Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang(1907-1957)par Yannick Guerin Diffouo Universite de Dschang - Master 2014 |
TROISIEME CHAPITRE:INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL, SOCIAL ET RELIGIEUX DANS LA VILLE DE DSCHANGIntroductionParmi les multiples motivations de la colonisation européenne du XIXe siècle en Afrique, celles économiques ont été prépondérantes parce que permettant de combler un déficit de matières premières dont les usines, nées de la révolution industrielle, avaient fortement besoin. Les autres motivations (sociale, religieuse) venaient justement se greffer à la première pour constituer un système coriace dont le rôle majeur aura été le pillage et le drainage des ressources du sol et du sous-sol africain vers l'Europe. La matérialisation de la présence coloniale sur divers plans1 devait donc être inévitable sur ce continent. En effet, la question à laquelle nous allons répondre dans ce chapitre est la suivante : Quels sont les vestiges coloniaux à caractère culturel et socio-religieux encore visibles de nos jours dans la ville de Dschang ? Pour y arriver, nous allons procéder par un plan en deux parties dont la première traitera des vestiges coloniaux à caractère culturel et la seconde, des vestiges coloniaux à usage socio-religieux. 1 En dehors des plans administratif, politique et économique qui ont été traité dans le chapitre précédent. 84 I. LES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTURELLes vestiges coloniaux à caractère culturel sont ceux qui s'occupaient comme nous l'avons déjà dit de la matérialisation de la « mission civilisatrice » occidentale dans les colonies. Cette matérialisation se déclinait en deux points à savoir montrer la domination de la civilisation occidentale sur celle des dominés d'une part et procéder à l'épanouissement des colons dans les colonies d'autre part. Nous allons traiter ici du Foyer Culturel Français, du Centre Climatique de Dschang, le stade Municipal etc. 1. Le foyer culturel françaisAnnée d'exécution : - première période : 1927-1936 -Deuxième période : 1956 Exécutant : - première période : non connue -Deuxième période : entreprise « monvoisin » Nombre de bâtiments : 03 Photo 25: Une vue actuelle de l'Alliance franco-camerounaise Source: http://solongmaryann.blogspot.com/2009/03/dschang-warning-its-long-artricle-but.html Cette photo présente comment était la médiathèque de l'Alliance il y a environ deux ans, avec le toit couvert de tôle sur laquelle est posée la chaume. 85 Photo 26 : Une vue de la Médiathèque et de la salle Manu Dibango Source: Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014 Comme on peut voir sur cette image la médiathèque a actuellement perdu le chaume et le reste est sans changement. La salle Manu Dibango n'a pas connu de changements. Le site à son origine est constitué de trois bâtiments dont le premier à l'accueil est un cafeteria qui est en totale transformation aujourd'hui. Le second est l'actuelle bibliothèque appartenant à l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang et le dernier bâtiment appartenant au Ministère des arts et de la culture abrite le Musée public de Dschang. Le bâtiment principal de l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang se présente comme un corps rectangulaire. L'entrée principale avec véranda est faite en arc de cercle. La toiture est à son avant soutenue par quatre poteaux circulaires qui jadis étaient décorés par une sculpture très stylisée. On peut aujourd'hui regretter que quelques années après sa rénovation, ces poteaux qui avaient été précieusement gardés, se soient vus liquidés et exposés au soleil et non sur leur emplacement originel1. L'arrière du bâtiment se terminait aussi en demi-cercle. La véranda donnait accès aux vestiaires qui eux-mêmes aboutissaient sur une scène. En effet, cette salle était conçue dès le départ comme salle de spectacles, de conférences et a tenu ce rôle 1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile 86 jusqu'à sa rénovation, rénovation consécutive à sa prise en main par l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang1. Pour des nécessités d'occupation et d'utilisation contemporaines, l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang a, en accord avec les services du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, fermé la porte arrière et transformé la véranda et les vestiaires en bureaux. Une porte a été ouverte latéralement et deux excroissances ont été ajoutées de part et d'autre permettant d'une part un secrétariat et un bloc technique et de d'autre part, un bloc de toilettes modernes2. Le toit en quatre pentes inspiré de l'architecture traditionnelle est recouvert de tôles en aluminium sur lequel était posé un treillis de bambou raphia qui eux-mêmes sont recouverts de paille (chaume). Les ouvertures (fenêtres et portes) sont verticales et hautes (architecture coloniale) ce qui assure une ventilation et une luminosité maximum. La rénovation les à respectés sauf qu'elle les a vitrés. A l'entrée principale, le poteau sculpté, merveille de la tradition sculpturale bamiléké, qui aurait été offert par le roi des Babadjou dans les Bamboutos a disparu depuis la deuxième décade post-indépendante et remplacé aujourd'hui par des mats de drapeau en acier. Le demi-cercle qui jouxte l'entrée principale est en réalité le premier écran de cinéma de la région3. Cette rénovation du bâtiment au plan extérieur a respectée les formes de la première architecture et son harmonie avec son environnement. A l'intérieur, la scène a disparu et plus récemment pour des nécessités d'espace, le plafond de l'espace bibliothèque a été perforé pour des besoins de luminosité et de ventilation à l'intérieur, ce qui a eu un impact sur la vue extérieure. 1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile 2 Idem 3 Idem 87 On peut conclure avec Poundé que ces innovations, parce qu'elles n'ont pas dénaturé les formes et l'harmonie globale du bâtiment, l'ont fait entrer dans la contemporanéité sans dénaturer la création coloniale1. Pensé dans les années 1934-35 par les administrateurs coloniaux français qui avaient besoin, aux côtés du stade de football, d'un lieu de culture et de loisirs pour eux-mêmes, leurs familles et leurs visiteurs, ce bâtiment et l'emménagement de ses abords, ont été définitivement réalisés dans les années 1946-47, c'est-à-dire à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. A ses débuts, ce lieu était réservé uniquement aux colons qui venaient pour se divertir les jeudis et samedis après-midi. Il cessera progressivement d'être un lieu exclusif face à la montée des multiples revendications de l'après-guerre. C'est ainsi que, dès l'aube de 1955, sous l'impulsion du couple Roy qui en avait la charge et qui avait perçu avec acuité le sens historique de ces revendications, tout au moins dans leur dimension culturelle, ce centre culturel commença à s'ouvrir aux autres. Au moment précis ou apparaissent les animateurs camerounais sur la scène de cette structure, elle changea de dénomination et devint Foyer culturel. Cette structure accueille en son sein entre 1953 et 1956 un colloque international sur la communication et désormais, tous les après-midi du 14 juillet, fête nationale française, les festivités liées à cette commémoration s'y déroulent entre d'une part, les colons et leurs familles et d'autre part, entre les indigènes "évolués". A l'aube des indépendances, il servira entre autres, de cadre aux vacances scolaires, de site d'accueil du fameux congrès de l'association des élèves, collégiens et étudiants bamiléké, vivier de l'actuelle intelligentsia de cette région. De foyer culturel, il deviendra le centre de jeunesse puis celui de l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang. Entre temps, il a connu de nombreuses vissicitudes : colonialisme, lutte pour l'indépendance, indépendance, réconciliation, apprentissage des pratiques démocratiques. L'espace abritant la salle Manu Dibango 1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile 88 a pendant la période coloniale servi de lieu où les Allemands et plus tard les Français ont fusillé et jeté les cadavres les récalcitrants de leur administration1. |
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