REPUBLIC OF CAMEROON
Peace-Work-Fatherland
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix-Travail-Patrie
UNIVERSITE DE DSCHANG
THE UNIVERSITY OF DSCHANG
ECOLE DOCTORALE
POST GRADUATE SCHOOLS
UNITE DE FORMATION DOCTORALE ARTS, LETTRES ET
SCIENCES SOCIALES
POST GRADUATE UNIT ARTS, LETTERS AND
SOCIAL SCIENCES
INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES
COLONIAUX MATERIELS DANS LA VILLE DE
DSCHANG (1907-1957)
Thèse présentée et soutenue
publiquement en vue de l'obtention du
Diplôme de Master en Histoire
A thesis submitted in partial fulfillment of the
requirements for the awards of a Master degree in History
Option : Histoire des Civilisations et des
Religions
Par:
Yannick Guérin DIFFOUO Matricule : CMO4-08LSH0282
Licencié en Histoire
Sous la direction de :
Dr Célestine FOUELLEFAK KANA Chargée de
cours
Juin 2014
i
IN MEMORIUM
Aux regrettés :
- Emmanuel Djatsa,
- Jean Djouda (dit Tameli)
- Et tous nos ancêtres tués ou devenus
handicapés dans les différents chantiers pendant la
colonisation.
Tous ceux que nous ne pouvons citer nommément
ici qui voudraient bien accepter nos sincères remerciements.
ii
REMERCIEMENTS
Nos profonds remerciements vont à ceux qui, de
près ou de loin, ont apporté leurs contributions multiformes
à l'élaboration de ce travail. Ainsi nous pensons à
:
Notre encadreur, Dr Célestine Fouellefak Kana,
qui a accepté de guider nos premiers pas dans la recherche et dont les
multiples conseils, critiques et encouragements nous ont permis d'aller
jusqu'au bout de ce travail ;
Tous nos enseignants et missionnaires du
Département d'Histoire, en particulier le Pr. Albert-Pascal Temgoua, les
Docteurs Zacharie Saha, Jules Kouosseu, Noumbissie Tchouake, Théodore
Ngoufo Sogang, et M. Williams Pokam qui ont grandement contribué
à notre formation ;
Tous nos camarades de promotion, notamment W.
Kuetagü Tchinda, C. Tsiafie, E. Djou Douandje, J. Modjom Tchuenchie, F.
Mepoubong Fouedong etc. avec qui l'entraide sur le plan académique a
été d'une utilité on ne peut plus certaine ;
M. René Tchaptchet, Romeo Keumo Songong et
Marie Nodem qui ont bien voulu apporter leur soutien technique à
l'élaboration de ce travail ;
Tous nos informateurs, responsables des centres
d'archives et bibliothécaires en particulier Papa René
Poundé et Dr Jean-Claude Tchouankap pour leur disponibilité et
leurs témoignages qui ont été d'une utilité
indéniable pour nous ;
Nos Mamans Monique Tedongmo et Jeanne-d'arc Mamekem,
M. Yves Kemka, Mme Nathalie Koumetio et M. Arnaud Rudovit Djimeli dont le
soutien incessant a donné un sens à notre vie après le
Baccalauréat ;
Toute la grande Famille Tameli et à tous les
ressortissants du Village Bafomlie-Bangang pour leur soutien moral et
matériel ;
Nos remerciements vont également à nos
Camarades Panafricanistes d'Action Sociale Africaine (A.S.A), et de
l'Association pour l'Unité et le Développement de l'Afrique
(A.U.D.A) pour leurs encouragements multiformes ;
iii
TABLE DES MATIERES
IN MEMORIUM i
REMERCIEMENTS ii
TABLE DES MATIERES iii
LISTE DES TABLEAUX ET CARTES vii
LISTE DES PHOTOS viii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS x
LISTE DES ANNEXES xi
RESUME xii
ABSTRACT xiii
INTRODUCTION GENERALE 1
I. RAISONS DU CHOIX DU THEME 3
II. INTERET DE LA RECHERCHE 4
III. CADRE CONCEPTUEL 6
IV. CADRE SPATIO-TEMPOREL 10
V. REVUE DE LA LITTERATURE 12
VI. PROBLEMATIQUE 16
VII. HYPOTHESES DE RECHERCHE 16
VIII. METHODOLOGIE 17
IX. LES DIFFICULTES RENCONTREES 21
X. PLAN DE L'ETUDE 21
PREMIER CHAPITRE: APERCU HISTORIQUE DE LA VILLE DE
DSCHANG
ET CONSTRUCTION DES INFRASTRUCTURES COLONIALES
22
Introduction 22
I- APERÇU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG
23
1. Période allemande et la naissance du Bezirk
de Dschang (1904- 06 novembre
1915) 23
iv
2. De la coalition franco-britannique à
l'intermède anglais : une courte période
sans grands changements (06 novembre 1915-1920)
25
3. Dschang : Chef-lieu de la Circonscription de
Dschang sous l'administration
française (1920-1960) 26
II. ROLES DES INFRASTRUCTURES COLONIALES
28
1. Le souci de "pacification" et de
"sécurisation" 28
2. Le souci de création d'un cadre physique
favorable 29
3. Le souci d'exploitation des ressources
30
4. La matérialisation de la prétendue
"mission civilisatrice" de l'Europe en
Afrique 31
III. MATERIAUX ET RESSOURCES HUMAINES NECESSAIRES A LA
CONSTRUCTION ARCHITECTURALE 32
1. Un mélange de technique et de
matériaux allogène et autochtone 33
2. Un accord de financement métropolitain
37
3. Une main d`oeuvre abondante et malléable
39
Conclusion 45
DEUXIEME CHAPITRE: INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES
COLONIAUX A USAGE POLITICO -ADMINISTRATIF ET ECONOMIQUE DANS
LA VILLE DE DSCHANG 46
Introduction 46
I. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE POLITICO-ADMINISTRATIF
47
1. La résidence et le lieu de service du Chef de
région 47
2. Le Palais de justice 51
3. Gendarmerie nationale 52
4. Le Commissariat central 55
5. L'Aviation de Dschang 57
6. La prison de Dschang 60
7. La station météo 63
II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE ECONOMIQUE
65
1. La régie de production
d'électricité 66
v
2. L'entrée du marché "A" 69
3. Le Secteur de Modernisation des Cultures d'Altitude
(SEMCA) 72
a. L'usine de la station de traitement du Quinquina
74
b. L'usine de café 79
Conclusion 82
TROISIEME CHAPITRE: INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES
COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL, SOCIAL ET RELIGIEUX DANS LA
VILLE DE DSCHANG 83
Introduction 83
I.
|
LES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL
|
84
|
1.
|
Le foyer culturel français
|
84
|
2.
|
Le Centre Climatique de Dschang
|
88
|
3.
|
Le stade Municipal de Dschang
|
90
|
|
4. Le Centre d'Education Physique et Sportive (CEPS)
et l'Ecole Normale
d'Instituteurs Adjoints (ENIA) 92
II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE SOCIO-RELIGIEUX
94
1. L'hôpital de Dschang 94
2. Camp des fonctionnaires new town 100
3. Les différents types d'écoles
coloniales 101
4. La Mission Catholique Sacré-Coeur de
Dschang 103
Conclusion 115
QUATRIEME CHAPITRE: ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A
DSCHANG
ET URGENCE D'UNE VALORISATION 116
Introduction 116
I. L'ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG
116
1. Les vestiges coloniaux transformés
116
2. Les vestiges coloniaux assombris ou en état
de détérioration 117
3. Les vestiges coloniaux réhabilités
ou en forme 119
vi
II. FACTEURS FAVORABLES A LA DESTRUCTION DES VESTIGES
COLONIAUX 119
1. Les conditions climatiques 120
2. L'inaction de l'homme 121
3. La non application de la politique culturelle
121
III. L'IMPORTANCE DES VESTIGES COLONIAUX POUR UN
PEUPLE 123
1. Les vestiges coloniaux : Support matériel
de mémoire collective 123
2. Les vestiges coloniaux : Vecteur de
développement économique 125
IV. DES INITIATIVES A ENCOURAGER 128
Conclusion 130
CONCLUSION GENERALE 131
ANNEXES 139
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 140
I. SOURCES ORALES 140
II. LES SOURCES ECRITES 142
A. LES SOURCES ARCHIVISTIQUES 142
1. Archives Nationales de Yaoundé (ANY)
142
2. Archives Régionales de l'ouest (ARO)
142
3. Archives de Dschang 143
B. DICTIONNAIRES 143
C. LES OUVRAGES 143
D. MEMOIRES ET THESES 145
E. ARTICLES ET COMMUNICATION 148
F. LES JOURNAUX 150
G. SOURCES D'INTERNET 151
vii
LISTE DES TABLEAUX ET CARTES
TABLEAUX
Tableau 1: Evolution de la population
européenne et indigène dans les différents
territoires dont Dschang était le Chef-lieu
40
Tableau 2: Comparaison de la population de Dschang
avec les autres localités de la
circonscription en 1927. 40
CARTES
Carte 1: Localisation du cadre spatial d'étude
11
Carte 2: Cartographie de quelques vestiges coloniaux dans
la ville de Dschang .. 114
viii
LISTE DES PHOTOS
Photo 1: Illustration d'une falsification de l'auteur
d'un bâtiment colonial 20
Photo 2 : Une date problématique 20
Photo 3: Mission centrale de Dschang construite par
les Pères Pallotins en 1906 35
Photo 4: Fort allemand de Dschang construit en 1907 (a
g.) et la résidence du Chef
de région (à d.) 48
Photo 5: La sous-préfecture actuelle (a g.), et
la résidence du préfet (à d.) 48
Photo 6: Le palais de justice construit vers 1955
51
Photo 7: Façade avant du Bâtiment
principal de la gendarmerie 53
Photo 8 : Façade arrière Bâtiment
principal de la gendarmerie 53
Photo 9 : Le quartier des fonctionnaires gendarmes
54
Photo 10: Le Commissariat central de Dschang
56
Photo 11: Une séance de jugement dans l'ancien
palais de justice aujourd'hui
Commissariat central 56
Photo 12: La piste d'atterrissage de l'Aviation de
Dschang 58
Photo 13: La tour de contrôle 58
Photo 14: La résidence du Chef de l'Aviation
59
Photo 15: Le quartier des fonctionnaires de l'Aviation
de Dschang 59
Photo 16: La prison de Dschang vue de face a g. et vue
de dessus a d. 61
Photo 17: La résidence du Chef de la station
météo 64
Photo 18 : Un des éléments qui se trouve
dans la station météo 64
Photo 19: Barrage de retenue d'eau situé
derrière la prison de Dschang 66
Photo 20: Régie de production
d'électricité 68
Photo 21: L'entrée du marché "A" de
Dschang 70
Photo 22: l'Usine de traitement du quinquina
74
Photo 23: L'intérieur de l'usine de quinquina
victime du vandalisme 78
Photo 24: Usine à café de la SEMCA
81
Photo 25: Une vue actuelle de l'Alliance
franco-camerounaise 84
Photo 26 : Une vue de la Médiathèque et
de la salle Manu Dibango 85
ix
Photo 27: Une vue partielle (à g.) et
aérienne (à d.) du Centre Climatique de
Dschang 88
Photo 28: Une vue de la tribune du stade municipal
91
Photo 29: L'entrée du CEPS aujourd'hui CENAJES
92
Photo 30: Accueil de l'hôpital de Dschang : la
structure a été réhabilitée vers les
années 1930 (a g.) et maintenant (a d.)
95
Photo 31: Bâtiment de l'hôpital de Dschang
inauguré par Ahmadou Ahidjo en 1957
96
Photo 32: Physionomie actuelle du bâtiment
inauguré par Ahmadou Ahidjo 97
Photo 33: Camp des fonctionnaires New Town dès
sa construction (a g.) et son état
actuel (a d.) 100
Photo 34: Un des bâtiments du Centre de
pré-apprentissage (CPA) 103
Photo 35: La paroisse Sacré-Coeur de Dschang
104
Photo 36: Résidence des pères de la
paroisse Sacré-Coeur de Dschang 107
Photo 37: Résidence des Soeurs en terre cuite
108
Photo 38: L'école primaire st Michel de la
Paroisse Sacré-Coeur 110
Photo 39: Cimetière allemand de la mission
Sacré-Coeur de Dschang 112
Photo 40: L'actuel Rectorat de l'Université de
Dschang construit sur le site de
l'ancien Camp Rouge 117
Photo 41: Cette résidence du Chef de l'Aviation
mérite d'être réhabilité 118
Photo 42: Panneau signalant l'avenue Marcel Lagarde
128
x
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
AFCD : Alliance Franco-Camerounaise de
Dschang
ANY : Archives Nationales de
Yaoundé
AOF : Afrique Occidentale Française
ARO : Archives Régionales de
l'Ouest
ATCAM : Assemblée Territoriale du
Cameroun
CENAJES : Centre National de la Jeunesse et de
Sport
COOPCOLV : Coopérative de Collecte et de
Vente
DIPES : Diplôme de Professeur de l'Enseignement
Secondaire.
DDSEP : Délégation Départementale
des Sports et de l'Education Physique
FIDES : Fonds d'Investissement pour le
Développement Economique et Social
IRAD : Institut de Recherche Agricole pour le
Développement
JO : Journal Officiel
MINTOUR : Ministère du Tourisme
MINUH : Ministère de l'Urbanisme et de
l'Habitat
OMT : Organisation Mondiale du Tourisme
ONU : Organisation des Nations Unies
ORSTOM : Organisation de la Recherche Scientifique
dans les Territoires
d'Outre Mer
S.A.P : Société Africaine de
Prévoyance
SDN : Société Des Nations
SEMCA : Secteur de Modernisation des Cultures
d'Altitude
SEQ : Station Expérimentale du
Quinquina
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la
Culture
WTO: World Tourism Organisation
xi
LISTE DES ANNEXES
1. Guide d'entretien
2. Exemplaire de Fiche technique
d'inventaire
3. Carte du Terrain attribué à la
gendarmerie nationale par arrêté n°4014 du 07 août
1953
4. Arrêté du Ministère de la France
d'outre-mer portant conseil régional de l'ordre des architectes du
Cameroun
5. Lutte de la France contre la germanophilie à
Dschang
6. Plan de construction de la sous-préfecture et
projet d'aménagement
7. L'extrait de l'organigramme du fonctionnement du
Ministère des Arts et de la Culture
8. Rapport de présentation relatif au
marché avec la société Meunier et Cie pour
l'exécution des travaux d'électrification de la ville de
Dschang.
9. Disposition schématique de l'Usine à
Café de Dschang
10. Décret n°58-167 du 24 novembre 1958
portant réorganisation du secteur de modernisation des cultures
d'altitude (SEMCA)
11. Arrêté n°1008 du 16 mars 1950
portant création et organisation d'un centre d'éducation physique
et sportive au Cameroun à Dschang
xii
RESUME
Dschang est une ville créée par les
Allemands en 1907. Ceux-ci installèrent un poste militaire et
administratif à partir de 1907. Elle est l'une des rares villes du
Cameroun ayant connues une triple colonisation. Pour des besoins administratif,
économique et socioculturel, les colons allemands et français ont
édifié un certain nombre d'infrastructures qui ont
défié le temps et sont encore visibles de nos jours. L'objectif
est de faire l'inventaire, la description et l'état des lieux de
quelques vestiges datant de la période coloniale dans la ville de
Dschang. Pour y arriver, nous avons fait usage d'une démarche en deux
étapes, d'abord la collecte des données basée sur les
enquêtes de terrain, les sources écrites et surtout
iconographiques ; ensuite le traitement et la restitution des données
pendant laquelle nous avons utilisé les méthodes
systémique, pluridisciplinaire et d'observation. Ceci nous a permis de
nous rendre compte d'une part qu'il existe plusieurs vestiges coloniaux dans la
ville de Dschang à l'instar du lieu de service et la résidence du
Chef de région, le camp des fonctionnaires, l'usine de traitement du
quinquina, la paroisse Sacré-Coeur, l'entrée du marché "A"
etc. d'autre part que ces vestiges ont des formes variées et propres
à chaque administrateur colonial et enfin qu'ils constituent, en
dépit de l'état de détérioration avancée de
certains, un support matériel incontestable de la mémoire
collective et un vecteur de développement économique à
travers le tourisme culturel qu'ils peuvent susciter.
Mots clés : Inventaire, Description, Vestiges
coloniaux, ville de Dschang, tourisme culturel,
Réhabilitation.
xiii
ABSTRACT
Dschang is a town created by the Germans in the
beginning of the twentieth century (precisely in 1907). They set up a military
and administrative post from 1907. Their stay will be of a very short time
because, as from 1914 during the First World War, they were attacked by a
French and English coalition which defeated them in 1916. This coalition
decided that France will keep the town until independence of Cameroun. In order
to occupy and exploit the territory of the town, aspiring for military and
sanitary security, and finally to justify the contribution of their
civilization, Germans and French settlers built a certain number of
infrastructures, that have challenged times and are still existing in the town,
even if some are in a state of advanced decrepitude. The place of work and
residence of the Chief of Region, the camp of civil servants, the factory of
cinchona processing, the «Sacré Coeur» parish and the entrance
of «Marché A» are some of these infrastructures. These
colonial relics, if they are conserved and rehabilitated, can be important at
two levels; undeniable sources of maintenance of collective memory and as
vectors of economic development through cultural tourism that they can
create.
Keys words: Inventories, Colonial relics, town of
Dschang, cultural tourism,
rehabilitation
1
INTRODUCTION GENERALE
A l'exception de certains pays1, l'Afrique
a encore du mal à mettre sur pied une véritable politique en
matière de technique d'inventaire, de protection et de conservation du
patrimoine culturel. 1980, proclamée année du Patrimoine en
Europe par exemple, a constituée une étape importante dans la
perception occidentale du patrimoine2. Or le patrimoine culturel
africain par excellence n'est valorisé que dans les discours officiels.
Pierre de Maret semble avoir trouvé une explication à ce
phénomène quand il écrit que :
le peu d'intérêt que les Africains
éprouvent envers leur patrimoine, compris ici au sens classique du
terme, tient en partie au moins au hiatus entre les définitions qu'en
donnent les Occidentaux et les Africains et au fait que les politiques
culturelles ont adhéré de façon non critique à la
définition des premiers. Les musées, lieux par excellence de
conservation du patrimoine en Occident, illustrent bien cette
problématique3.
Ceci est d'autant plus vrai que certains musées
qui devraient être en terre africaine (le musée royal de l'Afrique
Centrale à Tervuren (Belgique) par exemple) se trouvent en Europe
à cause des pillages. Abdou Sylla dénonce le pillage en ces
termes : « la rencontre avec l'autre (le Blanc, l'Européen,
l'Occidental) a ainsi provoqué des évolutions qui ont conduit
à des destins très singuliers pour l'art nègre ; cet art a
été détruit et brûlé (missionnaires),
interdit et saccagé (christianisme et Islam), volé et
pillé (ethnologues)4 ».
Depuis quelques décennies, il y a un engouement
à procéder à la protection du patrimoine culturel
africain. Or, cet engouement doit se fonder sur la connaissance la plus
complète de son existence, de son étendue et de son étude.
C'est dans ce sens que Pascal Prunet, Architecte en Chef des monuments
historiques dans le projet de restauration du château des ducs de
Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, écrit :
1 Nous pouvons citer ici
les pays comme l'Egypte, le Maroc, le Benin etc.
2 Pierre de Maret, «
Patrimoines africains : plaidoyer pour une approche plurielle », in
Caroline Gaultier-Kurhan (éd), Le patrimoine culturel africain,
Paris, Maisonneuve et larose, 2001, p.22.
3 Ibid p.24.
4Abdou Sylla, "Les
musées en Afrique : entre pillage et irresponsabilité" in
Africulture, réinventer les musées, L'Harmattan,
n°70, 2007, p.92.
2
« Restaurer, c'est transmettre1. Cela
passe par la conservation optimisée de ce qui a été
laissé par l'histoire, ce qui n'exclut pas une lecture critique, mais
cela implique des choix que l'on doit pouvoir expliciter 2».
L'Afrique a donc le devoir de restaurer son histoire et les vestiges
constituent une source importante d'écriture de celle-ci.
Ces éléments de la mémoire
collective ont fait, au fil du temps, l'objet de pillages et de
négligences volontaires ou non de la part du peuple et du politique.
Pour parvenir à une restitution de cette histoire, nous devons mettre de
côté les préjugés. Car, comme le remarque Sow Alpha
: « il importe [...] de mettre l'accent sur l'immense travail de recherche
et de collecte que requiert le recensement sans préjugé et sans
discrimination du patrimoine culturel tout entier3 ». Beaucoup
a déjà été fait pour conserver et restituer les
traces des populations des Grassfields dans la période
précoloniale notamment à travers l'initiative du " Programme
Route Des Chefferies"4. L'originalité de ce programme est de
placer l'Homme au coeur de son identité culturelle dans un esprit
d'ouverture et de dialogue interculturel. Ses réalisations, à ce
jour, peuvent se décliner sommairement sur deux axes principaux à
savoir l'inventaire des oeuvres d'art dans 14
Chefferies-partenaires5 entre 2007 et 2010 et les constructions ou
aménagements des cases patrimoniales ou musées communautaires au
sein des Chefferies. Le tout couronné par l'édification du
Musée
1 La transmission passe
d'abord par la restauration puis la conservation. On ne saurait transmettre
sans restaurer.
2 Pascal Prunet, « La
restauration de l'édifice » in Château des ducs de
Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, Nantes, 2007, p
24.
3 Alpha Sow "Introduction
à la culture africaine", in Collection UNESCO, Paris, 1978,
p19.
4Le Programme Route Des
Chefferies est issu du partenariat entre la Commune de Nantes en France et
celle de Dschang au Cameroun. Elle expose les quatre grandes aires culturelles
du Cameroun à savoir les peuples de la savane, de la côte, de la
forêt et des grassfields en insistant sur le génie créateur
lié à chaque environnement.
5 Ce sont des Chefferies
ayant ratifiées, sous la présidence de sa majesté roi des
Foto, la charte de ce programme. Chacune d'entre elles
bénéficiant d'une case patrimoniale sur son territoire avec le
soutien technique du Musée des Civilisations.
3
des civilisations du Cameroun à Dschang, ouvert
au public le 20 novembre 2010, qui est l'épicentre de ce
programme1.
Parmi les aspects du patrimoine ciblés par le
"Programme Route Des Chefferies", les legs coloniaux n'en font pas partie et
c'est ce qui a attiré l'attention du jeune chercheur que nous sommes.
Nous espérons donc pouvoir produire un travail original en traitant la
thématique suivante : " Inventaire de quelques vestiges coloniaux
matériels dans la ville de Dschang (1907-1957)"
I. RAISONS DU CHOIX DU THEME
Trois importantes raisons nous ont amené
à choisir ce thème de recherche.
La première raison est liée au constat
selon lequel, Dschang2, destination touristique a, jusqu'à
présent, attiré les visiteurs surtout à cause de son
climat attrayant et surtout de la diversité des expressions culturelles
de ses populations. Cet aspect culturel ou encore le tourisme culturel et plus
spécifiquement les traces de la présence coloniale dans cette
ville ne sont pas prises en compte.
La deuxième raison est le déclic
provoqué par la contemplation des premiers résultats du long
chantier initié par le Musée des Civilisations par rapport
à l'inventaire et la conservation du patrimoine des peuples des
Grassfields. En effet, nous faisons partie de la troisième
génération des étudiants du Département d'Histoire
passée après ce projet soutenu par le Département
d'Histoire de l'Université de Dschang. La fierté avec laquelle
les participants à ce projet en parlent nous a poussé à
travailler sur une thématique en relation avec le patrimoine culturel.
Nous avons voulu orienter ce sujet vers la conservation des legs coloniaux car
ces traces font partie du patrimoine culturel national camerounais et se
doivent d'être
1 Flaubert A. Taboue
Nouaye et al, « La sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel au
Cameroun », la lettre de l'OCIM, 139/2012, P.35
2 Voir à ce propos
Bernard Momo, « Une politique des savoir-faire : exemple de Dschang
(ouest-Cameroun) », in Les villes africaines et leurs patrimoines,
Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp 159-168 ; Elvis Tangwa Sa'a Nkem,
« Chefferies traditionnelles africaines : quel rôle 125 ans
après la conférence de Berlin ? », in Cahiers du
Mapinduzi 2, Berlin, 2010, pp 73-90.
4
protégées et conservées au
même titre que la forêt équatoriale ou le parc de Waza, pour
ne citer que ces deux éléments.
« Les documents dont nous disposons permettent de
ranimer, de faire vivre notre esprit, sous nos yeux, pour ainsi dire, le
passé africain [...] il devient donc indispensable de dégeler, de
défossiliser [...] toute cette histoire africaine qui est là,
inerte, emprisonnée dans les documents 1», cette
réflexion de Cheikh Anta Diop constitue notre troisième raison
parce qu'elle nous a incité à apporter notre contribution
à l'écriture de l'Histoire du Cameroun en général
et de celle de la ville de Dschang en particulier à travers l`inventaire
des legs matériels de la colonisation dans cette ville. Nous ne voulons
pas que s'applique chez nous, le principe selon lequel la meilleure
façon de soumettre un peuple soit la destruction de sa mémoire
historique et culturelle et de ses symboles patrimoniaux2. Ce qui
nous amène a nous intéresser à l'utilité de ce
travail.
II. INTERET DE LA RECHERCHE
L'intérêt de ce travail se situe à
deux niveaux à savoir l'intérêt scientifique et
l'intérêt touristique.
Ce travail revêt un intérêt
scientifique majeur. Il est un outil didactique très important pour le
Cameroun en général et les populations de la région de
l'Ouest en particulier car il renseigne sur les traces laissées par les
différents colonisateurs dans cette partie du Cameroun ; lesquelles
traces sont chargées d'Histoire. Il est donc important, pour mieux
comprendre un fait colonial, de recourir aux infrastructures de cette
période. Les populations de la Menoua, à travers ce travail, vont
redécouvrir les legs coloniaux sous un angle nouveau. En plus, ce
travail pourrait inspirer beaucoup de chercheurs dans le processus de
réécriture de l'Histoire du Cameroun. En revanche, il devrait
permettre aux techniciens de tirer de bonnes leçons, sur le
plan
1Cheikh Anta Diop,
Nations nègres et culture, Paris, Présence Africaine, p.15,
Cité par Célestine C. Fouellefak Kana, « Approche globale de
l'historiographie africaine : Renaissance et valorisation de l'Histoire de
l'Afrique. », in Nka' lumière ; Revue interdisciplinaire de la
FISH, hors série, n°001, Dschang, Université de
Dschang, 2010, p75.
2 Felipe Pérez
Roque, « Droits de l'Homme et Diversité Culturelle : Sans
culture aucune liberté n'est possible », in
www.Afrikara.com,
Regards alternatifs sur les mondes d'hier, d'aujourd'hui et de demain
posté le 16/09/2007.
5
architectural, concernant les techniques de
constructions coloniales afin d'améliorer leur manière actuelle
de construction. Si certains de ces édifices coloniaux, après un
siècle, sont encore habitables1, cela témoigne d'un
travail impeccable et bien fait à cette époque, contrairement
à certains bâtiments qui, construits avec la technologie de
l'heure, s'écroulent après une très courte durée.
Charles Pomerol a bien compris cela quand il affirme que le constructeur
d'aujourd'hui par commodité ou indifférence, renonce le plus
souvent à l'utilisation de matériaux traditionnels alors que le
bâtisseur d'autrefois s'ingéniait, en puisant dans la nature
proche, à utiliser les éléments nécessaires
à son ouvrage qui se trouve ainsi en accord parfait avec
l'environnement2
L'intérêt touristique de cette
étude se situe au niveau de la rentabilité économique. En
effet, ce travail pourra pousser les décideurs politiques et
privés de ce pays à prendre conscience3 de la
nécessité de conserver les dernières traces coloniales et
surtout d'entrer en action non seulement dans la ville de Dschang mais aussi
dans toute la République du Cameroun. On va assister, dans un avenir
proche ou lointain, à l'augmentation du nombre de touristes qui
arriveront dans cette zone et certaines personnes vivant dans cette
région verront leurs activités s'améliorer à cause
de cette initiative. Eugene Désiré Eloundou va certainement dans
le même sens en affirmant que le vestige peut aussi être un
important facteur de développement touristique. Lorsqu'on
s'intéresse aux grandes tendances du tourisme mondial aujourd'hui, on
constate une grande évolution statistique du tourisme culturel,
celui-là même qui conduit le visiteur à la
découverte des autres cultures. 4
1 Particulièrement les
constructions allemandes dont la majorité a un siècle de vie
en
2013.
2 Charles Pomerol,
Terroirs et monuments de France, Orléans, éditions du
BRGM, 1992, p.3
3 Plusieurs lois ont
déjà été votées par l'Assemblée
Nationale sur la conservation du patrimoine. La plus récente est la loi
n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le Patrimoine Culturel au
Cameroun. Donc nous parlons surtout de la mise en application de ces lois qui
est actuellement insuffisante.
4 Eugene
Désiré Eloundou, « Vestiges historiques et
préservation de la mémoire coloniale allemande au Cameroun »
in Stefanie Michels et Albert-Pascal Temgoua (éds), La
politique de la mémoire coloniale en Allemagne et au Cameroun, Actes du
colloque à Yaoundé, Octobre 2003, LIT Verlag, Munster, 2005
p.77
6
Cet aspect patrimonial du tourisme, ajouté
à d'autres aspects, constitue autant d'atouts qui peuvent faire de la
ville de Dschang, une destination de prédilection pour les touristes.
Grégoire Djarmaila vante l'atout du tourisme pour le Cameroun en disant
: « Mieux valorisées, les activités touristiques et
cynégétiques (art et technique de la chasse) peuvent constituer
la deuxième ressource budgétaire après les impôts et
donc contribuer à l'amélioration des conditions de vie des
populations locales1».
Pour finir, si après lecture de ce travail, les
vestiges coloniaux dans notre pays en général et à Dschang
en particulier sont regardés d'un oeil neuf, s'il donne un nouveau cours
au processus de protection et de restauration de ces vestiges, s'il persuade
que le matériau de construction utilisé par les allemands dans
leurs colonies (par exemple) est plus économique et plus
résistant, alors notre démarche n'aura pas été
vaine. Mais avant cela, penchons-nous sur la conceptualisation de notre
thématique.
III. CADRE CONCEPTUEL
Pour une meilleure compréhension et une
maîtrise profonde de notre sujet, la définition des termes
clés s'impose. Ainsi, les mots à définir sont :
Inventaire, vestiges coloniaux et ville de Dschang.
Selon le Dicos Encarta 2009, Inventorier signifie
établir une liste descriptive
complète d'un ensemble de choses2.
La loi n° 2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine
culturel au Cameroun définit l'inventaire comme une opération
permanente de souveraineté qui recense, étudie et fait connaitre
les éléments de patrimoine culturel.
« Vestige » vient du mot latin
"vestigium3"qui signifie trace, reste, ruine, débris. C'est
ce qui reste d'une chose détruite. Notons que c'est l'archéologie
qui comprend et explique mieux la notion de vestiges. Pour elle, c'est toute
trace
1 Gregoire Djarmaila, «
Tourisme : pourquoi le nord se vend mal », in Cameroun tribune,
n°9020 du Mardi 22 janvier 2008, p.9.
2 Microsoft Encarta
2009
3 Dictionnaire Larousse,
Paris, Larousse, 2010, P.2085.
7
matérielle qui après datation, peut
renseigner sur les périodes les plus reculées de l'Histoire.
Eugene D. Eloundou quant-à lui estime que :
le vestige lorsqu'il existe est par excellence le
moyen à travers lequel les oeuvres entreprises par les hommes ne peuvent
jamais s'effacer avec le temps, il est par excellence la trace la plus durable
des civilisations humaines [...] le vestige joue donc un important rôle
de mémoire et permet par la même occasion la pérennisation
du souvenir douloureux ou heureux1.
Il parait contradictoire de parler de vestiges en
faisant référence à quelque chose de fonctionnel. Nous
allons adopter l'expression "vestiges coloniaux" dans notre travail pour
désigner l'ensemble des édifices coloniaux (infrastructures
fonctionnelles ou non) existants dans la ville de Dschang parce qu'au moins,
ils ont défié le temps.
« Colonie» vient du latin
"colonia2" qui veut dire Territoire occupé et
administré par une puissance étrangère et dont il
dépend sur le plan politique, économique et culturel. Notons ici
que, d'un point de vue théorique ou officiel, le Cameroun n'a jamais
été une "colonie", il a été respectivement
protectorat allemand, territoire sous mandat de la Société des
Nations et administré conjointement par la France et la Grande Bretagne
et territoire sous-tutelle de l'Organisation des Nations Unies et
administré à nouveau conjointement par les deux puissances
ci-dessus nommées3. Mais sur le terrain, la gestion du
Cameroun n'était pas différente de celle d'une colonie comme le
Gabon ou le Tchad.
Nous entendons donc par « Inventaire des vestiges
coloniaux », le recensement puis la description de toute trace, de tout
élément qui marque ou qui rappelle la présence des
administrateurs coloniaux et des colons. Comme exemple, nous pouvons citer les
stations d'expérimentation agricole de Dschang, l'église
Sacré-Coeur de Dschang, l'Hôpital de Dschang...
1 Eugene Désiré
Eloundou, « Vestiges historiques et préservation...p.
77.
2 Dictionnaire Larousse... p.
266.
3 Pour plus d'information,
lire Emmanuel Tchumtchoua, De la Jeucafra à l'Upc, l'éclosion
du nationalisme camerounais, Clé, Yaoundé, 2006 ;
Dieudonné Oyono, Colonie ou mandat international ? La politique
française au Cameroun de 1916 à 1946, Paris, L'Harmattan,
1992.
8
Quant à la notion de "ville", notons que sa
définition et ses caractéristiques ne font pas l'unanimité
entre les chercheurs et même les autorités politiques.
Economistes, sociologues, historiens, géographes, architectes,
urbanistes s'en donnent des définitions adaptées aux
débats qui alimentent leur discipline. Ces définitions sont donc
adaptées aux configurations de pensées des chercheurs, mais
également aux contextes historiques et géographiques auxquels
elles se confèrent1. Jacques Le Goff montre par exemple que,
là où il y a expression matérielle du pouvoir politique et
économique, ce n'est plus un simple village, ni un bourg rural, c'est un
lieu de décision2. Pour Catherine
Coquery-Vidrovitch,
L'idée de ville risque en permanence en
histoire d'être restrictive, c'est à dire plus eurocentrée
qu'il n'y parait [...] les historiens de la ville, voire les historiens tout
court, continuent de faire comme si l'histoire urbaine africaine
débutait avec l'intrusion européenne tardive de
l'impérialisme colonial...contrairement aux idées reçues,
l'idée de ville est ancienne et enracinée en
Afrique3.
Cependant, la colonisation a donné une nouvelle
impulsion aux villes existantes en Afrique et a transformé certains
villages en ville. Le processus de développement des villes en Afrique,
comme l'affirme Jacques Champaud, avait pour principal facteur, la
création de postes administratifs4. La ville de Dschang est
alors une pertinente illustration de ce processus de développement
urbain. De façon plus simple, nous retenons cette définition
tirée de wikipedia qui estime que la ville est un milieu physique
où se concentre une forte population humaine, et dont l'espace est
aménagé pour faciliter et concentrer ses activités :
habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture,
etc.5.
1 Anne Ouallet, « Les
villes africaines et leurs patrimoines », in Les villes africaines et
leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp.19-20.
2 Jacques Le Goff, «
Introduction », in la ville médiévale. Des carolingiens
à la renaissance, Paris, le Seuil, 1980, p.10.
3 Catherine
Coquery-vidrovitch, « De la ville en Afrique Noire », in
Annales histoire, sciences sociales, 2006/5, 61e
année, pp.1088-1089.
4 Jacques Champaud, «
Genèse et typologie des villes du Cameroun de l'Ouest », in
Cahiers de l'ORSTOM, Série sciences humaines, Vol IX, n°3,
1972, p.325.
5Anonyme, «
Définition de la ville », in
www.wikipedia.org
consulté le 14 janvier 2014
9
Le mot Dschang est une appellation allemande du mot
Atsang1 qui, en langue yemba, signifie palabre
(dispute, querelle). En effet, les Allemands arrivent dans cette zone au
moment où les Chefferies Foto et Foréké-Dschang se
disputent le territoire dont elles partageaient la frontière. Ils
s'essaient à arbitrer le conflit et profitent pour installer le poste
administratif en ce lieu de conflit ; ce qu'on avait appelé le Fort
allemand. C'est probablement là le point de départ du
périmètre urbain de la ville de Dschang qui alla en
s'agrandissant jusqu'à nos jours. Pour Feromeo Nguimebou Keumbou, le mot
"Atsang" désigne la Chefferie Foréké-Dschang avant
l'arrivée des Européens. L'administration coloniale allemande
avait tout simplement récupéré ce nom pour
désormais nommer la circonscription administrative à lui
confiée par les Chefs Foto et Foréké, sans doute à
cause des relations très amicales qu'il entretenait avec le Chef
Ndong-Mbou des Foréké-Dschang2.
Dschang est donc une ville créée par les
Allemands autour de 1907 comme Chef-lieu du Bezirk de
Dschang3. Elle jouera la même fonction pendant
l'administration française jusqu'en 1963, date du transfert du Chef-lieu
de la région Bamiléké de Dschang vers Bafoussam. M Enoch
Kwayeb, à cette époque Préfet du Département de
Bamiléké (27 Juin 1960 au 23 août 19634),
à travers cet extrait, y voit plutôt des besoins de gestion
administrative plus efficace et plus sûre:
La finalité [de la réorganisation
administrative] était de mettre fin à la sous-administration
[...] à l'ouest, le Chef-lieu avait été d'abord Dschang,
puis finalement Bafoussam tout simplement en raison de sa position centrale qui
justifie encore qu'on ait par la suite décidé le rattachement
à l'ouest de l'ancien Département du Noun, Dschang étant
de toute évidence trop excentrique de part sa
situation5.
1 Jean Marie Tchinda,
« Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise :
Dschang (1903-2007) », Université de Dschang, Mémoire de
Master en Histoire, 2008/2009, p.20.
2 Entretien avec Feromeo
Nguimebou Keumbou, le 05 juin 2014 dans son atelier à la Chefferie
Foréké-Dschang
3 Zacharie Saha, « Le
Bezirk de Dschang : relations entre l'administration
coloniale
allemande et les autorités traditionnelles
(1907-1914) », Mémoire de Maîtrise en Histoire,
Université de Yaoundé, avril 1993, p.45.
4 Mesmin Kanguelieu
Tchouake, La rébellion armée à l'Ouest-Cameroun
(1955-1971), contribution à l'étude du nationalisme
camerounais, Yaoundé, Edition Saint Siro, 2003, p.44.
5 Anonyme, « La
stricte vérité sur le transfert de la capitale régionale
de Dschang à Bafoussam », in Dschang News, journal
d'informations générales de la commune urbaine de Dschang,
n°001, Septembre 1996, p.6.
10
Nous sommes d'avis avec Jean Claude
Tchouankap1 qui voit en ce transfert une conséquence de
l'engagement assez poussé des populations de la Menoua dans le mouvement
nationaliste, engagement très dangereux aux yeux de l'administration
postcoloniale. Dès lors, ceci nous amène à
délimiter sur le plan spatial et temporel notre cadre
d'étude.
IV. CADRE SPATIO-TEMPOREL
Le cadre géographique2 de cette
étude est centré sur la ville de Dschang. Elle est située
dans la Région de l'Ouest en pays bamiléké à 231
kilomètres au Nord de Douala et à 350 kilomètres de la
capitale politique Yaoundé. Elle compte une population de 165 000
habitants pour une superficie de 5 655 hectares3. En plus, cette
ville s'étend au sud des monts Bamboutos sur le plateau
bamiléké entre 5°27 de latitude Nord et 10°03 de
longitude Est. Elle est située à cheval entre les territoires des
Chefferies traditionnelles de Foto et de Foréké
Dschang4 (voir carte 1 ci-contre).
Le cadre temporel de notre travail s'étend sur
les 50 ans de domination européenne sur la ville de Dschang qui vont de
1907 à 1957. L'année 19075 marque la création
effective de la ville de Dschang et précisément l'inauguration du
Bezirk de Dschang, une circonscription administrative et militaire
allemande placée sous la haute autorité d'Emil
Rausch.
Quant à l'année 1957,
précisément le 28 novembre, elle marque l'inauguration, par M.
Ahmadou Ahidjo, alors vice Premier-ministre du Cameroun français, du
bâtiment à étage situé derrière celui de
l'accueil de l'hôpital de Dschang.
1 Entretien avec Jean Claude
Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
2 Pour approfondir les
études sur la géographie de la ville de Dschang et des hautes
terres de l'ouest en général, lire Michel Kamdem Simeu, « La
ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de maitrise
en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981, 165p et
Martin Kueté, « Le milieu physique des hautes de l'ouest-Cameroun
», in Espace, pouvoir et conflits dans les hautes terres de l'ouest
Cameroun, Yaoundé, PUY, Janvier 2000, pp.2-22.
3 Bernard Momo « Une
politique des savoirs faire : exemple de Dschang (Ouest-Cameroun)», in
Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre
2011, p.159.
4 Lemegne, « La
Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 »,
Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé
I, 2002-2003, p.23.
5 Zacharie Saha, « Le
Bezirk de Dschang : relations... p 4.
11
Carte 1: Localisation du cadre spatial
d'étude
Source : Roméo Keumo, Laboratoire
géomatique de l'Université de Dschang, Juin 2014
12
Cette inauguration est la preuve du transfert de
certaines compétences aux cadres africains par les autorités
coloniales, signe d'une étape importante dans le processus de
décolonisation du Cameroun. Cette date marque aussi la fin des dix ans
de financement des projets par la France par le FIDES dans ses colonies. C'est
pendant ces dix années que la France a effectivement et
intensément impulsé le développement économique et
social dans presque tous les secteurs d'activités.
V. REVUE DE LA LITTERATURE
Pour mieux comprendre notre thématique, nous
avons lu un certain nombre d'ouvrages qui, du moins, l'ont abordée en
partie sinon l'ont traité totalement mais dans un champ
géographique différent. Ceci s'est fait dans les
différents travaux scientifiques (ouvrages, articles, mémoires,
thèse). Cette revue n'est pas la recension de l'ensemble de la
production sur le sujet, mais elle se veut représentative de
l'état de la question. Celle-ci va nous permettre de donner la
particularité de chaque travail par rapport à notre sujet. Ainsi,
nous avons :
Jean Claude Barbier1 dans un article
intitulé « Peuplement de la partie méridionale du plateau
bamiléké » démontre qu'il s'est fait tardivement et
que le choix de cette zone était probablement dû à la
saturation de l'espace. Cet article nous aide à comprendre le processus
de fondation des Chefferies et surtout le rôle de la présence
allemande dans le processus de stabilisation des Chefferies donc la
conséquence immédiate a été l'installation du
Bezirk allemand.
Philippe Lemarchand (éd), dans l'ouvrage
intitulé l'Afrique et l'Europe, Atlas du XXe
siècle2 retrace avec efficacité les relations
difficiles entre l'Europe et l'Afrique depuis les origines jusqu'au
XXe siècle. L'intérêt de cet ouvrage se trouve
dans la façon dont les Européens sont entrés en contact
avec l'Afrique.
Albert François Dikoume et Zacharie Saha dans
un chapitre d'ouvrage intitulé « Les résistances des
populations des hautes terres de l'Ouest à la
pénétration
1 Jean Claude Barbier,
« Le peuplement de la partie méridionale du plateau
bamiléké », in Claude Tardits (éd), Contribution
de la recherche ethnologique à l'histoire des civilisations du Cameroun,
n° 551, Volume II, Paris, Septembre 1973, pp 24-28.
2 Philippe Lemarchand,
1994, (éds), L'Afrique et l'Europe, Atlas du XXe
siècle, Bruxelles, Editions Complexes, 251p.
13
allemande 1» analysent avec pertinence
comment s'est fait le contact entre les peuples des hautes terres et les
Allemands. Ils arrivent à la conclusion selon laquelle il y eu deux
types de résistance à savoir pacifique et violente.
Dans le même ordre d'idées, Martin
Kueté2 apporte assez d'éclairage sur la transformation
de la perception de la terre avec l'arrivée des colons et son impact sur
la contestation des frontières entre les Chefferies. Ces deux articles
nous permettent de mieux percevoir les débuts de la colonisation
européenne au Cameroun en général et dans les Chefferies
des Grassfields en particulier, débuts qui n'ont pas été
faciles pour les deux camps même si l'un a fini par prendre le dessus sur
l'autre.
Albert-Pascal Temgoua dans son mémoire de
Maitrise3 intitulé "Le pouvoir colonial français et la
Chefferie traditionnelle de Foréké-Dschang (1920-1960)", analyse
les relations qu'il y avait entre l'administration coloniale et
l'administration traditionnelle de Foréké-Dschang. Dans le
même sens, Monique Tsana Gougni4 examine cette même
thématique mais plutôt dans la Chefferie Foto.
Zacharie Saha5 continue le raisonnement en
insistant sur les relations entre le Bezirk de Dschang et les Chefs
traditionnels de cette circonscription allemande.
Nous remarquons que le point commun de ces trois
mémoires est la relation que le pouvoir colonial entretenait avec les
Chefs traditionnels. Ces auteurs arrivent à la conclusion selon laquelle
les autorités traditionnelles étaient devenues des
1 Albert François
Dikoume et Zacharie Saha, « Les résistances des populations des
hautes terres de l'Ouest à la pénétration allemande
», in Albert-François Dikoume et Martin Kuete (éds),
Espaces, Pouvoirs et conflits dans les hautes terres de l'Ouest,
Yaoundé, Presses Universitaires de Yaoundé, Janvier 2000, PP
57-91.
2 Martin Kuete, «
Espace, Pouvoirs et conflits dans les hautes terres de l'Ouest-Cameroun sous
les différentes colonisations », in Albert-François Dikoume
et Martin Kuete (éds), Espaces, Pouvoirs et conflits dans les hautes
terres de l'Ouest, Yaoundé, Presses Universitaires de
Yaoundé, Janvier 2000, PP 93-149.
3 Albert Pascal Temgoua,
« Le pouvoir colonial français et la Chefferie traditionnelle de
Foréké-Dschang (1920-1960) », Mémoire de Maitrise en
Histoire, Université de Yaoundé, septembre 1984, 94p.
4 Monique Tsana Gougni,
« Autorités traditionnelles et pouvoir colonial en pays
bamiléké : l'exemple de Foto dans la Menoua (1903-1960) »,
Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé,
1987-1988, 104 p.
5 Zacharie Saha, « Le
Bezirk de Dschang : relations entre l'administration coloniale
allemande et les autorités traditionnelles (1907-1914) »,
Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé,
avril 1993, 123p.
14
subalternes, des auxiliaires de l'administration
coloniale et permettaient donc à cette dernière de mieux asseoir
son pouvoir en étouffant toute velléité de
liberté.
« Grandeur, Décadence et Renaissance d'une
ville camerounaise : Dschang 1903-2007 1» est le mémoire
de Master de Tchinda Jean Marie. Celui-ci met l'accent sur les grands moments
qui ont ponctué la vie politique et socioculturelle de Dschang depuis sa
création par les Allemands en 1907 jusqu'en 2007. Les informations sur
la période coloniale dans cette ville sont très
intéressantes et nous ont d'ailleurs inspiré à approfondir
les recherches dans ce sens.
Jean Baptiste Ketchateng2 fait une analyse
profonde sur l'action qualifiée de génocidaire de la France
à l'Ouest-Cameroun contre les nationalistes. Cet auteur revient sur la
question de l'utilisation du napalm à l'Ouest et de la controverse
autour du nombre de morts dans cette zone. A travers cet article, nous pouvons
comprendre davantage le caractère inique de l'administration coloniale
française au Cameroun en rapport avec les chantiers
coloniaux.
Jean Claude Barbier3, dans son article
publié à l'ORSTOM en 1976, démontre comment et pour
quelles raisons s'est fait le processus d'émigration des
bamiléké vers la partie méridionale. Cet article nous met
dans la trajectoire des mobilités des populations sous la colonisation
française en pays Bamiléké.
Jean-Emmanuel Pondi4 dans (Ré)
découvrir Yaoundé utilise une approche permettant d'avoir
pour une meilleure connaissance de la ville tant par les natifs que par les
étrangers puisqu'il revient sur les lieux touristiques et historiques en
expliquant par exemple l'origine de certains noms de quartier et en montrant
l'actuel
1 Jean Marie Tchinda
« Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise :
Dschang 1903-2007 », Mémoire de Master en Histoire,
Université de Dschang, 2008/2009, 149p.
2Jean Baptiste Ketchateng,
« Ouest, 1951-1958 : quand le sang coulait sur les collines », in
les Cahiers de Mutations, Massacres non élucidés, Vol
054, Novembre 2008, p 6.
3Jean-Claude Barbier,
« Les sociétés bamiléké de l'Ouest du Cameroun
: étude régionale à partir d'un cas particulier »,
in Communes rurales et paysanneries tropicales, Paris, ORSTOM, 1976,
pp 103-122.
4Jean-Emmanuel Pondi,
(Ré) découvrir Yaoundé, une fresque historique et
diplomatique de la capitale camerounaise, Yaoundé, Afric'Eveil,
2012, 160p.
15
emplacement des lieux historiques comme l'Ecole
primaire supérieure de Yaoundé. Cette démarche nous a
inspiré au sujet des sites de la ville de Dschang.
Célestine Fouellefak Kana dans un article
intitulé « sites patrimoniaux des peuples
Foréké-Dschang et Foto : identification de quelques
témoins matériels de l'histoire 1»
démontre pertinemment l'importance des sites naturels et culturels comme
Azuenla, Nzenmeh, ndem lêpêh, dans la reconstruction de l'histoire
de ces deux Chefferies.
L'ouvrage collectif, Architecture allemande au
Cameroun 1884-19142, fruit d'une recherche entre Allemands et
Camerounais sur les édifices de l'époque allemande au Cameroun,
présente avec les images à l'appui, les plus importants
édifices de la période allemande tout en insistant sur la main
d'oeuvre et les techniques utilisées pour ces constructions. Cet ouvrage
nous a permis d'avoir une vue assez globale et technique sur les
infrastructures allemandes au Cameroun.
Dietrich Köster3 retrace les faits
majeurs des colonisations allemande, française et britannique tout en
insistant sur le commerce, la religion et les langues. Cet article nous permet
d'avoir une idée, bien que superficiellement, sur les différentes
réalisations des colonisateurs au Cameroun.
Comme nous pouvons le constater, il existe une
multitude de travaux portant sur la ville de Dschang et sur les Grassfields en
général et plus encore sous les différentes colonisations,
mais ces travaux n'ont pas insisté sur l'aspect des réalisations
matérielles de la présence coloniale dans cette zone. Notre
travail s'articulera donc autour des traces, de tout ce qui rappelle les
présences coloniales allemande et française dans la ville de
Dschang.
1 Célestine
Fouellefack Kana, « Sites patrimoniaux des peuples
Foréké-Dschang et Foto : identification de quelques
témoins matériels de l'histoire», in Nkà,
Revue
interdisciplinaire de la FISH, Université
de Dschang, n°double 9/10, 2011, pp.155-173.
2 Wolfgang Lauber,
Architecture allemande au Cameroun 1884-1914, Stuttgart, édition
Karl Krämer, 1988, 154p.
3Dietrich Köster,
« Le Cameroun pendant la colonisation allemande et les administrations de
tutelle française et britannique (1884-1961), in
www.colonialvoyage.com,
consulté le 15 juillet 2013 à 16h
La plupart des vestiges coloniaux qui existent encore
dans la ville de Dschang restent toujours fonctionnels.
16
VI. PROBLEMATIQUE
Le thème de notre recherche: « Inventaire
de quelques Vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang
(1907-1957) » suscite de toute évidence un certain nombre de
questions. La problématique qu'il interpelle est un ensemble de
questionnements que nous nous posons et qui vont guider ce travail.
Dès lors, la question centrale de ce sujet est
celle de savoir quels sont les vestiges matériels de la colonisation
allemande et française dans la ville de Dschang et à quel
état ils se trouvent.
De cette question centrale découle plusieurs
questions subsidiaires à savoir Dans quel contexte ou encore quelles
sont les raisons qui ont poussé les administrateurs coloniaux ou les
colons à procéder à l'édification de tous ces
éléments marquant leur présence et qui, aujourd'hui, sont
devenus des legs ? Quels sont les vestiges ou les traces des présences
allemande et française dans la ville de Dschang ? Ces vestiges sont-ils
encore fonctionnels ou en détérioration ? Quelles sont les
raisons ayant provoquées leur détérioration?
VII. HYPOTHESES DE RECHERCHE
L'hypothèse générale qui se
dégage de notre problématique est la suivante : les occidentaux
ont laissé, pendant leur règne, de nombreuses traces dans la
ville de Dschang qui sont constituées de la prison de Dschang, de
l'usine de traitement du quinquina, du centre climatique etc.
De cette hypothèse centrale, nous avons
plusieurs hypothèses secondaires à savoir :
Les indices de présence coloniale
étaient construits par les colons pour besoin de sécurité,
de domination, de divertissement et d'évangélisation.
Il est possible de trouver plusieurs traces de la
présence coloniale allemande et française dans la ville de
Dschang.
1Théodore
Nicoué Gahibor, Sources orales et histoire africaine, Approches
méthodologiques, Paris, L'Harmattan, 2011, P.28.
17
Une partie des vestiges coloniaux est en
détérioration à cause d'un manque d'entretien.
VIII. METHODOLOGI E
Dans l'ambition de mener à bien cette
réflexion et rendre notre travail original. Nous avons exploité
une multitude de sources. Ainsi, nous nous sommes inspiré des sources
orales, iconographiques, écrites et d'internet.
Pour recueillir les sources orales, nous avons
commencé par l'élaboration d'un guide d'entretien, comportant une
quinzaine de questions, pour orienter notre collecte d'informations ; ensuite
nous avons fait plusieurs descentes sur le terrain pour recueillir les
informations. Le dictaphone a été impératif dans la mesure
où nous ne nous sommes pas fié au premier venu; Plus d'importance
a été accordée au témoignage oculaire car « il
possède une grande valeur, parce qu'il s'agit d'une donnée
primaire, "immédiate", vécue, non transmise. C'est une source
pour laquelle les aléas de déformation du contenu sont minimes.
1». Nous avons utilisé la méthode
d'échantillonnage par choix raisonné qui consiste à tenir
compte des critères comme l'âge, la profession, le rang social, le
sexe pour avoir l'information. Enfin nous avons procédé à
la transcription de ces données du terrain en les mettant sous la forme
utilisable lors de la rédaction de notre travail.
Pour compléter les données recueillies
de ces entretiens, nous avons exploité les sources iconographiques et
audiovisuelles. Puisque nous parlons des traces de la période coloniale
dans la ville de Dschang, l'accès aux données iconographiques
à l'aide d'un appareil photo numérique, a été d'une
grande utilité lors de nos descentes sur le terrain. Cela nous a permis
de restituer cette présence coloniale en l'appuyant d'exemples
palpables. Aussi certains informateurs sont allés plus loin en nous
fournissant les images prises pendant la période coloniale, ce qui nous
a permis de faire des études comparatives entre les anciennes images et
celles prises par nous-mêmes sur le terrain afin de mieux
apprécier les ajouts ou restrictions faits au fil du
18
temps. Comme le reconnait si bien Jacques Souliliou,
dans la 4e de couverture de son ouvrage : « l'image, on ne le
dira jamais assez, constitue aujourd'hui un enjeu considérable en
Afrique subsaharienne où souvent les témoignages architecturaux
concrets du passé ont été détruits ou sont
voués à une disparition prochaine1.»
Pour ce qui est des sources écrites, nous avons
été dans de nombreux Centres de Documentation parmi lesquels :
les Bibliothèques Centrales des Universités de Dschang et de
Yaoundé 1, les Bibliothèques de la Faculté des Arts,
Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Yaoundé 1 et de
la Faculté de Lettres et Sciences Humaines de l'Université de
Dschang, la Bibliothèque de l'Alliance Franco-Camerounaise de Dschang,
sans oublier celles de l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé et
du Département d'Histoire de l'Université de Dschang, les
Archives de la Sous-préfecture, de la Préfecture de Dschang, de
l'IRAD, les Archives Régionales de l'Ouest, les Archives Nationales de
Yaoundé, sans oublier les Archives et les Bibliothèques des
particuliers2. Dans ces centres de documentation, nous nous sommes
intéressés aux mémoires, aux thèses, aux ouvrages,
aux revues scientifiques, aux actes de colloques. Bref, à tout ce qui,
écrit, pouvait nous renseigner sur les vestiges coloniaux au Cameroun en
général et dans la ville de Dschang en particulier.
Pour l'analyse de ces données écrites,
nous avons adopté une approche analytico-systémique,
pluridisciplinaire, dialectique et d'observation.
La démarche systémique est un cadre
méthodologique qui permet d'analyser les choses non pas
isolément, mais globalement, en tant que partie intégrante d'un
ensemble dont les différentes composantes sont dans une relation de
dépendance et d'influence réciproque.
La pluridisciplinarité3 nous a
conduit à impliquer dans notre démarche des concepts et des
approches d'analyse venant des sciences connexes comme la
1 Jacques Souliliou,
Douala, Un siècle en images, Paris, L'Harmattan,
1989.
2 Nous pensons ici à
la riche bibliothèque du Pr. Albert-Pascal Temgoua, du Dr
Célestine Fouellefak Kana et de Papa Réne
Poundé.
3Lire à ce propos E.
Morin, « L'interdisciplinarité », in
http://perso.club-internet.fr/nicol/ciret/bulletin/b2c2.htm.,
consulté le 23 juin 2013 à 13h
19
sociologie, la géographie, le droit et la
science politique. Les travaux des Sociologues par exemple nous ont
aidés dans le cadre de l'étude des comportements ou des habitudes
des populations qui rappellent la période coloniale. La
géographie liée à la science politique nous a aidés
dans la compréhension des stratégies coloniales de domination de
l'espace (concernant le lieu propice de construction des infrastructures) en
vue d'une meilleure défense des intérêts de la
métropole.
La critique, fondement même de la discipline
historique, nous a permis de nous approcher le plus possible de la
vérité historique comme le souligne Paul Harsin « une chose
est considérée comme historiquement vraie lorsqu'elle a subi avec
succès l'épreuve de la critique historique»1.
Ainsi, le but visé par la critique historique est celui de la recherche
de la vérité historique et, un fait, un témoignage, un
texte n'est vrai qu'après un exercice de critique objective ; car c'est
lui qui en mesure le degré d'objectivité.
Toutes ces différentes méthodes
d'analyse nous ont permis d'être proche de la vérité. Il
est arrivé des moments de confusion où deux témoins
donnaient des informations convaincantes et contradictoires sur l'auteur d'un
édifice colonial. L'un, se basant sur le matériau (terre cuite)
et la solidité du bâtiment et l'autre sur la date inscrite sur
celui-ci. C'est sur le terrain après observation attentive et analyse du
bâtiment que nous avons pu détecter la tricherie française
d'appropriation de l'héritage matériel allemand. En fait, les
Français une fois à Dschang, voulaient détruire tout ce
qui était allemand, mais se rendirent rapidement compte de la
très grande importance des bâtiments allemands dans leur
administration. Ils optèrent donc pour l'inscription sur ces
édifices des dates correspondant à leur période de
règne.
1 Paul Harsin, Comment
on écrit l'histoire, Liège, Georges Thone, 1954,
p3.
20
Photo 1: Illustration d'une falsification de l'auteur
d'un bâtiment colonial
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Photo 2 : Une date problématique
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Le bâtiment en haut (Photo 1), qui abrite les
Archives Départementales, est fait en briques de terre cuite
(matériau de construction allemande) et la date 1926 (présence
française à Dschang) de la photo 2, prélevée sur le
point noir en bas de la plaque sur le bâtiment, témoigne de
l'action des Français contre la germanophilie.
Nous nous sommes également appropriés et
adaptés à notre champs d'action un des outils utilisés par
les Conservateurs, il s'agit de la fiche technique d'inventaire (voir Annexe
n°2) que nous avons utilisé pour inventorier, décrire et
faire l'état de chaque infrastructure.
Le meilleur traitement des données recueillies,
à travers l'analyse et l'exploitation méthodiques, nous a permis
de rédiger le présent travail en suivant la méthodologie
de rédaction des thèses et mémoires enseignée au
Département d'Histoire. Toutefois, ce travail n'a pas été
fait sans difficultés.
21
IX. LES DIFFICULTES RENCONTREES
Le premier obstacle à ce travail a
été la réticence de certains de nos informateurs à
nous fournir des données importantes pour la réalisation de ce
travail.
Ensuite, lors des enquêtes de terrain, les
conditions climatiques et le mauvais état des routes nous ont rendu la
tâche difficile. Ils étaient la cause sinon de nos rendez-vous
manqués, du moins des retards notoires avec nos
informateurs.
Enfin, le mauvais état des archives (non
classées) que nous avons consultées dans la ville de Dschang,
nous a beaucoup retardé car les informations importantes se
repéraient très péniblement. C'est en surmontant toutes
ces difficultés, qui n'étaient pas de nature à mettre en
péril notre travail, que nous avons pu le conduire à son terme et
les résultats obtenus sont organisés en quatre
chapitres.
X. PLAN DE L'ETUDE
Le premier chapitre traite de l'aperçu
historique de la ville de Dschang et constructions des infrastructures
coloniales.
Le deuxième chapitre porte sur l'inventaire de
quelques vestiges coloniaux à usage politico-administratif et
économique dans la ville de Dschang,
Le troisième chapitre quant à lui
s'intéresse à l'inventaire de quelques vestiges coloniaux
à usage religieux, social et culturel dans la ville de
Dschang
Et l'ultime chapitre, pour finir, analyse
l'état des vestiges coloniaux à Dschang et soutient l'urgence
d'une valorisation de ceux-ci.
1Immanuel Wallerstein,
L'universalisme européen, de la colonisation au droit
d'ingérence, Paris, Demopolis, 2006, pp.9-10.
22
PREMIER CHAPITRE:
APERCU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG ET
CONSTRUCTION DES INFRASTRUCTURES COLONIALES
Introduction
La révolution industrielle en Europe au
XIXe siècle est à l'origine de profondes mutations.
Elle a entrainé la mobilité des personnes et des biens. C'est un
tournant décisif de l'impérialisme européen dans le monde.
En Afrique comme partout ailleurs, l'impérialisme a dévié
la trajectoire prise par certains peuples et certaines régions. En
d'autres termes, les Occidentaux ont imposé leur vision du monde au
reste du monde en général et aux africains en particulier, sans
tenir compte de celle de ces derniers. Force est de reconnaitre avec Immanuel
Wallerstein que l'argument le plus fréquent est que cette expansion
aurait été porteuse de quelque chose que l'on désigne,
selon les cas, par les vocables de « civilisation », «
croissance économique », « développement » et /ou
« progrès ». Tous ces mots ont été
érigés en valeurs universelles, interprétés comme
étant enracinés dans ce que l'on appelle souvent le droit
naturel. En conséquence de quoi, il a non seulement été
décrété que cette expansion était
bénéfique pour l'humanité dans son ensemble, mais
historiquement inévitable [...] bien entendu, la réalité
sociale des événements fut bien moins glorieuse que dans le
portrait flatteur que dressent à notre usage ces justifications
intellectuelles1.
Cette affirmation nous édifie clairement sur la
théorisation de l'expansion européenne dans le monde et le
caractère pratique de celle-ci. Il ressort qu'entre les deux faits, il y
a un fossé assez profond. La ville de Dschang (ouest- Cameroun) n'a pas
échappé à ce phénomène
civilisationnel.
Dès lors, ce chapitre vise à
répondre à la question suivante : quel est le contexte de la
construction des infrastructures coloniales dans la ville de Dschang
?
23
Pour y parvenir, nous allons d'abord présenter
un aperçu historique de la ville de Dschang, ensuite nous analyserons
les facteurs favorables à la construction des infrastructures coloniales
et nous finirons par étudier les matériaux et les ressources
humaines nécessaires à ces constructions.
I- APERÇU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG
L'objectif ici est de faire savoir comment la ville de
Dschang est née et surtout montrer les différentes colonisations
qu'elle a connues à savoir allemande, anglaise et française. La
colonisation anglaise n'a été que de très courte
durée.
1. Période allemande et la naissance du Bezirk de
Dschang (1904- 06 novembre 1915)
Les Allemands sont juridiquement maîtres du
Kamerun à la suite du traité germano-douala signé le 14
juillet 1884. Pour deux raisons, ils y mirent une vingtaine d'années
pour pacifier le territoire. D'une part, la politique allemande au temps de
Bismarck (1871-1890) était hostile à tout financement
coûteux de la colonisation1. D'autre part, ces colons
étaient obligés de vaincre de vives résistances africaines
sur leur passage. Pendant cette campagne militaire de pacification, les postes
militaires étaient implantés au fur et à mesure que les
indigènes étaient vaincus. Selon Zacharie Saha, le premier
contact entre les Allemands et les Chefferies Foto et
Foréké-Dschang (la ville de Dschang nait territorialement
à la frontière que partagent ces deux Chefferies) remonte
à 1904-1905 avec les explorations militaires2. C'est à
partir de 1907 qu'un ministère autonome des colonies est crée
à Berlin et progressivement certaines stations militaires se
métamorphosent en stations administratives et militaires. La station
administrative de Dschang est créée en mars 19073,
remplaçant ainsi celle de Fontemdorf qui était Chef lieu
régional.
1 Zacharie Saha, « Le
Bezirk de Dschang ... p. 23.
2 Ibid. p. 37
3 Certains auteurs pensent
que le Bezirk de Dschang a été crée en 1903
à l'instar de Michel Simeu Kamdem. « La ville de Dschang, Etude
géographique », Mémoire de maitrise en Géographie,
Université de Yaoundé, Mai 1981, p.14. et Jean Marie Tchinda,
« Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise :
Dschang (1903-2007) », Université de
24
La délimitation géographique du
Bezirk de Dschang n'était pas aisée. Zacharie Saha,
tentant de le décrire, écrit ceci :
Il est difficile de localiser ou délimiter
formellement le Bezirk de Dschang. Ses frontières
étaient imprécises et instables que mêmes ses
administrateurs allemands seraient bien incapables de le faire.
Néanmoins, il était à peu près au Centre -Nord du
Cameroun aux confins des actuelles provinces de l'Ouest, du sud-ouest et du
Littoral. Les régions ci-après en ont fait partie, au moins
momentanément1.
Cette description nous permet de comprendre cette
difficile délimitation qui, à notre avis, pourrait se justifier
par le fait que les Allemands n'ont pas eu assez de temps pour délimiter
le territoire, peut être aussi à cause de faibles moyens
technologiques de cette époque. Après cette présentation,
ce qui nous intéresse est Dschang comme Chef lieu du Bezirk et
siège des institutions de la circonscription. Il faut rappeler
qu'à la tête de cette unité territoriale, il y avait le
Chef du Bezirk, le lieutenant Emil Rausch, qui était la plus
haute autorité civile, militaire, judiciaire et
administrative2.
Le premier rôle du poste de Dschang était
administratif, il le jouait aussi bien sur le plan local (Chef-lieu de la
station) qu'à l'échelle régionale (Chef-lieu du
Bezirk)3. Comme nous l'avons dit à l'introduction,
le mot Dschang viendrait de l'appellation allemande du mot ATSANG qui,
en langue yemba, signifie palabre (dispute). L'effectivité de
l'offre du roi des Foréké-Dschang, Ndong-Mbou4 à son
hôte allemand se matérialisa par un pacte de non agression
réciproque signé en respect des traditions africaines à
travers un rituel. C'est là le point de départ du
périmètre urbain de la ville de Dschang qui va aller en
s'agrandissant jusqu'à nos jours. L'aventure allemande à Dschang
s'estompa brusquement pendant la première guerre mondiale (1914-1916) et
ce fut le tour des Anglais.
Dschang, Mémoire de Master en Histoire,
2008/2009, p.20. A notre avis, le Bezirk de Dschang aurait
été créé en 1906, il fallait prendre des
dispositions pour son fonctionnement. La construction des infrastructures par
exemple l'amena à être fonctionnel à partir de
1907.
1 Zacharie Saha « Le
Bezirk de Dschang ... p.3.
2 Ibid. p.50.
3 Lemegne, « La
Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 »,
Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé
I, 2002-2003, p.12.
4 Le Chef Ndong-Mbou avait
accueilli l'Allemand avec beaucoup de sympathie
25
2. De la coalition franco-britannique à
l'intermède anglais : une courte période sans grands changements
(06 novembre 1915-1920)
Au cours de la Première Guerre Mondiale, une
coalition franco-anglo-belge attaqua les Allemands au Cameroun. L'annexion
allemande du Kamerun a été une pilule très difficile
à avaler par cette coalition et elle a donc mis tout en jeu pour
reprendre ce territoire qui aurait dû leur appartenir. La coalition
franco-anglaise attaque les troupes allemandes dans la ville de Dschang en 1914
et les met en déroute. Repliés sur Foumban, les Allemands,
formés d'environ 500 hommes1, reprirent le dessus sur la
coalition par un assaut. Malheureusement cette situation sera de courte
durée car le 12 octobre 1915, les troupes anglaises conduites par le
lieutenant colonel Cotton refont surface et battent les Allemands. Dschang est
conquis le 06 novembre 19152.
Pendant le condominium franco-britannique sur le
Cameroun, situation qui ira de septembre 1915 au 04 mars 1916, ce sont les
Anglais qui administrent la ville de Dschang pour avoir été les
seuls à avoir vaincu l'ennemi3. Et même, après
le partage du Cameroun, Dschang est incorporé, avec le Cameroun
britannique, à la colonie du Nigeria jusqu'en 1920, c'est ce que Ngoh V.
J. appelle "colonie dans la colonie4".
Comme le fait remarquer Nguedia Berlise, les
Britanniques n'ont pas investi pendant leur règne à Dschang. A
notre avis, ceci se justifie au moins par deux raisons : premièrement le
matériel militaire servant à la guerre coûtant
énormément cher, les avait tous ruinés.
Deuxièmement, ils étaient dans une période de doute, ne
sachant pas si lors de la conférence de Paris de novembre 1918 à
juin 1919, leur entente avec les Français devait toujours
prévaloir. Le temps leur a donné
1 Cletus Mbeseha Abofu,
« The bangwa resistance against the germans 1900-1915 »,
Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé,
1987, p.91.
2J.A. Guimzang, «
Foréké-Dschang (Impact des interventions allemandes et
britanniques sur les institutions traditionnelles 1900-1920 »,
Mémoire de DES en Histoire, 1978, p.55
3 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
4 Victor Julius Ngoh,
History of Cameroon since 1800, Limbe, Presbook Limbe, 1996,
p.170.
26
effectivement raison, parce qu'au terme du
traité de Versailles qui mit officiellement fin à la guerre, la
ville de Dschang bascula dans le giron français. Ceci se confirma le 10
juillet 1919 avec les accords Milner-Simon1 qui
cédèrent les territoires de Dschang et de Kumba à la
France. Les Anglais durent donc quitter définitivement Dschang en 1920
pour céder place à l'administration française.
3. Dschang : Chef-lieu de la Circonscription de Dschang
sous l'administration française (1920-1960)
Le statut du Cameroun changea lors du Traité de
Versailles ; il passa de protectorat allemand à territoire sous-mandat
de la SDN et confié aux puissances mandataires qu'étaient la
France et la Grande Bretagne. L'importance de ce nouveau statut juridique pour
la ville de Dschang, sur le plan administratif, était très
visible aux yeux des Français, car ces derniers ne tardèrent pas
à lui donner la place qu'elle occupait pendant la période
allemande. Ainsi, le Chef lieu de la circonscription fut
transféré de Bana à Baré en juin 1920, puis
à Dschang en septembre 1920, avec pour Chef lieu Dschang. Cette
circonscription fut organisée à partir de Baré en
subdivisions, de Dschang, Foumban, Bana et Baré2.
Comme nous pouvons le constater, les Français
ont changé à deux reprises le Chef-lieu de la circonscription
pour enfin se mettre toujours sur le chemin tracé par les Allemands. La
ville de Dschang restera Chef-lieu de la circonscription de Dschang jusqu'en
19343, date à laquelle les circonscriptions sont
remplacées par les régions4. C'est aussi à ce
moment que la circonscription de
1 Berlise Nguedia Dongmo,
« Les investissements agricoles dans la subdivision de Dschang 1909-1957
», Mémoire de Master en Histoire, Université de Dschang,
2012-13, p.43.
2 Jean Marie Tchinda,
« Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise :
Dschang (1903-2007) », Université de Dschang, Mémoire de
Master en Histoire, 2008/2009, p. 37.
3 1935 pour Pauline
Tchipezi, « Le fait colonial et l'économie dans la
société Bamboutos (ouest-Cameroun) : changements et permanences
de 1916 à 1970 "cas du village Babadjou"
», Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université
de Yaoundé, septembre 1990, p.48.
4 Jean Marie Tchinda, «
Grandeur, Décadence ... p.38.
27
Dschang est restructurée pour donner deux
régions à savoir la région bamiléké avec
Dschang comme capitale et la région du Noun avec pour capitale
Foumban.
Les Français ne vont pas beaucoup investir sur
le plan infrastructurel pour deux raisons principales. D'une part,
l'équipement militaire de la Première Guerre Mondiale,
coûtant cher, les a complètement ruinés et ils ne
comptaient plus que sur le pillage des ressources dans les colonies pour se
relever et reprendre leur place sur la scène internationale. René
Tourte l'exprime en ces termes :
de l'épouvantable boucherie qui ensanglante
l'Europe de 1914 à 1918, la France sort profondément meurtrie
dans sa chair, ses biens et son aura. Consolider son empire [colonial], assurer
la mise en valeur de ses possessions d'outre mer, favoriser
l'épanouissement de ses populations lui semble être des voies
privilégiées pour le maintien de sa place sur la scène
internationale1.
D'autre part, ils se sont engagés dans une
lutte contre les indigènes germanophiles, surtout en sabotant l'oeuvre
allemande dans la région (voir annexe n°5). Il faudra attendre la
fin de la Deuxième Guerre Mondiale particulièrement en 1947 pour
voir la France investir dans les infrastructures étant presque sûr
qu'un probable retour des Allemands au Cameroun était impossible. Ceci
se vérifie d'ailleurs par les infrastructures construites avant 1939 qui
étaient surtout d'ordre administratif. Le social s'est intensifié
avec le soutien du FIDES à partir de 1947.
Les infrastructures françaises sont plus
nombreuses dans la ville de Dschang pour la simple raison qu'ils ont mis plus
de temps que les colons allemands. En outre, l'oeuvre allemande qui avait
échappé à la jalousie des Français avait tout
simplement été réhabilitée par ceux-ci.
En somme, la ville de Dschang est une création
allemande. Au cours de son histoire ; elle a connu plusieurs modifications
infrastructurelles, modifications qui constituent une réalité
même dans le cadre de l'élargissement de son espace urbain. Elle
aura joué un rôle indéniable dans l'histoire de l'actuelle
Région de l'Ouest. La construction des infrastructures coloniales dans
cette cité n'aura donc pas été un fait du hasard. Ces
constructions étaient édifiées pour jouer d'importants
rôles.
1 René Tourte,
Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, volume
6, De l'empire colonial à l'Afrique indépendante 1945 - 1960,
Montpellier, Décembre 2011, p.987.
28
II. ROLES DES INFRASTRUCTURES COLONIALES
Les infrastructures coloniales dans la ville de
Dschang jouaient probablement quatre principaux rôles. Nous pouvons citer
: le souci de pacification et de sécurisation, le souci de
création d'un cadre favorable dans la ville, d'organisation du pillage
des ressources et la matérialisation de la prétendue «
mission civilisatrice » de l'Europe dans cette ville.
1. Le souci de "pacification" et de
"sécurisation"
Quand les Allemands arrivèrent à la
Chefferie Foréké, ils demandèrent un site pour leur
implantation et déclinèrent rapidement les propositions de «
Meneh » et de Bafou parce que ces sites souffraient d'un manque de cours
d'eau devant alimenter la construction de leurs structures d'habitation. C'est
par la suite que le choix fut porté sur l'emplacement actuel de la ville
de Dschang ; surtout parce qu'elle est traversée par deux cours d'eau
à savoir Aseetsa et Lifock1.
Un autre élément qui aurait
poussé les Allemands à accepter ce site est sans nul doute sa
position stratégique au faîte de la colline. Il était hors
de question que le site soit en bas de la colline parce que, ceux-ci
étaient conscients qu'après la pacification, les poches de
résistance qui avaient survécu, pouvaient attaquer d'un moment
à l'autre et il ne fallait surtout pas commettre l'erreur de ne pas voir
l'ennemi arriver. A cet effet, Gouné Etienne pense que le souci d'une
haute sécurité a fortement déterminé le type de
construction des infrastructures allemandes notamment l'épaisseur des
murs qui est d'environ 50 cm. Cette épaisseur ne pouvait pas laisser
pénétrer les balles d'un fusil, aussi puissantes
fussent-elles2.
La dernière raison, liée à la
sécurité des colons, était la concentration des
infrastructures sur le même espace à l'exemple du fort allemand ou
du quartier administratif. Ceci témoigne d'une certaine
solidarité que les colons avaient entre eux. C'est pour cette raison que
les fonctionnaires allemands habitaient presque tous
1 Jean Marie Tchinda, «
Grandeur, Décadence ... p 19.
2 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
29
dans les forts et les Français plus tard
étaient presque tous concentrés au centre administratif, pour
qu'en cas d'attaque, que les militaires puissent aider les civils
européens1. Les camps militaires, quant à eux,
étaient installés dans les environs de ce noyau, non seulement
pour le protéger mais aussi et surtout pour continuer la conquête
des espaces non encore soumis et maintenir les indigènes
soumis.
Sur le plan religieux, les colons ou missionnaires
étaient obligés de créer les hôpitaux parce que
leurs propres conditions de vie sous ce climat n'étaient pas faciles.
Comme l'affirme clairement Jean Paul Messina, « Les missionnaires sont
eux-mêmes confrontés à toute sorte de menaces susceptibles
de mettre à mal leur état physique et moral. Bien plus, comment
rester indifférent devant tous les fléaux qui perturbent la vie
des populations auxquelles s'adresse la Parole de Dieu ? 2»
2. Le souci de création d'un cadre physique
favorable
Selon Michel Simeu kamdem, « Dschang
bénéficie d'une situation naturelle privilégiée
dans l'envoûtant paysage des hauts plateaux bamiléké. En
effet, à 1400 m d'altitude environ, la ville possède un climat
idéal particulièrement propice aux activités du tourisme
3». Il ressort de cette remarque que le facteur climatique a
été très déterminant dans le processus
d'implantation des Européens et d'édification des infrastructures
dans la ville de Dschang. Progressivement, avec ce climat semblable au climat
tempéré d'Europe, les colons se sentaient chez eux et dans
l'optique de le sentir davantage, ils importaient certaines activités
pour ne plus avoir besoin d'avoir de congés et de rentrer en
Métropole pour pouvoir jouir de celles-ci en une durée
relativement courte. A titre d'illustration, nous avons le foyer culturel
créé en 1932 qui est l'actuel Alliance Franco-camerounaise de
Dschang. Les jeudi et samedi soir, les Européens s'y rendaient pour le
cinéma, les jeux, le théâtre, bref tout ce qui se faisait
en métropole. L'autre exemple est le Centre Climatique de Dschang qui,
après sa construction dans les années 1940, devait permettre aux
militaires blancs de ne pas
1 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
2 Jean Paul Messina,
Les prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans le champ
d'évangélisation du Cameroun 1912-2012, Yaoundé,
Presses de l'UCAC, 2012, p.81.
3 Michel Simeu Kamdem,
« La ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de
Maitrise en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981,
p.14.
30
rentrer en Europe en pleine guerre et, à tout
européen soucieux de bien s'amuser pendant ses congés, sans
toutefois rentrer en Europe, d'y trouver un cadre idéal. Les
conifères par exemple, autour des pavillons confortables de cette
structure, rappellent la montagne européenne et l'air vivifiant qui y
règne, contribue largement à provoquer cette association
d'idées1.
3. Le souci d'exploitation des ressources
Il est reconnu aujourd'hui que le principal facteur de
l'impérialisme européen dans le monde était
économique. Les Européens arrivent dans un espace
différent du milieu où ils viennent. Ils sont confrontés
à plusieurs difficultés et sont obligés de faire un
certain nombre de sacrifices pour tirer les bénéfices du milieu
naturel. A. Dongmo Djoukang le reconnaît quand il affirme que
:
la colonisation européenne au Cameroun fut
confrontée à de nombreuses difficultés telles que les
obstacles liés à l'hostilité du milieu naturel.
L'originalité du milieu naturel du Cameroun suscita la recherche
scientifique. Des botanistes créèrent des centres de recherche
pour une meilleure exploitation du pays dans tous les domaines susceptibles de
procurer d'énormes bénéfices aux Européens
2
Notons que ces recherches étaient faites pour
déterminer la rentabilité des produits de rente afin de pouvoir
en tirer de gros bénéfices. Au terme de ces études, les
autorités coloniales distribuent à dessein des terres à
leurs compatriotes3. Les terres de nos ancêtres que les
Européens ont systématiquement volées à travers les
décrets. C'est ainsi que les décrets du 11 avril et du 05 juillet
1921 et les ordonnances des 02 et 21 juillet 1932 et du 26 novembre 1944
donnent ipso facto le droit à la France de confisquer les terres et de
s'approprier de celles dites vacantes et sans maitres.4
1 Anne Debel et Renaud Van
der Meeren, Le Cameroun, Paris, éditions Jaguar, 2007,
p.134.
2 E. Aubin Dongmo
Djoukang, « L'influence du milieu naturel sur la colonisation
européenne au Cameroun de 1884 à 1960 », Mémoire de
Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé 1, septembre
2005, p 120.
3Ibid, p.61.
4 Berlise Guedia Dongmo,
« Les investissements agricoles ... p 45.
31
Les voies de communication (routes, ponts) sont
à cet effet incontournables pour l'exploitation de ces terres. Ainsi ces
voies, comme l'écrit clairement E. Ghomsi « devaient servir aux
Allemands à drainer vers la côte les produits de cette
région (bamiléké) et de maintenir la liaison constante
entre cette région riche et peuplée et les maisons commerciales
allemandes installées sur la côte. 1».
La position centrale de Dschang par rapport aux
infrastructures de communication se comprend aussi, parce qu'en tant que
Chef-lieu du Bezirk allemand et plus tard, de la circonscription
pendant la période française, elle assurait une certaine
facilité pour les administrateurs coloniaux dans leurs
déplacements.
Les Allemands ont donc fait de Dschang une ville
carrefour vers où convergent toutes les routes et pistes
départementales, c'est également le point d'aboutissement des
principaux axes routiers qui desservent la
région2.
4. La matérialisation de la prétendue
"mission civilisatrice" de l'Europe en Afrique
Pendant longtemps, les européocentristes
à l'instar de Hegel, J. Arthur de Gobineau et bien d'autres, ont
taxé l'Afrique d'un continent sans histoire et donc, sans civilisation.
A partir du XIXe siècle en Europe où les camps
s'étaient formés pour débattre au sujet de la
nécessité ou non de faire le colonialisme dans le reste du monde,
certains religieux, eux-aussi, prirent position en faveur de ce terrible
phénomène en pensant que l'église est la seule source de
la "vraie" civilisation, du bonheur des hommes et de la paix des peuples. Le
Cardinal d'Alger, son éminence Lavigerie, était par exemple
convaincu, comme beaucoup de ses contemporains, que l'Afrique où se
déclarent les ambitions européennes, a besoin de cette
civilisation qui apporte à l'évolution de l'humanité un
supplément d'âme3.
1 Emmanuel Ghomsi, «
Les bamiléké du Cameroun : Essai d'étude historique des
origines à 1920 », Thèse de Doctorat d'état
3e cycle, Université de Paris panthéon Sorbonne, 1972,
p 40.
2 Michel Simeu Kamdem, «
La ville de Dschang, Etude... p.23.
3 Célestine
Fouellefak Kana, « Le christianisme occidental à l'épreuve
des valeurs religieuses africaines : le cas du catholicisme en pays
Bamiléké au Cameroun 1906-1995 », Thèse de doctorat
en Histoire, Université Lumière Lyon 2, 2004-2005,
p.10.
32
Dans le même ordre d'idées, F. de Vitoria
estimait que le but ultime de la colonisation est d'amener progressivement les
peuples de la culture inférieure à abdiquer à leur droit
à une culture propre, pour communier à l'unique culture des
"nations civilisées"1. En d'autres termes, s'agissait-il
d'apporter la civilisation aux peuples considérés comme sauvages
et barbares. Au 19e siècle, cette formule devient
idéologique et justifie la colonisation. Dans ses poèmes
choisis, Ruyard Kipling évoque la responsabilité qui incombe
à l'homme blanc de civiliser les peuples de couleur à travers sa
célèbre doctrine du «fardeau de l'homme blanc
2». Il devient ainsi impossible pour les missionnaires se
rendant en Afrique de séparer la foi de la civilisation, car
guidés par la pensée de ces théoriciens de
l'impérialisme européen.
La "mission civilisatrice" consistait donc à
déposséder l'Africain de sa culture et à lui imposer une
autre. Ceci devait être possible à travers
l'évangélisation et la scolarisation. Les infrastructures
allaient forcément accompagner ces actions en faveur de la civilisation
occidentale et au détriment de l'africaine.
En somme, nous pouvons remarquer que plusieurs raisons
ont influencé la construction des infrastructures coloniales à
Dschang. Les premières constructions étaient
réalisées pour imposer la domination, matérialiser la
supériorité de la race blanche sur la race noire et aussi pour
organiser et contrôler le pillage des ressources du sol et du sous-sol.
Les raisons étaient claires, mais après la décision de
vouloir construire, l'équation du matériau et de la ressource
humaine se posa avec acuité.
III. MATERIAUX ET RESSOURCES HUMAINES NECESSAIRES A LA
CONSTRUCTI ON ARCHITECTURALE
Il est question dans cette partie de
s'intéresser à trois éléments importants à
savoir, la technique et le matériau utilisés pour la construction
notamment la transition de la technique et du matériau locaux vers ceux
importés, le financement des infrastructures accordé par la
métropole et enfin les conditions de recrutement et de travail de la
main d'oeuvre.
1 Célestine Fouellefak
Kana, « Le christianisme occidental... p.11.
2 Ruyard Kipling,
Poèmes choisis, Paris, 1949, p.340.
33
1. Un mélange de technique et de matériaux
allogène et autochtone
Une civilisation est le fruit du contact de l'homme
avec la nature. Avant l`arrivée des Européens, les Africains
avaient une façon de construire en fonction des instruments que la
nature mettait à leur disposition. Jacques Maquet en
caractérisant les civilisations en Afrique, constate que « plus
rudimentaires sont les techniques [de production matérielle], plus
grande est l'importance du milieu naturel. Ce qui explique que les limites
spatiales de certaines civilisations coïncident avec des régions
naturelles où domine telle végétation ou tel climat
1». Les populations des grassfields
n'échappent pas à cette catégorisation de Maquet. A partir
des éléments puisés dans leur milieu naturel
constitué par exemple des raphiales dans les vallons, des arbres de la
forêt, ils produisent des objets nécessaires à leur vie.
J.P. Warnier et P. Nkwi le réconnaissent en ces termes : «Nowadays,
the grassfields, as the name indicates, belong to the grass savanna area of
West and Central Africa...Rituals always incorporate elements of the
environment, and they tend to be conservative...in many rituals performed by
grassfields peoples, the basic ingredients are taken from forest crops and
plants2». Ce rattachement de l'Africain
à son milieu naturel et à sa culture a amené les
Européens à dire que le continent africain n'était
constitué que des « barbares » et des « sauvages
».
Cependant, les premiers africanistes, en parlant d'une
multiplicité de « religions » en Afrique noire, avouaient par
là leur ignorance de la spiritualité africaine. Dominique Zahan
fait partie de ceux qui sont entrés en profondeur pour davantage cerner
cette relation entre l'Africain et l'univers. Ainsi, il reconnaît que
« l'homme est la clé de voûte de l'édifice religieux
africain...La religion est donc essentiellement fonction de
l'élément humain et de son univers, la terre3 ».
Ce qui nous intéresse dans cette affirmation est le duo homme-Univers
(terre). C'est la terre, l'espace, le milieu naturel qui donnent un sens
à la vie de l'homme. Les productions
1 Jacques Maquet, Les
civilisations noires, Paris, Marabout Université, p18.
2 Paul Nkwi et jean Pierre
Warnier, Elements for a history of the western grassfields,
Yaoundé, Department of Sociology, 1982, p.23.
3 Dominique Zahan,
Religion, Spiritualité et pensée africaines, Paris,
Payot, 1970, pp13-16.
34
matérielles, étant l'un des
éléments fondamentaux faisant partie du concept de civilisation,
témoigne de l'activité du génie créateur de l'homme
en relation avec le milieu naturel.
C'est d'ailleurs pour cette raison que certaines
civilisations en Afrique ont inspiré les colons dans l`architecture
parce qu'elles maitrisaient mieux leur environnement que ces étrangers.
Ces derniers furent obligés de commencer à construire avec les
matériaux et les techniques locaux avant de les changer progressivement.
Cet exemple de Thierry Joffroy et Fane Yamoussa concernant les maçons de
Djenné est évocateur :
les constructions architecturales de Djenné ont
inspiré pendant longtemps les architectes chargés de la
réalisation des bâtiments de l`administration coloniale dans toute
l`Afrique de l'ouest. Ses bâtisseurs sont encore des véritables
virtuoses, capable de réaliser de grands chantiers de construction avec
pour toute matières premières ce qu'ils trouvent dans
l`environnement proche de la ville. Principalement la terre
déposée par le fleuve et le bois de rônier (palmier dont
les branches sont en forme d'éventail)1.
De façon générale, Manfred Von
Mende, distingue trois grandes phases dans l`évolution des techniques de
constructions coloniales allemandes. Tout d` abord, les Allemands ont
commencé à faire leurs édifices avec des matériaux
et des méthodes de constructions locales particulièrement avec un
soubassement en terre, des rondins en bois, des nattes, des toits à
double pente, généralement ayant une durée de vie moins
longues2. Dans le même ordre d`idée Edith Ngomedje
remarque que « les Allemands perpétuèrent l'utilisation des
matériaux locaux, ils décidèrent d`enrayer les
insuffisances de ceux-ci dans les constructions de type traditionnel. Ils
allièrent dès lors aux techniques trouvées sur place leur
expérience propre 3».
1 Thierry Joffroy et Fane
Yamoussa, « Les maçons de Djenné, virtuoses de l'art de
bâtir en terre », in Les villes africaines et leurs
patrimoines, Paris, Riveneuve éditions, 2012,
PP.171-172.
2 Manfred Von Mende,
« Techniques de construction des édifices allemands au Cameroun de
1884 à 1916 », in Wolfgang Lauber (ed), L'architecture
allemande au Cameroun, Stuttgart, édition Karl Krämer, 1988, p
42.
3 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers les monuments cachés de
Yaoundé 1887-1963 », Mémoire de Maîtrise en Histoire,
Université de Yaoundé 1, septembre 2002, p 13.
35
Photo 3: Mission centrale de Dschang construite par les
Pères Pallotins en 1906
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang
Construite par les Pères Pallotins, elle est
l'illustration parfaite de la construction faite à base du
matériau trouvé dans la nature. On voit le toit en chaume soutenu
par des poteaux en bois et à côté une représentation
de la forêt dans laquelle est sorti le bois utilisé.
La photo ci-dessus est l'illustration parfaite de
l'utilisation des matériaux locaux par les Allemands dans les colonies
notamment à Dschang. Le toit est en nattes, les poteaux de la devanture
en bois.
La seconde phase est la méthode de construction
par assemblage. Ici on commence par un soubassement massif
réalisé en béton qui protège les murs des eaux de
ruissèlement et permet d`éviter la pente, ensuite les murs,
plafonds et toitures sont construits sur un ou deux étages et pourvus
d`un revêtement de matériaux divers. Pour l`ossature, on utilisait
soit de l`acier, soit des bois conifères venant d`Allemagne. C`est
à partir de 1888 que les briques cuites sont fabriquées dans les
moules en métal. La toiture était constituée, soit de
plusieurs couches de carton bitume posées sur une couverture en bois,
soit de tôles ondulées avec aménagement d`un système
de ventilation pour aérer et oxygéner l`intérieur. Le nom
du quartier Briqueterie à Yaoundé vient du fait que cet espace a
abrité les machines allemandes servant à la fabrication des
briques cuites. C'est grâce aux briques fabriquées par ces
machines que l'ancien palais présidentiel et beaucoup d'autres
bâtiments se trouvant à côté ont été
bâtis1.
1 Entretien avec Jean
Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
36
La dernière phase est la méthode de
construction en dur. Dans le but de démontrer les progrès
technologiques, on commence très tôt à construire les
mûrs et les plafonds en matériaux durs (briques de terre,
bétons et béton armé). Ces constructions étaient
plus onéreuses car elles nécessitaient plus de temps et il
fallait importer tous les liants (chaux, ciment, plâtre).
Il devient donc aisé de reconnaitre que, les
constructions coloniales sont constituées d`un matériel local,
facile à trouver, d'un autre importé, préfabriqué
et démontable. Cet agencement témoigne de l`évolution
même de la technique de construction des infrastructures coloniales dans
le temps. Malheureusement, la dépendance de l`Afrique vis-à-vis
de l`Europe concernant ce matériel s`amplifie comme le confirme Edith
Ngomedje : « avec les Français, les bâtiments en
brique prirent [...] du recul pour céder la place aux constructions en
parpaings ce qui rendit plus dépendants de l`Europe en matière de
batissement de maisons et des bureaux administratifs ou
privés1 ».
En ce qui concerne la conception des plans de ces
édifices, Fritz Wilhelm2 parlant de la période
allemande, nous fait savoir qu'il est à remarquer que, tout au moins,
les plans de ce que l'on appelle les édifices à caractère
officiel, tels que les bâtiments administratifs, écoles,
hôpitaux et habitations de fonctionnaires, furent réalisés
par la "Berliner Bauant3", tout d`abord selon le modèle
prussien...reprenant à des fins décoratives tous les ornements
puisés dans le sac à malices du passé.
A partir de cette affirmation, nous comprenons que
presque tous les bâtiments datant de la période coloniale peuvent
être détectés à partir des analyses faites sur un
bâtiment colonial puisqu'ils étaient conçus par un
même service technique. En outre,
1 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers ...p 16.
2 Fritz Wilhelm, «
L'architecture coloniale allemande dans le cadre du développement de
l'architecture à la fin du XIXe siècle jusqu'au début du
néolibéralisme », in Wolfgang Lauber (ed),
L'architecture allemande au Cameroun, Stuttgart, édition Karl
Krämer, 1988, pp37-38.
3 Mot de la langue allemande
qui signifie la direction de la construction à Berlin
37
l'architecture coloniale a même influencé
les constructions en métropole comme les pavillons coloniaux du jardin
d'agronomie tropicale de Nogent-sur-marneen France1.
Pendant la période française, les
constructions se faisaient par ceux qu'on appelait les conducteurs de travaux.
C'est bien plus tard qu'apparut un ordre des architectes au Cameroun (voir
annexe n°4) chargé de la conception des édifices publics et
la construction des habitations des fonctionnaires était confiée
à la S.A.P (Société Africaine de Prévoyance)
.
Pour ce qui est des infrastructures religieuses,
notons qu'elles étaient construites au début, surtout sur des
plans faits par des missionnaires eux-mêmes. Mais au fur et à
mesure que les constructions devenaient plus importantes, il a fallut faire
appel aux architectes2.
2. Un accord de financement métropolitain
Le financement de ces infrastructures venait
directement de la métropole. Zacharie Saha le confirme quand il
écrit, parlant de l`administration du Kamerun par les Allemands : "Le
gouverneur est en effet la plus haute autorité de la police, de
l`armée et de la justice dans une certaine mesure. Les questions
budgétaires par exemple se traitaient en réalité à
Berlin3 ». Et au sujet de l`administration du Bezirk,
il affirme que les questions budgétaires et militaires exigeaient
particulièrement l`approbation du gouverneur qui agit par circulaire le
plus souvent4.
Pour le cas de la France, les gouverneurs
généraux de la fédération utilisaient les
ressources des redevances et négociaient avec le ministère des
colonies les emprunts indispensables à toute réalisation
d`envergure5
1 Institut National du
Patrimoine, Architecture coloniale et patrimoine, l'expérience
française, Paris, Somogy edition d'art, 2005, p11.
2 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et la naissance de
l'église au Cameroun, Paris, Procure des missions SCJ, 1986,
p.129.
3 Zacharie Saha, « Le
Bezirk de Dschang ...p.49.
4 Ibid. p.50.
5 Institut National du
Patrimoine, Architecture coloniale et...p 20.
38
Au sujet du financement des oeuvres religieuses, le
père Goustan affirme que « Toutes les constructions
nécessitaient de l'argent. Certes, les bienfaiteurs donnaient
généreusement ; mais il fallait faire appel aussi aux
chrétiens du pays. Même pauvres, ils devaient apprendre à
ne pas être toujours des assistés 1». Mais les
missionnaires ne sont pas délaissés par l'administration, ils
reçoivent de temps en temps les subventions étatiques. Ainsi, les
écoles missionnaires de la période coloniale allemande sont
financièrement soutenues par le fonds public, l'objectif est que les
élèves apprécient la grandeur civilisationnelle du
Reich.2 Jean Paul Messina allant dans le même sens, explique
les raisons de ce soutien de l'administration, en ces termes :
Bismarck n'admet les missions chrétiennes au
Cameroun que dans la mesure où elles contribuent à soutenir
l'action coloniale dans le pays, c'est-à-dire révéler aux
colonisés la grandeur de la civilisation du Reich et à les
éduquer à la soumission aux lois et règlements
de l'administration coloniale3.
Notons enfin qu'à regarder de très
près, le financement des travaux infrastructurels, à travers le
FIDES4, par la France à partir de la fin de la
Deuxième
Guerre Mondiale, ne la prédisposait pas
à songer un jour à son départ du Cameroun
particulièrement et des colonies en général. Nous pouvons
nous-mêmes nous rendre compte à travers cet extrait de l'ouvrage
Kamerun ! Une guerre cachée aux origines
de la françafrique qui dit :
la loi du 30 avril 1946 institue le FIDES...alors
même que le Cameroun n'a plus de statut véritable à cette
date...le territoire est curieusement le mieux loti, et de loin, de toutes les
possessions françaises d'Afrique dans la répartition des fonds
FIDES. Curieusement également, est la façon dont, dans ce
territoire privilégié, ces fonds sont affectés : sur 36.5
millions de francs débloqués entre 1947 et 1953, 85% vont aux
infrastructures et 10% seulement aux « équipements sociaux »
(alors qu'en AOF les fonds destinés aux infrastructures ne
dépassent pas 50%). Ce qui témoigne assez clairement que l'ordre
des
1 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur ...p.129.
2 Ibid. p78.
3 Cité par Junior
Binyam, « Les pères à la remorque des colons », in
les cahiers de
Mutations, le vrai visage de l'église
catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.3.
4 Pour plus d'informations
sur le FIDES au Cameroun, lire Norbert A. Melingui Ayissi, « Les
fondamentaux d'une diplomatie harmonieuse et dynamique ; le cas de la
coopération économique et sociale de la France au Cameroun
1916-1960 », in Analele universitatii "dunaréa de jos",
Galatti, seria 19, Istoria, Tom VIII, 2009, pp193-212.
39
« priorités » n'est pas tout à
fait celui qu'affiche le gouvernement et que la France est bien
décidée à rester au Cameroun.1
Dans le même ordre d'idées Marc Michel
analysant la politique coloniale française en Afrique noire conclut qu'
en réalité, le discours officiel français à
l'égard de l'Afrique noire fut une variation continuelle sur les
thèmes de l'assimilation et de l'association qui masqua jusqu'au bout un
esprit d'intégration que René Pleven reconnaissait à
Brazzaville en soulignant que la préoccupation constante de cette
conférence était "l'incorporation des masses indigènes
dans le monde français"2.
Donc, la France n'a jamais souhaité
l'émancipation des colonies ou leur accession à la
souveraineté internationale sur le plan socio-économique et
politique. D'ailleurs Marc Michel jugeant les réalisations sociales en
Afrique dira : « Que de bonnes intentions ! Et que de lenteurs dans les
réalisations si l'on en juge par l'état de l'enseignement en 1919
ou de la santé en 19393 ».
En définitive, l`architecture coloniale est
essentiellement urbaine. A une première vague de constructions
édifiées avec les matériaux locaux (bois, terre,
paille...) succède une vague de constructions en matériaux
importés, préfabriqués et démontables, en bois puis
rapidement un métal avant l`emploi du béton
armé4. Dès lors, la question qui taraude notre esprit
est celle de savoir la façon avec laquelle les colons ont
intégré les indigènes à tous ces « projets
coloniaux ».
3. Une main d`oeuvre abondante et malléable
D`entrée de jeu, notons que les Allemands
furent les premiers à se confronter à l'épineux
problème de la main d'oeuvre. Il est inadmissible de penser que les
édifices coloniaux étaient l'oeuvre des colons uniquement. Ceci
se justifie par le nombre
1 Thomas Deltombe, Manuel
Domergue et Jacob Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines
de la françafrique 1948-1971, Yaoundé, éditions
Ifrikiya, juin 2012, p
57.
2 Marc Michel, « La
colonisation française en Afrique noire : aspects économiques et
sociaux », in http// :www.études-coloniales.com,
posté le 1er juin 2007 et consulté le 12
février 2014 à 16h
3 Ibid.
4 Institut National du
Patrimoine, Architecture coloniale et ...p 15
40
d'Européens et d'indigènes
présent à Dschang pendant la colonisation. Les tableaux suivants
nous donnent quelques indices.
Tableau 1: Evolution de la population européenne
et indigène dans les différents territoires dont Dschang
était le Chef-lieu
|
Bezirk de Dschang
|
Circonscription de Dschang en
|
Subdivision de Dschang en 1926
|
Région bamiléké en
1950
|
|
|
1921
|
|
|
Indigènes
|
/
|
82 467
|
75 613
|
/
|
Européens
|
Environ 10
|
9
|
15
|
259
|
Source : Statistiques compilées par nous sur la
base des documents suivants : Zacharie Saha, « Le Bezirk de
Dschang : relations entre l'administration coloniale allemande et les
autorités traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de
Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993,
p75; Marie Chieufack, « L'administration coloniale française et les
mutations sociales et économiques dans la région
Bamiléké entre 1919 et 1959 », Mémoire de DIPES II en
Histoire, ENS Yaoundé, 2010-2011, p 33-34. ; ARO Rapport annuel de la
subdivision de Dschang, 1926 et ARO Rapport mensuel, 2e trimestre,
circonscription de Dschang, recensement de Juillet 1921.
Il ressort de ce premier tableau que l'effectif des
populations européennes se trouvant à Dschang a
évolué très lentement et que logiquement, celles-ci ne
pouvaient pas constituer une main d'oeuvre suffisante. De plus, si on se
réfère à la prétendue « mission civilisatrice
» de l'Occident envers le continent africain, les Européens ne
pouvaient qu'être des Chefs de chantiers et leur nombre réduit
répondait sans difficultés aux tâches qui leur
étaient réservées.
Tableau 2: Comparaison de la population de Dschang avec
les autres localités de la circonscription en 1927.
|
Dschang
|
Nkongsamba
|
Foumban
|
Indigènes
|
76 205
|
23 140
|
38 040
|
Européens
|
18
|
97
|
12
|
Source : Berlise Guedia Dongmo, « Les
investissements agricoles dans la subdivision de Dschang 1909-1957 »,
Mémoire de Master en Histoire, Université de Dschang, 2012-13,
p.29. ;
Il ressort de ce deuxième tableau que les
Européens étaient plus présents en un lieu ou en un autre
en fonction de l'intérêt qu'ils y avaient. On peut comprendre
qu'ils soient plus nombreux à Nkongsamba qu'à Dschang à
cause des vastes plantations qui s'y trouvent et plus à Dschang
qu'à Foumban parce que le premier était le Chef-lieu de la
circonscription administrative et en tant que tel, concentrait
41
l'essentiel des services administratifs et politiques,
lesdits services ne pouvaient être pilotés que par un blanc. Enfin
le nombre très élevé des populations locales les
prédisposait et les obligeait même à jouer le rôle
qui leur revenait, c'est-à-dire être une source de main-d'oeuvre.
Une main-d'oeuvre malléable gérée par les dirigeants qui
sont en nombre réduit. Donc Lovett Z. Elango a tout a fait raison quand
il écrit :
Lorsque l'on considère l'ensemble de
l'héritage allemand au Cameroun ou seulement certains de ses aspects, on
se voit confronté finalement à l'énorme mobilisation de
main d'oeuvre indigène qui seule a rendu possible ces
réalisations...c'est dans cette perspective qu'il faut considérer
et apprécier les différents vestiges de la domination coloniale
allemande au Cameroun1
Puisqu'il faut d'office mettre de côté
les engins sophistiqués pour le transport des matériaux parce
qu'ils n'existaient pas, le seul moyen possible de transport des personnes et
des biens était le portage fait par les indigènes2.
Les briquettes ou briques cuites ayant permis aux Allemands d'élever les
maisons, étaient par exemple pétries, ensuite cuites
derrière la Chefferie Foto et transportées sur la tête par
les populations indigènes vers les lieux de construction3.
Aussi, les planches destinées aux constructions étaient
transportées par nos parents sur leur tête de Nkongsamba pour
Dschang pendant une durée d'un mois4.
En fonction de l'autorité responsable de
l'infrastructure, le recrutement de la main d'oeuvre pouvait être libre
ou forcé. Il pouvait être libre lorsque ce sont les fidèles
d'une congrégation religieuse qui voulaient aider à la
construction de leur chapelle. Ainsi Ebanda Menduga nous fait savoir que «
ce sont surtout les femmes du "sixa", leurs fiancés, les
catéchumènes, les chrétiens qui désiraient aller
à la confesse,
1 Lovett Z. Elango, «
Reprise d'une oeuvre commune », in Wolfgang Lauber (ed), Architecture
allemande au Cameroun 1884-1914, Stuttgart, Edition Karl Krämer,
1988, pp 28-29.
2 Pour plus
d'informations, lire Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang :
relations entre l'administration coloniale allemande et les autorités
traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de Maîtrise en
Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993, 123p.
3 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
4 Entretien avec Kemkeleng,
le 05 juin 2014 à la Chefferie keleng
42
et les écoliers qui étaient
utilisés à la fabrication et au transport des briques. Ils
formaient une main d'oeuvre gratuite1».
Pendant les constructions, les membres du
clergé qui avaient des notions en constructions architecturales n'ont
pas hésité à former les techniciens locaux comme le
confirme le père Goustan le Bayon : « En construisant, pères
et frères ont formé les ouvriers qualifiés, maçons,
charpentiers, ferrailleurs, plombiers 2»
En revanche, ce recrutement était forcé
quand il s'agissait surtout des travaux de construction des routes, des ponts,
ou les travaux dans les plantations. Comme l'affirme Léon Kaptué,
« les Allemands crurent résoudre le problème en utilisant la
force. Qui ne se souvient de ces théories de porteurs enchainés,
faméliques, lourdement chargés et parcourant en tous sens les
pistes et les sentiers du territoire3 ». Monique Guimfacq nous
raconte ici comment les populations de Dschang ont vécu ces moments
difficiles :
Les populations de la circonscription de Dschang
doivent en effet garder un effroyable souvenir des travaux de constructions de
la ligne du nord par les Allemands et surtout des travaux qui leur avaient
été imposés dans les plantations de Victoria. Dès
leur arrivée à Dschang, les Français avaient promis
apporter plus d'humanité que les Allemands dans l'utilisation des
travailleurs. Ainsi, le premier recrutement en 1922 fut extrêmement
facile. Contrairement aux promesses faites, les résultats furent
effroyables, sur 1 000 individus recrutés, 200 à peine revinrent
chez eux et le plus souvent pour y mourir.4
En plus, les administrateurs coloniaux avaient
développé un certain nombre d'astuces pour avoir la mainmise sur
la main d'oeuvre. Par exemple, avec l'introduction de la culture du café
dès 1926 à Dschang, les arrêtés du 4 juillet 1933 et
du 10 mai 1937 apportèrent des restrictions dans cette culture. Seuls
les Chefs traditionnels avec quelques notables pouvaient créer des
plantations de café. Ceci permettait à l'administration d'avoir
en permanence la main d'oeuvre. En 1944,
1 Titus Ebanda Menduga
« Construction en terre de l'époque allemande à nos jours,
survol des expériences camerounaises depuis le 19é
siècle », in Wolfgang Lauber (ed), Architecture allemande au
Cameroun 1884-1914, Stuttgart, Edition Karl Krämer, 1988, p.
146.
2 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et la...
p.129.
3 Léon
Kaptué, Travail et main d'oeuvre au Cameroun sous régime
français 1916-1952, Paris, L'Harmattan, 1986, p.12.
4 Monique Guimfacq,
Foto, un grand royaume au coeur de la Menoua : Des origines à 2010,
Yaoundé, AEFCA, 2010, p.84.
43
Marcel Lagarde employait pour la seule station de
quinquina de Dschang 818 ouvriers.1
On peut constater avec Léon Kaptué que
les colons en général avaient les mêmes
préoccupations « on retrouvait chez les nouveaux
maîtres (Français), les mêmes préoccupations
capitalistes, la même âpreté du gain, le même souci
d'exploiter le territoire à moindre coût 2»
En fin de compte, on peut constater qu'il y avait un
lien très étroit entre les administrateurs coloniaux et les
missionnaires comme le souligne si bien Onomo Etaba et que l'un ne pouvait pas
laisser l'autre tomber :
Le politique et le religieux ont cheminé
pendant l'époque coloniale. En effet, le religieux avait besoin de
l'administration pour des questions foncières, de main d'oeuvre et de
sécurité. A partir de 1884-85, l'administration se devait
d'accorder aux missionnaires une protection spéciale et en contre
partie, ceux-ci devaient faire preuve de loyauté et de soumission au
pouvoir temporel3
En outre, dans les années 1950, l'entretien des
bureaux administratifs se faisait par les prisonniers comme le confirme cette
note de service datant du 25 septembre 1956 adressée au Régisseur
de la prison de Dschang par le Chef de région et dont voici le contenu :
« A compter du 26 septembre 1956, une corvée de cinq prisonniers
sera en permanence affectée à l'entretien des abords des bureaux
de la région et de la subdivision.4 »
En définitive, Dschang est une création
allemande, l'esprit qui guida les réalisations allemandes dans cette
ville est celui de toute une tradition basée sur la
longévité, l'idéal et surtout des choses bien faites comme
le déclare ce grand architecte allemand Daniel Durnham
Ne fais pas de projets mineurs, ils ne sauraient
susciter l'enthousiasme et il y a de grandes chances pour qu'ils ne soient
jamais réalisés. Place très haut l'objet de tes espoirs et
le but de ton travail. Saches forger de grands projets et n'oublies pas qu'il
soit de conception noble et
1 Monique Guimfacq, Foto,
un grand royaume... p.91.
2 Léon
Kaptué, Travail et main d'oeuvre...p.31.
3Roger Onomo Etaba, «
Systèmes politiques et politiques missionnaires au Cameroun du milieu du
XIXe siècle à la première moitié du XXe
siècle, in NKA, Revue interdisciplinaire de la Faculté de
lettres et de sciences humaines, n°4, 2005, p.204.
4 Archives
Départementales de Dschang
44
logique. Acquiert une fois tracée, valeur
d'éternité et que longtemps après que nous
aurons
disparu, il demeurera un élément vivant et
s'imposera avec une force toujours accrue1.
Par contre, les Français construisaient ce
qu'on appelle les infrastructures formalistes, c'est-à-dire qui vont
directement servir à l'administration et à la mise en valeur du
territoire, l'aspect esthétique étant négligé.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'à Dschang particulièrement
et au Cameroun en général, ils «accueillirent les
réalisations allemandes avec satisfaction, avec une admiration
secrète et choisirent le Cameroun comme centre de la politique de mise
en valeur de leur empire colonial africain2 ». Comme l'affirme
Edith Ngomedje parlant de la ville de Yaoundé : « le
général Aymerich ne cacha pas son émerveillement devant
les infrastructures de ses prédécesseurs
allemands3» Tout ceci fut possible grâce
à la disponibilité d'une abondante main d'oeuvre. Au sujet de
l'usage des infrastructures coloniales, il y avait une barrière
infranchissable entre les européens et les indigènes. En d'autres
termes, les Africains et les Européens ne pouvaient vivre ensemble dans
la même demeure quand bien même, ils avaient les mêmes
fonctions. A titre illustratif, Enoh Meyomesse affirme ceci :
Les Camerounais peuvent encore, jusqu'à ce
jour, visiter, à Mvolyé à Yaoundé, la
résidence des prêtres à étages et en planches, qui
se trouve en haut du sanctuaire marial. Les prêtres blancs logeaient
à l'étage, tandis que leurs collègues noirs, non seulement
vivaient au rez-de-chaussée, mais en plus étaient interdits de
monter à l'étage. Quiconque osait le faire était purement
et simplement défenestré4.
Ce n'est que pendant la Première Guerre
Mondiale par exemple que les catéchistes noirs ont habité la
résidence des pères à Dschang, bien évidemment
parce que les pères pallotins allemands étaient
pourchassés par les militaires de la coalition franco-britannique. A ce
moment, ils sont là pour tout simplement prendre soin de la mission en
l'absence de véritables responsables. Il faudra attendre jusque dans les
années 1950, à la veille des indépendances dans les pays
africains, pour voir
1 Lovett Z. Elango, «
Reprise d'une oeuvre...p.28.
2 Ibid. P.36.
3 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers les ...p.15.
4 Enoh Meyomesse, « La
servitude religieusement consentie », in Les cahiers
de
Mutations, le vrai visage de l'église
catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.4.
45
apparaitre les premiers prêtres africains
logeant dans les habitats construits par les Européens. De même
pour les infrastructures des administrateurs coloniaux.
Conclusion
En somme, il était question dans ce chapitre de
revenir sur l'historique de la ville de Dschang en rapport avec la construction
des infrastructures coloniales. Pour y arriver nous avons procédé
par un plan en trois parties donc la première traitait de
l'aperçu historique sur la ville où nous sommes arrivés
à la conclusion selon laquelle la ville de Dschang est une
création coloniale. Elle a été victime d'une triple
domination à savoir allemande, anglaise et française. Ensuite, il
était question dans la deuxième partie des facteurs favorables
à la construction des infrastructures coloniales, nous avons
démontré que ces facteurs étaient de plusieurs ordres dont
on peut citer, le souci de pacification, l'environnement favorable etc. Enfin
la troisième partie a été consacrée aux
matériaux et ressources humaines nécessaires pour ces
constructions. Nous avons montré que les européens ont
utilisé un mélange de techniques et de matériaux locaux et
importés ainsi qu'une main d'oeuvre locale malléable. Des lors,
nous pouvons conclure avec Kana Donfack Aurélien que le
Cameroun1 a connu une longue histoire et des civilisations anciennes
qui lui ont légué un patrimoine culturel immobilier riche et
varié. Cette richesse patrimoniale fait la fierté de ce
pays2. Certaines de ces constructions coloniales ont
défié le temps et sont encore visibles de nos jours. L'inventaire
de celles-ci va faire l'objet du prochain chapitre.
2 Yves Aurélien
Kana Donfack, "Evolution de l'habitat traditionnel en Afrique Exemple de la
province de l'Ouest au Cameroun", Dipl.-Ing.,Stadt- und Regionalplaner, Berlin
2011, 15 September 2009, p.168.
1 Dschang étant une
ville camerounaise
46
DEUXIEME CHAPITRE:
INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A USAGE
POLITICO -ADMINISTRATIF ET ECONOMIQUE DANS LA VILLE DE DSCHANG
Introduction
Les infrastructures coloniales ont été
l'oeuvre commune des administrateurs coloniaux et des populations locales,
chaque partie ayant joué un rôle particulier dans leur
réalisation. L'utilisation de ces constructions était pourtant
prioritairement réservée aux Européens. Surtout quand on
les regarde sous l'angle des services que devaient offrir celles-ci. C'est
progressivement que les indigènes (surtout au lendemain des
années 1960) vont aussi bénéficier des bienfaits de ces
constructions qui sont aussi nombreuses que diverses. Les vestiges coloniaux
à caractère économique et politico-administratif
pourraient être les plus importants si l'on se réfère aux
motivations même qui soutendaient l'entreprise coloniale.
La question à laquelle nous allons
répondre dans ce chapitre est la suivante : Quels sont les vestiges
coloniaux à usage politique, administratif et économique encore
visibles de nos jours dans la ville de Dschang ?
Pour y parvenir, nous allons les regrouper en deux
rubriques à savoir les vestiges coloniaux à usage
politico-administratif et les vestiges coloniaux à caractère
économique. L'objectif ici étant de faire une description et un
aperçu historique de chaque infrastructure.
2 ARO 1A83/0 Dschang
(préfecture), plan de construction de la préfecture de
Dschang
47
I. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE
POLITICO-ADMINISTRATIF
Nous entendons par vestiges coloniaux à usage
politico-administratif, l'ensemble des constructions faites sous l'instigation
des administrateurs coloniaux et qui devaient permettre à ceux-ci de
mieux gouverner et de maintenir la paix dans leur territoire de commandement.
Les africains étant doublement des victimes1 parce que
constituant un réservoir important de main d'oeuvre et étant les
seuls responsables en ce qui concerne l'entretien et le suivi. Il s'agit des
résidences, des bureaux des services publics, de la prison, de
l'Aviation, de la station météo etc.
1. La résidence et le lieu de service du Chef de
région
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : Administration et Commandement
Année d'exécution : 1907 et réaménagé
à partir de 1927 Matériaux : Bois, ciment, briquettes,
tôles, fer, vitres Nombre de niveaux : Rez-de-chaussée
Nombre de bâtiments : 02
Le lieu de service du Chef de région
(l'actuelle sous-préfecture) est un corps de bâtiment
rectangulaire comportant en son centre une véranda dont l'auvent est
soutenu par des pylônes en béton. Les deux
extrémités du bâtiment sont en demi-cercle. Le projet
d'aménagement d'après indépendance (voir annexe n°5)
qui augmentait la superficie du joyau à 80.60m2, était
conçu le 17 février 1966 pour être réalisé
à la valeur approximative de 1 600 000 francs2. une
allée ouverte longe le bâtiment, elle est ouverte comme une
galerie ou bien comme un passage piétonnier. La véranda est
circulaire et comporte de larges et hautes ouvertures verticales. Les bureaux
sont grands (Signe de confort et de désir de ventilation). Les murs sont
hauts.
1 Entretien avec Jacques
Tiofack le 24 mars 2014 à Dschang
Quant à la résidence du Chef de
région, aujourd'hui résidence du préfet de la Menoua, elle
aussi est de forme rectangulaire, sans pylônes en béton, les
fenêtres sont
48
Photo 4: Fort allemand de Dschang construit en 1907 (a
g.) et la résidence du Chef de région (à
d.)
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang
La 1ere photo est Le fort allemand, cette
construction est solide, vu le matériau utilisé (briquettes). La
seconde photo a été progressivement le lieu de service du Chef de
district allemand, ensuite du Chef de la circonscription, puis du Chef de
région et enfin du préfet.
Photo 5: La sous-préfecture actuelle (a g.), et
la résidence du préfet (à d.)
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
On remarque qu'il y a un ajout bien visible sur la photo
n° 1, celui de l'auvent désormais aligné sur le
1er auvent fait en arc de cercle à l'origine. La
dernière photo est la résidence de ceux qui, à chaque
fois, occupaient le bâtiment représenté sur la photo
n°1. Ces trois bâtiments sont
l'oeuvre des Allemands et ont été remis en
forme par les Français et l'administration postcoloniale.
Les tôles en aluminium ont une couverture en formes
complexes (arrondies à plusieurs pentes et à deux pentes
rectangulaires).
49
assez larges pour une bonne ventilation, les
tôles en aluminium forment une toiture assez brute.
Le bâtiment comme la dépendance
principale est de forme rectangulaire. Les deux sont liés par une
muraille bétonnée. Le bâtiment principal est une
construction allemande et les matériaux de construction utilisés
sont des briques de terre cuite. Une profonde véranda, couverte par les
tôles en aluminium, longe le long de la façade principale. La
toiture se présente en plusieurs formes géométriques sur
trois flancs donc à l'avant, une excroissance de forme conique (souci
d'allier à l'architecture européenne l'architecture
traditionnelle). Une fenêtre qui semble aérer le plafond, une
excroissance à quatre faces. L'ensemble des toitures a été
exécuté en quatre faces raides. Les portes sont hautes et larges,
les fenêtres à l'horizontale grandes avec un battant en bois et un
double battant vitré. De toute évidence, les tôles datent
de l'époque coloniale à l'exception de celles qui recouvrent la
véranda. Celle-ci est protégée par un demi-mur
surmonté de barres de fer. Elle est accessible par un large escalier de
plusieurs marches. L'ensemble de l'immeuble repose sur une fondation en pierre
surélevée de prés de 30 à 50 cm du sol
ferme.
Lieu de commandement depuis la première
conquête allemande. L'actuel lieu de service du Sous-préfet a
été tour à tour, lieu de service du Chef du Bezirk
(19071914), du Chef de la circonscription, du Chef de région et du
préfet du département. La véranda servait de tribune
officielle lors des cérémonies et manifestations publiques
marquant les fêtes de la métropole qui se
célébraient aussi dans les colonies (fête du 14 juillet par
exemple). Aussi, cette infrastructure aura fortement marquée les esprits
pour avoir abriter les réunions ayant eu des conséquences sur le
plan international. A titre illustratif, c'est dans ce lieu1 que le
23 aout 1920, les Délégués de la France, M. Fournier, et
de la Grande Bretagne, M. Dondass se rencontrent pour déterminer la
nouvelle frontière entre le Cameroun français et le Cameroun
britannique.
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
50
De sources concordantes, Ce bâtiment fait partie
du fort construit par les Allemands lors de leur installation à Dschang
en 19121. Il a été épargné de la
destruction par les forces alliées française et britannique et a
subi visiblement des ajouts successifs, comme la véranda en 1963 (voir
le projet d'aménagement de ce bâtiment en annexe n°6).
Maurice Delauney, le plus redoutable des Chefs de région
Bamiléké, a occupé ces locaux de juin 1956 à
décembre 1958 dans le but de casser la rébellion en région
Bamiléké2.
La résidence actuelle du préfet a de
tout temps été le lieu d'habitation de la plus haute
autorité vivant dans la ville. Elle appartenait au Chef de district
(Bezirk) allemand de 1907 à 1914, au "District Officer"
anglais3 de 1915 à 1921. Sous administration
française, elle était réservée au Chef de
Circonscription de Dschang de 1921 à 1934 et au Chef de la région
bamiléké de 1934 à 1960. Enfin au Préfet depuis les
indépendances.
Rappelons que la majorité des bâtiments
allemands se trouvait dans le fort. Comme le souligne avec justesse Lemegne :
« on y remarque un ensemble de cases aux toits couverts de nattes, le tout
logé dans une barrière en béton. Ce qui marque un souci de
sécurité dans cette période où les populations
manifestent de temps en temps leur hostilité à l'égard des
hommes qu'ils considèrent comme des
assaillants.4».
Ces bâtiments sont régulièrement
entretenus parce qu'ils continuent à faire office d'édifice
publics fonctionnels. Les tôles sont visiblement attaquées par la
rouillle.
1 Entretien avec Jeannette
Manelie le 04 avril 2014 à son domicile à Keleng.
2 Thomas Deltombe et al.
Kamerun ! Une guerre cachée aux origines...p234.
3 Jean Marie Tchinda, «
Grandeur, décadence et renaissance...p.34
4 Lemegne, « La Mission
Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de
DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003,
p.10.
51
2. Le Palais de justice
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : Administratif
Exécutant : non connu
Année d'exécution : vers
1953-1955
Matériaux : Tuiles en argile ; bois ; béton
; ciment ; vitres ; pierres.
Nombre de niveaux : rez-de-chaussée
Nombre de bâtiment : 01 en forme de T
Photo 6: Le palais de justice construit vers
1955
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Ce bâtiment, en forme d'un (T) avec des portes
et fenêtres en bois, vitrées et larges, le toit en tuile :
caractéristiques de l'architecture française, a été
construit dans les années 50 et a d'abord servi comme le Tribunal de
Grande Instance.
La fondation a été faite en pierre. Ce
palais a servi successivement de cour d'appel et de tribune coutumière.
Il est construit en forme de (T) ou croix aux toitures en tuiles. Chaque aile a
une toiture en trois pentes qui se rejoignent pour former l'unicité
à la base de chaque charpente de toiture. A l'endroit de la partie
comportant la salle d'audiences, il y a une forme arrondie; les grilles de fer
aux fenêtres en bois sont certainement un ajout.
La partie verticale du bâtiment qui abrite les
bureaux a, en son milieu, une esplanade-véranda ouverte au public. La
salle des audiences jouxte à équidistance les deux ailes du
bâtiment pour former un bloc compact. Il comporte à son alentour
une
52
véranda donc la soupente est soutenue par des
colonnades en béton. Les portes en bois sont larges et s'ouvrent sur des
escaliers elles-aussi larges de forme semi-circulaire. L'entrée
principale (il y a environ 4 entrées) de la salle d'audiences est
ornée de part et d'autre de deux piliers de bois sculptés d'une
hauteur d'environ 2m.
Ce bâtiment construit dans les années
1953-1955 répond à la nécessité de doter la ville
de Dschang et la région Bamiléké d'un lieu de travail
servant aussi de Tribunal de Première Instance (après
transformation de la justice de paix en tribunal), de Grande Instance, de
Tribunal Coutumier et de cour d'appel. Il a même servit de cour
criminelle. Le dernier magistrat de haut grade de l'époque coloniale
officiant en ce lieu juste avant les indépendances, était
antillais1. La cour d'appel a été
transférée dans les années 1961 à Bafoussam. Cette
infrastructure a accueilli un nombre important d'homme de justice à
l'instar de François Mitterrand qui deviendra plus tard Président
de la République française2.
3. Gendarmerie nationale
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : Administratif
Exécutant : non connu
Année d'exécution : vers 1949
Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en
béton ; ciment ; vitres ; pierres.
Nombre de niveaux : rez-de-chaussée
Nombre de bâtiment : 01
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
2 Entretien avec Jean Claude
Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
53
Photo 7: Façade avant du Bâtiment
principal de la gendarmerie
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
On peut voir sur cette photo l'imposant bâtiment
de la Gendarmerie, signe de son importance pour le maintien de la paix pendant
la colonisation et surtout pendant les moments troubles de la revendication
d'indépendance.
Photo 8 : Façade arrière Bâtiment
principal de la gendarmerie
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Sur cette photo, on peut observer, au milieu, le clocher
qui permettait de regrouper les commandos à partir d'un
signal.
54
Photo 9 : Le quartier des fonctionnaires
gendarmes
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
le quartier des fonctionnaires gendarmes, construit au
voisinage de leur lieu de service, les permet d'être disponible
permanemment.
Dans son Mémoire de Maîtrise, Michel
Simeu Kamdem remarque que le siège de la Gendarmerie a été
créé à Dschang à partir de 19491. Cette
correspondance du 04 juin 1949 du Capitaine Bocchino, qui était à
l'époque Commandant du détachement de la Gendarmerie du Cameroun,
de la police et la garde camerounaises à Monsieur le Chef de la
région bamiléké à Dschang, le confirme
:
..j'ai l'honneur de vous demander l'attribution au
détachement de gendarmerie et la garde camerounaise des locaux et
terrains suivants :
1. Local de la subdivision actuelle qui sera
destiné au bureau de la brigade
2. Le terrain situé entre la subdivision actuelle
et la route de la mission et sur une longueur de 200 m.
Ce terrain serait destiné à recevoir les
deux logements des gendarmes, le tout (bureau de brigade et logement)
formeraient ainsi avec à proximité le camp des gardes, le centre
des forces de maintien de l'ordre2.
C'est donc certainement à partir des
années 1950 que l'escadron blindé appelé Gendarmerie de
nos jours est construite à Dschang, car elle devait être
financée par les fonds FIDES, votés par la France à partir
de 1947 pour la mise en valeur des colonies (voir en annexe n°3 la carte
du terrain attribué à la gendarmerie nationale par
arrêté n°4014 du 7 aout 1953). Cette structure était
le lieu à partir duquel l'ordre partait en direction des commandos. Le
clocher est ce qui permettait à Kenzel, un des
1 Michel Simeu Kamdem, «
La ville de Dschang, Etude..p.25.
2 ARO 1AC 172/0 PV
Gendarmerie, Accidents et altercation, juin 1949
55
Chefs de la subdivision de Dschang, de regrouper
l'armée à partir d'un signal1. Cet escadron
blindé a joué un rôle très déterminant dans
la cassure du mouvement nationaliste camerounais dans la région
Bamiléké à la fin des années 1950 et pendant les
années 60, années dites de maquis2. D'ailleurs, le 12
novembre 1957, face à la multitude des attaques, P. Messmer
réquisitionne deux compagnies d'un bataillon d'infanterie de marine pour
le pays Bamiléké et renforce l'escadron de gendarmerie de Dschang
dirigé par Georges Maîtrier jusqu'en 1958 suivi de Gabriel
ITaulin.3
Titus Ebanda Menduga nous fait remarquer que : «
La mobilité des agents de l'Etat étant une règle
fondamentale, la décision fut prise, pendant la tutelle
française, de créer des camps de fonctionnaires de manière
à offrir à tout agent affecté sur le territoire national
une habitation pour lui et sa famille4»
Tel que vu sur les photos ci-dessus, ces logements
concentrés permettaient de loger les fonctionnaires pour que ceux-ci
soient plus proches de leur lieu de service. Cette manière de faire
témoigne de la volonté de l'administration coloniale de mettre
à la disposition du fonctionnaire tout ce dont il a besoin pour
s'épanouir afin de produire de bons rendements. Cette information est
justifiable à l'hôpital de Dschang, à la Station de
Quinquina, à l'Aviation, au centre administratif...
4. Le Commissariat central
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : Administratif
Exécutant : non connu
Année d'exécution : vers 1947
Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en
béton ; ciment ; vitres ; pierres.
Nombre de niveaux : rez-de-chaussée
1 Entretien avec Norbert
Yefoue le 17 juin 2014 à son domicile.
2 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile.
3 Thomas Deltombe et al,
Kamerun ! Une guerre cachée aux...p236.
4 Titus Ebanda Menduga
« Construction en terre de l'époque allemande à nos jours,
survol des expériences camerounaises depuis le 19e
siècle », in Wolfgang Lauber (ed), Architecture allemande au
Cameroun 1884-1914, Stuttgart, Edition Karl Krämer, 1988,
p148.
56
Nombre de bâtiment : 01
Photo 10: Le Commissariat central de
Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Cet imposant bâtiment abritant le Commissariat
central de Dschang joue un rôle considérable dans le maintien de
la paix et la sécurité dans la ville. On peut observer sur cette
photo, un nombre important d'engins leur permettant d'assurer ce
rôle.
La fondation rectangulaire et en pierre est assez
élevée. L'entrée principale est constituée par un
long couloir fait en béton armé. Les fenêtres en bois ne
sont pas très larges. La toiture en aluminium est à quatre
pentes.
Photo 11: Une séance de jugement dans l'ancien
palais de justice aujourd'hui Commissariat central
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang
On peut remarquer sur la photo une séance de
jugement à l'intérieur de l'actuel commissariat qui fut d'abord
le palais de justice. On se rend compte que c'est un indigène qui est
interrogé. Le fond de cette salle a été fragmenté
en différents bureaux du commissariat.
57
Ce bâtiment, dès sa construction, a
d'abord servi comme palais de justice avant de devenir commissariat. Il
était désigné à cette époque Tribunal de
paix. « Etant le palais de justice, il n'y avait pas de chambre à
l'intérieur, c'est plus tard qu'on l'a fractionné en faisant
ressortir les bureaux, le transformant ainsi en commissariat
central1 » déclare Fodje Luc.
5. L'Aviation de Dschang
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : Administratif
Exécutant : non connu
Année d'exécution : vers 1950
Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en
béton ; ciment ; vitres ; pierres.
Nombre de niveaux : rez-de-chaussée
Nombre de bâtiment : 01 et une tour
Etat : non fonctionnel
Les infrastructures de l'Aviation de Dschang peuvent
être regroupées en trois catégories. La première est
la tour de contrôle qui, construite sur environ deux mètres
carrés, avait au dessus d'elle une girouette qui indiquait la direction
du vent et une étoffe flottante à couleur vive, visible par le
pilote en plein vol. Celle-ci permettait aux responsables de guider les avions
qui décollaient ou qui atterrissaient2. Elle a
été faite en béton avec de longs escaliers qui contournent
deux côtés du bâtiment et permettent d'arriver au-dessus,
car celui-ci est en étage. Cette tour comporte deux portes et trois
fenêtres toutes faites en bois. Elle est placée à
côté de la piste d'atterrissage, laquelle piste, assez large,
s'allonge vers le quartier Keleng. Elle est juste à quelques
mètres du Campus A de l'Université de Dschang. Cette piste sert
actuellement d'espace de formation pratique pour les établissements de
conduite automobile dans la ville.
1 Entretien avec Luc Fodje le
18 mars 2014 à son domicile.
2 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
58
Photo 12: La piste d'atterrissage de l'Aviation de
Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Sur cette photo, la tour se trouve à
l'extrême droite et le reste est la piste d'atterrissage des avions qui
s'allonge vers le quartier Keleng. Cette piste sert actuellement d'entrainement
pour les établissements de conduite automobile.
Photo 13: La tour de contrôle
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
59
Photo 14: La résidence du Chef de
l'Aviation
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Depuis l'arrêt du fonctionnement de cette
infrastructure de transport, on peut constater sur ces photos que les
bâtiments sont en détérioration avancée surtout la
résidence du Chef de l'Aviation
Photo 15: Le quartier des fonctionnaires de l'Aviation de
Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Dans ce quartier des fonctionnaires vivent les
particuliers à l'intérieur. ce sont les qui
La seconde est la résidence du Chef de
l'Aviation placée à environ huit mètres de la tour. Elle
est modeste et a été certainement fait en briques de terre avant
d'être crépie. Elle a quatre chambres et un salon assez spacieux.
La toiture a deux pentes. Il y a une chambre dehors collée sur le
batiment principal. Les portes et les fenêtres ont des cadres en bois et
en vitres.Enfin, nous avons le quartier des fonctionnaires travaillant à
l'Aviation, situé en bas de la tour.
60
Il est apparu dès 1950 que l'équipement
d'un certain nombre d'aérodromes du Cameroun permettrait de
remédier provisoirement à l'insuffisance du réseau
routier, d'exécution plus longue et plus onéreuse. Le document de
la direction des travaux publics et des transports1 fait un
classement des aérodromes en trois catégories. D'abord, la
première catégorie est appelée "aérodrome
principal" ou "primaire" qui est destiné à recevoir en toute
saison des aéronefs. Les exemples sont Yaoundé, Garoua, Kribi
etc. Ensuite, la seconde catégorie se nomme "aérodrome
secondaire" dont les caractéristiques permettent l'accès
d'appareils de la première catégorie à certains moments de
l'année avec quelques restrictions (portance du sol, protection radio).
Kaelé, Yagoua et Bertoua en sont quelques exemples. Et les
"aérodromes tertiaires" constituent la dernière catégorie
et sont utilisables comme terrain de secours en cas de panne ou d'accident,
permettant ainsi la récupération des appareils.
D'après cette classification, l'Aviation de
Dschang n'est mentionnée nulle part. Cependant, Ombotte Arlette affirme
que Dschang fait partie des 13 aéroports nationaux que compte le
Cameroun pouvant accueillir des HS 7482.
Utilisée au départ par les
Européens, l'Aviation de Dschang était un moyen très
important pour les touristes blancs qui venaient pour séjourner au
Centre Climatique chaque semaine3.
6. La prison de Dschang
Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUH) Type de
bâtiment : Administratif Exécutant : non connu
1 Direction des travaux
publics et des transports, Tour d'horizon travaux publics, septembre
1955, p.115-116.
2 Arlette véronique
Ombotte « Tourisme et sauvegarde de l'environnement socioculturel
camerounais », Diplôme supérieur en Tourisme, Institut
supérieur international du tourisme de Tanger, 1999-2001,
p.58.
3 Entretien avec Louis
Ngadjeu le 15 mars 2014 au Marché "A" de Dschang.
61
Année d'exécution : vers 1947
Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en
béton ; ciment ; pierres. Nombre de niveaux :
rez-de-chaussée
Nombre de bâtiment : 01
Photo 16: La prison de Dschang vue de face a g. et vue de
dessus a d. Vue de face
Vue de dessus
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
La face principale est faite en briques cuites, preuve
que c'est une construction allemande et l'autre photo montre plutôt des
briques de terre, signe que le bâtiment a connu plusieurs
réaménagements depuis sa création jusqu'à
présent pour essayer de contenir les prisonniers.
Construite par les Allemands, la prison de Dschang a
connu des modifications en vue de l'augmentation des cellules pendant la
période française. Le rapport du 4e trimestre de 1926 sur les
bâtiments nous fait savoir que « la maçonnerie et la
couverture de la prison sont achevées, mais il y a manque de tôles
faîtières (100
62
unités) et de ciment (20 barils) pour achever
le bâtiment1 ». Ces travaux se sont achevés en
1927 et actuellement cette prison est étouffante pour les prisonniers ;
car à l'origine, elle était conçue pour le petit nombre de
prisonniers de cette époque. Le nombre a doublé, voire
triplé maintenant2. Cette situation se confirme d'ailleurs
par Edmond Rostand Nsheuko qui écrit dans son mémoire de
Maîtrise que :
la prison principale de Dschang a un aspect
caractéristique des maisons héritées de la colonisation.
Elle présente un état de délabrement avancé. La
population carcérale assez élevée de cette prison pose un
problème assez sérieux face à la vétusté et
à l'insuffisance des bâtiments et des équipements. C'est
ainsi que les détenus entassés par dizaines dans les cellules,
sont parfois obligés de se serrer dans des lits de qualité
déplorable ou de dormir à même le sol... La prison
principale de Dschang compte environ 300 détenus pour près d'une
quinzaine de gardiens... le bâtiment d'extension de la prison, construit
il y a une quinzaine d'années, sert actuellement de quartier pour les
mineurs. Mais ces derniers dont le nombre dépasse difficilement une
dizaine passent, la plus grande partie de leurs journées avec les
adultes.3
Cette citation fait aussi ressortir qu'il y a eu
l'extension de la prison il y a une quinzaine d'années. Ceci
témoigne de la volonté de l'administration actuelle de mettre les
prisonniers dans de bonnes conditions, mais nous pouvons dire que,
jusqu'à présent, ces efforts sont insuffisants.
Sous l'occupation allemande, les prisonniers, à
leur libération, devaient rembourser les frais consentis par l'Etat pour
leur entretien. Celui qui ne pouvait pas payer en espèces avait la
possibilité, soit de s'engager dans les plantations européennes
pour payer, soit d'apporter des vivres d'une valeur équivalente à
la somme due4.
Les photos de la prison vues plus haut montrent
qu'effectivement il y a eu beaucoup d'aménagements de celle-ci à
travers les différences au niveau des murs, tantôt en briques
cuites, tantôt crépis, tantôt en briques de terre. A titre
illustratif, voici le contenu d'une correspondance datant du 20 juillet 1956 du
Chef de la
1 ARO 1AC 74/0 Rapport
Trimestriel, 4e trimestre, Tableau 7, 1926.
2 Entretien avec Louis
Ngadjeu le 15 mars 2014 au marché "A" de Dschang
3 Edmond Rostand Nsheuko,
« L'influence du milieu criminogène sur la personnalité du
délinquant: L'exemple de la ville de Dschang », Maitrise en droit
et carrières judiciaires, Université de Dschang, 1998, in
www.Memoireonline.com,
consulté le 12 Mars 2014 à 15h
4 Monique
Guimfacq, Foto, Un grand royaume...p.76.
63
Subdivision de Dschang au Chef de la Région
Bamiléké au sujet de l'allocation de crédits pour
l'emménagement de la prison de Dschang :
Les incidents qui ont eu lieu le mois dernier à
la prison de Dschang ont mis en évidence l'insuffisance des
aménagements de cette prison au cours de ces incidents. Les prisonniers,
profitant de ce que la cuisine se trouve à l'intérieur de la
prison . . .ont pu s'emparant des instruments de cuisine et du bois de
chauffage, se rendre maîtres de la prison. . .et sortir librement. . .la
sécurité de la prison ne sera assurée que lorsqu'on aura
transféré à l'extérieur la cuisine et le parloir,
électrifié les locaux et clos la prison. Ces aménagements
augmenteraient du même coup la capacité de la prison qui,
conçue pour loger 100
prisonniers, en abrite en permanence de 150 à
180. Les crédits nécessaires seraient de 500 000
Francs1.
Donc, ancienne maison d'arrêt construite par les
Allemands, la prison de Dschang prend le nom de prison civile de Dschang en
1927, année officielle de sa transformation par l'administration
française2. Cette prison n'arrivait plus à contenir
tous les prisonniers à cause de la situation politique
délétère. En effet, en juin 1958, elle comptait trois
cents « terroristes » qui attendaient encore leur
jugement3.
7. La station météo
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUH)
Type de bâtiment : Administratif
Exécutant : non connu
Année d'exécution : vers 1950
Matériaux : aluminium ; bois ; béton ;
ciment ; pierres.
Nombre de niveaux : rez-de-chaussée
Nombre de bâtiment : 02
1 Archives de la
Préfecture de la Menoua
2 Guy Roger Voufo, «
Les pouvoirs publics camerounais et la santé des détenus ; le cas
des prisons de Dschang et de Mantoum 1960-1992 », Mémoire de Master
en Histoire, Université de Dschang, 2009-2010, p.25.
3 Thomas Deltombe et al,
Kamerun ! Une guerre cachée aux...p238.
64
Photo 17: La résidence du Chef de la station
météo La résidence du Chef de la station
météo
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Photo 18 : Un des éléments qui se trouve
dans la station météo
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
On peut observer ici, les différentes
installations sur le toit du bâtiment (photo à gauche) et sur la
photo à droite qui permettaient de connaitre la
météorologie qui règne dans la ville de
Dschang.
La station météo est située en
face du stade du CENAJES. Sur le site se trouvent, deux maisons. La
première, plus grande, est certainement le logement et la plus petite le
magasin. Dans la cour de ces deux maisons se trouve l'atelier à partir
duquel les observations sont faites1. C'est certainement à
partir de cette station
1 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
1 Direction des travaux
publics et des transports, Tour d'horizon travaux publics, Septembre
1955, p.182.
65
qu'on a donné le nom de l'hôtel place de
la Météo qui se trouve juste en bas de cette station.
La station météo a été
construite dans les années 1950. Elle permettait à
l'administration d'étudier la pluviométrie et les conditions
thermiques. Afin de pouvoir maîtriser les saisons et au delà
réussir la mise en valeur des terres de la circonscription
administrative de Dschang. D'autre part, elle permettait de réussir
l'utilisation de l'espace atmosphérique ou aérien de Dschang.
D'après le document de la direction des travaux publics et des
transports, « C'est un type de station d'observation au sol, comprenant
logements, dépendances, magasin, a été
réceptionnée le 25 janvier 1956, exécuté par
l'entreprise Jalabert aux coûts de deux millions de
francs1».
Elle est actuellement entretenue, du moins les maisons
d'habitation du responsable de cette structure. Seulement, l'atelier de travail
depuis les indépendances n'a pas, apparemment jusqu'à
présent, été rénové. On a presque toujours
les mêmes appareils.
Force est de constater que les vestiges coloniaux
à usage politico-administratif sont assez nombreux dans la ville de
Dschang. La plupart est dans un état de détérioration
avancé. A côté de ces vestiges à usage
politico-administratif, il existe une autre catégorie de vestiges que
nous nommons vestiges coloniaux à usage économique.
II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE ECONOMIQUE
Les vestiges coloniaux à usage
économique sont ceux qui ont joué un rôle on ne peut plus
important dans la vie économique de la ville de Dschang pendant la
colonisation et même après les indépendances. L'objectif
étant d'assurer l'exploitation des populations indigènes à
travers le pillage de leurs ressources. Nous allons traiter ici tour à
tour de la régie de production d'électricité, de la
station quinquina, de l'Usine de café, etc.
66
1. La régie de production
d'électricité
Selon le Grand Usuel Larousse, la régie est un
mode de gestion d'un service public, on en distingue deux types à savoir
la régie directe (assurée exclusivement par des agents
nommés par l'autorité) et la régie
intéressée (assurée par une personne physique ou morale
n'en supportant pas les risques mais intéressée au
résultat de l'exploitation)1. Traiter de la régie de
production d'électricité de Dschang revient à
décrire une chaine composée de trois éléments
essentiels à savoir le lac municipal donc le Musée des
civilisations du Cameroun a été construit sur ses berges, le
barrage de retenue d'eau situé derrière la prison de Dschang et
alimenté par le lac municipal et enfin la régie elle-même
située en contrebas en allant vers le marché "tsengfem". Cette
régie est l'installation à partir d'où l'énergie
électrique est distribuée dans la ville.
Photo 19: Barrage de retenue d'eau situé
derrière la prison de Dschang
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Ce barrage, tel que vu sur la photo n°2 ne sert
plus à rien et a donc été envahie par les herbes.
Certainement parce que les objets solides ont bouché les tuyaux qui
faisaient passer de l'eau sous le barrage et aussi parce que la turbine a
été enlevée.
Le lac municipal de Dschang est encadré par
deux axes routiers : la route principale Dschang-Bafoussam entièrement
bitumée et celle reliant Dschang à Fokoué encore en terre.
Il s'agit d'un lac artificiel dont l'utilisation et la gestion sont
1 Grand Usuel Larousse,
Dictionnaire encyclopédique, Paris, Larousse, Vol 5, p.6240.
67
passées par plusieurs
étapes1. Ce lac se caractérise ainsi qu'il suit : Sa
superficie est estimée à 13.5 hectares, sa profondeur d'environ 5
m et son débit est évalué à environ 154 litres par
seconde2.
Il existait à Dschang un petit barrage remis en
état en 1940 et alimentant une turbine de 35 kW. Selon le rapport de
présentation (voir ce rapport en annexe n°8) relatif au
marché avec la société Meunier et Cie pour
l'exécution des travaux d'électrification de la ville de Dschang
signé par le Directeur des travaux publics et des transports le 14
décembre 1949, le projet d'électrification (construction d'une
centrale électrique et d'un réseau de distribution publique
d'électricité à Dschang) devait couter 33 322 974 franc
CFA imputable au budget spécial du plan3. Le barrage a connu
effectivement des aménagements en 1950 comme l'atteste cette
correspondance du Directeur des travaux publics datant du 19 juillet 1950 au
Préfet :
je vous remercie d'être intervenu près de
l'entreprise chargée de l'installation du réseau de distribution
électrique de Dschang. Les différents réseaux du
territoire étant du 110-220 v permettraient aux usagers de conserver
leurs installations ménagères...le plan général du
réseau date de deux ans. Il est nécessaire d'y ajouter le circuit
de basse tension qui desservira les nouveaux logements et le centre
d'éducation physique en construction4
Par arrêté n°124 du 28 janvier 1954,
l'exploitation de l'électricité de Dschang a été
confiée en régie directe au service des travaux publics ; alors
que le prix de revient du kilowatt se situait entre 9 et 10
francs5.
Selon le document de direction des travaux publics et
des transports6 de septembre 1955, les installations
réalisées cette année comprenaient une centrale
hydroélectrique sous 68 m de chute, équipée de deux
turbines de 165 KVA chacune, dont 260 kw de puissance totale installée
et un réseau de distribution constitué par :
1 Julien Etoundi Elomo,
« le bassin-versant du lac municipal de Dschang : atouts et contraintes
d'aménagement touristique », Mémoire DIPES II en
Géographie, ENS Yaoundé, 2001, p 56.
2 Ibid. p.56.
3Archives de la
préfecture de Dschang
4 AC 266/0, préfecture
de Dschang, correspondance du 19 juillet 1950
5 Direction des travaux
publics et des transports, tour d'horizon travaux publics, septembre 1955,
p.102.
6 Ibid. p.102.
68
- Réseau haute tension....3.5 km - Réseau
basse tension....8.5 km - Trois postes de transformation
p
Photo 20: Régie de production
d'électricité
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Les installations et des poteaux électriques qui
sont tout autour de ce bâtiment témoignent de son rôle
actuel dans la distribution de l'énergie électrique à
Dschang.
Cette centrale ne fonctionnait pas sans
difficultés, un certain nombre de problèmes techniques se
posaient notamment au niveau de la distribution et à celui de la
production.
Au niveau de la distribution, la puissance de
distribution avait atteint 100 kw et risquait de croître rapidement avec
l'extension du réseau, d'une part sur la route de N'kongsamba ; et
d'autre part vers la mission catholique.
Quant à la production, le même
document1 affirme que par suite d'une sécheresse
prolongée en février-mars dernier, la "Dschang water" alimentant
la centrale, en a fait un débit d'étiage (110 litres par seconde)
inférieur à celui ayant servi de base aux études (120
litres par seconde).
Le lac municipal de Dschang aurait été
crée en 1953 par la "compagnie française
d'électricité" pour pallier à ce problème. Il
était alors destiné à la production de l'énergie
hydroélectrique pouvant alimenter la ville. Au départ, seul un
petit
1 Direction des travaux
publics et des transports... p.102.
69
barrage situé plus en bas faisait tourner deux
turbines produisant ainsi l'énergie électrique pour la mini
centrale de Dschang.
L'exercice 1954 qui ne portait que sur les onze
derniers mois avait permis d'enregistrer les résultats suivants
:
Energie produite : 139 941 kwh
Energie vendue : 103 102 kwh
Rendement du réseau : 73.5%
Puissance maximale de pointe : 82 kwh
Le compte d'exploitation était
arrêté à 4 853 452 francs en recettes et 4
921924
francs en dépenses1 ; soit un
déficit de 68 472 francs.
On constate que la quantité d'énergie
vendue est inférieure à celle produite parce que certaines
structures publiques ne payaient pas ou payaient moins cher leur consommation
à l'instar du Centre Climatique, du Centre d'Education
Physique...2
2. L'entrée du marché "A"
Propriétaire : Commune de Dschang
Usage : administratif/commercial /
touristique
Site : Centre urbain de la ville
Exécutant : non connu
Année d'exécution : entre 1940 et 1950,
mais a connu une importante
innovation et transformation entre 1950 et
1958
Matériaux utilisés : briquettes de terre
cuite, béton, pierre, bois, tôles en
aluminium, bambou de raphia, chaume, chaux
colorée, peinture à eau, vitre
Niveau : rez-de-chaussée
Nombre de bâtiments : c'est un corps de
bâtiment en longueur comportant à l'origine deux espaces
fermés et des stands d'exposition ouvertes face rue
principale
1 Ibid. p.104.
2 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
70
en forme de galerie et à son arrière,
à l'origine, il y avait une esplanade qui aujourd'hui a
été détruite et reconstruite en une multitude de
boutiques.
Photo 21: L'entrée du marché "A" de
Dschang
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang
Des poteaux en bétons soutiennent les toits
coniques faits en paille déposés sur un enchainement de Bambou
attaché, très visible lors de la réfection (photo
n°2). L'affluence des populations en ce lieu signifie que c'est un jour de
marché (Photo n°1)
Le bâtiment est constitué en son centre
de trois cases dont celle du milieu, circulaire est ouverte et tient lieu de
porche d'entrée à l'image des porches d'entrée des
Chefferies traditionnelles. Elle est construite sur des poteaux en béton
sur lesquels repose un toit conique. Grâce à sa hauteur, elle
domine les deux cases carrées fermées situées de part et
d'autre d'elle. Ces dernières cases supportent aussi des toits coniques
avec une toiture en chaume posée (pour, semble-t-il, des raisons de
sécurité et de durabilité) sur de la toile en aluminium
tressée de tiges de bambous-raphia. Ces trois cases dominent par la
hauteur de leurs toits coniques, le reste de la structure. De part et d'autres
de ces trois entrées s'allongent deux galeries fermées par un mur
à leur arrière, aujourd'hui uniquement ouvertes à
l'avant1 avec un toit en tôle ondulée soutenue à
équidistance par des poteaux. Le toit vraisemblablement devait
être à l'origine recouvert de chaume entrelacé dans un
treble de bambous
1 La fermeture par un mur
date de la période post-indépendante
71
raphia posés sur la tôle1.
Cette technique traditionnelle qui consiste à couvrir le toit par le
chaume soigneusement tissée entre elle et les bambous était dans
les années 50 l'oeuvre d'un certain Sonhafouo originaire de Bangang venu
à Dschang spécialement pour ce travail.2 Les escaliers
qui permettent de passer sous les trois toits coniques afin d'entrer dans le
marché sont l'oeuvre de l'européen
Marineau3.
La galerie est ouverte sur la rue et devaient servir
de lieu d'exposition par les artistes et artisans d'art. Elle est
prolongée aux deux extrémités par deux cases. L'une qui
abrite les bureaux de l'office de tourisme de Dschang devait servir de bureaux
au responsable le plus important du marché. En effet, non seulement elle
contient un bureau que jouxte à l'intérieur une toilette mais, en
plus, sa porte d'entrée monumentale, en bois dur était finement
sculptée et il y avait une salle devant servir, soit de
secrétariat, soit de hall d'attente. Hélas, lors de
l'aménagement de ce bureau aux fins de servir d'office du
tourisme4, comme par hérésie ou par ignorance, ce
joyau, qui en lui-même était témoin chargé de
l'histoire de l'artisanat et d'art d'au moins les cinquante dernières
années à Dschang, a été enlevé et
remplacé par une double porte en fer et la seconde vitrée. La
seconde case, située à l'autre bout a longtemps servi d'atelier
de création au défunt artiste plasticien Pop Namara5.
Enfin, des artistes peintres ont transformé le mur arrière en
espace où ils ont peints (ou écrits leur nom) en grandeur nature
les personnages les plus en vue de la scène publique de Dschang à
l'instar de M. Panka Paul.
Ce bâtiment probablement construit dans les
années 1950 est symbolique en ce sens que son architecture même
est calquée sur celle des porches des Chefferies traditionnelles
bamiléké. Cette architecture qui symbolise la force, la
puissance, la pérennité, l'union d'un peuple, est en même
temps symbole de prestige, de richesse, mais aussi de sécurité et
de justice6. L'administration coloniale ne s'y est pas
trompée
1 Entretien avec Louis
Ngadjeu le 15 mars 2014 au Marché « A » de Dschang
2 Entretien avec Mathias
Koutio le 17 Juin 2014 à son domicile
3 Entretien avec Norbert
Yefoue le 17 Juin 2014 à son domicile
4 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
5 Idem
6 Idem
72
dans son désir de frapper l'imaginaire
populaire, même si la visée de développement touristique
n'était pas loin. De même, il s'est agit d'imposer ce lieu comme
le véritable centre d'une cité urbaine en plein essor. Au plan
stratégique, il ne faut pas oublier que ce fameux marché "A"
était occupé par des maisons commerciales ou la succursale des
maisons européennes qui avaient le monopole de la vente des produits
manufacturés1. Face à cette entrée, autour de
la place s'alignaient, les maisons commerciales, les banques, l'unique
pharmacie de la cité, etc... Les commerçants locaux
étaient au versant du marché "B" qui est la suite du
marché indigène.
En choisissant ce symbole de la Chefferie comme
entrée du marché, l'administration coloniale avait réussi
à utiliser allègrement les représentations symboliques du
pouvoir indigène pour marquer sa propre domination. La preuve se trouve
dans le regard jeté sur la liste des produits vendus à cet
endroit pendant la colonisation à savoir : produits manufacturés,
charcuterie, lait, épicerie fine, produits maraîchers non
consommés par les locaux, vins, etc2.
En observant ce bâtiment, on se rend compte
qu'il a subi au fil des temps quelques transformations qui n'ont pas
modifié profondément sa structure. Nous pensons ici au mur qui a
été élevé à l'intérieur même de
celui-ci. C'est aussi un exemple typique de mélange des architectures
occidentale (française précisément) et traditionnelle
Bamiléké.
3. Le Secteur de Modernisation des Cultures d'Altitude
(SEMCA)
Ancien Jardin d'essais créé en 1908 par
l'administration allemande, la Station expérimentale de Dschang
s'était, après la Première Guerre Mondiale,
orientée vers la caféiculture. Les nouveaux responsables avaient,
en particulier, procédé à l'introduction de diverses
espèces de Coffea : C. robusta, C. exselsa, C. dewevrei, C. liberica,
etc., avec toutefois, une primauté accordée au Coffea arabica.
Puis en 1928, avec les premières plantations, la station avait
délibérément opté pour les arbres
à
1 Entretien avec Joseph Lecoq
Fouellefack le 15 mars 2014 dans son bureau
2 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
73
quinquina et commencé leur sélection
à grande échelle en 19341. L'arrêté du 21
mai 1942 en avait fait la Station expérimentale du quinquina, la
production de la quinine antipaludéenne étant alors de
première importance.
Après la Seconde Guerre Mondiale, l'ancien
Jardin d'essais de Dschang2 s'agrandit encore, jusqu'à
opérer en cinq pôles d'activités. Parmi ces derniers, ceux
de Dschang et de Bansoa furent les plus importants. La Station de Dschang,
stricto sensu, regroupant la direction-administration, le laboratoire, l'usine
artisanale (qui s'arrête en 1953), des parcelles d'études, des
plantations industrielles3. Les arbres à quinquina y couvrent
environ 35 hectares en 1953.
La Station de Dschang reste dirigée
après 1945 par Marcel Lagarde, son fondateur des années 1930.
Secondé à partir de 1948 par Paul Biard, il anime une
équipe de recherche constituée notamment par les
ingénieurs Brunot et Pierre Thelu et les conducteurs Rolland et
Lassalle. En 1953, par un arrêté n°6440 du 29
décembre, la Station du quinquina de Dschang (dont
l'intérêt faiblit face à la montée des anti
paludéens de synthèse) devient Station expérimentale de
l'Ouest chargée des cultures d'altitude. Cette conversion s'accompagne
d'une diversification des cultures étudiées : arbres à
quinquina, théier, caféier d'Arabie, aleurites, pomme de terre,
etc.
Le décret n°58-167 du 24 novembre 1958
(voir l'intégralité du décret en annexe n°10) portant
réorganisation du SEMCA a procédé à
l'africanisation de cette institution.
Après l'indépendance du Cameroun la
gestion de la station sera confiée à l'IRAT en 1964,
jusqu'à sa prise en charge par l'ONAREST, en 1974. Nous allons nous
intéresser ici à deux principales constructions qui sont l'usine
de la station de traitement de Quinquina et l'Usine à
café.
1 René Tourte,
Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, volume
6, De l'empire colonial à l'Afrique indépendante 1945 -
1960, Montpellier, Décembre 2011, p.237.
2 ANY 1AC 17624 Distribution
quinine aux enfants européens 1955
3 René Tourte,
Histoire de la recherche agricole... p.237.
74
a. L'usine de la station de traitement du
Quinquina
Ville : Dschang
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : usine
Matériaux : béton, agglos en ciment, vitre,
bois, tôles.
Nombre de niveaux : rez + 2 et une cave
Nombre de bâtiments compris : 01
Dimension : non connue
Photo 22: l'Usine de traitement du
quinquina
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
L'usine de traitement de Quinquina qui reste un peu en
forme, malgré le fait qu'elle soit abandonnée, demeure l'unique
preuve irréfutable de la production de quinquina en Région
Bamiléké il y a une cinquantaine d'année.
L'usine du quinquina est composée d'une cave,
d'un rez de chaussée, d'un premier étage de même longueur.
Le deuxième étage occupe en longueur la moitié du
bâtiment au sol. Deux toitures à deux pentes couvrent l'ensemble
du bâtiment en forme d'escalier. Le matériau utilisé pour
la couverture est la tôle. Au dernier étage, une porte
surmontée d'une ouverture d'aération en frise de béton,
deux fenêtres vitrées, quatre ouvertures frisées
d'aération du premier étage accompagnent trois fenêtres
vitrées et une espèce de porte fenêtre frisée. Au
rez, quatre portes dont trois étaient certainement utilisées pour
les besoins de livraison de matières premières et de sortie de
produits finis et une à l'usage du personnel. Une rangée de
fenêtres vitrées embellit le bâtiment. La partie de cet
immeuble qui prolonge le rez et qui
75
comporte un étage semble avoir
été ajouté, certainement pour augmenter la capacité
de production de l'usine par rapport à celle de 1953.
L'usine avait pour mission de faire des recherches
scientifiques sur la culture du quinquina. Les travaux d'expérimentation
et de vulgarisation devaient se faire sur une surface de quatre vingt
hectares1.
Ce bâtiment a été construit en
deux temps2. D'abord en 1945 pour la première partie, celle
qui comporte un rez + 2 pour servir comme une usine artisanale de fabrication
de sulfate de quinine avec une capacité de 400 kg de sels de quinquina.
Cette usine fonctionnera jusqu'en 1955. La culture du quinquina étant
entrée dans la phase industrielle proprement dite, l'extension du
bâtiment de l'usine fut réalisée en 1955. Et en 1956,
l'ensemble de l'unité ouvrit ses portes avec une capacité
annuelle de production de 13,5 tonnes de sulfate de quinine. Ce joyau de
l'époque ne fonctionnera que de 1956 à 1957 avec le rendement de
1500 kg de sulfate de quinine entièrement consommé au Cameroun.
Il semble que la cause principale de la fermeture de l'usine est soit
liée à l'apparition des produits synthétiques
importés moins chers sur le marché.
La station d'essai de Dschang qui prend le nom de
« station expérimentale de quinquina » est créée
par arrêté N° 623 du 24 mai 1942 à Douala (en pleine
guerre mondiale) par le Gouverneur du Cameroun français, M. Cournarie,
qui abroge l'arrêté du 22 mars 1937 portant station agricole.
Marcel Lagarde, ingénieur de première classe des travaux
agricoles arrive à Dschang vers 1935. Et selon les termes de
l'arrêté du 02 novembre 1939, il est nommé Chef de la
région du Noun3.
Au total, un effectif de 20 à 35 personnels
logés dans environ 23 cases. Lagarde part de Dschang en 1963. La
structure est désormais divisée en trois stations : la SEMCA avec
pour Chef M. Moukouri, la station quinquina avec pour Chef M. Ngounou Saddrack.
La station de l'Institut de Recherche Agricole
1 Archives
Départementales de la préfecture.
2 Ibid.
3 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
76
Tropicale (IRAT). Des noms de Chefs tels MM. Picco,
Dupez, Coste, Regnault, Rippere marqueront de manière
indélébile la recherche, la vulgarisation et la production du
quinquina et de la sulfate de quinquina à
Dschang1.
Les cases des cadres indigènes au nombre de 23
ont été construites en 1926, puis
réaménagées et restaurées en 1965, de même
que la case n° 2 de M. Lagarde.
En 1944 seront construites 15 cases, entre 1947 et
1949, 03 cases en 1951, 01 case et le reste des 03 autres cases à
l'époque contemporaine. A l'origine, la région agricole
cède à la station expérimentale du quinquina un terrain
d'environ 83 hectares dans lequel sont installés les immeubles suivants
: habitations du directeur (1927) ; magasin hangar de la station (1927), plate
forme à fumier (1931) ; ombrière à toit mobile (1934) ;
bouverie (1927) ; bouverie couverte en nattes (1939) ; magasin hangar du jardin
d'essai (1939) ; bureau laboratoire (1939).2
Pour permettre à la nouvelle station de
fonctionner, la France allouera un crédit de 8 413 700 FCFA (pour achat
du matériel mobilier et immobilier). Pour les matériaux, produits
et fournitures consommables, une somme de 6 659 343 FCFA. Ces crédits
ont été consommés en 1942 lors de la mise sur pied
effective de la station quinquina.3
L'ex-région agricole cède à la
station expérimentale un cheptel comprenant 42 bovidés qui seront
augmentés de 12 veaux nés après cession, et de19 boeufs
dressés servant aux attelages. Ce troupeau fournissait le fumier
nécessaire aux plants de la station. Il sera crée en 1943 la
station de Dschang avec une superficie de 30 hectares, et l'annexe de Bansoa
d'une superficie de 126 hectares. Les plantations villageoises
représentaient 216 hectares. La reprise de la culture du quinquina fut
inscrite au deuxième plan quinquennal du Cameroun comme objectif
prioritaire en 1965. Sous l'appellation « relance de la culture du
quinquina », cette tentative de relance se fera grâce au financement
octroyé par la France à la République du
1 Archives de l'IRAD de
Dschang
2 Ibid.
3 Ibid.
77
Cameroun à travers le protocole de financement
N° 98004800 entre le Fonds d'aide de la coopération
représenté par l'ambassadeur de la France au Cameroun et le
gouvernement de la république du Cameroun. Au courant de la même
année fut signée entre le Cameroun et un groupe financier
européen, une convention portant création de la
société quinquina du Cameroun « QUINICAM ». Le
promoteur représentant le groupe financier n'honorera pas ses
engagements et l'usine restera fermée.
L'usine de transformation de la quinine et des
produits dérivés de l'écorce du quinquina local produit le
sulfate de quinine qui entre dans la fabrication de produits de consommation
courante comme le rhum, le martini, les Schweppes.
Un rapport de 1949 explique que l'extension des
plantations de la station nécessite une usine de traitement de plus
grande puissance que celle prévue à l'origine. Les crédits
d'engagements actuellement de l'ordre de 19.5 millions et 5.6 millions sont
consommés pour les bâtiments de la station (ateliers, bureaux,
logements) et le matériel de réparation de l'atelier. Au sujet
des 11 millions engagés pour les hangars et les bâtiments de
l'usine, les dépenses déjà effectuées sont de
l'ordre de 6.5 millions pour la construction d'un logement et d'un
hangar1.
Sur 548 hectares cédés à Lagarde
à Dschang en 1955, les bâtiments réservés à
la garde des machines, le laboratoire, la chaudière, l'étable
occupèrent quatre hectares sans omettre les étangs. Ces
bâtiments sont aujourd'hui abandonnés à la merci des
vandales de la ville2.
1 ANY 1AC 507/3 Production
agricole,
2 Marie Chieufack, «
L'administration coloniale française et les mutations sociales et
économiques dans la région Bamileké entre 1919 et 1959
», Mémoire de DIPES 2 en Histoire, ENS Yaoundé, 2010-2011,
pp.55-56.
78
Photo 23: L'intérieur de l'usine de quinquina
victime du vandalisme
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Les machines qui permettaient à l'usine de
faire la transformation des écorces du quinquina en quinine, ont
été victimes des actes de vandalisme de la part des
populations.
Un groupe d'experts des géants pharmaceutiques
Pechiney-Ugine Kuman a, en 1977-1978, réalisé une étude de
faisabilité du projet de réouverture de l'usine1.
Mais, l'usine est restée fermée et par la suite
vandalisée, Faute de preneurs pour les écorces de leurs arbres,
les paysans ont transformé la plante précieuse en bois de
chauffage. Mêmes les autorités préfectorales n'ont pas
été en reste dans le découragement du projet puisqu'on
constate que les plantations d'expérimentation du centre urbain de
Dschang ont été détruites et leurs terres
distribuées ou vendues en lots à ceux qui voulaient construire
des maisons d'habitation2. On constate qu'à la place des
plantations de quinquina, poussent aujourd'hui comme des champignons, des
constructions immobilières.
Les travaux, menés sous l'autorité de
l'ingénieur des Services de l'agriculture Marcel Lagarde, avaient
été complétés en 1938, à Dschang même,
par des plantations de Cinchona Ledgeriana (quinquina jaune) aux
écorces très riches en quinine mais de culture délicate,
et de Cinchona succirubra (quinquina rouge) aux écorces peu
pauvres en quinine, mais plus rustiques.
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
2 Idem
79
Un laboratoire spécialement conçu et
équipé pour les analyses, en appui aux travaux de
sélection, avait fonctionné à Dschang dès 1940. Et
le 21 mai 1942 avait été officiellement créé, par
arrêté du gouverneur Pierre Cournarie, la Station
expérimentale du Quinquina, dont la direction fut naturellement
confiée à l'agronome Lagarde1.
Le parc motorisé avec tracteurs à
chenilles et à roues intervient dans cette région, principalement
dans l'importante Station du quinquina de Dschang et annexes de plus en plus en
actions directes par unités de culture et en milieu paysan, dans le
cadre du Secteur Expérimental de Modernisation des Cultures d'Altitude,
SEM-CA. « Dschang possède ainsi la deuxième collection
mondiale de variétés de quinquinas connus, rejoignant le niveau
de l'Indonésie 2».
b. L'usine de café
La production camerounaise de café, qui
n'était que de quelques tonnes commercialisées en 1930, avait
atteint 6.000 tonnes exportées en 1939 grâce aux efforts du
Service de l'agriculture, notamment de René Coste, infatigable promoteur
du café d'Arabie dans les régions Bamoum et
Bamiléké3.
Après la Seconde Guerre Mondiale, cette
production repart assez rapidement dans les quatre principales régions
productrices : l'ouest, dans le Mungo avec le Robusta ; en pays Bamoun et
Bamiléké avec l'Arabica ; au sud et à l'est avec le
Robusta (et l'Excelsa). Dès 1945 les exportations de café
camerounais dépassent, avec 7.000 tonnes, le niveau d'avant-guerre.
Priorité accordée au caféier
d'Arabie4.
Avec son climat frais et sa végétation
étagée, Dschang a été le premier foyer de la
culture du café. L'histoire de cette culture à Dschang remonte
aux années 1920. En effet il faut remarquer que, les Allemands avaient
déjà expérimenté sans succès le café
pendant leur règne. Les Français, à leur tour,
expérimentent le café arabica à
1 Archives
Départementales de la Menoua
2 René Tourte,
Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, volume
6, De l'empire colonial à l'Afrique indépendante 1945 -
1960, Montpellier, Décembre 2011, p.834.
3 René Tourte,
Histoire de la recherche agricole en Afrique..., P.855.
4 ANY 1AC 507/3 Production
agricole,
80
Dschang (Dschang coffee) et robusta dans le Noun et
eurent des résultats concluants1. Pendant le partage du
Cameroun entre Français et Britanniques après le départ
des Allemands, les Britanniques ont cédé la ville de Dschang
à la France à cause de l'infertilité de son sol. Cette
raison est confirmée par le résident anglais à Dschang en
1920 quand il dit : « il [résident anglais] abandonnait le
grassfields aux Français parce que rien ne pouvait y pousser en dehors
des cultures indigènes, et que les Anglais prenaient le territoire des
Bangwa parce qu'il y avait des palmiers à huile2». La
suite des événements tourne à l'avantage des
Français car, au lieu de continuer à expérimenter le
café robusta, ils se sont tournés vers l'arabica. Celui-ci rend
la Région bamiléké plus importante économiquement.
Marcel Lagarde est celui qui a beaucoup influencé la vulgarisation de la
caféiculture dans les hautes de l'ouest car il était
responsable3 du SEMCA. Plusieurs mouvements coopératifs
à vocation agricole virent le jour, à l'instar de la
Coopérative Indigène des Planteurs Bamiléké de
Café Arabica (CIPBCA) créé en 1932. La Coopérative
Agricole des Planteurs Bamiléké de Café Arabica est
créée en 1933, la première ayant été
dissoute parce qu'elle était une émanation des
colons4.
Le tout premier planteur de café dans la Menoua
est Ndah Sabir, un Haoussa qui avait été employé par
Lagarde Marcel pour s'occuper de la première pépinière de
Café. Ayant vu comment on prend soin de cette plante. Il décida
de soustraire un plant et de la planter chez lui. Il sera emprisonné et,
dès sa sortie deux semaines après, il eut de l'administration,
l'autorisation de cultiver cette plante5. C'est bien après
que l'usine du café sera mise en place.
1 Berlise Guedia Dongmo,
« Les investissements agricoles ...p.73.
2 Martin Kueté,
« Café, caféiculteurs et vie politique dans les hautes
terres de l'ouest-Cameroun », les cahiers d'outre-mer [En ligne],
243/2008, mis en ligne le 01 juillet 2011, consulté le 12 février
2014. URL :
http://com.revues.org/5310
; DOI : 10.4000/com.5310
3 Journal des
débats de l'ATCAM, session ordinaire de Mai 1955, séance
plénière du 13 mai 1955.
4 Lucie S. Guekam Tiokou,
« Le mouvement coopératif dans la région de
Dschang
1932-1994 », Mémoire de Maîtrise en
Histoire, Université de Yaoundé 1, 2003-04, p.4.
5 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto.
81
Photo 24: Usine à café de la
SEMCA
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Cette usine avait pour rôle de
décortiquer, et de conditionner les cerises de café, les mettre
dans les sacs en vue de leur exportation, la transformation se faisant en
Europe. Les machines sont toujours à l'intérieur de
l'usine.
L'usine de café (voir la disposition
schématique de l'usine en annexe n°9) était la seule
industrie dans la ville de Dschang jusque dans les années
19401. Elle avait pour rôle de décortiquer, et de
conditionner les cerises de café, les mettre dans les sacs en vue de
leur exportation. Puisqu'elle était une émanation des colons, les
indigènes y étaient traités avec mépris. Ce qui les
amena à créer la COOPCOLV (coopérative de collecte et de
vente du café).
L'Ouest-Cameroun en général et les pays
Bamiléké et Bamoun en particulier sont le terroir du
caféier et des cultures vivrières, « On y trouve une grande
quantité d'appareils de traitement en sec du café,
particulièrement des décortiqueuses, de nombreux
dépulpeurs » et un « grand nombre de moulins à
maïs chez les Bamilékés ». En pays Bamoun, « se
trouvent des concessions européennes où est cultivé le
café Arabica. C'est là que se placent d'importantes installations
de traitement du café par voie humide 2».
1 Martin Kueté, « Café,
caféiculteurs et vie politique...paragraphe 20
2 René Tourte,
Histoire de la recherche agricole en Afrique ...p.845.
82
De façon générale, l'introduction
des cultures d'exportation dans les colonies a contribué à
extravertir leur économie. Cette extraversion ne pouvait que favoriser
l'appauvrissement des colonies. C'est pour cela que la production du Quinquina
s'est arrêtée avant l'indépendance avec comme
conséquence la virulence du paludisme.
En ce qui concerne le café, la baisse drastique
des prix dans les années 198090 a presque complètement
changé le mode de vie des Africains. Achille Carlos Zango, dans sa
nouvelle intitulée Tu diras ces douleurs, résume le
mécanisme d'introduction et de production du café à
travers la voix du vieux Koum en ces termes :
Le gouvernement est venu introduire dans nos champs
une plante maudite qu'il avait baptisée le café. Nos parents ont
été contraints de détruire tout ce qu'ils cultivaient bien
auparavant pour se consacrer uniquement à cette nouvelle culture
prometteuse...néanmoins, cette culture-là avait un énorme
défaut...c'est vrai qu'elle nous rapportait assez bien, peut être
même trop bien, une jolie petite fortune. Mais nous ne pouvions pas la
consommer personnellement, ni transformer, rien de tout cela sauf la vendre et
c'est peut être ce qui sonna le glas de notre malheur plus
tard.1
Conclusion
En somme, il était question dans ce chapitre de
recenser les infrastructures coloniales à usage politico-administratif
et économique. La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est
celle d'une exploitation des africains lors des constructions et d'une
propriété foncièrement européenne après
construction. Les vestiges coloniaux à usage politico-administratif
avaient été construits pendant la période coloniale pour
permettre aux administrateurs coloniaux et aux colons de s'imposer dans
l'esprit du colonisé fût-il par la force. Quant aux vestiges
coloniaux à usage économique, leur objectif était de
procéder à l'expérimentation des produits et à leur
canalisation vers la métropole. C'est après les
indépendances qu'on a assisté à une africanisation de ces
infrastructures. Dès lors, les vestiges coloniaux à
caractère culturel et socio-religieux vont retenir notre attention au
prochain chapitre.
1 Achille Carlos Zango,
Tu diras ces douleurs, Paris, L'harmattan, 2012, pp.14-15.
83
TROISIEME CHAPITRE:
INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE
CULTUREL, SOCIAL ET RELIGIEUX DANS LA VILLE DE DSCHANG
Introduction
Parmi les multiples motivations de la colonisation
européenne du XIXe siècle en Afrique, celles
économiques ont été prépondérantes parce que
permettant de combler un déficit de matières premières
dont les usines, nées de la révolution industrielle, avaient
fortement besoin. Les autres motivations (sociale, religieuse) venaient
justement se greffer à la première pour constituer un
système coriace dont le rôle majeur aura été le
pillage et le drainage des ressources du sol et du sous-sol africain vers
l'Europe. La matérialisation de la présence coloniale sur divers
plans1 devait donc être inévitable sur ce
continent.
En effet, la question à laquelle nous allons
répondre dans ce chapitre est la suivante : Quels sont les vestiges
coloniaux à caractère culturel et socio-religieux encore visibles
de nos jours dans la ville de Dschang ?
Pour y arriver, nous allons procéder par un
plan en deux parties dont la première traitera des vestiges coloniaux
à caractère culturel et la seconde, des vestiges coloniaux
à usage socio-religieux.
1 En dehors des plans
administratif, politique et économique qui ont été
traité dans le chapitre précédent.
84
I. LES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL
Les vestiges coloniaux à caractère
culturel sont ceux qui s'occupaient comme nous l'avons déjà dit
de la matérialisation de la « mission civilisatrice »
occidentale dans les colonies. Cette matérialisation se déclinait
en deux points à savoir montrer la domination de la civilisation
occidentale sur celle des dominés d'une part et procéder à
l'épanouissement des colons dans les colonies d'autre part. Nous allons
traiter ici du Foyer Culturel Français, du Centre Climatique de Dschang,
le stade Municipal etc.
1. Le foyer culturel français
Année d'exécution : - première
période : 1927-1936
-Deuxième période : 1956
Exécutant : - première période : non
connue
-Deuxième période : entreprise «
monvoisin »
Nombre de bâtiments : 03
Photo 25: Une vue actuelle de l'Alliance
franco-camerounaise
Source:
http://solongmaryann.blogspot.com/2009/03/dschang-warning-its-long-artricle-but.html
Cette photo présente comment était la
médiathèque de l'Alliance il y a environ deux ans, avec le toit
couvert de tôle sur laquelle est posée la chaume.
85
Photo 26 : Une vue de la Médiathèque et
de la salle Manu Dibango
Source: Cliché Y.G. Diffouo, Mars
2014
Comme on peut voir sur cette image la
médiathèque a actuellement perdu le chaume et le reste est sans
changement. La salle Manu Dibango n'a pas connu de changements.
Le site à son origine est constitué de
trois bâtiments dont le premier à l'accueil est un cafeteria qui
est en totale transformation aujourd'hui. Le second est l'actuelle
bibliothèque appartenant à l'Alliance Franco-camerounaise de
Dschang et le dernier bâtiment appartenant au Ministère des arts
et de la culture abrite le Musée public de Dschang.
Le bâtiment principal de l'Alliance
Franco-camerounaise de Dschang se présente comme un corps rectangulaire.
L'entrée principale avec véranda est faite en arc de cercle. La
toiture est à son avant soutenue par quatre poteaux circulaires qui
jadis étaient décorés par une sculpture très
stylisée. On peut aujourd'hui regretter que quelques années
après sa rénovation, ces poteaux qui avaient été
précieusement gardés, se soient vus liquidés et
exposés au soleil et non sur leur emplacement originel1.
L'arrière du bâtiment se terminait aussi en demi-cercle. La
véranda donnait accès aux vestiaires qui eux-mêmes
aboutissaient sur une scène. En effet, cette salle était
conçue dès le départ comme salle de spectacles, de
conférences et a tenu ce rôle
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
86
jusqu'à sa rénovation, rénovation
consécutive à sa prise en main par l'Alliance Franco-camerounaise
de Dschang1.
Pour des nécessités d'occupation et
d'utilisation contemporaines, l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang a, en
accord avec les services du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat,
fermé la porte arrière et transformé la véranda et
les vestiaires en bureaux. Une porte a été ouverte
latéralement et deux excroissances ont été ajoutées
de part et d'autre permettant d'une part un secrétariat et un bloc
technique et de d'autre part, un bloc de toilettes
modernes2.
Le toit en quatre pentes inspiré de
l'architecture traditionnelle est recouvert de tôles en aluminium sur
lequel était posé un treillis de bambou raphia qui
eux-mêmes sont recouverts de paille (chaume).
Les ouvertures (fenêtres et portes) sont
verticales et hautes (architecture coloniale) ce qui assure une ventilation et
une luminosité maximum. La rénovation les à
respectés sauf qu'elle les a vitrés.
A l'entrée principale, le poteau
sculpté, merveille de la tradition sculpturale bamiléké,
qui aurait été offert par le roi des Babadjou dans les Bamboutos
a disparu depuis la deuxième décade post-indépendante et
remplacé aujourd'hui par des mats de drapeau en acier. Le demi-cercle
qui jouxte l'entrée principale est en réalité le premier
écran de cinéma de la région3. Cette
rénovation du bâtiment au plan extérieur a respectée
les formes de la première architecture et son harmonie avec son
environnement.
A l'intérieur, la scène a disparu et
plus récemment pour des nécessités d'espace, le plafond de
l'espace bibliothèque a été perforé pour des
besoins de luminosité et de ventilation à l'intérieur, ce
qui a eu un impact sur la vue extérieure.
1 Entretien avec René Poundé le 12
février 2014 à son domicile
2 Idem
3 Idem
87
On peut conclure avec Poundé que ces
innovations, parce qu'elles n'ont pas dénaturé les formes et
l'harmonie globale du bâtiment, l'ont fait entrer dans la
contemporanéité sans dénaturer la création
coloniale1.
Pensé dans les années 1934-35 par les
administrateurs coloniaux français qui avaient besoin, aux
côtés du stade de football, d'un lieu de culture et de loisirs
pour eux-mêmes, leurs familles et leurs visiteurs, ce bâtiment et
l'emménagement de ses abords, ont été
définitivement réalisés dans les années 1946-47,
c'est-à-dire à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
A ses débuts, ce lieu était
réservé uniquement aux colons qui venaient pour se divertir les
jeudis et samedis après-midi. Il cessera progressivement d'être un
lieu exclusif face à la montée des multiples revendications de
l'après-guerre. C'est ainsi que, dès l'aube de 1955, sous
l'impulsion du couple Roy qui en avait la charge et qui avait perçu avec
acuité le sens historique de ces revendications, tout au moins dans leur
dimension culturelle, ce centre culturel commença à s'ouvrir aux
autres. Au moment précis ou apparaissent les animateurs camerounais sur
la scène de cette structure, elle changea de dénomination et
devint Foyer culturel.
Cette structure accueille en son sein entre 1953 et
1956 un colloque international sur la communication et désormais, tous
les après-midi du 14 juillet, fête nationale française, les
festivités liées à cette commémoration s'y
déroulent entre d'une part, les colons et leurs familles et d'autre
part, entre les indigènes "évolués".
A l'aube des indépendances, il servira entre
autres, de cadre aux vacances scolaires, de site d'accueil du fameux
congrès de l'association des élèves, collégiens et
étudiants bamiléké, vivier de l'actuelle intelligentsia de
cette région.
De foyer culturel, il deviendra le centre de jeunesse
puis celui de l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang. Entre temps, il a
connu de nombreuses vissicitudes : colonialisme, lutte pour
l'indépendance, indépendance, réconciliation,
apprentissage des pratiques démocratiques. L'espace abritant la salle
Manu Dibango
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
88
a pendant la période coloniale servi de lieu
où les Allemands et plus tard les Français ont fusillé et
jeté les cadavres les récalcitrants de leur
administration1.
2. Le Centre Climatique de Dschang
Propriétaire : Etat du Cameroun (MINTOUR) en
gestion libre à l'heure actuelle
Type de bâtiment : ensemble de bâtiments
composant un village de vacances Année d'exécution : il y a deux
hypothèses à savoir celle de 1935 à 1944 et l'autre de
1940 à 1944.
Photo 27: Une vue partielle (à g.) et
aérienne (à d.) du Centre Climatique de
Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Source : Archives privées R. Poundé, Dschang
La vue partielle du Centre Climatique permet de mieux
percevoir son état actuel et celle aérienne permet de mieux
appréhender ses formes extérieures notamment la piscine, la
disposition et même l'architecture du bâtiment.
Le lieu dit "Centre Climatique", en
réalité aujourd'hui résidence hôtelière, est
à l'origine une caserne et un centre de repos des officiers
supérieurs de l'armée française2. Il est
construit au départ sur une superficie de 24 hectares. Il compte 24
pavillons disséminés sur l'ensemble de la superficie pour environ
54 chambres. Les pavillons, sont en fonction de leurs catégories,
dotés soit de 4 chambres , donc 2 internes avec un salon, une
toilette-salle de bain et deux chambres externes avec une toilette-salle de
bain ; soit d'une chambre avec salon , salle de bain ou encore de
1 Entretien avec Jean Claude
Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
2 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
p.135.
89
deux chambres avec salon, salle de bain-toilette.
Chaque chambre, en effet, est équipée d'une cheminée, pas
uniquement pour la décoration mais parce qu'il fait
frais1.
Au sommet sur la place centrale, nous avons le
restaurant-bar avec à son arrière droite le garage qui abrite en
même temps le groupe électrogène de forte puissance. A
gauche du restaurant-bar, le bâtiment abrite le service de
réception, le logement du responsable. Un corps de bâtiments
comprenant aujourd'hui la buanderie, la salle de conférence et plus
loin, une lapinière et une écurie.
Sur le bas côté, on a un court de tennis
et plus loin, un bâtiment anciennement destiné à
l'élevage de la volaille. En face à l'entrée du
bar-restaurant, une piscine.
A l'origine, les bâtiments sont couverts de
tuile et faits en briquettes de terres cuites. Rectangulaires, ces
bâtiments ont un auvent supporté par des piliers en bois vernis
tout comme les plafonds. L'actuel restaurant-bar nous rappelle la Chefferie
traditionnelle bamiléké. Sa forme extérieure est en
arc-de-cercle avec un auvent qui s'ouvre aux clients par de longs escaliers. A
l'intérieur, face à l'entrée, une importante
cheminée, contenant en son centre la Croix de Lorraine, signe vivant du
passage effectif d'officiers français libres à ce lieu. Les
fenêtres et les portes sont hautes.
Par décision du 19 août 1944, le
surveillant principal de classe exceptionnelle Bovi Pierre recevait un
témoignage officiel de satisfaction pour avoir conduit l'entreprise de
construction du centre climatique malgré les difficultés de la
guerre.
Le Centre Climatique de Dschang est un grand
hôtel qui avait été construit pour les militaires. En
effet, De 1940 à 1960, la capacité hôtelière
camerounaise passe de 4 à 37 pour répondre aux besoins de repos
et de vacances des militaires et de leurs familles et d'autres
personnalités en poste au Cameroun. Car il était devenu
impossible aux Européens qui le désiraient, de rentrer chez eux
à cause de la
1 Anne Debel, et Renaud Van
der Meeren, Le Cameroun, Paris, éditions Jaguar,
2007,
90
Deuxième Guerre Mondiale. L'administration
coloniale fit ériger plusieurs sites touristiques. C'est ainsi que le
centre climatique de Dschang vit le jour en 19421.
Vers les années 1950, il avait
été confié à la compagnie des chargeurs à
Douala2 qui est d'ailleurs son maître
d'oeuvre3.
Jusqu'à l'indépendance, l'accès
à ce centre était réservé exclusivement aux
Européens. Michel Njiné à l'ATCAM en 1955 s'insurgeait
contre cette pratique en ces termes :
...même à Dschang il n'ya pas très
longtemps, des Chefs traditionnels, des Chefs honorables, des Chefs corrects se
sont vus refuser un repas dans ce fameux restaurant, dans ce fameux centre
climatique de Dschang. Le gouvernement n'est pas étranger à ce
fait encore moins l'autorité régionale. Il n'y a pas longtemps
également, dans ce même centre climatique, un camerounais a
été déçu parce que lui aussi a voulu s'amuser avec
les autres clients. Il était accompagné d'une dame blanche. Je ne
parlerais pas de mon cas personnel. Moi-même, je me suis
présenté il y a trois mois à ce centre, on m'a
demandé qui j'étais. Un compatriote a voulu donner mon
identité, je m'y suis opposé. S'il faut que tous les camerounais
soient conseillers à l'Assemblée territoriale pour pouvoir
prétendre à la nourriture là où l'on achète
ou la paye avec son argent, c'est irritant4.
La piscine est post indépendante, elle a
été inaugurée en 1965 en présence de Kwayeb Enoch,
premier inspecteur régional de l'Ouest.
3. Le stade Municipal de Dschang
Type de bâtiment : Complexe multisport
Exécutant : créateur probable M. Soulier,
Chef de subdivision de Dschang et
fondateur en 1932 de l'Aigle Royal de Dschang
Propriétaire : Commune urbaine de
Dschang
Année d'exécution : 1930-1932
Matériaux : -Tribune : ciment, fer,
tôle
-Aire de jeu : poteaux en fer
-Aire de musculation : fer, bois, sable
Nombre de niveaux : espace gratiné en
cirque
Nombre de bâtiments : 1 (tribune)
1 Arlette véronique
Ombotte « Tourisme et sauvegarde ...p.70
2 Archives
Départementales de la préfecture
3 Michel Marjolet, «
partenariat Nantes-Dschang », in Jeune Afrique Economie,
n°352, Décembre 2003-Janvier 2004, P.189.
4 Michel Njiné,
« Le centre climatique de Dschang », in Journal des débats
de l'ATCAM de 1955, P.53
91
Dimension : non connue
Photo 28: Une vue de la tribune du stade
municipal
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Construit dans les années 1930 pour permettre
à l'Aigle Royal de Dschang, club nouvellement créé, de
faire des entraînements, le stade municipal de Dschang est actuellement
mis en valeur par la Commune de Dschang et la DDSEP de la Menoua. Mais sa
tribune mérite d'être restaurée vu son état actuel
qui a d'ailleurs été raccommodé lors du Salon
International de l'Agriculture en 2013.
L'aire de jeu proprement dite à
l'époque, était une surface gazonnée avec à chaque
extrémité des cages de gardiens en fer. A la bordure
côté tribune, il y a une piste d'athlétisme. Le
côté de la route allant à Bafoussam sert dans son ensemble
de tribune pour les spectateurs parce que la tribune fait avec les gradins et
couverte par un toit est très étroite. Au fond du stade, en
allant vers le centre ville derrière les buts, il y a des appareils de
musculation. En outre, sur le versant contraire à l'actuelle route, en
dessous des installations actuelles d'un établissement scolaire,
séparé de ces installations par la rivière « Dschang
water » (Menuet), longeait un espace réservé aux spectateurs
débout1.
Le stade municipal de Dschang aurait été
créé par l'administrateur-Chef de subdivision de Dschang, M.
Soulier, qui voulait doter l'équipe de football indigène, l'Aigle
de Dschang qu'il venait de créer, d'une infrastructure. Ce stade suivra
l'évolution de ce club et sera considéré avant les
indépendances comme étant le troisième stade de football
au Cameroun. Il a vu défiler toute l'élite footballistique
post-indépendante du Cameroun et d'ailleurs. Il est assurément
l'un des hauts lieux
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
2Akpe Amatala, G.
Brigitte. « Les loisirs au Cameroun sous administration française
1916-1959 : Essai d'analyse historique », Mémoire de DIPES II en
Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2010-2011,
p.100.
3 Ibid.
1 Entretien avec Jean Claude
Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
92
de la mémoire collective de Dschang notamment
en ce qui concerne le football. Cette infrastructure était un centre
d'entrainement et de compétition. La tribune mérite d'être
restaurée vu son état actuel qui a d'ailleurs été
raccommodé lors du Salon International de l'Agriculture en
20131.
4. Le Centre d'Education Physique et Sportive (CEPS) et
l'Ecole Normale d'Instituteurs Adjoints (ENIA)
Le CEPS fut crée par arrêté
n°1008 du 16 Mars 1950 (Voir l'intégralité de
l'arrêté en annexe n°11) à Dschang sur
arrêté du Haut Commissaire du Cameroun. Sa localisation à
Dschang aurait des motivations climatiques car, l'air très frais des
montagnes, y était propice à la fortification des
athlètes2. D'après Akpe Amatala Brigitte, le CEPS
avait plusieurs objectifs parmi lesquels :
Former professionnellement et théoriquement des
moniteurs d'EPS afin d'insérer cette discipline dans les
établissements scolaires;
Organiser des stages de formation de courtes
durées d'athlètes et des moniteurs. D'ailleurs, le rapport annuel
de 1953 atteste de l'organisation cette année là, de stages de
trois semaines, ayant permis la formation de 150 instituteurs adjoints de
l'enseignement du premier degré3.
Photo 29: L'entrée du CEPS aujourd'hui
CENAJES
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Structure sportive créée dans les
années 1950 et nommée Centre d'éducation physique et
sportive, aujourd'hui CENAJES. Elle accueille du 03 au 7 avril 1958 les jeux
scolaires d'Afrique noire.
93
En Novembre 1950, un concours d'entrée au CEPS,
le premier du genre, fut ouvert avec pour président de jury Veyreton,
désigné par le Chef de région. Deux ans plus tard, la
première promotion de cette école reçut des parchemins,
les autorisant à vulgariser l'EPS dans les établissements
secondaires. Ce qui ne tarda pas à arriver car aussitôt, l'EPS fut
insérée comme discipline à part entière dans ce
processus qui commença dans les établissements confessionnels
parce que semblerait-il, ceux-ci possédaient les infrastructures
sportives appropriées. Mais progressivement, l'EPS arriva dans les
établissements laïcs1. Elle initia les
élèves aux principes des sports individuels (gymnastique et
l'athlétisme) et des sports collectifs (handball et
volleyball).
Le CEPS fut aussi une structure de loisirs car on y
trouvait des équipements propices à la pratique du sport
notamment des mousses, des tenues, des sifflets, des balles etc. Par ailleurs,
des stages d'EPS y furent souvent organisés. On y organisait aussi des
colonies de vacances au cours desquelles, les participants étaient
initiés aux techniques et aux règles des sports collectifs et
individuels. C'est à juste titre que Betnga a pu relever que «
l'ouverture du CEPS était ainsi le début d'un long processus au
sein du mouvement sportif camerounais2 ». Ceci pour une raison
simple : c'est à partir de sa création que la plupart des sports
purent se faire de la place dans l'ombre du football. En effet, le football,
premier sport introduit au Cameroun français eu tellement d'adeptes que,
les autres tels que le volley-ball, le hand-ball et le basket-ball connurent
beaucoup de difficultés à s'implanter dans le territoire. C'est
après la création du CEPS que des moniteurs furent
familiarisés aux règles de ces différentes disciplines.
Ceux-ci prirent alors le rôle de vecteurs de ces sports d'abord dans les
établissements secondaires, puis dans les entreprises. C'est de cette
façon que la création du CEPS permit en quelque sorte un
décollage et une structuration du
1 Brigitte G. Akpe Amatala,
« Les loisirs au Cameroun... p.100.
2 Betnga Nzouatcha B.H.,
"Le mouvement sportif camerounais de 1937 à 1960", Mémoire de
Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2004, p.24.
Cité par Brigitte G. Akpe Amatala, « Les loisirs au Cameroun
...p.101.
94
domaine sportif au Cameroun. Le CEPS deviendra le
CREPS et enfin le CENAJES à partir de 19941.
L'Ecole Normale d'Instituteurs adjoint (ENIA) fait
partie des réalisations françaises faites à Dschang dans
les années 19502. Elle avait pour mission de former les
enseignants. La fin de la formation était sanctionnée par le
Diplôme de Maître d'enseignement général (DMG). Son
tout premier directeur s'appelait Nolet (Français
d'origine)3. Le journal des débats à l'ATCAM en Juin
1955 met les projecteurs sur cet établissement à cette
période et surtout sur les projets d'emménagements en ces termes
:
Une partie de cet établissement fonctionne dans
des locaux prêtés par le CEPS et l'école primaire de
Dschang. La construction de quatre classes permettra de dégager
l'école primaire qui deviendra l'école annexe d'application de
l'ENIA. La construction d'un dortoir sur la tranche 1955/56 permettra de
libérer le bâtiment actuellement aménagé à
cet usage et de le transformer pour y installer des cuisines... le devis de
l'opération remonte à 8 500 0004.
L'ENIA est devenue Collège d'Enseignement
Général (CEG) en 1960 avant de devenir Lycée puis
Lycée Classique de Dschang de nos jours5.
II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE SOCIO-RELIGIEUX
Nous entendons par vestiges coloniaux à usage
socioreligieux, l'ensemble des infrastructures témoignant de la
matérialisation de la prétendue "mission civilisatrice"
européenne en Afrique. Cette matérialisation sociale et
religieuse allait surtout dans le cadre de la colonisation psychologique. Nous
traiterons ici des structures comme l'hôpital de Dschang, des
écoles des filles, des garçons et des fils du Chef
etc.
1. L'hôpital de Dschang
Propriétaire : Etat du Cameroun
Exécutant : - première période : non
connue
-Deuxième période : entreprise « Mon
voisin »
1 Jean MarieTchinda, «
Grandeur, Décadence et renaissance d'une...p.48
2 Michel Simeu Kamdem, «
La ville de Dschang, Etude. P.25
3 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto.
4 Journal des débats
à l'ATCAM, séance du 1er Juin 1955, p.28.
5 Michel Simeu Kamdem, «
La ville de Dschang... p.28.
95
Année d'exécution : - première
période : 1927-1936
-Deuxième période : 1956
Deux bâtiments sur l'ensemble nous
intéressent principalement ici :
a) L'actuel "Accueil" qui représente la
première période (rez-de-chaussée)
b) L'actuel complexe à étage qui
représente la deuxième période Matériaux :
période : pierre, angles en béton, ciment, bois, tôle, fer,
vitre, carrelage.
1ere période : L'accueil actuel
Ce bâtiment de facture architecturale
essentiellement coloniale se caractérise par sa véranda et ses
arcades couvertes. Un imposant escalier d'entrée, la hauteur de la
fondation qui supporte le bâtiment proprement dit, les ouvertures larges
et hautes permettent une ventilation naturelle maximum, des plafonds hauts. Les
murs sont épais, les fenêtres vitrées. Tout ceci assure une
température interne, une luminosité naturelle maximum qui
tempère la profonde véranda couverte d'énormes poteaux
reliés entre eux par une balustrade en béton, soutenant à
équidistance une charpente en bois. Le toit en tôle est
réalisé en quatre pentes (style propre de l'époque
coloniale). L'intérieur des salles est spacieux. Ce bâtiment,
à l'observation, a connu de très infimes
réaménagements qui ne peuvent altérer son
authenticité.
Photo 30: Accueil de l'hôpital de Dschang : la
structure a été réhabilitée vers les
années 1930 (a g.) et maintenant (a d.)
Source:Archives privées R. Poundé, Dschang
Source:Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Cet accueil est d'une construction architecturale
imposante. Il présente les caractéristiques des types de
construction allemande avec des briques, des pentes de toit bruts, de portes et
fenêtres larges pour permettre une bonne ventilation, d'imposants
escaliers et des murs une grande épaisseur. Ce bâtiment est beau
parce qu'entretenu régulièrement.
96
2e période : corps du bâtiment : rez
+1
Le bâtiment tout en longueur, de forme
rectangulaire est, au niveau du rez-de-chaussée, divisé par une
avancée d'environ 10 m de longueur. Ceci fait qu'au niveau du rez de
chaussé, la face principale se présente sous la forme d'un (T).
Cette avancée servait de hall d'entrée, du côté du
secrétariat, du Cabinet de consultation du médecin-Chef et de
l'autre côté, le cabinet dentaire et autres services
administratifs1.
A l'étage comme au rez-de-chaussée, une
large véranda couverte entoure le bâtiment. Cette véranda
est protégée par une balustrade en béton qui relie les
poteaux cubiques qui partent du sol, soutiennent la dalle puis la
charpente.
Photo 31: Bâtiment de l'hôpital de Dschang
inauguré par Ahmadou Ahidjo en
1957
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang Source :Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Ce bâtiment, situé derrière
l'accueil de l'hôpital a été inauguré par le
Vice-Premier ministre Ahmadou Ahidjo en 1957. Une des toutes premières
infrastructures inaugurée par le nouveau gouvernement
camerounais.
1 Entretien avec René
Poundé, le 12 février 2014 à son domicile
(Dschang)
97
Photo 32: Physionomie actuelle du bâtiment
inauguré par Ahmadou
Ahidjo
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Il est aujourd'hui bien entretenu et abrite le
secrétariat de l'hôpital, le service chirurgie et le pavillon
malade femme
Un large escalier relie le rez-de-chaussée
à l'étage. Cet étage est lui-même à son
arrière relié en terre au reste de l'hôpital par un
ponceau. Les plafonds sont hauts et les chambres et salles de consultation ou
de soins assez spacieuses. Les fenêtres sont hautes et larges, assurant
ainsi une excellente ventilation, une température quasi constante
quelque soit la saison et une excellente luminosité. La toiture est
à deux pentes, ce qui marque une nette évolution par rapport au
bâtiment d'accueil plus ancien.
Ici on constate que l'architecte et l'entreprise "Mon
voisin" n'ont pas, pour des raisons de rationalité et de formalisme,
négligé le rapport de l'oeuvre à son environnement
socioculturel. Faut-il voir en cela les répercussions des débats
qui secouèrent dès 1920 les milieux architecturaux en France et
qui vont s'accentuer, s'amplifier même pendant la période des "30
glorieuses" après la Deuxième Guerre Mondiale1 ou
l'expression des motifs d'urgente nécessité de logements,
d'équipements sociaux (sanitaire et éducatif) ? Le
fonctionnalisme triompha sur le formalisme.
1 Notons que pendant
l'entre-deux guerres, les problèmes de logements commençaient
à se poser et s'accentuèrent après la seconde guerre
mondiale parce qu'il y eut beaucoup de destructions liées à cette
guerre. Les services publics français ont opté pour des
bâtiments qui n'ont qu'un caractère fonctionnel et donc le
côté esthétique n'est pas mis en exergue.
98
En plus du bâtiment d'accueil, il y a d'autres
bâtiments allemands à l'intérieur de l'hôpital
à l'instar du pavillon hommes, du laboratoire et du sanatorium ou la
salle d'isolement et la morgue1.
Poste médical installé par les
Allemands, rasé par les forces coalisées anglo-françaises
lors de la conquête de Dschang à l'exception de son
soubassement2, il sera reconstruit par les Français entre
1921 et 1936.
Ces dates (entre 1921 et 1936) coïncident avec la
période des grandes reconstructions de toutes les infrastructures qui
devaient être utiles à l'administration française. Deux
rapports datant de 1926 décrivent l'état d'avancement des travaux
du dispensaire de Dschang. Le premier, datant du premier trimestre 1926, fait
le constat suivant : « ont été achevés la
maçonnerie du dispensaire, du bâtiment des accouchés et du
pavillon indigène, ayant exigé la mise en oeuvre de
120m3 de maçonnerie de moellens et de 400000 briques
3». D' après le second rapport du 4e
trimestre de 1926, le dispensaire de l'hôpital de Dschang est
complètement achevé et sera mis en service dès le
début de l'année 19274.
La mission d'inspection du 17 janvier 1951 fait
remarquer que l'hôpital de Dschang est « une formation
appelée à devenir l'hôpital régional composée
de bâtiments très anciens et inaméliorables à
l'exception de deux petits pavillons formant le logement et du pavillon Jamot
(hospitalisés européens)5 »
En 1952, ce groupe de bâtiments sera
complété par un bloc sanitaire, un bloc
cuisine-réfectoire. C'est déjà un hôpital avec des
logements pour les principaux cadres (médecin, comptable
matières...). Il dispose alors d'une capacité de 135 lits et
compte 35 membres du personnel. Koutio Mathias se souvient encore avoir vu
en
1 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
2 Idem
3 ARO Rapport à la
circonscription de Dschang, tableau n°7, voie de communication et
bâtiment, 1er trimestre 1926
4 ARO 1AC 74/0 rapport
trimestriel, 4e trimestre, tableau 7, 1926.
5 ARO Rapport de la mission
d'inspection du 17 janvier 1951
99
1953 le bâtiment à étage de
l'hôpital de Dschang en chantier en particulier la toiture qui
était en train d'être posée1.
En septembre 1955, le bâtiment de l'hôpital
est un ensemble qui comprend :
c. Au rez de chaussé, les services centraux,
le service médecine femmes et enfants et le service médecine
hommes.
d. A l'étage, le bloc
chirurgie-gynécologie
Les installations sanitaires, les peintures et la
vitrerie sont montés à 37 millions de francs par l'entreprise
Monod-Maroc à livrer en janvier 19562.
En 1956, le Fonds (français) d'Investissement
pour le Développement Economique et Social (FIDES) dote cet
hôpital d'un crédit de 52 millions de FCFA. L'entreprise
française "Monvoisin" sera chargée de réaliser le
bâtiment de rez+1 marquant la deuxième période. Sa
capacité est de 116 lits3. En 1957, l'on procède
à une restructuration et au réaménagement des anciens
bâtiments. La capacité totale de ce désormais hôpital
moderne est portée à 310 lits. Le Chef-lieu de la Région
est désormais doté d'un hôpital digne de ce nom qui, avant
d'être inauguré solennellement par Ahmadou Ahidjo, sera
placé sous l'autorité du Commandant militaire Rouergue. Il
rayonne sur la région bamiléké et même
au-delà. En effet, il était doté d'un bloc
opératoire, d'une maternité, d'un cabinet dentaire et d'une
équipe médicale de haut niveau.
Ce groupe de bâtiments, après quelques 10
à 15 ans d'abandon, a connu il y a quelques années, un
véritable regain de splendeur après son entretien, son
embellissement et celui de son environnement par les dirigeants de cette
infrastructure.
1 Entretien avec Mathias
Koutio le 17 Juin 2014 à son domicile à Paind ground
2 Direction des travaux
publics et des transports... p.182.
3 Document de la
Délégation Départementale du Ministère de
l'Urbanisme et de l'Habitat (MINUH) de la Menoua, Dschang, p.56
100
2. Camp des fonctionnaires new town
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : logements sociaux à
l'usage des fonctionnaires indigènes
Exécutant : main d'oeuvre locale
Année d'exécution : 1952-1956
Matériaux : briques de terre, bois, pierres,
tôles, ciment pour revêtement des murs
Nombre de bâtiment : 17
Dimension : non connue
Photo 33: Camp des fonctionnaires New Town dès
sa construction (a g.) et son état actuel (a d.)
Source: Archives privées R. Poundé, Dschang
Source: Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Sur la première photo, on peut voir un
fonctionnaire avec un casque colonial et une tenue kaki, devant sa maison
nouvellement construite par l'administration coloniale. La seconde image nous
montre l'état actuel de cette structure qui demande une urgente
restauration.
Situé en face de la rue nationale
Dschang-Bafoussam, le camp des fonctionnaires débute directement
après l'axe venant du Rectorat de l'Université de Dschang lorsque
l'on va vers la capitale de la région. Ce sont des bâtiments
rectangulaires érigés en briques de terre compressées par
piétinement et force manuelle soutenu par une fondation en pierre.
Recouverts de revêtement en mortier de ciment, Chacun de ces
bâtiments, éloigné d'environ 1,50 à 2m mérite
d'urgentes restaurations. Et de l'autre côté, un bâtiment
principal comprenant une salle de séjour
101
et deux ou trois grandes chambres. Ce bâtiment
principal fait face à un autre petit bâtiment qui abrite la
cuisine, un magasin et des toilettes (fosses sceptiques d'ailées en
béton).
La seconde lignée de bâtiment,
placée plus haut après l'espace dit communautaire comporte des
bâtiments plus spacieux avec véranda, suffisamment distants les
uns des autres. C'est là d'ailleurs que se trouvait le point
d'approvisionnement en eau potable appelé autrefois la pompe,
gracieusement mis à la disposition des habitants par l'Etat. Ici les
toitures des bâtiments ont quatre côtés, alors que sur la
ligne précédente, elles n'ont que deux. Ce sont donc des
logements destinés aux auxiliaires supérieurs de l'administration
coloniale1.
3. Les différents types d'écoles
coloniales
Pendant la période coloniale, il existait une
multitude d'écoles dans la ville de Dschang. On avait par exemple
l'école principale des filles qui était située à
l'actuelle Ecole Primaire du Centre, juste à côté de la
poste allemande aujourd'hui détruite2. Quant à l'Ecole
Principale des Garçons, elle était située en face de la
permanence du parti RDPC actuelle. Elle est appelée aujourd'hui l'Ecole
publique d'application Groupes 4, 5 et 6. Dès les débuts, il y
avait une véritable chasse aux enfants qui devaient fréquenter
ces écoles. Les parents voulant l'aide des enfants dans les travaux
champêtres ne voulaient pas que ceux-ci aillent à l'école.
Pour marquer leur refus, ils cachèrent leur progéniture dans les
greniers3. Les enfants qui arrivaient pour la première fois
à l'école, recevaient un complet blanc, une plume, un porte
plume, un cahier et un buvard (feuille épaisse qui absorbe l'encre), un
crayon ordinaire et une gomme4.
Il était rare de rencontrer les fils de Chefs
à l'école régionale de Dschang qui a ouvert ses portes des
1920. Le 27 décembre 1933, un arrêté du commissaire de
la
1 Entretien avec Joseph Lecoq
Fouellefack le 15 mars 2014 dans son bureau
2 Entretien avec Norbert
Yefoue le 17 Juin 2014 à son domicile
3 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
4 Idem
102
République française au Cameroun,
Bonnecarrère, organise des écoles de préparation des
futurs Chefs. Afin de conserver un caractère particulier, ces
élèves constituaient dans les écoles de village et les
écoles régionales, une section spéciale dite «
section des fils de Chefs »1. En 1933, plus de deux cent (200)
fils de Chefs suivent les cours officiels à la circonscription de
Dschang. L'école régionale était située où
se trouve l'actuel hôtel de finance et la direction en face
d'elle2. Cette école est le produit des emménagements
de l'école française sur recommandation de la SDN. La France
avait pour tâche d'élaborer un système éducatif au
delà du « compter, lire et écrire des Allemands3.
C'est dans cette école régionale que le futur Président de
l'UPC de 1952 à novembre 1960, le Docteur Félix Roland
Moumié, a obtenu facilement son certificat d'études
primaires4 sous le haut parrainage de l'instituteur français
Antoine Galeazzi5.
Le rapport politique et économique de 1957
annonce la finalisation d'un bâtiment à deux classes à
l'école principale des garçons en ces termes : « charpente
et toitures terminées, huisseries posées, le badigeonnage de
bâtiment sera effectué les premiers jours d'octobre6
».
1 Monique
Guimfacq, Foto, un grand... p.86.
2 Entretien avec Fodje Luc le
18 mars 2014 à Madagascar- Dschang.
3 Noumbissie
Tchouaké, Maginot. « Pierre Poundé et l'Union
Bamiléké. Accommodation et appropriation de l'espace politique en
situation coloniale » in Noumbissie M. Tchouaké et Jules Kouosseu
(éds), Figures de l'Histoire du Cameroun, Paris, L'Harmattan,
2012, p.195.
4 Jean Koufan Menkene, «
Felix Moumié : Un martyr de la révolution et du nationalisme
camerounais », in Mutations des 27 et 28 Novembre 2007 en
ligne
5 Mesmin Kanguelieu
Tchouake, La rébellion armée à
l'ouest...p.83.
6 ANY 1AC 262 Rapport
politique et économique du mois de septembre 1957 dans la subdivision de
Dschang.
103
Photo 34: Un des bâtiments du Centre de
pré-apprentissage (CPA)
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
L'épaisseur des murs, les briquettes
utilisées pour monter le mur et les fenêtres larges de ce
bâtiment sont les caractéristiques des bâtiments allemands.
C'est l'un des bâtiments de la section artisanale et rurale/section
ménagère (SAR/SM) de Dschang actuelle.
L'idée qui se dégage de ces vestiges
coloniaux à usage socioéconomique est celle de la création
par et (d'abord) pour les Européens d'un cadre favorable au maintien du
système colonial qui faisait drainer les richesses africaines vers
l'Europe. L'hôpital de Dschang, l'usine de Quinquina, les écoles
et le camp des fonctionnaires etc étaient mis en place pour que
l'indigène ait quand même un minimum en termes de cadre de vie de
peur d'avoir davantage un manque de main d'oeuvre. La vision qui se cachait
derrière les vestiges à caractère culturel et religieux
était peut être différente de celle
précédente.
4. La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang
Nous avons choisi délibérément
dans la pléthore des bâtiments que recèle la ville de
Dschang, de nous intéresser aux bâtiments de la mission catholique
qui nous ont paru les plus significatifs et les plus représentatifs de
l'ensemble architectural à caractère religieux de l'époque
coloniale. Il s'agit précisément de la chapelle
Sacré-Coeur, des résidences du curé et des soeurs, de
l'école Saint Michel et du Cimetière.
104
Pour ce qui est de la chapelle, c'est un
bâtiment rectangulaire aux formes géométriques rectilignes
typique de l'architecture gothique allemande1. Les deux cloches qui
surmontent de part et d'autre la façade principale sont hautes et
rectangulaires et en leurs sommets, carrés et surmontés d'un
balcon. Au centre des façades deux cônes au sommet triangulaire
servant probablement à l'aération. Les lignes verticales et
horizontales agencent l'ensemble. La toiture de la mansarde est à deux
pentes surmontées en son sommet d'une croix. Au mur, deux ouvertures
tout en hauteur, une large véranda profonde et recouverte par une dalle
de ciment. Située au milieu du mur, la porte principale est en bois
frisé. Les vitraux ciselés couvrent toutes les grandes et hautes
fenêtres le long du bâtiment, elles sont de couleurs
différentes. Les couleurs des murs sont constituées du blanc
cassé au gris en passant par le jaune et l'orange qui cerclent les
ouvertures. Un imposant escalier permet l'accès des fidèles dans
la maison.
Photo 35: La paroisse Sacré-Coeur de
Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Construite par les Pères Pallotins allemands
avec l'architecture gothique en 1913, réaménagée par le
Père Roblot de nationalité française en 1931, cette
paroisse a régulièrement été entretenue et reste
donc intacte depuis au moins 101 ans.
1 Entretien avec Jean
Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
105
A l'exception probable du presbytère et de la
maison des soeurs qui seraient des constructions allemandes datant de 1912, les
autres bâtiments sont des constructions ou des reconstructions, des
réhabilitations faites par la France des structures
allemandes.
Les Pères Pallotins s'installent en 1906
à Dschang1. En effet, Le père Wienold et Mgr Vieter
quittent Douala le 10 octobre 1910 pour se rendre à Dschang. Très
tôt, ils rencontrent le Chef Foto, Nelo, qui met à leur
disposition un terrain de 59 hectares 55 ares 1 centiare2
situé au quartier Sinteu, au Nord-est de Dschang. La fondation de la
mission centrale de Dschang sur les hauts plateaux de l'ouest-Cameroun,
à partir de cette période, constitue le point culminant de
l'oeuvre missionnaire des pères pallotins au Cameroun3. La
construction de cet immense édifice ne fut pas facile pour les
Pères pallotins, comme le reconnaît avec justesse Lemegne
:
Les débuts de la fondation de la mission de
Dschang sont très difficiles. L'argile et la terre glaise ne manquent
pas. On les a non loin de la construction. En juillet 1912, plus de 210 000
briquettes sont stockées sur la place de la construction, un sommet de
colline aplani par le frère Jakob Meurer. Mais le bois de chauffage pour
cuire les briquettes et les tuiles est rare. Quant au bois de charpente et de
menuiserie, il faut parcourir de longues distances pour les trouver. Le
transport de ces bois lourds (venant de Fondonera et de Fossong-Wencheng
à plus de 20 km de la station, soit un à deux jours de marche)
est un gros problème. Pour porter une planche de la foret au site de la
station, il faut deux hommes, et pour un madrier, il en faut
quatre4.
Elle a été construite par plusieurs
techniciens allemands. D'après le livre écrit par le père
allemand von Herman Skolaster en 1924 intitulé die pallotiner in
Kamerun, 25 ans de travail missionnaire5, Le père
wienold quitte Douala le 10 octobre 1910 pour aller fonder la mission de
Dschang. Il est rejoint le 02 novembre par le frère Jean Hefeler,
maître menuisier-charpentier et le père Ernst Ruf, mais
tous
1 Celestine Fouellefak
Kana, « Les croyances religieuses bamiléké face à
l'assaut du catholicisme », in le pluralisme religieux en Afrique,
Acte du Colloque International de Yaoundé du 16 au 18 février
2012, Presses de l'UCAC, 2013, p.333.
2 Celestine Fouellefack Kana,
« Le christianisme occidental à... p.126.
3 Bouguem, « Les
prêtres du Sacré-Coeur et l'évangélisation de
"l'ouest-Cameroun" de
1920 à 1964 », Mémoire de Maitrise en
Histoire, Université de Yaoundé, 1986-87, p.38.
4 Lemegne, « La
Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 »,
Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé
I, 2002-2003, p.28.
5 Cité par père
Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et...
p.39.
106
deux sont atteints de dysenterie et doivent rentrer en
Allemagne en 1912. Ils sont remplacés par le père Verter, recteur
et constructeur et le frère Florian Thum, maçon et Chef de
chantier. Un autre frère, Meurer, est spécialiste de la
fabrication des briques cuites. Il amoncelle les matériaux et l'on
commence les constructions en solide.
Le 29 décembre 1913, le frère Thum tombe
malade et est immédiatement remplacé par le frère Edouard
Kindermann qui, avec le frère Wehrke, terminent la construction des
bâtiments de la mission en 1914.
Après la Première Guerre Mondiale, les
nouveaux responsables de la mission Sacré-Coeur de Dschang
étaient aussi très actifs et dévoués comme les
premiers. Père le Bayon montre ce dévouement au travail en ces
termes :
Le frère Casimir, seul frère jusqu'en
1927, fit des prodiges. Il se déplaçait d'un poste à
l'autre avec des outils et certains de ses ouvriers. De 1923 à 1938,
date de sa mort, on le verra un peu partout actif, formant sur le tas des
maçons, des charpentiers. Le frère Bernardo Albizzati,
arrivé au Cameroun en 1927, fit son apprentissage sous la direction du
père Roblot en construisant un pont pour relier la mission de Dschang
à la Chefferie de Foréké-Dschang. Il construisit
l'école saint-michel de Dschang après 1927. Le frère
Moroni, arrivé au Cameroun en 1949, a construit la pouponnière de
Dschang pour les enfants abandonnés et les
orphelins.1
Il est facile de reconnaitre ici que les
bâtiments de la mission Sacré-Coeur de Jésus de Dschang se
sont construits très progressivement de 1906 à 1914, deux ans
seulement avant le départ des Allemands du Cameroun. Très bien
édifiés, ces bâtiments seront tout simplement
réhabilités par les pères français du
Sacré-Coeur comme le remarque Le père Le Bayon:
Dès l'arrivée de Plissonneau en 1923
à Dschang, la mission possède déjà deux maisons
à étage, en briques cuites. Une pour les pères et une pour
les soeurs, une école et des magasins également en briques cuites
et le tout est couvert de tôles. Les pères pallotins avaient en
effet commencé cette mission en 1910 sur une
colline2.
1 Père
Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et...
pp127-129
2 Ibid. pp.37-38
107
Photo 36: Résidence des pères de la
paroisse Sacré-Coeur de Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Tout comme la paroisse Sacré-Coeur, cette
résidence est une oeuvre allemande, montée avec les briques en
terre cuite, les fenêtres larges et vitrées, c'est une oeuvre
architecturale de haute facture.
Bouguem va dans le même sens en affirmant
à propos de la résidence des religieuses que :
le 27 février 1931, l'année où
s'ouvrit le petit séminaire de Nkongsamba arrivèrent à
Dschang les premières religieuses. Leurs maisons avaient
déjà été construites par les pères pallotins
puis remise en état par le père Roblot en 1930. Elles
étaient de la congrégation de la Sainte Union (une province
française)1.
Cette mission centrale de Dschang qui est aujourd'hui
la paroisse du Sacré-Coeur est considérée à juste
titre comme la paroisse-mère de toutes les missions catholiques dans la
région.
1 Bouguem, « Les
prêtres du Sacré-Coeur et l'évangélisation ...
p.60.
108
Photo 37: Résidence des Soeurs en terre
cuite
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Tout comme la paroisse Sacré-Coeur, cette
résidence est une oeuvre allemande, montée avec les briques en
terre cuite, les fenêtres larges et vitrées, c'est une oeuvre
architecturale de haute facture.
Dans n'importe quel lieu où les soeurs de la
Sainte Union se sont installées, il y a toujours eu un dispensaire, une
école des filles, l'éducation des fiancées. Seule la
pouponnière sera une spécificité de la Communauté
de Dschang1. Les Soeurs de la Sainte Union ouvrent une
pouponnière qui accueille les enfants abandonnés et les
orphelins. Elle reçoit en principe des bébés dont les
mamans meurent des suites d'accouchement où quelques jours après
l'accouchement. Les soeurs qui gèrent sont : Soeur Octavie Marie, Soeur
Juliette, puis Soeur Antoinette et Soeur Helene2. En 1956, la
pouponnière comptait 32 enfants de 0 à 1 ans, 21 de 1 à 2
ans et 103 de 2 à 15 ans. Cette pouponnière constituera aussi un
terrain privilégié pour l'éducation des fiancées du
Sixa qui feront des exercices pratiques de
puériculture3.
La Sixa ou « maisons des fiancées »
est une transformation par les indigènes du mot anglais « sister
», mot qui signifie « soeur » en français. Les filles de
la Sixa
1 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et... p.85.
2 Jean Paul Messina, Les
prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans
...p.73.
3 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et... p85.
109
apprenaient à faire la cuisine, à
cultiver et à élever les enfants. Le stage durait entre six mois
et deux ans, elle pouvait aller plus loin pour plusieurs obstacles dont la dot
non payée, l'indiscipline et l'opposition du
catéchiste.1 Soeur Marie Octavie est responsable du Sixa.
Selon Jean Paul Messina, « Le Sixa est une invention missionnaire
pallotine au Cameroun [...] c'est surtout à Dschang que cette
expérience connaît un développement prodigieux, elle compte
près de 80 pensionnaires entre 1936 et 1950 2»
La Sixa n'a pas fonctionné sans
difficultés. Enoh Meyomesse voit en cette structure, un milieu
très approprié pour la barbarie blanche. Ainsi, il la
présente comme un lieu où
les prêtres blancs s'en servaient copieusement
[des jeunes filles] pour leurs plaisirs sexuels. Ils disposaient ainsi,
gratuitement, de petites négresses toutes fraîches qu'ils
dépucelaient sans vergogne, et avec qui ils couchaient pendant une
année entière. Ils étaient officiellement
célibataires, mais en réalité multi-polygames. Bien plus
grave, la condition pour célébrer un mariage religieux
était que la jeune mariée ait d'abord séjourné dans
le « Sixa ». Bref, qu'ils s'en soient d'abord «
occupé3 ».
Père le Bayon le reconnait aussi quand il
affirme : « On dit beaucoup de mal des Sixa. Et pourtant,
essentiellement le Sixa fut introduit pour que les jeunes filles païennes
fiancées à un chrétien puissent recevoir une formation
religieuse accélérée afin de pouvoir se marier sans trop
tarder 4». Elle est finalement supprimée en1956 dans le
diocèse de Nkongsamba5.
En 1950, on avait 8 000 catéchumènes
dans cette mission, pratiquement près du quart de la population de la
subdivision de Dschang6.
Les religieuses ouvrent aussi un dispensaire où
sont donnés les soins aux malades atteints du paludisme ou d'autres
pathologies tropicales ne nécessitant pas de
1 Bouguem, « les
prêtres du Sacré-Coeur... p.73
2 Jean Paul
Messina, les Prêtres du Sacré-Coeur de. .
p.77.
3 Enoh Meyomesse, « La
servitude religieusement consentie », in les cahiers
de
Mutations, le vrai visage de l'église
catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.4.
4 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et. . p.74.
5 Jean Paul Messina, Les
prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans .
.p.77.
6 Monique guimfacq, Foto,
un grand royaume... p.89.
110
lourds traitements ou de longs séjours
d'hospitalisation. Soeur Jeanne Rachel et Soeur Marie Lutgarde s'occupent de
l'école des jeunes filles1 .
En ce qui concerne l'école des jeunes filles,
C'est en février 19112 que les Soeurs pallotines
arrivèrent à Dschang et commencent une école où
elles comptent jusqu'à 400 filles. Depuis 1906, les rudiments
d'instruction étaient donnés dans le cadre de la formation
religieuse. Bouguem fait un commentaire sur les cours qui étaient
dispensés dans cette école :
les cours qui étaient dispensés dans ces
écoles visaient à initier l'élève à la
lecture, au calcul rapide, à l'hygiène et surtout à la
religion chrétienne. Pour les matières comme la géographie
ou l'histoire, l'écolier connaissait beaucoup sur la France, mais rien
sur le Cameroun, son pays3.
En 1913-1914, cette école comptait 1 109
garçons et 174 filles inscrits dans trois écoles
implantées dans le district4.
Photo 38: L'école primaire st Michel de la
Paroisse Sacré-Coeur
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
OEuvre française construite en 1927 par le
frère Bernardo Albizzati sous la direction du Père Roblot, elle
est restée intacte et a formé plusieurs générations
de Camerounais.
1 Jean Paul Messina, Les
prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans
...p.76.
2 J.A. Guimzang, «
Foréké-Dschang (Impact des interventions allemandes et
britanniques sur les institutions traditionnelles 1900-1920 »,
Mémoire de DES en Histoire, Université de Yaoundé, 1978,
p.50.
3 Bouguem, « Les
prêtres du Sacré-Coeur...p.69.
4 J.A Guimzang,. «
Foréké-Dschang (Impact des interventions ... p.50.
111
De façon générale, la conversion
des Africains à la nouvelle religion leur conférait un certain
nombre d'avantages. Dans son mémoire de Maitrise, Albert-Pascal Temgoua
présente ces avantages en ces termes :
Savoir lire et écrire, se faire soigner dans
quelque dispensaire de bonne soeur, s'habiller un peu à
l'Européenne avec des habits plus ou moins usés collectés
auprès des bienfaiteurs européens, se mettre à l'abri des
tracasseries administratives, profiter de temps en temps des restes de pains ou
d'autres mets laissés sur la table du blanc, servir enfin
d'intermédiaire entre celui-ci et les frères nègres
croupissant encore dans les ténèbres de l'ignorance et de la
sauvagerie. La conversion...correspondait donc, en définitive, à
une réelle promotion sociale1.
La promotion sociale des indigènes,
c'était aussi le fait de prétendre avoir une place dans un
cimetière une fois mort. Les cimetières font donc eux-aussi
partie de l'ensemble des infrastructures coloniales à Dschang. Celui
dont nous traitons se trouve dans ce qui s'appelle aujourd'hui la grande
mission. Il date certainement de la période allemande. L'idée de
création de ces cimetières vient du fait que les Européens
se trouvant en Afrique pendant la période coloniale devaient
résoudre, parfois de façon urgente, les difficultés
auxquelles ils étaient confrontés. Mendana Ndzengue en recense
quelques uns de ces difficultés :
Outre la distance d'avec la côte qui causait de
sérieux problèmes de ravitaillement dans tous les secteurs
d'activités, d'autres problèmes, liés à la fois au
manque d'hygiène et aux aléas climatiques, n'étaient pas
de nature à rendre facile la vie des colons et des missionnaires...en
dehors des problèmes essentiellement liés à
l'environnement naturel parasitose de toutes sortes, des maladies
endémiques, de l'insécurité avec les
velléités entretenues par quelques Chefs rebelles, il y avait
aussi le sort réservé aux dépouilles des membres de la
milice coloniale et autres ressortissants européens
décédés en terre camerounaise2.
Le cimetière est le lieu ou les
européens enteraient les morts qui ne pouvaient pas être
rapatriés en métropole. Ces cimetières, au départ
étaient réservés aux dépouilles européennes
et c'est progressivement que les indigènes qui s'intéressaient
aux activités missionnaires3 pouvaient aussi y être
enterré une fois mort.
1 Albert-Pascal Temgoua,
« Le pouvoir colonial français et la Chefferie traditionnelle de
Foréké-Dschang (1920-1960), Mémoire de Maîtrise en
Histoire, Université de Yaoundé, septembre 1984,
p.50.
2 Mendana Ndzengue, «
L'évolution des pratiques funéraires et la naissance des
cimetières dans la région de Yaoundé (1885-1974) »,
Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS de Yaoundé, 2002-2003,
p.52.
3 C'est
généralement dans les territoires réservés aux
missionnaires qu'on trouve les cimetières coloniaux.
112
Photo 39: Cimetière allemand de la mission
Sacré-Coeur de Dschang
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Cette photo est l'espace ayant accueilli les
dépouilles des Allemands, des Français et aussi des
indigènes à côté du Collège st
Paul.
La question à laquelle les Africains doivent
répondre maintenant est celle de savoir s'il faut continuer à
percevoir la mission dans toutes ses composantes (écoles,
catéchèse, séminaire) avec le même regard que nos
parents avaient pendant la période coloniale. Parce qu'ils
étaient, d'une manière ou d'une, contraints de le faire. Les
vestiges culturels et religieux servaient à l'endoctrinement des jeunes
camerounais au sujet de l'intérêt de la colonisation.
Les vestiges coloniaux étant assez nombreux,
nous avons tenté de cartographier les plus importants en attribuant
à chaque vestige ou un groupe de vestiges un numéro sur la liste
suivante, question de pouvoir les repérer facilement sur la carte de la
ville.
1. l'ancien fort allemand ou le quartier
administratif actuel, constitué de la sous-préfecture, la
gendarmerie, le commissariat central, le palais de justice, les archives
départementales, la résidence du préfet, la prison
centrale de Dschang et le barrage hydroélectrique qui se trouve
derrière la prison...
2. La régie de production
d'électricité.
3. Les infrastructures de la mission
Sacré-Coeur de Dschang dont la paroisse, la résidence des soeurs,
le cimetière...
113
4. L'entrée du marché "A" de
Dschang
5. L'Usine de traitement du quinquina, l'usine de
café, les bâtiments de L'IRAD.
6. L'Hôpital de Dschang.
7. L'Alliance franco-camerounaise de Dschang, le
musée public de Dschang, le stade municipal et le camp des
fonctionnaires de new town Foto
Ces numéros, représentant les
différents arrêts, constituent un circuit touristique clair sur la
carte suivante.
114
Carte 2: Cartographie de quelques vestiges coloniaux
dans la ville de Dschang
Source : fond de carte du Laboratoire de
Géomatique de l'Université de Dschang réalisé et
complété par Keumo Roméo
115
Conclusion
En guise de conclusion, il était question pour
nous de faire l'inventaire des vestiges coloniaux à caractère
culturel et socio-religieux de la ville de Dschang. Nous pouvons retenir que
ces vestiges sont multiples. Il faut aussi remarquer que l'on se rend bien
compte que, sinon toutes les infrastructures coloniales, du moins la
majorité, aurait été initiée par les Allemands qui
n'ont fait que sept ans d'occupation effective à Dschang. Ces
infrastructures ont tout simplement été rénovées ou
reconstruites (pour celles qui étaient détruites pendant la
guerre) par les Français pendant les années 1920-30 d'une part et
dans les années 1950 d'autres part. Numériquement, les vestiges
coloniaux à caractère culturel sont moins nombreux à
comparer aux vestiges coloniaux à usage politico-administratif,
justement parce que les premiers ne viennent qu'en complément aux
seconds et ne s'intéressaient qu'à l'aspect divertissement des
colons dans les colonies. Le prochain chapitre s'intéressera à
l'état actuel de ces vestiges et à une possible
valorisation.
116
QUATRIEME CHAPITRE:
ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG ET URGENCE
D'UNE
VALORISATION
Introduction
Après avoir montré l'extrême
richesse du patrimoine colonial dans la ville de Dschang, richesse due à
la succession de plusieurs puissances coloniales dans cette localité. Il
devient important de se demander si ce patrimoine est encore visible dans son
entièreté.
La question centrale à laquelle nous allons
répondre dans ce chapitre est la suivante : Dans quel état se
trouvent les vestiges coloniaux dans la ville de Dschang ?
Pour y parvenir, nous allons commencer par montrer
l'état actuel des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang, ensuite
nous étudierons les facteurs liés à la destruction de ces
vestiges, puis leur importance et nous finirons par l'urgence de la
restauration.
I. L'ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG
Il est question ici de faire un état,
c'est-à-dire de dire comment ces édifices se présentent
actuellement sur le terrain. Nous allons d'une part compter les vestiges
coloniaux transformés, ensuite ceux qui s'assombrissent ou qui se
détériorent et d'autre part ceux
réhabilités.
1. Les vestiges coloniaux transformés
Nous entendons par vestiges coloniaux
transformés, ceux qui ne sont plus repérables sur la carte de la
ville de Dschang. Ceux dont les sites ont accueilli de nouvelles
infrastructures ayant des objectifs parfois différents de ceux de la
première structure. Il y en a plusieurs exemples. Le fort allemand
était cette superstructure militaire et administrative, siège des
institutions du Bezirk de Dschang de 1907 à 1914. Il fut
presque complètement rasé par les forces franco-britanniques
pendant la Première Guerre Mondiale. Le Camp rouge qui contenait les
militaires, les tirailleurs
117
très déterminés balancés
de l'Indochine vers le Cameroun dans les années 1950 par
l'administration française, a lui aussi disparu laissant la place au
Rectorat de l'Université de Dschang1.
Photo 40: L'actuel Rectorat de l'Université de
Dschang construit sur le site de l'ancien Camp Rouge
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Ce lieu abritant le rectorat, s'appelait dans les
années 1950, le Camp rouge (camp des tirailleurs exceptionnels ayant
fait la guerre d'Indochine et affectés au Cameroun pour briser la
rébellion upeciste). Il n'existe presque plus de traces rappelant ce
camp.
Sur le plan éducatif, le contexte colonial, qui
voulait que les différentes écoles forment les auxiliaires de
l'administration, ayant changé, les écoles de fils de Chef, des
garçons et des filles ont muté pour devenir aujourd'hui
école groupe 2, école annexe, lycée classique de Dschang.
La formation dans ces écoles est désormais accessible pour tout
le monde. Des lors, que dire des vestiges coloniaux en
détérioration.
2. Les vestiges coloniaux assombris ou en état de
détérioration
Les vestiges coloniaux assombris sont ceux dont le
site n'a pas changé, les bâtiments toujours existants mais dans un
état de délabrement avancé. Il y a certains
bâtiments ayant à l'intérieur des machines qui sont
intactes et dont on dirait qu'en les
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
118
restaurant, elles pourront encore
fonctionner1. A titre illustratif, nous pouvons citer, les
bâtiments de la station de traitement de quinquina, l'usine du
café etc.
Photo 41: Cette résidence du Chef de l'Aviation
mérite d'être réhabilité
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Cette ancienne résidence du Chef de l'Aviation
est dans un état de délabrement avancé et on peut
constater qu'il y a eu des raccommodages sur le mur vu de gauche. Elle
mérite une restauration des spécialistes.
A côté de ces bâtiments existent
d'autres qui sont toujours utilisés par l'administration et même
par des particuliers et qui méritent d'être
réhabilités, mis en forme pour une utilisation moderne. Nous
pensons au camp des fonctionnaires, à la prison, à la
régie de production d'électricité et au centre
climatique...
Le Centre Climatique par exemple devrait être un
hôtel colonial de référence. Malheureusement ce joyau va
bientôt mourir. Laissons le soin à Aldo Koko de décrire sa
situation:
Qui est donc ce gouvernement qui ferme les yeux face
à la décrépitude avancée du patrimoine immobilier
de l'Etat ? Le Centre Climatique de Dschang, véritable vestige de la
colonisation est en ruine. Son apparence désormais rustique est
trompeuse. C'est une vieille dame, aux murs lézardés et aux toits
intenables sous l'averse, qui reçoit le Gouverneur de l'Ouest et le
gratin régional de l'administration publique (Justice, Forces de
Défense, Police, Renseignements) ce 19 juin [2013], dans le cadre du
Comité de coordination de la sécurité. Chacun est quand
même là, prêt à accepter la pluie qui menace de faire
fortune ici. Personne ne peut ne pas piaffer, face à l'état de
délabrement dans lequel se retrouve le Centre Climatique de Dschang. Ce
village touristique construit et inauguré en 1946 est agonissant, sans
que cela émeuves les ministères du tourisme et des loisirs qui en
assure la tutelle, celui des Arts et de la culture qui se glorifie d'assurer
l'inventaire du patrimoine, et le ministère des Domaines, du cadastre et
des Affaires
1 Entretien avec Donfack Elie
le 13 fevrier 2014 à son domicile
119
foncières à qui incombe la conservation,
la préservation du patrimoine architectural et immobilier de l'Etat.
« Depuis que le gouvernement a décidé de privatiser le
Centre Climatique, aucun budget n'a plus été dégagé
pour son entretien », a rapporté un fonctionnaire du Mintour
à notre reporter. « Dès que vous posez le problème,
on vous répond qu'on attend la commission qui doit examiner les dossiers
de soumissionnaires » Mais le drame c'est que ça dure, et parfois
vous avez l'impression que l'on a oublié le
dossier1.
Allant dans le même sens, J.B. Ketchateng nous fait
savoir qu'
Hier..., les toits coniques de la grande case-abri du
restaurant aux belles boiseries patinées figuraient fièrement
dans les manuels de géographie économique et les cartes
touristiques du Cameroun. La mousse qui a envahi les marches, les
fougères dans les gouttières n'ont pas complètement
défiguré un établissement où les travailleurs
n'attendent que l' « argent qu'on a annoncé » pour la
relance.2
Qu'en est-il alors des vestiges coloniaux
réhabilités.
3. Les vestiges coloniaux réhabilités ou en
forme
Les vestiges coloniaux réhabilités sont
ceux qui ont régulièrement été entretenus et qui ne
souffrent d'aucune anomalie liée à leur âge. Ils ont,
depuis la période coloniale jusqu'à présent, gardé
leurs objectifs principaux. Nous pensons ainsi à la résidence et
au lieu de service du Chef de région, à l'hôpital de
Dschang, à la paroisse sacré coeur, à l'Alliance
franco-camerounaise de Dschang...
En définitive, nous retenons qu'il existe trois
principales catégories de vestiges coloniaux à savoir les
vestiges transformés, les vestiges assombris et les vestiges coloniaux
réhabilités. Apres cette présentation, on est en droit de
se demander, pour les vestiges se trouvant dans un état de
détérioration avancé, l'origine de ce
problème.
II. FACTEURS FAVORABLES A LA DESTRUCTION DES VESTIGES
COLONIAUX
Plusieurs facteurs sont à l'origine de la ruine
du patrimoine colonial à Dschang. Nous avons par exemple les conditions
climatiques, l'inaction de l'homme et l'inexistence ou l'inapplicabilité
d'une politique culturelle. D'entrée de jeu,
1 Aldo Koko «
Cameroun-Dschang : le centre climatique de Dschang, bientôt la fin ?
», in
http://www.sinotables.com,
consulté le 12 février 2014 à 13h.
2 Ketchateng, Jean
Baptiste. « Dschang, Le Centre Climatique prend froid », in
Cameroun tribune, n°10709/6908 du Mardi 04 novembre 2014,
p.9.
120
commençons par mentionner le fait que la ville
de Dschang, depuis sa création a toujours été au centre de
la politique dans la région. Elle le restera jusqu'au lendemain de
l'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960, où elle perdra
cette fonction administrative régionale pour devenir simple Chef lieu de
Département, celui de la Menoua. La perte de son statut de capitale
provinciale, va entraîner l'abandon de la ville. Tous les centres
d'intérêts sont désormais tournés vers Bafoussam. A
petit feu la ville va tomber dans la léthargie et son patrimoine va se
dégrader1. Dans la même lancée, J. Champaud dira
que « Bafoussam connut une croissance plus rapide encore avec sa promotion
au rang de Chef lieu de la région (inspection fédérale),
qui devint effective en 1964, au détriment de Dschang
2».
1. Les conditions climatiques
Le pays bamiléké est soumis à
deux saisons à savoir la saison de pluie (la plus longue qui va de mars
à novembre) et la saison sèche (qui va de Novembre à
début Mars). En liant à ces deux saisons, le temps cosmique,
c'est-à-dire depuis au moins 1960 il pleut abondamment sur un
édifice, et les récents changements climatiques, les
infrastructures coloniales ne peuvent que se détériorer et se
détruire. Selon Michel Simeu Kamdem,
la ville de Dschang occupe une position
excentrée, à l'ouest du pays bamiléké,
l'agglomération est localisée sur cinq collines ; celle du centre
national d'éducation physique et sportive (CNEPS) au Nord, celle du
centre commercial au sud, celles du centre climatique à l'est et du
quartier administratif au centre ; puis au nord-ouest celle de la mission
catholique3.
Nous nous rendons compte que cet auteur désigne
les collines de la ville par les noms des vestiges coloniaux, ce qui signifie
que ces derniers sont très ouverts à la nature et par
conséquent exposés au vent et même aux
tornades.
1 Anonyme, « Histoire
de Dschang », in
www.planèteafrique.com
posté le 11 janvier 2005, consulté le 12 février 2014
à 16h.
2 Jacques Champaud, «
Genèse et typologie des villes du Cameroun de l'Ouest », in
Cahiers de l'ORSTOM, série sciences humaines, Vol IX, n°3,
1972, p.331.
3 Michel Simeu Kamdem,
« La ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de
maitrise en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981,
p.23.
121
2. L'inaction de l'homme
Elle est surtout liée à la
méconnaissance de l'histoire de la région à la fois par
les autorités ou l'élite et par la population. Cette inaction se
manifeste par la négligence, elle-même due à l'ignorance de
l'importance des vestiges coloniaux qui font désormais partie du
patrimoine culturel du Cameroun. Parlant de la ville de Yaoundé, Esther
Ngomedje affirme que « la négligence des monuments est liée
au manque de culture historique de la majorité de la population ... on
s'interroge sur la gestion de l'acquis colonial et le management de ceux que
les Camerounais eux-mêmes produisent. Cela entraîne la perte d'une
indicative et informative de l'histoire.1 ». Les
citoyens originaires ou résidant dans la ville de Dschang ne se rendent
pas compte qu'en détruisant ou en laissant se détruire les traces
de la présence coloniale, ils participent eux-mêmes à la
destruction ou à l'effacement de l'histoire.
3. La non application de la politique culturelle
« Seule une politique culturelle innovatrice et
ambitieuse peut permettre au Cameroun de jouer un rôle dans l'histoire,
de graver ses empreintes indélébiles sur les murs du
temps2 », cette réflexion d'Augustin Kontchou Kouomegni,
préfacier des états généraux de la culture, nous
impose à reconnaitre que c'est la planification permanente et dynamique
qui donne de la valeur à la politique culturelle d'un pays. Cette
dernière se planifie à court, à moyen et à long
terme. Mouasso Ruth définit la planification comme un processus qui
permet d'identifier les objectifs à atteindre et les moyens les plus
avantageux pour les réaliser3. C'est de cette politique
qu'est généralement issu le plan de développement de la
culture d'un pays. Ledit plan est ce
1 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers les monuments cachés de
Yaoundé 1887-1963 », Mémoire de Maîtrise en Histoire,
Université de Yaoundé, septembre 2002, p.154.
2 Ministère de
l'Information et de la Culture du Cameroun, Actes des Etats
Généraux de
la Culture du 23 au 26 Août 1991 à
Yaoundé, Yaounde, Imprimerie nationale, 1992, p.5.
3 Ruth Mouasso, «
Elaboration du processus de plan de développement touristique du
littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir,
Culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999,
p.14
122
document de référence qui, en indiquant
les orientations du développement de la culture nationale
débouche sur un programme d'action. Dans notre pays, il n'existe pas une
politique culturelle réelle qui nous permet de nous projeter dans le
futur. Le problème, à notre avis, se trouve dans l'application ou
l'exécution des projets culturels élaborés par la nation
camerounaise. A regarder de près, on se rend compte qu'une politique
culturelle existait bien du temps de la République Unie du
Cameroun1. En plus, en République du Cameroun, il y a eu du
23 au 26 Août 1991 au Palais des Congrès à Yaoundé
les Etats Généraux de la Culture camerounaise2 dont
l'objectif était de donner un nouveau dessein culturel au Cameroun.
Hélas, Nous n'avons pas aujourd'hui les objectifs à atteindre
dans deux, cinq ou dix ans. Tout au plus, il y a quelques lois
promulguées par le Président de la République du Cameroun
comme celle n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine
culturel au Cameroun, mais la non application de celles-ci rend la protection
stagnante.
Ainsi, le Ministère des Arts et de la Culture
dans son fonctionnement, ne soufre d'aucun problème juridique. Tout le
problème se pose au niveau de l'application des lois. L'Organisation du
Ministère des Arts et de la Culture, principalement au niveau de la
gestion du patrimoine culturel immobilier, montre à suffisance que les
lois ne brillent pas par leur absence au Cameroun. (Voir annexe
n°7)
Il ressort clairement de ce constat que l'absence
d'une politique culturelle réelle et ambitieuse constitue la cause
directe des autres problèmes à l'instar des problèmes
financiers et de la corruption. Puisqu'il n'y a pas d'objectif précis,
certaines autorités peuvent détourner les fonds consacrés
à la réhabilitation du patrimoine culturel vers d'autres secteurs
qu'ils estiment prioritaires. Il n'y a donc pas de volonté politique
véritablement portée vers la protection de ce
patrimoine.
Au regard de ce qui précède, on
s'accorde à reconnaitre que les facteurs favorables à la
détérioration des vestiges coloniaux sus-cités, que sont
les aléas
1 Lire J.C Bahoken et
Engelbert Atangana, La politique culturelle en République Unie du
Cameroun, Paris, UNESCO, 1975, 93p.
2 Ministère de
l'Information et de la Culture du Cameroun, Actes des Etats
Généraux ...207p.
123
climatiques, l'inaction de l'homme et la non
application de la politique culturelle peuvent se résumer en deux points
essentiels, l'un entrainant l'autre. Il s'agit du manque de culture historique
chez les dirigeants qui occasionne le manque de volonté politique. Bruno
Favel, quant à lui, résume ces facteurs en disant que « le
patrimoine moderne est aujourd'hui mis en danger par l'érosion urbaine,
des lois de protections inadéquates et une reconnaissance publique
limitée1 ». Aussi, la diversité culturelle du
Cameroun est mal connue en dépit des progrès et des
réalisations en préparation, l'inventaire du patrimoine est
sommaire et la législation visant à le protéger est
insuffisante2. A ce niveau, plusieurs questions taraudent notre
esprit. On se demande par exemple à quoi devraient servir tous ces
vestiges coloniaux ? Qu'adviendrait-il donc si on décide de tout
détruire et de construire d'autres bâtiments sur ces sites ? Nous
rétorquons que l'historien s'oppose radicalement à toute
destruction des objets du passé qui signifie l'effacement des pages de
l'histoire de ce peuple.
III. L'IMPORTANCE DES VESTIGES COLONIAUX POUR UN
PEUPLE
Les vestiges du passé sont indispensables pour
un peuple à deux niveaux, d'abord, ils sont une source indéniable
de perpétuation de la mémoire collective ; ensuite ils sont un
vecteur de développement économique. Les vestiges coloniaux
n'échappent pas à cette logique.
1. Les vestiges coloniaux : Support matériel de
mémoire collective
Les vestiges ou monuments historiques sont une
cicatrice, une preuve palpable d'un fait historique. Ce sont les artefacts qui
stimulent la mémoire3. Ceux-ci permettent aux personnes ayant
vécu un certain nombre de faits liés à eux de s'en
rappeler. C'est pour cela que Nkengmo Esther B. affirme que « les
monuments sont des constructions destinées à perpétuer le
souvenir des hommes et des événements
1 Casciato De Maristella,
et Emilie D'orgeix, Architecture modernes, l'émergence d'un
patrimoine, Wavre, édition Mardaga, 2012, p.7.
2 Yves Aurélien Kana
Donfack, "Evolution de l'habitat ...p.169.
3 Alain Sinou, « le
patrimoine architectural et urbain en Afrique : un état des lieux
à l'échelle continentale », in Les villes africaines et
leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, p.167.
124
qui ont marqué l'histoire d'un pays, ou
même des oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps la valeur d'un
témoignage historique1 ».
Pris dans ce sens, les vestiges permettent donc
d'éviter par exemple les conflits intergénérationnels sur
le plan historique parce que, chaque fois que les parents parlent ou expliquent
un fait lié à la colonisation, ils prennent à
témoins ces éléments palpables qui sont des preuves
irréfutables. L'histoire du café arabica à Dschang est
palpable, aux yeux des jeunes, non pas à travers les caféiers qui
malheureusement n'existent presque plus, mais plutôt à travers
l'usine de café encore en place malgré son état de
décrépitude. La rigueur et l'exactitude allemandes dans le
travail ne se raconteront plus comme des mythes et légendes après
un siècle, mais plutôt avec des constructions allemandes au
Kamerun2 en général et à Dschang en
particulier. L'importance et l'ancienneté de la ville de Dschang ne se
raconteront pas seulement dans les documents écrits mais s'expliqueront
aussi et surtout avec les constructions monumentales existantes à
Dschang qu'on ne retrouve par exemple pas à Bafoussam3,
l'actuelle Chef-lieu de la région de l'ouest. Ainsi, Njokou Ngomedje a
totalement raison quand elle affirme : « autant que des documents oraux et
écrits, ces édifices sont des socles permettant de conserver et
de raconter le passé des peuples, ce sont des supports de communications
historiques4 ».
La mission Sacré-Coeur de Dschang par exemple,
en tant que première mission catholique à l'ouest, a amené
Dschang à être une région de vieille
chrétienté5 et comme le dirait le père Goustan
le Bayon « Dschang deviendra la mère, la grand-
1 Esther Bernadette S.
Nkengmo, « Musées et Monuments historiques de la ville de
Yaoundé : Etude comparative et problèmes de conservation »,
Mémoire de maîtrise en Histoire, Université de
Yaoundé, septembre 1986, p56.
2 Appellation allemande de
Cameroun
3Lire à ce propos
Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une
ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de Dschang,
Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009,
4 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers les monuments... p.1
5 M.
Tegomo-Nguetsé, Le diocèse de Bafoussam, contribution
à l'histoire du centenaire de l'Eglise Catholique au Cameroun,
Bafoussam, 1984, (Inedit), cité par Lemegne, « La Mission
Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de
DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003,
p.26.
125
mère et l'arrière grand-mère de
toutes les paroisses des diocèses de Nkongsamba et de
Bafoussam1 ». L'importance de cette mission doit donc
être sue non seulement par les populations de la ville de Dschang en
particulier, mais surtout par les chrétiens catholiques en
général.
En plus, ces témoins du passé sont des
portes ouvertes pour de nouvelles recherches ou pour l'avancement de la
recherche. Autrement dit, les différentes infrastructures coloniales
peuvent permettre aux différentes disciplines de cerner davantage la vie
politique, économique et sociale de la zone ou du pays pendant la
colonisation. La régie d'électricité de Dschang fera par
exemple l'objet, pour les ingénieurs, de l'étude de la
capacité technique et technologique de cette époque et donc, de
la capacité d'extension ou de couverture énergétique dont
bénéficiait la ville de Dschang. Les géographes et les
hydrologues en particulier vont étudier le débit d'eau du lac
municipal qui alimentait cette régie de production
d'électricité et par conséquent, vont connaitre les
variations climatiques pendant la période étudiée. Nous
pouvons donc conclure avec Jacques Souliliou en approuvant que la perte de ce
patrimoine [colonial] constituerait un dommage irréparable pour la
mémoire collective des jeunes générations de l'Afrique
contemporaine2. En outre, Ces vestiges coloniaux peuvent même
contribuer au développement économique de la ville de
Dschang.
2. Les vestiges coloniaux : Vecteur de développement
économique
Nous n'avons pas la prétention d'affirmer ici
que le patrimoine colonial à lui seul peut grandement influencer le
développement économique, mais nous disons que c'est le
développement de toutes les potentialités touristiques (y compris
les potentialités historiques donc colonial) de la localité qui
peuvent booster le développement socio-économique. Il faudrait
rappeler qu'un site touristique est un ensemble de paysage naturel ou
artificiel du patrimoine national qui présente une valeur exceptionnelle
du point de vue culturel, esthétique, historique, statistique
et
1 Père Goustan le
Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et ...40.
2 Jacques Souliliou,
Douala, Un siècle en images, Paris, L'Harmattan, 1989,
p.7.
126
qui mérite d'être exploité,
conservé pour l'intérêt touristique1. De plus en
plus, on parle du tourisme culturel qui, d'après Wisconsin Heritage
Tourism Program, peut être défini comme «the practice of
travelling in order to experience historic and cultural attractions and at the
same time learn about the community heritage in an enjoyable and educational
way2».
Il est vrai que le développement touristique ne
peut pas tout d'un coup, comme une baguette magique, être palpable. Mais
le chômage étant l'un des problèmes cruciaux du monde
contemporain, la prise en compte du tourisme culturel peut être un
début de solution à la lutte contre ce mal social. L'influence du
tourisme culturel sur le développement économique peut dont
être utile à deux niveaux, à savoir, au niveau de la lutte
contre le chômage et à travers l'entrée des
devises.
Pour la lutte contre le chômage, elle se situe
à deux niveaux : la réhabilitation et l'entretien.
Pendant la réhabilitation, on a besoin de tout
un corps formé d'architectes, d'historiens, d'historiens
spécialisés en architecture, des ingénieurs, d'urbanistes
sans oublier une main d'oeuvre qualifiée ou non, pour pouvoir ordonner
et embellir les édifices à réhabiliter.
L'entretien quant à lui se fait très
régulièrement et le besoin en main d'oeuvre se fait toujours
ressentir car il ne s'agit pas d'un seul bâtiment, mais d'un ensemble de
bâtiment d'une valeur importante. En plus, il faut aussi une direction
chargée de coordonner toutes ces activités, des gardiens (environ
deux ou trois par bâtiment) chargés de la surveillance des
édifices et de guides touristiques ayant pour rôle d'accompagner
les touristes. Tous ces travailleurs doivent avoir une
rémunération mensuelle.
1 Arlette Véronique
Ombotte, « Tourisme et sauvegarde de l'environnement socioculturel
camerounais », diplôme supérieur en Tourisme, Institut
supérieur international du tourisme de Tanger, 1999-2001,
p.33
2 Nadine Noudou Mbiakop,
«Cultural divertification of tourism and their importance, case study:
Cameroon», Thesis Degree Programmme in Tourism, Centria University of
Applied Sciences, October 2012, p.20
127
Une fois restaurées, ces infrastructures feront
l'objet des visites des touristes locaux, nationaux et surtout
internationaux1 et feront des rentrées en devises. Si une
bonne communication est faite à cet effet. A ce sujet, Cazes G. donne le
rôle indispensable que doit jouer le touriste auprès des autres
touristes, il affirme que :
les touristes ne sont pas l'émetteur mais
seulement le canal ou le medium pour la transmission d'idées nouvelles.
L'émetteur réel et la source d'information, c'est la
société industrielle et urbanisée dont les touristes ne
sont que des canaux d'information à côté de la
publicité, des mass-médias et des films2.
Ainsi, conclut Clovis Foutsop, le tourisme est
important non seulement comme source de devises, mais aussi comme facteur
d'implantation des industries3. Dominique David est du même
avis quand il dit que
le tourisme dispose de nombreux atouts par rapport
à d'autres branches d'activité. Etant
hétérogène, il est perçu comme la source de
multiples avantages directs et indirects pour l'ensemble de l'économie :
il crée non seulement des emplois dans le large éventail des
secteurs de services directement liés à son activité mais
également dans le commerce de détail, la construction, la
fabrication manufacturière et les télécommunications, qui
sont autant de secteurs d'avenir4.
Il n'est donc plus à démontrer que le
tourisme international joue un rôle notable dans l'apport des devises
dans les pays en voie de développement en particulier et dans le monde
entier en général. Celui-ci est sinon, le principal, du moins
l'un des principaux pourvoyeurs de devises en Afrique5. L'OMT estime
que les arrivées de touristes internationaux en Afrique sont
passées de 27 à 50 millions entre 2000 et
1 Ces infrastructures
étant le résultat de deux civilisations (africaine et
occidentale), les Occidentaux ne manqueront pas de venir visiter les
réalisations de leurs ascendants en Afrique.
2 Cazes G., Tourisme et
Tiers monde. Un bilan controversé, les nouvelles colonies de vacances,
Paris, L'Harmattan, 1992, pp20-21, cité par Ruth Mouasso, «
Elaboration du processus de plan de développement touristique du
littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir,
culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999, pp
28-29
3 Clovis Rodrigue Foutsop,
« L'activité touristique dans le Département de la Menoua
(Ouest-Cameroun) de 1943 à 2007 », Université de Dschang,
Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009, p.104.
4 Dominique David, «
Le développement durable du tourisme », in Le courrier,
n°175, Mai-juin 1999, p.41.
5 Ruth Mouasso, «
Elaboration du processus de plan de développement touristique du
littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir,
culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999,
p.19.
1 Maélan Le Goff,
« Crise de la zone euro : quelles conséquences pour les
économies africaines ? », in La lettre du CEPII,
n°322 du 26 juin 2012, p.3.
128
2010 et que les recettes provenant de ce tourisme
auraient triplé en l'espace de dix ans, passant de 10 à 30
milliards en 20101. Ces devises venant de l'activité
touristique permettront au moins de rémunérer les
employés. Ainsi, le patrimoine colonial pourra apporter sa contribution
au développement du tourisme et par ricochet à celui de
l'économie dans la ville de Dschang. Mais le constat est pourtant clair
que ce patrimoine est en train de se détériorer progressivement.
La réflexion actuelle au sujet des vestiges coloniaux devrait dont
être tournée vers la mise en valeur de ce patrimoine dont certains
éléments sont en voie de disparition.
IV. DES INITIATIVES A ENCOURAGER
Nous ne devons pas nier que quelque chose a
déjà été faite, même si c'est insuffisant
dans le sens de la mise en valeur du patrimoine colonial dans la ville de
Dschang. Par exemple, le nom sur cette plaque située sur l'axe de l'IRAD
peut déjà attirer l'attention de celui qui la regarde sur le
rôle que cette personnalité a joué dans la
ville.
Photo 42: Panneau signalant l'avenue Marcel
Lagarde
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Ce panneau est comme un début de solution au
problème de la conscientisation de la population de Dschang par rapport
à son histoire.
129
En plus, des initiatives privées ont aussi
été prises afin de protéger et de rendre utiles les
vestiges coloniaux dans la ville de Dschang. A titre illustratif, nous avons
cette initiative de la réhabilitation de l'ancien garage de la Ferme
Quinquina de Dschang à travers l'Initiative Sogea Satom pour l'Afrique
(ISSA), au profit des malvoyants du Centre de Rééducation, de
Formation et d'Insertion Sociale des Aveugles au Cameroun (Crefisac) qui a
été inauguré le samedi 18 mai
20131.
Ce grand immeuble colonial occupé par les
aveugles du Crefisac a été ainsi entièrement
rénové et doté d'une salle d'informatique et des toilettes
modernes2. Le savoir-faire des pensionnaires de cette structure en
vannerie, cannage, élevage de porc, aviculture, cuniculture, fabrication
du compost pour l'agriculture biologique, animation culturelle et sportive,
mobilité et techniques du braie est exceptionnel au niveau du territoire
national3.
Le Crefisac est une initiative de Franky Vincent
Nanfack, un fervent et éternel protecteur des aveugles. Pour la
réalisation de ce projet, le responsable du Crefisac est allé
voir le Préfet de la Menoua d'alors (Awana Ateba) et a sollicité
de lui la concession d'un immeuble colonial abandonné. Le bâtiment
avait servi tour à tour comme Garage de la Ferme Quinquina sous la
colonisation française, et Base phytosanitaire de Dschang après
l'indépendance. Le projet accroche donc l'administrateur civil qui, en
plus de ce bâtiment viendra de temps à autre en aide à la
jeune association, par des dons en denrées alimentaires et des
conseils4.
1 Anonyme, « Dschang :
l'ancien garage de la Ferme Quinquina réhabilité au profit des
malvoyants du Crefisac », in
www.sinotables.com,
posté le 22 Mai 2013 à 09:31
2 Ibid.
3 Ibid.
4 Anonyme, « Dschang :
l'ancien garage de ...
130
Conclusion
En définitive, il était question dans ce
chapitre, de faire l'état des vestiges et de montrer l'urgence de leur
valorisation. Pour y parvenir, nous avons commencé par étudier
l'état actuel de ces vestiges coloniaux, nous avons pu montrer qu'il
existe trois types à savoir, les vestiges coloniaux disparus, les
vestiges en ruine et les vestiges fonctionnels, ensuite, au sujet des facteurs
liés à la destruction des vestiges coloniaux nous nous sommes
rendu compte qu'ils se résument en un seul facteur à savoir le
manque de volonté politique qui entraine l'inexistence d'une bonne
politique culturelle. L'importance de ces vestiges n'est pas à
négliger car ils constituent l'identité culturelle et peuvent, ne
serait-ce qu'en partie aider à surmonter les conflits
intergénérationnels. Enfin, vu l'état actuel des vestiges,
nous avons fait une proposition de solution à travers la sensibilisation
et la conservation en vue de leur valorisation, le tout débouchant sur
un circuit touristique.
131
CONCLUSION GENERALE
Après la prise de possession du Kamerunstadt
(l'actuelle ville de Douala) à la faveur du traité germano-douala
du 12 juillet 1884 et l'appropriation par la force de l'arrière pays
quelques années plus tard, les allemands s'installent à Dschang
vers 1903, date probable de naissance de cette ville aujourd'hui universitaire
au passé colonial riche.
Pour matérialiser leur présence dans
cette ville, pour des besoins de sécurité, d'administration et
d'exploitation des richesses, Allemands d'abord et Français vont y
édifier à l'aide d'une main d'oeuvre locale, forcée et
gratuite, de nombreuses infrastructures.
La mise en valeur ou le pillage des ressources du sol
et du sous sol avait fortement besoin des grandes constructions comme les
infrastructures administratives, routières et ferroviaires.
Quant au financement, il venait directement de la
métropole et était géré par les
représentants de la mère patrie à des échelons
divers. Pour le cas allemand par exemple, c'est le gouverneur du territoire qui
tranchait les questions budgétaires après avoir consulté
la métropole et ordonnait aux Chefs de circonscription la
répartition. Entre les deux guerres mondiales, les Français n'ont
presque pas investi à cause des idées pro-allemandes qu'ils
combattaient chez les Camerounais. C'est à partir de la fin de la
Deuxième Guerre Mondiale qu'ils commencent à investir
véritablement dans les colonies en espérant avoir de bons
rendements. Ce financement s'est fait à travers le FIDES pendant une
période de dix ans (19471957).
L'Allemagne étant la première puissance
européenne à s'installer au Cameroun, ses citoyens ont construit
leurs premiers bâtiments en s'inspirant des techniques autochtones et en
utilisant le matériau trouvé sur place. Le tout premier
bâtiment de la mission centrale de Dschang, construit par les
pères pallotins, en est une illustration parfaite car il a
été construit en bois et en paille. Jusqu' à
l'arrivée des
132
Français à Dschang en 1920, la technique
avait beaucoup évolué et a d'ailleurs continué jusqu'au
béton armé (ce que l'on utilise aujourd'hui).
La majorité des infrastructures coloniales est
encore visible dans la ville de Dschang. On peut les recenser dans plusieurs
domaines à savoir le domaine politico-administratif, le domaine
socio-économique et le domaine culturel et religieux. Néanmoins,
une partie connait de sérieux problèmes de
conservation.
Plusieurs facteurs influencent la destruction des
vestiges coloniaux dans la ville de Dschang. Nous en avons retenu trois, le
premier est lié aux facteurs climatiques qui à travers les
différents éléments météorologiques (pluie,
humidité, vent et alternance chaleur/humidité...), frappent ces
vestiges depuis au moins soixante cinq ans. Ensuite nous avons l'inaction de
l'homme qui se manifeste par la négligence et l'abandon des vestiges en
question. Cette action négligente de l'homme participe à la
destruction des vestiges et donc au risque d'effacement de l'histoire de toute
la région parce que Dschang, depuis sa création a toujours
été au centre de l'administration coloniale. Enfin le dernier
facteur est l'inexistence d'une politique culturelle et
l'inapplicabilité des lois existantes sur le patrimoine culturel
national. Il est clair que le Cameroun en matière de politique
culturelle ne sait pas où il va et c'est pour cette raison que plusieurs
lois ont déjà été adoptées par
l'Assemblée Nationale et promulguées par le Président de
la République du Cameroun, mais n'ont jamais été
appliquées. La conséquence directe de tous ces facteurs est la
négligence1 voire l'abandon des vestiges coloniaux qui
pourtant font aussi partie du patrimoine culturel du Cameroun.
Cette situation entraine ipso facto la destruction
progressive des vestiges coloniaux au Cameroun en général et
à Dschang en particulier. Nous avons recensé en ce qui concerne
l'état de ces vestiges trois types, à savoir ; les vestiges
coloniaux transformés, les vestiges coloniaux assombris et les vestiges
coloniaux réhabilités. Pour les premiers, ce sont ceux qui ne
sont plus repérables sur la carte de la ville de Dschang parce qu'ils
ont été détruits et dont les sites abritent actuellement
de
1 Entretien avec Etienne
Sonkin le 17 mars 2014 à son bureau
133
nouveaux bâtiments.. Les seconds sont ceux dont
les sites n'ont pas changé, fonctionnels ou pas, mais qui sont dans un
état de délabrement très avancé. Et enfin ceux qui
ont régulièrement été réhabilités et
entretenus. Ils ont gardé leurs objectifs de départ.
Il devient aisé de percevoir que c'est peut
être la mauvaise récupération de ces "projets coloniaux"
par les dirigeants de la nation après les indépendances qui
justifierait ne serait-ce qu'en partie le retard de
développement1 de ce pays. Car, comment comprendre que le
paludisme, pour ne prendre que cet exemple, fait encore aujourd'hui des ravages
dans notre pays alors qu'il existait pendant la colonisation toute une
entreprise faisant dans la production du quinquina et de sa transformation en
quinine, remède efficace contre cette maladie.
Ces vestiges coloniaux sont en train de disparaitre,
pourtant ils constituent une source indéniable de la mémoire
collective. Ce sont des monuments historiques, des constructions
destinées à perpétuer le souvenir des hommes et des
événements qui ont marqué l'histoire d'un pays, ou
même des oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps, la valeur d'un
témoignage historique.2 Ces vestiges, s'ils étaient
conservés, pouvaient par exemple jouer un rôle très
important dans la résolution des conflits de génération
parce que ce sont des preuves réelles, donc palpables des faits
historiques réel et qui peuvent être datés dans le temps.
En plus, s'ils étaient entretenus, ils participeraient à la lutte
contre l'un des plus grands fléaux qui sévit dans les pays du
tiers monde à savoir le chômage. Des emplois peuvent en effet
être créés à la faveur d'une politique
institutionnelle de réhabilitation et d'entretien des vestiges
coloniaux, aussi minimes soient ils.
En terme de perspective, notons que le travail de mise
en valeur des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang doit être fait
avec beaucoup de minutie et ce n'est pas l'affaire d'une seule personne, ou de
la Mairie tout simplement, ou encore des dirigeants de l'Etat ou enfin, de la
communauté internationale à travers L'UNESCO.
1 Entretien avec Jean Claude
Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.
2 Esther Bernadette S.
Nkengmo, « Musées et Monuments historiques... p56.
134
C'est une affaire de tous, et en tant que telle une
mobilisation générale soutenue par une bonne politique culturelle
en République du Cameroun est impérative1. Car, c'est
chaque Etat qui définit sa politique culturelle en fonction de ses
besoins et de ses objectifs présents et futurs comme l'affirme si bien
Bahoken J.C. et Engelbert Atangana :
les politiques culturelles sont aussi diverses que les
cultures elles-mêmes, il appartient à chaque état membre
[de l'UNESCO] de déterminer et d'appliquer la sienne, compte tenu de sa
conception de la culture, de son système socio-économique, de son
idéologie politique et de son développement
technologique2.
Puisque les contacts entretenus de gré ou de
force avec les populations européennes installées au Cameroun
depuis le XVIIIe siècle ont emmené les peuples camerounais
à introduire de nouvelles normes dans leur univers social, politique et
psychique, il devient normal qu'il y ait une sorte de symbiose
culturelle3 dans les pays ou la volonté de retrouver une
certaine authenticité culturelle amène les individus et les
groupes à remodeler les éléments culturels
étrangers pour construire des modèles originaux.
En outre, il faudrait que l'Etat du Cameroun
crée un bureau autonome ou une direction autonome du patrimoine qui
« ne soufre pas en permanence de l'absence de concepts appropriés,
d'équipements techniques et de moyens financiers, toutes conditions d'un
fonctionnement efficace4 » qui sera chargée de la
conservation du patrimoine et qui ne dépendra pas matériellement
du Ministère des arts et de la culture. Car en dehors du centre
fédéral linguistique et culturel crée par décret
n° 62/DF/108 du 31 mars 1962 jusqu'à la direction du patrimoine
culturel actuelle, qui fait partie de l'administration centrale du
Ministère des Arts et de la Culture, en passant par la Direction des
Affaires culturelles du Ministère de l'éducation, de la jeunesse
et de la culture crée par décret n°68/DF/268 du 12 juillet
1968 et du
1 Entretien avec Feromeo
Nguimebou Keumbou, le 05 juin 2014 dans son atelier à la Chefferie
Foreké-Dschang
2 J.C. Bahoken et
Engelbert Atangana, La politique culturelle en République Unie du
Cameroun, Paris, UNESCO, 1975, p.5.
3 Ibid. p.17.
4 Kevin Mbayu, « La
conservation de l'héritage historique...p.135
135
Ministère de l'Information et de la Culture, il
n'y a pas de structures publiques autonomes chargées de la gestion du
patrimoine culturel. Cette structure qui doit être le lieu de rencontre
des chercheurs venant de disciplines différentes comme le
démontre Kevin Mbayu :
il faudrait que tous les organismes et les personnes
qui participent à la recherche concernant la conservation du patrimoine
pratiquent au maximum une approche interdisciplinaire systématique . .
.qui assure l'intégration des informations fournies par les
différentes sciences de la nature, la sociologie et l'architecture des
paysages1.
Le rôle de cette structure consistera à
sensibiliser, conserver et protéger, restaurer ou réhabiliter et
enfin entretenir le patrimoine culturel.
Il est question ici de sensibiliser tous les citoyens
du Cameroun et même les étrangers sur la nécessité
de protéger cette fortune que sont tous ces vestiges. Cette action peut
se faire à travers plusieurs moyens à l'instar des affiches, des
tracts, les informations de bouche à oreille, des panneaux
signalétiques et surtout à travers les réseaux sociaux et
les sites appropriés des technologies de l'information et de la
communication2 où se connectent un grand nombre de
personnes.
Cette tâche revient en principe aux
spécialistes qui sont les Restaurateurs, les Muséologues, les
Historiens, les urbanistes etc. La réhabilitation des usines à
café et du quinquina par exemple fera d'elles des musées
respectivement du café et du quinquina dans la ville de Dschang avec,
à l'entrée de chaque site, une plaque signalant l'entrée
du musée avec un aperçu sur l'historique de chaque
plante.
Pour ce qui est des lois, Il est vrai que depuis les
indépendances certaines ont déjà été
adoptées en faveur de la protection du patrimoine à l'instar de
la loi n°63/22 du 19 juin 1963 portant sur la protection des monuments,
des objets et des sites à caractère historique ou artistique ou
encore la plus récente, la loi n°2013/003 du 18 avril 2013
régissant le Patrimoine Culturel au Cameroun, mais ces lois restent
encore sécrètes3 car elles ne sont jamais sorties des
tiroirs, il y a très peu de Camerounais qui
1 Kevin Mbayu, « La
conservation de l'héritage historique. . .p136.
2 Pierre de Maret, «
Patrimoines africains : plaidoyer ...p.24
3 Esther Bernadette S.
Nkengmo, « Musées et Monuments ... p56.
136
sont au courant même de leur existence. Il est
question donc ici de la vulgarisation et de la véritable mise en
application de celles-ci.
Il est certain que cela exigera beaucoup de moyens
financiers et matériels ; mais c'est le prix à payer pour pouvoir
sauver notre histoire. Nous ne voulons pas une conservation
désordonnée du patrimoine, mais celle qui va dans le sens
proposé par Bruno Favel dans la préface de l'ouvrage
intitulé Architectures modernes, l'émergence d'un
patrimoine, quand il dit :
Conserver l'architecture du XXe siècle
constitue un défi important tant pour les institutions publiques que
pour les architectes chargés de projets de restauration et de
réhabilitation. C'est une pratique exigeante qui implique de travailler
avec des édifices qui ont atteint un statut de mémoire collective
et dont l'héritage est précieux1.
Si la sensibilisation et la restauration sont bien
faites, il ne reste plus que l'entretien régulier de ces vestiges
coloniaux pour qu'ils soient en forme tout le temps. Les touristes nationaux et
internationaux pourront enfin passer apprécier les constructions
coloniales dans la ville de Dschang après un demi-siècle
d'indépendance. Il faut surtout éviter comme l'affirme Pierre de
Maret de « prétendre valoriser le patrimoine d'une population sans
tenir compte d'elle, c'est un non-sens, c'est un danger dans la mesure
où l'on risque de créer un rejet vis-à-vis de ce
patrimoine2 ». Il faut que les gens se reconnaissent dans ce
qu'on présente comme leur patrimoine. Celui-ci en tant que possession
collective d'un groupe, transmis depuis un passé proche ou lointain, est
une base de la construction identitaire.
Avant ou après la restauration des vestiges
coloniaux et sur la base de la carte que nous avons élaborée au
Chapitre 3, il est possible que les touristes puissent les visiter à
condition qu'un certain nombre de problèmes soient résolus. Nous
pouvons citer, entre autres, le problème d'intimité des citoyens
camerounais vivant dans ces bâtiments, le caractère fonctionnel de
certaines infrastructures et l'appartenance divergente de ces constructions aux
différents ministères de la République du
Cameroun.
1 Casciato De Maristella, et
Emilie D'orgeix, Architecture moderne... p.7.
2 Pierre de Maret, «
Patrimoines africains : plaidoyer pour...p.25
137
Les citoyens camerounais vivant au camp des
fonctionnaires new town de Foto n'accepteraient pas qu'à chaque fois,
les touristes viennent leur poser des questions sur leurs bâtiments ou
viennent faire des études en entrant à l'intérieur de
leurs maisons. Ils sentiraient leur intimité violée. En plus
l'actuelle sous-préfecture de Dschang, étant un lieu de service
public, ne saurait faire partie des lieux touristiques. Les bâtiments
relevant de la haute sécurité de l'Etat du Cameroun et qui font
partie des vestiges coloniaux ne sauraient faire partie d'une partie de
plaisir, nous pouvons citer ici, la gendarmerie nationale, les commissariats
central et spécial...
En outre, le caractère fonctionnel de certaines
infrastructures comme la régie de production d'électricité
à Dschang ne sauraient permettre qu'elles deviennent des lieux
touristiques parce qu'elle joue encore un rôle assez important dans la
distribution de l'énergie électrique à
Dschang1. En effet, avec le système turboalternateur, la
régie sert de base de transformation pour l'énergie
électrique venant de Mbouda. Et pour la sécurité
même des touristes, on ne peut accepter qu'ils se promènent aux
environs de ce lieu où le risque d'être électrocuté
ou d'être foudroyé par des rayons émis par ce
système est trop grand. Au sujet de la réhabilitation de la
régie, Etienne Sonkin nous fait savoir qu'elle ne peut pas bien
fonctionner, car la turbine qui transformait l'énergie cinétique
en énergie électrique avait été enlevée. En
plus, le débit d'eau venant du lac Municipal de Dschang est
extrêmement faible et ne peut donc pas produire l'énergie
permettant d'alimenter le seul quartier dans lequel l'installation se
trouve2.
Enfin, le fait que les vestiges relèvent, en
termes de fonctionnalité, de la compétence des différents
Ministères pose un problème d'harmonisation et surtout du
processus de réhabilitation de ces vestiges3. A titre
illustratif, le camp des fonctionnaires, la sous-préfecture, bref, tous
les bâtiments publics dépendent du Ministère de l'Urbanisme
et de l'Habitat, la régie de production d'électricité
dépend
1 Entretien avec Etienne
Sonkin le 17 mars 2014 à son bureau
2 Idem
3 Idem
138
du Ministère de l'énergie et de l'eau,
le Centre Climatique dépend du Ministère du tourisme. Il faut que
chaque Ministère donne le quitus pour que la procédure de
restauration soit engagée et ceci ne peut être possible que s'il y
a véritablement une volonté politique, une véritable
politique de gouvernance en matière de promotion du
tourisme.
Comme nous pouvons le constater, ces problèmes
dépendent de la plus haute autorité politique du pays et nous
proposons, après l'inventaire des vestiges coloniaux que nous venons de
faire, qu'une certaine distance soit observée entre les touristes et les
objets touristiques. On peut se contenter pour un début,1 de
faire des analyses, à partir de l'extérieur, sur les formes de
ces bâtiments encore fonctionnels de nos jours. Pour les autres
bâtiments non fonctionnels, les études vont être plus
approfondies puisqu'on peut avoir la possibilité d'y entrer, comme
l'usine de traitement du quinquina par exemple. Enfin, le Cameroun a
intérêt à copier l'exemple des pays européens
où le culturel et la protection du patrimoine sont très
développés et contrôlés comme en Allemagne où
il existe plusieurs services spécialisés et la protection du
patrimoine constitue même une discipline étudiée dans les
universités2. Ceci dans le but de constituer une conscience
collective efficace en faveur de la conservation et la valorisation de ce
patrimoine.
1 L'administration
camerounaise semble ne pas être prête pour le moment vu les
coûts matériels et humains énormes que demande la
réhabilitation de ces vestiges
2 Yves Aurélien Kana
Donfack, "Evolution de l'habitat traditionnel... p.170.
139
ANNEXES
140
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I. SOURCES ORALES
N°
|
Noms et
prénoms
|
Sexe
|
Profession/ statut
|
Age
|
Lieu
|
Date de
l'interview
|
1
|
Donfack Elie
|
M
|
Occupant de
l'ancien espace de
culture de quinquina
|
70 ans
|
A son domicile à Ngui- Dschang
|
13 fevrier
2014 à 17h
|
2
|
Djiomene Jean
|
M
|
Enseignant retraité
|
73 ans
|
Foréké Dschang
|
19 mars
2014
|
3
|
Djouda Rebecca
|
F
|
Pensionnaire de
l'école principale
des filles
|
60 ans
|
A son domicile à Ngui- Dschang
|
12 mai 2014
|
4
|
Fodje Luc
|
M
|
Ancien élève de
l'école régionale de Dschang
|
85 ans
|
A Madagascar-
Dschang
|
18 mars
2014
|
5
|
Gouné Etienne
|
M
|
Secrétaire
particulier du Chef
Foto et Instituteur adjoint
retraité
|
78 ans
|
A son domicile à Foto
|
02 Juin
2014
|
6
|
Kemkeleng
|
M
|
Chef de quartier
Keleng
|
59 ans
|
A la Chefferie
Keleng- Dschang
|
05 juin 2014
|
7
|
Kembou Marie
|
F
|
Ménagère
|
74 ans
|
A son domicile à Keleng
|
04 avril
2014
|
8
|
Koutio Mathias
|
M
|
Planteur de Café
|
85 ans
|
A son domicile à Paind ground
|
17 juin 2014
|
9
|
Fouellefack Joseph Lecoq
|
M
|
Archiviste et
conservateur de
Musée
|
65 ans
|
A son bureau à la préfecture
|
3 Mars 2014
|
10
|
Madje
Emmanuel
|
M
|
Agent d'accueil et guide
accompagnateur à l'office du
tourisme
|
Environ 45 ans
|
A l'office du
tourisme de Dschang
|
25 mars
2014
|
11
|
Manelie Jeanette
|
F
|
Fille de planteur
de café et l'une des
|
Environ 65 ans
|
A son domicile à Keleng
|
04 avril
2014
|
141
|
|
|
femmes de l'actuel Chef Keleng
|
|
|
|
12
|
Manfo Maurice
|
M
|
Commando pendant le Maquis
|
74 ans
|
A côté de la
Régie de Dschang
|
17 mars
2014
|
13
|
Ngadjeu Louis
|
M
|
Tailleur derrière
l'Entrée du Marché "A"
|
60 ans
|
Marché « A » de Dschang
|
15 mars
2014
|
14
|
Nguimebou Keumbo Feromeo
|
M
|
Architecte et
peintre
|
37 ans
|
Chefferie Foréké- Dschang
|
05 Juin
2014
|
15
|
Poundé René
|
M
|
Ancien élève de
l'école principale
des garçons et
chercheur en Histoire
|
Environ
75 ans
|
Foto
|
12 février
2014
|
16
|
Sonkin Etienne
|
M
|
Ancien maire de la
commune de Dschang
|
63 ans
|
A son bureau à Dschang
|
17 mars
2014
|
17
|
Tchouankap Jean Claude
|
M
|
Chercheur en
Histoire
|
55 ans
environ
|
Dschang (Foto)
|
14 mai 2014
|
18
|
Tiofack Jacques
|
M
|
Ancien boy du
Chef de region
|
74 ans
|
Dschang
|
24 mars
2014
|
19
|
Yefoue Norbert
|
M
|
Ancien jardinier
du Chef de
subdivision de Dschang
|
80 ans
|
Dschang (Paind
ground)
|
17 Juin
2014
|
20
|
Zemfack Jeanne
|
F
|
Ancienne eleve de l'école des filles
|
62 ans
|
Dschang
|
12 mai 2014
|
142
II. LES SOURCES ECRITES
A. LES SOURCES ARCHIVISTIQUES
1. Archives Nationales de Yaoundé (ANY) ANY 1AC
3292 Extension du centre urbain de Dschang, 1954
ANY 1AC 528 Electrification de Dschang 1950
(2)
ANY 1AC 507 Urbanisme et habitat 1951
(17)
ANY 3AC 693Habitat africain. Amélioration
1952
ANY APA 11824/D Circonscription de Dschang,
1935
ANY 2AC 3380 L'oeuvre de la France au
Cameroun
ANY 2AC 9658 Ordre des architectes 1950-1954
ANY 2AC 4158 Entretien des bâtiments de
santé publique 1951
ANY 2AC 1010 Suppression gratuité quinine au
militaire 1956
ANY 1AC 17624 Distribution quinine aux enfants
européens 1955
ANY 1AC 9193 Tourisme
ANY 1AC 6310 Dschang, école régionale,
1932
ANY 1AC 507/3 Production agricole,
2. Archives Régionales de l'ouest
(ARO)
ARO 1AC/0 245 Propagande antifrançaise au Cameroun
1930
ARO 1AC 74/0 Rapport trimestriel, 4e trimestre de 1926,
Tableau N°7
ARO 1AC 262 Rapport politique et économique de
septembre 1957 dans la subdivision de Dschang
ARO Rapport, circonscription de Dschang, Tableau N°7
(Voie de communication et Bâtiments) 1er trimestre 1926
ARO 1AC 172/0 PV Gendarmerie, Accidents et altercation,
juin 1949 ARO Rapport annuel, Subdivision de Dschang, 1926
143
ARO 1AC 266/0 Préfecture de Dschang,
correspondance 19 juillet 1950 ARO Rapport mensuel circonscription de Dschang,
2e trimestre, 1921 ARO Rapport à la mission d'inspection du 17 janvier
1951
ARO Direction des travaux publics et des transports, tour
d'horizon travaux publics, sept 1955, 189p.
ARO 1A83/0 Dschang (préfecture), plan de
construction de la préfecture de Dschang
ARO 1AC 128/0 Habitat rural,
Amélioration
ARO Rapport économique mensuel de la subdivision
de Dschang, juillet 1927
ARO Direction des affaires économiques et du plan,
FIDES, Situation au 30 juin 1951 3. Archives de Dschang
Archives départementales de Dschang (non
classées) Archives de la préfecture (non
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Archives de L'IRAD
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