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Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale

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par Désiré Yirsob Dabire
Université de Genève - DEA de droit international public 2006
  

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Section 2 : Des sanctions collectives possibles

Les sanctions de la responsabilité internationale des Etats revêtent généralement deux formes. Les sanctions unilatérales des Etats qui se traduisent par le recours à des contre-mesures254(*) et les sanctions collectives qui interviennent dans le cadre des organisations internationales. Ces dernières peuvent se présenter sous la forme de mesures édictées par l'organe compétent de l'organisation255(*) ou d'actions entreprises par les Etats sur la base d'une habilitation de l'organisation256(*).

Dans le cadre de la responsabilité pour non coopération avec la CPI, il faut distinguer deux situations. Selon que la Cour a été saisie par un Etat ou par le Conseil de sécurité. Dans ces deux hypothèses en effet, la réaction de la Cour entraîne deux mécanismes différents de sanction (paragraphe 1), dont l'un fait intervenir le Conseil de sécurité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les mesures prises par la Cour

La Cour dispose-t-elle du pouvoir de sanction contre un Etat lorsque celui-ci engage sa responsabilité internationale en cas de non coopération ? Vraisemblablement non, en tout cas selon le Statut (A). A quel organe aura-t-elle alors recours pour faire sanctionner un Etat en cas de besoin (B) ?

A- Pas de sanctions prévues dans le Statut

Tout au long du Statut, il n'est aucunement fait mention de quelque sanction que ce soit à l'encontre d'un Etat pour manquement à son obligation de coopérer. La Cour n'a donc nulle part reçu la compétence de prendre des sanctions dans une telle situation.

Tout d'abord la responsabilité pénale des Etats n'est pas admise. En tout cas l'évolution actuelle du droit et de la pratique internationaux ne permet pas d'affirmer l'existence d'une telle responsabilité à l'égard des Etats.257(*) Cette situation pourrait justifier le fait que le manque de coopération des Etats ne met pas à leur charge une responsabilité de nature pénale, au point de les mettre en accusation devant la Cour.

D'autres formes de pénalités auraient pu être définies dans le Statut à l'encontre des Etats, mais c'est sans compter avec le fait que le Statut a été établi par ces derniers. Il était donc peu probable, voire même impossible, que les Etats donnent à une juridiction internationale pénale, donc à des juges internationaux, des individus dotés de la plus grande indépendance et impartialité qui soit, le pouvoir de sanctionner leur violation, ne serait-ce que par des sanctions disciplinaires.

En outre, le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie a reconnu dans l'arrêt Blaskic que : « Premièrement, le Tribunal international n'est pas investi du pouvoir de prendre des mesures coercitives contre les États. Si les rédacteurs du Statut avaient eu l'intention de lui conférer un tel pouvoir, ils l'auraient expressément prévu. Ce pouvoir ne peut être considéré comme inhérent aux fonctions d'une instance judiciaire internationale. Aux termes du droit international actuellement en vigueur, les États peuvent seulement être l'objet de contre-mesures prises par d'autres États ou de sanctions adoptées par la communauté internationale organisée, à savoir les Nations Unies ou d'autres organisations intergouvernementales.

Deuxièmement, la Chambre de première instance et le Procureur ont tous deux souligné que, s'agissant des États, la "peine" accompagnant une injonction ne serait pas de nature pénale. Aux termes du droit international en vigueur, il est évident que les États, par définition, ne peuvent faire l'objet de sanctions pénales semblables à celles prévues dans les systèmes pénaux internes »258(*).

Ces arguments du tribunal emmènent à penser que, en l'absence de dispositions expresses dans le Statut, la CPI qui est aussi une instance judiciaire internationale ne dispose pas d'un pouvoir de sanction contre les Etats parties259(*).

Un tel pouvoir de sanction à l'encontre des Etats est généralement reconnu à des instances composées d'Etats. C'est dire que seuls les Etats sont habilités à sanctionner les Etats, car ils sont dotés de pouvoirs concurrents en vertu de leur égalité souveraine.

Ainsi, en cas de non coopération d'un Etat, la Cour ne peut que constater cela, c'est à dire « prendre acte et en référer »260(*) aux organes compétents, que sont l'Assemblée des Etats parties ou le Conseil de sécurité selon les cas.

B- Le référé à l'Assemblée des Etats Parties

L'Assemblée des Etats Parties (ASP) qui est le principal administrateur et le corps législatif de la Cour pénale internationale261(*) est régie par un règlement intérieur262(*). Cet organe, composé comme son nom l'indique des Etats ayant ratifié le Statut, a en charge de mettre à la disposition de la Cour les moyens financiers et législatifs nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Il a également l'attribution de modifier les dispositions du Statut dans les conditions prévues à l'article 123263(*).

La Cour se voit obligée de recourir aux Etats parties en cas d'obstacles dans la mise en oeuvre de la coopération avec les Etats. L'article 87(7) confère cette possibilité à la Cour, cependant que l'article 112(2.f) précise que le pouvoir de prendre des mesures à l'encontre des Etats est du ressort de l'ASP. C'est du moins elle qui « examine toute question relative à la non coopération des Etats ».

L'ASP peut être saisie d'une question de non coopération d'un Etat lorsque c'est un Etat qui a saisi la Cour de l'affaire en cause. Cette possibilité ne fait aucun doute lorsque c'est un Etat partie qui est concerné (art. 87(7)), mais il convient de préciser que les Etats tiers sont également soumis à la même procédure lorsqu'ils signent avec la Cour un accord de coopération264(*), et qu'ils se rendent coupables du non respect des obligations qui en découlent.

La question que suscite ce recours à l'ASP est bien sûr celle de la nature des mesures que pourrait prendre cet organe et le cas échéant leur efficacité. Aucune précision n'est apportée à cette interrogation. Ni le Statut, ni le règlement de l'ASP, encore moins le règlement de procédure et de preuves ne prévoient expressément des sanctions. Les seules sanctions prévues dans le cadre de l'ASP sont la suspension du droit de vote à l'occasion des différentes sessions, mais cela est prévu pour les cas de retard dans le paiement des contributions financières265(*). Quand on sait qu'en matière de sanction la précision est de rigueur, on peut bien se demander s'il y aura effectivement des sanctions émanant de l'ASP266(*). En tout état de cause si ces mesures devaient être appliquées aussi aux cas de non coopération, ce ne sont certainement pas les plus dissuasives.

De plus, la probabilité qu'une telle décision soit prise reste assez minime, dans la mesure où chaque membre dispose d'une voix267(*), en outre la périodicité des sessions (une fois l'an)268(*) laisse penser que beaucoup de temps pourrait s'écouler avant une réaction véritablement énergique de la Cour.

En l'absence de dispositions spécifiques dans les textes qui régissent la Cour, il peut donc être fait recours aux normes du droit international général en matière de sanction en réaction d'un acte internationalement illicite269(*). On pourrait concevoir que les Etats prennent individuellement des mesures contre l'Etat fautif, dès lors que la Cour constate l'existence d'une situation de non coopération.

C'est en conséquence un retour à la situation où les Etats parties réagissent en qualité d'Etat lésé ou autres, telle qu'évoquée plus haut. Les Etats parties pourront alors entreprendre des actions270(*) en vue de contraindre l'Etat responsable au respect de ses obligations271(*).

Tous ces éléments laissent croire que le risque pour un Etat d'être sanctionné par l'ASP pour non coopération avec la Cour est très infime. Par conséquent, les cas de non respect par les Etats parties de l'obligation de coopérer peuvent survenir sans trop de crainte d'être véritablement sanctionnés.

Quid alors de la possibilité pour la Cour de recourir au Conseil de sécurité ?

* 254 V. supra, p. 63.

* 255 C'est l'exemple de l'Union Européenne, avec la résolution du parlement européen sur la situation au soudan du 09 mai 2005, qui recommande de conditionner l'aide européenne au Soudan aux efforts de ce pays dans la recherche de la paix et la coopération avec la CPI. Cf. en ligne http://www.vigilsd.org/resolut/parleuro.htm , para. 12 (Visité le 31 janvier 2006).

* 256 C'est par exemple le cas des résolutions prises par le Conseil de sécurité lors de la guerre du Golf. Notamment les résolutions 678 du 29 novembre 1990 et 687 du 03 avril 1991. Cf. le site http://www.un.org/french/documents/scres.htm (Visité le 30 décembre 2005).

* 257 V. SPINEDI M., Les crimes internationaux de l'Etat dans les travaux de codification de la responsabilité des Etats entrepris par les Nations Unies, San Domenico di Fiesole, Badia Fiesolana, 1984, pp. 45 et ss ; et plus récemment le premier rapport de la CDI sur la responsabilité des Etats de 1998, sur le site http://www.onu.org/temas/derint/comision/acn4490a2r1.pdf (visité le 30 Décembre 2005). En outre, le fait que le projet d'articles de la CDI sur la responsabilité internationale des Etats dans sa version adoptée en 2001, emploie dans ses dispositions l'expression « fait internationalement illicite » en lieu et place de «crime» (précité note 170), marque le désir de la CDI de faire la distinction.

* 258 Cf. arrêt de la Chambre d'appel du TPIY, du 29 octobre 1997, le procureur c/ Tihomir Blaskic, sur le site http://www.un.org/icty/blaskic/appeal/decision-f/71029JT3.html (visité le 30 décembre 2005). Le soulignement est de nous.

* 259 Ce pouvoir ne peut être impliqué par les fonctions de la Cour. Pour des détails sur la théorie des compétences implicites, v. DIEZ DE VELASCO VALLEJO M., Les Organisations Internationales, Paris, Economica, 2002, pp. 109-111 ; N'GUYEN Q. D., DAILLIER P. ET PELLET A., Droit international public, précité note 66, pp. 601 et ss.

* 260 Article 87(7) du Statut.

* 261 Cf. http://www.icc-cpi.int/asp.html (Visité le 30 décembre 2005).

* 262 Cf. http://www.icc-cpi.int/library/asp/ICC-ASP-Rules_of_Procedure_French.pdf (Visité le 30 décembre 2005).

* 263 Cf. l'article 123(1).

* 264 Cf. l'article 87(5.b).

* 265 Cf. l'article 112(8) du Statut.

* 266 Certains auteurs sont assez sceptiques. Pour Cyril Laucci par exemple, « si un pouvoir de sanction avait été souhaité, il aurait été prévu ». V. LAUCCI C., « Compétence et complémentarité dans le Statut de la future Cour Pénale Internationale », précité note 54, p. 143.

* 267 Les décisions sont prises à la majorité qualifiée des deux tiers des membres. Cf. article 112(7) du Statut. V aussi Règle 60 du Règlement intérieur de l'ASP.

* 268 Article 112(6). Il est cependant prévu au même article des sessions extraordinaires en cas de besoin.

* 269 Cela fait dire que les règles régissant la Cour ne sont pas autonomes du point de vue des conséquences de leur violation, dans la mesure où il est nécessaire de faire intervenir des règles du droit international général pour trouver une solution à la question des réponses à un manquement aux obligations envers la Cour.

* 270Les Etats parties agiraient ici en qualité d'Etats autres que lésés tels qu'évoqués dans la section précédente (p. 61). Il s'agirait alors de mesures licites, n'utilisant pas le recours à la force, comme les contraintes économiques, les embargos, ou encore les contraintes diplomatiques.

* 271 Cf. RINOLDI D. et PARISI N., « International co-operation and judicial assistance between the International Criminal Court and States parties », in LATTANZI F. et SCHABAS W., Essays on the Rome Statute of the International Criminal Court, Vol. I, Il sirente, 2000, pp. 373-374.

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