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Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang(1907-1957)


par Yannick Guerin Diffouo
Universite de Dschang - Master 2014
  

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ABSTRACT

Dschang is a town created by the Germans in the beginning of the twentieth century (precisely in 1907). They set up a military and administrative post from 1907. Their stay will be of a very short time because, as from 1914 during the First World War, they were attacked by a French and English coalition which defeated them in 1916. This coalition decided that France will keep the town until independence of Cameroun. In order to occupy and exploit the territory of the town, aspiring for military and sanitary security, and finally to justify the contribution of their civilization, Germans and French settlers built a certain number of infrastructures, that have challenged times and are still existing in the town, even if some are in a state of advanced decrepitude. The place of work and residence of the Chief of Region, the camp of civil servants, the factory of cinchona processing, the «Sacré Coeur» parish and the entrance of «Marché A» are some of these infrastructures. These colonial relics, if they are conserved and rehabilitated, can be important at two levels; undeniable sources of maintenance of collective memory and as vectors of economic development through cultural tourism that they can create.

Keys words: Inventories, Colonial relics, town of Dschang, cultural tourism,

rehabilitation

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INTRODUCTION GENERALE

A l'exception de certains pays1, l'Afrique a encore du mal à mettre sur pied une véritable politique en matière de technique d'inventaire, de protection et de conservation du patrimoine culturel. 1980, proclamée année du Patrimoine en Europe par exemple, a constituée une étape importante dans la perception occidentale du patrimoine2. Or le patrimoine culturel africain par excellence n'est valorisé que dans les discours officiels. Pierre de Maret semble avoir trouvé une explication à ce phénomène quand il écrit que :

le peu d'intérêt que les Africains éprouvent envers leur patrimoine, compris ici au sens classique du terme, tient en partie au moins au hiatus entre les définitions qu'en donnent les Occidentaux et les Africains et au fait que les politiques culturelles ont adhéré de façon non critique à la définition des premiers. Les musées, lieux par excellence de conservation du patrimoine en Occident, illustrent bien cette problématique3.

Ceci est d'autant plus vrai que certains musées qui devraient être en terre africaine (le musée royal de l'Afrique Centrale à Tervuren (Belgique) par exemple) se trouvent en Europe à cause des pillages. Abdou Sylla dénonce le pillage en ces termes : « la rencontre avec l'autre (le Blanc, l'Européen, l'Occidental) a ainsi provoqué des évolutions qui ont conduit à des destins très singuliers pour l'art nègre ; cet art a été détruit et brûlé (missionnaires), interdit et saccagé (christianisme et Islam), volé et pillé (ethnologues)4 ».

Depuis quelques décennies, il y a un engouement à procéder à la protection du patrimoine culturel africain. Or, cet engouement doit se fonder sur la connaissance la plus complète de son existence, de son étendue et de son étude. C'est dans ce sens que Pascal Prunet, Architecte en Chef des monuments historiques dans le projet de restauration du château des ducs de Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, écrit :

1 Nous pouvons citer ici les pays comme l'Egypte, le Maroc, le Benin etc.

2 Pierre de Maret, « Patrimoines africains : plaidoyer pour une approche plurielle », in Caroline Gaultier-Kurhan (éd), Le patrimoine culturel africain, Paris, Maisonneuve et larose, 2001, p.22.

3 Ibid p.24.

4Abdou Sylla, "Les musées en Afrique : entre pillage et irresponsabilité" in Africulture, réinventer les musées, L'Harmattan, n°70, 2007, p.92.

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« Restaurer, c'est transmettre1. Cela passe par la conservation optimisée de ce qui a été laissé par l'histoire, ce qui n'exclut pas une lecture critique, mais cela implique des choix que l'on doit pouvoir expliciter 2». L'Afrique a donc le devoir de restaurer son histoire et les vestiges constituent une source importante d'écriture de celle-ci.

Ces éléments de la mémoire collective ont fait, au fil du temps, l'objet de pillages et de négligences volontaires ou non de la part du peuple et du politique. Pour parvenir à une restitution de cette histoire, nous devons mettre de côté les préjugés. Car, comme le remarque Sow Alpha : « il importe [...] de mettre l'accent sur l'immense travail de recherche et de collecte que requiert le recensement sans préjugé et sans discrimination du patrimoine culturel tout entier3 ». Beaucoup a déjà été fait pour conserver et restituer les traces des populations des Grassfields dans la période précoloniale notamment à travers l'initiative du " Programme Route Des Chefferies"4. L'originalité de ce programme est de placer l'Homme au coeur de son identité culturelle dans un esprit d'ouverture et de dialogue interculturel. Ses réalisations, à ce jour, peuvent se décliner sommairement sur deux axes principaux à savoir l'inventaire des oeuvres d'art dans 14 Chefferies-partenaires5 entre 2007 et 2010 et les constructions ou aménagements des cases patrimoniales ou musées communautaires au sein des Chefferies. Le tout couronné par l'édification du Musée

1 La transmission passe d'abord par la restauration puis la conservation. On ne saurait transmettre sans restaurer.

2 Pascal Prunet, « La restauration de l'édifice » in Château des ducs de Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, Nantes, 2007, p 24.

3 Alpha Sow "Introduction à la culture africaine", in Collection UNESCO, Paris, 1978,

p19.

4Le Programme Route Des Chefferies est issu du partenariat entre la Commune de Nantes en France et celle de Dschang au Cameroun. Elle expose les quatre grandes aires culturelles du Cameroun à savoir les peuples de la savane, de la côte, de la forêt et des grassfields en insistant sur le génie créateur lié à chaque environnement.

5 Ce sont des Chefferies ayant ratifiées, sous la présidence de sa majesté roi des Foto, la charte de ce programme. Chacune d'entre elles bénéficiant d'une case patrimoniale sur son territoire avec le soutien technique du Musée des Civilisations.

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des civilisations du Cameroun à Dschang, ouvert au public le 20 novembre 2010, qui est l'épicentre de ce programme1.

Parmi les aspects du patrimoine ciblés par le "Programme Route Des Chefferies", les legs coloniaux n'en font pas partie et c'est ce qui a attiré l'attention du jeune chercheur que nous sommes. Nous espérons donc pouvoir produire un travail original en traitant la thématique suivante : " Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang (1907-1957)"

I. RAISONS DU CHOIX DU THEME

Trois importantes raisons nous ont amené à choisir ce thème de recherche.

La première raison est liée au constat selon lequel, Dschang2, destination touristique a, jusqu'à présent, attiré les visiteurs surtout à cause de son climat attrayant et surtout de la diversité des expressions culturelles de ses populations. Cet aspect culturel ou encore le tourisme culturel et plus spécifiquement les traces de la présence coloniale dans cette ville ne sont pas prises en compte.

La deuxième raison est le déclic provoqué par la contemplation des premiers résultats du long chantier initié par le Musée des Civilisations par rapport à l'inventaire et la conservation du patrimoine des peuples des Grassfields. En effet, nous faisons partie de la troisième génération des étudiants du Département d'Histoire passée après ce projet soutenu par le Département d'Histoire de l'Université de Dschang. La fierté avec laquelle les participants à ce projet en parlent nous a poussé à travailler sur une thématique en relation avec le patrimoine culturel. Nous avons voulu orienter ce sujet vers la conservation des legs coloniaux car ces traces font partie du patrimoine culturel national camerounais et se doivent d'être

1 Flaubert A. Taboue Nouaye et al, « La sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel au Cameroun », la lettre de l'OCIM, 139/2012, P.35

2 Voir à ce propos Bernard Momo, « Une politique des savoir-faire : exemple de Dschang (ouest-Cameroun) », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp 159-168 ; Elvis Tangwa Sa'a Nkem, « Chefferies traditionnelles africaines : quel rôle 125 ans après la conférence de Berlin ? », in Cahiers du Mapinduzi 2, Berlin, 2010, pp 73-90.

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protégées et conservées au même titre que la forêt équatoriale ou le parc de Waza, pour ne citer que ces deux éléments.

« Les documents dont nous disposons permettent de ranimer, de faire vivre notre esprit, sous nos yeux, pour ainsi dire, le passé africain [...] il devient donc indispensable de dégeler, de défossiliser [...] toute cette histoire africaine qui est là, inerte, emprisonnée dans les documents 1», cette réflexion de Cheikh Anta Diop constitue notre troisième raison parce qu'elle nous a incité à apporter notre contribution à l'écriture de l'Histoire du Cameroun en général et de celle de la ville de Dschang en particulier à travers l`inventaire des legs matériels de la colonisation dans cette ville. Nous ne voulons pas que s'applique chez nous, le principe selon lequel la meilleure façon de soumettre un peuple soit la destruction de sa mémoire historique et culturelle et de ses symboles patrimoniaux2. Ce qui nous amène a nous intéresser à l'utilité de ce travail.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry