Gestion du risque de liquidité à la boa rdcpar Jérémie BALIBANGA SOKANE Université de GOMA - Licence 2021 |
2. Canal du marché des actifsQuand le canal de liquidité du marché interbancaire est sévèrement affaibli, le risque de liquidité peut se transporter vers le marché des actifs parce que les banques sont contraintes de s'y procurer de la liquidité, mais moyennant des ventes à « prix cassés ». Cela aurait un impact à la baisse sur les prix des actifs et provoquerait une situation d'illiquidité de marché. La propagation passe par l'actif des bilans des banques puisque ces dernières se retrouvent obligées de restructurer leurs portefeuilles en privilégiant les actifs les plus liquides et en liquidant les autres actifs de façon de plus en plus coûteuse. Dans une telle situation, le cash-in-the-market pricingdevient déterminant dans la mesure où il peut provoquer une chute des prix d'actifs en dessous de leurs valeurs fondamentales. Spirale entre liquidité de financement et liquidité de marché Lapropagationdurisquedeliquiditédefinancementverslerisquede liquidité de marché ne se fait pas que dans un seul sens. Ces deux risques peuvent se renforcer mutuellement dans un système réglementé et appliquant le principe de la comptabilisation en valeur de marché (mark-to-market). En effet, les prix des actifs en dessous de leurs valeurs fondamentales se répercutent immédiatement sur la valeur du bilan des banques avec la comptabilisation en mark-to-market. Par conséquent, lesbanquessevoientobligéesdeprocéderàdesrestructurationsurgentes de leur bilan et se retrouvent contraintes de vendre davantage d'actifs à des prix encore plus bas pour répondre aux exigences réglementaires (notamment en matière de solvabilité et de fonds propres). Elles se retrouvent confrontées à des spirales de liquidité baissières dangereuses. 1.2.II. APPROCHE DE BRUNNERMEIER ET PEDERSEN23(*) Brunnermeier et Pedersen (2009) s'intéressent à ces interactions en mettant l'accent sur les opérateurs de marché ou traders. Ils fournissent un modèle qui lie la liquidité d'un actif de marché à la liquidité de financement des traders. Ils rappellent que ces derniers fournissent de la liquidité de marché et que leur capacité de le faire dépend de la facilité avec laquelle ils accèdent à la liquidité de financement, à savoir le capital et les exigences de marge. Inversement, le financement des traders dépend de la liquidité du marché des actifs. Cette relation fait que la liquidité de financement et la liquidité de marché peuvent se renforcer mutuellement et mener à des spirales de liquidité. De manière générale, Brunnermeier et Pedersen (2009) évoquent deux équilibres. Le premier se produit quand les marchés sont liquides avecdesconditionsdemargefavorablesetunaccèsfacileaufinancement pour les spéculateurs qui aident à leur tour à améliorer cette liquidité à travers leurs activités. Le second se produit lorsque les marchés sont illiquides, avec des exigences de marge plus élevées, ce qui limite l'accès au financement des spéculateurs qui, à leur tour, fournissent moins de liquidité de marché. Ce renforcement mutuel de l'illiquidité de financement et de l'illiquidité de marché se traduit par des spirales de liquidité qui peuvent être des spirales de marge ou de perte. Une spirale de marge arrive quand une diminution dans le financement contraint un trader à fournir moins de liquidité de marché. Si les marges augmentent avec l'illiquidité de marché, la baisse initiale dans le financement accentue la contrainte de financement des opérateurs de marché, ce qui les conduit à diminuer leur trading, et ainsi de suite. Ici, le phénomène de fuite vers laqualité (flight-to-quality) apparaîtfréquemmentparcequelorsqu'ilya un choc de liquidité, les spéculateurs réduisent la fourniture de liquidité demarchéetparticulièrementcellequiconsommebeaucoupencapitaux (concernant les actifs avec des marges hautes). Quant à la spirale de perte, elle arrive quand un trader détenant un titre fait face à un problème de financement et essaie de vendre le titre, même à « prix cassés ». Il réduit alors la liquidité de marché et encourt des pertes, ce qui renforce le problème initial, et ainsi de suite. Figure 6 Les étapes des spirales de marge et de perte Source : Brunnermeier et Pedersen (2009). * 23 BRUNNERMEIER M. et PEDERSEN L. H. (2009), « Market Liquidity and Funding Liquidity », Review of Financial Studies, vol. 22, pp. 2201-2238. |
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