ABSTRACT
Dschang is a town created by the Germans in the
beginning of the twentieth century (precisely in 1907). They set up a military
and administrative post from 1907. Their stay will be of a very short time
because, as from 1914 during the First World War, they were attacked by a
French and English coalition which defeated them in 1916. This coalition
decided that France will keep the town until independence of Cameroun. In order
to occupy and exploit the territory of the town, aspiring for military and
sanitary security, and finally to justify the contribution of their
civilization, Germans and French settlers built a certain number of
infrastructures, that have challenged times and are still existing in the town,
even if some are in a state of advanced decrepitude. The place of work and
residence of the Chief of Region, the camp of civil servants, the factory of
cinchona processing, the «Sacré Coeur» parish and the entrance
of «Marché A» are some of these infrastructures. These
colonial relics, if they are conserved and rehabilitated, can be important at
two levels; undeniable sources of maintenance of collective memory and as
vectors of economic development through cultural tourism that they can
create.
Keys words: Inventories, Colonial relics, town of
Dschang, cultural tourism,
rehabilitation
1
INTRODUCTION GENERALE
A l'exception de certains pays1, l'Afrique
a encore du mal à mettre sur pied une véritable politique en
matière de technique d'inventaire, de protection et de conservation du
patrimoine culturel. 1980, proclamée année du Patrimoine en
Europe par exemple, a constituée une étape importante dans la
perception occidentale du patrimoine2. Or le patrimoine culturel
africain par excellence n'est valorisé que dans les discours officiels.
Pierre de Maret semble avoir trouvé une explication à ce
phénomène quand il écrit que :
le peu d'intérêt que les Africains
éprouvent envers leur patrimoine, compris ici au sens classique du
terme, tient en partie au moins au hiatus entre les définitions qu'en
donnent les Occidentaux et les Africains et au fait que les politiques
culturelles ont adhéré de façon non critique à la
définition des premiers. Les musées, lieux par excellence de
conservation du patrimoine en Occident, illustrent bien cette
problématique3.
Ceci est d'autant plus vrai que certains musées
qui devraient être en terre africaine (le musée royal de l'Afrique
Centrale à Tervuren (Belgique) par exemple) se trouvent en Europe
à cause des pillages. Abdou Sylla dénonce le pillage en ces
termes : « la rencontre avec l'autre (le Blanc, l'Européen,
l'Occidental) a ainsi provoqué des évolutions qui ont conduit
à des destins très singuliers pour l'art nègre ; cet art a
été détruit et brûlé (missionnaires),
interdit et saccagé (christianisme et Islam), volé et
pillé (ethnologues)4 ».
Depuis quelques décennies, il y a un engouement
à procéder à la protection du patrimoine culturel
africain. Or, cet engouement doit se fonder sur la connaissance la plus
complète de son existence, de son étendue et de son étude.
C'est dans ce sens que Pascal Prunet, Architecte en Chef des monuments
historiques dans le projet de restauration du château des ducs de
Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, écrit :
1 Nous pouvons citer ici
les pays comme l'Egypte, le Maroc, le Benin etc.
2 Pierre de Maret, «
Patrimoines africains : plaidoyer pour une approche plurielle », in
Caroline Gaultier-Kurhan (éd), Le patrimoine culturel africain,
Paris, Maisonneuve et larose, 2001, p.22.
3 Ibid p.24.
4Abdou Sylla, "Les
musées en Afrique : entre pillage et irresponsabilité" in
Africulture, réinventer les musées, L'Harmattan,
n°70, 2007, p.92.
2
« Restaurer, c'est transmettre1. Cela
passe par la conservation optimisée de ce qui a été
laissé par l'histoire, ce qui n'exclut pas une lecture critique, mais
cela implique des choix que l'on doit pouvoir expliciter 2».
L'Afrique a donc le devoir de restaurer son histoire et les vestiges
constituent une source importante d'écriture de celle-ci.
Ces éléments de la mémoire
collective ont fait, au fil du temps, l'objet de pillages et de
négligences volontaires ou non de la part du peuple et du politique.
Pour parvenir à une restitution de cette histoire, nous devons mettre de
côté les préjugés. Car, comme le remarque Sow Alpha
: « il importe [...] de mettre l'accent sur l'immense travail de recherche
et de collecte que requiert le recensement sans préjugé et sans
discrimination du patrimoine culturel tout entier3 ». Beaucoup
a déjà été fait pour conserver et restituer les
traces des populations des Grassfields dans la période
précoloniale notamment à travers l'initiative du " Programme
Route Des Chefferies"4. L'originalité de ce programme est de
placer l'Homme au coeur de son identité culturelle dans un esprit
d'ouverture et de dialogue interculturel. Ses réalisations, à ce
jour, peuvent se décliner sommairement sur deux axes principaux à
savoir l'inventaire des oeuvres d'art dans 14
Chefferies-partenaires5 entre 2007 et 2010 et les constructions ou
aménagements des cases patrimoniales ou musées communautaires au
sein des Chefferies. Le tout couronné par l'édification du
Musée
1 La transmission passe
d'abord par la restauration puis la conservation. On ne saurait transmettre
sans restaurer.
2 Pascal Prunet, « La
restauration de l'édifice » in Château des ducs de
Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, Nantes, 2007, p
24.
3 Alpha Sow "Introduction
à la culture africaine", in Collection UNESCO, Paris, 1978,
p19.
4Le Programme Route Des
Chefferies est issu du partenariat entre la Commune de Nantes en France et
celle de Dschang au Cameroun. Elle expose les quatre grandes aires culturelles
du Cameroun à savoir les peuples de la savane, de la côte, de la
forêt et des grassfields en insistant sur le génie créateur
lié à chaque environnement.
5 Ce sont des Chefferies
ayant ratifiées, sous la présidence de sa majesté roi des
Foto, la charte de ce programme. Chacune d'entre elles
bénéficiant d'une case patrimoniale sur son territoire avec le
soutien technique du Musée des Civilisations.
3
des civilisations du Cameroun à Dschang, ouvert
au public le 20 novembre 2010, qui est l'épicentre de ce
programme1.
Parmi les aspects du patrimoine ciblés par le
"Programme Route Des Chefferies", les legs coloniaux n'en font pas partie et
c'est ce qui a attiré l'attention du jeune chercheur que nous sommes.
Nous espérons donc pouvoir produire un travail original en traitant la
thématique suivante : " Inventaire de quelques vestiges coloniaux
matériels dans la ville de Dschang (1907-1957)"
I. RAISONS DU CHOIX DU THEME
Trois importantes raisons nous ont amené
à choisir ce thème de recherche.
La première raison est liée au constat
selon lequel, Dschang2, destination touristique a, jusqu'à
présent, attiré les visiteurs surtout à cause de son
climat attrayant et surtout de la diversité des expressions culturelles
de ses populations. Cet aspect culturel ou encore le tourisme culturel et plus
spécifiquement les traces de la présence coloniale dans cette
ville ne sont pas prises en compte.
La deuxième raison est le déclic
provoqué par la contemplation des premiers résultats du long
chantier initié par le Musée des Civilisations par rapport
à l'inventaire et la conservation du patrimoine des peuples des
Grassfields. En effet, nous faisons partie de la troisième
génération des étudiants du Département d'Histoire
passée après ce projet soutenu par le Département
d'Histoire de l'Université de Dschang. La fierté avec laquelle
les participants à ce projet en parlent nous a poussé à
travailler sur une thématique en relation avec le patrimoine culturel.
Nous avons voulu orienter ce sujet vers la conservation des legs coloniaux car
ces traces font partie du patrimoine culturel national camerounais et se
doivent d'être
1 Flaubert A. Taboue
Nouaye et al, « La sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel au
Cameroun », la lettre de l'OCIM, 139/2012, P.35
2 Voir à ce propos
Bernard Momo, « Une politique des savoir-faire : exemple de Dschang
(ouest-Cameroun) », in Les villes africaines et leurs patrimoines,
Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp 159-168 ; Elvis Tangwa Sa'a Nkem,
« Chefferies traditionnelles africaines : quel rôle 125 ans
après la conférence de Berlin ? », in Cahiers du
Mapinduzi 2, Berlin, 2010, pp 73-90.
4
protégées et conservées au
même titre que la forêt équatoriale ou le parc de Waza, pour
ne citer que ces deux éléments.
« Les documents dont nous disposons permettent de
ranimer, de faire vivre notre esprit, sous nos yeux, pour ainsi dire, le
passé africain [...] il devient donc indispensable de dégeler, de
défossiliser [...] toute cette histoire africaine qui est là,
inerte, emprisonnée dans les documents 1», cette
réflexion de Cheikh Anta Diop constitue notre troisième raison
parce qu'elle nous a incité à apporter notre contribution
à l'écriture de l'Histoire du Cameroun en général
et de celle de la ville de Dschang en particulier à travers l`inventaire
des legs matériels de la colonisation dans cette ville. Nous ne voulons
pas que s'applique chez nous, le principe selon lequel la meilleure
façon de soumettre un peuple soit la destruction de sa mémoire
historique et culturelle et de ses symboles patrimoniaux2. Ce qui
nous amène a nous intéresser à l'utilité de ce
travail.
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