux 40
3. La coopération non-gouvernementale :
société civile, associations et réseaux 41
III. Rôle et importance du développement des
relations culturelles
au sud-ouest de l'Europe 45
1. Les liens culturels historiques 45
2. Echanges, dialogue et coopération
49
a. La dimension communautaire 49
b. La dimension extra-européenne et
euro-méditerranéenne 55
c. Le Maroc, pays francophone 60
3. La recherche d'un certain équilibre
64
a. Le rapprochement Espagne-Maroc 64
b. Le sud-ouest européen et son ouverture
méditerranéenne :
une zone de contrepoids à la "banane bleue" ? 67
4. Projet euro-méditerranéen, relations
culturelles et co-développement 71
PARTIE C : MISE EN oeUVRE DE PROJETS 80
I. Pertinence de la collaboration interrégionale
comme modalité de
mise en oeuvre des relations culturelles
extérieures :
les régions du sud-ouest français
81
1. L'idée de "bassin culturel" :
légitimité et limites 81
2. L'interrégional face au local(isme)
86
3. La mise en commun des capitaux respectifs
88
II. Exemples et perspectives de réalisation de
projets 91
1. Exemples de projets 91
a. La coopération transfrontalière vue de la DRAC
Midi-Pyrénées 91
b. Action régionale et para-régionale 94
c. AFAA et réseau culturel français à
l'étranger 99
d. Autres projets "régionaux" 104
2. Perspectives de mise en oeuvre 105
III. Nature et fondements des projets : aspects
114
1. Buts 114
2. Nature 116
3. Thèmes 118
CONCLUSION 121
BIBLIOGRAPHIE 125
ANNEXES1(*)
1. Glossaire
2. Cartographie
2.1 Les Grands chantiers de la DATAR, 1990
2.2 Le sud-ouest français : Aquitaine,
Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon
2.3 Le sud-ouest français : échanges internationaux
de marchandises
2.4 La Narbonnaise, province de l'Empire romain
2.5 La région occitane : quelques cartes
2.6 Le sud-ouest de l'Europe : sud-ouest français,
péninsule ibérique et Maroc
2.7 INTERREG III-B Sud-Ouest européen - Zones
éligibles
2.8 INTERREG III-B Sud-ouest européen -
Recoupement avec d'autres espaces de
coopération territoriale
2.9 INTERREG III-B Méditerranée occidentale - Zones
éligibles
2.10 INTERREG III-B Façade atlantique - Zones
éligibles
3. Coopération culturelle transfrontalière
à la DRAC Midi-Pyrénées
3.1 Synthèse de l'étude réalisée en
1994
3.2 Bilan des projets (juillet 2000)
3.3 Présentation de deux projets phares, autres projets
3.4 Proposition de budget pour le Réseau des musées
pyrénéens
3.5 Guide des musées pyrénéens : cahier des
charges prévisionnel
4. Affaires culturelles européennes et
internationales en Midi-Pyrénées
4.1 Fonds structurels et Culture en
Midi-Pyrénées
4.2 DRAC Midi-Pyrénées ; relations internationales
:
- bilan d'activité et budget 1999
- budget 2000
5. L'Itinéraire de l'Héritage al-Andalousi
: présentation
6. Contrat de Plan Etat-Région, DOCUP et INTERREG
III-A
6.1 Contrat de plan Etat-Région
Midi-Pyrénées :
- Axe 7 Culture - extraits
- Convention interrégionale du Massif des
Pyrénées - axe 4 :actions transfrontalières
6.2 Correspondances INTERREG III-A - DOCUP - Contrat de Plan
Etat-Région Midi-Pyrénées
7. Tableaux des flux de biens et de personnes au
sud-ouest de l'Europe
Introduction
"C'est Jean Monnet qui là nous ouvre le chemin :
"Amener l'esprit des hommes vers le point où leurs intérêts
convergent. Ce point existe toujours, il suffit de se fatiguer pour le
trouver". Si l'approche géoculturelle a un sens, c'est bien dans la
mesure où elle permet de discerner ce point d'horizon convergent."
(Fabre, 1993, 153).
L'étude des relations culturelles extérieures du
sud-ouest français relève à la fois du champ des affaires
culturelles- gestion, administration et politique culturelles, mise en oeuvre
de projets - et de celui des relations internationales - notamment à
travers la diplomatie culturelle -, et permet d'aborder, eu égard
à la situation géopolitique du sud-ouest français en
France et en Europe, plusieurs questions relatives à l'évolution
contemporaine de ces champs.
En effet, à ces deux champs d'étude
répond une dialectique, inhérente au sujet de ce mémoire,
entre le "régional" et "l'international", en partie illustrée par
les interactions entre décentralisation et mondialisation.
Un des effets marquants de la mondialisation est la
construction de grandes régions multinationales et de grands pôles
régionaux économiques et culturels - Union européenne,
Accord de libre échange nord américain (ALENA), Association des
nations de l'Asie du sud-est (ASEAN), Marché commun du cône sud
(MERCOSUR), etc.
En même temps que la formation de ces grands ensembles
qui tendent, par le biais du libre échange, vers une
homogénéisation des diverses cultures qui les composent, le
développement des technologies de communication et d'information,
notamment dans le domaine de l'audiovisuel satellitaire et dans celui des
réseaux électroniques comme Internet, permet à la plupart
des cultures d'acquérir rapidement une visibilité à
l'échelle mondiale et se présente comme un moyen d'encourager les
échanges et le dialogue interculturels.
Mais cette démultiplication des possibilités de
rencontres et de partage des cultures est limitée par les
possibilités inégales d'accès et de contrôle des
réseaux de communication et d'information mondiaux. C'est ainsi que
l'exploitation à outrance de ces réseaux peut permettre à
certaines cultures d'inonder le monde de
"modèles de conceptions et d'actes qui ont une
provenance, une langue, des techniques, et dont le rayonnement correspond
à des intérêts qui ne sont pas toujours - loin s'en faut -
ceux du continent européen. L'extension de l'uniformisation des
attitudes et des références entraîne l'émergence
d'une conception planétaire dont les conséquences sont
directement sensibles dans les relations culturelles internationales
contemporaines" (Raymond, 2000, 9).
Ainsi certaines cultures, par manque de moyens
économiques et technologiques, sont menacées de
déculturation voire d'absorption - de "digestion", pour reprendre
l'expression de Hanna Arendt - par les dérives de la mondialisation.
Parallèlement à ce phénomène de
"mise en réseau" globale, la décentralisation est à
l'oeuvre dans de nombreux pays, par laquelle les Etats accordent de plus en
plus de pouvoir aux gouvernements territoriaux, dans le but de favoriser une
démocratie de proximité qui soit en phase avec les aspirations
des sociétés civiles.
De cette façon des Régions - au sens restrictif
du terme, c'est-à-dire une entité territoriale
infra-étatique - sont amenées à conduire une politique
culturelle propre à leur territoire et à développer leurs
relations internationales, notamment en conduisant des coopérations
décentralisées avec leurs homologues à l'étranger,
dans divers domaines d'activité, dont l'activité culturelle, en
vue de développer des échanges, de promouvoir des savoir-faire et
de manifester des solidarités.
A l'opposé de la déculturation, les
dérives que la régionalisation culturelle à outrance peut
engendrer sont de l'ordre du communautarisme fragmentaire, du repli autarcique,
de "l'aveugle exaltation de leur identité culturelle par des
communautés et minorités repliées sur leur
spécificités culturelles, le plus souvent linguistiques,
religieuses ou ethniques" (id., 2000, 10).
Il s'agit alors, pour préserver la richesse culturelle
et l'équilibre mondiaux, de trouver un compromis entre la sauvegarde des
expressions culturelles particulières, le rassemblement
géoculturel lié à une destinée commune et à
des échanges établis au cours de l'histoire, et l'accroissement
des potentialités d'un dialogue culturel à l'échelle
planétaire.
Dans un tel contexte, alors que les Régions sont de
plus en plus autonomes tout en étant impliquées dans le "dialogue
global", comment, et dans quel but, peuvent-elles développer leurs
relations culturelles extérieures ?
Le sud-ouest français, appréhendé comme
une entité géopolitique et culturelle rassemblant des
régions d'une pays membre de l'Union européenne, se
présente comme un terrain d'étude pertinent des questions
évoquées ci-dessus, étude dont ce mémoire s'attache
à rendre compte, sans prétendre à
l'exhaustivité.
La notion de "relations culturelles extérieures",
entendue au sens des relations nouées par certains acteurs avec des
partenaires étrangers à travers le monde, principalement sous
forme d'échanges et de coopérations, renvoie en priorité
dans ce mémoire aux domaines artistique et littéraire, aborde
certains autres aspects relevant de l'action culturelle extérieure, tels
que l'action éducative, linguistique et audiovisuelle, mais ne prend pas
en compte les aspects scientifique et technique des relations culturelles
internationales.
Le choix du sujet de ce mémoire et les
différents thèmes abordés sont directement liés
à l'expérience pré-professionnelle que j'ai pu
acquérir au cours de mon Diplôme d'études
supérieures spécialisées de Relations interculturelles.
Lors d'une période de vacation à la direction
régionale des Affaires culturelles en Midi-Pyrénées de mai
à juillet 2000, consacrée à la relance des projets de
coopération culturelle entre les régions
pyrénéennes françaises et la péninsule
ibérique, j'ai pu constater l'importance de développer des
relations culturelles entre pays voisins, dans la perspective d'une
participation commune à l'Union européenne, relations
favorisées par une proximité géographique et, dans une
certaine mesure, culturelle. D'un point de vue pragmatique, les
solidarités interrégionales à l'échelle du
sud-ouest français sont apparues tout autant nécessaires à
la bonne marche des projets que les solidarités internationales à
l'échelle franco-hispano-portugaise. Cette mission m'a également
permis de repérer les différents acteurs les plus susceptibles
d'oeuvrer au développement des relations culturelles. J'ai pu ainsi me
constituer une vue d'ensemble, du fond et de la forme, de l'actualité et
du devenir, des relations culturelles extérieures du sud-ouest
français en fonction de sa situation au sud-ouest de l'Europe.
A la suite de cela, un stage au Service de la programmation de
l'Institut français de Rabat au Maroc, de septembre 2000 à
février 2001, s'est révélé être une
expérience in situ de l'action culturelle extérieure de
la France. En me permettant d'élargir l'optique des relations
culturelles à un cadre extra-européen, ce stage a
été l'occasion d'illustrer, de manière pratique, la
notion de coopération culturelle Nord-Sud en lien avec des politiques de
co-développement. Par sa situation géopolitique à la
périphérie de l'Europe du sud-ouest, le Maroc est apparu comme le
lieu de convergence et d'ouverture nécessaire aux relations culturelles
entre le sud-ouest français et la péninsule ibérique,
comme un partenaire donnant de la cohérence, par sa proximité,
aux relations culturelles extérieures du sud-ouest français, et
les enrichissant, par sa différence.
Cette expérience pré-professionnelle, ainsi que
l'élaboration de ce mémoire, ont donc été des
exercices aux apports significatifs, qui m'ont permis de développer des
compétences et d'approfondir des connaissances relatives à mon
projet professionnel, et m'ont ainsi confirmé dans le souhait de me
professionnaliser dans le secteurs des affaires culturelles internationales.
Du "régional" à "l'international", les relations
culturelles extérieures du sud-ouest français concernent trois
niveaux, que l'on peut présenter comme suit :
§ Le niveau national
Il renvoie aux compétences et au rôle des Etats.
Ceux-ci voient aujourd'hui leur souveraineté remise en cause,
concurrencée par les organisations multilatérales et
intergouvernementales auxquelles ils prennent part - telles que l'Union
européenne pour la France - , par des firmes multinationales - dans le
domaine des industries culturelles par exemple - dont les décisions,
favorisées par l'existence de réseaux planétaires,
ignorent aisément les politiques nationales, enfin par la montée
en puissance des pouvoirs régionaux, notamment en Europe.
Malgré cela les relations internationales restent
principalement du ressort du pouvoir central, et ceci est
particulièrement vrai pour la France, pays de l'interventionnisme
étatique par excellence, aussi bien d'ailleurs en matière
d'Affaires étrangères, qu'en matière de politique et
d'action culturelles, à l'intérieur et à
l'extérieur du territoire national.
"L'action culturelle extérieure [de la France] est une
partie de la politique étrangère du pays dont la conduite
relève des attributions régaliennes de l'Etat" (Raymond, 2000,
7).
§ Le niveau sub-national
On peut considérer qu'il renvoie d'une part aux
collectivités décentralisées, en l'occurrence les
Régions, de plus en plus aptes et décidées à mener
une action dans le domaine culturel et à développer des relations
internationales, s'imposant chaque jour davantage comme les maîtres
d'oeuvre de leurs relations culturelles extérieures. D'autre part on
peut inclure à ce niveau les organisations non-gouvernementales,
émanations et porte-parole de la société civile, dont la
participation est indispensable au développement des projets culturels.
C'est ainsi que le terme de "coopération décentralisée",
pris au sens extensif, renvoie, outre la coopération entre
collectivités, à la coopération entre "toutes les
organisations et personnes morales qui ne relèvent pas directement du
gouvernement, qu'elles soient publiques ou privées" (Bekkouche, 2000,
56).
On retrouve donc au niveau sub-national les nouveaux acteurs
et protagonistes du développement culturel, collectivités
territoriales et société civile, dont l'émergence a
été constaté par Maté Kovàcs dans son
rapport Les politiques culturelles dans un monde en changement,
réalisé dans le cadre de la décennie de la Commission
mondiale de la Culture et du Développement organisée par
l'UNESCO2(*).
§ Le niveau supra-national
Il renvoie aux instances et politiques de l'Union
européenne, qui, avec la prise en compte de la culture comme
catégorie d'intervention communautaire, s'engage, par le biais de ses
programmes, à encourager la coopération culturelle, et
développe en son nom des réalisations culturelles et des cadres
juridiques et techniques spécifiques.
On trouve au niveau supra-national d'autres organisations
internationales appelées à jouer un rôle important dans les
affaires culturelles internationales, telles que l'UNESCO et le Conseil de
l'Europe.
Par extension "culturelle", le niveau supra-national renvoie
au caractère multiculturel des sociétés contemporaines, en
particulier les sociétés occidentales, et notamment la France. Ce
visage multiculturel tire son origine d'immigrations de populations
extérieures - d'où sa dimension supra-nationale -, le plus
souvent des pays du Sud en direction des pays du Nord, et vient renforcer la
dimension interculturelle des relations extérieures du sud-ouest
français.
L'articulation entre ces trois niveaux est une condition
essentielle au développement des relations culturelles
extérieures du sud-ouest français, tant sur le plan pratique que
théorique.
C'est donc en quelque sorte le "thème conducteur" qui
sous-tend les différentes parties de ce mémoire et
fédère les différents sous-thèmes qui y sont
développés.
Tout d'abord la présentation de la
décentralisation et du partage des compétences culturelles en
France donne une idée du rôle que, conjointement, l'Etat et la
Région sont amenés à jouer. Il apparaît que, d'une
part l'Etat conserve une importante marge de manoeuvre en matière de
politique culturelle en région, notamment par le biais des directions
régionales des Affaires culturelles (DRAC), et ce malgré le
rôle croissant joué par les régions, d'autre part que
l'exercice des affaires culturelles en région est fortement lié
aux problématiques de l'aménagement du territoire.
La notion de collaboration interrégionale,
présentée à travers l'action de la
délégation à l'Aménagement du territoire et
à l'Action régionale (DATAR), amène à
considérer la place des régions françaises en Europe et
dans le monde ainsi que leurs relations internationales.
Le domaine particulier des relations culturelles
extérieures des Régions est présenté ensuite
à travers son contexte actuel, d'une part son inscription dans la
dialectique suscitée, d'autre part son cadre géopolitique - entre
le régional-interrégional, la France, l'Union européenne ;
entre le Nord et le Sud - et juridique - la coopération
décentralisée. Ensuite sont abordés les principaux enjeux
des relations culturelles extérieures pour les régions, d'un
point de vue global et symbolique, économique, politique et identitaire.
Compte-tenu de leur situation dans l'espace européen,
les régions du sud-ouest français, comprises au sens des trois
régions pyrénéennes, ont pour partenaires
privilégiés potentiels de leurs relations extérieures la
péninsule ibérique et le Maroc, formant ainsi un sous-ensemble
régional cohérent au sud-ouest de l'Europe, ouvert sur
l'intérieur - l'isthme sud-européen - comme sur
l'extérieur - la zone euro-méditerranéenne - de l'Union
européenne.
Après avoir passé en revue les différents
acteurs susceptibles de mettre en oeuvre et de structurer les relations
culturelles au sud-ouest de l'Europe, une analyse de différents facteurs
permet de souligner l'importance de développer ces relations et
d'aborder plusieurs thèmes clés relatifs aux relations
culturelles internationales. Tout d'abord, les liens historiques qui, depuis
l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine, ont mis en
contact étroit les populations de cette zone. Ensuite l'importance des
échanges est soulignée, depuis les opportunités offertes
par la construction européenne et la francophonie, ainsi que leurs
limites, jusqu'à la nécessité d'instaurer un dialogue
interculturel et de privilégier la dimension sociale des relations
culturelles, à l'extérieur comme à l'intérieur des
sociétés concernées. A la suite de cela, une analyse
géostratégique fait apparaître que le sud-ouest
français a tout intérêt à se positionner dans la
zone méditerranéenne, par le biais de ses relations culturelles,
dans le but de participer activement au rapprochement entre l'Espagne et le
Maroc. Dans le même ordre d'idée le renforcement de sa
cohésion socio-culturelle peut permettre au sud-ouest de l'Europe de se
démarquer par rapport au centre économique et financier de
l'Europe - zone désignée sous le terme de "banane bleue" - par la
mise en avant de sa richesse culturelle, source de créativité, et
par là-même d'accroître sa compétitivité sur
la scène européenne et par extension, mondiale. Cette conjecture
suppose que le capital culturel soit considérée, au même
titre que le capital économique, comme source de développement. A
ce propos, la Déclaration de Barcelone, acte fondateur du partenariat
euro-méditerranéen, fait de son volet culturel, social et humain,
un des axes de développement du partenariat. Ainsi les relations
culturelles avec le Maroc entrent dans le cadre de ce partenariat, et à
ce titre amènent à considérer les interactions entre
relations culturelles et co-développement, ainsi que les questions
relevant des relations culturelles Nord-Sud, afin d'en définir la
meilleure mise en oeuvre possible, malgré les critiques dont le projet
euro-méditerranéen peut faire l'objet.
Enfin, les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe sont
mises en perspective. Après une présentation des
opportunités de mise en oeuvre offertes par la collaboration
interrégionale, des exemples de projets en cours ou en dessein, selon
les différents acteurs, sont passés en revue. Une
évaluation partielle de ces projets souligne la nécessité
de structurer le développement des relations culturelles par des
partenariats à la fois inter-institutionnels et entre les institutions
et la société civile, à l'échelle
interrégionale et internationale. Malgré les obstacles à
la constitution de ces partenariats, il est possible de réfléchir
à certains types de projets à promouvoir afin d'axer le
développement des relations culturelles sur des thèmes
particuliers, qui en garantissent le bien-fondé et la
pérennité.
Ainsi, l'étude des relations culturelles
extérieures du sud-ouest français permet de repenser d'une part
la place du sud-ouest français dans l'espace européen,
méditerranéen et par extension, mondial, selon les
évolutions géostratégiques actuelles, d'autre part le
rôle de la culture dans l'épanouissement des relations
internationales et leur inscription dans le long terme.
"Dorénavant, de nouvelles conditions précisent
le champ d'exercice des relations culturelles internationales, en même
temps qu'elles l'ouvrent à des modalités inédites : la
réduction des prérogatives ou du monopole des décisions et
des financements des Etats, l'ambition des collectivités locales de se
doter d'une politique internationale, celle des "régions culturelles"
dessinées par l'histoire de valoriser leur patrimoine commun[...]"
(Raymond, 2000, 25).
Qu'en est-il au sud-ouest de l'Europe ?
PARTIE A
LES ENJEUX PARTAGÉS
ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES
I. La culture en région
1. DÉCENTRALISATION ET PARTAGE DES
COMPÉTENCES
Les lois de décentralisation issues de la loi cadre du
2 mars 1982 définissant les compétences territoriales ont permis
à la région de devenir une collectivité territoriale
à part entière. Elle dispose d'une assemblée
régionale élue au suffrage universel direct et d'une organisation
administrative autonome, apte à disposer de ressources fiscales
régionales et à réaliser des dépenses de
fonctionnement et non plus seulement d'investissement. Ces lois ont
également reconnu aux communes, aux départements et aux
régions la compétence de concourir avec l'Etat au
développement culturel local et régional.
Dans le domaine culturel, la réalité des
transferts de compétence reste cependant limitée par de
nombreuses contraintes intervenant entre l'ensemble des collectivités
publiques. Elle se manifeste par des mesures purement incitatives dans certains
cas ou par des mesures limitées de gestion, telles que la
responsabilité des collectivités locales pour leurs archives,
leurs musées et leurs établissements d'enseignement artistique.
Bien que les ressources des régions aient été
déplafonnées et soient en forte hausse depuis 1987, les conseils
régionaux ne consacrent à la culture, en moyenne, que 2,5% de
leurs dépenses globales. Cette faiblesse des moyens conduit souvent
à préférer une gestion déléguée des
politiques culturelles régionales par l'intermédiaire
d'associations généralistes et spécialisées.
Néanmoins cette attitude moins interventionniste de gestion entre
également dans le cadre d'une modernisation de l'action des
collectivités publiques, que seule l'évolution du statut des
administrations culturelles régionales confirmera.
Bien que l'on ne dispose que d'un faible recul temporel pour
l'analyse de l'action culturelle régionale depuis la première
élection de l'assemblée régionale en 1986, de nombreuses
études sur le sujet ont été menées ; elles
tendent à un double constat :
- Des limites d'action et d'efficience vite atteintes :
La culture, tout en constituant un nouveau domaine
d'intervention qui s'est développé et professionnalisé de
façon importante, ne constitue pas pour les régions un secteur
prioritaire d'action ; les intérêts de celles-ci pour
l'action culturelle sont fortement contrastés. On a pu parler de
"foisonnement reconnu désordonné et inégalitaire"
(Thuriot, 1999, 33).
- La contractualisation comme mode de coopération entre
collectivités :
L'action culturelle régionale a été
menée principalement, depuis ses débuts, sous l'impulsion et la
tutelle de l'Etat, aussi bien avec les Conventions de développement
culturel des années 80, ayant pour objectif d'encadrer les
premières pas vers la décentralisation culturelle, qu'avec le
dernier Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006 : d'une part l'absence
d'une compétence d'attribution explicite - la culture a
été définie pour les régions comme un champ
d'intervention destiné à accompagner ses compétences
clés de l'action économique et de l'aménagement du
territoire - et l'absence de clarification des responsabilités entre les
diverses collectivités publiques ont favorisé la pratique de la
contractualisation et de la "co-production" Etat-Région ; d'autre
part le ministère de la Culture et de la Communication s'est beaucoup
appuyé sur ses échelons déconcentrés depuis 1977,
les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
2. RÔLE DE L'ETAT EN RÉGION
En considérant les situations successives des vingt
dernières années, brièvement résumées
ci-dessus, force est d'observer que l'Etat garde un rôle
prééminent dans le domaine culturel en France . On peut
penser au discours de Robert Pesce à l'Assemblée nationale le 24
juin 1984 quand il dénonça, en cas de trop large transfert de
compétences de l'Etat vers les collectivités, le risque
"d'atomisation de la politique culturelle nationale, donc son effondrement"
(Moulinier, 1995, 166). Ce qui l'amenait à conclure : "Il est
indispensable d'avoir une politique nationale pour faire face à l'enjeu
des multinationales" (id.), réflexion d'actualité à
l'heure de la mondialisation.
Dans la logique des compétences
décentralisées, et d'un rapprochement de la décision entre
les citoyens et les élus, l'Etat tente de ne pas exercer ses
prérogatives de manière arbitraire - Guy Saez rappelle que "les
artistes et les autres professionnels de la culture, tout comme les
responsables locaux, ont manifesté leur accord pour que l'Etat continue
de veiller à la qualité des activités culturelles en
France" (Moulinier, 1995, Préface). De plus l'Etat s'applique à
partager les missions comme les charges et préfère
"développer les politiques contractuelles avec les élus, la
déconcentration, la concertation avec les collectivités,
plutôt que d'opérer des transferts massifs de compétences"
(Moulinier, 1995, 164). La réalité persiste à
démontrer que, soit de la part des régions elles-mêmes -
quelquefois très peu motivées -, soit de la part de l'Etat et de
ses services déconcentrés - peu enclins à négocier
leur gestion dans un contexte de politique locale -, la décentralisation
de l'action culturelle entraîne des applications modestes et rarement de
longue haleine.
De cette façon, même si le principe du "partage
puis du transfert des services déconcentrés de l'Etat" (Delcamp,
1994, 161) est celui qui a été retenu pour la
décentralisation française, ce principe est loin de s'appliquer
au domaine culturel. On peut penser à l'article de Patrick Baleynaud en
1991, "La culture, l'oubliée de la décentralisation? " ; Pierre
Moulinier va même jusqu'à demander "La décentralisation,
une idée dépassée ? " (Moulinier, 1995, 226-231).
Ainsi, le rapport sur la décentralisation culturelle
commandé par Jack Lang à René Rizzardo a donné lieu
à des propositions qui "ont fait jusqu'à présent long feu
et n'ont guère suscité autre chose que des discussions sans
lendemain" (id., 237). Des responsables du ministère de la Culture
estiment que même si l'échelon régional "est sans doute le
mieux à même d'exercer plus de fonctions culturelles, [...] sa
vocation à la mission plutôt qu'à la gestion, la faiblesse
de ses ressources financières autant que la difficulté qu'il a
à se dessiner un profil culturel n'incitent pas à lui confier des
responsabilités accrues" (id., 236). Quant au secrétariat d'Etat
au Patrimoine et à la Décentralisation, créé en
2000, il semble avoir pour mission prioritaire de conforter la logique de la
déconcentration - plus que celle de la décentralisation -
renforcée depuis déjà plusieurs années - notamment,
redéploiement des moyens financiers et humains de l'échelon
central vers les DRAC.
Les DRAC continuent donc de fonctionner comme les structures
les plus appropriées à prendre en compte et à concilier
les objectifs nationaux avec les contextes régionaux, à articuler
les compétences verticales - de l'Etat...- et les approches
territoriales -...vers les régions et les autres collectivités
territoriales. Cette situation a amené à définir les DRAC
comme les "ensembliers de la politique culturelle" (Saez, in
Moulinier, 1995, Préface) capables d'organiser une "mise en
cohérence" (Allier, Négrier et alii, 1994, 80-83) du partenariat
Etat/Région qui puisse harmoniser les compétences respectives.
Il est à noter que cette politique contractuelle est
nécessaire aussi bien à l'Etat - dont les moyens financiers ne
sont plus en expansion - qu'aux Régions - dont la jeunesse
institutionnelle appelle un besoin de reconnaissance et de professionnalisation
: "l'Etat ne peut guère se passer de l'appui des collectivités
territoriales, tandis que ces dernières ne peuvent se passer de l'Etat
qui valorise leur effort culturel" (Moulinier, 1995, 228).
Par ailleurs, la coopération entre collectivités
publiques renvoie à un enjeu de territorialisation des politiques
culturelles et d'aménagement culturel du territoire, d'autant plus que
le ministère de la Culture est présent à l'échelon
régional, "niveau territorial de l'aménagement et de la
planification" (Thuriot, 1999, 34; cf. article 59, alinéa 3, de la loi
de décentralisation du 2 mars 1982).
3. CULTURE ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
"Déconcentration et décentralisation
entraînent une territorialisation de l'action culturelle" (Perret &
Saez, 1996, 41).
Depuis la décentralisation artistique de
l'après-guerre jusqu'à la récente implication des DRAC
dans des projets territoriaux, en lien avec les "lois Voynet" sur
l'aménagement et le développement durable du territoire et les
"lois Chevènement" sur le renforcement et la simplification de la
coopération intercommunale, l'aménagement du territoire a
été intégré par l'Etat dans ses politiques
culturelles successives.
Plus qu'une simple action d'investissements structurels, les
équipements culturels contribuent directement à
l'aménagement du territoire par une irrigation locale de la culture sous
toutes ses formes, soit pour répartir de manière
équilibrée une culture reconnue à l'échelon
national, soit pour mettre davantage en valeur les potentialités et les
richesses inscrites sur un territoire donné. Cela renvoie aux diverses
formes observables de démocratisation culturelle, celle-ci constituant
un des deux axes principaux (et parfois contradictoires) de l'action du
ministère de la Culture, l'autre axe étant la création et
"l'excellence" artistiques : "La démocratisation et le soutien
à la vie artistique sont deux missions différentes" (Urfalino in
Actes du colloque [...], 1996, 92). Ainsi, le lien de cause à effet
entre aménagement culturel du territoire et développement
culturel de la nation sous-tend le rapport réalisé sur ce sujet
par Bernard Latarjet en 1992, à la demande de M. Jack Lang et de M.
Jacques Chérèque, occupant alors les fonctions de,
respectivement, ministre de la Culture et ministre de l'Aménagement du
territoire.
Ce rapport rappelle à juste titre l'importance
respective et l'interdépendance des services régionaux
décentralisés et déconcentrés, dont les missions
tendent aujourd'hui à être mieux identifiées et mieux
coordonnées. Si la région est "l'échelon essentiel[...]de
conception et de mise en oeuvre de [la politique d'aménagement culturel
du territoire]", les DRAC s'imposent comme les "pivots" de cette politique,
(Latarjet, 1992, 75).
Alors que d'une part "il faut accroître l'effort de
déconcentration " (id. 23), d'autre part la décentralisation
n'est qu'à "envisager, après concertation", (id. 24). Conclusion
paradoxale tirée de l'étude du terrain (du territorial) ou effet
de la commande d'Etat?
Quoiqu'il en soit l'Etat garde, en matière de politique
culturelle, une présence déterminante dans les régions
françaises, présence renforcée par le fait que "la
politique d'aménagement du territoire est initiée par l'Etat,
garant de l'unité du territoire" (Thuriot, 1999, 33).
Le rôle et le poids de l'Etat sur la culture en face des
collectivités territoriales, et ce malgré la reconnaissance du
"rôle de chef de file de la région, compte tenu des ses
compétences[...]en matière[...]d'aménagement du
territoire" (id. 37), trouvent une légitimation supplémentaire
dans les missions attribuées par l'Etat à la
Délégation à l'aménagement du territoire et
à l'action régionale (DATAR), notamment à travers la
prospective interrégionale.
II. L'interrégional : premiers
éléments
1. L'ACTION DE LA DATAR : PRÉSENTATION ET
HISTORIQUE
De tout temps la DATAR a travaillé sur de nombreux
projets au niveau interrégional, en s'imposant de déterminer
divers territoires significatifs : commissariats de massif (tels que le
commissariat à l'aménagement des Pyrénées),
politique du littoral, de l'environnement et de l'eau (avec la création
des Agences interrégionales de bassins).
En 1970 le rapport de la commission nationale
d'aménagement du territoire préparatoire au VIème
plan, retient huit grands ensembles régionaux, qui annoncent la
création de huit zones d'équipement et d'aménagement du
territoire (ZEAT) en 1975 et sur lesquels les actuels centres d'études
techniques de l'environnement (CETE) sont calqués.
"Si, dans les textes issus des [lois de
décentralisation], des interventions conjointes des collectivités
sont prévues, c'est que le besoin de regroupement territoriaux se
faisait sentir" (Leclerc et alii, 1996, 19). Le 24 mars 1990, François
Mitterrand déclare "ce qui peut ne pas sembler satisfaisant dans la
décentralisation, c'est peut-être le nombre excessif et la
spécificité peut-être insuffisante des régions
françaises" et avance l'idée d'une "dizaine de grandes
entités régionales, évitant toute concurrence entre la
région et le département" (id., 45). A l'issue du Comité
interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 5 novembre
1990, sept "Grands Chantiers d'animation interrégionale de prospective"
sont mis en oeuvre 3(*), qui
"abordent une phase nouvelle de l'aménagement du territoire, plus
horizontale".
(id. 47, cf.Annexe 2.1).
Cette campagne de quatre années a, entre autres choses,
permis de "mettre en évidence le besoin au niveau des régions
d'un lieu de réflexion stratégique, sans enjeu de pouvoir" (id.,
51). Quelques actions, ponctuelles certes, ont été
engagées, comme par exemple une mission culturelle menée par M.
Jack Riou dans le "Grand Est"4(*).
A la suite du recensement de 1999, la vision de six grands
ensembles de peuplement s'impose à la DATAR : le Grand Delta, l'Ouest
Atlantique, le Val de Garonne, le Grand Est, le Bassin Parisien, le Nord.
Parallèlement trois Missions interministérielles et
interrégionales d'aménagement du territoire (MIIAT) sont mises en
place pour le Sud-Est, le Sud-Ouest et le Bassin Parisien, afin de
"décloisonner les administrations déconcentrées et
anticiper des évolutions et des projets de grande envergure" (Guigou,
1999, 4). Selon la commande qui lui a été faite par le
gouvernement lors du CIADT du 15 décembre 1997, la DATAR continue sa
mission d'anticipation à longue échéance des
évolutions économiques et d'infrastructures par
l'élaboration d'un document de prospective -Aménager le
France de 2020 - et prépare, avec l'aide des MIIAT, un document de
planification territoriale à long terme, synthèse des
Schémas de services collectifs (dont les Schémas de services
collectifs culturels), schémas définis comme "le point de
rencontre entre une offre de services de l'Etat et une demande
interrégionale" (DATAR, 1999).
Comme on le voit par ces rappels, la dimension
interrégionale de l'aménagement sous-tend fondamentalement les
options de missions et d'études de la DATAR. La perspective ne concerne
pas que le devenir du polygone national, Au-delà des enjeux nationaux
nécessairement limités dans le cadre d'échanges plus
larges, européens en particulier, c'est avant tout le contexte
international qui légitime cette dynamique de recomposition
territoriale :
"Il conviendrait à la fois de revoir le nombre et les
compétences même des régions, de les rendre plus
compétitives dans l'Europe", (Lionel JOSPIN, assemblée nationale
[...]) [...] l'émergence des fonctions européennes d'un certain
nombre de métropoles françaises pousse à
l'interrégionalité" (Leclerc et alii, 1996, 22-23, 26).
2. L'ÉCHELLE INTERRÉGIONALE DANS LES
CONTEXTES
EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
"La région est bien le maillon faible de nos
institutions territoriales et pourtant toutes les évolutions en cours,
au niveau national comme européen, poussent non pas à sa
disparition, mais bien au contraire à son dépassement. Aller
au-delà des régions françaises actuelles, c'est non
seulement et vraisemblablement grossir en taille, en superficie, mais c'est
augmenter ses compétences et ses moyens à la hauteur des enjeux
européens" (Leclerc et alii, 1996, 31).
L'Europe joue donc un rôle prépondérant
dans la montée de l'interrégionalité, d'une part en
incitant les régions à regrouper leurs forces - création
de lobbies institutionnels tels que l'Association des régions
périphériques d'Europe, l'Association des villes et
régions de la grande Europe pour la culture -, d'autre part en
instaurant, à travers les mécanismes d'appels aux fonds
structurels, un dialogue direct entre la Commission à Bruxelles et les
régions - création du Comité des régions d'Europe -
et en suscitant la création d'entités interrégionales -
programme INTERREG.
"Le schéma de développement de l'espace
communautaire (SDEC) fait du polycentrisme un principe et un objectif. Ainsi
sont encouragées des coopérations interrégionales
transnationales qui renforcent des "plaques tectoniques" (Cl. Lacour) ou des
petites Europe" (Guigou, 1999, 5). Et ce processus au niveau européen
doit évidemment être accompagné par la "recomposition
interrégionale de chaque nation" (id.).
Au-delà du contexte européen cette
évolution territoriale répond à la multiplication des
échanges à l'échelle planétaire afin de garantir
aux régions un développement durable en phase avec le contexte
géopolitique mondial. L'aménagement culturel du territoire et la
territorialisation des politiques culturelles sont liés à ces
problématiques. "C'est de plus en plus à l'échelon des
régions que doit se concevoir et s'organiser l'effort de
compétitivité et de coopération [culturelle]
internationale" (Latarjet, 1992, 21), et l'on retrouve les "projets de
coopération culturelle avec d'autres régions d'Europe et de
l'étranger" parmi les "stratégies culturelles régionales"
(id., 59-60).
Les relations culturelles extérieures des
régions françaises apparaissent dans ces conditions comme le
prolongement naturel d'un terrain d'étude privilégié de
leur propre situation en Europe et dans le monde et peuvent susciter plusieurs
questions relatives à leurs enjeux, leurs possibilités et
modalités de développement.
III. Articulation de la politique culturelle en
région
et des relations internationales
1. LA DIALECTIQUE CONTEMPORAINE
ENTRE COSMOPOLITISME ET LOCALISME
Cette dialectique ne renvoie pas au débat limité
entre jacobins et girondins, entre tenants du pouvoir central et
défenseurs de la décentralisation ; elle intéresse
l'évolution globale des sociétés contemporaines,
particulièrement dans les domaines socio-politique, économique et
technologique ; elle exprime "l'ambivalence de l'entre deux siècles
[...,] dialectique du temps présent qui commute immédiatement des
parties du monde ou de la société toujours plus
interdépendantes mais tendant par ailleurs à s'éloigner
les unes des autres, qui relie et oppose à une échelle
inédite l'un et le multiple, l'homogène et le différent,
l'uni et le séparé" (Saez, 1995, 16). Dans le même ordre
d'idée on pourrait citer aussi Hanna Arendt, quand on se sent pris entre
"attachement" et "arrachement" (Saez, 1995, 140).
Parallèlement à la montée en puissance
des régions en Europe, le développement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication (NTIC) et
l'avènement du libre-échange permettent de lier le local au
global de plus en plus rapidement et facilement. Un peu comme les îles de
la Méditerranée, les régions européennes sont
soumises à cette "tension entre, d'un côté le circonscrit,
le local et le petit et, de l'autre côté, le rayonnement à
longue distance" (Chadziiossif, 1997, 62). C'est ainsi qu'on a pu constater de
manière progressive, en France comme en Europe, un développement
des échanges culturels internationaux fondé explicitement sur
l'affirmation de politiques culturelles locales.
2 CADRE DES RELATIONS INTERNATIONALES DES
RÉGIONS
Le développement des relations culturelles
internationales des régions est dû en grande partie à la
conjoncture de la décentralisation et de l'intégration
européenne. Par exemple le cadre législatif - titre IV de la loi
du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la
république, titre consacré à la coopération
décentralisée - offre la possibilité d'utiliser comme
outils de la coopération décentralisée, outre les
conventions et autres instruments contractuels, deux formules juridiques : la
Société d'économie mixte locale (SEML) et le Groupement
d'intérêt public (GIP). De plus une Commission nationale de la
coopération décentralisée a pour mission de tenir à
jour un état de ces actions et de formuler toute proposition tendant
à les renforcer. Même si l'Etat garde un droit de regard important
sur les relations extérieures des collectivités, lesquelles
s'effectuent dans la limite de leurs compétences et sous réserve
de transmission à la Préfecture qui vérifie qu'elles
soient bien conformes aux engagements internationaux de la France, il doit
pouvoir s'adapter à l'interaction entre son rôle traditionnel en
matière d'affaires étrangères, l'émergence du
niveau d'intervention communautaire et l'accroissement du poids des
régions.
"Les Etats [...], et d'abord la France, dont ce n'était
pas, en matière de relations culturelles internationales, la tradition,
doivent apprendre à trouver leur place dans ces réseaux complexes
d'échanges où le local s'insère [...]. Les nouvelles
logiques, multipolaires, décentrées, doivent pouvoir, et c'est
l'enjeu, croiser les stratégies du service public."
(Alliès, Négrier et alii, 1994, Conclusion)
Les relations culturelles extérieures des
régions françaises se développent selon deux
directions :
- la direction intra-communautaire, encouragée par le
contexte de construction européenne et qui se traduit le plus clairement
par les relations transfrontalières.
- La direction extra-communautaire, qui relève à
la fois de la "coopération décentralisée stricto
sensu, c'est-à-dire avec des partenaires du Sud ou du tiers-monde"
(Moulinier, 1995, 266), et des relations extérieures de l'Union
européenne.
On peut qualifier ces deux directions de
"croisées" : les relations culturelles ne peuvent rentrer dans des
cadres rigides, ce serait leur imposer des limites.
Cette "double ouverture" fait apparaître :
- Le principe d'union (sans jeu de mots) et de rassemblement
qui sous-tend la construction européenne, qu'il s'agisse des relations
entre les pays membres ou de leur solidarité sur la scène
internationale - bien qu'on soit encore loin d'une diplomatie communautaire
opérationnelle5(*).
Peut-être le caractère assez informel des relations culturelles
représente-t-il une chance de précéder des
évolutions qui peinent à s'accomplir.
- Le caractère complexe et multipolaire de ces
relations comprises entre traditionnelles relations bilatérales et
relations extérieures de l'Union européenne, situation qu'il faut
pouvoir appréhender et maîtriser à l'échelle
régionale et interrégionale. D'après un agent
délégué par la Commission européenne au Maroc, il
existe [encore] des obstacles, au sens propre, pour rapprocher les
coopérations bilatérales et la coopération de l'Union
européenne, malgré les déclarations de bonnes intentions
qui ne sont pas forcément récentes : "L'Europe [....], loin de se
substituer aux traditionnelles relations bilatérales de ses Etats
membres, peut donner à celles-ci un élan sans
précédent" (M. Juppé in Maroc-Europe, quel
partenariat? Actes du colloque., 1996, 19), ou encore "les actions
bilatérales et communautaires seront donc complémentaires" (M.
Prat in Maroc-Europe[...], 1996, 104).
Après une présentation du cadre
général des relations culturelles extérieures des
régions, il convient d'aborder les différents enjeux qui leur
sont liés.
3. ENJEUX DES RELATIONS CULTURELLES INTERNATIONALES POUR
LES RÉGIONS
a. Enjeu "global" et symbolique.
Cet enjeu, inhérent aux relations culturelles
internationales, est celui de l'enrichissement mutuel provoqué par la
découverte et la compréhension de la culture de l'Autre, qui
mène à la tolérance et, par extension, à la paix.
"L'art et la culture sont un puissant moyen de rapprochement des peuples"
(Kompaoré in Dialogue culturel Nord-Sud et collectivités
territoriales. Actes., 1992, 49).
Ces idéaux sont notamment défendus par les
organisations intergouvernementales telles que l'UNESCO ou le Conseil de
l'Europe. "L'interpénétration culturelle de nos
sociétés est devenue une dimension fondamentale de la
réalité internationale [...]. Les actions culturelles et
éducatives peuvent constituer un "instrument" extraordinairement
efficace au service d'une Europe [et d'un monde] plus démocratique[s] et
plus [respectueux] des droits de l'homme" (Weber in Saez, 1995, 81).
Au niveau "pragmatique" de ce mémoire cet enjeu
concerne notamment la cohésion des sociétés, le lien
social entre populations membres de l'Union européenne d'une part, entre
populations européennes et communautés ethniques d'autre part,
implique la fonction sociale des politiques culturelles (cf. par exemple
Wieviorka, 1998) et relance le débat entre "tenants de l'excellence
artistique et ceux de l'action populaire" (Latarjet, 1992, 17-20).
Cet enjeu "socioculturel" se retrouve également,
notamment dans le cadre des relations Nord/Sud, dans la dimension culturelle du
développement qui soulève elle-même plusieurs
questions6(*).
"La culture semble être le seul terrain où un
échange équilibré paraît possible (F. d'Almeida)
[...] le dialogue culturel est le meilleur lieu pour un dialogue
égalitaire : toutes les cultures se valent si toutes les
économies ne se valent pas7(*).
b. Enjeu économique
Il se manifeste de deux façons :
- Les retombées économiques de la culture,
confirmées par diverses études et qui sont d'autant plus
importantes que la politique culturelle a une envergure internationale. Cela va
de l'organisation d'événements de portée internationale -
"festivalisation de la culture", (Latarjet, 1992, 16) - aux
bénéfices générés par le tourisme culturel -
mise en valeur d'un patrimoine transfrontalier par exemple.
- Il est admis que la culture est souvent
instrumentalisée au profit d'une stratégie de
développement économique, qu'il s'agisse de trouver des nouveaux
clients à l'étranger ou d'attirer des investisseurs
extérieurs - accompagnement des missions économiques par des
artistes régionaux, volonté de faire de sa région un
pôle culturel et intellectuel international, etc. - ; "stratégies
aux frontières des relations économiques, qui sont celles des
divers opérateurs culturels internationaux" (Négrier in Perret
& Saez, 1996, 124).
A ce propos, les Régions ne peuvent qu'encourager des
relations économiques fructueuses en faisant du dialogue interculturel
un axe privilégié de leurs relations extérieures - on peut
penser à l'émergence du "management interculturel" dans
l'entreprise, à la prise en compte croissante des questions
interculturelles au sein des services des ressources humaines, etc. La
connaissance et le respect mutuels ont toujours aidé à mieux
travailler ensemble.
Quoiqu'il en soit, dans le contexte économique la
culture apparaît comme principalement liée à l'image que la
région souhaite projeter vers l'extérieur.
c. Enjeu politico-identitaire
Les relations culturelles extérieures sont pour les
régions un moyen efficace d'acquérir une visibilité
politique face au pouvoir central comme au sein de l'Union européenne.
Cette approche, essentiellement médiatique (cf. Moulinier, 1995, 265) et
qui n'est pas l'apanage des régions8(*) peut mener à des dérives. La culture ne
serait donc qu'un moyen de se faire voir - et valoir - sur la scène
européenne et internationale pour des régions françaises
en mal d'identité - en raison de recoupements territoriaux parfois
culturellement illogiques et à des transferts de compétences
relativement faibles.
La construction d'une image/identité culturelle,
oscillant entre régionalisme - "identité défensive"
(Latarjet, 25) - et recherche effrénée de la
"contemporanéité" - "identité offensive" (id.) - devient
l'une des passions politiques territoriales tout en ne constituant que l'un des
instruments de l'action internationale des régions.
Par extension cet enjeu peut se mêler à la "crise
du sens" dont sont victimes « nombre de nos contemporains [qui] se
mettent ainsi à la recherche de racines, réflexe ou
démarche qui aurait pour fonction de restabiliser leur rapport au monde
en les inscrivant fortement dans une lignée historique ou spirituelle"
(Saez, 1995, 19).
Face aux conséquences néfastes que peuvent avoir
les rapprochements entre identités et culture dans les relations
internationales9(*), les
"acteurs" de ces relations doivent garder à l'esprit que "l'action
culturelle ne peut se penser comme un simple levier de l'action politique, elle
est à la fois plus et autre chose que cela" (Saez, 1995, 31)10(*).
Ces différents enjeux soulignent l'importance des
relations culturelles internationales pour les régions et montrent bien
qu'une approche spécifique doit présider au développement
de ces relations, au sein de "l'écosystème culturel" actuel
(Weber in Saez, 1995, 82).
"Une place revient à la culture en tant que moyen
d'éveil de la conscience, à la création artistique en tant
qu'interrogation sur le monde, aux politiques culturelles dans la mesure
où elles peuvent ouvrir des voies d'accès "citoyennes" à
la mémoire collective, instaurer des relations apaisées entre les
identités. La culture comme recherche de sens, prenant en
considération Soi et l'Autre en même temps, peut contribuer
à établir une distance salutaire avec Soi, aider au
dépassement des obsessions identitaires, faciliter la reconnaissance de
l'Autre" (Saez, 1995, 27).
PARTIE B
L'EXEMPLE DES RÉGIONS FRANÇAISES
EN EUROPE DU SUD-OUEST
I Présentation géographique
Les régions du sud-ouest français, par leur
situation dans l'espace européen, forment un bon terrain d'étude
des problématiques évoquées en partie
précédente, à savoir la collaboration
interrégionale, les relations culturelles extérieures des
régions dans deux directions croisées, soit entre pays membres de
l'Union européenne, soit entre ces pays et des pays tiers.
1. LE "GRAND SUD-OUEST", ESPACE INTERRÉGIONAL
La MIIAT du Grand Sud-Ouest a pour périmètre
d'étude les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées,
avec, complémentairement, des régions associées comme le
Languedoc-Roussillon, le Limousin et par extension, Poitou-Charentes et
l'Auvergne.
En fonction des thèmes abordées, la formation
des espaces interrégionaux peut cependant varier. Par exemple, dans les
six grands ensembles interrégionaux de peuplement de la France
présentés par la DATAR, les régions du Grand-Sud-Ouest
sont répartis entre le Val de Garonne ("Aquitaine et
Midi-Pyrénées entraînant le Limousin et le Roussillon"), le
Grand Delta ("Rhône-Alpes, PACA et Languedoc-Roussillon entraînant
l'Auvergne"), ou encore l'Ouest-Atlantique ("Pays de la Loire, Bretagne et
Poitou-Charentes"), (Guigou, 1999b, 2).
Il apparaît donc pertinent, concernant les relations
culturelles extérieures du sud-ouest français, de
s'intéresser à l'ensemble interrégional formé par
les deux régions "de base" indissociables, Aquitaine et
Midi-Pyrénées d'une part, le Languedoc-Roussillon d'autre part.
Il est à noter que certaines études publiées sous
l'égide de la DATAR et des Préfectures des trois régions
suscitées travaillent sur le même espace et sous la même
terminologie, comme par exemple Au pied des Pyrénées, trois
régions attractives, Atlas des transports dans le Grand
Sud-Ouest, (cf. cartes en Annexe 2).
Ainsi le sud-ouest français - terme faisant
référence dans ce mémoire aux trois régions
suscitées - est envisagé, en terme de relations culturelles
extérieures, sous l'angle de ses ouvertures pyrénéenne et
méditerranéenne sur l'espace du "Sud-ouest européen" et
par extension, sur l'espace euro-méditerranéen.
2. L'ESPACE COMMUNAUTAIRE DU "SUD-OUEST
EUROPÉEN"
Le sud-ouest français tel qu'envisagé dans ce
mémoire - mais aussi sous sa forme extensive telle que définie
par la DATAR - est inclus dans l'espace de coopération territoriale et
transnationale Sud-ouest européen, un des sous-ensembles
régionaux définis par la Commission européenne, notamment
dans le cadre du Schéma de développement de l'espace
communautaire (SDEC), sous-ensemble dénommé "SUDOE" dans les
documents de travail (cf. cartes en Annexe 2).
Cette configuration géopolitique confirme l'ouverture
intra-europénne du sud-ouest français sur la péninsule
ibérique, Espagne et Portugal, d'autant plus qu'elle correspond aux
analyses stratégiques développées par la DATAR et situant
le sud-ouest français sur l'axe d'un "isthme sud-européen, [...]
élément charnière de la solidarité du sud-ouest
français avec la péninsule ibérique", (Leclerc et alii,
1996, 81-82).
Ainsi le sud-ouest français a pour partenaires
européens privilégiés de ses relations culturelles
extérieures l'Espagne et le Portugal.
3. L'OUVERTURE EXTRA-EUROPÉENNE DU SUD-OUEST
EUROPÉEN :
MAROC ET ESPACE EURO-MÉDITERRANÉEN
Le sud-ouest européen a la particularité
d'être une zone frontalière de l'Union européenne,
notamment une "zone de contact entre les continents européen et
africain" (Commission européenne, Programme opérationnel
INTERREG III-B SUDOE, 2000, 11), le pays le plus proche
étant le Maroc, dont l'extrême nord est situé à
quelques dizaines de kilomètres seulement de l'extrême sud de
l'Espagne.
Le Maroc se présente ainsi comme un prolongement de
"l'isthme sud-européen", lui-même axe majeur de la "diagonale
intérieure allant de l'Europe du Nord à l'Andalousie et dont
Toulouse se trouverait être l'un des principaux centres français"
(Leclerc et alii, 1996, 81).
"Le Maroc se développe comme un prolongement
méridional de la péninsule ibérique, aux liens
renforcés avec l'Europe", (Foucher, 1998, 10-11).
Cette proximité géographique donne au sud-ouest
européen la possibilité de développer des relations
culturelles intenses avec le Maroc, partenaire du projet
euro-méditerranéen et pays du Sud, de culture
non-européenne à triple vocation, africaine, arabo-islamique et
méditerranéenne.
Ainsi le sud-ouest français, en privilégiant,
dans un premier temps, ses ouvertures transpyrénéenne et
méditerranéenne, peut participer au développement des
relations culturelles dans l'espace comprenant le sud-ouest européen et
le Maroc, espace que l'on peut désigner, par commodité, sous le
terme "sud-ouest de l'Europe", pour ne pas dire "sud-ouest
méditerranéen de l'Europe", (cf. carte en Annexe 2).
Avant d'aborder l'importance et le rôle des relations
culturelles au sud-ouest de l'Europe, une brève présentation des
acteurs principaux de ces relations s'impose.
II Acteurs des relations culturelles
Ce chapitre ne prétend pas à
l'exhaustivité mais a pour but de présenter les acteurs les plus
susceptibles de structurer et de mettre en oeuvre les relations culturelles au
sud-ouest de l'Europe.
Les nombreuses structures liées directement ou
indirectement aux institutions - musées, théâtres, centres
d'art, instituts, etc. - sont considérées, à travers
l'action de ces dernières, comme acteurs à part entière
des relations culturelles.
1. PARTENAIRES INSTITUTIONNELS EXTÉRIEURS
a. Institutions espagnoles
§ La constitution espagnole de 1978, reconnaissant la
configuration plurinationale de l'Etat, a établi 17 Communautés
autonomes dont l'autonomie politique est proche de celle d'un Etat
fédéral mais sans structure fédérale formelle. A
l'inverse des régions françaises, les Communautés
autonomes n'ont pas toutes le même statut d'autonomie : on distingue les
Communautés de la « voie lente » vers le statut
d'autonomie - vía lente - et les régions
« historiques » - vía alta - qui ont obtenu
le statut d'autonomie par la constitution espagnole de 1973 - Catalogne, Pays
basque, Andalousie.
Malgré cette situation hétérogène,
tous les statuts d'autonomies des différentes Communautés
autonomes revendiquent la culture comme compétence propre, ce qui les
amène à mettre en oeuvre de véritables politiques
culturelles régionales. Les Communautés autonomes ont chacune
intégré à leur manière les responsabilités
transférées en matière de culture : création
d'un secrétariat spécifique - équivalent d'un
ministère - en Catalogne, Pays basque, Andalousie, etc. ; ou
intégration des compétences culturelles dans un
secrétariat à l'éducation.
Quoiqu'il en soit les Communautés autonomes
apparaissent comme les interlocuteurs naturels des régions
françaises pour les relations culturelles extérieures, d'autant
plus que certaines d'entre elles sont très engagées dans ce
domaine - promotion internationale de la culture catalane par exemple.
§ Du fait du transfert de responsabilités aux
Communautés autonomes, l'administration culturelle centrale de l'Etat
espagnol - secrétariat d'Etat à la Culture depuis 1996 - a une
action beaucoup moins importante que son homologue français, action
« centrée avec excès sur la dotation de ressources et
d'éclat aux grands équipements culturels situés à
Madrid. » (in Pôle Sud, n°10, 1999, 71). Mais le
secrétariat a néanmoins un rôle important à jouer
dans la coopération internationale et reste donc un acteur non
négligeable des relations culturelles internationales. De plus, il est
à noter qu'une des fonctions que la Constitution attribue à
l'Etat est de faciliter, en accord avec les collectivités, la
communication entre les différentes politiques culturelles
territoriales. Cet élément peut se révéler
important dans le cadre de relations culturelles à l'échelle du
sud-ouest de l'Europe, impliquant donc les collectivités et l'Etat
espagnols.
§ La présence culturelle extérieure
espagnole se fait à travers le ministère des Affaires
extérieures et notamment le travail de diffusion culturelle
assuré par les Instituts Cervantès, établissements publics
dotés de l'autonomie financière créés en 1991 et
étroitement associés à l'instrument diplomatique -
Consejerías de Cultura y Cooperación de las Embajadas.
Le réseau culturel espagnol est présent au Maroc, au Portugal et
au sud-ouest français - notamment l'Institut Cervantès de
Toulouse. Depuis l'année 2000 le programme d'activités
culturelles organisé par le réseau au Maroc, un des plus
importants en dehors des pays européens, bénéficie du
soutien du Secrétariat d'Etat espagnol à la culture, ce qui a
permis de développer le programme "en quantité et en
qualité" (cf. Instituto Cervantes de Rabat, notes internes, 1999-2000).
b. Institutions portugaises
§ La période salazariste fut partagée entre
d'un côté l'autoritarisme politique et le minimalisme culturel du
secrétariat national à l'Information et à la Culture
populaire, de l'autre la contribution remarquable de la Fondation Gulbenkian
à la diffusion, la modernisation et l'internationalisation de la culture
au Portugal - notamment par l'ouverture du premier Centre culturel portugais
à Paris, qui demeure un instrument très utile dans les relations
culturelles franco-portugaises.
§ Aujourd'hui, il existe au Portugal un
secrétariat d'Etat à la Culture et son cabinet des Relations
internationales, chargé surtout de préparer les
déplacements et interventions du Ministre dans les organismes
internationaux. Quatre délégations régionales ont
également été créées - au Nord, Centre, en
Algarve et en Alentejo - et sont pour l'instant parmi les seuls interlocuteurs
régionaux envisageables alors que le vote très explicitement
négatif des Portugais a rejeté le projet de création des
huit régions administratives et retardé du même coup la
décentralisation, institutionnelle et politique, des affaires
culturelles.
§ Bien que "les rapports tendus avec le ministère
des Affaires étrangères n'aident pas à la formulation d'un
vraie politique culturelle internationale" et que "l'internationalisation de la
politique culturelle souffre d'un investissement irrégulier et d'une
structuration aléatoire" (in Pôle Sud n°10, 1999,
55), le réseau des Instituts Camões est bien présent au
Maroc, en France et en Espagne et reste un acteur à part entière
malgré ses faibles moyens financiers.
§ Etant donné que "l'accélération
des échanges internationaux [améliorerait] l'efficacité et
les compétences au sein des institutions publiques culturelles" (id.
56), les partenaires portugais sont susceptibles de présenter un
intérêt particulier pour le développement des relations
culturelles au sud-ouest de l'Europe.
c. Institutions marocaines
§ Le ministère marocain de la Culture et de la
Communication, ainsi que celui des Affaires étrangères et de la
Coopération, ont un rôle important à jouer notamment en
collaborant avec les réseaux culturels français, espagnol et
portugais au Maroc. Par exemple ces deux institutions sont chargées de
coordonner l'organisation prochaine d'une saison culturelle marocaine en
Espagne. D'après M. Khachani, membre du comité
Averroès11(*), la
création de Centres culturels marocains à l'étranger -
France, Espagne, etc. -, présentant la création artistique et
culturelle marocaine et proposant des collaborations, serait nécessaire
au bon développement des relations culturelles extérieures
marocaines.
§ Par ailleurs, les collectivités
décentralisées marocaines sont également des acteurs
institutionnels potentiels, alors que le Maroc s'engage sur la voie de la
décentralisation et réfléchit par exemple à
l'autonomisation du Sahara.
"La coopération décentralisée est
tributaire de l'autonomie des collectivités et autorités
territoriales. Elle dépend également de la possibilité
juridique de constituer des associations ou des regroupements de
collectivités territoriales des pays du sud et de l'est de la
Méditerranée. L'exemple de l'Europe occidentale montre bien que
le jumelage et, par la suite, la coopération
décentralisée, se sont développés grâce aux
associations de collectivités territoriales, notamment celles qui ont
pour objet la coopération internationale" (Bekkouche, 2000, 47).
d. Institutions internationales
§ La Commission européenne peut, au travers des
financements et des programmes - Culture 2000, INTERREG, etc. -
soutenir le développement des relations culturelles au sud-ouest de
l'Europe. Ainsi certaines Directions générales - notamment celles
chargées des Relations extérieures et de la Culture - se
présentent comme acteurs "indirects" mais néanmoins importants -
pour information et orientation - qu'il est possible de contacter directement
ou à travers d'une part les représentations nationales
auprès de l'Union européenne, d'autre part les
représentations et délégations de la Commission
européenne dans les pays membres et à l'étranger. De plus,
des "points de contacts culture" sont présents dans les pays de l'Union
et agissent comme des relais en matière d'affaires culturelles
européennes, notamment pour aider les porteurs de projets à
effectuer des demandes de subventions dans le cadre des programmes
communautaires, informer sur les possibilités de coopération
à l'échelle européenne et avec les régions
périphériques, dont la région
méditerranéenne.
A noter également que des points de contact culture
"décentralisés" sont présent dans chaque Communauté
autonome espagnole, et que le Relais-Culture-Europe, point de contact
culture français, réfléchit actuellement avec la DATAR
à la création de structures d'appui culturel en région
(SACER), le projet pilote concernant pour l'instant sept Régions, dont
Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.
§ Le Conseil de l'Europe, par son action dans le domaine
de la culture et celui de la coopération régionale, ainsi que la
Fondation européenne de la culture, par son implication dans les projets
euro-méditerranéens, peuvent apporter également un soutien
aux relations culturelles au sud-ouest de l'Europe.
§ Enfin l'UNESCO peut être sollicitée pour
un "patronage" de certains projets, la plupart du temps se limitant à un
cautionnement moral bien que la perspective d'un soutien financier ne doive pas
être occultée. Il ne faut pas oublier que l'UNESCO a joué
un rôle décisif dans la prise en compte de la dimension culturelle
du dialogue Nord-Sud (cf. Jouve, 1997, 106-112), et qu'un Programme
Méditerranée est coordonné par la section
des Projets interculturels et des Aires géo-culturelles de
l'UNESCO.
2. INSTITUTIONS FRANÇAISES
a. Le ministère de la Culture et de la
Communication:
§ Le département des Affaires internationales
(DAI), rattaché au cabinet du Ministre, joue un rôle
général de préparation, de coordination et de mise en
oeuvre de la politique internationale du ministère, qui concerne toutes
les directions. Le DAI se compose de différents services selon un
découpage à la fois géographique et thématique,
dont les services "Europe méridionale", "Afrique du Nord/Moyen-Orient",
ou encore "Action régionale". Sur les 47 millions de francs de budget
dont il dispose le DAI déconcentre 8 millions afin de renforcer la
capacité des DRAC en matière internationale12(*). Parmi les principaux
partenaires du DAI on trouve l'Office national de diffusion artistique (ONDA),
le Relais-Culture-Europe, la Maison des cultures du monde (MCM), l'Association
Ecrans Nord Sud, l'Association française d'action artistique (AFAA).
Ainsi le DAI se présente comme un acteur potentiel du
développement des relations internationales au sud-ouest de l'Europe,
même si son action concerne pour l'essentiel le financement de relations
inter-étatiques ou globales.
Quoiqu'il en soit le DAI reste le relais principal des DRAC en
matière d'affaires internationales.
§ Le ministère de la Culture est présent
dans le sud-ouest français au travers des DRAC des régions
Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Comme on l'a vu
précédemment13(*), les DRAC apparaissent comme les structures
privilégiées du compromis entre le besoin de superviser les
affaires culturelles - qui plus est les affaires internationales - à un
niveau national et le besoin de prendre en compte les diversités
culturelles régionales. Elles se présentent comme les lieux du
"croisement" Etat-Collectivités-International, pour organiser,
coordonner et soutenir les échanges culturels et interculturels de
manière efficace, pertinente et concertée. D'où leur
importance en tant qu'acteurs des relations culturelles au sud-ouest de
l'Europe.
§ Il existe au sein de la délégation au
Développement et à l'Action territoriale (DDAT) un
département de l'Action territoriale, qui se présente comme une
interface entre les DRAC, les collectivités et le ministère. Ce
département a pour missions principales de coordonner les politiques
d'aménagement et de développement des territoires - politique
contractuelle avec les collectivités territoriales, Contrats de plan
Etat-Région, Schémas des services collectifs culturels, fonds
structurels européens - et de veiller à l'harmonisation des
politiques culturelles de l'Etat dans les régions, en proposant
notamment les priorités d'action des DRAC et, en liaison avec la
direction de l'Administration générale, en développant la
déconcentration administrative.
b. Le ministère des Affaires
étrangères
§ La direction générale de la
Coopération internationale et du Développement (DGCID),
précédemment direction générale des Relations
culturelles, scientifiques et techniques, coiffe l'ensemble du réseau
des établissements culturels français, qui est l'un des plus
développés au monde - regroupant environ 130
établissements - et mêle les dimensions culturelles,
éducatives et linguistiques des échanges internationaux. "La
politique culturelle extérieure est [...] une expression directe de
l'identité et du messianisme français" (Raymond, 2000, 12).
Même si le volet culturel stricto sensu de
l'action des établissements du réseau est minoritaire en terme
financier - 80% de leur activité concerne l'enseignement et c'est sur ce
point qu'ils sont évalués - et que la nouvelle donne
internationale appelle des adaptations du réseau en terme de gestion, de
mission et de restructuration14(*), les établissements culturels français
à l'étranger représentent néanmoins de réels
intermédiaires de choix dans les partenariats, ne-serait ce que par leur
implantation dans la vie culturelle locale. Pour le sud-ouest européen
il s'agit du réseau des établissements français en
Espagne, au Portugal et au Maroc, ce dernier pays étant un des postes
les plus importants du réseau. Cela suppose d'une part que diplomatie
culturelle nationale et action culturelle décentralisée
collaborent, d'autre part qu'un partenariat interministériel Culture -
Affaires étrangères soit effectivement mis en oeuvre, ce qui est
en théorie le cas au travers de structures para-publiques telles que
l'Association française d'action artistique (AFAA), bien que,
contrairement à la proposition du rapporteur M. Jacques Chaumont, aucune
charte d'objectifs n'ait encore été conclue entre l'AFAA et les
départements du ministère de la Culture (id., 53). D'après
Mme Marie-Christine Lorang, chargée de mission au DAI, l'heure est au
réajustement des compétences entre l'AFAA et le DAI.
§ L'AFAA, à la fois opérateur
délégué de la DGCID et partenaire du DAI, a d'abord fourni
au réseau culturel français les productions et artistes
chargés de véhiculer la culture française.
"N'étant plus seulement la structure d'accompagnement
des artistes français à l'étranger ou un entrepreneur de
spectacles, l'AFAA est devenue une véritable agence internationale
d'ingénierie culturelle qui intervient désormais dans des
domaines nouveaux où la France est présente : les arts
appliqués, l'architecture et le design, la réhabilitation du
patrimoine, la mode, les arts de vivre, le tourisme culturel, etc." (id.,
52).
C'est ainsi que l'AFAA s'est depuis dix ans transformée
en pôle d'échanges culturels professionnalisés et a, par ce
biais, été la première à comprendre les nouveaux
rôles et compétences des collectivités. Un Pôle
"Collectivités territoriales" a été créé au
sein de l'AFAA afin de développer avec les collectivités
françaises un partenariat croisant les réseaux diplomatiques,
culturels et territoriaux. Sous forme de conventions, ce type d'accord se
traduit notamment par la création d'un budget d'action
supplémentaire à l'international, financé à
parité par les deux partenaires. A noter que les villes de Toulouse,
Montpellier, Bordeaux et Biarritz ont passé de tels accords pour un
montant total de 7 millions de francs15(*).
La récente réforme de l'AFAA a permis de la
redéfinir comme "un opérateur culturel renforcé au triple
service de la coopération artistique, du conseil et de la formation, du
développement de l'ingénierie culturelle à
l'échelle européenne autant qu'internationale" avec pour objectif
de "dynamiser la créativité et [...]d'opérer un recentrage
européen"(id., 48).
L'AFAA, par son statut d'intermédiaire entre artistes
et professionnels de la culture, cadres des collectivités et
réseau culturel français à l'étranger, peut
être considérée comme un "acteur-relais" important pour le
développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe, et ce
malgré les reproches qui lui ont été fait en terme
d'hégémonie - l'AFAA n'a-t-elle pas "absorbé"
l'association Afrique en créations ? - et de
clientélisme.
c. Les services culturels
régionaux.
Les services culturels décentralisés
placés sous la tutelle des Conseils régionaux du sud-ouest
français ont également vocation à être des acteurs
phares des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe. Même si la
décentralisation française n'est pas aussi poussée qu'en
Espagne, les régions du sud-ouest français ont un rôle
évident à jouer dans des relations qui concernent leur territoire
et impliquent leur(s) culture(s), dans un contexte "d'Europe des
régions" qui leur est généralement favorable16(*).
On retrouve au niveau régional la même
configuration qu'au niveau national en terme de partage et d'organisation des
compétences entre différents services. Les acteurs
régionaux des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe peuvent
être d'une part les services proprement culturels, d'autre part les
services chargés des affaires internationales et européennes.
3. LA COOPÉRATION NON-GOUVERNEMENTALE :
SOCIÉTÉ CIVILE, ASSOCIATIONS ET
RÉSEAUX
La coopération non-gouvernementale est capitale car
elle implique des acteurs de la société civile, dont la
participation aux affaires culturelles est une évidence sinon une
nécessité.
En France, d'une part la liberté d'association a
été qualifiée de principe à valeur
constitutionnelle (Thuriot, 1999, 280), d'autre part les associations
constituées par des étrangers sont reconnues comme "pourvoyeuses
d'une insertion sociale complétant ou favorisant l'intégration"
(id. 280-281). Les associations sont donc amenées à jouer un
rôle-clé dans les relations et projets à caractère
interculturel (id. 267).
De plus, l'enracinement des projets culturels et artistiques
au coeur de la société civile et de la vie locale constitue une
défense face aux dérives d'instrumentalisation. Les multiples
associations, fondations et autres ONG à caractère culturel qui
existent en Europe et au Maroc ont aujourd'hui, notamment grâce aux
progrès des NTIC, la possibilité de se fédérer et
de travailler "en réseau". "Le phénomène de la gestion de
la vie associative en "mode réseau" est un phénomène
culturel en lui-même" (Institutions territoriales et réseaux
culturels européens. Actes du colloque, 1996, 125). Comme pour les
régions, le contexte européen a favorisé
l'émergence des réseaux culturels : "Le Conseil de l'Europe comme
l'Union européenne soutiennent l'action des réseaux
européens tels que l'Union des théâtres de
l'Europe, la Ligue européenne des écoles d'art, les
Pépinières pour jeunes artistes, Banlieues
d'Europe, etc." (Lombard in Courants, n°4-avril 1997,
Editorial).
La coopération non-gouvernementale, organisée en
réseaux, contrebalance et dépasse les rigidités
institutionnelles : "Un réseau n'est un réseau que s'il affirme
réellement dans ses échanges, sa communication ou ses
éventuels projets, un fonctionnement fondamentalement anti-vertical"
(Institutions territoriales et réseaux culturels européens.
Actes du colloque., 1996, 47).
De ce point de vue le développement des réseaux
serait "le constat d'un besoin d'échange et de communication directe
face à l'extraordinaire institutionnalisation de la
société" (id., 40). Il est vrai que le travail en réseau
est synonyme de souplesse - "le réseau est caractérisé par
des relations empreintes de souplesses et non dénuées
d'efficacité" (Bekkouche, 2000, 46) - de rencontres et d'ouvertures. De
cette façon les réseaux se présentent comme des
acteurs-clés des relations culturelles internationales. De plus, on
estime que les dépenses des associations et ONG européennes
"correspondent, pour leur action internationale, à un total
dépassant sans doute les 10 milliards de francs, soit de un à
cinq fois les charges publiques. Si l'on inclut les questions liées
à l'éducation dans la coopération culturelle, on peut
estimer au tiers environ de ce total les aides dans le secteur qui nous occupe"
(Roche, 1998, 79).
Les réseaux dépassent les frontières,
"les concepts d'identité et d'ouverture se combinent et se confrontent
dans ces expériences supraterritoriales" (Institutions territoriales
et réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1996,
13). On retrouve ici les enjeux évoqués en partie A : le
réseau, à la fois local et transnational, s'inscrit dans la
dialectique entre cosmopolitisme et localisme : "la dimension transnationale de
ces réseaux suppose du recul dans la réflexion
dégagée des contraintes locales mais pourtant reposant sur des
actions concrètes, enracinées et tributaires des mêmes
éléments" (id., 23). Ainsi, le réseau favorise le
désenclavement des idées, le décloisonnement des
disciplines et des points de vue. "Le réseau est donc une culture de la
diversité, c'est la pratique de l'enrichissement par l'autre"
(Alègre, 1993, 102).
Malgré leur image de contre-exemples des institutions,
les réseaux leur restent liés de façon parfois
équivoque : il existe un risque d'institutionnalisation des
réseaux, mais cette institutionnalisation n'est-elle pas "rendue
nécessaire par l'évolution des contraintes et notamment celles du
dialogue avec ces institutions mêmes ? " (Institutions territoriales
et réseaux culturels européens. Actes du colloque, 1996,
24).
En effet on peut considérer que l'institutionnalisation
reste pour les réseaux le meilleur moyen de "se donner une forme.
Certains réseaux, comme l'IETM17(*) par exemple, ont fait le choix d'une formalisation de
leur structure qui facilite leur visibilité, le cas
échéant leur financement et leur consultation de la part des
institutions" (id., 52).
De plus les institutions peuvent trouver un
intérêt à se rapprocher des réseaux afin de "mieux
faire connaître leur point de vue et corriger une image peu flatteuse de
leurs actions qui flotte encore vaguement dans les milieux artistiques ou
éducatifs européens" (Roche, 1998, 93).
A contrario le fait pour les réseaux de "s'organiser
[...] de manière relativement formelle et même pyramidale" peut
constituer un "danger" si l'on considère qu' "un réseau garde sa
vie et sa richesse en restant relativement informel[...]La structuration
forte[...]induit des effets, même s'ils n'ont pas été
voulus, de recherche de pouvoir et parfois des tendances de holding"
(Institutions territoriales et réseaux culturels européens.
Actes du colloque., 1996, 118).
Par ailleurs une confusion peut être introduite par les
différentes acceptions du terme qui font que l'on nomme "réseaux"
des institutions telles que les réseaux culturels à
l'étranger, le réseau des Scènes nationales, bien qu'il
s'agisse certes de réseaux mais qui n'entrent pas dans le champ de la
coopération non-gouvernementale.
Malgré leur tendance à la bipolarité les
réseaux doivent rester fidèle à leur nature transversale
et décentralisée - au sens large du terme. C'est d'ailleurs
à travers cette acception extensive que l'on peut rapprocher les
réseaux, outils de coopération de la société
civile, des Régions, institutions de proximité. Le rapprochement
de ces deux acteurs infra-étatiques se confirme à travers leur
développement presque parallèle : "Il y a donc bien sûr une
image institutionnelle des régions, et pourtant elles-mêmes n'ont
pas attendu que leurs structures soient institutionnalisées pour
fonctionner de manière officieuse et notamment en réseaux" (id.,
66).
"On ne fera pas la politique culturelle sans la population. On
ne pourra pas toucher la population sans des relais, et les associations, avec
tous leurs défauts, sont aujourd'hui le seul relais capable de faire
entrer dans les faits la décentralisation" (La politique culturelle
des régions, Actes, 1996, 27).
Quoiqu'il en soit les réseaux et autres structures
non-gouvernementales se présentent comme des acteurs majeurs des
relations culturelles au sud-ouest de l'Europe, qu'il s'agisse d'un
"réseau de terrain" franco-espagnol dont parle ce directeur d'une
compagnie basée en Aquitaine (Institutions territoriales et
réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1996, 30)
ou, de façon plus générale - et lyrique - d'un "lieu de
diversité active et contagieuse" qui doit contribuer à "fabriquer
un grand ensemble politique, économique et social basé sur sa
diversité interne et la cultivant", faisant de l'Europe un "projet utile
au monde entier" (id., 124)18(*).
IV Rôle et importance des relations culturelles
au sud-ouest de l'Europe.
1. Les liens culturels historiques.
Les liens culturels et humains entre les deux rives de la
Méditerranée, accompagnement des relations commerciales,
étaient déjà importants dans l'Antiquité.
La colonisation romaine de la province de la
Narbonnaise19(*)
représente une première unification culturelle, certes quelque
peu forcée, entre le sud-ouest français et le monde
méditerranéen, ce dont attestent de nombreux sites
archéologiques - la Graufesenque à Millau (Aveyron,
Midi-Pyrénées) dont les poteries étaient exportées
dans l'ensemble de l'Empire romain, l'oppidum d'Ensérune
(Hérault, Languedoc-Roussillon), la villa de Montmaurin (Haute-Garonne,
Midi-Pyrénées), etc.
Suite à cela, les relations culturelles entre les
civilisations du sud-ouest de l'Europe se sont développées
à l'époque médiévale. Durant le haut Moyen-Age une
grande partie de l'Europe méridionale était unie par des langues
cousines, les "langues d'oc", et par une culture savante commune
exprimée dans une langue commune - "haut langage ancien roulant de
l'Italie à l'Espagne, du pays Maure au Poitou" (Aragon in Lafont, 1962,
Préface) - que l'on peut nommer "occitan", sorte d'équivalent
à l'Arabe classique véhiculé notamment par la
poésie des troubadours d'un bout à l'autre de la
région20(*). Cette
culture occitane communiquée par l'itinérance des troubadours
rayonnait, selon le chargé des langue et culture régionales en
Midi-Pyrénées, "de Limoges à Alicante, de Bordeaux
à Turin" et comprenait différentes aires dialectales sous le
contrôle de cinq maisons médiévales : la maison
anglo-gasconne d'Aquitaine, la maison des comtes de Toulouse - de la
vallée de la Garonne aux Baux de Provence -, la maison d'Aragon - de
Saragosse à Barcelone -, le Saint Empire romain germanique en Provence
et dans les vallées du piémont italien. Les relations culturelles
entre les populations de cette zone - incluant le sud-ouest français et
les régions espagnoles pyrénéennes et
méditerranéennes en partie - relevaient donc d'une influence
occitane commune.
De plus, l'Europe occitane était en contact
étroit avec la civilisation arabo-andalouse, une des plus
avancées du Moyen-Age, et entretenait des relations culturelles intenses
avec les populations ibériques, arabes et berbères, faisant de la
région occitane un "pays charnière entre l'Europe du nord et le
Maghreb", pour reprendre les mots du chargé des langue et culture
régionales en Midi-Pyrénées. Plusieurs exemples illustrent
ces relations :
- Les Berbères, arrêtés dans leur
expansion en 721 à Toulouse par le duc d'Aquitaine,
s'installèrent dans la région de Narbonne. Puis, menacés
au nord par les Francs et au sud par les Arabes, le duc d'Aquitaine et
l'émir de Narbonne décidèrent de s'unir par le mariage de
leurs enfants, ce qui n'empêcha pas les Arabes de renverser
l'émirat de Narbonne. Il ne s'agit là que d'un épisode
parmi d'autres.
- Au niveau architectural et décoratif on trouve de
nombreux exemples de l'influence arabo-andalouse au sud-ouest de la France : le
concept de la cathédrale de Puy-en-Velay (Auvergne) est un "reflet
cordouan" (id.) tandis que sur le portail de l'abbaye de Conques (Aveyron,
Midi-Pyrénées) et sur le linteau de l'église de
Lamalou-les-Bains (Hérault, Languedoc-Roussillon) on trouve des louanges
à Allah calligraphiées en écriture coufique
(écriture arabe ancienne). On peut aussi trouver d'autres exemples
architecturaux ne serait-ce que dans la ville de Toulouse.
- Il y a aussi de nombreuses influences poétiques et
musicales communes aux cultures arabo-andalouse et occitanes.
- Concernant les relations culturelles on peut
également penser à l'exemple du philosophe arabo-andalou
Averroès qui a initié l'Europe latine à l'exercice de la
rationalité religieuse. C'est à travers la traduction d'oeuvres
arabo-musulmanes en Latin que l'Occident chrétien découvre
Aristote. En effet les traductions en Arabe de grands classiques grecs
étaient beaucoup plus abordables que les originaux souvent disparus -
comme par exemple lors de l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie -
ou inaccessibles. Il est à noter que les premières scènes
du film Le Destin de Youssef Chahine, consacré à
Averroès et Grand Prix du Cinquantième anniversaire du Festival
de Cannes (1997), se passent dans la région du Languedoc.
- Par ailleurs la toponymie rend compte des liens culturels
développés entre les civilisations occitanes et arabo-andalouse :
on trouve au sud-ouest français des noms tels que Castel-Sarrazin,
Cordes, Grenade-sur-Garonne, etc.
On voit bien qu'il existe donc des liens culturels historiques
forts entre les régions du sud-ouest de l'Europe, qu'il s'agisse des
relations entre les pays de l'Occitanie ou des relations entre ces pays et les
territoires arabo-andalous de la péninsule ibérique, liens qui se
sont surtout développés du VIIIème au XIIIème
siècle pendant "cinq siècles de confrontations et
d'échanges" (id.).
Ainsi il existait alors de véritables "entités
culturelles transpyrénéennes" (id.) dont témoigne
aujourd'hui l'épanouissement de part et d'autre des
Pyrénées des cultures basques et catalanes - on retrouve le
même cas de figure dans les vallées du Piémont alpin.
Au début du XIIIème siècle la croisade
des Albigeois, menée par les forces royales françaises soutenues
par Rome, arrête toute possibilité d'articulation
pyrénéenne lors de la bataille de Muret en 1213. Ainsi
"s'abîme l'espoir de réunir dans une confédération
en gestation les terres culturellement jumelles d'Aquitaine, d'Auvergne, de
Toulouse et Provence et d'au-delà des Alpes avec celles de la Catalogne"
(in Eurocongrès occitan-catalan, brochure promotionnelle,
2000). Parallèlement s'opère à la même époque
une "bifurcation entre savoir rationnel au nord et savoir scolastique au sud",
amenant la création de "cloisons imaginaires entre l'Europe
chrétienne et le Maghreb musulman" (entretien M. Fouad Ammor). De plus,
les Pyrénées sont progressivement devenues une "frontière
étanche" à cause de la fuite des populations et de l'exode rural
provoqués en grande partie par le Franquisme, ce qui fait qu'aujourd'hui
la plupart des vallées pyrénéennes sont très peu
habitées et par des populations vieillies.
La période de la colonisation du Maroc par la France et
l'Espagne a, d'une certaine manière, développé des liens
culturels malgré les tensions et blocages dus au rapport
colonisateur/colonisé. "La jeune poésie arabe, par exemple, qui
est l'une, aujourd'hui, des plus significatives qui soient, ne naîtra pas
d'un refus opposé aux concepts et aux modèles imposés par
l'occupant mais bien plutôt d'une volonté de destruction du
modèle archaïque interne qui fut, pourtant, sous l'occupation
étrangère, le lieu de conservation et de préservation des
identités" (Stétié, 1997, 30). Il s'agit ici d'une
illustration intéressante des différentes problématiques
relatives à la notion de relations interculturelles.
L'immigration est le facteur historique le plus récent
de développement des liens culturels - et interculturels - entre les
populations du sud-ouest de l'Europe.
D'une part l'immigration espagnole vers la France, notamment
dans le contexte de la guerre civile, qui s'est dirigée en grande partie
vers le sud-ouest français et la ville de Toulouse. D'autre part les
immigrations portugaise - vers la France - et maghrébine - vers la
France et la péninsule ibérique - ont intensifié les
contacts culturels entre ces populations.
Les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe peuvent
donc dans une certaine mesure s'appuyer sur une dimension historique non
négligeable et qui peut soutenir leur développement. Par exemple,
"[Les populations du Maghreb] se sentent plus interpellées par le projet
[euro-] méditerranéen pour des raisons précisément
"culturelles" dues à l'héritage historique des rapports
euro-maghrébins " (Hadhri, 1997, 98).
Cependant il ne faut pas oublier que l'histoire, même si
elle laisse des traces, est en constante évolution et que le
développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe
aujourd'hui se fait dans un contexte bien particulier, notamment celui de la
construction européenne et, par extension, celui de "la
mondialisation".
2. Echanges, dialogue et
coopération
Le développement des relations culturelles implique un
processus d'échanges soutenus entre les différents partenaires et
interlocuteurs : échanges de personnes - artistes, publics,
professionnels -, d'idées, d'oeuvres, de savoir-faire, etc. Les
échanges permettent de créer le dialogue afin de déboucher
ensuite sur une coopération culturelle au sens propre du terme.
a. La dimension communautaire
L'Union européenne affirme déjà depuis un
certain temps sa dimension culturelle.
Si "de 1974 à 1992, la Commission a fait, comme
Monsieur Jourdain, de la culture sans le savoir" (Autissier, 1999, 16), le
principe de la compétence culturelle de l'Union européenne a
été effectivement introduit en 1992 dans le Traité de
Maastricht (titre IX, article 128) puis dans le Traité d'Amsterdam
(article 151). Outre la création de programmes culturels - actuellement
Culture 2000 - la Communauté s'est efforcée de prendre
en compte la dimension et les objectifs culturels dans la formation du droit
communautaire (id., 17-18). On assiste ainsi à la reconnaissance par les
institutions communautaires d'une dimension fondamentale de la construction
européenne, et ce à plusieurs titres correspondant en grande
partie aux enjeux cités en partie A. chapitre III.
Dans le cadre de leur appartenance commune à l'Union
européenne, la France, l'Espagne et le Portugal ont donc tout
intérêt à développer des relations sur le plan
culturel en intensifiant leurs échanges. On constate qu'il existe au
sud-ouest de l'Europe de nombreuses possibilités pour cela et que des
actions ont déjà été menées dans ce sens.
§ Le niveau transfrontalier
La coopération transfrontalière revêt une
importance stratégique pour la construction européenne, afin que
"les frontières nationales ne soient pas un obstacle au
développement équilibré et à l'intégration
du territoire européen" (Commission européenne, Communication aux
Etats membres, 28 avril 2000), ou encore "la coopération
transfrontalière entre collectivités territoriales contiguës
vise à développer des pôles économiques et sociaux
transfrontaliers à partir de stratégies communes de
développement territorial durable" (id.). Comme on le voit la
frontière est de moins en moins une ligne de démarcation et
devient progressivement un lieu sur lequel se développent
échanges et coopérations.
Les régions du sud-ouest français partagent avec
l'Espagne une frontière particulière : la frontière
naturelle formée par le massif des Pyrénées. Malgré
la difficulté orographique qu'implique la chaîne des
Pyrénées, la coopération transpyrénéenne,
qui existe depuis toujours (cf. sous-chapitre précédent), peut
être considérée comme d'actualité à l'heure
européenne et de nombreuses initiatives témoignent de ce
(re)dynamisme. Au niveau intergouvernemental il existe depuis le XIXème
siècle la Commission internationale des Pyrénées. Au
niveau régional on trouve :
- des organismes de coopération
multilatérale:
- la Communauté de travail des Pyrénées
(CTP), exemple de coopération à l'échelle
pyrénéenne, constituée en 1983 et considérée
comme la "structure d'avenir" de la coopération
transpyrénéenne.
- l'Eurorégion
Catalogne-Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, formée en
1991 mais malheureusement "en sommeil" aujourd'hui pour raisons principalement
politiques.
- le Protocole tripartite Aquitaine-Euskadi (Pays
basque)-Navarre.
- des organismes de coopération bilatérales :
Protocole Aragon-Midi-Pyrénées, Protocole Aragon-Aquitaine.
Chacun de ces organismes ou accords inclut la culture dans ses
domaines d'activité au travers de groupes de travail, commissions,
etc.
Le cadre juridique de la coopération
transpyrénéenne est le Traité de Bayonne entre le Royaume
d'Espagne et la République française relatif à la
coopération transfrontalière entre collectivités
territoriales. Signé le 10 mars 1995, en vigueur depuis avril 1997, ce
traité se présente comme une mise en oeuvre de la Convention
internationale de Madrid relative à la coopération
transfrontalière européenne, adoptée le 21 mars 1980 par
de nombreux pays - dont la France et l'Espagne - à l'initiative du
Conseil de l'Europe21(*).
Il faut enfin signaler l'impulsion financière majeure
donnée par l'Union européenne à la coopération
transfrontalière à travers le Programme d'Initiative
Communautaire (PIC) INTERREG. Le programme INTERREG qui couvrait la
période 1993-1999 "a permis le financement de plusieurs expositions, de
recherches sur l'identité des territoires, mais aussi d'autres
activités artistiques considérées comme animations sur la
région concernée.[...]Les financements peuvent être
élevés, de l'ordre de 300 000 à 500 000 FF" (in la
Lettre de l'OCIM n°63, 1999, 16-17). INTERREG - pour la
période 2000-2006 il s'agit d'INTERREG III - est un programme
financé par les fonds structurels européens qui
représentent plus de 80 % du budget communautaire. Ces fonds, qui visent
à rééquilibrer les différentes régions de
l'Europe par une politique de cohésion économique et sociale,
représentent la première source de financement communautaire -
plus de 40% - pour la culture22(*). Afin de définir quelle sera sa politique
communautaire chaque région établit un Document unique de
programmation (DOCUP), placé en France sous la responsabilité du
Préfet de région. Dans le DOCUP de Midi-Pyrénées
pour INTERREG III, on remarque une sous-mesure consacrée à
l'appui de la coopération interrégionale (2.5) ainsi que l'axe IV
: Politique interrégionale des Massifs23(*).
Par ailleurs, et dans un souci de cohérence et
d'efficacité, on retrouve les mêmes thèmes dans le Contrat
de plan Etat-Région 2000-2006, avec la Convention
interrégionale des Massifs24(*).
Ainsi les échanges culturels pyrénéens
peuvent en principe bénéficier d'une volonté politique de
coopération qui se traduit par une dynamique déjà
engagée et dotée de moyens financiers certains. Selon la
chargée des affaires européennes en Midi-Pyrénées,
les projets culturels ont été parmi ceux qui "ont le mieux
marché" pour le programme INTERREG II.
De cette façon les régions du sud-ouest
français sont à même de s'ouvrir à la
péninsule ibérique, ouverture dont le premier passage serait la
"sous-région pyrénéenne".
§ Le niveau transnational
Au-delà de l'aspect transfrontalier, l'émergence
de zones privilégiées de communication culturelle aux
frontières du sud-ouest européen - à savoir la
frontière pyrénéenne mais aussi la frontière
hispano-portugaise, cadre d'une coopération active, doit favoriser les
relations culturelles à un niveau plus large, entre le sud-ouest
français et l'ensemble de la péninsule ibérique. A cet
effet le programme INTERREG comporte un volet consacré à la
coopération transnationale - le volet B, le volet A étant
consacré à la coopération transfrontalière - qui
"vise à promouvoir un plus haut degré d'intégration
territoriale au sein de vastes groupements de régions
européennes" (Commission européenne, Communication aux Etats
membres du 28 avril 2000).
Les échanges et projets culturels entre le sud-ouest
français, l'Espagne et le Portugal représentent probablement un
des meilleurs moyens de donner une cohérence et une
homogénéité, de façon à la fois
concrète et symbolique, à "l'entité cartographique"
constituée actuellement par le sud-ouest européen.
Parmi les éléments communs qui font du sud-ouest
européen (SUDOE) un "espace doté d'une identité propre au
sein de l'Union européenne", on trouve "l'existence d'une richesse
patrimoniale élevée, qui constitue un potentiel important pour le
développement [...]. Par ailleurs, s'il est difficile en raison de la
taille de l'espace du SUDOE de parler de culture commune, il existe des
thématiques partagées. Il convient pour resserrer les liens entre
ces espaces de promouvoir, sur cette base, l'image culturelle du SUDOE, y
compris la culture contemporaine" (Commission européenne, Programme
opérationnel INTERREG III-B SUDOE, 2000, 11, 48).
Il apparaît primordial pour le devenir de la
construction européenne que les grandes régions transnationales
passent d'un état théorique et virtuel à un état
"vivant" et réel. Le développement des relations culturelles
entre les espaces composant ces régions - et dans un deuxième
temps entre ces régions - se présente comme un des moyens les
plus fructueux de réaliser cette union européenne "à
visage humain".
Un autre appui de l'Union européenne aux
échanges culturels se réalise à travers le programme
Culture 2000, instrument unique de financement exclusivement
consacré à la coopération culturelle et artistique ayant
pour vocation de soutenir trois types d'actions : actions spécifiques,
novatrices et/ou expérimentales; actions intégrées au sein
d'accords de coopération culturelle, structurés et pluriannuels ;
événements culturels spéciaux ayant une dimension
européenne ou internationale. On peut imaginer que des projets
concernant le sud-ouest européen pourraient bénéficier de
financements dans le cadre de ce programme.
Le cadre communautaire apporte donc une impulsion aux
relations culturelles entre le sud-ouest français et la péninsule
ibérique, dans une perspective à la fois plus large et
décentralisée que celle des traditionnelles relations
bilatérales entre les institutions nationales d'échanges
culturels. Selon François Roche, "la véritable révolution
est européenne [...]. Les collectivités, les organisations
internationales, les programmes de l'Union européenne, les
réseaux professionnels sont définitivement entrés dans le
champ des échanges culturels internationaux et l'occupent beaucoup plus
largement que les organismes nationaux traditionnellement chargés de la
promotion et de la coopération culturelles" (Roche, 1998, 88).
Néanmoins les institutions nationales ont encore un
rôle à jouer dans la construction de "l'Europe de la culture", et
leur participation a "des chances de donner un second souffle aux
échanges culturels. L'Union européenne ne doit plus ignorer ces
réseaux qui peuvent lui apporter une aide véritable à
l'extérieur comme à l'intérieur de la Communauté"
(id., 90).
Bien évidemment, malgré les actions entreprises
depuis de nombreuses années la réalité des relations
culturelles correspond rarement aux "objectifs" visés par les politiques
et programmes culturels.
Ainsi, on constate un décalage évident entre
"les figures imposées de la rhétorique administrative tant au
niveau national que dans les instances communautaires" et "un manque de sens,
d'élan, de rêve [...] qui caractérisent l'Europe
pragmatique des "petits pas"[...]La rhétorique de l'euroculture a pour
principale fonction, écrit Yves Hersant[...]de fabriquer du consensus :
"Plus âpres sont les débats sur le prix du beurre ou la chasse
à la palombe, plus il est réconfortant de s'accorder sur de
grandes notions creuses" (Padis in Esprit, 2000, 88).
A tel point que Jean Molino interroge :
"En face de la longue marche vers l'unification
économique et politique, quel est le bilan de l'action dans le champ de
la culture[...] ? Les idées sont-elles condamnées à
"clopiner" derrière le réel et la culture à traîner
les pieds derrière l'économie ? L'existence de l'Europe
économique et politique s'inscrit en faux contre cette
interprétation, puisqu'elle est le résultat d'une idée et
d'une volonté[...]. Croit-on vraiment qu'il puisse exister une
entité économique et politique sans mémoire, sans
héritage, sans culture, sans littérature ? Les intellectuels,
trop souvent effrayés et contempteurs de "l'horreur économique",
préfèrent laisser travailleurs et technocrates se salir les
mains, en se réservant le rôle de Grandes Pleureuses de la
Modernité, de ceux que Lautréamont appelait "les
Grandes-Têtes-Molles de notre époque", qui déplorent la fin
de la culture et l'oubli des traditions" (Molino in Esprit, 2000,
94,95).
Cet état de fait est aggravé par la peur de
voir, dans un contexte de mondialisation, les cultures nationales
remplacées par une world culture imposée de
l'extérieur. "Contre la tentation du repli, la tentation de constituer,
au nom du besoin de sens de l'Europe communautaire, un musée
européen qui ne serait qu'un ghetto peureux, Jean Molino propose un
éloge de la diversité culturelle de l'Europe et invite à
rompre avec la peur d'une uniformisation de nos contrées en proie
à la technique" (Padis in Esprit, 2000, 90). L'Europe se doit
de rester "fidèle à l'une des traditions de son héritage
culturel et littéraire, l'ouverture au monde." (Molino in
Esprit, 2000, 110).
L'ouverture au monde et la diversité culturelle de
l'Europe signifient, entre autres, de prendre en compte et de considérer
l'aspect multiculturel des sociétés européennes, ce qui
nous ramène à la dialectique "entre les risques opposés de
l'enfermement des minorités dans des ghettos, et de leur dissolution par
assimilation" (Wieviorka, 1998, 246).
b. La dimension extra-européenne et
euro-méditerranéenne
Depuis près d'un siècle la France est un pays
d'immigration. "Sans cette immigration, la révolution industrielle, la
croissance économique, la progression du niveau de vie, la
mobilité sociale n'auraient pas été possibles.
L'augmentation de la population non plus. Un Français sur quatre a un
ascendant étranger si l'on remonte à trois
générations" (Liauzu, 2000, 184). De plus, les trois quarts des
personnes immigrées en Europe occidentale sont d'origine
méditerranéenne (id., 189). La France a d'abord accueilli des
populations espagnoles et portugaises. Ces populations sont en
général mieux "intégrées" que les populations
d'origine maghrébine. On peut penser qu'il s'agit d'une immigration plus
ancienne effectuée dans un contexte différent, qu'Espagnols et
Portugais participent de la même base culturelle
judéo-chrétienne que les Français - à la
différence des Maghrébins musulmans - d'autant plus que le
contexte européen a modifié les relations avec ces populations
qui font aujourd'hui partie de la même Communauté que les
Français.
"Jusqu'à ces dernières années la
majorité des immigrés en France était d'origine
européenne : Italiens, Portugais, Espagnols, Polonais... Cette
prépondérance européenne des populations immigrées
est allée en s'atténuant ; en 1982, sur 4 200 000
immigrés, 2 000 000 environ étaient d'origine africaine,
essentiellement maghrébine. De cette augmentation des populations
d'Afrique sur le sol national découlent plusieurs conséquences :
d'abord une "visibilité sociale" plus forte[...], ensuite une "distance
culturelle" plus grande, par rapport à la culture française, que
celle des populations européennes." (Clanet, 1990, Introduction,
28-29).
Ceci étant, Michel Wieviorka remarque, à propos
de la "version française du débat sur la différence" que
la "hantise du communautarisme ne s'exprime guère au sujet des
Portugais[...], qui vivent de façon bien plus communautaire que bien
d'autres immigrations" (Wieviorka, 1998, 251-252). A ce propos le film
Ganhar a vida de João Canijo, présenté à
Cannes-Un certain regard 2001, offre une vision sociologique
pertinente de la communauté portugaise en France, vision qui
amène à une certaine remise en question, ce qui souligne une fois
de plus le rôle primordial de la culture et des arts dans la
société et son évolution. Les propos du réalisateur
sur la communauté portugaise en France rejoignent ceux de Michel
Wieviorka : "Plutôt discrète et refermée sur
elle-même, elle est souvent établie en banlieue
éloignée, dans des cités ou des zones pavillonnaires.
C'est un monde essentiellement ouvrier, qui a essayé de recréer
en France et "en petit", le Portugal quitté souvent depuis trente ans et
qui accorde une grande importance à la religion et aux
traditions."25(*)
Quoiqu'il en soit la situation des communautés
marocaines en France, en Espagne et, dans une moindre mesure, au Portugal, est
différente car les relations culturelles entre ces populations et celles
du pays d'accueil mettent en contact cultures européennes et cultures
non-européennes. Et là est tout l'intérêt. Selon le
ministère marocain des Affaires étrangères, 860 000
Marocains vivent en France et représentent 16% de l'ensemble des
étrangers vivant dans ce pays. Les rapatriements de fonds
effectués par les ressortissants marocains établis en France
représentent le premier apport de devises au Maroc, loin devant le
tourisme. La communauté marocaine est également importante en
Espagne. Si l'on se réfère aux flux d'étudiants, on
constate que la France, l'Espagne et le Portugal sont des destinations
privilégiées pour les étudiants marocains26(*).
Sans tomber dans les excès du "communautarisme
fragmentaire", il apparaît tout à fait légitime que les
populations immigrées revendiquent une appartenance culturelle propre,
lien les unissant à leur pays d'origine. On peut penser à la
commémoration de l'anniversaire de la disparition du souverain marocain
Mohamed V par la communauté marocaine en Espagne27(*). Mais le multiculturalisme se
pose souvent en tant que problème, générateur de tensions
et de conflits sociaux attisés par une méfiance et une
incompréhension mutuelles28(*). On peut prendre pour exemple des tensions
engendrées en Europe par le multiculturalisme les émeutes
racistes de février 2000 contre les immigrés marocains à
El Ejido en Espagne, ou encore la montée des partis populistes de
l'extrême droite française, partis ayant pour slogan-type "tout
pour les Français d'abord" ce qui, la médiatisation aidant, ne
peut que contribuer à déchaîner les passions d'un
côté comme de l'autre.
Concernant l'Espagne et le Maroc, "le différentiel sur
le plan démocratique, économique, soutenu par l'adhésion
[de l'Espagne] à l'Union européenne en 1986 ont fortifié
la "moro-fobia" espagnole, en témoigne, notamment, une enquête du
Centre de recherches sociologiques (CIS), datée de janvier 1996, qui
indique que près des deux tiers des Espagnols (62%) considèrent
que le Maroc constitue pour l'Espagne le pays qui représente le plus
grand risque de confrontation militaire" (Khachani, 1999, 291).
Pourtant, "aujourd'hui comme naguère il est faux de
voir dans l'installation en France de personnes porteuses de cultures parfois
fort différentes de la nôtre, une menace pour l'identité de
la France" (Benothman, 1997, 6). Au contraire la sauvegarde et
l'épanouissement de la culture européenne ne peut se faire que
par le "désenclavement" (Molino in Esprit, 2000, 100),
l'ouverture à la diversité et aux cultures
non-européennes. Cette idée est d'ailleurs partagée par
les initiateurs des politiques culturelles - hors partis ouvertement
xénophobes et racistes bien sûr - et on peut en prendre pour
exemple le programme Culture 2000 - promouvant "un dialogue
interculturel et un échange mutuel entre les culturels
européennes et non européennes"- ou les idéaux
défendus par l'UNESCO - notamment dans le rapport au titre
évocateur Notre diversité créatrice - et par le
Conseil de l'Europe - au travers par exemple du Plaidoyer pour
l'interculturel.
Or la culture se présente comme un vecteur
privilégié de la reconnaissance par les sociétés de
leur caractère "multiple".
Cependant une politique de la reconnaissance culturelle doit
nécessairement se préoccuper de la lutte contre la discrimination
raciale et sociale29(*).
"En fait le multiculturalisme, limité à la seule
culture, menace constamment d'apparaître ou bien comme une politique au
service de groupes déjà socialement bien placés, ou bien
comme une politique inadaptée aux difficultés proprement
économiques et sociales de groupes pour qui la reconnaissance culturelle
n'est pas nécessairement une priorité, en tous cas pas la seule
priorité" (Wieviorka, 1998, 257).
C'est peut-être à l'échelon des
collectivités que de telles politiques socioculturelles sont le plus
efficaces et pertinentes, sachant que "c'est principalement au niveau local que
l'intégration des immigrés s'effectue" (Rex, 1998, 269). Dans le
même ordre d'idée :
"Il est révélateur que les élus locaux,
confrontés aux difficultés du quotidien, sachent mieux que, des
plus modestes actions au service des quartiers ou catégories sociales en
difficulté jusqu'aux formes les plus hautes et les plus exigeantes de
l'activité culturelle, il y a une continuité qu'il faut à
tout prix reconnaître et préserver si l'on veut éviter
l'immense malentendu, que dénonçait Hannah Arendt, d'une
consommation de masse qui détruit la culture en ayant l'apparence de la
répandre" (Rigaud, 1995, 234).
Pour Cecilia Fernández Suzor - département de la
Culture de l'Institut Cervantès - la coopération culturelle est
un franchissement des barrières migratoires. Elle fait allusion aux
Accords de Schengen et au durcissement de la fermeture des frontières de
l'Union européenne ainsi qu'à la situation de l'Espagne,
frontière méditerranéenne du sud-ouest de l'Europe. Par
analogie entre la situation frontalière et la situation culturelle elle
avance le concept de "porosité" (porosidad) d'une culture par
rapport à l'autre. Un point important de son analyse concerne
l'intégration de la communauté marocaine immigrée en
Espagne, qui d'après elle constitue un champ d'action culturelle
privilégié pour atteindre cette porosité (inter)culturelle
(Fernández Suzor, 1992).
Ainsi, une "connaissance mutuelle et une intensification des
contacts culturels directs" sont un moyen "d'éliminer des craintes qui
ne sont pas l'apanage de la rive nord" (Larramendi, 1992, 169).
Le sud-ouest européen et le Maroc ont donc tout
intérêt à encourager la mobilité des organisateurs,
acteurs et publics de manifestations et projets visant à, par
l'entremise des arts et des oeuvres de l'esprit, faire se rencontrer et
dialoguer les populations de cette zone. Ces flux de biens et de personnes sont
facilités par la proximité géographique, d'où les
flux de populations déjà constatés - ce type de "mise en
relation culturelle directe" serait par exemple moins évident à
réaliser entre la population des Etats-Unis, les populations
afro-américaines et les populations africaines dont ces dernières
sont originairement issues30(*).
Par ailleurs l'échange, encore une fois facilité
par les distances géographiques, est constitutif du contexte
méditerranéen31(*). Les migrations ne sont-elles pas "inhérentes
à la Méditerranée, espace d'échanges intensifs des
idées et des hommes" (id.), et ce d'autant plus que "les relations au
pays d'origine n'empêchent pas les migrants de procéder à
des échanges avec la société d'accueil" (Rex, 1998, 270) ?
A ce propos il ne faut pas oublier que les migrations
méditerranéennes ne sont pas à sens unique et vont aussi
du Nord vers le Sud (Rieutord, 1997, 37), ce qui peut d'une part être un
important facteur de développement des relations culturelles, notamment
par le "tourisme culturel", d'autre part favoriser le dialogue interculturel
à long terme.
Ce dialogue et ces échanges, en tant que "mouvement
dynamique, [...]échanges concrets que développent des
sociétés "ouvertes" mais culturellement spécifiques"
(Perret & Saez, 1996, 119), permettraient de "dépasser une tendance
"hégémoniste" à l'intégration et, in fine,
à la domination (multi)culturelle" (id.).
De la même façon Michel Wieviorka appelle
à dépasser le multiculturalisme, qui tend à
scléroser les identités, en laissant ses chances à
"l'invention culturelle et à la charge de subjectivité qu'elle
véhicule" (Wieviorka, 1998, 260). "La reconnaissance des
différences culturelles dans leur renouvellement permanent, et le refus
de les figer, associés à la prise en charge des
inégalités et de l'exclusion sociales appellent des politiques
valorisant l'échange, la communication" (id.).
Le rôle central de la communication, facteur commun aux
notions d'interculturalisme et de multiculturalisme (Perret & Saez, 1996,
119), se retrouve au "niveau de base" des relations culturelles, à
savoir le niveau linguistique.
c. Le Maroc, pays francophone.
Un autre facteur important de développement de la
coopération et du dialogue culturels au sud-ouest de l'Europe est la
possibilité de communiquer dans la même langue d'un bout à
l'autre de la région.
"La langue reste le plus sûr chemin pour rencontrer
l'autre, l'accepter et le respecter."32(*)
La France a la chance de compter le Maroc parmi les pays
francophones. La plupart des documents officiels et administratifs marocains
sont en édition bilingue et l'éducation supérieure
marocaine est dispensée en Français. Autant dire que le Maroc
fait partie des pays phares de la Francophonie, accueillant un des postes
français les plus importants à l'étranger dans le domaine
de la coopération culturelle, dont la coopération
éducative et linguistique : le réseau très dense des
établissements français d'enseignement - environ trente -
reçoit près de 18 000 élèves, aux deux tiers
marocains. Sans parler du réseau des Instituts français dont il a
été question en partie précédente. Une convention
de coopération culturelle franco-marocaine a été
signée en 1984 et reconduite tacitement depuis. L'intense
coopération culturelle franco-marocaine a été en quelque
sorte cristallisée lors des manifestations du Temps du Maroc en
France en 1999.
"La Francophonie a, avec le monde arabe, plus
particulièrement, des affinités électives[...]Elles
s'expriment, surtout, à travers un engagement chaque jour plus
affirmé du monde arabe dans la Francophonie vers le monde arabe. Le
Maroc est, à cet égard, présent sur tous les fronts. J'en
veux pour preuve[...]les deux millions de foyers marocains qui reçoivent
TV5, TV5 qui avait inauguré son émission "24h" en consacrant la
journée du 24 avril 1999 à la ville de Marrakech" (Boutros
Boutros-Ghali in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 25 novembre
2000).
Ainsi les conditions d'échanges, de dialogue et de
réalisation de projets communs entre le Maroc et le sud-ouest de la
France se trouvent facilitées.
Pourtant l'avantage que peut représenter la
francophonie a ses limites. En effet, de plus en plus la politique linguistique
extérieure de la France est remise en question car elle ne semble pas
porter ses fruits. Par exemple M. Alexis Tadié, ancien attaché
culturel, appelle à repenser le but de la francophonie et la
façon dont elle est promue :
"On n'apprend pas une langue parce qu'elle va "servir", mais
à cause de la promesse de dialogue, d'imaginaire et de découverte
qu'elle contient[...]Si le but d'une action culturelle extérieure est de
promouvoir les échanges et la sacro-sainte coopération, alors le
dialogue qui peut s'instaurer entre les cultures doit passer par la
traduction[...]Pour s'adresser aux autres, pour établir cette
essentielle discussion, il faut aussi parler leur langue, et non pas attendre
simplement qu'ils écoutent ou parlent la nôtre"
(Tadié in Esprit, 2000, 117, 118).
Il préconise donc une attitude proprement
interculturelle fondée sur une ouverture réciproque, à
l'opposé d'une diffusion unilatérale de la langue et de la
culture françaises. Les enjeux en sont importants pour la culture et la
pensée françaises autant en terme de diffusion qu'en terme
d'enrichissement par l'Autre.
De la même façon M. Boutros Boutros-Ghali parle
d'un "principe de réciprocité[...]Car la francophonie veut
transcender la promotion de la seule langue française. Elle est, plus
largement, dans un monde guetté par l'uniformisation, un combat pour la
sauvegarde des langues et des cultures, gage, tout à la fois, de
diversité, de démocratie et de paix" (in Le Matin du Sahara
et du Maghreb, 25 novembre 2000).
De plus le bilinguisme francophone au Maroc a permis,
l'immigration aidant, l'émergence d'une double-culture franco-marocaine
riche, entre autres, de littérature et de poésie. On peut penser
par exemple au cycle hebdomadaire de lectures poétiques bilingues,
inauguré en 2000 à l'Institut français de Rabat, en
partenariat avec l'Union des écrivains du Maroc, cycle auquel de
nombreux poètes d'origine marocaine et d'expression française
participent.
Mis à part les faiblesses de la francophonie, qui ne
peuvent que l'amener à se renouveler, il ne faut pas oublier que
l'Espagnol est, après le Français, la deuxième langue
étrangère la plus parlée au Maroc. Le réseau
d'enseignement coordonné par le Conseil de coopération de
l'Ambassade d'Espagne au Maroc et par l'Institut Cervantès est
très important, notamment dans la région nord du Maroc. De plus,
plusieurs manifestations culturelles hispanophones sont organisées,
telles que la journée de la poésie Maroc-Amérique latine.
Loin d'être un obstacle à la francophonie, cette pratique de
l'Espagnol est un avantage supplémentaire facilitant la communication
entre partenaires du sud-ouest de l'Europe, l'Anglais étant
également une langue de travail potentielle mais aux retombées
cependant limitées en terme de communication externe vers les
publics.
On le voit, deux langues suffisamment parlées pour
instaurer le dialogue, à condition de pratiquer systématiquement
la traduction, étape indispensable de l'échange interculturel. A
ce propos, concernant l'action du réseau culturel espagnol au Maroc, Mme
Fernández Suzor, ancienne directrice de l'Institut Cervantès de
Rabat, semble rejoindre la position de M. Alexis Tadié :
"La diffusion de la culture d'un pays à l'autre ne peut
se faire qu'à travers la connaissance de la culture à laquelle on
souhaite se présenter. L'action culturelle extérieure est plus
efficace lorsque existe une meilleure connaissance des cultures locales, et
quand on fait l'effort de les mettre en relation avec sa propre culture"
(Fernández Suzor, 1992, 334).
3. LA RECHERCHE D'UN CERTAIN ÉQUILIBRE
a. Le rapprochement Espagne-Maroc.
Le 4 juillet 1991 l'Espagne et le Maroc signent un
Traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération. Cet
accord concrétise une tendance au rapprochement entre les deux pays
développée depuis déjà plusieurs années -
"La signature de ce traité entre le Royaume du Maroc et le Royaume
d'Espagne est révélatrice d'une prise de conscience de la
nécessité de rapprochement entre les deux peuples marocain et
espagnol" (Khachani, 1999, 288) - ; depuis que Hassan II, en 1987, avait fait
la proposition de créer une cellule de réflexion commune pour
étudier l'avenir des deux villes de Ceuta et Melilla, situées
à l'extrême nord du Maroc et encore sous administration espagnole.
Par ailleurs la signature de ce traité est une
initiative qui s'inscrit dans un contexte marqué par le "retour de
l'Espagne à la Méditerranée".
"En effet, l'adhésion à la CEE en 1986 a
été perçue en Espagne comme une manière de "se
dépériphériser", tournant le dos à sa
frontière sud pour s'intégrer profondément dans l'espace
européen. Cependant, à la faveur de l'évolution
socio-politique dans la région et après, certes, une phase de
flottement, les autorités espagnoles ont pris conscience de
l'intérêt géostratégique que représente le
Maghreb dans le pourtour méditerranéen" (id., 289).
A la suite de cela le Comité Averroès est
créé en 1996. Ce comité, composé, sur une base
paritaire, de huit membres représentant la société civile
et opérant dans différentes sphères, a pour tâches
principales "la réflexion, l'élaboration et le suivi d'actions
visant à promouvoir la connaissance, la compréhension et
l'entente entre les deux peuples marocain et espagnol" (id., 288). Par exemple
le Comité a organisé, du 28 au 30 novembre 2000 à
Séville, un séminaire sur le thème "Maroc-Espagne : un
défi pour un avenir commun". Trois groupes de travail ont
été constitués au sein du Comité, dont un groupe
"Communication et culture", la dimension culturelle constituant un
"paramètre fondamental de la mission dévolue au comité"
(id., 299).
On retrouve cette idée de développer des liens
culturels privilégiés dans l'intervention de M. Mohamed
Achaâri, ministre marocain de la Culture et de la Communication, lors de
la double exposition collective des artistes de l'Ecole des Beaux-Arts de
Tétouan et des mosaïques du site de Volubilis, organisée
à Almunecar - province de Grenade - par le département marocain
de la Culture en marge de la 11ème Rencontre
euro-arabe (25-28 octobre 2000). Dans son discours M. Achaâri inclut
les relations culturelles dans un processus de rapprochement global
hispano-marocain : "La visite d'Etat qu'a effectuée S.M. le Roi Mohamed
VI en Espagne, du 18 au 20 septembre [2000], a permis aux opinions publiques
des deux rives du Détroit de Gibraltar de se familiariser avec l'esprit
nouveau et très prometteur qui préside au renouveau et à
l'approfondissement des relations entre les deux pays", ce nouvel esprit
impliquant "un nouveau traitement des relations culturelles maroco-espagnoles"
(in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 26 octobre 2000).
Les titres de presse parus à l'occasion de la visite
d'Etat rejoignent eux aussi cet optimisme partagé - "optimisme
béat", Jean Molino dirait-il ? - : "Un nouvelle dynamique à des
relations bilatérales au beau fixe" (in L'Opinion du 19
septembre 2000), "Une visite fructueuse traduisant le nouvel élan de la
coopération bilatérale" (in L'Opinion du 21 septembre
2000), "La coopération avec le Maroc est un objectif prioritaire pour
l'Espagne. Entretien avec Jorge Dezcayar, ambassadeur de Madrid à Rabat"
(in Libération du 15 septembre 2000). Et cela ne concerne pas
que la sphère politique et/ou diplomatique. On trouve dans le
Libération du 19 septembre un article intitulé "Pour les
éditorialistes espagnols le Maroc s'est engagé dans un processus
d'ouverture". On pourrait croire que cet article va traiter de la
liberté d'expression de la presse, mais après quelques citations
rapportées le sujet dévie vers les "résultats
immédiats" de la visite du souverain marocain, "notamment en ce qui
concerne le dossier de la pêche[...]Madrid souhaiterait voir se
réaliser des avancées dans les négociations entre le Maroc
et l'Union européenne sur l'Accord de pêche". Cela pour nous
rappeler la très forte dimension économique du rapprochement
Espagne-Maroc - et on a vu que la culture est un accompagnement
nécessaire des relations économiques extérieures.
Quand on sait que l'économie espagnole tend vers un
dynamisme accru33(*), il
apparaît que le sud-ouest français, en développant ses
relations extérieures, peut tirer parti d'une telle conjoncture en y
participant, d'autant plus que ces relations partent de bases solides.
Si l'on prend l'exemple de la région
Midi-Pyrénées on retrouve effectivement parmi ses principaux
partenaires économiques l'Espagne, le Maroc et le Portugal, qu'il
s'agisse d'importations, d'exportations ou de délocalisation de la
production (Dupuy & Gilly, 1997). "Les échanges avec l'Espagne se
sont accrus régulièrement, de manière favorable à
la région" (id., 135). De plus ces relations et échanges
concernent les trois régions frontalières : "si les
entreprises espagnoles sont faiblement présentes en
Midi-Pyrénées, [...] elles investissent beaucoup plus en
Aquitaine et Languedoc-Roussillon" (id., 139)34(*).
Par ailleurs, parallèlement à la
coopération hispano-marocaine au niveau gouvernemental se
développe une coopération à l'initiative des
Communautés autonomes, ce qui représente un autre avantage pour
le sud-ouest français qui peut participer à cette
coopération au titre de la coopération
décentralisée35(*). C'est par exemple la Communauté de Valence
qui "a d'ambitieuses visées sur le Maroc" (in Le Journal, 22-28
juillet 2000), ou le gouvernement andalou qui va consacrer 1,5 milliard de
pesetas à des projets de développement dans les provinces du Nord
du Maroc, dans un contexte général de renforcement de l'autonomie
régionale au Maroc.
Enfin, il est à noter que le programme bilatéral
de coopération entre l'Espagne et le Maroc est pris en compte dans les
recoupements du sud-ouest européen avec d'autres espaces de
coopération territoriales, dans le cadre de la mise en oeuvre du PIC
INTERREG III -B SUDOE36(*).
Il y a donc un enjeu pour le sud-ouest français de
développer ses relations culturelles avec la péninsule
ibérique et le Maroc, qui font eux-mêmes preuve de
solidarités accrues : ne pas rester en marge de ces mouvements et
de leurs retombées économiques et sociales. Cela correspond bien
d'ailleurs à la problématique de "désenclavement" de
Midi-Pyrénées : "C'est davantage en terme
d'opportunités à saisir et de positionnement à
préciser collectivement que se posent aujourd'hui les enjeux pour la
région plutôt qu'en termes d'équipement" (Dupuy &
Gilly, 1997, 125).
A l'échelle du territoire - et de l'économie -
européens, le risque de "mise à l'écart" que peut redouter
le sud-ouest français menace par extension le sud-ouest de l'Europe.
C'est pourquoi les pays de cette région ont un intérêt
commun à intensifier leurs relations et à coopérer,
à commencer par la culture.
b. Le sud-ouest européen et son ouverture
méditerranéenne :
une zone de contrepoids à la "banane bleue"
?
La principale zone de marché dans l'Union
européenne - "zone transfrontalière dans une Europe
intégrée" ( Dupuy & Gilly, 1997, 144) - s'étend du sud
de l'Angleterre à la Lombardie, en passant par le nord et l'est de la
France et par l'Allemagne occidentale. Cette situation est défavorable
aux régions du sud de l'Europe, qui plus est les régions du
sud-ouest, car certaines régions du sud-est français par exemple
jouissent d'un rapport de proximité avec la partie méridionale de
la "dorsale européenne" - aussi appelée "banane bleue" - , partie
constituée par l'axe Lyon-Turin-Milan37(*). De plus le sud-ouest de l'Europe comporte une
importante façade atlantique d'Aquitaine jusqu'à Gibraltar et les
côtes marocaines, en passant par le nord de l'Espagne et le Portugal,
zone qui doit faire face au déplacement vers l'est du centre de
gravité de l'Europe économique et s'en trouve "marquée par
la crise et les restructurations et où n'émerge aucune
polarisation réellement significative" (id., 125).
Malgré leur position intermédiaire et
excentrée par rapport au " barycentre du marché
européen" (id., 145), les régions du sud-ouest de l'Europe
connaissent un fort développement, à commencer par la zone
pyrénéenne : "les métropoles qui intègrent et
encadrent la chaîne pyrénéenne, avec dix-sept millions
d'habitants, représentent ensemble une puissance économique
dotée d'un potentiel industriel comparable par exemple à celui de
la Suisse, de la Belgique, voire de l'Allemagne du sud" (id., 126). On retrouve
le même potentiel d'activité et de développement autour de
métropoles telles que Barcelone, Madrid, Lisbonne, Casablanca, etc.
Par ailleurs le sud-ouest de l'Europe est
intégré en majeure partie à "l'arc latin" ou "arc
méditerranéen" de l'Europe. Cette notion rejoint le concept de
"plaque sud" développé par M. Lacour dans le cadre d'une
"tectonique des territoires" (cf. Leclerc et alii, 1996, 127-130) et prend en
compte "l'émergence au sud de l'Europe, avec la péninsule
ibérique, la France méridionale et l'Italie, d'un espace
économique dont la puissance est loin d'atteindre celle de la "banane
bleue" mais qui se fortifie petit à petit" (id. 129). D'après un
spécialiste, "[Le sud-ouest français] participe pleinement d'un
marché de près de 200 millions d'habitants : péninsule
ibérique, Italie, Grèce, Maghreb" (id.130).
"La Méditerranée réapparaît de
nouveau, dans cette phase de mondialisation des relations internationales,
marquée par l'émergence de grands ensembles économiques,
comme un nouveau pôle de développement en pleine gestation"
(Hadhri, 1997, 95).
Le sud-ouest français doit donc se positionner dans
l'arc méditerranéen, ce qui pourrait lui conférer un
rôle majeur d'interface entre le nord et le sud de l'Europe ; entre
l'Europe du nord et l'Andalousie via Toulouse, entre Valence et Milan via
Montpellier, entre Casablanca, Lisbonne et Paris via Bordeaux.
"L'appartenance à de grands ensembles culturels comme
le bassin méditerranéen ainsi que la construction
européenne sont une motivation puissante pour les relations culturelles
internationales entre les collectivités territoriales" (Rizzardo
in Perret & Saez, 1996, 48).
Pourtant la région Midi-Pyrénées,
contrairement à Languedoc-Roussillon, ne participe pas au programme
INTERREG III-B Méditerranée occidentale (MEDOC), mais au
programme INTERREG III-B Atlantique, dans lequel elle est réunie
à l'Aquitaine38(*).
D'après la chargée des affaires européennes en
Midi-Pyrénées, les raisons de ce manque de vision
stratégique sont surtout politiques, alors qu'elle-même
défend depuis plusieurs années l'inscription de
Midi-Pyrénées - et pourquoi pas d'Aquitaine ? - dans l'arc
méditerranéen et que la région entretient des contacts
permanents avec la région PACA, ainsi qu'une coopération
bilatérale avec la Catalogne.
De plus l'intérêt et la réalité de
l'orientation méditerranéenne du sud-ouest français sont
confirmés par les études de la DATAR : "Toulouse tend
à se développer plutôt vers la Méditerranée
[...] Par ailleurs, Bordeaux, qui a réussi par le passé son
intégration sur la façade atlantique a plus que jamais besoin de
Toulouse dont la "percée" en direction de la Méditerranée
est désormais effective" (Guigou, 1999b, 5; 1999, 8). Enfin, le
programme opérationnel INTERREG III-B SUDOE préconise
"d'établir le SUDOE comme acteur du système international par le
renforcement de ses liens de proximité avec le Bassin
méditerranéen" (Commission européenne, Programme
opérationnel [...], 2000, 32).
De la même façon le chargé des langues et
cultures régionales en Midi-Pyrénées confirme la
cohérence en terme culturel de s'ouvrir au monde
méditerranéen et regrette une "indécision politique qui
vient de la méconnaissance voire de l'ignorance de l'histoire
culturelle" ainsi qu'une "culture politique du sud franco-parisienne qui
considère la méridionalité de façon superficielle,
en tant que simple rapport au monde. Mais s'il n'y a pas approfondissement de
cette méridionalité par la culture elle deviendra un simple
exotisme".
Cette idée de l'inscription active du sud-ouest
français - et par extension du sud-ouest de l'Europe - dans l'arc latin,
et ce afin de rééquilibrer l'espace européen en faisant
contrepoids à la banane bleue, rejoint les propos de M. Gouze, chercheur
au LEREP de Toulouse (Laboratoire d'études et de recherche en
économie de la production):
"D'une part, aucun des pays ou régions du sud n'a
intérêt à voir se développer une Europe trop
nordique et, d'autre part, si l'Europe s'ouvre davantage à l'est, ces
régions n'en seront que plus éloignées tant
géographiquement que culturellement. Il s'agit donc bien d'ouvrir et
d'organiser des espaces de solidarité entre les régions de
l'Europe du sud, et, plus largement du bassin méditerranéen,
espaces qui construiront leur prospérité grâce à des
coopérations multiformes" (Dupuy & Gilly, 1997, 126).
A commencer par la coopération culturelle, qui ferait
du développement des relations culturelles un des moteurs du
développement général du sud-ouest de l'Europe.
Il s'agirait dans un premier temps de provoquer les rencontres
et contacts entre des populations appelées à être
partenaires privilégiés, dans un deuxième temps
d'approfondir le dialogue en privilégiant la dimension interculturelle
des projets.
Le sud-ouest de l'Europe est une zone de croisement culturel
riche nourrie d'influences diverses et qui peut, en s'associant à
l'ensemble de l'Europe méridionale, constituer un axe de
développement majeur de l'Union européenne - la DATAR
n'évoque t-elle pas l'idée de "l'isthme
sud-européen" ?
De plus le contact privilégié avec le Maroc, qui
appelle des relations culturelles intenses, constitue une ouverture majeure
pour le sud-ouest de l'Europe, d'autant plus que le Maroc participe au projet
euro-méditerranéen, projet qui revêt une importance
stratégique pour le développement de l'Europe méridionale,
pour ne pas dire de l'ensemble de l'Union européenne.
"Si l'Allemagne ne veut pas risquer une crise de la
construction européenne, il lui faut soutenir la construction d'un
contrepoids à l'extension orientale de la zone d'influence de l'Union
européenne qui ne pourra être autre que la région
euro-méditerranéenne" (Elsenhaus in Bistolfi, 1995, 85).
2. Projet euro-méditerranéen, relations
culturelles
et co-développement
La Conférence de Barcelone, en novembre 1995, a vu
l'Union européenne et ses douze partenaires du sud et de l'est de la
Méditerranée donner une impulsion sensible à la mutation
de leurs relations, par l'instauration du partenariat
euro-méditerranéen. Ce projet fournit un cadre de
référence durable aux relations de l'Union européenne avec
ses partenaires, le cadre multilatéral - projets régionaux entre
plusieurs pays - étant complémentaire des relations
bilatérales spécifiques entre l'Union et chacun des pays tiers -
négociations d'Accords d'association. C'est un projet ambitieux qui fait
écho à d'autres projets de regroupements régionaux prenant
forme ailleurs dans le monde, dans les Amériques comme en Asie. Mais
à la différence de ces accords, un des principaux apports de la
Déclaration de Barcelone est d'avoir pleinement intégré
dans sa philosophie, outre les préoccupations politiques et
sécuritaires, économiques et financières, la dimension
culturelle, sociale et humaine.
"Les 27 ont affirmé que la rénovation du
dialogue culturel est aussi indispensable que la coopération politique
et économique pour combler le fossé
méditerranéen.[...]L'inclusion de la culture dans le champ du
dialogue et de la coopération lui donne toute sa portée. Il
s'agit en effet de lutter contre un nouveau pessimisme historique qui affirme
le caractère inconciliable des différences culturelles. Face
à ce pessimisme, qu'un Samuel Huntington et d'autres ont
récemment théorisé en pronostiquant que les conflits de
demain seront d'abord des conflits de civilisation, le "contrat" de Barcelone
s'est inscrit en faux (Bistolfi, 1997, 124).
La Déclaration de Barcelone est ainsi
présentée comme l'acte fondateur de la Méditerranée
du XXIème siècle. Pour la première fois, un
texte engageant ces Etats a mis l'accent sur la société civile et
souligné "la contribution essentielle qu'elle peut apporter dans le
processus du partenariat euro-méditerranéen" (Balta, 2000, 70).
Ainsi, chaque conférence des 27 ministres des affaires
étrangères a été précédée,
accompagnée et suivie par une série de rencontres de la
société civile : les Forums civils Euromed -
à Barcelone en 1995, Malte en 1997, Stuttgart en 1997 et Marseille en
2000.
Ces forums civils sont un premier pas dans la
nécessaire mise en oeuvre d'un "travail d'échange interculturel
d'envergure au niveau des sociétés civiles [qui] s'avère
incontournable pour relever les véritables défis[...], non
seulement économiques et géostratégiques mais aussi et
surtout axiologiques et culturels" (Ammor, 2000, 37). C'est que le besoin de
développement commun auquel doit répondre le processus de
Barcelone39(*) comporte
une indissociable dimension culturelle, "ciment de tout véritable
rapprochement entre les peuples de la région, seul garant de
réussite de toute initiative économique voulant s'inscrire dans
la durée" (Ammor, 2000, 40) ; "le ciment, c'est l'instauration de
relations de confiance" (Fabre in Culture Europe, n°19, 6). On
peut aussi parler de "rôle de levain qui doit être celui de la
culture" (Roussel in Culture Europe, n°19, 8), d'autant plus que
"les retombées économiques [de la coopération culturelle]
(promotion des métiers d'art, développement d'un tourisme de
qualité, etc.) peuvent être - qualitativement et quantitativement
- plus que significatives" (Bistolfi, 1997, 125)40(*).
Les pays du sud-ouest de l'Europe sont des partenaires
euro-méditerranéens et les relations culturelles entre le
sud-ouest français, la péninsule ibérique et le Maroc
peuvent s'inscrire dans le cadre de ce partenariat. A ce propos il est
intéressant de remarquer que "la dimension culturelle de la
Déclaration de Barcelone [...]a été - sauf en Espagne et
au Portugal au moment de la rencontre - généralement
ignorée par les médias" (Balta, 1997c, 27). Et, de fait,
même si tous les membres de l'Union européenne sont
concernés par le partenariat euro-méditerranéen, "la
partie de la Méditerranée appartenant à l'Union
européenne, dépositaire d'une double culture -
méditerranéenne et européenne - doit jouer un rôle
de passeur, permettant une meilleure pédagogie de l'échange entre
les deux dimensions" (Roussel in Culture Europe, n°19, 8), ou
encore "Les pays du sud de l'Europe ont su nouer, au cours des siècles,
des liens et former un tissu interculturel et d'amitiés dont la
potentialité reste en deçà de ce qu'elle pourrait apporter
pour la compréhension des peuples de la Méditerranée"
(Rieutord, 1997, 36).
Le sud-ouest européen a donc un rôle actif
à jouer dans le développement culturel
euro-méditerranéen qui doit contribuer à atteindre, de
manière équilibrée, l'objectif de co-développement
général qui sous-tend le processus de Barcelone. "La politique
culturelle euro-méditerranéenne dépasse les enjeux
spécifiques à son domaine" (Roussel in Culture Europe,
n°19, 11). Comme on l'a vu les conditions de ce développement
au sud-ouest de l'Europe apparaissent favorables, qu'il s'agisse des relations
entre le sud-ouest français et la péninsule ibérique ou
des relations entre le sud-ouest européen et son partenaire
méditerranéen direct, le Maroc.
"Les différentes combinaisons des relations
internationales marocaines peuvent [...] s'inscrire dans un carré,
coopératif par nature, incluant le Maroc, la France, l'Espagne et
l'Union européenne" (Berramdane, 1992, 45). Ainsi le Maroc figure en
quelque sorte à "l'avant-garde" du partenariat
euro-méditerranéen - on parle même d'intégration
européenne en 201041(*) - ce qui se traduit concrètement par
l'entrée en vigueur, le 1er mars 2000, de l'Accord
d'association signé avec l'Union européenne le 26 février
1996, surtout lorsque l'on sait que sur les dix pays
méditerranéens supposés conclure de tels accords seulement
quatre d'entre eux, Maroc inclus, l'on fait42(*). Ainsi, des volontés de rapprochement
émanent d'un côté comme de l'autre.
Les propos exprimés lors de la première
réunion du Comité d'association Maroc-Union européenne
tenue à Rabat le 6 février 2001 vont dans ce sens. D'une part "Le
Maroc entend mettre à profit cette réunion en vue d'amener la
partie européenne à inscrire son partenariat à un niveau
supérieur", d'autre part le Secrétaire général du
ministère marocain des Affaires étrangères et de la
Coopération "a réitéré la volonté de
Rabat[...]de faire de la consolidation des relations Maroc-Union
européenne une réelle force motrice pour l'ensemble de la
région euro-méditerranéenne"43(*).
Cela rejoint les idées déjà
exprimées lors d'un colloque tenu à Paris en 1996 : "Le
partenariat euro-marocain doit être un moteur à l'intérieur
du plus vaste projet euro-méditerranéen" (M. Vento in
Maroc-Europe, quel partenariat? Actes du colloque., 1996, 114).
Il est à noter que cette implication du Maroc se
traduit également au niveau des collectivités. En effet M. Omar
Bahraoui, président de la Communauté urbaine de Rabat, a
été élu vice-président du Comité permanent
pour le partenariat euro-méditerranéen, créé
récemment à Palerme par les élus locaux des pays
méditerranéens afin d'encourager "la coopération
régionale, promouvoir les échanges et développer les
relations économiques, culturelles et touristiques entre les
collectivités des deux rives de la Méditerranée" selon les
orientations de la Déclaration de Barcelone44(*).
D'autres exemples viennent confirmer la volonté,
politique pour la plus grande part, de faire du Maroc un acteur-clé du
co-développement culturel en Méditerranée :
organisation à Rabat, en octobre 2000, par le ministère des
Droits de l'homme et le Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe, d'une
conférence sur le thème "Droits de l'homme, identités
culturelles et cohésion sociale dans la région
méditerranéenne" ; création de chaires universitaires
d'études méditerranéennes dans l'intention de marquer "le
lancement d'un réseau de chaires à travers les pays de la
Méditerranée"(in Al Maghrib du 30 janvier 2001) ;
déclaration dans la presse de M. Zerouli, ministre de l'Enseignement
supérieur, "En modèle d'ouverture parmi les pays de la rive sud,
le Maroc est en mesure de faire du pourtour méditerranéen un
espace de paix et de prospérité commun à tous les pays de
la région" (in Al Maghrib, 28 novembre 2000) ; rencontre
internationale de traduction des cultures à Marrakech, "visant à
rapprocher les cultures des peuples du bassin méditerranéen" (in
Le Matin du Sahara et du Maghreb, 4 novembre 2000) ; culture
présentée comme "dynamique essentielle à tout projet de
développement" ("Maroc : quel projet de société ?",
M.Sbihhi in Al Bayane, 12 décembre 2000).
Par ailleurs, dans une étude de la dimension culturelle
du développement, plus particulièrement concernant les plans de
développement marocains, M. Gouita émet des propositions pour
l'amélioration des mécanismes d'intégration de la culture
dans le développement au Maroc, parmi lesquelles on retiendra : "Il
est impératif de diversifier, tout en les rationalisant, les sources de
financement de l'action culturelle au Maroc, en y intéressant divers
acteurs (privés, collectivités locales, organismes
spécialisés nationaux, étrangers et internationaux, etc.)"
(Gouita, 1988, 186). L'intérêt pour le Maroc de développer
des relations culturelles avec des partenaires extérieurs, dans une
perspective de co-développement, apparaît clairement.
En plus de soutenir un développement économique
et social il s'agit aussi, par de telles relations, de faire face à un
enjeu fondamental à l'heure de la (fameuse) mondialisation : "se
voir soi-même comme un autre" (Molino in Esprit, 2000, 100).
Comme on l'a vu il y va du désenclavement des cultures (et donc des
mentalités), et ce d'autant plus que la culture marocaine est riche
d'influences méditerranéenne, arabo-islamique et africaine :
"ne serait-il pas nécessaire, pour avoir une vision moins limitée
de [sa propre culture], de faire appel au regard d'autrui, d'hommes et de
femmes qui la voient de l'extérieur ?" (id.). Ce
désenclavement des cultures obéit à un principe de
réciprocité, en dépit de contextes différents, et
ne concerne pas uniquement la (les) culture(s) "nordiste(s)"
européenne(s), celle(s) dont traite Jean Molino dans son article. "Le
désenclavement des cultures du Sud correspond bien à un besoin
vital" ( Ader in Dialogue culturel Nord-Sud [...], 1992, Postface, 61)
et constitue un véritable enjeu pour le co-développement
culturel, enjeu qui rejoint celui du partenariat
euro-méditerranéen dans son volet social, culturel et humain.
Pourtant, malgré les intentions réelles et
motivées, les volontés politiques affichées, les
déclarations et autres accords, le partenariat
euro-méditerranéen est loin de tenir ses promesses. "On est loin
d'un véritable co-développement qui, pour l'heure, n'a eu que des
effets d'annonce modestes" (INJEP, 2000, 186).
La Conférence Barcelone IV, tenue à Marseille en
novembre 2000, a été l'occasion de faire un bilan critique et de
se rendre compte du décalage entre les ambitions
euro-méditerranéennes et leur réalité.
D'après les compte-rendus officiels, "Les ministres
[...] ont regretté que toutes les potentialités de ce volet
[social, culturel et humain] n'aient pas été complètement
exploitées [...]S'agissant de la culture au sens large, les ministres
ont plaidé en faveur d'une montée en puissance des programmes
existants, à travers la mise en place de la deuxième phase
d'Euromed Heritage, le démarrage, le plus tôt possible en
2001, de la préparation d'Euromed Audiovisuel II[...], ainsi
que le lancement d'Euromed-Sciences Humaines"45(*).
La presse s'est fait l'écho des dysfonctionnements du
partenariat euro-méditerranéens.
Sur le plan politique, Arabes et Israéliens reprochent
à l'Union européenne sa neutralité ambiguë et passive
à l'égard de l'hégémonie
nord-américaine46(*), sur le plan économique on semble remettre en
cause le principe même du libre-échange en
Méditerranée.
Déjà, en 1997, l'Accord d'association avec
l'Union européenne était présenté comme un "pari
à hauts risques" pour le Maroc (cf. Zaïm & Jaïdi, 1997,
65-78). Aujourd'hui, Mme Belarbi, Ambassadeur du Maroc auprès l'Union
européenne, se demande si "la démarche d'accompagnement par
centration sur le libre-échange est capable de produire les
résultats économiques et sociaux à la hauteur des
proximités économiques et humaines qui lient les pays du sud et
du nord de la Méditerranée" (in Al Bayane, 5 novembre
2000) ; pour A.Saaf "le libre-échange pratiqué par l'Europe
réduirait la frontière économique à son seuil
minimal. L'Europe semble ainsi engagée dans une action constante de
dissolution des zones de regroupement autour d'elle" (Saaf in Roussillon, 1999,
242) ; Habib El Malki, dans son ouvrage La Méditerranée
face à la mondialisation. Les constances de l'identité,
remarque que cette région est "restée en dehors de la
dynamique de regroupements que la mondialisation impose", sans compter que "le
phénomène de la mondialisation est une notion encore creuse et
aurait une perspective incertaine surtout dans le cadre maghrébin" (in
Libération, 4 novembre 2000).
Quant au volet social, culturel et humain, il risque
d'être réduit à la prévention de l'immigration alors
que, même s'il remet fortement en question la façon dont le
processus de Barcelone a été mené ainsi que son devenir,
M. Bistolfi affirme que "L'importance d'une action résolue dans le
domaine de la culture s'impose d'autant plus que les volets politique et
économique du projet euro-méditerranéen connaissent les
faiblesses que l'on sait" (Bistolfi, 2000, 151). Ce qui nous renvoie à
un article du même numéro de Confluences
Méditerranée au titre évocateur, "La culture :
le parent pauvre ?", dans lequel sont relatées les initiatives de
la société civile au travers des Forums civils Euromed et ses
réactions face à l'évolution du processus de
Barcelone : "Désillusions ! Inquiétudes !
Danger ! " (Balta, 2000, 69). De telles réactions ne peuvent rester
inconsidérées si l'on veut rester fidèle à la
philosophie de départ du projet euro-méditerranéen car -
est-il besoin de le rappeler? - "en l'absence de dialogue entre les
sociétés civiles des deux rives, le partenariat restera entre les
mains des technocrates, des financiers et des marchands"47(*).
Cependant, le fait de mettre en exergue la dimension
culturelle du partenariat ainsi que le rôle assigné à la
société civile peut constituer à son tour une menace, par
"la dérive identitaire à laquelle "l'option culturelle" ouvre
nolens volens la voie" (Roussillon, 1999, 228).
"Il ne fait pas de doute que, dans l'esprit de la plupart des
"eurocrates" de Bruxelles ou de Strasbourg, le co-développement
méditerranéen doive être un développement
séparé. De ce point de vue, la prise en considération de
la dimension culturelle risque bien de se limiter à l'identification des
registres dans lesquels des interactions sont possibles ou souhaitables entre
les deux rives - et de ceux dans lesquels elles ne le sont pas -, en même
temps que des précautions à prendre pour ne pas heurter les
sensibilités "spécifiques" des Méditerranéens du
sud - en caricaturant : éviter de faire plastronner Claudia Schiffer
dans une robe de soirée rehaussée de versets coraniques, garantir
l'abattage rituel des bovins fous exportés vers ces rivages sous forme
de corned beef, mettre en place, dans les banques européennes,
des dispositifs financiers permettant de tourner l'interdit islamique du
prêt à intérêt..." (id.,232-233).
De cette façon M. Roussillon, directeur du Centre de
recherche Jacques Berque de Rabat, souhaite clarifier "les
ambiguïtés fondamentales et les possibles dérives de la
gestion culturelle identitaire du sens qui paraissent en passe de s'imposer aux
gestionnaires autorisés ou auto-proclamés du destin de l'ensemble
méditerranéen" (id., 235). Les initiateurs et acteurs des
relations culturelles euro-méditerranéennes doivent être
conscients de la nécessité d'un dépassement des
"démons identitaires" (id., 242), qui renvoie au dépassement du
multiculturalisme prôné par M.Wieviorka48(*).
Le but du processus de Barcelone ne doit pas être, pour
l'Europe, de "prévaloir en tant que pôle planétaire face
aux pôles nord-américain et est-asiatique, [ce qui se traduirait]
quasi mécaniquement par l'affaiblissement des ses "marches"
sud-méditerranéennes, condition sine qua non de
l'affirmation de son leadership régional" (Roussillon, 2000, 242), mais
bien de mener une coopération et un co-développement
régionaux, dont les relations culturelles font partie intégrante
afin d'"ouvrir les sociétés arabes à la modernité
dans un dialogue culturel équilibré" (id., 2000, 241). Pour M.
Fouad Ammor, "le culturel ne peut jouer à plein que si les
problèmes fondamentaux, de dimension super-structurelle, sont
résolus" (entretien). De cette façon la notion de
co-développement retrouve tout son sens et c'est ainsi qu'elle doit
être comprise et appliquée par les acteurs des relations
culturelles en Méditerranée.
Ainsi, différents facteurs interdépendants
mettent en évidence l'importance de développer les relations
culturelles au sud-ouest de l'Europe.
Une fois cette analyse faite, il s'agit d'accéder au
domaine du pratique et du réalisable en abordant la mise en oeuvre de
ces relations.
PARTIE C
Mise en oeuvre de projets
I. Pertinence de la collaboration
interrégionale comme modalité de mise en oeuvre des relations
culturelles extérieures : les régions du sud-ouest
français.
"Je pense qu'une Région [...]ne se définit pas
par ses frontières. Où est la frontière entre
Midi-Pyrénées et l'Auvergne? Où est le Rouergue? Peut-on
le dire? Je crois qu'une Région se définit par sa manière
de vivre [...] et en même temps par ses projets communs ou ses formes de
créativité contemporaine. Au fond une Région se
définit par sa culture "globale"(M. Giscard d'Estaing in La
politique culturelle des régions, Actes, 1996, 78).
1. L'idée de "bassin culturel" :
légitimité et limites
La notion de bassin culturel part du constat que les trois
régions du sud-ouest français, au-delà des
frontières administratives, ont en commun des traits culturels,
ceux-là mêmes qui encouragent le développement des
relations culturelles avec la péninsule ibérique et le Maroc.
Ces influences culturelles communes, pour ne pas dire cette
"culture commune", donnent de la cohérence à un travail
tissé entre ces trois régions concernant les relations
culturelles extérieures et trouve une partie de son fondement dans
l'Histoire49(*) et dans le
fait que le découpage des régions françaises,
"concocté à la fin des années 50 dans des bureaux
parisiens[...]par des technocrates en mal d'imagination" (Dupuy & Gilly,
1997, 41), n'a pas toujours tenu compte des liens et traditions culturels. Le
sud-ouest français est un exemple de ce dépassement
nécessaire - et spontané - de l'échelon régional,
surtout concernant les affaires culturelles. "C'est le cas du Millavois
attiré vers Montpellier, mais aussi de certaines zones du Gers ou du
Tarn-et-Garonne qui regardent vers l'Aquitaine. Inversement, la région
de Castelnaudary ne doit son rattachement à la région
Languedoc-Roussillon qu'à de subtiles tractations administratives" (id.,
7).
De plus, il est généralement admis que les
régions françaises, compte tenu de l'histoire politique de la
France, ont une certaine difficulté à se constituer une
identité qui, de fait, apparaît comme une identité "de
circonstance"50(*).
Concernant le sud-ouest français, deux idées
force dans cette notion de bassin culturel pourraient sous-tendre des
collaborations interrégionales :
§ Le bassin culturel
méditerranéen
Cette idée a connu un regain d'intérêt
depuis la Conférence de Barcelone. On a pu parler de
"Méditerranée créatrice[...], mouvement culturel
profond[...], un des rares lieux de résistance possible à ce
formidable mouvement d'homogénéisation culturelle qu'est
l'occidentalisme" (Fabre, 1993, 147-149). Pourtant cette affirmation de
l'existence d'une culture méditerranéenne relève en grande
partie d'un imaginaire des pays nord-méditerranéens, pour ne pas
dire occidentaux. Depuis l'image de l'Antiquité
méditerranéenne reconstruite par les humanistes des
Lumières et leurs successeurs du XIXème siècle, jusqu'aux
tauromachies de Picasso, en passant par la grande synthèse
historiographique de Fernand Braudel, "la Méditerranée demeure,
pour la plupart des pays du Sud de la Méditerranée, une
projection politico-économique et culturelle du Nord" (Hadhri, 1997, 96)
; une "Méditerranée imaginaire[..,]antipode de la
modernité" (Chadziiossif, 1997, 58).
Si les Sciences sociales reconnaissent une certaine
unité civilisationnelle méditerranéenne, celle-ci se
manifeste surtout au travers des échanges commerciaux et des formes
représentatives d'organisation politique (id., 60-63). Quant au bassin
culturel méditerranéen, c'est avant tout un "lieu de dialogue
entre les cultures européennes et islamiques" (Jouve, 1997, 107), entre
le Nord et le Sud.
Les relation culturelles méditerranéennes
peuvent en premier lieu s'articuler autour du patrimoine, "susceptible
d'être exploité à bon escient pour revigorer et renforcer
les sentiments d'appartenance commune des peuples de la
Méditerranée" (Hadhri, 1997, 100). On peut penser au programme
communautaire Euromed Heritage ou encore au rôle que peut jouer
le musée dans le dialogue culturel méditerranéen51(*), démarche dans laquelle
s'inscrit le projet de création prochaine à Marseille d'un
musée des Civilisations européennes et de la
Méditerranée.
Par ailleurs, garder à l'esprit que la
Méditerranée est avant tout "un trait d'union[...]entre des
hommes[...]dont les cultures s'adossent les unes aux autres" (Rieutord, 1997,
37) permet de développer des relations culturelles loin des
ambiguïtés du discours culturel méditerranéen qui
peuvent mener à des dérives identitaires eu égard au
contexte historique et géopolitique méditerranéen52(*).
"Il n'y a pas de Méditerranée pure[...]. Le
Portugal, bien que manifestement non européen par sa géographie,
participe à la Méditerranéité" (Edgar Morin in
Roussillon, 1999, 240).
§ Le bassin culturel occitano-catalan
Aujourd'hui la langue et la culture catalanes ont acquis une
visibilité très forte, notamment grâce à l'impulsion
politique de la Généralité de Catalogne, mais les cultures
occitane et catalane ont une origine et un développement liés.
"[L'évocation de ces cultures] nous renvoie à
une très ancienne et illustre unité historique, linguistique et
culturelle, les pays catalans et occitans ayant tissé des liens
socio-politiques entre le IXème et le
XIIIème siècles, élaboré ensemble
à cette époque une littérature et une création
artistique de très haut niveau qui est aux sources de la culture
européenne et a donné naissance à deux langues romanes
jumelles dans leurs variétés respectives, le Catalan et
l'Occitan" (in Eurocongrès des espaces occitans et catalans,
brochure promotionnelle, 2000).
Géographiquement cette "culture globale" concerne "une
zone charnière de l'Europe méridionale où elle s'articule
avec l'ensemble atlantique et l'Europe septentrionale et comprend 14
régions d'Europe" (id.). Les régions Aquitaine,
Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon sont parmi les
régions incluses dans cette zone53(*). Bien qu'elle ait surtout connu son heure de plein
développement à l'époque médiévale, la
culture occitano-catalane est encore vivante aujourd'hui.
Le Catalan est langue officielle de la
Généralité de Catalogne, une des Communautés qui
comptent le plus sur l'échiquier politique espagnol, voire
communautaire, et des variantes de l'Occitan ont été
récemment reconnues langues officielles dans le Val d'Aran - haute
vallée de la Garonne - ainsi que dans les vallées du
piémont italien. Par ailleurs les langues occitanes font l'objet
d'études et de recherches universitaires à travers le monde :
Japon, Etats-Unis, Allemagne, Brésil, etc.
Un Eurocongrès des espaces occitans et
catalans, qui a lieu depuis fin 2000 jusqu'à fin 2001, ouvert
à Marseille, pré-clôturé à Toulouse et
clôturé à Barcelone, témoigne de la vitalité
du monde associatif et du soutien institutionnel - pouvoirs régionaux
surtout - dont bénéficie la culture occitano-catalane que l'on
souhaite associer à des problématiques de fond et
d'actualité - organisation de l'espace communautaire, démocratie
linguistico-culturelle, mondialisation, etc. Récemment, lors des
élections municipales de Toulouse, "tous les partis ont
été travaillés au corps par la culture occitane, sauf
l'extrême droite, et l'idée de création d'une Maison de
l'Occitanie a été plusieurs fois avancée" (entretien avec
le chargé de la langue et de la culture régionales en
Midi-Pyrénées).
L'idée de bassin culturel est d'autant plus pertinente
qu'il n'y a jamais eu d'Etat occitan à proprement parler. L'Occitanie
est un ensemble culturel et non politique, représentatif d'une culture
sud-européenne, "une culture parfois plus européenne de sens que
la culture officielle" (id.). Cette culture est à la fois
fédératrice et tournée vers l'extérieur, regroupant
de nombreux dialectes et patois, un peu à la manière de l'Arabe
classique par rapport aux Arabes dialectaux. Elle doit être
appréhendée aux niveaux régional, interrégional,
transfrontalier et méditerranéen, car "on ne peut comprendre
cette langue et cette culture sans faire référence aux cultures
ibériques, italiennes et arabo-andalouses" (id.).
On le voit, l'idée de bassin culturel ne s'applique au
sud-ouest français que dans la perspective de son ouverture et notamment
ses ouvertures transpyrénéenne et
méditerranéenne.
Bien entendu cette notion comporte des limites
évidentes et part souvent de constructions dans lesquelles l'imaginaire
joue une grande part. Même si l'unité culturelle de certaines
communautés est indubitable - Pays basque, Catalogne,
Pyrénées, communautés immigrées, etc. - l'action
culturelle du gouvernement catalan de Jordi Pujol, au pouvoir depuis 1980, par
exemple, a été présentée comme "centrée sur
la normalisation linguistique et la création d'un imaginaire collectif"
(in Pôle sud n°10, 1999, 66). On voit les dérives
que peut amener, en Méditerranée par exemple, la création
d'un imaginaire collectif culturel (cf. Roussillon, 2000).
Certaines personnes présentent même la culture
occitane, en dépit de sa dimension fédératrice, comme une
"construction politique réactionnaire d'opposition, différente
d'un mouvement naturel réel", tout en reconnaissant, d'une part une
"parenté culturelle, un espace de romanité", d'autre part la
présence de "connexions naturelles en brièveté de
déplacement, entre Tarbes [Midi-Pyrénées] et Pau
[Aquitaine], Millau [Midi-Pyrénées] et le Languedoc"54(*) discours dans lequel on
retrouve le lien entre culture et aménagement du territoire.
Néanmoins l'idée d'une culture commune, à
partager, peut donner de l'impulsion à des collaborations
interrégionales tournées vers l'extérieur, sur certains
thèmes et projets spécifiques et peut créer une "dynamique
sud-européenne de carrefour, de passage, pour capter des influences et
faire des synthèses créatrices"55(*).
2. L'interrégional face au
local(isme)
"La réponse localiste confine à l'autarcie
inavouée"56(*).
En ce qui concerne les facteurs identitaires, point essentiel
à prendre en compte lorsque l'on travaille dans l'espace
régional, l'échelle interrégionale peut tempérer
une approche localiste, trop restreinte face au contexte de l'international,
sachant que les Affaires étrangères et extérieures
relèvent en général de compétences étatiques
et que les régions françaises sont de taille assez modeste et
disposent de "masses critiques" réduites face à nombre de leurs
homologues européens. On peut prendre l'exemple du Land de
Bavière jumelé à la fois avec Midi-Pyrénées,
PACA et Languedoc-Roussillon, un Land pour trois Régions.
L'échelle interrégionale va ainsi à
l'encontre de tout provincialisme dont, d'après un chargé de
mission en Midi-Pyrénées, de nombreux élus font encore
preuve et qui les empêche de voir plus loin que "Paris et le
désert français". Cela rejoint l'avis du peintre Henri Cueco qui,
lors des discussions sur les transferts de compétences, a
évoqué dans les FRAC "deux maux complémentaires : le
parisianisme et le régionalisme" (Moulinier, 1995, 164).
En extrapolant quelque peu on pourrait dire qu'au niveau
culturel-identitaire, l'approche interrégionale est plus structurante et
permet d'éviter toutes sortes de dérives - dont les conflits de
l'ex-Yougoslavie sont un exemple, extrême certes, mais dont pourrait se
rapprocher l'exemple du mouvement séparatiste basque.
De plus le cadre interrégional apparaît
également plus structurant pour les relation interculturelles envers les
minorités ethniques car l'on peut se poser la question, comme cela a
été le cas lors du colloque Les stéréotypes
nationaux et la construction européenne, tenu à l'UNESCO en
2000, de savoir si les minorités ethniques ne s'identifient pas plus
facilement à une nation plutôt qu'à une région.
Ainsi l'échelle interrégionale apparaît
comme un compromis pertinent entre les avantages d'instaurer des relations
à un niveau local (cf. partie B., chapitre III.1.) et la "largeur de
vue" nécessaire au développement des relations culturelles
internationales.
Enfin c'est aussi en terme de visibilité internationale
des projets que la collaboration interrégionale paraît pertinente.
Concernant le sud-ouest français, il est plus cohérent pour les
trois régions pyrénéennes de développer ensemble
leurs relations culturelles extérieures dans des contextes "globalisant"
tels que "l'isthme sud-européen", "l'arc méditerranéen
occidental", participant de "l'articulation nord-sud à travers l'espace
européen". Ainsi, les "systèmes complexes interrégionaux
de développement durable comportent le plus souvent[...]une
identité culturelle et patrimoniale qui renforce la lisibilité
à l'échelle mondiale" (Guigou, 1999, 8).
Par ailleurs, la cohérence de regroupement
interrégional se retrouve, au-delà des intérêts
géostratégiques et médiatiques, à un niveau plus
concret.
3. La mise en commun des capitaux
respectifs
La pertinence de la collaboration interrégionale
répond également à des considérations plus
matérielles, ou tout au moins pragmatiques. Les budgets culturels des
Conseils régionaux sont limités par d'autres priorités. On
peut de là imaginer la part des dépenses consacrées aux
affaires culturelles internationales qui ne bénéficient pas de
ligne budgétaire assez clairement définie.
"Sauf au niveau des communes d'une certaine importance, les
budgets culturels sont faibles et donc la part que l'on peut consacrer aux
activités extérieures reste limitée.[...]Par ailleurs,
force est de reconnaître que ce type d'actions a du mal à
s'insérer dans l'agenda des services culturels territoriaux : souvent,
ce n'est pas le service chargé de la culture qui gère les
activités culturelles internationales"
(Moulinier, 1995, 265)
Ainsi on constate que "entreprendre une opération de
détournement des flux artistiques [et notamment les flux
internationaux], qui se dirigent tous vers Paris, lieu de la reconnaissance,
est particulièrement difficile pour une autorité régionale
ne disposant que de faibles moyens" (Pongy & Saez, 1994, 310).
Quant aux DRAC, autres acteurs financiers principaux, elles ne
disposent que de faibles crédits déconcentrés du DAI et
"le soutien à des échanges (le plus souvent transfrontaliers)
n'est pas sans soulever d'épineuses questions de compétences et
de préséances, tant avec les autorités
préfectorales qu'à l'intérieur de l'administration
culturelle" (Négrier in Perret & Saez, 1996, 120) ; ou encore, "Les
DRAC, quoique peu dotées de crédits déconcentrés
pour 'l'international", sont souvent dans une position favorable bien que
n'ayant pas de droit à l'action internationale. Mais ce n'est une
priorité pour aucune DRAC" (Moulinier, 1995, 265). Par exemple la DRAC
Midi-Pyrénées a disposé de 250 000 francs de
crédits déconcentrés du DAI en 1999, et de 240 000 francs
en 200057(*).
Dans un tel contexte, les collaborations
interrégionales apparaissent comme synonymes de mise en commun des
moyens financiers, mais aussi humains, techniques, etc., ouvrent sur la
possibilité de lancer des projets ayant une réelle envergure et
des retombées internationales.
A ce propos il est à noter que même si, dans ce
mémoire, on s'attache à considérer en priorité la
collaboration interrégionale entre DRAC et Conseils régionaux,
celle-ci concerne aussi, par extension, les associations et réseaux -
les réseaux ne sont-ils pas interrégionaux par leur nature
transversale ? -, établissements culturels et artistiques, etc. Il est
désormais reconnu que de nombreux établissements culturels
régionaux "rayonnent" sur une échelle interrégionale,
voire transfrontalière et internationale58(*).
Par ailleurs, les recherches prospectives dont la
collaboration interrégionale fait l'objet font apparaître ses
avantages : "Des pôles interrégionaux apparaissent ainsi comme une
solution organisationnelle qui se prête à une adaptation et
à une modernisation des terminaux déconcentrés de l'Etat"
(Leclerc et alii, 1996, 119). Concernant plus particulièrement les DRAC,
il est à noter que la loi du 06 février 1992 relative à
l'administration territoriale de la République incite dans son titre III
à la coopération interrégionale (Chapitre Ier). Ainsi, "le
chapitre III [du décret du 1er juillet 1992 portant charte de
la déconcentration et qui accompagne la loi du 6 février 1992]
précise que les services déconcentrés peuvent
réunir certaines de leurs fonctions en constituant un "pôle de
compétences pour l'exercice d'actions communes selon les
modalités qu'ils déterminent conjointement et sous
l'autorité du préfet" (Moulinier, 1995, 137).
Parallèlement, l'intégration européenne
accélère le mouvement de recomposition régionale,
notamment le "regroupement fonctionnel des régions : l'Allemagne, tout
en préservant ses seize Länder, a défini six
grandes régions fonctionnelles et six hubs intercontinentaux,
l'Italie où Romano Prodi, alors Président du conseil avait le
projet de passer de vingt-deux régions politiques à douze
régions techniques et opérationnelles" (Guigou, 1999, 5);
mouvement amorcé en 1991 par la Commission de la politique
régionale de l'aménagement du territoire du Parlement
européen (Leclerc et alii, 1996, 46). Toujours dans le contexte
européen, la collaboration interrégionale au niveau
français se présente comme une solution dans la recherche d'un
certain équilibre de compétences et de moyens quand on constate
que "la région est l'acteur institutionnel le plus faible du
système culturel français[...]. Les Communautés autonomes
espagnoles s'imposent chaque jour davantage comme des acteurs majeurs en
Espagne" (Pongy & Saez, 1994, 293).
La collaboration interrégionale se présente donc
comme une modalité de mise en oeuvre bien adaptée aux affaires
culturelles extérieures de régions proches et permettrait au
sud-ouest français de faire "frontière commune" avec la
péninsule ibérique et de s'inscrire dans l'arc
méditerranéen.
Elle ne peut être qu'encouragée par des
déclarations telles que ; "c'est dans le domaine économique et
culturel que le mouvement de recomposition des régions est, de loin, le
plus avancé et le plus rapide" (Guigou, 1999, 4). Cependant le
développement du "culturel" reste dépendant d'autres domaines, ce
que les conditions de réalisation des projets, abordées au
chapitre suivant, illustrent parfaitement.
II. Exemples et perspective de réalisation de
projets.
1. Exemples
a. La coopération culturelle
transfrontalière
vue de la DRAC Midi-Pyrénées
La coopération culturelle transfrontalière et
interrégionale franco-espagnole figure au cahier des charges de la DRAC
depuis plusieurs années et concerne de nombreux projets59(*) :
- Une étude sur le sujet, La coopération
culturelle transfrontalière entre la région
Midi-Pyrénées, l'Espagne et l'Andorre, a été
réalisée en 1994 à la demande conjointe du Conseil
régional et de la DRAC60(*).
- Deux projets "moteurs" ont été soutenus par le
DAI de 1996 à 1998 et effectivement mis en oeuvre : Les
Itinéraires transpyrénéens du patrimoine et le
Réseau des musées pyrénéens61(*).
Parallèlement, la DRAC a collaboré à
l'élaboration d'un Schéma des services collectifs culturels,
à l'échelle interrégionale, en partenariat avec Aquitaine
et sous le contrôle de la MIIAT Grand Sud Ouest.
Ces projets s'inscrivaient dans la dynamique
générale de coopération transfrontalière
développée alors à la DRAC62(*).
- Le bilan des différents projets,
réalisé en juillet 2000 dans le but de relancer la
coopération transfrontalière et interrégionale, fait
ressortir l'aspect transversal et multilatéral de la coopération,
ainsi que le nombre et la diversité des initiatives et des
potentialités63(*).
Actuellement, d'après des entretiens récents
auprès des responsables de la DRAC, la coopération culturelle
franco-espagnole64(*)
semble être dans une phase de "ralentissement":
- Certains projets continuent d'être
réalisés mais sans réelle évolution en terme
d'envergure et de développement (festival Cinespaña,
festival Résistances, association Avant Mardi, projets
autour des arts de la rue, etc.).
- D'autres projets sont pour l'instant suspendus, en attente
de décisions notamment concernant la procédure de mise en oeuvre
et le financement : le Réseau des musées
pyrénéens - départ de M. Collin de son poste de
chargé de la culture en Languedoc-Roussillon, et coordinateur de la
réalisation du Guide des musées pyrénéens65(*) -, les Itinéraires
transpyrénéens du patrimoine, le Guide transfrontalier
des sources d'archives, etc.
- Quelques nouveaux projets seulement semblent en passe
d'aboutir, notamment dans le secteur de l'archéologie (valorisation du
patrimoine culturel et naturel des vallées de Luchon-Bénasque,
exposition itinérante sur les sites de production de céramiques
sigillées).
De cette façon on est encore loin de relations
culturelles pérennes et structurantes, malgré les volontés
- et la nécessité - de les développer.
Cet état de fait met en évidence plusieurs
points relatifs à la mise en oeuvre des projets :
- Les financements communautaires représentent un
soutien potentiel important des relations culturelles66(*), notamment au travers du
programme INTERREG A et B.
- La contribution des DRAC ne peut être efficace sans
une implication conjointe des collectivités, en particulier les
Régions et leurs services concernés.
- Ainsi, l'aboutissement des projets en région
dépend en grande partie de décisions et d'orientations politiques
de la part des élus.
Enfin, il apparaît que l'établissement des
relations culturelles souffre d'un manque d'articulation et de structuration
à plusieurs niveaux :
- Collaboration inter-institutionnelles
DRAC-Régions.
- Collaboration interrégionale, soit entre les DRAC,
plus encore entre les Régions.
- Collaboration transfrontalière et transnationale,
particulièrement d'un point de vue juridico-logistique, qu'il s'agisse
des relations entre les différents interlocuteurs selon leurs
compétences propres, ou du choix d'une (de) structure(s) porteuse(s) de
projets apte(s) à recevoir des financements multilatéraux.
b. Action régionale et
para-régionale
§ L'Association de coopération
interrégionale - Les Chemins de Compostelle
Cette association a été fondée en 1990
par les Régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et
Aquitaine, suivant une "volonté de mise en oeuvre d'actions communes et
concertées entre les Régions du Grand Sud" (entretien Mme A.
Mayol). Les missions de l'association se déclinent selon trois axes :
mise en valeur touristique dans une optique de tourisme culturel, action
culturelle et pédagogique, coordination et relais des institutions
locales.
D'après Antoinette Mayol, directeur de l'association,
celle-ci est considérée par le Conseil de l'Europe - qui fait
figurer les chemins de Compostelle parmi les Itinéraires culturels
européens - comme tête de réseau française des
"associations jacquaires"67(*) qui sont extrêmement nombreuses en France comme
à l'étranger. L'association se positionne comme un centre de
ressources - pour la formation et l'information -, comme un "laboratoire pour
l'innovation et la réflexion" et comme relais européen.
L'association développe son action autour du
thème de "l'itinérance au long cours", considérée
comme "une soupape de sécurité face à "l'enclosure"
urbaine". En effet, selon une étude menée par la
Fédération espagnole des pèlerins à pied, sur 166
239 cheminants en 1999, 80,5% proviennent du milieu urbain. Ainsi les chemins
de Compostelle apparaissent comme un "non-lieu", espace de liberté,
"chemins du contre-pouvoir nécessaire à toute démocratie"
(entretien Mme. A. Mayol).
La thématique des chemins de Compostelle est
appréhendée à l'échelle interrégionale,
transnationale et interculturelle, comme on peut le voir à travers les
travaux réalisés ou en projets :
- Mise en valeur - balisage, aménagement de
l'hébergement, etc. - des Voies du Sud par le chemin
d'Arles-Saint Gilles en collaboration avec PACA, et par les chemins
transpyrénéens du Camino francés en collaboration
avec des partenaires des autonomies espagnoles - Navarre et Aragon
notamment.
- Dans la continuation, projet de mise en valeur des chemins
du piémont italien - Via francigena - en collaboration avec des
partenaires italiens. Pour cela l'association va organiser un séminaire
des Présidents des Régions françaises et italiennes
concernées.
- Mise en place d'une formation de prestataires de l'accueil -
offices de tourisme, syndicats d'initiatives, établissements
d'hébergement, guides, etc. - sur les Voies du Sud. Cette formation a
été organisée par les trois Régions
pyrénéennes via l'association et en partenariat avec le
Commissariat à l'aménagement des Pyrénées de la
DATAR et le GRETA du Cominges-Luchonais. Un des points-clés de cette
formation a été une présentation historique et culturelle
des chemins, afin de "donner une véritable dimension culturelle au
tourisme" (A.Mayol). En présentant d'une part les Voies du Sud comme
voies de relation entre la civilisation arabo-andalouse et la civilisation de
l'Europe méridionale, d'autre part les apports réciproques entre
ces cultures, Mme. A. Mayol souhaite "dépasser les idées
reçues contemporaines" liées à l'immigration et à
la "culture des quartiers".
- Cette intention de donner une dimension interculturelle au
travail de l'association se traduit par exemple par le projet de
développer des liens avec l'Itinéraire de l'Héritage
al-Andalus, autre itinéraire culturel européen
"parrainé" par le Conseil de l'Europe. Ainsi cela confirmerait la place
et le rôle du sud-ouest français dans un axe de
développement des relations culturelles entre sud-ouest européen
et Maghreb, notamment avec le Maroc. Il est à noter que le projet
d'Itinéraire de l'Héritage al-Andalus a reçu
l'appui du Roi d'Espagne, du gouvernement autonome andalou et du
ministère marocain de la Culture et de la Communication68(*).
- L'association va participer au montage d'un projet dans le
cadre du programme communautaire Culture 2000, action 3-1 b : "promouvoir et
approfondir le thème des lieux de mémoire et des moments
culturels et historiques partagés par les Européens". Ce projet,
impliquant divers partenaires européens des milieux éducatif -
enseignement général et spécialisé - et culturel -
associations - vise à "établir des passerelles entre les
échanges européens opérés à l'époque
médiévale par la fréquentation des itinéraires des
chemins de Saint Jacques de Compostelle et la construction européenne
contemporaine dans le domaine de la création artistique, du patrimoine
culturel et des sciences. Favoriser les échanges concrets et virtuels
sur cette thématique par la création d'un site Internet".
Ainsi, l'expérience de l'association permet de mettre
en exergue certains points relatifs à la mise en oeuvre de projets :
- L'organisation de la collaboration interrégionale
française - voire internationale, est toujours très
compliquée à cause du morcellement territorial qui engendre un
morcellement des compétences très difficile à coordonner.
De plus ce phénomène, d'après Mme. Mayol, éloigne
les populations du pouvoir et renforce le décalage entre "ceux qui
vivent et ceux qui font le pouvoir" - à ce sujet on peut penser au
projet actuel de créer des mairies d'arrondissement à Toulouse,
échelons supplémentaires de l'administration municipale. Pourtant
la collaboration interrégionale a de l'avenir, surtout concernant les
projets à dimension européenne et internationale : "les
élus savent que c'est nécessaire et que "l'union fait la force",
mais en même temps ils tiennent à conserver l'autonomie sur leur
territoire".
- Dans ces conditions le rôle de l'association est
d'impulser une méthodologie commune, une sorte de "livre blanc de la
collaboration interrégionale".
Par ailleurs, l'association a été un moment
pressentie pour être la structure porteuse du secrétariat
permanent du Réseau des musées pyrénéens
et des Itinéraires transpyrénéens du patrimoine,
ce qui aurait été une première étape dans la
collaboration DRAC-Régions.
Pour raisons politiques cette idée n'a pas abouti, ce
qui illustre la difficulté de la coopération entre DRAC et
Régions, malgré le cadre formel du Contrat de plan
Etat-Région, notamment la Convention interrégionale des
Massifs69(*). Il est
à noter que lors de récentes réunions entre le
Commissariat à l'aménagement des Pyrénées de la
DATAR et la Région Midi-Pyrénées des Commissions ont
été mises en place pour l'élaboration de projets dans le
cadre de cette Convention, dont une Commission chargée entre autres des
affaires culturelles. Ce processus dénote tout de même une
certaine lenteur administrative et une priorité donnée à
la coopération culturelle toute relative.
§ Le service chargé des langue et
culture régionales en Midi-Pyrénées
La proximité interculturelle des cultures occitanes et
maghrébines et la nécessité de la collaboration
interrégionale70(*)
ont suscité plusieurs projets de la part de ce service :
- Un groupe de musique régionale occitane travaille
avec un chanteur marocain sur un oratorio de poèmes en occitan et en
arabe et prépare une tournée pour 2002, qui ira de Grenade sur
Garonne à Grenade en Andalousie.
- Des parcours architecturaux sur le thème de
"L'influence d'al-Andalus dans l'architecture locale" sont organisés,
notamment en faveur des jeunes des quartiers.
- Parallèlement des conférences sont
données sur le thème de l'influence arabo-andalouse sur la
culture occitane.
- La signature récente d'une convention entre
Midi-Pyrénées et la Région de Marrakech laisse entrevoir
des possibilités de développer un axe culturel pertinent autour
des cultures régionales respectives occitane et berbère.
- Les Régions PACA, Languedoc-Roussillon,
Midi-Pyrénées et l'Autonomie de Catalogne
réfléchissent à un projet commun de développement
d'un Chemin de l'Art roman et de création d'une agence de voyage
virtuelle. On retrouve là les préoccupations propres aux
Régions en matière de relations culturelles internationales par
rapport au patrimoine et au tourisme culturel.
M. Surre-Garcia, chargé des langue et culture
régionales en Midi-Pyrénées, regrette lui aussi les
blocages de la collaboration interrégionale, et reconnaît que
"c'est l'avenir. La formalisation est difficile. On a tous les
éléments mais on tarde. Même si on retarde l'avenir en
France il est incontournable".
Concernant plus particulièrement la culture occitane il
préconise une "interrégionalité active", par le
repérage des structures porteuses de projets les plus efficaces dans
chaque région : l'Institut occitan de Pau en Aquitaine, le Centre
interrégional de développement de l'Occitan (CIRDOC) -
"mémoire de l'Occitanie" - en Languedoc-Roussillon, le Centre de
ressources occitan et méridional en Midi-Pyrénées,
résultat d'une convention entre l'Université de Toulouse-Le
Mirail, Midi-Pyrénées et le rectorat de Toulouse. Ensuite il
s'agit d'associer à ce "réseau moteur" des structures relais
pertinentes, telles que le Conservatoire occitan, la Maison des cultures du
monde à Toulouse, les lieux d'enseignement spécialisés,
etc. Ainsi peut prendre forme un réseau d'enseignement et d'action
culturelle, instrument adapté à la réalisation de projets
interrégionaux et internationaux "dans un esprit
sud-européen".
c. AFAA et réseau culturel français
à l'étranger
§ AFAA - Pôle collectivités
territoriales
Le pôle AFAA-collectivités soutient les projets
de coopération culturelle internationale des collectivités,
projets auxquels des établissements du réseau culturel
français à l'étranger peuvent s'associer, comme par
exemple lors de la tournée de la compagnie de cirque Les
Acrostiches au Maroc du 1er octobre au 31 décembre 2000,
qui a donné lieu à un partenariat avec l'Ecole du cirque de
Rabat, sous forme de stages. Ce projet a été soutenu par la ville
de Toulouse et l'AFAA, et piloté par l'Institut français de
Casablanca.
On peut donc imaginer le développement d'un partenariat
entre l'AFAA, les régions du sud-ouest français et les
réseaux en Espagne, au Portugal et au Maroc.
A l'heure actuelle seules des villes du sud-ouest ont une
convention avec l'AFAA, axée sur des points précis et
limités : Montpellier pour le festival Montpellier Danse,
Bordeaux dans le cadre de son jumelage avec Bilbao, Biarritz concernant le
Centre chorégraphique national qui inscrit dans son cahier des charges
un travail interrégional sur l'arc pyrénéen. Quant
à la ville de Toulouse, son partenariat avec l'AFAA n'est actuellement
"pas très dynamique" selon M. Ovtchinnikoff, responsable du pôle
collectivités à l'AFAA. Il souhaite à présent nouer
des liens avec les Régions plutôt que les villes, car un travail
à l'échelle régionale permet de prendre en compte
l'ensemble des artistes travaillant sur ce territoire, ce qui offre plus de
possibilités que sur un territoire municipal. Actuellement l'AFAA
négocie la signature d'une convention avec la région Aquitaine.
Par ailleurs, le Service culturel de l'Ambassade de France en Espagne semble
vouloir développer des liens privilégiés avec le sud-ouest
français, en travaillant par exemple avec le Centre dramatique national
de Toulouse (TNT).
De plus, les objectifs actuels du pôle
AFAA-collectivités peuvent favoriser le développement des
relations culturelles au sud-ouest de l'Europe : il s'agit d'une part de signer
des conventions avec des collectivités étrangères, en
concertation avec le réseau culturel concerné, d'autre part de
multiplier les financements multiples entre DRAC, AFAA et collectivités,
comme cela est par exemple le cas entre la région PACA, la DRAC PACA et
l'AFAA, pour une diffusion théâtrale à Lisbonne.
Même si on ne peut pas parler de relations très
structurées entre l'AFAA, les collectivités du sud-ouest
français et le réseau culturel français au sud-ouest de
l'Europe, toutes les possibilités existent pour développer de
telles relations.
§ Le réseau culturel au Maroc71(*)
Comme on l'a vu, le poste de coopération et d'action
culturelle français au Maroc est un des plus importants du réseau
diplomatique.
D'après M. Deschamps, conseiller de Coopération
et d'Action culturelle adjoint chargé de la Coopération
culturelle et artistique, ancien DRAC Midi-Pyrénées, il y a au
Maroc une très forte demande en ingénierie culturelle, gestion
d'établissements, montage de projets, etc. Le savoir-faire
français en la matière est fort de près de quarante
années d'expérience.
Lors de séances de formation des fonctionnaires
marocains de l'Institut supérieur d'art dramatique, M. Deschamps a fait
intervenir des professionnels du sud-ouest français -
Théâtre Garonne de Toulouse, Le Parvis de Tarbes. Il
reconnaît qu'en étant originaires de cette région "on les
imagine plus proches des problématiques du Sud. Ils sont du Sud du Nord,
ici c'est le Nord du Sud, c'est là où les écarts sont les
moins importants". Il réaffirme ainsi les affinités culturelles
qui, doublées d'une proximité géographique, peuvent
favoriser le développement des relations internationales au sud-ouest de
l'Europe.
Concernant les collaborations multilatérales, il ne
semble pas y avoir au Maroc actuellement de véritable dynamique
franco-hispano-portugaise. D'une part la culture ne semble pas être une
priorité pour l'Ambassade du Portugal, d'autre part il y a peu de
rencontres informelles entre responsables des réseaux culturels, ce qui
pourtant favoriserait la mise en oeuvre de projets communs. A ce propos M.
Deschamps évoque l'habitude qu'il avait prise, lorsqu'il travaillait
pour le réseau culturel en Allemagne, de retrouver ses homologues
européens pour des déjeuners hebdomadaires.
Actuellement il a l'intention d'organiser, avec ses
collègues italiens, espagnols et portugais, une
"journée-exposition porte ouverte" commune. C'est-à-dire que
chacun d'eux invite un artiste marocain à exposer chez lui et ouvre sa
maison aux visiteurs pendant une journée, afin que ces derniers
puissent, le long de ce circuit, découvrir les oeuvres et rencontrer les
artistes. Cela permet de poser un regard sur la culture d'accueil et permet de
dépasser les strictes actions de diffusion, ouverture nécessaire
à un développement équilibré des relations
culturelles. Cette initiative montre que la mise en oeuvre de projets peut se
faire de manière relativement informelle, ce qui représente "la
force et la faiblesse du système culturel". On peut penser que de telles
initiatives devraient sortir du cadre quasi-privé pour avoir lieu dans
les Instituts ou autres lieux d'exposition ouverts au grand public.
Par ailleurs ce type de projet confirme le poids croissant que
la société civile est amenée à jouer dans le
développement des relations culturelles. Néanmoins, et alors que
le réseau culturel français travaille beaucoup avec des
associations - comme par exemple l'Association échanges
interculturels pour l'organisation d'un colloque international sur le
thème "Patrimoine et échanges" (Le Matin du Sahara et du
Maghreb, 27 octobre 2000)- cette émergence de la
société civile au Maroc est "encore en devenir et il convient de
rester vigilant quant aux raisons sociales des ONG et associations".
Concernant la coopération multilatérale il faut
aussi signaler l'action de la Délégation de la Commission
européenne au Maroc au titre des activités culturelles locales du
programme communautaire MEDA. La Délégation organise chaque
année, en coopération avec les réseaux culturels
européens locaux, le festival Jazz aux Oudayas, dont l'Institut
français de Rabat assure le suivi logistique en tant que prestataire de
services, ainsi que la Semaine du film européen. Par ailleurs
la Délégation va soutenir la construction au Maroc d'un
réseau de vingt cinq "Maisons de la Culture". Sur ce projet le Service
de coopération et d'action culturelle de l'Ambassade de France au Maroc
a déjà organisé, en partenariat avec ses homologues belge
et allemand, des séminaires de présentation par des
professionnels de leur expérience nationale respective de Maisons de la
culture, à l'attention des responsables marocains chargés de ce
projet, afin qu'ils puissent juger les différentes formules,
éviter les erreurs commises et "trouver leur équation".
Ce projet est d'autant plus intéressant qu'il s'inscrit
dans une tendance à la décentralisation culturelle au Maroc.
Selon M. Achaâri, ministre marocain de la Culture et de la Communication,
l'Espagne est "un exemple réussi d'intégration régionale",
ce qui permet "la diffusion du patrimoine et de la culture dans la vie des
régions". Il souhaite lui-même procéder au renforcement de
la régionalisation culturelle , en terme de déconcentration -
mise en place de Directions régionales de la Culture -, de
décentralisation - création de Conseils régionaux de la
Culture - et d'aménagement culturel du territoire - construction du
réseau des Maisons de la Culture72(*). Ce processus de régionalisation culturelle
renvoie au développement, de part et d'autre de la
Méditerranée, de la coopération
décentralisée, amenant les régions à devenir des
acteurs de moins en moins négligeables des relations culturelles. C'est
par exemple la région Nord du Maroc et PACA, Midi-Pyrénées
et la région de Marrakech, qui nouent des liens et entrevoient des
solidarités accrues. Même si la dimension culturelle de ces
projets de coopération est encore mineure - il est prévu de jouer
aux quilles lors de la visite de la délégation régionale
Midi-Pyrénées dans la région de Marrakech cet
été...- et semble rester un produit d'accompagnement d'une
démarche économique - voire politique -, elle est
inévitable, et ce d'autant plus que les services culturels
décentralisés et déconcentrés sont en passe de
trouver des homologues marocains, pour une harmonisation des relations.
Néanmoins, pour reprendre l'exemple français, la
coopération décentralisée semble à l'heure
actuelle, malgré ses bonnes intentions, mal s'articuler avec la
politique gouvernementale et "les gens sont envoyés avant qu'il y ait un
vrai projet" (entretien M. Deschamps). "Les contradictions réelles entre
coopération décentralisée et diplomatie culturelle sont un
autre aspect des ajustements rendus nécessaires par l'essor des
réseaux de villes et de régions" (Perret & Saez, 1996, 124).
On en revient à la difficulté d'organiser un partenariat entre
Etat et collectivités, entre services déconcentrés et
services décentralisés. "L'entrée des collectivités
territoriales sur la scène des échanges culturels internationaux
pose de manière nouvelle le problème du partenariat" (id.).
A ce propos la signature récente d'un accord de
coopération entre la Région Midi-Pyrénées et la
Région de Marrakech, déjà évoquée, peut
permettre d'illustrer les possibilités "d'ajustement" entre
coopération décentralisée et diplomatie culturelle. M.
Vincent Mellili, directeur de l'Institut français de Marrakech, tient
à souligner le rôle actif que l'Institut est prêt jouer dans
cette coopération décentralisée au niveau culturel. Par
son expertise du "terrain" local, l'Institut est à même de dresser
un état des besoins en terme de développement culturel, de
promouvoir des projets auprès du milieu culturel et artistique, d'aider
et d'orienter dans la formation de partenariats, etc.
Ainsi le développement de l'axe
Midi-Pyrénées-Région de Marrakech peut permettre
d'expérimenter et de mettre en oeuvre de nouvelles formes de partenariat
entre Etat et collectivités dans un contexte international, même
si le volet culturel de ce partenariat n'est à l'heure actuelle qu'en
phase de (pré)conception, la coopération concernant en premier
lieu des aspects industriels et commerciaux - agroalimentaire, etc.
d. Autres projets "régionaux"
Il convient également de prendre en compte "la grande
ruée intellectuelle et artistique vers la coopération culturelle
méditerranéenne" (Tlili, 1997, 136) qui s'est accrue depuis
à peu près vingt ans73(*).
On peut citer pour exemple de projets : le Festival du
Film méditerranéen de Montpellier, le programme
communautaire MEDA, la Mostra du cinéma méditerranéen de
Valence, l'action de l'Institut catalan de la Méditerranée et du
Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe à Lisbonne, d'Interarts
(Barcelone), de la Fondation René Seydoux et de la Fondation
européenne de la Culture- avec par exemple le fonds de mobilité
Roberto Cimetta -, etc.
Considérant que le processus de Barcelone est un
soutien supplémentaire à cette coopération et que "le mot
"partenariat" est devenu incontournable" (Tlili, 1997, 137), il est possible de
trouver parmi ces multiples projets et initiatives des structures
charnières ou des relais sur lesquels le développement des
relations culturelles au sud-ouest de l'Europe peut s'appuyer.
2. Perspectives de mise en oeuvre
Les projets présentés en partie
précédente montrent que, en dépit des différentes
et nombreuses initiatives en cours et en dessein, les relations culturelles au
sud-ouest de l'Europe ne sont pas aussi intenses et structurées que dans
d'autres zones transfrontalières comme au Nord et à l'Est de la
France par exemple, où l'on constate respectivement "le
développement en réseau d'une eurorégion
anglo-franco-belge" (Leclerc et alii, 1996, 69) et "la vitalité des
coopérations avec les entités étrangères voisines :
Saar-Lor Lux, Rhin supérieur, Communauté de travail du Jura
"(id., 71).
Pourtant, comme on a pu le voir précédemment, le
développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe
présente un réel intérêt par rapport à des
problématiques contemporaines de fond - régionalisation,
construction européenne, projet euro-méditerranéen,
relations Nord-Sud -, à condition que ces relations soient
structurées afin de durer.
La mise en oeuvre de projets concrets, structuration de base
des relations, renvoie à une notion-clé, le partenariat,
considéré comme bilatéral et multilatéral à
la fois.
"Le partenariat est devenu la règle en matière
culturelle" (Thuriot, 1999, 258).
§ Le partenariat bilatéral est
à prendre au sens "générique", c'est-à-dire qu'il
ne renvoie pas à des relations spécifiques entre deux pays, mais
qu'il s'agit plutôt du partenariat entre institutions et
société civile qui doit sous-tendre les relations culturelles
dans leur ensemble, chacun des deux partenaires étant un acteur
indispensable de ces relations. D'une part les institutions sont indispensables
en terme d'encadrement et de financement, d'autre part la voix de la
société civile garantit des projets créatifs, pertinents
par rapport à un "terrain" culturel donné, adaptés aux
évolutions sociales et démocratiques. Aujourd'hui les acteurs de
la coopération non-gouvernementale "ne sont plus ressentis comme
mendiants ou quémandeurs face aux institutions, mais comme des
partenaires" (Institutions territoriales et réseaux culturels
européens. Actes du colloque., 1998, 52). Les ONG peuvent non
seulement agir en maître d'ouvrage des projets conçus ou
initiés par des institutions, en y apportant une "interprétation
originale, signe de leur autonomie" (Dialogue culturel Nord-Sud et
collectivités territoriales. Actes du colloque., 1992, Postface,
65), mais encore proposer elles-mêmes des projets à
réaliser en collaboration avec les institutions.
Ceci peut paraître une évidence maintes fois
répétées, mais le développement des relations
culturelles au sud-ouest de l'Europe ne peut se faire que dans le cadre d'un
partenariat bilatéral "global" institutions-société
civile.
§ Le partenariat multilatéral
renvoie au contexte géopolitique et institutionnel du sud-ouest de
l'Europe, où l'on trouve plusieurs types de structures ayant chacune son
rôle et ses compétences propres, différents d'un pays
à l'autre, parfois d'une région à l'autre dans le cas des
autonomies espagnoles. D'après M. Vincent Melili, directeur de
l'Institut français de Marrakech, la coopération
décentralisée donne lieu à "une multitude de
possibilités et de partenariats".
Dans ce contexte que l'on peut qualifier de
"post-structuraliste", par analogie avec le texte "étoilé" en
"lexies" se répondant les unes aux autres, le partenariat
multilatéral peut permettre de coordonner les actions tout en gardant
une envergure et une visibilité sur l'ensemble de la région
sud-ouest de l'Europe. Le partenariat multilatéral peut prendre
différentes formes selon les différents acteurs culturels
impliqués :
- Au niveau du sud-ouest français un partenariat
à l'échelle interrégionale permettrait de franchir un
grand pas, en impliquant DRAC et Régions voisines dans un (des)
projet(s) commun(s) à l'international. Il est aussi envisageable
d'associer d'autres structures aux relations culturelles, comme par exemple les
délégations académiques aux Relations internationales et
à la Coopération des Rectorats (D.A.R.I.C.) ou les services
chargés des relations internationales des universités, notamment
au travers de conventions de partenariat pour le renforcement de l'action
culturelle éducative européenne et internationale.
- Dans un deuxième temps il est possible pour les DRAC
du sud-ouest de s'associer au réseau culturel français à
l'étranger - en l'occurrence Espagne, Portugal et Maroc - par la
signature de protocoles d'accord, comme cela a été le cas entre
la DRAC Midi-Pyrénées et l'Institut français de Valence en
199574(*), pour la mise en
commun des logistiques, l'échange d'information sur la scène
artistique, etc. Cela apporte aux DRAC une ouverture internationale de premier
plan à travers des "lieux de convergence" (Dialogue culturel
Nord-Sud[...], 1992, Postface, 62) et peut permettre au réseau
culturel de "trouver les conditions d'une nouvelle légitimité
[par] sa capacité à devenir partenaire" (Roche, 1998, 88). Dans
le même ordre d'idée on peut penser à
l'établissement de conventions entre l'AFAA-Pôle
Collectivités territoriales, et des collectivités espagnoles,
portugaises et marocaines, sachant que l'AFAA souhaite développer des
partenariats dans ce sens et compte signer d'ici peu une convention avec la
ville de Genève75(*).
- Un autre partenariat structurant et "légitimant" est
celui qui peut s'établir entre les réseaux culturels
français, espagnol et portugais au sud-ouest de l'Europe et ainsi
créer une véritable synergie au niveau des relations culturelles
entre ces pays, en sachant que chaque réseau est un partenaire potentiel
des structures culturelles locales - institutions et ONG -, comme par exemple
l'Institut français de Rabat avec le ministère marocain de la
Culture et de la Communication, l'Institut Cervantès de Toulouse avec la
DRAC et la Région Midi-Pyrénées - à noter que
L'Institut Cervantès de Toulouse est membre de l'Association de
coopération interrégionale-Les Chemins de Compostelle - , ou
encore l'Institut français de Séville avec le service culturel de
l'autonomie d'Andalousie, etc76(*).
- Le partenariat décentralisé - au sens
restrictif - entre collectivités peut également contribuer au
développement des relations culturelles, comme par exemple
l'Eurorégion Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon,
Catalogne - qu'il faudrait "réactiver" -, les conventions de
coopération entre régions espagnoles - Valence, Andalousie - ou
française - PACA - et la région Nord du Maroc, ou encore entre
Midi-Pyrénées et la région de Marrakech.
- Enfin, les institutions communautaires, notamment la
délégation de la Commission européenne au Maroc, et
internationales - UNESCO, Conseil de l'Europe - peuvent apporter leur soutien -
surtout moral - et être des appuis nécessaires au
développement des relations culturelles. On peut penser par exemple
à l'action de l'Association de coopération
interrégionale-Les Chemins de Compostelle auprès de l'UNESCO
pour l'inscription des Chemins de Compostelle au Patrimoine Mondial en 1998.
D'après R. Weber du Conseil de l'Europe "les structures
du Conseil de l'Europe permettent une coopération efficace entre
décideurs politiques, experts gouvernementaux, parlementaires,
élus locaux et régionaux, organisations et associations
non-gouvernementales, universitaires, enseignants, artistes et chercheurs"
(Weber in Saez, 1995, 88).
"L'Union européenne, le Conseil de l'Europe et l'UNESCO
sont des partenaires pour les Etats, pour les grandes institutions mais aussi
pour les acteurs de terrain dans la définition de valeurs et de grands
principes qui sous-tendent la culture européenne conçue comme un
cadre respectueux des diversités culturelles et des identités
nationales[...], [cependant] ces organisations internationales sont
relativement impuissantes face à la concurrence culturelle des
systèmes internationaux de communication de masse qui fonctionnent sur
d'autres finalités (économiques surtout), d'autres règles
du jeu (la concurrence, d'autres cibles (l'individu d'abord), d'autres logiques
de transmission privilégiant des messages simples" (id., 122, 123).
De cette façon on voit que, même s'ils peuvent
compter sur l'appui des institutions intergouvernementales, les acteurs
"régionaux" - collectivités et services
déconcentrés, réseaux culturels à l'étranger
- restent les mieux à même, étant des acteurs du "terrain",
d'instaurer des relations culturelles fructueuses et viables au sud-ouest de
l'Europe.
Les différents partenariats envisagés montrent
que le développement des relations culturelles peut
bénéficier d'un "effet d'enchaînement" amenant à un
partenariat multilatéral d'ensemble à l'échelle du
sud-ouest de l'Europe.
Par exemple une DRAC peut, en s'associant avec une
Région, s'inscrire dans le partenariat qu'a engagé celle-ci avec
une Région marocaine. Inversement la Région pourra participer,
via la DRAC, au partenariat entre cette dernière et un
établissement du réseau culturel français au Portugal. Par
ailleurs, l'Institut Cervantès à Rabat pourrait, via ses
homologues à Lisbonne et Toulouse, s'inscrire à son tour dans ce
partenariat.
On pourrait multiplier les conjectures et exemples de ce type,
dont la crédibilité est renforcée par les facilités
de communication induites par les NTIC et le développement du travail
"en réseau".
Cet "effet d'enchaînement" renvoie à la notion
"d'interdépendance généralisée" entre acteurs
institutionnels (Pongy & Saez, 1994, 292) et amène à
constater que le partenariat multilatéral est loin d'être
effectivement réalisé. En effet si l'interdépendance
généralisée amène des modes de coopération
divers - contractualisation, développement des lieux de concertation et
des instances d'harmonisation des politiques - elle se manifeste aussi par "le
développement des compétences concurrentes et "met en
évidence l'équilibre instable sur lequel reposent les relations
entre acteurs institutionnels de niveau différent" (id.).
D'après les exemples de projets et d'initiatives
présentés en partie précédente il apparaît
que "l'équilibre instable" évoqué ci-dessus est dû
en grande partie à des relations interpersonnelles plutôt
qu'à des contraintes juridiques qu'il est de plus en plus possible de
surpasser - le principal problème étant
généralement de trouver une structure porteuse de projets, fiable
et apte à recevoir des financements multilatéraux et
internationaux.
Ainsi l'émergence de partenariats pour la mise en
oeuvre de projets dépend surtout des volontés politiques - comme
pour l'Eurorégion dont il a été question plus haut - et
personnelles - comme par exemple la volonté de directeurs d'Instituts
culturels de travailler ensemble -, d'autant plus que le partenariat
multilatéral, tel qu'envisagé dans ce mémoire, suppose un
certain changement des habitudes de travail. Au désenclavement des
cultures induit par les relations internationales correspond le
décloisonnement des modes de mise en oeuvre des projets - ne pourrait-on
pas parler de désenclavement des cultures de travail ?
Concernant ne serait-ce que le partenariat
Etat-collectivités, n'est-il pas toujours d'actualité de le
considérer comme "un partenariat à inventer" (Dialogue
culturel Nord-Sud[...], 1992, Postface, 92), alors même que "la
coopération culturelle décentralisée trouvera ses
meilleures chances dans un partenariat entre Etat et collectivités
territoriales" (id.) ? Plus récemment, un professionnel de la culture
interrogé sur le sujet a estimé, d'après son
expérience en DRAC, que l'Etat et les collectivités sont "presque
toujours en positions de rivalité, voire d'hostilité".
Malgré le rapprochement Etats-Régions à travers les
contrats de Plan, l'élaboration de Schémas interrégionaux
des services collectifs77(*), cette configuration est loin d'être effective.
D'une part des tensions subsistent entre services centraux et
décentralisés - "si l'état nation a déjà du
mal à assumer la décentralisation à l'intérieur de
son territoire, il a encore plus de mal à concevoir
l'interrégionalité et a fortiori quand elle s'exprime de
manière transfrontalière" (id.) -, d'autre part la collaboration
entre structures homologues et voisines ne va sa toujours de soi, chacun
travaillant sur son territoire et dans son intérêt propre. On
parle alors de "politiques individualistes et compétitives[...]. Les
relations Etats-collectivités peuvent parfois poser des problèmes
politiques aigus. Deux cas se présentent : la position autonome et
l'antagonisme politique" (Roche, 1998, 75).
La collaboration interrégionale française semble
donc difficile à mettre en place malgré tout
l'intérêt que chaque partenaire pourrait en tirer, surtout au
travers des relations culturelles internationales. Ainsi M. Guigou constate en
1999 :
"Le chemin est long entre la théorie et la pratique.
Alors que [...]la coopération transnationale au sein de l'Union
européenne ne cesse de s'enrichir, l'interrégionalité en
France n'a pas débordé le cénacle des initiés[...].
Réticences des uns [les élus], prudence des autres[l'Etat][...].
Du côté des exécutifs régionaux, la mobilisation
interrégionale est faible" (Guigou, 1999, 10).
Pourtant la collaboration interrégionale n'est que le
premier pas vers un véritable "espace unique d'intégration
interrégionale" (Leclerc et alii, 1996, 20), qu'il serait temps de
franchir.
"Pourquoi les régions - dépassant le stade
primaire de la coopération interrégionale à
géométrie variable - ne coopéreraient-elles pas entre
elles d'une façon pérenne pour concevoir et mettre en oeuvre des
projets de grande ampleur ? " (Guigou, 1999, 4).
Plus qu'une impulsion centrale, peut-être une
décentralisation administrative plus poussée est
nécessaire pour cela : "Les collectivités devraient pouvoir
s'associer et créer les outils juridiques qui leur sont
nécessaires sous contrôle a priori et autorisation de l'Etat, sauf
si celui-ci est également partie prenante, par simples
délibérations concordantes dans leurs assemblées
respectives" (Thuriot, 1999,240).
Naturellement de tels obstacles se retouvent en dehors du
cadre français, lorsque par exemple des responsables culturels d'une
autonomie espagnole rechignent à traiter avec des agents d'une DRAC sous
prétexte que ceux-ci sont des représentants d'un pouvoir central.
Dans ce cas-là si les DRAC ne s'associant pas avec les services
culturels de la région, comment effectuer la médiation ? On
rencontre les mêmes obstacles dans les difficultés à
rapprocher et coordonner les coopérations bilatérales et la
coopération extérieure menée par l'Union européenne
(cf. partie A. chapitre III), ou encore dans la quasi-absence de coordination
des politiques culturelles régionales en Espagne (in Pôle
Sud n°10, 1999, 71).
Il y a bien lieu ici de parler de limites dues à des
rigidités mentales et administratives.
Ce constat met en évidence le rôle essentiel que
la société civile est appelée à tenir.
M. Moulinier estime qu'il convient de "donner toute se force
[à] la décentralisation civique [pour] approfondir la
démocratisation culturelle" (Moulinier, 1995, 277). Quant à Guy
Raffi il constate que "dans la plupart des domaines[...]l'activité
associative précède l'action publique qui vient plus tard prendre
le relais et donner aux associations les moyens de leur développement"
(Thuriot, 1999, 282). On peut également penser qu'un "recentrage" des
affaires culturelles au coeur de la société civile permettrait de
tempérer les excès de la "technocratisation" à outrance du
culturel, phénomène grandement critiqué et
déploré, comme le font par exemple M. Marc Fumaroli dans
L'Etat culturel, ou encore MM. Jean Molino et Alexis Tadié dans
Esprit (cf. Bibliographie).
Les associations et autres ONG à caractère
culturel, lieux de recherche, de réflexion et d'innovation, peuvent
trouver les moyens, notamment en s'associant en réseaux et en proposant
des projets, de donner aux institutions l'impulsion nécessaire au
développement des relations culturelles de manière adaptée
au contexte international et européen. Mais encore faut-il que ces ONG
soient suffisamment autonomes par rapport au soutien institutionnel, dont elles
ont néanmoins un besoin évident, afin de ne pas dépendre
des blocages politiques et autres.
Bien entendu les relations interpersonnelles sont
également un facteur-clé de l'activité des ONG, dont on
peut se rendre compte lorsque des associations travaillant sur le même
thème - par exemple des "associations jacquaires" - refusent de
collaborer ou de s'associer en réseau.
Dans le même ordre d'idée, M. Emmanuel
Négrier (chercheur au CNRS, CEPEL de Montpellier I) constate à
propos des échanges culturels internationaux au niveau territorial :
"Nous retiendrons le caractère sélectif de ces
pratiques d'échanges : elles fonctionnent toutes à la marge, au
gré des relations personnelles et meurent le plus souvent avec elles.
Elles sont peu connues, peu ou pas codifiées et apparaissent le plus
souvent réservées aux acteurs dotés d'une connaissance
préalable et fine des instances existantes et des opportunités
disponibles. On retrouve cette caractéristique dans le domaine des
politiques européennes" (Négrier in Perret & Saez , 1996,
121).
Ainsi le milieu culturel et artistique apparaît
profondément humain, ce qui lui confère un caractère
fécond et indispensable mais peut contribuer à l'amoindrir et le
minimiser.
III. Nature et fondements des projets :
aspects
Les relations culturelles peuvent exercer, on l'a vu, une
influence positive sur le développement général du
sud-ouest de l'Europe. Pour cela on peut penser que la mise en oeuvre de
projets doit obéir à une certaine éthique, à un
certain "cahier des charges".
1. Buts
§ Tout d'abord il s'agit d'éviter toute
récupération excessive des projets par les sphères
politiques et médiatiques. Bien entendu l'appui politique est
indispensable au même titre que la médiatisation des projets, mais
la finalité des relations culturelles n'est pas une action "de surface".
L'instrumentalisation et la "technocratisation" de la culture
sont des risques assez connus et décriés - "Qu'advient-il de
l'art quand il se dissout dans la culture, sous ses deux visages de la
marchandisation et de l'intervention publique ?"78(*) - pour faire en sorte
d'essayer de trouver, autant que possible, un compromis entre le projet, la
dimension politique et la communication.
§ Le bien-fondé du développement des
relations culturelles au sud-ouest de l'Europe implique des relations
pérennes, inscrites dans la durée, ce qui est potentiellement
réalisable compte-tenu des implications et des intérêts
respectifs que l'on rencontre dans la région. Ainsi les projets mis en
oeuvre doivent contribuer à instaurer des relations durables et
profondes, ce qui peut-être considéré comme une garantie de
sérieux et d'engagement et peut du même coup valoriser ces projets
- aux yeux des financeurs, publics, médias, etc.
§ L'aspect "décentralisé" des relations
culturelles dans une telle région ne fait aucun doute, et les projets
doivent correspondre à ce critère de réalisation, qui
concerne deux points:
- D'une part l'implication active des collectivités
territoriales, notamment du côté français - seulement une
partie du territoire national est plus directement concernée par ces
relations -, sans oublier que l'Espagne est le pays des autonomies et que le
Maroc aspire à une régionalisation de l'administration
culturelle.
- D'autre part l'implication de la société
civile à travers la coopération non-gouvernementale
apparaît comme une clé du développement durable et efficace
des relations culturelles.
§ La dimension interculturelle et tout ce qu'elle
implique - en terme d'action socioculturelle, de politiques de traduction, etc.
- est indispensable, car elle donne tout leur sens aux relations. La constance
de la dimension interculturelle dans les relations peut permettre
d'éviter un "interculturalisme à géométrie
variable" (Négrier in Perret & Saez, 1996, 124) et participe de la
pérennité de ces relations.
2. Nature
§ Il serait intéressant de trouver un
équilibre entre des projets événementiels et des projets
"de fond".
- Les projets événementiels, "de grande
envergure", comme présentés par le DAI ou le programme
communautaire Culture 2000, permettent d'acquérir rapidement
une large visibilité et satisfont aux exigences médiatiques de la
sphère politique et institutionnelle. Il peut s'agir par exemple d'une
participation active et conjointe à une manifestation telle que les
capitales européennes de la culture, notamment lorsqu'il s'agit
d'une ville du sud-ouest de l'Europe, comme c'est la cas avec Porto en 2001.
Ces projets dynamisent en quelque sorte les relations en même temps
qu'ils peuvent sensibiliser et rassembler un large public pour un premier
contact.
- Les projets "de fond" impliquent un travail de
proximité, une inscription dans la durée, donnent du corps aux
relations dont ils constituent une base solide. Ces projets permettent de ne
pas se limiter à l'éphémère et au superficiel.
§ Des projets mobilisateurs-fédérateurs
permettent d'impliquer un large public, sans toutefois pallier à
l'exigence de qualité. Ils permettent également de susciter les
échanges et la mobilité, qu'il s'agisse de personnes, d'oeuvres,
d'idées, etc. De plus, soutenir et développer des "projets
communs et mobilisateurs" est également "un moyen d'encourager la
coopération interrégionale" (Leclerc et alii, 1996, 46).
§ L'aspect transversal des projets ne peut qu'être
un avantage pour le développement des relations et correspond à
une tendance actuelle. Si l'approche transversale fait défaut, "il en
résulte que le spécialiste l'emporte sur le
généraliste, le corporatisme sur le localisme, le contenu sur la
démarche, les acteurs sur les publics, etc." (Moulinier, 1995, 245). On
peut penser par exemple à des projets s'inscrivant dans des programmes
éducatifs ou de formation (cf. Latarjet, 1992, 27), dans des politiques
de co-développement économique et social, dans des politiques
touristiques - en évitant bien sûr les dérives et
excès du "tourisme culturel" -, dans des programmes de recherche, etc.
Le partenariat entre éducation et culture apparaît primordial
aujourd'hui que, "l'école a compris que la culture est un très
bon média pédagogique", pour reprendre les mots de M. Vincent
Melili. Par ailleurs, l'éducation ne doit-elle pas aujourd'hui
être considérée comme une exception culturelle, alors
qu'elle est de plus en plus soumise à une logique de marché,
notamment l'enseignement supérieur ?79(*)
L'aspect transversal peut aussi se traduire par le fait que
des services publics organisent et/ou encadrent des projets concernant des
cultures ethniques, communautaires, ce qui apparaît comme un compromis
pertinent entre particularisme et universalisme80(*).
3. Thèmes
Enfin on peut penser, sans aucune exhaustivité,
à quelques thèmes généraux autour desquels
pourraient se développer les relations culturelles au sud-ouest de
l'Europe :
§ La (les) culture(s) méditerranéenne(s)
comme contre exemple(s) de la culture "mondialisante" nord-atlantique,
"Culturellement, la communauté euratlantique signifie
la suprématie de l'occidentalisme, [lequel] s'affirme comme l'Utopie
achevée de l'homme de la consommation[...]Images sans traces qui
renforcent leur emprise sur les esprits et qui, grâce au jeu du libre
échange, sont d'ores et déjà devenues le quasi monopole
des sociétés de production américaines" (Balta, 1993,
146).
Crédibilité, enjeux et perspectives.
§ L'ouverture atlantique "alternative" du sud-ouest de
l'Europe : vers les cultures sub-sahariennes via le sud marocain et latino
américaines via la façade atlantique ibérique,
développement de liens culturels concrets et
privilégiés.
§ Le pluralisme culturel comme caractéristique des
cultures méditerranéennes et européennes : exemples
historiques et contemporains au sud-ouest de l'Europe.
De tels projets pourraient être montés en
partenariat avec des classes d'Histoire, des associations de quartiers, des
sites patrimoniaux et musées, etc.
"La Méditerranée[...]demeure un ensemble
à la diversité culturelle problématique. C'est dire que,
pour fondées qu'elles soient, les actions mises sur les rails seraient
insuffisantes si elles ne s'accompagnaient pas d'une réflexion et d'une
action touchant au coeur des relations interculturelles" (Bistolfi, 1997,
125).
Le pluralisme culturel n'est-il pas également un
"facteur de rapprochement et de dialogue en Méditerranée"
(Hadhri, 1997, 99-100) ?
§ Culture, sciences humaines, humanités et culture
scientifique et technique : correspondances et interactions.
On peut penser aux idées développées
à ce sujet par Marc Fumaroli dans ses écrits et reprises lors
d'une conférence sur le thème "Les humanités ou la
critique de la spécialisation", donnée le 15 novembre 2000 au
Collège de France dans le cadre de l'Université de tous les
savoirs, organisée par la Mission 2000 en France. Marc Fumaroli
constate le discrédit jeté sur les sciences humaines, par leur
trop forte prétention à être une science exacte, alors
même qu'elles se posaient en "guides crédibles et sûrs de ce
qui convient à l'homme concret" ("Les humanités sont la
mémoire vivante du passé" in Le Monde, 21 novembre
2000). L'avenir pour les sciences humaines ne serait-il pas d'échapper
à "une envahissante technosphère" (id.) afin de revenir à
leurs sources proprement humaines, par "un programme d'éducation qui
achemine à l'humanité par l'étude des langues et des
textes classiques, et une culture générale qui aiguise et
favorise le discernement de l'humain tout au long de la vie" (id.) ? "Si les
sciences peuvent nous aider à réparer avec prudence ce que
l'imprudence a ruiné, elles sont incapables de nous dire où passe
la frontière du licite et de l'illicite, du meilleur et du pire, de
l'humain et de l'inhumain" (id.). Par ailleurs, l'approche humaniste n'est-elle
pas indispensable à toute approche scientifique, et vice versa ? La
réalisation des projets autour de ce thème est d'autant plus
pertinente que le "patrimoine" intellectuel et artistique
méditerranéen est une contribution essentielle à la fois
aux sciences et aux humanités.
§ Médias, réseaux audiovisuels et Nouvelles
technologies de l'information et de la communication (NTIC),
représentation et réception de l'image et politique
éducative.
Cette "éducation à l'image" apparaît
primordiale eu égard aux défis culturels posés par les
technologies de communication moderne, afin de savoir prendre du recul par
rapport aux images véhiculées par les médias de masse et
apprendre à utiliser ces médias au service d'une communication
interculturelle. Ceci est particulièrement vrai pour la région
méditerranéenne, à laquelle le sud-ouest de l'Europe est
pleinement intégré.
"L'un des objectifs à atteindre serait
précisément de parvenir à une meilleure perception de
l'autre, à un dialogue plus sincère et plus franc, afin de
dissiper les malentendus, apaiser les passions[...]L'évolution de la
technologie de télécommunications spatiales vers les
réseaux de diffusion directe représente une donnée
fondamentale, capable de rendre des services importants à l'ensemble des
pays méditerranéens, tout autant qu'elle peut engendrer des
situations dangereuses pour les pays en voie de développement dont les
valeurs culturelles et les identités nationales peuvent être
sérieusement menacées par les images et les messages venus du
Nord via les satellites de diffusion directe" (Hadhri, 1997, 101-102).
D'après M. Khachani, membre du comité
Averroès81(*),
"l'audiovisuel peut jouer un grand rôle dans le rapprochement entre les
peuples" (entretien).
"Les images sont omniprésentes, et, parce que la
majorité ne sait pas les lire, elles sont devenues un énorme
enjeu de pouvoir pour ceux qui sauront en contrôler la production et la
distribution. L'apparition du virtuel décuple les possibilités de
manipulation. Comment savoir s'il s'agit "juste d'une image" et non d'une
"image juste" ? " (Caujolle in Manière de voir, Le Monde
diplomatique, mai-juin 2001).
Les projets développés autour de ce thème
pourraient par exemple impliquer des artistes utilisant ces nouveaux
médias, qui livreraient, en collaboration avec des chercheurs
spécialisées, leur vision de cette révolution
technologique et les moyens de l'appréhender.
Conclusion
Du sud-ouest de l'Europe aux cultures du monde
"A l'heure où les relations internationales sont
soumises à de nouvelles contraintes mais bénéficient de
moyens inédits, les relations culturelles extérieures constituent
plus que jamais un mode d'expression et un moyen d'influence internationale
essentiels" (Raymond, 2000, 126).
La proximité géographique entre plusieurs pays,
leur ayant permis de développer des liens au cours de l'histoire, les
appellent aujourd'hui à s'unir afin de participer à un projet
économique et politique commun, tels que l'Union européenne ou le
partenariat euro-méditerranéen. Ces projets, qui prennent corps
au travers des relations internationales entre ces pays, ne peuvent aboutir
sans la prise en compte de la dimension (géo)culturelle qui leur est
liée. Cette dimension apparaît, par le respect des expressions
culturelles dans leur diversité, l'encouragement à la
création littéraire et artistique, la parole donnée
à la société civile, comme la valeur ajoutée
indispensable à la bonne marche générale des projets.
La situation géopolitique du sud-ouest de l'Europe en
fait une zone de croisement et d'ouverture qui ne peut que se prévaloir
de son "visage" culturel vis-à-vis de l'Europe et du monde, et ce en
dépit de son éloignement par rapport aux centres
économiques et financiers européens les plus dynamiques,
éloignement qui reste relatif eu égard aux potentialités
de développement économique de la Méditerranée, en
partie amorcé du côté des pays européens tels que
l'Espagne et le Portugal.
Ainsi, on peut se demander si les régions telles que le
sud-ouest de l'Europe n'ont pas plus intérêt à valoriser
leur richesse culturelle et artistique, en tant que voie vers la
stabilité et l'épanouissement socio-économiques,
plutôt que d'essayer de reproduire un modèle de
développement uniformisé et loin d'être parfait.
De cette façon il apparaît que les
différents partenaires du sud-ouest de l'Europe ont à la fois
toutes les raisons et toutes les possibilités de trouver le "point
d'horizon convergent", pour reprendre l'expression de Jean Monnet, qui leur
permette de se (co-)développer en phase avec à la fois le
contexte "international" et leur contexte "régional".
Ainsi, comme cette étude a tenté de le
démontrer, le développement des relations culturelles au
sud-ouest de l'Europe présente, à double titre, un
intérêt certain.
Tout d'abord il peut permettre à cette région de
se positionner en tant que sous-ensemble dynamique et doté d'une
personnalité riche de la rencontre entre plusieurs cultures, au
croisement de l'Europe et de l'Afrique. Cette visibilité politique peut
accompagner des stratégies de développement
général, les relations culturelles permettant alors de consolider
et d'accroître les liens économiques, la cohésion sociale
et par conséquent la compétitivité sur la scène
européenne et internationale, tout en anticipant les évolutions
géostratégiques mondiales.
Par ailleurs les relations culturelles, par leur nature,
présentent un intérêt profondément humain à
être développées. Bien comprises et bien appliquées
elles supposent une communication et une découverte mutuelle permanentes
entre les populations, depuis les artistes et organisateurs de projets
jusqu'aux publics ; elles appellent l'esprit et les sens à
s'éveiller et à se former à la perception et la
compréhension de l'Autre. Plutôt que de promouvoir une culture
commune standardisée, les relations culturelles doivent servir à
approfondir la reconnaissance des spécificités de chaque culture
et favoriser les synthèses créatrices.
Pour cela les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe
nécessitent une forte structuration, notamment de la part des pouvoirs
publics, afin de véritablement s'inscrire dans le long terme. Cette
structuration doit s'accompagner d'une communication importante, soit de
manière "verticale" et informative vers les porteurs et organisateurs de
projets ainsi que les publics, soit de manière "horizontale" et
fédératrice, afin de rapprocher les artistes, les professionnels
de la culture et les publics.
Etant donné la multiplicité des acteurs et des
possibilités il serait pertinent que quelques relais,
créés directement ou, dans un premier temps,
intégrés à des structures existantes, soient
spécialement chargés de coordonner et de développer ces
relations sous l'égides des principales institutions et en concertation
avec les acteurs de la société civile. Etant donné la
configuration géopolitique du sud-ouest de l'Europe on peut penser que
l'échelle interrégionale, impliquant un partenariat entre l'Etat
et les collectivités, serait la plus efficace en terme de rayon d'action
et de mise en oeuvre, à commencer par le sud-ouest français - on
peut penser à une Maison européenne de l'Occitanie et de la
Méditerranée - qui constituerait ainsi un premier exemple,
à suivre.
Par ailleurs, il est important de garder à l'esprit que
le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe ne
se conçoit pas de manière "ethno-centrée". Tout comme
l'ouverture pyrénéenne du sud-ouest français appelle le
développement des relations avec le Maroc, l'ouverture
méditerranéenne du sud-ouest de l'Europe signifie d'engager des
relations avec des partenaires tels que la Région PACA, l'Italie, la
Grèce, etc. Ainsi le sud-ouest de l'Europe a vocation à
s'inscrire activement dans la zone euro-méditerranéenne et dans
l'Union européenne, en trouvant là encore un compromis entre
l'échelle "sub-nationale" et l'échelle "supra-nationale", pour
reprendre les termes utilisés en Introduction.
De plus, le sud-ouest de l'Europe reste une région
charnière, ouverte sur les cultures du monde : le Maroc est une voie
vers les cultures africaines, expressions d'un continent clé pour la
francophonie et la lusophonie, la péninsule ibérique
présente des liens culturels privilégiés avec
l'Amérique latine. L'orientation du sud-ouest de l'Europe vers ces
cultures du Sud ne peut que représenter un avantage pour les autres pays
d'Europe, tout comme il est impossible à l'Amérique du nord
d'ignorer le Mexique et l'aire caraïbe.
Ainsi, l'étude des relations culturelles
extérieures du sud-ouest français en fonction de sa situation
dans l'espace européen met en exergue le rôle de la culture en
tant qu'accompagnement nécessaire des rapprochements politiques et/ou
économiques contemporains, à condition de préserver un
certain équilibre, ce qui, dans l'idéal, amène à
une mondialisation "contrôlée", féconde et proprement
humaine, telle que décrite par Edgar Morin :
"La mondialisation culturelle n'est pas
homogénéisante. Elle se constitue de grandes vagues
transnationales qui favorisent en même temps l'expression des
originalités nationales en leur sein tout en nourrissant un bouillon de
culture planétaire"
(Edgar Morin in Libération, 2 janvier
2001).
A l'heure de l'accroissement constant des techniques et des
moyens de communication et de la quasi-maîtrise de l'ubiquité,
avec des conséquences indéniables sur les relations
internationales, le libre échange équitable des oeuvres de
l'esprit, le respect de l'exception culturelle et du temps nécessaire
à toute réflexion et à toute création, apparaissent
comme une condition sine qua non du bien-fondé de la
transformation de l'espace mondial en grands pôles multinationaux.
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http://www.unesco.org
http://www.google.fr
ENTRETIENS
M. Ammor (Fouad), professeur à la
faculté de droit de Fès.
Mme Bennabès (Sylvie), chargée de
la Communication, Délégation de la Commission européenne
au Royaume du Maroc.
M. Deschamps (Didier), conseiller de
Coopération et d'Action culturelle adjoint chargé de la
Coopération culturelle et artistique, Ambassade de France au Royaume du
Maroc.
M. Khachani (Mohamed), membre du Comité
Averroès Espagne-Maroc, professeur à la faculté de droit
de Rabat.
Mme Lorang (Marie-Christine), chargée de
mission, département des Affaires internationales du ministère de
la Culture et de la Communication, Paris.
M. Mangin (Guy), expert auprès de la
Délégation de la Commission européenne au Royaume du
Maroc.
M. Manhart (Christian), chef adjoint à la
Division du patrimoine culturel, UNESCO, Paris.
Mme Mayol (Antoinette), directrice de
l'Association de coopération interrégionale. Les Chemins de
Compostelle., Toulouse.
M. Melili (Vincent), directeur de l'Institut
français de Marrakech, Maroc.
M. Ovtchinnikoff (Dimitri), responsable du
Pôle AFAA-Collectivités, Paris.
M. Reismann (Jean-Pierre), chef du
département de l'Action territoriale du ministère de la Culture
et de la Communication, Paris.
M. Surre-Garcia (Alem), chargé de la
Langue et de la Culture occitanes, Conseil régional
Midi-Pyrénées, Toulouse.
Mme Terrazzoni (Elena), chargée des
Affaires européennes, Conseil régional
Midi-Pyrénées, Toulouse.
* 1 Pour raisons techniques les
annexes ne peuvent pas figurer dans le présent document. Pour les
consulter :
thomas-perrin@club-internet.fr
* 2 Cf. pp.6-8 du rapport de
Maté Kovàcs Les politiques culturelles dans un monde en
changement, troisième réunion (San José, Cost Rica,
22-26 février 1994) de la Commission mondiale de la Culture et du
développement, Paris, UNESCO.
* 3" La prospective est une
démarche plus ou moins scientifique, mais nécessairement
rigoureuse, aidant à préparer l'avenir d'une entreprise, d'un
groupe, d'un pays, d'une nation." (Leclerc et alii, 1996, 47).
* 4 Cf. Thuriot, 1999, 221.
* 5 Cf. "L'Union, Goliath
diplomatique ? ", L. Zecchini in Le Monde du 12 septembre 2000.
* 6 Cf. Dialogue culturel
Nord-Sud et collectivités territoriales. Actes., 1992, Postface,
53-57.
* 7 J.C. Faure in Dialogue
culturel Nord-Sud et collectivités territoriales. Actes., 1992,
Postface, 55.
* 8 Cf. Serge Graziani, La
Communication culturelle de l'Etat, PUF, Paris, 2000.
* 9 Cf. notamment Roussillon,
1999.
* 10 Sur les effets positifs de
la culture sur l'image d'un territoire et comme réponse à des
aspirations identitaires cf. Latarjet, 1992, 24-25.
* 11 Cf. chapitre III.3.
* 12
Cf.www.culture.gouv.fr/culture/dai.htm
* 13 Cf. partie A. chapitre
I.
* 14 Cf. Raymond, 2000,
97-100.
* 15 Cf. www.afaa.asso.fr
* 16 Cf. partie A.
* 17 Informal European
Theatre Meeting, Bruxelles.
* 18 Pour plus d'information
sur les réseaux culturels européens cf., entre autres, Autissier,
1999, 101-116,.
* 19 Cf. carte Annexe 2.4.
* 20 Cf. cartes Annexe 2.5.
* 21 Pour plus de
renseignements sur le cadre et l'actualité de la coopération
transpyrénéenne cf.
www.lacetap-pirineos.org.
* 22 Cf. Annexe 4.1.
* 23 Cf. Annexe 6.2.
* 24 Cf. Annexe 6.2.
* 25
http://www.festival-cannes.org
* 26 Cf. tableaux en Annexe
7.
* 27 "Riche activité
culturelle. Rappeler les liens qui unissent la communauté marocaine
à l'étranger à la mère-patrie" in Le Matin du
Sahara et du Maghreb, septembre 2000.
* 28 Sur les différents
modes de multiculturalisme cf. Wieviorka, 1998.
* 29 Cf. partie A. chapitre
III. 3. a.
* 30 Cf. à ce propos le
film Little Sénégal, réalisé en 2000 par
Rachid Bouchareb.
* 31 Cf. Aulas, 2000, 188-190;
notamment sur l'action de l'Agence pour la Promotion des Echanges
Méditerranéens (APEM), module sur les cultures
méditerranéenne.
* 32 "Arabophonie-Francophonie
: un dialogue des cultures", Boutros Boutros-Ghali, secrétaire
général de l'Organisation internationale de la francophonie, in
Le Matin du Sahara et du Maghreb, 25 novembre 2000.
* 33 Cf. par exemple "Espagne,
une embellie attendue" in INJEP, 2000, 28-32.
* 34 Cf. cartes des
échanges commerciaux en Annexe 2.3.
* 35 Cf. cadre juridique en
partie A. chapitre III.
* 36 Cf. Annexe 2.8.
* 37 Cf. Annexe 2.1.
* 38 Cf. cartes Annexe 2.
* 39 Cf. INFJEP, 2000,
Introduction.
* 40 On retrouve ici les enjeux
évoqués en partie A., chapitre III.
* 41 Cf. par exemple Le
Nouvel observateur, n°222, "Spécial Maroc".
* 42 Entretien avec S.E. H.
Aboyoud, Ambassadeur du Maroc en France, in Le Matin du Sahara et
du Maghreb, 15 novembre 2000.
* 43 "Le Maroc et l'Union
européenne entre association et adhésion" in Le Matin du
Sahara et du Maghreb, 7 février 2001.
* 44 "Le Maroc élu
premier vice-président" in Le Matin du Sahara et du Maghreb du
2 janvier 2001.
* 45
http://www.diplomatie.fr
* 46 "L'UE critiquée par
les Arabes et les Israéliens à Marseille", L. Zecchini in Le
Monde, 18 novembre 2000.
* 47 "Actualités du
dialogue euroméditerranéen", F. Ghilès in Le Monde
diplomatique, novembre 2000.
* 48 Cf. sous-chapitre
précédent et Wieviorka, 1998.
* 49 Cf. partie B., chapitre
III. 1.
* 50 Cf. partie A., chapitre
III.
* 51 Cf. Marchal, 1997,
141-146.
* 52 Cf. Roussillon, 1999 et
partie B. chapitre III.4.
* 53 Cf. cartes Annexe 2.5.
* 54 Entretien avec le
conseiller de Coopération et d'Action culturelle adjoint de l'Ambassade
de France au Maroc.
* 55 Entretien avec le
chargé de la langue et de la culture régionales en
Midi-Pyrénées.
* 56 "Le prix de la
solidarité", A. Reverchon in Le Monde, 12 septembre 2000.
* 57 Cf. Annexe 4.2.
* 58 Cf. l'exemple du
Manège à Maubeuge, Latarjet, 1992, Annexes ; ou encore
Thuriot, 1999, 198-231.
* 59 Ce dont j'ai pu me rendre
compte lors de mon stage à la DRAC Midi-Pyrénées
(mai-juillet 2000), consacré, entre autres, à la relance des
projets transfrontaliers et interrégionaux franco-espagnols.
* 60 Cf. synthèse de
cette étude en Annexe 3.1.
* 61 Cf. présentation en
Annexe 3.3.
* 62 Cf. "DRAC
Midi-Pyrénées : établir des liens structurels avec
l'Espagne, entretien avec M. Abraham Bengio in Courants, n°2,
octobre 1995.
* 63 Cf. tableaux
récapitulatifs en Annexe 3.2.
* 64 Cf. liste des projets,
Annexe 3.2.
* 65 Cf. Annexe 3.5.
* 66 Cf. Annexe 4.1.
* 67 Association travaillant
sur la thématique de chemins de Saint Jacques de Compostelle.
* 68 Cf.Annexe 5.
* 69 Cf. Annexe 6.1.
* 70 Déjà
évoquées en partie B. chapitre III, partie C. chapitre I.
* 71 L'étude de terrain
sur l'activité et les potentialités du réseau culturel au
Maroc est issue de mon expérience lors d'un stage à l'Institut
français de Rabat, septembre 2000-février 2001.
* 72 Cf. "Relations
maroco-espagnoles : nécessité de considérer
l'intégration du patrimoine culturel dans nos habitudes" in Le Matin
du Sahara et du Maghreb, 27 octobre 2000.
* 73 Pour une synthèse
des diverses initiatives et des nombreux projets cf. Tlili, 1997.
Pour un recensement des lieux d'accueil et manifestations des
cultures méditerranéennes en France cf. Culture du Monde en
France, le Guide, réalisé par la Maison des Cultures du
Monde avec le soutien du DAI du ministère de la Culture et de la
Communication (cf. partie B. chapitre II.), guide consultable sur Internet,
http://www.mcm.asso.fr.
* 74 Cf. Courants n°2,
octobre 1996, 6.
* 75 Entretien M.
Ovtchinnikoff, pôle AFAA-Collectivités.
* 76 Cf. à ce sujet le
projet création d'un Institut culturel européen à Palerme
par la mie en réseau des établissements culturels des pays
membres de l'Union européenne.
* 77 Cf. partie A. chapitre
II.
* 78 Michel Schneider, La
Comédie de la culture, Seuil, Paris, 1993.
* 79 Cf. "L'université
américaine vampirisée par les marchands" et "En France, la douce
trahison des clercs", in Le Monde diplomatique, mars 2001.
* 80 Cf. Wieviorka et Rex,
1998.
* 81 Cf. partie B. chapitre
III.3.