Conclusion
Du sud-ouest de l'Europe aux cultures du monde
"A l'heure où les relations internationales sont
soumises à de nouvelles contraintes mais bénéficient de
moyens inédits, les relations culturelles extérieures constituent
plus que jamais un mode d'expression et un moyen d'influence internationale
essentiels" (Raymond, 2000, 126).
La proximité géographique entre plusieurs pays,
leur ayant permis de développer des liens au cours de l'histoire, les
appellent aujourd'hui à s'unir afin de participer à un projet
économique et politique commun, tels que l'Union européenne ou le
partenariat euro-méditerranéen. Ces projets, qui prennent corps
au travers des relations internationales entre ces pays, ne peuvent aboutir
sans la prise en compte de la dimension (géo)culturelle qui leur est
liée. Cette dimension apparaît, par le respect des expressions
culturelles dans leur diversité, l'encouragement à la
création littéraire et artistique, la parole donnée
à la société civile, comme la valeur ajoutée
indispensable à la bonne marche générale des projets.
La situation géopolitique du sud-ouest de l'Europe en
fait une zone de croisement et d'ouverture qui ne peut que se prévaloir
de son "visage" culturel vis-à-vis de l'Europe et du monde, et ce en
dépit de son éloignement par rapport aux centres
économiques et financiers européens les plus dynamiques,
éloignement qui reste relatif eu égard aux potentialités
de développement économique de la Méditerranée, en
partie amorcé du côté des pays européens tels que
l'Espagne et le Portugal.
Ainsi, on peut se demander si les régions telles que le
sud-ouest de l'Europe n'ont pas plus intérêt à valoriser
leur richesse culturelle et artistique, en tant que voie vers la
stabilité et l'épanouissement socio-économiques,
plutôt que d'essayer de reproduire un modèle de
développement uniformisé et loin d'être parfait.
De cette façon il apparaît que les
différents partenaires du sud-ouest de l'Europe ont à la fois
toutes les raisons et toutes les possibilités de trouver le "point
d'horizon convergent", pour reprendre l'expression de Jean Monnet, qui leur
permette de se (co-)développer en phase avec à la fois le
contexte "international" et leur contexte "régional".
Ainsi, comme cette étude a tenté de le
démontrer, le développement des relations culturelles au
sud-ouest de l'Europe présente, à double titre, un
intérêt certain.
Tout d'abord il peut permettre à cette région de
se positionner en tant que sous-ensemble dynamique et doté d'une
personnalité riche de la rencontre entre plusieurs cultures, au
croisement de l'Europe et de l'Afrique. Cette visibilité politique peut
accompagner des stratégies de développement
général, les relations culturelles permettant alors de consolider
et d'accroître les liens économiques, la cohésion sociale
et par conséquent la compétitivité sur la scène
européenne et internationale, tout en anticipant les évolutions
géostratégiques mondiales.
Par ailleurs les relations culturelles, par leur nature,
présentent un intérêt profondément humain à
être développées. Bien comprises et bien appliquées
elles supposent une communication et une découverte mutuelle permanentes
entre les populations, depuis les artistes et organisateurs de projets
jusqu'aux publics ; elles appellent l'esprit et les sens à
s'éveiller et à se former à la perception et la
compréhension de l'Autre. Plutôt que de promouvoir une culture
commune standardisée, les relations culturelles doivent servir à
approfondir la reconnaissance des spécificités de chaque culture
et favoriser les synthèses créatrices.
Pour cela les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe
nécessitent une forte structuration, notamment de la part des pouvoirs
publics, afin de véritablement s'inscrire dans le long terme. Cette
structuration doit s'accompagner d'une communication importante, soit de
manière "verticale" et informative vers les porteurs et organisateurs de
projets ainsi que les publics, soit de manière "horizontale" et
fédératrice, afin de rapprocher les artistes, les professionnels
de la culture et les publics.
Etant donné la multiplicité des acteurs et des
possibilités il serait pertinent que quelques relais,
créés directement ou, dans un premier temps,
intégrés à des structures existantes, soient
spécialement chargés de coordonner et de développer ces
relations sous l'égides des principales institutions et en concertation
avec les acteurs de la société civile. Etant donné la
configuration géopolitique du sud-ouest de l'Europe on peut penser que
l'échelle interrégionale, impliquant un partenariat entre l'Etat
et les collectivités, serait la plus efficace en terme de rayon d'action
et de mise en oeuvre, à commencer par le sud-ouest français - on
peut penser à une Maison européenne de l'Occitanie et de la
Méditerranée - qui constituerait ainsi un premier exemple,
à suivre.
Par ailleurs, il est important de garder à l'esprit que
le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe ne
se conçoit pas de manière "ethno-centrée". Tout comme
l'ouverture pyrénéenne du sud-ouest français appelle le
développement des relations avec le Maroc, l'ouverture
méditerranéenne du sud-ouest de l'Europe signifie d'engager des
relations avec des partenaires tels que la Région PACA, l'Italie, la
Grèce, etc. Ainsi le sud-ouest de l'Europe a vocation à
s'inscrire activement dans la zone euro-méditerranéenne et dans
l'Union européenne, en trouvant là encore un compromis entre
l'échelle "sub-nationale" et l'échelle "supra-nationale", pour
reprendre les termes utilisés en Introduction.
De plus, le sud-ouest de l'Europe reste une région
charnière, ouverte sur les cultures du monde : le Maroc est une voie
vers les cultures africaines, expressions d'un continent clé pour la
francophonie et la lusophonie, la péninsule ibérique
présente des liens culturels privilégiés avec
l'Amérique latine. L'orientation du sud-ouest de l'Europe vers ces
cultures du Sud ne peut que représenter un avantage pour les autres pays
d'Europe, tout comme il est impossible à l'Amérique du nord
d'ignorer le Mexique et l'aire caraïbe.
Ainsi, l'étude des relations culturelles
extérieures du sud-ouest français en fonction de sa situation
dans l'espace européen met en exergue le rôle de la culture en
tant qu'accompagnement nécessaire des rapprochements politiques et/ou
économiques contemporains, à condition de préserver un
certain équilibre, ce qui, dans l'idéal, amène à
une mondialisation "contrôlée", féconde et proprement
humaine, telle que décrite par Edgar Morin :
"La mondialisation culturelle n'est pas
homogénéisante. Elle se constitue de grandes vagues
transnationales qui favorisent en même temps l'expression des
originalités nationales en leur sein tout en nourrissant un bouillon de
culture planétaire"
(Edgar Morin in Libération, 2 janvier
2001).
A l'heure de l'accroissement constant des techniques et des
moyens de communication et de la quasi-maîtrise de l'ubiquité,
avec des conséquences indéniables sur les relations
internationales, le libre échange équitable des oeuvres de
l'esprit, le respect de l'exception culturelle et du temps nécessaire
à toute réflexion et à toute création, apparaissent
comme une condition sine qua non du bien-fondé de la
transformation de l'espace mondial en grands pôles multinationaux.
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