Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale( Télécharger le fichier original )par Désiré Yirsob Dabire Université de Genève - DEA de droit international public 2006 |
CONCLUSION GENERALE : La nécessité d'une plus grande implication et d'une plus grande disponibilité des EtatsA la fin de cette étude consacrée au rôle et à la place des Etats dans le fonctionnement de la Cour Pénale Internationale, il apparaît qu'au-delà du droit pénal international stricto sensu, ce sujet touche et pose des problèmes qui intéressent aussi le droit international général. Les Etats, acteurs principaux du développement du droit international - pénal - se sont bien gardés de s'exposer lors de la rédaction du Statut de la CPI, en veillant à ce qu'elle ne soit pas dotée de pouvoirs trop autonomes. Des gardes fous ont en effet été prévus afin de rappeler aux organes de la Cour notamment au procureur qu'ils (les Etats) sont encore les souverains, « les faiseurs » du droit international. Trois remarques peuvent être faites au terme de cette analyse. Tout d'abord, on peut constater que le droit international pénal est en constante évolution et les progrès qu'il a enregistrés sont très sensibles292(*). Il ne faut pas manquer de saluer le remarquable effort des Etats dans cette avancée. Bien que cette situation semble assez paradoxale293(*), ces derniers ont le grand rôle dans cette aventure. C'est encore à eux de poursuivre la quête de la justice294(*) et de prémunir l'humanité de fléaux criminels qui n'ont que trop perduré. Les Etats ont un rôle déterminant et une place primordiale dans le fonctionnement de la Cour. En créant la CPI et en lui permettant d'entrer en vigueur, ils ont montré leur volonté dans cette dynamique. Ils devraient maintenant être à ses cotés dans la mise en oeuvre de ses dispositions, la conduite des enquêtes, bref dans la répression internationale des violations graves des droits de l'Homme et du droit humanitaire. Il leur faut encore prouver leur attachement à la voir aller jusqu'au bout des objectifs qui lui ont été reconnus. En effet, comme il a été souligné tout au long de cette étude, la volonté des Etats et leur capacité à ouvrir « le voile corporatif 295(*)», seront déterminantes dans le fonctionnement efficace de la Cour. Cela est d'autant plus vrai que la Cour est très dépendante de leur appui, comme cela a pu être démontré. Ce soutien des Etats, conjugué à l'indépendance institutionnelle de la Cour, devrait pouvoir renforcer celle-ci dans sa mission. Ensuite, il semble que la Cour devra briller aussi par le travail qu'elle va accomplir296(*), notamment par sa qualité et a rigueur. L'impartialité dont elle est sensée jouir doit lui permettre de gagner la confiance de ceux des Etats qui lui sont encore hostiles297(*). Le procureur, pierre angulaire du mécanisme298(*), doit faire preuve de fermeté dans ses actions. On est cependant en droit de se demander jusqu'où pourra aller ce dernier dans sa traque des criminels, surtout ceux qui se cachent encore derrière l'appareil de l'Etat et ses multiples garanties d'impunité. Il doit en tout cas avancer le plus loin possible, dans le camp de ces individus qui, il faut l'admettre sont de moins en moins à l'abri. Cette volonté de mettre et de maintenir une pression sensible sur les coupables, quelles que soient leurs fonctions officielles, devrait constituer un support substantiel pour diminuer les obstacles qui protègent encore les officiels dans l'Etat. Dans cette alternative, il est impératif que soient conjugués les efforts en vue de la réalisation des objectifs dévolus à la CPI. Ces efforts passent par la disponibilité et la volonté des Etats et aussi des organisations internationales - notamment l'ONU dont le rôle peut être aussi déterminant par le truchement du Conseil de sécurité - à coopérer avec la Cour, par la capacité des membres de cette organisation à accomplir leur tâche. Un accent devrait aussi être mis sur l'harmonisation des normes internationales. Celles-ci peuvent constituer à certains égards des obstacles de taille à la mise en oeuvre du droit pénal international. Enfin, il faut déplorer la faiblesse qui caractérise encore les mécanismes de sanctions des violations par les Etats du droit international, et particulièrement celles de l'obligation de coopérer avec la Cour qui pourraient survenir. Il est donc souhaitable que, dans ce domaine, le rôle du Conseil de sécurité soit élargi et renforcé. Un rôle significatif devrait être accordé aussi aux Etats eux même. Les pressions diverses entre Etats pourront être parfois décisives.299(*) Cette voie semble actuellement plus indiquée pour rendre effective des sanctions en réponse aux manquements des Etats. Cependant, ce faible mécanisme de sanction souligne dans une certaine approche, l'idée que le respect des engagements des Etats envers la Cour doit être plus le résultat d'une spontanéité que de la crainte de conséquences. Les Etats parties aussi bien que les Etats non encore parties auront un grand intérêt dans la collaboration avec la Cour, en tout cas jusqu'à ce que l'évolution du droit permette d'arriver à un meilleur engagement des tribunaux nationaux. Souhaitons que l'évolution positive du droit pénal international qui est en cours, permette réellement une pratique où les juges nationaux connaîtront eux-mêmes des situations de crimes internationaux constatées sur leur territoire et poursuivront efficacement et sérieusement les coupables quels qu'ils soient. * 292 La naissance de la Cour en est la preuve irréfutable. * 293 Il a aussi été constaté que les Etats constituent en même temps un des principaux obstacles du fonctionnement des juridictions pénales internationales qui ont la charge de faire appliquer ce droit. * 294 Aussi bien et en premier lieu sur le plan interne. * 295 Cf. SASSÒLI M., « L'arrêt Yérodia, quelques remarques sur une affaire au point de collision entre les deux couches du droit international », précité note 218, p. 792. * 296 Il est difficile à ce stade de faire une appréciation objective de ce que la Cour a déjà entrepris comme enquête. Le fait de leur déclenchement est toutefois en lui-même un point positif pour ses organes. * 297 En tête desquels les Etats-Unis, la Chine et Israël. * 298 Toutes les affaires, d'où qu'elles viennent passent en effet par son bureau. * 299 L'envers de cette solution est que malheureusement les grandes puissances ne risquent pas d'être beaucoup inquiétées. |
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