WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Construction du dispositif de veille sécuritaire au cameroun a l'aune de la menace Boko Haram


par OUSMANOU Kouotou Sapam
Université Yaoundé 2 - Master professionnel  2018
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 1

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

AVERTISSEMENT

L'Université de Yaoundé II et l'EIFORCES n'entendent donner aucune approbation ou improbation aux idées ou opinions contenues dans ce document. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur.

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT i

DEDICACE iv

REMERCIEMENTS v

SIGLES ET ABREVIATIONS vii

LISTE DES ILLUSTRATIONS ix

LISTE DES ANNEXES x

RESUME EXECUTIF xi

EXECUTIVE SUMMURY xii

INTRODUCTION GENERALE 13

PREMIERE PARTIE : CADRE DE DEROULEMENT DU STAGE 29

CHAPITRE 1 : PRESENTATION GENERALE DE L'ECOLE INTERNATIONALE DES FORCES DE SECURITE (EIFORCES) ET LA PLACE DU CENTRE DE RECHERCHE ET

DEDOCUMENTATION

31

Section I : Organisation, Fonctionnement et les Missions de EIFORCES

..31

Section II : Coopération et Partenariats de l'EIFORCES

42

CHAPITRE 2 : DEROULEMENT DU STAGE A L'EIFORCES

45

Section I : Acquis, Difficultés et Suggestions Eventuelles

45

CONCLUSION PARTIELLE

47

DEUXIEME PARTIE : REDYNAMISATION DU DISPOSITIF DE VEILLE

 

SECURITAIRE AU CAMEROUN SOUS LA MENACE BOKO HARAM

48

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou

Page 2

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 3

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CHAPITRE 3 : SOCIOGENESE DE LA MENACE BOKO HARAM ET LA

REDYNAMISATION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE 49

Section I : Sociogenèse de la menace Boko Haram 49

Section II : De la difficulté de riposte opérationnelle à la construction du dispositif de veille

sécuritaire camerounais et cooperations 62

CHAPITRE 4 : RESILIENCE DE LA MENACE BOKO HARAM : ENTRE FACTEURS STATIQUES, DYNAMIQUES ET LES PERSPECTIVES STRATEGIQUES,

OPERATIONNELLES INNOVANTES 81

Section I : Les facteurs statiques et dynamiques de résilience de BH à l'épreuve de la

redynamisation du dispositif de veille sécuritaire 81

Section II : Combattre autrement BH : Perspectives et Impératifs Sécuritaires

Stratégiques, Opérationnelles. 95

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 102

CONCLUSION GENERALE 103

BIBLIOGRAPHIE 105

TABLE DE MATIERE 109

ANNEXES 112

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 4

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

DEDICACE

Je dédie ce modeste travail :

A la mémoire de mon regretté père Saidou KOUOTOU que Dieu le tout puissant l'accueille dans son vaste paradis et lui accorde toute sa miséricorde.

A ma mère Abiba NJAPNDOUNKE

A Fadimatou MIMCHE

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 5

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

REMERCIEMENTS

Le moment est venu pour moi, alors que s'achève cette aventure unique qu'est la rédaction d'un mémoire, d'exprimer mon infinie reconnaissance à l'égard de toutes celles et de tous ceux qui d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la rendre possible. Comme le disait Hamadou HAMPATE BA « Quelle que soit la valeur du présent fait à un homme, il y a qu'un seul et unique mot pour témoigner la reconnaissance inspirée par la liberté et ce mot c'est : Merci ».

Mes premiers mots de remerciements vont naturellement

A mes directeurs de mémoire, Monsieur le Professeur EBOGO Frank et le Lieutenant-Colonel NJOYA Motapbemo Mannoni Thierry qui, en acceptant de m'accueillir au sein du CREPS ; à l'EIFORCES et de diriger ce travail, m'ont fait confiance. Directeurs de mémoire à la fois disponibles, méthodiques et compréhensifs, leurs conseils toujours précieux et leurs encouragements constants m'ont été d'une aide inestimable durant ces années de recherches.

Ils s'adressent ensuite :

A l'ensemble des membres et du personnel du CREPS. Une pensée particulière pour Messieurs les Directeurs ; du CREPS le Pr NTUNDA Ebode Vincent et de l'EIFORCES le Général de Brigade BITOTE Andre Patrice pour la formation reçue au niveau théorique et méthodologique ces deux années d'études, ainsi que pour les Docteurs NZOKOU et NJIFON Njoya pour leurs conseils avisés et leur disponibilité.

A mes relecteurs pour le temps qu'ils m'ont accordé et qui ont contribué à l'accomplissement de ce travail : Colonel MABALY Christian, Madame CHOPPI Victorine Dany épse TCHAKOUNTE, aux Capitaines WITOUANGA Léopold, EBANGA, KPOLONG, TCHOUKOU ; aux Lieutenants HANDOU ; AYONG ; AYIWOUO ; Sergent-Chef Ismaël Yaya ILLALOVE ; Sergent NGOE SONE E ; Caporal-Chef MBOUOMBOUO Tengbet M M ; Dr LEKINI, Pr NDAM Ngoupayou ; Mohamed Zedan Ngouyamsah Njikam ; Cheirkh Yaya Mfoncha ; Pr Joseph CHANDINI ; A mes amis qui, de près ou de loin, par leurs prières ou leur présence à mes côtés, ont permis que cette aventure soit moins solitaire.

A mes frères et soeurs NGOUPAYOU Mama ; Aicha NKWENGAM ; Adamou KOUOTOU ; OUMA ; RAHIMAT, BINTOU, YOUSSOUF Dilan, pour le soutien spirituel et matériel tellement précieux dont j'ai bénéficié durant toutes ces années de recherches et même au-delà.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 6

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Enfin :

A la grande famille royale Nji Titah Mfon LOUMBOU ; Nji MONTIE Issoufou, Mme Ali SINE AICHETOU NJAPDOUKOUET, NJOUNDIYIMOUN Salifou, Officier de Police1 Serange ESSOUA, MILHANE Uriel, KEYLANE Sayid et Alida Darelle KOUETCHA ; Madame NGOU Evelyne.

Devant nos maîtres et les membres du jury de cette présentation, je m'incline en signe de révérence et d'humilité. Nous les remercions d'avance pour leurs critiques et leurs évaluations. Toutefois, comme le signifie le propos d'initiation Bamoun (langue locale du Cameroun) : « Si je me suis trompé, que l'erreur me pardonne ; si j'ai omis quelque chose, que l'omission me pardonne ».

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 7

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

SIGLES ET ABREVIATIONS

ACRI: African Crisis Response Initiative

ACOTA: African Contingency Operations and Training Assistance;

BESS : Brevet d'Études Supérieures de Sécurité ;

BH : Boko Haram ;

BIR : Bataillon d'intervention Rapide ;

CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale ;

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ;

CONOPS : Concept d'Operations Stratégiques ;

COPAX : Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale ;

CPTMO : Centre de Perfectionnement aux Techniques de Maintien de l'Ordre ;

CPPJ : Centre de Perfectionnement à la Police Judicaire ;

DTL : Direction Technique et Logistique ;

DAF : Direction des affaires Administratives et Judiciaires ;

DE : Direction des Études ;

DEMFS : Diplôme d'Etat-major des Forces de Sécurité ;

EIFORCES : École Internationale des Forces de Sécurité ;

EMA : État-major des Armées ;

ENVR : École (s) Nationale (s) à Vocation Régionale ;

FAA : Force Africaine en Attente ;

FOMAC : Force Multinationale de l'Afrique Centrale ;

FOP : Formateur en Ordre Public ;

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 8

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

IP : Intervention Professionnelle ;

MARAC : Mécanisme d'Alerte Rapide d'Afrique Centrale ;

MINDEF : Ministère de la Défense ou le chef de ce Département ministériel ;

NEDEX : Neutralisation Enlèvement et Destruction des Explosifs ;

ONU : Organisation des Nations Unies ;

OSP : Opérations de Soutien à la Paix ;

RECAMP : Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix ;

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 9

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

LISTE DES ILLUSTRATIONS

Les tableaux

Tableau 1 : Régularité des attaques sur le territoire camerounais entre mai et août 2014 Tableau 2 : Nombre d'attaques menées par BH par circonscriptions administratives dans l'Extrême-Nord entre le 1Er Janvier 2013 et le 31 Janvier 2017

Les figures

Figure 1 : Organigramme de l'EIFORCES

Figure 2 : Carte de l'Extrême-Nord montrant les zones touchées par les attaques de Boko

Haram

Figure 3 : Cartes des différentes bases de la FMM

Figure 4 : Intensité des attaques menées par Boko Haram dans l'Extrême-Nord entre 2013 et

2014

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 10

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

LISTE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : Décret portant création de l'EIFORCES

ANNEXE 2 : Décret portant organisation et fonctionnement de l'EIFORCES

ANNEXE 3 : Lettre de demande du Directeur du CREPS sollicitant le stage académique pour ses étudiants

ANNEXE 4 : Lettre du Directeur de l'EIFORCES accordant le stage académique à certains étudiants de Master II en stratégie, défense, sécurité, gestion des conflits et des catastrophes ANNEXE 5 : L'Attestation de fin de stage

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 11

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

RESUME EXECUTIF

Depuis plusieurs années, l'Afrique en général n'est pas à l'abri du terrorisme au cliché de Boko Haram. Avec la hausse des activités de ce groupe violent, le Cameroun est particulièrement frappé par BH si bien qu'il est désormais courant de parler d'un arc de crise dans la région de l'Extrême-Nord. En effet, Boko Haram et son caractère transnational appelle à court terme des réponses sécuritaires nationales et internationales. Le présent mémoire examine la problématique de la construction du dispositif de veille sécuritaire camerounais à l'aune de la menace Boko Haram. Cette construction est déterminée par la sociogenèse de la menace ainsi que sa résilience dans ses zones sièges du Cameroun. Dans un tel contexte, ce travail relève des hypothèses selon lesquelles le Cameroun est parvenu à redynamiser son dispositif de veille sécuritaire au regard de l'évolution et la complexité des modes opératoires de la menace. Les stratégies hétéroclites jadis peu organisées expliquent la résilience de Boko Haram et exigent l'adaptation et le renforcement des forces de défense et de sécurité comme point d'ancrage d'une nouvelle dynamique sécuritaire. Le fonctionnalisme et le constructivisme sécuritaire ont permis de comprendre le fonctionnement et la réorganisation du dispositif de veille sécuritaires, ainsi que le commandement territorial obsolète sous l'emprise de la menace. Dès lors, la résilience de Boko Haram exige de nouvelles perspectives et impératifs sur le plan stratégique et opérationnel.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 12

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

EXECUTIVE SUMMARY

For several years, Africa in general has not been immune to terrorism like the cliché of Boko Haram. With the increase in the activities of this violent group, Cameroon in particularly truck by BH so that it is now common to speak of an are of crisis in the far north region. Indeed, the expression of BH and its transnational character call for national and international security responses in the short term. This project examines the issue of building the cameroonian security monotoring system on the eve of the Boko Haram threat. This construction is determined by the sociogenesis of the threat as well as its resilience in the headquater areas of Cameroon. In such a context, this work is based on the hypotheses according to wich Cameroon has succeded in the rivializing its monotoring system in view of the evolution and complexity of the operating methods of the threat. The disparate and poorly organized explain the resilience of BH and require the adaptation and strengthening of the defense and security forces as an ancher for a new security dynamic. Fonctionalism and security constructivism have made it possible to understand the functioning and reorganization of the security monotoring system the obsolete territorial command under the influence of the threat. Boko Haram's resilience therefore require new perspectives and imperatives on both strategie and operational levels.

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

INTRODUCTION GENERALE

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 13

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 14

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

La fin de la bipolarité a ouvert la voie à des nouvelles formes de menaces sécuritaires au cliché du terrorisme. Si l'Afrique en générale est considérée comme un continent conflictogène, le Cameroun souffre d'un véritable déficit sécuritaire à cause des actes terroristes perpétrés par la secte islamiste Boko Haram. L'insécurité dans ce pays de la sous-région du continent demeure une préoccupation majeure, car elle y hypothèque tous les efforts de développement. Les exactions terroristes générées au Cameroun exigent une riposte sécuritaire dictée par la doctrine d'emploi des forces. En effet, les différentes politiques de défense et de sécurité mises en place par l'Etat du Cameroun sont essentiellement en voie de construction avec l'apparition de la nouvelle menace sécuritaire que représente BH. Malgré l'accent mis sur cette menace par l'Etat du Cameroun, la résilience de BH observée, constitue un véritable baromètre de carences, voire de l'inefficacité des stratégies contre-terrorisme. C'est à la lumière de ces échecs constatés et au regard de leurs conséquences drastiques et dramatiques sur la vie des populations Camerounaises qu'il est temps de sécuriser autrement les zones sièges du terrorisme. Pour cela, le dispositif de veille sécuritaire devrait être envisagé dans une perspective évolutive. Une telle approche est la justification de la thématique portée sur : « la Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun sous la menace Boko Haram ». En admettant que la sécurité se construit sur la confiance et se redéfinit tout le temps, en fonction des exigences sociales, institutionnelles ou diplomatiques, BH a frappé de désuétude le dispositif de veille sécuritaire du Cameroun. Cette secte djihadiste impose une redynamisation du schéma sécuritaire voire sa refondation. La lutte contre BH paraît désormais au coeur de la recomposition stratégique et opérationnelle du dispositif de veille sécuritaire du Cameroun. De ce fait, l'introduction générale repose sur deux grandes parties : la construction de l'objet de recherche (section 1) et la construction du cadre théorique et méthodologique (section 2). La section 1 le contexte et justification de l'étude (I), le choix et l'intérêt de l'étude (II), la délimitation de l'étude (III), la clarification des concepts (IV), la problématique (V), et les hypothèses de recherche (VI). La section deux est la présentation du cadre théorique (I), le cadre méthodologique (II). Toutes finalisées par l'annonce du plan de travail.

SECTION 1 : DE LA CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 15

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

La construction de l'objet d'étude est une étape très fondamentale qui repose sur le contexte et justification de l'étude (I), le choix et l'intérêt de l'étude (II), la délimitation (III), la clarification des concepts (IV) et la problématique de la recherche (V).

I- CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ETUDE

Cette étude s'intéresse aux contours et aux motivations du choix du thème de recherche. Au regard de la sociogenèse de BH et le dispositif mis en oeuvre pour son endiguement, cette étude sera déroulée sur deux axes reposant sur les contextes géopolitique (A) et géostratégique (B).

A- CONTEXTE GEOPOLITIQUE

Boko Haram apparaît en 2002 au Nigeria, dans certains États du Nord-Est (Yobe, Adamawa et Borno), frontaliers du Cameroun, du Tchad et du Niger. S'il procède des dynamiques sociopolitiques nigérianes, le groupe n'en étend pas moins de manière progressive sa présence et son influence dans certaines localités des pays voisins, en exploitant la continuité socioculturelle desdites localités (langues, coutumes et pratiques religieuses sont similaires)1.

Les premières actions significatives que pose le groupe terroriste, au Cameroun, sont l'attaque du 10 Avril 2012 à Amchidé zone frontalière de la ville nigériane de Banki2. Cette attaque fait état de 11 morts dont 10 nigérians et un camerounais. Le mode opératoire laisse entrevoir des individus clairement identifiés comme membres du groupe islamiste BH car à la sortie de la mosquée, l'un d'eux poussait de vive voix : « nous sommes venus pour accomplir un travail, nous n'avons pas besoin de vous, rentrez chez vous »3. La scène se déroule devant le poste frontalier regroupant les administrations nigérianes de la douane, et de la police à proximité de deux églises protestantes dont les fidèles chrétiens sont leur cible. C'est d'ailleurs

1 Germain-Hervé MBIA YEBEGA, janvier 2015

Terrorisme et contre-terrorisme en Afrique centrale : quelle vision stratégique pour le Tchad et le Cameroun?

2 Op.cit

3 Germain-Hervé MBIA YEBEGA, janvier 2015

Terrorisme et contre-terrorisme en Afrique centrale : quelle vision stratégique pour le Tchad et le Cameroun?

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 16

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

ce qui justifie l'accroissement du nombre de réfugiés en provenance du Nigeria qui pèse aussi défavorablement sur les équilibres (sociétaux) déjà précaires dans cette partie du pays économiquement fragilisée, dont le développement est notamment lié à l'essor du tourisme. Une série d'enlèvements de personnes d'origine étrangère, va suivre dès février 2013. Cette série va culminer avec l'enlèvement d'une dizaine d'employés chinois d'une entreprise de travaux publics le 16 mai 2014 à Waza, suivi de celui de proches parents et de l'épouse d'un membre du gouvernement, ainsi que d'autres habitants de la localité de Kolofata le 27 juillet 2014. Le groupe commet aussi de manière régulière des massacres, dans des villages et villes frontaliers du Nigeria, à l'Extrême-Nord du Cameroun. La menace de Boko Haram questionne ainsi les capacités d'appréhension et de réaction des États de la sous-région face au défi du terrorisme. Ce qui justifie pas mal les grandes assises dont le «Sommet de Paris sur la sécurité au Nigeria», tenu le 17 mai 2014 »4. En raison de sa capacité de nuisance devenue régionale, le chef de l'Etat Camerounais va, à l'issue de cette assise, déclarer la guerre contre BH. Cette dernière met particulièrement à l'épreuve les forces de défense et de sécurité de l'Etat du Cameroun dans sa double fonction de préservation de la stabilité interne et de protection contre les menaces externes. La récurrence de la menace justifie la nécessité de construire un dispositif de veille sécuritaire et à penser la guerre5.

B- CONTEXTE GEOSTRATEGIQUE

La poussée meurtrière de Boko Haram, dans les zones transfrontalières du Nord Cameroun, s'inscrit dans des dynamiques antérieures de dégradation de la situation sécuritaire. Dans ces zones excentrées et en déshérence, la marginalisation économique a conduit progressivement à l'enracinement et au développement de certaines activités illicites, ainsi qu'à des formes de violence dont le terrorisme n'est qu'une des variantes récentes. Cinq phénomènes principaux caractérisent l'insécurité transfrontalière endémique dans le pourtour du Lac Tchad : «le banditisme militaire transfrontalier et le vagabondage des groupes armés; le trafic d'armes légères et de produits de contrebande (carburant, produits pharmaceutiques, véhicules et pièces

4 Le sommet de Paris annoncé le 11 Mai 2014 par François Hollande depuis Bakou (Azerbaïdjan) a été initié par Goodluck Jonathan. Il s'est tenu le 17 Mai 2014 au Palais de l'Elysée. Les chefs d'Etats invités furent : le Nigerian Goodluck J, le Tchadien Idriss Deby Itno, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Béninois Thomas Boni Yayi et le Camerounais Paul Biya. L'idée de ce sommet fut celui d'insuffler un rapprochement entre des voisins qui ont bien souvent du mal à s'entendre et d'aboutir à la mise en place d'une coordination militaro-politique dans le cadre de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram.

5 Honneur et Fidélité, magazine des forces de défense du Cameroun, Edition spéciale, décembre 2015, p. 52.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 17

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

détachées); le braconnage transfrontalier et le trafic du bétail; le trafic d'êtres humains et de documents d'identité; l'insécurité foncière transfrontalière»6.

La prise en compte par l'État Camerounais des urgences sécuritaires dans la partie septentrionale du pays et le déploiement de moyens, ont eu lieu de manière graduelle. L'État a essayé de répondre à l'aggravation progressive de certains phénomènes d'insécurité, par des solutions qui ne leur étaient pas toujours adaptées aux effets du sous-développement et de la pauvreté. A l'insuffisance de l'analyse et aux contraintes politiques et économiques, ont succédé des réponses prioritairement sécuritaires.

Au cours de ces dix dernières années, par ailleurs, le Cameroun est aussi devenu terre d'accueil des réfugiés provenant des pays frontaliers en crise. Les différentes rébellions et crises de « succession présidentielle » dont le Tchad a été familier ont drainé un nombre considérable de réfugiés, qu'ils soient civils ou en armes. Les derniers développements de cette insécurité sont des attaques orchestrées par des bandes armées, visant des postes frontaliers camerounais, des brigades de gendarmerie et des commissariats de police. La perte de contrôle de l'État sur une partie du territoire national est ainsi devenue une réalité : des convois de véhicules doivent être escortés par les forces de défense et de sécurité pour relier les chefs-lieux de régions (et de départements) de la partie septentrionale du pays. Le Bataillon d'intervention rapide (BIR), une unité d'élite de l'armée de terre, très engagée aujourd'hui dans les combats contre Boko Haram. Ce bataillon résulte de la transformation du Bataillon léger d'intervention (BLI), crée en 19997.

II- CHOIX ET INTERET DE L'ETUDE

Le choix et l'intérêt du sujet révèlent dans toute entreprise scientifique majoritairement des motivations profondes. Le choix du thème « la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun sous la menace Boko Haram » découle d'un regard projeté sur la conjoncture sécuritaire du Cameroun depuis l'avènement de Boko Haram. Cette étude revêt un double intérêt, à savoir scientifique (A) et pratique (B).

6 Cyril Musila, « L'insécurité transfrontalière au Cameroun et dans le bassin du lac Tchad », Note de l'IFRI, juillet 2012.

7 Décrets de 2001 sur la réorganisation de l'armée.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 18

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

A- INTERET SCIENTIFIQUE

Ce travail s'inscrit dans une perspective des nouveaux axes stratégiques de l'évolution et du développement organisationnel des forces de défense et de sécurité qui s'imposent face à la complexité du groupe terroriste Boko Haram. C'est dans cette optique que les pistes sur les modes d'actions stratégiques telles que la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire restent envisagée pour la véritable planification des opérations de défense et de sécurité. La prévention et la lutte contre ce groupe terroriste nécessite une interaction entre les acteurs locaux et internationaux. En matière de défense et de sécurité, la présente investigation peut servir de base pour des études plus approfondies pour endiguer les menaces terroristes. C'est un véritable outil d'aide à la décision qui expose au public la vérité abyssale sur Boko Haram et une interpellation à plus de vigilance. C'est un supplément d'enseignements et de données relatives à la vulnérabilité des régions en proie au terrorisme Boko Haram, son impact et comment sont mises en oeuvre et opérationnalisées les stratégies de sécuritisation8 durable.

D'un point de vue méthodologique, cette aventure scientifique pourrait servir à la fois de tremplin et de boussole aux recherches ultérieures.

B- INTERET PRATIQUE

Ce travail de recherche se construit afin de documenter et de mettre en oeuvre les nouvelles stratégies de défense et de sécurité aux menaces terroristes, mais aussi de comprendre comment la secte terroriste Boko Haram a frappé d'obsolescence le dispositif de veille sécuritaire qui nécessite d'être. Il se présente aussi comme une réponse pertinente contre Boko Haram en faisant toutefois ressortir les facteurs de sa résilience. Si en quelque sorte malheur est bien, Boko Haram a ouvert la voie pour les nouveaux choix stratégiques et tactiques en raison de son mode opératoire très souvent diffus.

Il s'inscrit dans la lignée des travaux de réflexion sur les nouveaux axes stratégiques pour faire face aux crises à dominance asymétrique en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Il convient davantage de penser à la notion de « construction » et saisir l'adaptabilité

8 Au sein des études de sécurité, la sécuritisation occupe une place singulière (Williams 2011). Elle est nourrie par les apports du réalisme et du libéralisme politiques tout en restant ouverte aux critiques de la sécurité (Floyd 2010 ; Balzacq 2016). Elle se charge des questions classiques de sécurité, telles que la guerre. Le concept est propre dans ses débuts à l'école de Copenhague.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 19

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

du Cameroun aux nouveaux besoins sécuritaires auxquels il fait face, afin de comprendre sa capacité à produire ou non des politiques publiques dans le domaine. Le sujet prend alors appui sur les pratiques camerounaises dans la veille sécuritaire en situation de Boko Haram (BH). L'intrusion de BH au Cameroun a favorisé le renouvellement de la gouvernance sécuritaire par la démultiplication d'acteurs de la sécurité et la lente et imparfaite démonopolisation étatique sur la question. Les autorités camerounaises ont dû, par la force des choses, concéder une restructuration de leurs politiques publiques de défense et sécurité en acceptant un double accompagnement en la matière. Par le haut, un accompagnement par des partenaires bilatéraux et multilatéraux, et par le bas, un accompagnement issu de l'adoubement et de l'exploitation de la générosité des groupes d'auto-défense qui s'activent sur le terrain. L'analyse entend partir de cette réalité pour interroger les apports théoriques et empiriques de la lutte contre BH dans la préservation sécuritaire au Cameroun. A cet effet, la réorganisation du dispositif de veille sécuritaire, l'interaction et les interrelations sécuritaro-militaires doivent être systématisées et normalisées pour mieux affronter le groupe terroriste. Quelles seraient les éléments d'une initiative stratégique commune apte à relever ce défi ? La réponse à cette question prescrit une vision globale et une capacité d'anticipation, de veille et du partenariat stratégique au sein duquel le Cameroun sera un acteur et actant crédible de la lutte contre la menace terroriste.

III- DELIMITATION DE L'ETUDE

La délimitation permet de circonscrire notre champ d'investigation, de nous positionner par rapport au thème en fonction des indices d'espace et de temps.

A- DELIMITATION GEOPOLITIQUE

Cette étude s'intéresse fondamentalement à la partie septentrionale du Cameroun en proie à BH. À la suite de la déclaration de guerre à Boko Haram, les autorités camerounaises ont également procédé, en août 2014, à la réorganisation partielle de la carte territoriale du commandement militaire, par la création d'une région militaire spécifique(RMIA4), qui regroupe les départements les plus touchés par les actions du groupe terroriste. Ces décisions s'inscrivent dans ce qui s'apparente à un réajustement du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun. Elles traduisent une nouvelle orientation déjà amorcée en 2001, avec l'élargissement de la politique de défense à l'échelle sous régionale et la redéfinition progressive des missions des forces de défense et de sécurité, ainsi que la dotation en ressources

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 20

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

et outils adaptés auxdites nouvelles missions9. Le pays avait jusqu'ici inscrit prioritairement son action militaire dans une vocation purement défensive de sa souveraineté10.

Le déploiement d'un important contingent de troupes permet de contenir les velléités de Boko Haram dans ses tentatives de prendre racine au Cameroun, bien que sa capacité de nuisance demeure considérable. Le groupe occupe une large bande de territoire côté nigérian, tandis que les forces gouvernementales nigérianes semblent éprouver des difficultés à lui tenir tête. Mais pourquoi le Cameroun ? Le groupe a-t-il des projets expansionnistes ? Sur le plan des interactions sous régionales, il convient de rappeler la continuité territoriale et socioculturelle entre les communautés frontalières, du Cameroun, du Nigeria et du Tchad, dans lesquelles Boko Haram semble bénéficier de certaines complicités, soient-elles passives, pour mener ses incursions. C'est d'ailleurs ce qui justifie la prise en compte de la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun dans une vision stratégique du contre-terrorisme.

B- DELIMITATION CHRONOLOGIQUE

Au Cameroun, les premières actions significatives que pose le groupe terroriste, date d'Avril 201211. En effet, le 10 Avril 2012 les localités frontalières nigériano-camerounais (Banki et Amchidé) sont attaquées faisant état de 11 morts dont 10 nigérians et un Camerounais. Ces actions sont relayées en 2013 et va culminer avec l'enlèvement d'une dizaine d'employés chinois d'une entreprise de travaux publics le 16 mai 2014 à Waza, suivi de celui de proches parents et de l'épouse d'un membre du gouvernement ainsi que d'autres habitants de la localité de Kolofata le 27 juillet 2014. Le groupe commet aussi de manière régulière des massacres, dans des villages et villes de l'Extrême-Nord du Cameroun. C'est ainsi que dans une perspective de sécurité globale, la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire apparait comme une alternative contre la menace BH de 2013 à 2018.

9 Joseph Vincent Ntuda Ebode, ibid. et Léon Kongou, « Boko Haram : imbroglio dans le Nord du Cameroun », Revue Défense nationale, n° 775, décembre 2014.

10 Cette mutation se traduit par une projection timide mais de plus en plus régulière des forces camerounaises dans la sous-région et sur le continent, à la demande de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC), ou de l'Union Africaine. Voir notamment Note N°5 - Architecture et contexte sécuritaire de l'espace CEMAC-CEEAC, 25 février 2014.

11 «Pourquoi Jonathan n'est pas arrivé à Yaoundé », Le Camerounais infos, 28 janvier 2014.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 21

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

IV- CLARIFICATION DES CONCEPTS

« Philosopher c'est savoir ce que parler veut dire », avait coutume d'affirmer le Philosophe PLATON pour démontrer la rigueur dans le choix et l'emploie des mots et concepts auxquels nous faisons appel pour exprimer nos pensées. La clarification conceptuelle ci-dessous tient lieu d'assemblage de sens et de significations des mots et concepts que compose ce thème d'étude.

- VEILLE

Elle désigne l'attitude des forces de défense et de sécurité du Cameroun ; acteurs opérationnels à appréhender les zones vulnérables de Boko Haram afin de prévenir ou d'anticiper sur les menaces potentielles. Elle est cette action prospective des forces de défense et de sécurité qui consiste à surveiller les points d'ancrage de BH. Elle relève de la tactique du dispositif visant à capter, détecter les positions et les intentions des adeptes de BH

- SECURITE

A l'aune d'une définition opérationnelle, la sécurité renvoie à la capacité des forces armées camerounaises acteurs principaux à résister aux attaques de Boko Haram, à poursuivre la lutte par la mise en place d'un dispositif de veille adapté à cette forme de menace terroriste. Elle vise objectivement l'absence de la menace et subjectivement l'absence de peur dans les zones cibles de BH au Cameroun.

- MENACE

Elle renvoie aux actes criminels de nuisance perpétrés par le Bokostan12 qui pèsent sur la sécurité du Cameroun. C'est un tout composé des attaques-suicides, des attaques contre les

12 Le Bokostan renvoie à l'Etat de Boko Haram. A ce titre lire : La guerre hybride entre le Cameroun et le Bokostan ; Publibook EBOGO Frank

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 22

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

positions des forces de défense et de sécurité, ainsi que la projection des bombes et engins explosifs improvisés.

V- PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE

La problématique est définie par QUIVY et CAMPENHOUDT comme « l'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est une manière d'interroger les phénomènes étudiés. Selon Ferdinand de Saussure, « le point de vue crée l'objet ». Cela veut dire, au sens de Janvier Onnan, que « c'est le regard que l'observateur pose sur la réalité qui donne une configuration à son objet de recherche ». Ainsi, notre problématique se déploie autour de deux types d'interrogations, à savoir la question principale et les questions secondaires.

A- QUESTION PRINCIPALE

Comment le Cameroun est-il parvenu à construire son dispositif de veille sécuritaire à l'aune de la menace Boko Haram ?

B- QUESTIONS SECONDAIRES

? Comment la sociogenèse de Boko Haram impose-t-elle la construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun ?

? Comment s'explique la résilience de la menace Boko Haram face à la construction du dispositif de veille sécuritaire national et des mécanismes régionaux et comment combattre autrement BH ?

VI- HYPOTHESES DE RECHERCHE

Alfred Kafuza Kalende définit une hypothèse comme étant « une proposition des réponses aux questions que l'on se pose à propos de l'objet de la recherche ». Elles s'articulent autour de deux ordres, à savoir l'hypothèse principale et les hypothèses secondaires.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 23

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

A- HYPOTHESE PRINCIPALE

Le Cameroun est parvenu à construire son dispositif en matière de veille sécuritaire au regard de l'évolution et la complexité des modes opératoires de la menace Boko Haram.

B- HYPOTHESES SECONDAIRES

? La sociogenèse de Boko Haram impose la construction du dispositif de veille sécuritaire par l'adaptation et le renforcement comme point d'ancrage d'une nouvelle dynamique sécuritaire.

? La résilience de la menace Boko Haram face à la construction du dispositif de veille sécuritaire s'explique par une chaine de stratégies hétéroclites et peu organisées qui exigent des nouvelles perspectives pour combattre autrement Boko Haram.

SECTION 2 : CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

Tout travail de recherche en sciences sociales et précisément en stratégie défense repose sur des assises théoriques et conceptuelles à même de faciliter une compréhension aisée de la stratégie défense. La méthode et la théorie donnent à l'activité scientifique la crédibilité.

I- CADRE THEORIQUE

La théorie apporte ordre, signification et intelligibilité à une masse de phénomènes de telle sorte qu'on puisse rompre avec le sens commun et mieux saisir la réalité sociale. le physicien américain d'origine allemande Albert Einstein disait à propos de la théorie que : « c'est la théorie qui décide de ce que nous pouvons observer » 13 . Et si nous partons du sens étymologique du mot « théorie », le « theoros »14 (spectateur, témoin) et « theorein » (observer attentivement ce qui se passe afin de le décrire, l'identifier et le comprendre), nous pourrons dire avec le secours de Philippe Braillard15 que la théorie est une expression cohérente et

13 Albert Einstein. L'éther et la théorie de la relativité. La géométrie et l'expérience.

14 Envoyé des cités grecques à Delphes dont la mission était d'observer les oracles et de les rapporter, et dans la mesure du possible en expliquant leur signification.

15 In Théories des relations internationales, Paris, PUF, 1977, p.13.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 24

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

systématique de la connaissance que l'on se fait de la réalité. En réalité, « les théories en sciences sociales énoncent généralement les possibilités plutôt que des lois. Elles consistent pour la plupart de temps en des cadres conceptuels élargissant notre compréhension du réel. [...] Toutefois, cet effort de rupture (du sens commun) passe par l'adoption d'un système d'interprétation donnant signification et cohérence aux pratiques sociales. (...) il vise à dévoiler le sens de pratiques sociales, de symboles et de mythes orientant l'action politique. » Ainsi, le champ théorique de référence dans le cadre de notre travail se déploie particulièrement sur le constructivisme sécuritaire et le fonctionnalisme sécuritaire ou théorie transactionnaliste.

A- LE CONSTRUCTIVISME SECURITAIRE

Le constructivisme peut se définir comme une approche abordant la réalité sociale comme résultante de l'action des individus. Comme l'explique Jean Louis Le Moigne : « le réel existant et connaissable peut être construit par ses observateurs qui sont dès lors ses constructeurs »16. De même, pour Paul Valéry : « Les vérités sont choses à faire et non à découvrir, ce sont des constructions et non des trésors ». Bachelard soutient également la même position en affirmant que « rien n'est donné, tout est construit »17. Dans le même son de cloche, Simon défendit aussi cette théorie dans sa thèse d'Economie Politique soutenue en 1943 : « les organisations sociales ne sont pas des données, elles sont conçues ».

En effet l'émergence du constructivisme vers la fin des années 1980 coïncide avec l'incapacité des approches orthodoxes de prévoir et d'expliquer les bouleversements survenus au courant de la décennie 1980. En effet, le constructivisme sécuritaire est la première théorie qui nous semble la mieux indiquée pour comprendre et analyser notre sujet de mémoire. En tant que théorie des relations internationales, le constructivisme vient de l'ouvrage de Nicholas Onuf et surtout du célèbre article « Arnachy is What States Make of it » d'Alexander Wendt. L'idée centrale de cette théorie est que ce sont les idées et les normes qui constituent la réalité et non l'inverse18. Toutefois, c'est le constructivisme dans sa dimension sécuritaire qui est notre principal centre d'intérêt et plus précisément les travaux de Barry Buzan et d'Ole Waever sur la sécurité dont les études sur la sécurité ont été menées au sein de l'Ecole de Copenhague. Pour cette dernière, « la sécurité est une démarche où l'on quitte le cours normal des négociations et des compromis politiques pour entreprendre une construction, un processus de

16 Le MOIGNE., Jean-Louis. Les épistémologies constructivistes. PUF, 1995

17 BACHELARD, Gaston. La formation de l'esprit scientifique. Paris, Librairie philosophique Vrin, 1999

18 Charles-Philippe David, La guerre et la paix, 3e édition, revue et augmentée, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p.59.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 25

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

securitization»19. Elle met ainsi en relief trois principales idées : une conception élargie de la sécurité, une sécurité sociétale et une sécurisation. Barry Buzan et Weaver expliquent que la sécurité ne devrait plus être réduite à sa simple expression réaliste qui voudrait que la sécurité soit uniquement confinée à la protection de l'État, l'aspect militaire, mais que la sécurité devrait concerner d'autres aspects tels que le politique, l'économie, la société et l'environnement. Cette sécurité sociétale aura une influence remarquable sur la sécurité humaine qui intervient lorsque l'Etat est dans une incapacité totale à assurer le bien-être de ses populations.

B- LE FONCTIONNALISME SECURITAIRE

Théorie dite de l'intégration et de la coopération, le fonctionnalisme est une théorie d'essence libérale initiée par David Mitrany dans son A Working Peace System paru en 1966. En effet après la deuxième guerre mondiale, les tenants de l'approche fonctionnaliste estiment que la voie par excellence par laquelle les Etats peuvent éviter de se faire la guerre et par conséquent la paix et la sécurité internationales est la création des institutions techniques qui ont auront des fonctions bien définies par les Etats eux-mêmes. De ce fait, l'intégration des Etats au sein des instances de coopération internationale doit, de façon pragmatique être menée fonction après fonction20. C'est ainsi qu'ayant des intérêts partagés, les Etats, dans ces conditions, ne peuvent plus se faire la guerre ; d'où il règnera alors un climat de sécurité mutuelle, gage de la paix interétatique. C'est de ce fonctionnalisme sécuritaire que se revendique Karl Deutsch dans ses travaux sur les « communautés de sécurité » à travers la théorie transactionnaliste.

Par communautés de sécurité, Karl Deutsch entend des groupes de personnes qui sont transformés en entités intégrées et parmi eux, il survient un sentiment de communauté qui se dote d'institutions stables. L'auteur estime que les communautés de sécurité reposent sur « la conviction des individus et des groupes qu'ils sont arrivés à un accord sur un point au moins, à savoir les problèmes sociaux communs doivent et peuvent être résolus par des mécanismes de changement pacifique ».21 Et que ces communautés requièrent trois conditions d'existence : un partage des valeurs, des avantages économiques anticipés et un vouloir-vivre ensemble de la part des membres de la communauté. Pour cela, Deutsch et ses pairs font le distinguo entre communautés de sécurité « amalgamées » et communautés de sécurité « pluralistes ». Par

19 Ibid.

20 Jean-Jacques Roche, Théorie des relations internationales,

21 Karl Deutsh et S.A. Burrel, Political Community and the North Atlantic Area, Princeton University Press, 1957, p.5, cités par Jean-Jacques Roche Ibid, pp.58-59.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 26

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

communautés de sécurité amalgamées, il y a fusion des États constituant des unités plus petites dans une institution nouvelle constituant une unité plus grande. Ceci étant, par cette fusion, il y a perte partielle de l'autonomie des États au profit de l'institution ; une sorte de fédéralisme. En revanche, dans les communautés de sécurité pluralistes, il y'a respect de l'indépendance des gouvernements. Pour cette raison, trois facteurs sont indispensables : une compatibilité des valeurs, une approche pacifique dans la résolution des conflits et la capacité de prédire le comportement politique, économique et social de tous les membres de la communauté.

Cette approche théorique de communauté de sécurité de Karl Deutsch a toute sa pertinence dans le cadre de notre sujet puisque la thématique implique plusieurs institutions sécuritaires.

II- CADRE METHODOLOGIQUE

Pour une bonne recherche, il sied pour le chercheur d'avoir une méthode de recherche, d'où l'importance de la méthode dans un travail de mémoire. Ainsi afin d'aborder aisément notre thème sur « La construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko Haram », la collecte des données et leurs analyses sont indispensables comme condition de crédibilité scientifique du travail.

A- LA METHODE DE COLLECTE DES DONNEES

La méthode renvoie à un « dispositif spécifique de recueil ou d'analyse des informations, destinées à tester les hypothèses de recherche. » la collecte des données ayant servi à cette étude s'est effectuée au moyen de deux (02) instruments : l'approche documentaire, et les techniques vivantes.

La recherche documentaire nous a permis de rassembler le maximum de documents possible, notamment les ouvrages généraux et spéciaux y compris certains cours magistraux nécessaires à l'exploitation du sujet. Les articles scientifiques périodiques, thèses, textes juridiques, mémoires et autres publications pouvant servir à la compréhension de notre travail, ont également été retenus. En outre, l'on ne manquera pas de compléter les informations par une fouille méthodique des sites internet à même de démêler l'écheveau de cette étude.

L'entretien étant une méthode de collecte de données qui se particularise par la mise en oeuvre des processus fondamentaux de communication et d'interactions humaines a aussi valu dans le cadre de ce travail. Il a plus une fonction idiographique en laissant l'individu observé

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 27

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

contribuer au cheminement de l'interview et en lui laissant une plus grande liberté d'expression. De ses multiples variantes, celle semi-directif a été préférée en raison de ses caractéristiques ni entièrement ouverts ni trop canalisés. En outre, des questions guide de la recherche ont été posé aux sujets informateurs privilégiés. Ces derniers sont, dans le cadre de cette étude, des personnes ressources à l'expertise avérée dans leurs domaines respectifs. L'on fera mention ici des hauts responsables des Forces de Défense et de Sécurité, et les représentants de la société civile. Toutefois, nous n'avons pu faire ce travail de recherche sans l'apport des sources numériques et audiovisuelles, incontournables de nos jours dans un monde plus jamais tourné vers les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.

B- METHODES D'ANALYSE

Selon Madeleine Grawitz, la méthode « est constituée de l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontre, les vérifie ». A cet effet, notre étude est abordée sous le prisme de deux approches.

Si le champ de la recherche sur les questions de défense et de sécurité est de plus en plus dynamique et pluriel, eu égard à la complexité des phénomènes conflictuels sur le continent africain, la méthode constructivistes de sécurité est indiquée dans le cadre de ce travail. Dès lors, de nombreuses approches sont à l'oeuvre pour en rendre compte. Deux idées majeures marquent l'histoire des théories de la sécurité : la première met l'accent sur l'approche globale de la sécurité, entendue au plan de la coopération interétatique et de l'interdépendance dans les relations internationales ; la seconde renvoie à la garantie de la sécurité au plan national par l'appareil d'État22. L'apport des constructivistes demeure important pour comprendre l'analyse de la sécurité au plan global. Les études constructivistes posent leurs questions avec des « comment » : « comment les acteurs composent-ils (et modifient-ils) leurs identités, et définissent-ils ainsi leurs intérêts en matière de sécurité ? », « comment comprennent-ils le monde, conditionnant ainsi la menace constituée par certains facteurs et rendant logiques ou inévitables certains processus (tels que la formation d'une alliance, la lutte contre la prolifération des armes, l'éclatement d'un conflit)23 ? ». Dans l'approche constructiviste, les « comment » précèdent les « pourquoi » : l'idée est d'établir, avant de faire certains choix (qui

22 McSweeney 1999

23 Roxanne Doty, « Foreign Policy as Social Construction: A Post-positivist Analysis of US Counterinsurgency Policy in the Philippines », International Studies Quarterly, vol. 37, no 3, September 1993, pp. 297-320; Martin Hollis/Steve Smith, Explaining and Understanding International Relations, Clarendon Press, Oxford, 1991.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 28

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

s'inscrivent dans les chaînes causales), toute une gamme d'alternatives possibles ou plausibles et de comprendre comment certains intérêts (tels que « préserver la réputation » ou « accroître son prestige ») sont définis et deviennent des facteurs déterminants. En d'autres termes, il s'agit de reconstituer la manière dont se définissent les acteurs, de retrouver leurs intérêts et leurs identités. L'objectif de la théorie n'est pas l'explication, voire la prédiction, dans un contexte transhistorique et généralisable, de la causalité, mais plutôt la compréhension d'un contexte et la connaissance pratique. Cette approche a permis d'examiner l'origine de la menace Boko Haram, d'évaluer dans quelle mesure BH a frappé de désuétude le dispositif Camerounais en matière de veille sécuritaire, son influence sur la politique de défense et de sécurité. Les études menées en la matière s'articulent le plus souvent autour de ce que l'on appelle « culture stratégique » et soulignent à la fois l'empreinte historique et l'influence des facteurs institutionnels sur les stratégies militaires établies par l'Etat. Une bonne illustration de ce type d'approche réside dans l'analyse de la manière dont le Cameroun avant la menace o invulnérables, a infléchi sa doctrine d'emploi des forces, ou encore dans l'étude de la construction, en réaction à l'échec des politiques offensives BH avec ses multiples conséquences.

La seconde méthode choisie pour cette étude est celle exposée par François THUAL dans ses « Méthodes de la Géopolitique », consistant à poser les bonnes questions face à un évènement déterminé. Il s'agit en somme, de se poser les questions de savoir « Qui veut quoi ? Avec qui ? Comment ? Pourquoi ? Où ? ». À travers ce questionnement, il est possible d'identifier dans la mesure du possible les connaissances fondées au milieu des vraisemblances et les antinomies, tout en formulant des hypothèses sur ces dernières. Cette approche du géopoliticien français nous a conduit à centrer notre analyse sur la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire à l'aune de BH et les facteurs de la résilience.

ANNONCE DU PLAN DE TRAVAIL

Ce travail se structurera en deux parties. La première partie dévoile le cadre de déroulement du stage. Le chapitre I de ladite partie sera consacrée à la présentation générale de l'EIFORCES suivi du déroulement du stage en chapitre II. Pour apporter les éléments de réponse à notre problématique, la deuxième partie présente la construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko Haram.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 29

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PREMIERE PARTIE :

CADRE DE DEROULEMENT DU STATGE

Les lacunes capacitaires relevées par les Nations Unies, des forces de police d'Afrique déployées dans le cadre des opérations de maintien de la paix, ont amené le Cameroun et ses partenaires à entamer une réflexion dès 2005 sur la mise sur pied d'un centre dédié à la formation des unités de police constituées et des experts de la sécurité pour les opérations de soutien à la paix. C'est ainsi que va naitre l'Ecole Internationale des Forces de Sécurité (EIFORCES). Elle est l'expression de la volonté politique de son Excellence Monsieur Paul BIYA. Elle est un projet de coopération multipartenaires qui a germé depuis 2005 et qui répond à un besoin sécuritaire continental. L'EIFORCES a véritablement été mise sur pieds en 2008 par décret présidentiel N°2008/179 du 22 Mai 2008, et sa mission s'est précisée en 2009. Au sens de l'article 3 du décret portant sa création, l'EIFORCES est implantée à AWAE, Arrondissement d'AWAE, Département de la Mefou et Afamba, adresse : B.P 100 AWAE. La dynamique de l'école s'est accélérée en 2011 avec le début des premiers stages courts et a poursuivi son envol avec les premiers stages longs organisé depuis 2013. Aux termes de l'article 2 du décret N°2012/307 du 25 Juin 2012 portant organisation et fonctionnement de cette Institution, l'EIFORCES est un établissement public administratif de droit camerounais, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle est sous la tutelle financière du Ministre des Finances et technique du Ministre de la Défense (Gendarmerie Nationale) et de la Sûreté Nationale. Il faut préciser qu'au moment de la rédaction du présent travail, l'EIFORCES étant encore en pleine montée en puissance, en ce sens que le site à lui réservé à AWAE, Région du Centre, Département de la Mefou et Afamba, Arrondissement d'AWAE, étant encore en chantier, l'ensemble des Services Administratifs de cette Institution sont logés dans un immeuble aux couleurs traditionnelles « bleu-blanc », au quartier Ngousso, Arrondissement de Yaoundé Ve, Département du Mfoundi, Région du Centre, sis en face de

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 30

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

l'Hôpital Général de Yaoundé. L'EIFORCES poursuit depuis lors un triple objectif : la contribution au renforcement de la stabilité régionale, l'amélioration de la gouvernance sécuritaire des pays africains et la promotion des standards communs au sein des forces de police et de la gendarmerie destinées aux opérations de paix dans le cadre de missions onusiennes et de l'Union Africaine.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 31

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CHAPITRE 1 :

PRESENTATION GENERALE DE L'ECOLE
INTERNATIONALE DES FORCES DE SECURITE
(EIFORCES)

En réponse à la correspondance du Coordonnateur du Centre de Recherche d'Études Politiques et Stratégiques (CREPS) de l'Université de Yaoundé II-Soa, sollicitant les Stages en faveur des étudiants de Master II de la Douzième Promotion du Master en Stratégie, Défense, Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes, Monsieur le General de Brigade, Directeur Général de l'EIFORCES y a répondu favorablement par courrier N°190107/LE/EIFORCES/DG/CRD du 21 Février 2019, tout en demandant aux étudiants concernés de prendre l'attache, du Professeur Wullson MVOMO ELA, Directeur du Centre de Recherche et de Documentation de son Institution. C'est ainsi que préalablement prévu pour la période allant du 01 Mars 2019 au 01 Juin 2019, ledit Stage a effectivement débuté le 1er Juin 2019 pour une période de trois (03) mois. Ce Stage qui s'est déroulé en deux grandes phases, nous a permis de vivre le quotidien du personnel de l'Ecole Internationale des Forces de Sécurité (EIFORCES). Il sera donc question dans le présent Chapitre, de la présentation pour un premier temps de l'organisation, fonctionnement et les missions de l'EIFORCES, (section I), et ses coopérations et partenariats (section II).

SECTION 1 : ORGANISATION, FONCTIONNEMENT ET LES MISSIONS DE

L'EIFORCES

Dans cette partie il est important de présenter l'architecture de l'EIFORCES

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 32

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PARAGRAPHE 1 : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE L'EIFORCES

L'organisation et le fonctionnement de l'EIFORCES seront énoncés à travers la présentation de ses Organes d'Administration et de Gestion (A), la Direction Générale (B) et les Organes consultatifs (C), tels que prévus par les décrets de 2008 et 2012 susvisés.

A- LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'EIFORCES

Au sens de l'article 5 du décret de 2012, le Conseil d'Administration est l'Instance supérieure de gestion de l'EIFORCES. Il est chargé de :

V' Approuver les modalités d'organisation et de fonctionnement ;

V' Approuver l'organigramme, le statut, le règlement intérieur et le tableau unique des

effectifs et des matériels ;

V' Adopter sur proposition du Directeur Général et après avis du Conseil Pédagogique,

le programme d'activités et le plan de formation périodique ;

V' Fixer les règles de répartition des quotas des stagiaires entre les Etats demandeurs ;

V' Approuver les règles de recrutement des enseignants, chercheurs et personnels

associés ;

V' Adopter après contrôle et/ou audit, les bilans d'activités, les comptes administratifs et

financiers de l'exercice précédent

V' Approuver le rapport d'activités et le plan d'action, adopter le budget de l'exercice

suivant ;

V' Fixer les règles de réception et d'affectation des différents concours financiers ;

V' Approuver les règles de tarification des prestations effectuées par l'EIFORCES ;

V' Faire toutes propositions relatives à l'évolution des statuts de l'EIFORCES ;

V' Approuver les programmes de formation et de recherches conduits par l'EIFORCES ;

V' Approuver les manuels de procédure.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 33

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

? COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT DU CONSEIL

D'ADMINISTRATION DE L'EIFORCES

Outre ses missions, la composition du Conseil d'Administration de l'EIFORCES obéit aux critères de l'internationalité. En effet, les membres du Conseil d'Administration de cette Institution sont des citoyens Camerounais d'une part et d'autre part, les ressortissants des Organismes internationaux et Etats contributeurs. Pour les membres Camerounais, ils sont nommés par décret du Président de la République, pour une durée de trois (03) ans renouvelables. Quant aux représentants des Organismes et Etats contributeurs, ils sont désignés conformément aux procédures internes desdits Organismes et Etats. Le Conseil d'Administration se réunit deux fois par an en Session ordinaire sur convocation de son président et en Session extraordinaire en tant que de besoin, sur convocation de son président ou de la majorité des trois tiers de ses membres. Ses décisions sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés, la voix du président étant prépondérante en cas de partage de voix. Sa composition est constatée par décret du Président de la République et son secrétariat est assuré par le Directeur Général de l'EIFORCES, assisté d'un Officier de la Division de la Coopération Militaire du Ministère de la Défense. Aux termes des dispositions de l'article 6 du décret de 2012, le Conseil d'Administration de l'EIFORCES est composé comme suit :

Président : le Ministre délégué à la Présidence Chargé de la Défense ; Membres :

- Le Ministre Chargé des Relations Extérieures ou son représentant ;

- Le Secrétaire d'État auprès du Ministre de la Défense, Chargé de la Gendarmerie

Nationale ou son représentant ;

- Le Délégué Général à la Sûreté Nationale ou son représentant ;

- Un représentant de la Présidence de la République ;

- Le Préfet du Département de la Mefou et Afamba ;

- Un représentant de chaque Organisation internationale ou de chaque État Contributeur ;

- Un représentant du Système des Nations Unies au Cameroun ;

- Un représentant de l'Union Africaine ;

- Un représentant de la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 34

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

B- LA DIRECTION GENERALE DE L'EIFORCES

Au sens de l'article 14 du décret N°2012/307 du 25 Juin 2012 portant organisation et fonctionnement de l'EIFORCES, l'EIFORCES est dirigé par un Directeur Général, Officier Général de la Gendarmerie Nationale, nommé par décret du Président de la République. Il est assisté d'un Directeur Général Adjoint, haut fonctionnaire de la Police, nommé dans les mêmes conditions et le remplace en cas d'absence. Le Directeur Général de l'EIFORCES est responsable de la gestion et de l'application de la politique de l'EIFORCES. À ce titre, il est chargé de :

- Exercer toutes les fonctions d'administration qui ne sont pas expressément réservées au Conseil d'Administration ;

- Soumettre au Conseil d'Administration le projet du budget et les comptes annuels ;

- Soumettre au Conseil d'Administration, les rapports d'activités et financiers annuels ; - Soumettre au Conseil d'Administration le plan d'activités triennal et le programme

d'activités pédagogiques annuel ;

- Mettre en oeuvre le plan d'activités triennal et le programme annuel d'activités académiques, approuvés par le Conseil d'Administration

- Exercer tout pouvoir hiérarchique qui lui est délégué par le Conseil d'Administration - Exercer l'autorité hiérarchique sur les personnels de tous statuts mis à la disposition de l'EIFORCES ;

- Exercer son entière autorité sur les personnels propres à l'EIFORCES, qu'il recrute et licencie éventuellement conformément à la réglementation en vigueur ;

- Signer les baux, contrats et conventions ;

- Représenter l'EIFORCES dans tous les actes de la vie civile et aussi en justice ;

- Faire au Conseil d'Administration, toute proposition relative à l'évolution du statut de l'EIFORCES.

La Direction Générale de l'EIFORCES comprend :

- Le Cabinet du Directeur Général ;

- La Direction des Études ;

- La Direction Administrative et Financière ;

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 35

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

- La Direction Technique et Logistique ;

- Le Centre de Recherches et de la Documentation.

? LE CABINET DU DIRECTEUR GENERAL

Il comprend :

- Les Conseillers Techniques ;

- La Division de la Coopération et des relations publiques ;

- Le Secrétariat particulier du Directeur Général ;

- Le Secrétariat du Directeur Général ;

- Le bureau des moyens généraux ;

- Les Officiers de liaison ;

- L'Unité de commandement et des services ;

- La Porte-fanion ;

- Le bureau des transmissions.

? DE LA DIRECTION DES ETUDES

Placée sous l'autorité d'un directeur, Officier de Gendarmerie ou haut fonctionnaire de Police nommé par décret du Président de la République, la direction des études est chargée de la prospective, de la planification, de l'exécution et du suivi du programme pédagogique, de la gestion des services multimédia et de la traduction. Elle comprend :

- La Division de l'Enseignement Supérieur de sécurité et de préparation aux opérations de soutien à la paix ; Placée sous la responsabilité d'un Officier de Gendarmerie ou d'un fonctionnaire de Police Expert en opérations de soutien à la paix, nommé par décret du Président de la République,

- La Division de l'Enseignement Supérieur est chargée de la formation des cadres de maîtrise, de conception, des décideurs et gestionnaires de missions de sécurité et de soutien à la paix. Elle comprend, un bureau formation, un bureau évaluations et un secrétariat.

- La Division de l'Enseignement Fondamental de sécurité et de préparation aux opérations de soutien à la paix ; Aux termes des dispositions de l'article 21 du décret de 2012, la Division de l'Enseignement fondamental est placée sous la responsabilité d'un Officier de Gendarmerie ou d'un fonctionnaire de Police Expert en opération de

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 36

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

soutien à la paix nommé par décret du Président de la République. Elle est chargée, en liaison avec l'Ecole Nationale Supérieure de Police et le Commandement des Ecoles et Centres d'Instruction de la Gendarmerie, de planifier, d'organiser et de dispenser les enseignements de niveau tactique dans les domaines de l'Ordre public, de la Police judiciaire et du Commandement des Unités de Police Constituées.

Elle comprend :

· Un pôle Police Judiciaire,

· Un pôle ordre public, un bureau d'évaluations et un secrétariat ;

· Le Service de la traduction et de l'interprétariat ;

· Le service multimédia ;

· Les assistants techniques ;

· Le secrétariat.

? LE CENTRE DE RECHERCHE ET DEDOCUMENTATION (CRD)

Placé sous la responsabilité d'un Officier de Gendarmerie ou fonctionnaire de Police ou Expert civil nommé par décret du Président de la République, le Centre de Recherche et de la documentation de l'EIFORCES est chargé de conduire des recherches scientifiques et techniques dans le champ de la sécurité et de la préparation aux opérations de soutien à la paix. Le Centre de recherche et de la documentation comprend ; les laboratoires de recherches, la Cellule de documentation et le Secrétariat.

? LA DIRECTION ADMINISTATIVE ET FINANCIERE (DAF)

Elle est placée sous l'autorité d'un directeur, Officier de Gendarmerie ou haut fonctionnaire de Police, nommé par décret du Président de la République. La Direction administrative et financière est chargée de :

- Satisfaire aux besoins des formations et du personnel dans les domaines administratifs et financiers, dans le respect des orientations définies par le Conseil d'Administration en matière d'administration générale. Dans ce cadre, elle participe à l'élaboration de la réglementation relative à l'administration générale et au soutien de l'École, des textes

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 37

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

réglementaires intéressant l'organisation de l'École et des services de soutien et du

budget et du suivi de son exécution.

- La production des rapports financiers et des documents comptables ;

- L'expression des besoins et de l'élaboration des plans financiers et d'amortissement

des équipements, matériels et des infrastructures ;

- Veiller à la régularité, à la fidélité et à la sincérité des comptabilités

- Elle s'assure du respect des procédures comptables, participe à l'organisation et à la

mise en oeuvre du contrôle interne budgétaires et comptable ;

- Contribuer à l'évaluation de la performance financière de l'École et des services de

soutien ; elle leur apporte le concours de ses moyens d'audit interne comptable et

financier ainsi que dans d'autres domaines, à la demande du commandement ;

- Assister le directeur général dans la passation des marchés et l'exécution des contrats

et conventions de toute nature ;

- L'administration des personnels ;

- L'alimentation, l'hébergement, l'hôtellerie et les loisirs.

La Direction Administrative et Financière comprend :

- Le Secrétariat ;

- Le Service Administratif et Financier ;

- Le Service Restauration, Hôtellerie, Hébergement et Loisirs.

? LA DIRECTION TECHNIQUE ET LOGISTIQUE

Au sens de l'article 30 du décret de 2012, cette direction est placée sous l'autorité d'un Directeur, Officier de Gendarmerie ou haut fonctionnaire de Police, nommé par décret du Président de la République.

Elle est chargée :

- Du soutien technique et logistique des services ;

- Des études, de la planification et de la gestion prévisionnelle des approvisionnements - De la production des documents comptables ;

- De l'expression des besoins et de l'élaboration des plans d'amortissement des équipements, des matériels et des infrastructures en rapport avec la direction administrative et financière ;

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 38

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

- De la gestion des matériels ;

- D'assurer l'exploitation, le contrôle et l'entretien des matériels en dotation ;
- D'assurer le transport des biens et des personnels ;

- De contribuer à la rédaction des rapports financiers ;

- De tenir la comptabilité des matériels ;

- D'entretenir les infrastructures et les installations techniques ;

- De la gestion des approvisionnements, de l'armement, des minutions, de l'optique, des matériels roulants et de maintien de l'ordre ;

- Des études, des spécifications, du contrôle et de la maintenance des matériels relevant de sa compétence ;

- De la gestion des approvisionnements et des stocks correspondant ;

- D'assurer la réception, l'entreposage, la livraison et la tenue de la comptabilité «

matières » de l'ensemble du matériel mobile placé en position d'approvisionnement ; - De l'habillement, du couchage, du campement, l'ameublement, de la substance et des

prestations accessoires de vie courante, soutien santé, hygiène et salubrité.

C- LES ORGANES CONSULTATIFS DE L'EIFORCES

Prévus par l'article 35 du décret de 2012 portant organisation et fonctionnement de l'EIFORCES, les Organes consultatifs sont constitués à la demande du Conseil d'Administration et donne leur avis sur tous les problèmes soumis à leurs appréciations. Ils sont au nombre de deux, à savoir le Conseil Pédagogique et le Comité de Gestion.

? LE CONSEIL PEDAGOGIQUE Il a pour principales attributions :

- L'élaboration des programmes de formation ;

- L'établissement des programmes d'activités annuels ;

- L'évaluation et le contrôle des formations ;

- La consultation pour l'organisation des examens ;

- La promotion des relations avec les autres Centres de maintien de la paix.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 39

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Elle est composée d'un Président (Directeur Général de l'EIFORCES) ; un Vice-président (Directeur Général adjoint) et des Membres (Instructeurs permanents)

? LE COMITE DE GESTION

Il a pour mission principale d'assister le Directeur de l'École dans ses tâches d'administration et de gestion.

Sa composition :

Président : Directeur Général de l'EIFORCES.

Membres : Directeur Général Adjoint ; Directeur affaires Administratives ; Les chefs de service de ladite Direction.

Le Département des Opérations de Maintien de la Paix (DOMP) de l'ONU et la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) y ont voix délibérative. Pour étayer cette brève présentation de l'EIFORCES, nous allons la schématiser en y joignant ci-dessous son Organigramme

Figure 1 : Organigramme de l'EIFORCES

Source : Bulletin d'analyse Stratégique et Prospectives, «VIGIE» N°s 003 et 004 -Décembre 2014. /EIFORCES.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 40

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PARAGRAPHE 2 : LES MISSIONS DE L'EIFORCES

Aux termes des dispositions de l'article 3 du même décret, l'EIFORCES a pour mission de former, entraîner, recycler et perfectionner les cadres de maîtrise et de conception, civils et militaires, aux missions de police à l'intérieur ; les Unités constituées de types Gendarmerie et Police dans le cadre des opérations de soutien à la paix. Elle est un cadre par excellence de formation et de perfectionnement des experts civils et militaires, des commandants des Unités de Police Constituées aux opérations de soutien à la paix. En outre, l'EIFORCES est un centre de recherche dans les domaines du soutien à la paix et de la sécurité. C'est un cadre d'accueil aux stagiaires des pays partenaires partageant les mêmes idéaux de paix et de sécurité. Tout compte fait, force est de constater que ses missions sont orientées vers la formation et la recherche.

A- LA FORMATION

Pour observer sa mission de formation, l'EIFORCES s'appuie sur la direction des études qui développe des enseignements pluridisciplinaires aux plans stratégique, opératif et même tactique dans le sillage de la sécurité intérieure et des opérations de soutien à la paix destinés aux civils, policiers et gendarmes. Elle est tenue autour de deux divisions d'enseignements.

? La division de l'enseignement supérieure. Elle conduit les formations suivantes :

? Le Brevet d'Etudes Supérieures de Sécurité (BESS) ;

? Le Diplôme d'Etat-major des Forces de Sécurité (DEMFS) ;

? Les séminaires thématiques relatifs à la gouvernance sécuritaire, la protection des civils et des enfants, la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière, la négociation et médiation dans les opérations de soutien à la paix.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 41

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

> La division de l'enseignement fondamental

Elle comprend deux pôles : ? Le pôle ordre public

Il a plusieurs visés divers à savoir :

V' Formation des formateurs en ordre public (FOP) ;

V' Perfectionnement au Commandement opérationnel niveau 2 (PCO2) ;

V' Recyclage des formateurs en ordre public ;

V' Moniteurs en franchissement opérationnel ;

V' Neutralisation/ Destruction des Engins Explosifs (NEDEX) ;

V' Technicien opérationnel en protection des hautes personnalités ;

V' Formation des unités de police constituées (UPC/FPU) ;

V' Formation pré déploiement des policiers individuels.

? Le pôle police judiciaire

Il offre une formation multiple relevant de :

V' Equipe Projetable d'Experts en Investigation (EPEI) ; V' Police d'accompagnement (prévôté) ;

V' Police Technique et Scientifique ;

NB : les partenaires sont dotés d'une liberté de solliciter le site de l'EIFORCES basé à Awaé, et les formateurs pour la réalisation de leurs formations.

Somme toute, de la création de l'EIFORCES à nos jours, plus de 2500 civils, gendarmes et policiers originaires de 24 pays d'Afrique y ont été formés. Par ailleurs, 555 policiers et gendarmes d'une vingtaine de pays africains et européens ont été entrainés lors de l'exercice de la composante police baptisé « EUPST » Awaé 2014 pendant un mois, dans le cadre du projet « European Union Police Service Training (EUPST).

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 42

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

B- LA RECHERCHE

A travers son Centre de Recherche et de Documentation (CRD), l'EIFORCES effectue des travaux de recherche fondamentale et appliquée dans les domaines de la sécurité, toutes les déclinaisons confondues, et des OPS. Les travaux de recherche du CRD/EIFORCES sont destinés à éclairer les évolutions de l'environnement sécuritaire ; renforcer les capacités d'anticipation des systèmes de sécurité africains ; assurer la veille stratégique, contribuer à l'aide à la décision ; élaborer des concepts pour la doctrine d'emploie des forces ; tirer les leçons des expériences pour consolider aussi bien la formation que les mécanismes et capacités d'intervention de paix et de sécurité. C'est autour de deux axes que le CRD oriente ses activités.

> Publications

Le CRD fait des publications scientifiques périodiques dont les plus en vue sont : la note de conjoncture, le bulletin d'analyse stratégique et prospective intitulé VIGIE, la Revue Africaine de Sécurité Internationale (RASI). Il réalise également des publications thématiques ad hoc, liées à des évolutions spécifiques de l'environnement sécuritaire, ainsi que des rapports et publications des résultats de ses rencontres scientifiques, dont les actes de colloques. Les travaux récents d'analyse stratégique et prospective du CRD ont été focalisés sur des thèmes de première importance :

V' Les motos taxis comme vecteurs d'insécurité en zone urbaine et périurbaine.

V' Les menaces transfrontalières en Afrique centrale

V' La compréhension et la lutte contre le terrorisme de Boko Haram

V' Les réfugiés et déplacés dans les systèmes de conflits Bassin du Lac Tchad

V' Les dynamiques et perspectives de la force multinationale mixte du Bassin du Lac

Tchad.

Le CRD organise des colloques et symposiums, conduit des travaux spécifiques sur des thématiques relatives à la paix et à la sécurité nationale et internationale.

> Séminaires et colloques internationaux organisés

V' 2013 : « l'efficacité des opérations de maintien de la paix en Afrique centrale : rétrospective critique et prospective » ;

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 43

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

y' 2014 : « Quelle paix, quelle sécurité, quel développement durable pour la République Centrafricaine ? » ;

y' 2016 : « Quelle gouvernance globale face à la montée de l'extrémisme violent en Afrique médiane » ;

y' 2016 : « Les synergies populations-forces de défense et de sécurité dans la lutte contre le terrorisme au Cameroun » (en partenariat avec l'ESIG de Yaoundé Simbock) ;

y' 2017 : « Gouvernance et gestion démocratique des foules en Afrique : dispositifs, pratiques, défis et enjeux transformationnels » ;

y' 2018 : - « Séminaire de programmation de la recherche sur les problématiques sécuritaires dans le Bassi du Lac Tchad » ; - « Séminaire de recherche sur les défis et enjeux de la cybercriminalité en Afrique centrale ».

SECTION 2 : COOPERATION ET PARTENARIATS

Il convient de noter préalablement que les activités conduites par l'EIFORCES en vue d'accomplir ses missions sont soutenues à titre principal par les moyens mis à sa disposition par le gouvernement de la République du Cameroun. En effet elle reçoit une dotation budgétaire annuelle pour son fonctionnement, ainsi que des dotations spécifiques pour l'investissement, notamment dans le domaine infrastructurel et des équipements. Quant au personnel de cet établissement public, il est issu des corps de la Gendarmerie et de la police ainsi que des corps civils de l'Etat. L'emploi optimal de l'ensemble des ressources humaines, financières et matérielles est assuré conforment aux exigences de la bonne gouvernance. L'EIFORCES est un établissement public de droit Camerounais jouissant de la personnalité juridique et d'une autonomie financière. La tutelle technique est assurée par la Gendarmerie Nationale (GN) et la Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) et la tutelle financière par le Ministre des finances. Certaines administrations nationales sont membres du conseil d'administration aux cotés des pays contributeurs et certaines institutions et organisations internationales partenaires. La coopération est bilatérale et multilatérale.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 44

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PARAGRAPHE 1 : AU PLAN BILATERAL

Plusieurs Etats soutiennent depuis 2012 les programmes de formations, de recherches, d'équipements et de renforcement des capacités institutionnelles de l'école. Il s'agit particulièrement de :

? La Chine qui soutient l'EIFORCES avec des moyens roulants et divers équipements ; ? Les Etats Unis d'Amérique avec son appui dans l'acquisition des équipements ;

? La France avec un accent particulier sur la formation au niveau pole ordre public et

apporte son expertise à travers la mise à disposition de deux Conseillers Techniques

permanents, ainsi que l'organisation des missions d'expertise ponctuelles.

? Le Japon à travers le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui appuie la formation, la recherche et l'acquisition des équipements.

PARAGRAPHE 2 : AU PLAN MULTILATERAL

L'ONU organise avec l'EIFORCES des stages pilotes de formation des formateurs des UPC/FPU et de pré déploiement (policiers individuels, protection des enfants dans les OSP). Labellisée centre d'excellence de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale et l'Union Africaine, l'EIFORCES est inscrite dans le processus de reconnaissance comme centre d'excellence et de certification de ses formations par les Nations Unies. Le PNUD appuie l'école dans l'acquisition des équipements, le financement des formations et des activités de recherche, ainsi que le développement des capacités institutionnelles et la mise en réseau avec des institutions ayant des activités similaires ou complémentaires. L'Union Européenne (UE) est l'un des partenaires privilégiés de l'EIFORCES. En plus de l'organisation de l'exercice EUPST et d'un séminaire d'évaluation des programmes ainsi que de divers dons de matériels pédagogiques, didactiques, informatiques et autres, elle a financé conjointement avec le Cameroun et l'appui de la CEEAC, sept (07) promotions des formations de longues durées au niveau stratégique et opératif.

L'EIFORCES est affiliée au réseau international francophone de formation policière (FRANCOPOL) ; au réseau d'expertise et de formation francophone pour les opérations de paix. (REFFOP) ; à l'African Peace Support Trainers Association (APSTA) qui fédère la quasi-

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 45

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

totalité des centres oeuvrant à la formation en matière d'opérations de soutien à la paix en Afrique, et dont la mission principale est de faciliter le développement des capacités pour le paix et la sécurité grâce à la coordination, l'harmonisation, la standardisation de la préparation de la force africaine en attente et le soutien à a la perception et la mise en oeuvre des politiques de formation et de recherche entre ses institutions membres. International Association of Peacekeeping Training Center (IAPTC), l'Association mondiale dont l'APSTA est le chapitre africain ; Peacekeeping Operation Training Institute (POTI), centre de formation en ligne en font aussi partie

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 46

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CHAPITRE 2 :

DEROULEMENT DU STAGE A
L'EIFORCES

Ce chapitre présente les acquis et les difficultés rencontrées à l'EIFORCES et des suggestions dans la perspective assez innovante pour l'évolution de ladite structure.

SECTION 1 : ACQUIS, DIFFICULTES ET SUGGESTIONS EVENTUELLES

Cette section est une opportunité pour nous d'exprimer notre gratitude sur les éléments nouveaux, quantitatifs et qualitatifs que nous avons acquis pendant la période de notre Stage et de relever les difficultés rencontrées durant la période considérée (Paragraphe I). C'est également le lieu par excellence d'y envisager une étude prospective (Paragraphe II), salutaires pour les promotions futures qui seront acceptées à l'EIFORCES.

PARAGRAPHE 1 : LES ACQUIS ET LES DIFFICULTES RENCONTREES

Ce paragraphe sera développé à travers le profit que nous a procuré notre passage à l'EIFORCES (A) et les épreuves que nous été amenés à surmonter pour la réalisation de notre étude (B).

A- L'APPORT DU STAGE

Ce Stage nous a permis l'accès à un milieu prioritairement consacré aux questions de sécurité nationale en général et plus spécifiquement aux question de Défense. De la sorte, notre passage à l'EIFORCES nous a permis de relever que certaines missions que nous pensions être la chasse gardée de la Sûreté Nationale, notamment en matière de renseignement prévisionnel et de la Police Judiciaire, relèvent également, malgré leur subsidiarité, de la compétence du

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 47

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

MINDEF. Ledit Stage nous a également été d'un grand privilège. En effet, notre contact avec cette prestigieuse Institution de Formation en matière de Sécurité intérieure et d'opérations de soutien à la paix nous a permis d'approcher des hauts cadres, nationaux et étrangers. Quant au volet pédagogique, il est centré sur notre participation, (en auditeur libre), aux cours de haut niveau, dispensés au sein des formations de l'EIFORCES, en l'occurrence à la Division de l'Enseignement fondamental et à la Division de l'Enseignement Supérieur.

B- LES DIFFICULTES RENCONTREES

L'obstacle majeur de notre Stage a été l'indisponibilité du responsable de la Direction de la Recherche et de la Documentation de l'EIFORCES rencontré durant le séjour une seule fois après maintes attentes et rendez-vous manqués. Cette indisponibilité a également porté un sérieux coup sur la période de notre Stage Académique. Une telle complexité nous a conduit au cabinet du Directeur de ladite institution plus précisément dans le service du Conseillé Technique n°3 par ailleurs Chef du Cabinet du Directeur Général. La deuxième difficulté a été le manque d'un planning de suivi pour le stage qui n'a pas favorisé les échanges avec certains hauts cadres de l'EIFORCES répartis dans les deux sites qui constituent cette structure (Yaoundé et Awaé). La dernière difficulté non négligeable a été le manque d'information. A l'EIFORCES, les questions de sécurité relèvent des informations sensibles intéressant le très haut commandement. C'est ainsi que sous cet aspect, certains hauts cadres classifient même les informations les plus générales en rapport avec la Structure ou l'administration considérée.

PARAGRAPHE 2 : LES SUGGESTIONS

Relativement aux difficultés rencontrées, les mesures suivantes paraissent nécessaires pour un meilleur encadrement des étudiants admis en Stage académique à l'EIFORCES.

L'Administration de l'EIFORCES devrait mettre un accent particulier dans l'accueil des étudiants en fin de cycle de Master II en Stratégie, Défense, Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes compte tenu de la spécificité du contenu des enseignements de cette Filière. Le Centre de Recherche et de Documentation, véritable laboratoire en matière de Sécurité et de missions non militaires de l'ONU, parait mieux outillé pour leur encadrement sous la coordination de la Direction des Études. Cet encadrement aurait également pour objectif l'identification des compétences futures en la matière, pour leur éventuelle contribution à l'émergence de ce Centre d'Excellence.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 48

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CONCLUSION PARTIELLE

Pour terminer, le Stage Académique que nous avons effectué à l'Ecole Internationale des Forces de Sécurité (EIFORCES) pendant la période allant de Mars à Mai 2019, en vue de l'obtention du Master en Stratégie Défense Sécurité Gestion des Conflits et des Catastrophes, s'est déroulé sous la supervision du Général de brigade, Directeur Général de l'EIFORCES et la coordination du Lieutenant-Colonel NJOYA MOUTAPMBEMO Mannoni Thierry. L'encadrement académique est reconnu au Pr Frank EBOGO, Coordonnateur Adjoint du Master en SDSGCC au CREPS.

En effet, Il avait pour principal objectif, l'enrichissement de nos connaissances professionnelles en données techniques non classifiées sur l'option « Stratégie Défense Sécurité Gestion des Conflits et des Catastrophes ». Les obstacles rencontrés durant ce Stage ont été surmontés ; ce qui nous a permis de procéder à une étude prospective de notre séjour, en faveur des promotions futures du CREPS et d'autres étudiants des Universités et Grandes Ecoles qui pourraient solliciter la même structure d'accueil que nous. Enfin il est impératif de noter que l'EIFORCES est en bonne voie de relever les défis pluriels à court, moyen et long termes relevant du domaine de la stratégie, défense, sécurité gestions des conflits et des catastrophes en rapport aux opérations de soutien à la paix ceci à travers la recherche des financements pour la réalisation de plan de développement infrastructurel et d'équipement en vue de satisfaire de façon optimale les besoins en formation et recherche pour la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique et dans le monde.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 49

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

DEUXIEME PARTIE :

CONSTRUCTION DU DISPOSITIF DE VEILLE
SECURITAIRE AU CAMEROUN A L'AUNE DE LA
MENACE BOKO HARAM.

Le travail d'analyse de cette deuxième partie permettra de répondre à la problématique du travail de recherche en montrant comment le Cameroun est parvenu à la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire sous la menace Boko Haram. Dans le chapitre III, il sera question de présenter la sociogenèse de la menace Boko Haram et les répercussions sur le développement de l'Extrême-Nord Cameroun en rapport en prenant appui sur l'idée selon laquelle, Boko Haram est issu d'un mouvement de protestation sociale à la constitution d'un ordre terroriste qui pose une problématique de la mise en oeuvre des stratégies de lutte. Le chapitre IV sera l'occasion de développer le premier argument, qui démontre que la résilience de la menace Boko Haram à l'épreuve de la construction s'explique par les facteurs statiques-dynamiques stratégiques et opérationnels. Le second argument, expose les autres moyens de combats appropriés contre BH, faisant ressortir des perspectives et les impératifs stratégiques, opérationnels. Ce travail de recherche sera clôturé par une conclusion générale.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 50

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CHAPITRE 3 :

SOCIOGENESE DE LA MENACE BOKO HARAM ET
REPERCUSSIONS SUR LE DEVELOPPEMENT A
L'EXTREME-NORD DU CAMEROUN.

Si Boko Haram est aujourd'hui un phénomène transnational bien connu, il est nécessaire de préciser qu'il est l'aboutissement de plusieurs mouvements pour la constitution d'un ordre terroriste.

SECTION 1 : SOCIOGENESE DE LA MENACE BOKO HARAM

La sociogenèse de la menace Boko Haram est un travail d'exposé sur BH dans sa diachronie et sa synchronie. BH est issu d'un mouvement de protestation sociale au Nigeria voisin du Cameroun. Ce groupe djihadiste transfrontalier bascule dans la clandestinité et le terrorisme au fil de temps.

PARAGRAPHE1 : D'UN MOUVEMENT DE PROTESTATION SOCIALE A LA CONSTITUTION D'UN ORDRE TERRORISTE.

Boko Haram a émergé au début des années 2000 comme un minuscule groupe de contestation au Nigéria (A), avant de croitre et devenir un ordre terroriste transnational (B) très actif au Nigéria à la fin de l'an 2009 pour se régionaliser à partir de 201124.

24 Agbiboa Daniel (2013a), Is Might Right? Boko Haram, the Joint Military Task Force, and the Global Jihad; Military and Strategic Affairs | Volume 5 | No. 3 |.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 51

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

A- BOKO HARAM : MOUVEMENT DE CONTESTATION SOCIALE

De l'an 2000 à 2008, BH était un mouvement de contestation sociale aussi minuscule au Nigéria. Au début des années 2000, lorsque Mohamed Yussuf, le premier leader et fondateur de Boko Haram, avec le soutien de plusieurs de ses adeptes et autorités locales, a décidé de créer le groupe Boko Haram, il s'agissait d'un groupuscule ou groupe minuscule qui avait plusieurs revendications. La principale revendication de Boko Haram était le retour aux valeurs pures de l'Islam et de l'éducation selon des valeurs islamiques qui ne seraient pas en contradiction avec leur conception de la foi et la tradition25. Force est de retenir que Boko Haram, dans sa première phase, était un minuscule groupe qui n'utilisait la violence que par moment26, mais dénonçait surtout les tares de la société nigériane et revendiquait avec insistance une application stricte de la Sharia, de l'éducation islamique et les meilleures conditions socio-économiques dans le nord du Nigéria. À cette période, une réponse des autorités nigérianes visant à s'adresser à ces multiples dénonciations et revendications de manière constructive à travers une politique de développement visant les zones pauvres du nord du pays, l'amélioration des conditions socioéconomiques des populations du nord du Nigéria, la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance, et surtout à la réalisation des promesses faites lors des élections qu'elles soient locales ou nationales, aurait peut-être pu endiguer cette menace, mais elle n'a pas eu lieu.

B- BOKO HARAM : UN ORDRE TERRORISTE TRANSNATIONAL

BH va basculer dans la clandestinité et le terrorisme, après l'exécution extrajudiciaire de Mohamed Yusuf par la police nigériane, en 2009. Reprise en main par un imam autoproclamé, Abubakar Shekau, la « Congrégation des Compagnons du Prophète pour la propagation de la tradition sunnite et la guerre sainte » (Jama'atu Ahlis-Sunnah Lidda'awati Wal Jihad) est aujourd'hui plus connue sous le nom de Boko Haram (« l'éducation d'inspiration occidentale est un sacrilège »), sobriquet qu'elle récuse. Avec la proclamation d'un état d'urgence et l'établissement de milices paragouvernementales en 2013, le groupe a commencé à massacrer

25 Azumah John (2015) Boko Haram in Retrospect, Islam and Christian-Muslim Relations, 26:1, 33-52.

26 Tran Ngoc Leatitia (2012), Boko Haram-Fiche documentaire, Note d'analyse du Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 52

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

des civils pour les dissuader de collaborer avec les forces de sécurité. Parallèlement, il s'est criminalisé et a viré au brigandage en attaquant des banques, en rançonnant les commerçants et en kidnappant des notables ou les rares expatriés encore présents dans la zone. Privé de chef charismatique depuis la disparition de Mohamed Yusuf, il s'est également fractionné, certains de ses éléments contestant la brutalité d'Abubakar Shekau, lui reprochant de tuer essentiellement des musulmans. Dès 2012, apparaissait ainsi une dissidence appelée Ansaru ou, de son nom complet, la « Communauté des défenseurs des musulmans noirs » (Jama'at Ansar Al Muslimin Fi Bilad al-Sudan). Tandis que se mettait en place une coalition antiterroriste internationale avec les forces armées du Nigeria, du Tchad, du Niger et du Cameroun, début 2015, une partie des combattants de Boko Haram prêtait allégeance à l'organisation État islamique (souvent désignée par son acronyme arabe, Daech), se faisant désormais appeler « Province de l'État islamique en Afrique de l'Ouest » (Wilayat Gharb Ifriqiyah). Force est de souligner que De 2009 à 2012, BH connait des mutations qui l'érigent au rang d'un groupe terroriste d'envergure transnationale et régionale jusqu'à nos jours. Les revendications croissantes des adeptes du groupe Boko Haram et l'augmentation de son emprise sociale dans le Nord du Nigéria ont été une source d'inquiétude pour le gouvernement nigérian. En juin 2009, Boko Haram a refusé de se conformer à une directive locale exigeant de porter des casques lors de tout déplacement motorisé dans l'État de Bauchi, au Nord du Nigéria27. Il est singulier à la lecture de ses modes opératoires divers et parfois confus.

Les modes opératoires du groupe terroriste BH sont connus et apparaissent évolutives dans l'espace et le temps. BH a d'abord commencé par. Si l'argumentaire idéologique de Boko Haram est relativement simple : celui qui tue des Infidèles pour Allah aura droit à la vie éternellement heureuse au Paradis des Justes ; Le but de l'existence humaine étant l'instauration du Califat Islamique mondial ; BH fait recours aux moyens les plus extrêmes de la confrontation militaire.

? L'attaque-suicide et la projection incontrôlée des bombes et engins explosifs improvisés dans les zones urbaines.

C'est le cas par exemple des attentats dans la capitale nigériane Abuja visant d'une part le siège de la police en juin 2011, et d'autre part le bâtiment des Nations Unies en août 201128.

27 Maiangwa Benjamin (2014b), Soldiers of God or Allah': Religious Politicization and the Boko Haram Crisis in Nigeria, Journal of terrorism Research.

28 Lire Mbia Yebega Germain-Herve (2015), Terrorisme et contre-terrorisme en Afrique centrale : quelle vision stratégique pour le Tchad et le Cameroun ? Note d'analyse No15, Observatoire pluriannuel des enjeux

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 53

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Des attentats ont aussi ciblé des Églises et des marchés publics dans le nord du Nigéria et en particulier dans l'État de Borno, fief de Boko Haram. Les moyens humains de Boko Haram sont obtenus en outre, par l'instrumentalisation des misérables29 abandonnés par les Etats africains, par l'endoctrinement sectaire et par le rapt continu des personnes isolées des dispositifs de défense nationaux. D'un bout à l'autre, la violence est la cause et la finalité de l'action bokoharamique. Boko Haram transforme une personne ordinaire en bombe. Le corps en munition. Ici, la volonté de tuer à foison se fait raison de vivre. Boko Haram fabrique méchamment et perfidement des hommes-momies, des zombies. La prédication et la guerre sont deux aspects du même modus operandi morbide dont le but ultime est la suprématie sur un territoire transcontinental impressionnant. La tactique et la stratégie sont liées chez Boko Haram. D'un point de vue tactique, comme le signale le drapeau sombre de l'organisation sectaire, la mort gratuite et violente est à la fois l'emblème, la devise et le mot de passe de Boko Haram. Suprême détresse de l'homme, la mort signe l'impuissance absolue de la conscience. Celui qui peut la donner sans limite se donne dès lors un pouvoir absolu sur ses victimes réelles et potentielles.

? Les attaques contre les positions des forces de défense et de sécurité.

BH cible aussi les positions des forces de défense et de sécurité. Il attaque les postes de

combat avec des effets graves sur la vie des hommes. BH exploite le terrain par la surprise.

Tableau1 : Régularité des attaques sur le territoire camerounais entre mai et août 201430

Date

Lieu et circonstance de l'attaque

Bilan

4 mai

Brigade gendarmerie de Kousseri

2 mort dont 1 gendarme ; 3 kalachnikov, 1 fusil d'assaut léger et des munitions emportés

5 mai

Localités de Gambarou Ngala-Fotokol

 

sociopolitiques et sécuritaires en Afrique Équatoriale et dans les Îles du Golfe de Guinée, Groupe de Recherche et d'Information sur la paix et la Sécurité (GRIP), 06 février 2015. www.grip.org/fr/node/1596.

29 « Comment Boko Haram prospère sur les inégalités, l'analphabétisme, la corruption et l'arbitraire » http://www.bastamag.net/Comment-Boko-Haram-prospere-sur-les-inégalités-l'analphabétisme-la-corruption-etl'arbitraire

30 Ce tableau présente les cas récurrents d'attaques menées par les insurgés de Boko Haram contre les

populations civiles, les positions militaires et les biens. Il est tiré de Kaliao Volume Spécial Novembre 2014 ; Revue pluridisciplinaire de l'École Normale Supérieure de Maroua Série Lettres et Sciences Humaines publiée sous la direction du Pr Saïbou Issa, Directeur de l'École Normale Supérieure de Maroua

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 54

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

17 mai

Attaque de la base d'une

entreprise chinoise des
travaux publics à Waza

1 soldat mort, 4 blessés, 10 chinois kidnappés et 12 voitures emportées

23 mai

Attaque d'une

embarcation sur le fleuve

Logone près de Hilé
Alifa

1 mort

27 mai

Attaque du village Guitsinad-Hitawa vers Tourou (Mayo-Tsanaga)

2 morts, 1 blessé

7 juin

Attaque du siège du

tribunal militaire de
Maroua

Pas de victimes

7 juin

Attaque du poste du BIR

de Blangochi vers
Tourou

(Mayo-Tsanaga)

4 mots dont 2 soldats, 3 blessés, une jeune fille kidnappée

16 juin

Attaque du village

Kerawa (Mayo-Sava)

2 morts dont le chef de quartier de Dogolé-Kerawa

22 juin

Attaque du camp du 35e BIM en poste avancé à Kidjimatari-Kolofata

1 soldat blessé

8 juillet

Brigade de gendarmerie de

Zina

1 gendarme blessé, 22 armes à feu emportées

9 juillet

Razzia à Bamé-Kolofata

1 mort, 57 boeufs emportés

11 juillet

Attaque du poste de

gendarmerie de Bonderi (Mora)

1 gendarme blessé ; une voiture militaire, une caisse à munitions et trois motos emportées

18 juillet

Attaque du commissariat de Limani-Mora

1 policier tué et un autre blessé

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 55

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

21 juillet

Attaque du village Naba vers Bonderi

1 mort, 1 blessé, des maisons brûlées

24 juillet

Attaque du camp du BETAP à Bagaram par Hilé Alifa

6 soldats tués, 6 soldats blessés, une dizaine de soldats portés disparus, 2 voitures, armes lourdes, munitions de service emportés

25 juillet

Embuscade contre une colonne de l'armée Camerounaise entre Kousseri et Kamouna

Plus de 10 soldats tués

27 juillet

Localité de Kolofata

14 personnes tuées, 6 voitures emportées, 17 personnes kidnappées dont l'épouse du vice-premier ministre du Cameroun Amadou Ali

6 août

Attaque de la localité de Zigagué

12 personnes tuées, 2 voitures emportées, une voiture de

police incendiée

8 août

Attaque du village

Tchkramari

2 morts, 5 motos emportées

13 août

Attaque de Bonderi

3 soldats blessés, une voiture militaire emportée

17 août

Attaque de la bourgade de Greya (Mokolo)

3 personnes égorgées, 17 personnes prises en otage, 300 chèvres et 200 sacs de riz emportés, une école incendiée

Source : Dikalo, N°1574 du 6 mai 2014 ; L'OEil du Sahel, N°601 du 12 mai 2014 ; L'OEil du Sahel, N°617 du 10 juillet 2014 ; L'OEil du Sahel, N°623 du 31 juillet 2014 ; L'OEil du Sahel, N°622 du 29 juillet 2014, L'OEil du Sahel, N°629 du 21 juillet 2014, L'OEil du Sahel, N°629 du 21 août 2014.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 56

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PARAGRAPHE 2 : LES REPERCUSSIONS DE LA MENACE SUR LE DEVELOPPEMENT A L'EXTREME-NORD DU CAMEROUN

Les postes frontières de la région de l'Extrême-Nord étaient généralement très actifs jusqu'en 2011, en dépit de leur gestion défaillante. La situation géographique de l'extrémité septentrionale du Cameroun, entre Nigéria et Tchad, explique l'importance de la région pour le commerce avec ces deux voisins. La forte baisse et les grandes fluctuations enregistrées par les volumes de ces échanges sont indicatives des répercussions que les violences associées à Boko Haram ont eues sur la région. Le secteur du tourisme a aussi été durement touché. D'autres secteurs mis à mal sont l'agriculture, l'éducation et l'administration publique. Les effets cumulés de la crise sur ces activités ont eu de profondes répercussions sur les conditions de vie déjà précaires de la population de l'Extrême-Nord ainsi que sur les caisses de l'État camerounais en général. Les dépenses sécuritaires supplémentaires engagées et les pertes de recettes essuyées dans la région se sont avérées considérables. Ces effets sont examinés dans les paragraphes qui suivent.

A- EFFET SUR LE COMMERCE REGIONAL ET LE TOURISME

Les effets de BH se font ressentir sur le commerce régional et le tourisme avec le risque de basculement dans la crise économique.

1- SUR LE COMMERCE REGIONAL

Quoique mal organisés, les postes frontières, en particulier ceux du Nord, ne manquent habituellement pas de travail. La plus grande partie du Cameroun septentrional dépend largement du commerce des biens à destination et en provenance du Nigéria. Les deux tiers environ du carburant qui s'y négocie sous l'appellation locale de zua-zua proviennent du voisin pétrolier. Parmi les autres produits d'importation nigérians figurent les pagnes, les pièces de véhicules automobiles, les bicyclettes, les motocycles, les sandales et autres articles en plastique, et l'huile végétale. Les flux commerciaux d'avant décembre 2011 s'estimaient en

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 57

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

centaines de millions de dollars des États-Unis. La situation a changé du tout au tout à partir de 2012 et ces chiffres se sont effondrés.

Les importations nigérianes qui transitaient annuellement vers le Cameroun par le poste frontière de Limani-Banki entre 2000 et 2010 sont estimées à 145 000 tonnes. Pendant la même période, le Nigéria a importé par la même voie des produits camerounais d'un poids annuel total estimé à 112 000 tonnes. Les produits camerounais présents sur le marché nigérian comprennent le riz, le riz paddy non transformé du projet de la Semry à Maga, le coton, les céréales, le poisson, les bovins, les ovins, l'arachide, l'oignon et l'ail. Selon la Société de Développement du Coton du Cameroun (SODECOTON), c'est un accord commercial conclu entre le Cameroun et des partenaires nigérians dans les années 1980 qui a ouvert la voie aux exportations de coton camerounais vers le Nigéria où la fibre est très demandée.31 Outre cette forte demande, le prix du coton au Nigéria est environ trois fois plus élevé que le cours pratiqué sur le marché camerounais. Les producteurs locaux ont également eu recours à la contrebande pour tirer parti du prix et de l'attractivité de leur produit au Nigéria. Fadimatou montre, par exemple, que les deux tiers de tout le coton récolté dans le Mayo-Tsanaga et le Mayo-Sava ont rejoint le Nigéria par voie clandestine32.

Le commerce du poisson figurait également en bonne place dans les échanges transfrontaliers. Jusqu'en 2011, environ 93 % du poisson pêché dans l'Extrême-Nord était acheminé au Nigéria en passant par Limani-Banki33. Les exportations au Nigéria de bovins, d'ovins et de volailles élevés dans le département du Logone-et-Chari étaient également courantes à l'époque. Tout comme pour le coton, les exportateurs de bétail profitaient des prix élevés pratiqués au Nigéria, le prix d'achat d'une tête de bétail y étant près de deux fois plus élevé que dans l'Extrême-Nord camerounais.

La plus grande partie du carburant consommé dans la région de l'Extrême-Nord est importée du Nigéria. Selon Funteh, 67 % de la consommation totale de la région est acheminée

31 Funteh, M.B., 2014, « Border Shutting and Shrivel of Human and Merchandise on the Nigeria-Cameroon Passage of Banki and Limani », dans ISSA S. (dir.), novembre 2014, Effets économiques et sociaux des attaques de Boko Haram dans l'Extrême-Nord du Cameroun, Kaliao : Revue pluridisciplinaire de l'École normale supérieurs de Maroua (Cameroun)

32 Fadimatou, M.I., 2011, Crise cotonnière et exportation clandestine de coton entre l'Extrême-Nord du Cameroun et le Nord-Est du Nigéria :1974-2011, mémoire de maîtrise (histoire), Université de Maroua (Cameroun).

33 Bello, A., Hamso, D., et Dissia, A., 2013, La SEMRY : DE 1971 À 2012, mémoire d'études (histoire), diplôme de professeur de l'enseignement supérieur (grade II), École normale supérieure, Université de Maroua (Cameroun)

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 58

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

du Nigéria par voie de contrebande34. Bien que principalement d'origine clandestine, ce carburant joue un rôle de toute première importance dans l'économie locale. Lorsque les prix du carburant sont plus élevés, ils entraînent habituellement une hausse des prix d'autres produits de base dans l'Extrême-Nord et ailleurs au Cameroun. Les chiffres officiels tendent à sous-estimer la quantité de carburant qui entre dans la région par le Nigéria. Certaines sources situent toutefois la part de marché du zua-zua dans l'Extrême-Nord aux environs de 90 % de la consommation totale de carburant35. Une perturbation de cet approvisionnement peut donc avoir des répercussions non négligeables sur l'économie locale.

Depuis 2012, le commerce a été fortement perturbé par l'insécurité croissante résultant des activités de Boko Haram dans l'Extrême-Nord. Sont particulièrement touchés les marchés frontaliers qui étaient d'importants centres de négoce pour les commerces camerounais comme nigérians. La situation a affecté les commerçants, les fermiers et les services de collecte de recettes publiques. La fermeture de la frontière et des marchés a eu une incidence sur les recettes douanières. Ainsi le bureau principal des douanes de Fotokol n'a-t-il perçu que 2 180 000 francs CFA pendant la première quinzaine de janvier 2012, par rapport à 19 millions de francs CFA pendant la même période en 2011. Il en est de même du bureau principal des douanes de Limani avec ses 50 millions de francs CFA perçus en 2012 contre 100 millions pour la même période l'année précédente. La situation a été bien pire encore pendant les périodes de fermeture de la frontière pour raisons de sécurité, entraînant une recrudescence des activités de contrebande, une réduction supplémentaire des exportations et des importations, et une perte importante de perceptions douanières36. Les attaques de Boko Haram visent principalement des endroits populaires et populeux tels que les marchés, les bâtiments publics et les postes de sécurité. Les grands marchés comme ceux de Maiduguri et Banki sont des objectifs de premier ordre. La localité frontalière de Banki, avec son effervescence et sa présence policière accrue, est devenue une cible clé37.

La crise a également eu des répercussions sur l'agriculture et l'élevage. Oignon, millet, arachide, maïs et autres produits agricoles exportés de façon continue vers le Nigéria constituent

34 Funteh, M.B., mars 2015, « The Paradox of Cameroon-Nigeria Interactions: Connecting between the edges of opportunity/benefit and quandary », International Journal of Peace and Development Studies, vol. 6 (3).

35 ibid

36 Kindzeka, M., 2014, « Border trade between Cameroon and Nigeria at a standstill », http://www.dw.com/en/ border-trade-between-cameroon-and-nigeria-at-a-standstill/a-17481473.

37 Pérouse de Montclos, M.-A., 2012, « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigéria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? » Questions de Recherche / Research Questions, no 40, juin 2012.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 59

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

une importante source de revenus pour de nombreux acteurs économiques camerounais. Les marchands de bétail ont connu un sort similaire. Franchir la frontière était chose impossible lorsque les attaques s'intensifiaient ou que la frontière était fermée. D'où une perte totale de revenus pour la plupart des négociants en bétail. Depuis 2012, le commerce des biens transitant par Banki-Limani et d'autres lieux importants de franchissement de la frontière s'est réduit de plus de 50 %, ce tarissement atteignant 90 % aux moments les plus forts du conflit. La contrebande elle-même est devenue une activité très dangereuse par suite de la sécurité renforcée le long de la frontière lorsque celle-ci est fermée, et de la menace que représente Boko Haram. En cas de fermeture complète de la frontière, les affaires tombent pratiquement au point mort de part et d'autre de la frontière38.

2- SUR LE TOURISME

La région de l'Extrême-Nord abrite des sites touristiques et des attractions culturelles qui comptent parmi les plus prisés du Cameroun ; 13 % des sites touristiques du pays s'y trouvent39. Jusqu'en 2012, la région constituait la première destination camerounaise pour les touristes d'Europe et d'Amérique du Nord40. Depuis 2012, son secteur touristique a été gravement touché par l'insécurité associée à Boko Haram. Selon les statistiques nationales pour l'année 2007, des 364 sites touristiques que compte le Cameroun, 67 se trouvent dans l'Extrême-Nord41. Ses paysages attrayants en avaient fait la destination préférée des touristes et des entreprises du secteur jusqu'en 2011. Le paysage de Rhumsiki, le parc national de Waza et les plaines d'inondation ou yaérés du Logone font partie des attractions touristiques les plus populaires du Cameroun.

Les attaques de Boko Haram augmentent depuis 2012, entraînant une baisse du taux d'occupation des hôtels de 50 % à 10 %42. Outre ces difficultés dans le secteur hôtelier, la crise du secteur touristique a également des répercussions sur le commerce des produits de

38 Kindzeka, 2014.

39 March 2015, « Ce que l'insécurité aux frontières fait perdre à l'économie camerounaise » http://www.journalducameroun.com/ce-que-linsecurite-aux-frontieres-fait-perdre-a-leconomie-camerounaise/.

40 Gaëlle Laleix, 22 September 2016 « Cameroun : relancer le tourisme sinistré par l'insécurité » http://www.rfi. fr/emission/20160922-cameroun-relancer-le-tourisme-sinistre-insecurite.

41 Djanabou Bakary, « Insécurité transfrontalière, perturbation des échanges et léthargie des marchés » in ISSA S. ed., November 2014, p. 86.

42 Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire du Cameroun (MINEPAT), 2015 « Impact de la crise sécuritaire aux frontières sur l'économie camerounaise » MINEPAT.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 60

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

l'artisanat43. La plupart des sites touristiques dans l'Extrême-Nord sont aujourd'hui désertés pendant la majeure partie de l'année, les touristes craignant d'être enlevés par Boko Haram ou pris au piège de la violence. À la suite de l'enlèvement d'une famille française en février 2013 et d'un prêtre français en novembre 2013, les résultats du secteur touristique ont brutalement chuté 44 . Autour de Waza par exemple, sur 1906 arrivées seules 1403 nuitées ont été enregistrées. Avec l'escalade de la crise en 2013, la situation s'est aggravée ; 1179 arrivées ont été enregistrées contre 975 nuitées en 2013. Les effets de cette baisse sur d'autres secteurs de l'économie sont visibles sur les chiffres de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui varient. Entre 2005 et 2013, le montant moyen de la TVA pour la zone de camping de Waza était de 8 882 950 francs CFA45 ; en 2013, il était de 1 654 338 francs CFA, soit une perte de 7 228 612 francs CFA46.

B- EFFETS SOCIOECONOMIQUES ET RECRUDESCENCE DES PERSONNES REFUGIEES

L'insécurité due à la psychose des attaques ainsi qu'aux opérations de Boko Haram au Cameroun a eu des effets socioéconomiques (1) et d'impacts démographiques qui s'analysent aussi bien en termes de floppée des personnes réfugiées (2)

1- SUR LE PLAN SOCIOECONOMIQUE

La région de l'Extrême-Nord enregistre les taux de pauvreté les plus élevés du Cameroun47 au regard de tous les indicateurs de l'indice de pauvreté multidimensionnelle48. Cette donnée est importante pour comprendre pourquoi Boko Haram peut sévir depuis toutes ces années.

43 Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire (CCFD- Terre Solidaire), avril 2015, Aide d'urgence pour les populations fuyant Boko Haram au Nord Cameroun, http://ccfd-terresolidaire.org/ projets/Afrique/Cameroun/aide-d-urgence-pour-les-5009.

44 France 24, décembre 2013 « Georges vandenbeusch (photo), le prêtre français enlevé dans le nord du Cameroun, le mois dernier, a été libéré, a déclaré mardi le cabinet du Président François Hollande » http://www. france24.com/en/20131231-french-priest-vandenbeusch-cameroon-boko-haram-kidnap.

45 Bernard Gonné, 2014, « Kidnappings, crise du secteur touristique et ralentissement de l'aide au développement », in ISSA S. ed., novembre 2014, Effets Économiques et Sociaux des Attaques de Boko Haram dans l'Extrême-Nord du Cameroun, Maroua, KALIAO, p. 102.

46 Ibid.

47 Institut national de la statistique (INS), 2014, Réalisation de la quatrième Enquête Camerounaise Auprès des Ménages (ECAM 4), Yaoundé, INS.

48 Programme des Nations Unies pour le développement, Indice de pauvreté multidimensionnelle, http://hdr. undp.org/en/content/multidimensional-poverty-index-mpi.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 61

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Selon les enquêtes sur les ménages n° 2, 3 et 4 réalisées par l'Institut national de la statistique, l'Extrême-Nord comptait 74,3 % de pauvres en 2014 contre 65,9 % en 2007 et 56,3% en 2001 ; suivi du Nord avec 50,1 % de pauvres en 2001, 63,7 % en 2007 et 67,9 % en 201449. Par bien des côtés, cette situation bénéficie à Boko Haram50. La pauvreté fait de cette région un terreau fertile de recrutement pour Boko Haram, qui, compte tenu des circonstances, est le plus grand employeur. Malheureusement, cet état de fait s'aggrave depuis le début de la crise en 2012. Du fait des infrastructures déjà détruites dans de nombreux villages reculés et des nombreuses personnes déplacées, les jeunes ne disposent pratiquement d'aucune autre source de travail.

Les villages et les marchés ne sont pas les seules cibles du groupe, qui s'attaque également aux exploitations agricoles ; or, l'agriculture est la principale source de revenus de plus de 80 % de la population. La destruction d'exploitations agricoles et les déplacements de population ont non seulement renforcé la pauvreté alimentaire, déjà favorisée par les mauvaises conditions climatiques, mais aussi d'autres formes de pauvreté. Selon la Commission européenne, 180 000 personnes ont besoin d'une aide alimentaire immédiate dans la région de l'Extrême-Nord51. Selon les estimations, 80 % de la population de la région est pauvre ou très pauvre, disposant d'un accès limité aux services de base et aux produits alimentaires essentiels52. Le nombre de chômeurs parmi la population, très jeune, est déjà très élevé ; la pauvreté croissante due à la destruction des moyens de subsistance a donc fait de la région un terrain de recrutement fertile pour Boko Haram. Par ailleurs, l'Extrême-Nord est la région la moins développée du Cameroun. À ce titre, elle manque cruellement d'infrastructures socioéconomiques de base et offre peu de possibilités de formation et d'éducation ainsi que peu de débouchés économiques, en particulier aux jeunes. Les activités de nombreux organismes publics (dispensaires, écoles publiques, services de douane et de police) ont également été perturbées par les actes de violence de Boko Haram. En octobre 2015, la localité de Kerawa

49 Institut national de la statistique, 2014.

50 Camer News, 16 août 2016, Boko Haram : Extrême-Nord, la Région la Plus Pauvre http://www.camernews. com/boko-haram-extreme-nord-la-region-la-plus-pauvre/#JOjj8X7qJU421GYy.99

51 Commission européenne, mai 2017, Fiche info sur le Cameroun, ECHO, consultée le 21 août 2017 à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/factsheets/cameroon_fr.pdf.

52 Ibid.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 62

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

(département du Mayo-Sava) a été temporairement occupée par Boko Haram53, de même que celles de Balochi et d'Ashigashia (département du Mayo-Tsanaga).

Figure 2 : carte de l'Extrême-Nord montrant les zones touchées par les attaques Boko Haram

Source : https://www.crisisgroup.org/africa/central-africa/cameroon/cameroon-confronting-

boko-haram#.

2- RECRUDESCENCE DES PERSONNES DEPLACEES ET REFUGIEES

Depuis le début du conflit dans l'Extrême-Nord, des milliers de personnes ont été déplacées et la région a également accueilli des milliers de réfugiés fuyant les exactions de Boko Haram au Nigéria. À la fin de 2016, plus de 198 899 personnes ont été déplacées dans la région de l'Extrême-Nord en raison des actes de violence de Boko Haram54. Les chiffres continuent d'augmenter. D'après la matrice de suivi des déplacement (DTM) de l'Organisation internationale pour les migrations, réalisée en mars 2017, les attaques perpétrées par Boko Haram au Cameroun ont entraîné le déplacement de 223 000 Camerounais55. Outre les

53 Le Figaro, octobre 2015, « Cameroun : Boko Haram prend la ville de Kerawa », http://www.lefigaro.fr/flashactu/2015/10/23/97001-20151023FILWWW00203-camerounboko-haram-prend-la-ville-de-kerawa.php

54 Organisation internationale pour les migrations, novembre 2016, « Près de 200 000 personnes sont déplacées à l'intérieur du Cameroun » https://www.iom.int/fr/news/pres-de-200-000-personnes-sont-deplacees-linterieur-du-cameroun.

55 Commission européenne, mai 2017, Fiche info sur le « Cameroun », ECHO, consultée le 21 août 2017 à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/factsheets/cameroon_fr.pdf.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 63

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

déplacements internes, qui posent des problèmes croissants, la région de l'Extrême-Nord a accueilli 64 000 réfugiés du Nigéria, qui vivent dans le camp de Minawao (département du Mayo-Tsanaga). La gestion de la crise des réfugiés a lourdement pesé sur l'administration locale, qui connaissait déjà des problèmes de gouvernance. L'afflux de réfugiés s'accompagne de problèmes de sécurité, les militants de Boko Haram étant soupçonnés de s'infiltrer dans le camp56. Les conditions de vie dans le camp sont également très mauvaises : peu d'accès à des soins de santé, à l'alimentation et à l'eau. On estime que 41 % de la population du camp est en situation d'insécurité alimentaire. Faire de l'agriculture vivrière autour du camp pour compléter l'approvisionnement alimentaire est très difficile en raison de l'aridité du sol. La crise des réfugiés et des personnes déplacées exerce donc une pression supplémentaire sur la situation alimentaire déjà précaire dans la région.

SECTION 2 : DE LA DIFFICULTE DE RIPOSTE OPERATIONNELLE A LA CONSTRUCTION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE CAMEROUNAIS ET COOPERATIONS

BH de par ses modes opératoires confus liés à la difficulté à reconnaitre les adeptes de la secte BH, sa capacité de dissimulation dans la masse et sa mobilité transfrontalière rendent difficile la dynamique de réponse opérationnelle.

PARAGRAPHE 1 : DIFFICILE DYNAMIQUE OPERATIONNELLE CONTRE BH ET CONSTRUCTION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE

Le mode opératoire de Boko Haram est en effet évolutif dans l'espace et le temps. Il faut rappeler que depuis 2012, la capacité de nuisance du groupe a changé sur le plan conventionnel. Son positionnement sur le territoire est de nos jours perceptible avec une logistique militaire appropriée et une offensive militaire conventionnelle pour la conquête des territoires. La difficile dynamique opérationnelle contre BH dérivée de la complexité et ou de la variabilité des modes opératoires de BH trouve son levier dans l'obsolescence du DVS et l'hypothèse de la transfrontalité de la menace.

56 AFP, novembre 2014, « Refugees fleeing Boko Haram flood Cameroon camp », consulté le 17 août 2017 à l'adresse suivante : http://www.dailymail.co.uk/wires/afp/article-2836282/Refugees-fleeing-Boko-Haram-floodCameroon-camp.html.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 64

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

A- DIFFICILE DYNAMIQUE OPERATIONNELLE ET ACTIONS DES COMITES DE VIGILANCE CONTRE BH

La difficulté opérationnelle dans la lutte contre BH s'explique par la désuétude du dispositif opérationnel de riposte (1) exigeant l'implication des comités de vigilance (2)

1- OBSOLESCENCE DU DISPOSITIF OPERATIONNEL

Le dispositif de veille sécuritaire adopté par le Cameroun a ses avantages et ses limites. Elle a certes réussi à mettre fin à l'ampleur des attaques enregistrées en 2015 dans des localités comme Kerawa et Kolofata, mais elle n'a pas traité les causes profondes du conflit. Par conséquent, si Boko Haram a été fragilisé à la suite de l'attaque militaire contre ses positions menées conjointement par tous les pays concernés, il est peu probable que le groupe terroriste puisse être éliminé. La solution essentiellement axée sur l'action militaire et la sécurité n'a donc pas réussi à garantir la sécurité des personnes et des biens nécessaires à la promotion socioéconomique de la région.

2- LES COMITES DE VIGILANCE DANS LA LUTTE CONTRE BH

Le recours aux comités de vigilance intègre un postulat réformateur du dispositif sécuritaire du Cameroun et se justifie par le caractère asymétrique de la guerre que livre le Cameroun à BH. Certes, la mobilisation des groupes d'auto-défense n'est pas nouvelle au Cameroun. Elle remonte aux années 1960 notamment dans la ville de Douala. Les exactions de BH et la dissimulation de ses membres parmi les populations ordinaires ont juste favorisé la réactivation de ces unités privées de sécurité depuis juillet 2015 à la suite des premiers attentats-suicides à l'Extrême-Nord57. La multiplication des exactions de Boko Haram sur le territoire national a révélé l'ampleur des complicités locales dont bénéficiaient les insurgés. Soucieux d'affaiblir leurs soutiens locaux et optimiser le renseignement prévisionnel et opérationnel, les autorités camerounaises ont réactualisé la défense populaire inscrite dans le concept de défense

57 Voir le Rapport de l'International Crisis Group précité

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 65

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

du Cameroun, qui repose sur l'idée que « les armées ne suffisent pas pour sauver une nation tandis qu'une nation de défense par le peuple est invincible58 ». Ces groupes sont régis par l'instruction interministérielle de 1962 créant les groupes d'autodéfense à l'échelle nationale et régionale par l'arrêté régional de juin 2014 du Gouverneur de la Région de l'Extrême-Nord, Augustin Awa Fonka, encourageant la réactivation de ces unités sous l'appellation « comités locaux de vigilance ». On assiste à une prolifération sans précédent de vigilants, estimés aujourd'hui à environ 16 000 dans la quasi-totalité des villes et villages de l'Extrême-Nord (ICG, Février 2017). Officiellement, leur objectif est d'améliorer la réactivité des autorités et des forces de sécurité à travers l'information, le renseignement et la dénonciation des situations suspectes. Sur le terrain, les membres des comités de vigilance ont contribué, au-delà de l'identification des djihadistes et de l'alerte, à déjouer plusieurs attentats kamikazes ou à réduire leur létalité parfois au péril de leur vie. Leur ancrage communautaire et leur parfaite maîtrise de la géographie, de l'histoire, des langues et des cultures locales, font d'eux des partenaires privilégiés de la contre-insurrection pilotée par les services de sécurité camerounais. Leurs exploits leur valent d'être régulièrement félicités par les pouvoirs publics et de bénéficier d'une attention médiatique inouïe ainsi que des marques de bienveillance. Cependant, les dénonciations calomnieuses de certains, les extorsions auxquelles se sont livrés quelques-uns et les soupçons de collusion des autres avec la milice islamiste, ont quelque peu entaché l'image de ce corps communautaire de sécurité qui se trouve désormais dans une posture ambivalente. Les soutiens divers apportés par l'ensemble des parties prenantes ont nettement contribué à faire reculer l'emprise des djihadistes sur le front camerounais et soulager les souffrances des nombreuses victimes. Toutefois malgré les défaites militaires subies, le pouvoir de nuisance de Boko Haram demeure et les conséquences du conflit sur le paysage économique, politique et socioculturel ne cessent de s'alourdir. Dans ce même son de cloche, les dynamiques bilatérales sont indispensables.

B- DE LA CONSTRUCTION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE A

L'AUNE DE BH

Les premières incursions de BH au Cameroun ont fondamentalement changé la perception et le schéma national de veille sécuritaire. Confinée pour l'essentiel à la frontière avec le Nigeria, la nébuleuse BH a exprimé sa volonté de s'accaparer d'un morceau de territoire

58 Discours d'Ahidjo, 15 août 1970

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 66

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

camerounais pour étendre l'assise de son califat depuis le Nigeria59. Après un moment d'hésitation marqué par « un manque de discours structuré sur les objectifs de BH »60; alors considéré comme `une histoire' nigériano-nigériane, le gouvernement camerounais s'est ravisé et a engagé des mesures fortes renforçant son dispositif en matière de gestion de la crise sécuritaire qu'imposait cette secte terroriste. Le Cameroun s'est alors mobilisé suivant une réorganisation du schéma anticipatif contre BH, que les autorités ont vite fait de « légaliser » par des artifices juridiques assez controversés61. De là, le combat antiterroriste au Cameroun exige une réorganisation d'architecture de veille sécuritaire au niveau des zones-sièges de BH.

1- REORGANISATION PARTIELE DU SCHEMA SECURITAIRE NATIONAL

La nouveauté du phénomène BH au Cameroun a entrainé une révision du dispositif de veille sécuritaire à l'échelle du territoire national, avec une accentuation dans les zones les plus touchées par BH. Suite à la déclaration de guerre faite par le Président Biya le 17 mai 2014 à Paris, le Cameroun a inscrit dans son agenda sécuritaire le combat contre Boko Haram dès 2015 avec la projection territoriale des unités spéciales de l'armée camerounaise. Le dispositif de veille sécuritaire va connaitre une redynamisation à travers le renforcement et l'enrichissement de nouvelles opportunités. D'où la nécessité de procéder à la réorganisation partielle du dispositif du commandement terrestre avec la création d'une région militaire dans la partie Nord du pays, RMIA 462. Il s'agit d'un réajustement de l'emploi des forces de défense et de sécurité dans une nouvelle conflictualité longtemps restée indéfinie la doctrine d'emploi des forces.63 Le combat contre BH ne pouvait se faire suivant la seule grille opérationnelle des forces de défense et de sécurité préparées plutôt aux guerres symétriques. Ainsi, la réponse sécuritaro-militaire face à la secte BH va consister en une multiplication des actions articulées autour des opérations alpha du BIR-Alpha et l'opération Emergence 4 conduite par la quatrième Région Militaire Interarmées de l'armée régulière. Créée le 1er août 2015, l'Opération Alpha agit au front avancé pour rétablir la confiance sécuritaire et empêcher toute manifestation de Boko

59 Adam Higazi et Florence Brisset-Foucault, « Les origines et la transformation de l'insurrection de Boko Haram dans le Nord du Nigeria », Politique Africaine, n°130, 2013/2, pp. 137-164, P.148.

60 Paul Elvic Batchom, « La guerre civile "transfrontalière" : note introductive et provisoire sur les fortunes contemporaines de la guerre civile », Politique et Sociétés, vol. 35, n° 1, 2016, p. 103-123, p. 141.

61 C'est la loi n°2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme. Cette loi prévoit notamment la peine de mort pour toute personne reconnu coupable d'actes terroriste et institue une telle procédure devant le tribunal militaire

62 Décret n° 2014/308 du 14 août 2014 portant modification du décret n° 2001/180 du 25 juillet 2001 portant réorganisation du commandement militaire territorial, art. 3, 1.

63 Doctrine d'emploi des forces approuvée le 4 Décembre 1979 sous le n*425/CABMIL/D 320.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 67

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Haram dans sa zone de Responsabilité qui s'étend de Tourou et Ngrehi à Fotokol. Son mode de combat est le harcèlement64. La souplesse et l'élasticité de ses unités permettent d'adapter leur déploiement à l'évolution de la situation car, dans ce type d'engagement, il est primordial de pouvoir saisir les opportunités fugaces d'engagements contre un adversaire de nature fuyante (Heitman, 2011 : 5).

De l'autre côté, au second échelon, l'opération Emergence 4, conduite par le commandant de la RMIA4 (COM RMIA4), est constituée d'un état-major et des postes. Le COM RMIA4 dispose, dans le cadre d'Emergence 4, des unités du Bataillon Blindé de Reconnaissance (BBR), du Régiment d'Artillerie Sol-Sol (RASS) et des Mortiers de calibre 120 lisses rattachés qu'il déploie selon les besoins opérationnels. De même, des personnels issus de l'armée de Terre ont été déployés dans neuf postes de la zone d'action considérée.

Ce dispositif sera renforcé par une opération conjointe Cameroun-Tchad dénommée Logone en 2015. Dans ce même son de cloche, une quatrième région de gendarmerie (RG4)65 a été créée dans l'Extrême-Nord suivie d'une spécialement créée à Kousseri. Cette dernière servira de quartier général de plusieurs BIM activées. Au passage, force est de souligner que les missions de l'armée seront redéfinies. Un tel aspect est visible de par le nouveau statut « d'agent social » acquis par l'armée à travers les actions humanitaires des forces de défense et de sécurité. Il est bien remarquable que la nouveauté du phénomène BH a suscité la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire les zones les plus vulnérables. Cette réorganisation va permettre la réappropriation et la réaffirmation de l'Etat du Cameroun en matière de veille sécuritaire dans le septentrion.

Cette dynamique a également conduit à la création de la 32eme brigade d'infanterie motorisée à Maroua, unité qui a, par la suite, été transformée en la 41e Brigade d'infanterie motorisée (BIM)66 et délocalisée sur Kousseri. Cette réorganisation a permis, entre autres, de ramener le centre de décision opérationnel à proximité du théâtre des opérations, réduire les élongations et mettre à disposition un équipement et une logistique dédiés directement à l'Opération Emergence 467.

64Ibid.

65 Décret n° 2014/309 du 14 août 2014 portant modification du décret n° 2001/181 du 25 juillet 2001 portant

organisation de la gendarmerie nationale, art. 72 (nouveau).

66Cameroon-Tribune, n° 10669/6868 du mardi 9 septembre 2014.

67Honneur et Fidélité, magazine des forces de défense du Cameroun, Edition spéciale, décembre 2015, p. 55.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 68

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

2- LA REAPPROPRIATION TERRITORIALE ET REAFFIRMATION DE LA SOUVERAINTE SECURITAIRE

la construction du dispositif de veille sécuritaire du Cameroun à l'ère de BH a ceci de positif qu'elle a accéléré la « réintroduction de l'Etat » dans les régions septentrionales du Cameroun et a amplifié la mobilisation gouvernementale autour de projets de développement en urgence68 de ces zones souvent présentées comme les `oubliées de la République'. Sur ce plan, il n'est pas désobligeant de penser qu'« à quelque chose, malheur est bon », puisque le développement est devenu une préoccupation de l'Etat dans cette partie et que la présence des services publics de proximité est de nouveau à l'ordre du jour.

La mobilisation de l'ensemble de la nation camerounaise dans la lutte contre l'extrémisme violent incarné par Boko Haram est devenue une question de souveraineté. Il s'agissait pour le Cameroun de garder inviolable l'intégrité de son territoire face aux velléités expansionnistes et révisionnistes de l'ennemi. La réponse souverainiste du Cameroun s'est manifestée par la mobilisation et l'engagement de son armée, en tant que bras séculier de l'État chargé de la défense de la souveraineté nationale.69 BH a favorisé la réaffirmation de la souveraineté sécuritaire de l'Etat. Dans cette partie du pays vulnérable, aux indices de développement humain très faibles par rapport l'Indice du Développement Humain (IDH) national, l'Etat se réintroduit et amplifie les mobilisations autour de projets de développement en urgence70 de ces zones souvent présentées comme les « oubliées de la République ». Il est à relever que le secteur éducatif présente des retards enregistrés et bénéficie à ce titre de statut de « zone d'éducation prioritaire ». Une aide publique est donc destinée dans une perspective de l'amélioration, de redynamisation du niveau d'étude et l'accroissement des résultats académiques. Les indicateurs d'éducation sont au rouge : 53 % des enfants non scolarisés se retrouvent dans la seule région de l'Extrême-Nord ; le taux d'achèvement des études primaires

68 C'est l'objet principal du Plan d'Urgence de 5,3 milliards de FCFA lancé en 2015 par le gouvernement camerounais, et dont les priorités sont la reconstruction d'établissements scolaires, les centres de santé et les routes à l'Extrême Nord.

69 Frank Ebogo, Les Mobilisations collectives anti-Boko Haram au Cameroun : Entre calculs politiques, patriotisme exacerbé et solidarités transversales. Publibook 2019, p 143.

70 C'est l'objet principal du Plan d'Urgence de 5,3 milliards de FCFA lancé en 2015 par le gouvernement camerounais, et dont les priorités sont la reconstruction d'établissements scolaires, les centres de santé et les routes à l'Extrême Nord

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 69

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

dans les ZEP allait de 46 % (dans l'Extrême-Nord) à 81 % (à l'Est) contre plus de 94 % dans les autres régions du pays ; le taux d'alphabétisation est peu élevé dans les régions septentrionales. Ainsi, on estime le taux des personnes analphabètes, dans l'Adamaoua (55 %) et dans l'Extrême-Nord (76 %) En deçà de la moyenne nationale (35 %), et très élevé par rapport aux régions du Littoral (10 %) et du Centre (13 %)71. De plus, si l'accès au cycle primaire s'est plus ou moins généralisé, il reste que 22 % et 29 % des jeunes issus respectivement de l'Adamaoua et de l'Extrême-Nord ne sont pas scolarisés72. Ces retards sont encore plus grands, d'autant plus lorsqu'on considère que le taux d'achèvement du primaire se situe respectivement à 58 % et à 46 % dans l'Adamaoua et dans l'Extrême-Nord, contre 95 % dans toutes les régions non septentrionales du pays73. Le gouvernement a profité du terrorisme BH pour verrouiller davantage les aspects de la vie collective qui lui échappaient déjà au nom des libertés politiques et civiques74. Non seulement il mobilise l'argument de la défense du territoire et de son intégrité75, mais aussi il instrumentalise l'idée d'unité nationale pour élargir la répression du terrorisme à des activités de groupes pouvant susciter une certaine confusion au sein de la population76.

PARAGRAPHE II : COOPERATION AU PLAN BILATERAL ET MULTILATERAL

DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM

La lutte contre BH exige une coopération au plan bilatéral et multilatéral visible à travers diverses contributions.

71 Banque mondiale, « Cahiers économiques du Cameroun : Examiner les sources de la croissance : la qualité de l'éducation de base », janvier 2014, n° 7, p. 14.

72 Cameroun, rapport national de l'Éducation pour tous (EPT) in : www.unesdoc.unesco.org/images/0023/002317/231716f.pdfn, p. 10.

73 Ibid. p 11.

74 Rappelons que la loi antiterroriste susmentionnée renforce la législation sur les réunions publiques et la liberté d'expression. Elle insiste notamment sur l'apologie du terrorisme et les regroupements en masse de personnes qui peuvent donner lieu à des interprétations larges. D'ailleurs, dans la pratique, cette loi a recruté sa première clientèle parmi les leaders des manifestations violentes dans la partie anglophone entre la fin d'année 2016 et le début d'année 2017. Ainsi, les sieurs Agbor Balla, Fontem Neba et Mancho Bibixy ont été accusés de terrorisme, incitation à la violence, à la sécession et à la guerre civile, et propagation de fausses nouvelles devant le tribunal militaire de Yaoundé.

75 C'est l'argumentaire essentiel du Président Biya dans ses discours de fin d'année à la Nation les 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016.

76 A titre d'exemple, le Président du Conseil National de la Communication (CNC) menaçait en janvier 2017 sur les ondes de la Radio nationale (CRTV) de fermer tous les médias qui continueront de donner la parole aux « sécessionnistes » de la partie anglophone ou qui continueraient à faire l'éloge du terrorisme.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 70

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

A- LES CONTRIBUTIONS DANS LA LUTTE CONTRE BH AU PLAN

BILATERAL

Boko Haram est un ennemi confus et même diffus aux modes opératoires variables nuisible à la stabilité sécuritaire au Cameroun, au Nigeria et le Tchad voisin. Cette menace transfrontalière impose la mutualisation des forces afin d'envisager son endiguement à travers la mobilisation des formations militaires combattant pour l'instauration ou la restauration de l'autorité de l'État dans les zones frontalières contestées77. Le Cameroun, le Nigeria et le Tchad vont s'organiser pour mettre en oeuvre une stratégie contre Boko Haram pour la sauvegarde de leur intégrité territoriale.

1- LA DYNAMIQUE TCHAD- CAMEROUN

Dans le contexte de la guerre contre Boko Haram, on a observé une revigoration de l'axe translogonéen reliant Yaoundé à N'Djamena. Au lendemain de la déclaration de guerre, le président tchadien Idriss Deby Itno effectuait une visite d'amitié et de travail au Cameroun, les 22 et 23 mai 2014. Au cours des travaux, les deux chefs d'État exprimèrent « leur détermination de tout mettre en oeuvre afin que le dynamisme de cette coopération facilite l'émulation et ait des effets positifs d'entraînement sur le processus d'intégration dans la sous-région d'Afrique centrale »78. Le 23 octobre 2007, sans doute pour endiguer les actes criminels, le Cameroun et le Tchad décidèrent de resserrer leur coopération sécuritaire en mettant en place, à N'Djamena, une commission mixte permanente de sécurité. Très rapidement, les 19 et 20 novembre 2009, les deux pays organisèrent la 1re session ordinaire de cette commission mixte de sécurité à Maroua (Cameroun). Reconnaissant que la situation sécuritaire à la frontière commune restait préoccupante, le Cameroun et le Tchad adoptèrent une feuille de route de lutte contre l'insécurité transfrontalière pour l'année 2010, comportant des actions et opérations précises à mener conjointement 79 . Malgré toutes les initiatives prises pour sécuriser l'espace transfrontalier commun, le droit de poursuite en territoire tchadien ou camerounais ne fut jamais

77 Frank EBOGO : Les mobilisations collectives anti Boko- Haram au Cameroun

78 Ibid.

79 Communiqué conjoint de la 1re session ordinaire de la Commission mixte permanente de sécurité Cameroun-Tchad tenue à Maroua les 19 et 20 novembre 2009.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 71

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

mis en oeuvre. Deux raisons peuvent expliquer l'engagement militaire du Tchad aux côtés du Cameroun dans la lutte contre Boko Haram. D'ordre géoéconomique, la première raison tient à la nécessité de sécuriser les routes commerciales qui relient le Cameroun au Tchad. Afin d'empêcher un siège éventuel de la capitale N'Djamena, suite à la chute stratégique de Baga, siège de la Multinational Joint Task Force (MNJTF), le Tchad prit la mesure de la menace djihadiste en menant une guerre préemptive contre Boko Haram. Sa détermination a été aussi renforcée par la nécessité de sécuriser le pipeline reliant Doba (Tchad) au port de Kribi (Cameroun).

La seconde raison est liée aux considérations géostratégiques. En effet, la prise de la ville nigériane de Baga par les djihadistes au début du mois de janvier a débouché sur une reconfiguration du champ géostratégique du bassin du lac Tchad. Désormais, N'Djamena était devenue une capitale vulnérable, car à portée de tirs des éléments de Boko Haram. La stratégie tchadienne consistait, par conséquent, à briser tout éventuel verrou en dégageant les passages frontaliers et les axes de circulation vitaux facilitant l'ouverture du pays au monde. Devant la puissance de feu de la coalition tchado-camerounaise, l'ennemi recule sans véritablement abdiquer. En réalité, la réorganisation du commandement militaire de l'opération Logone 2015 a permis aux deux pays de bâtir un dispositif stratégique efficace et efficient dans le bassin du lac Tchad. Disposant d'un poste de commandement à Maroua, cette force avait à sa tête le général de corps d'armée camerounais René Claude Meka, secondé par le général de division tchadien Ahmat Darry Bazine. L'état-major de l'opération disposait également des bureaux du renseignement opérationnel, de la logistique, des transmissions électroniques et des relations publiques. Au terme de plusieurs mois d'opérations militaires en territoire nigérian, et face au redéploiement de la Force multinationale mixte (FMM) dans le théâtre géostratégique, l'opération Logone 2015 fut démantelée en novembre 2015, sans que l'ennemi soit définitivement défait. Selon l'état-major tchadien, le bilan de cette intervention restait lourd : 71 soldats tués et 416 blessés80.

80 http://afrique.lepoint.fr/actualites/lutte-contre-boko-haram-le-tchad-retireses-troupes-du-sol-camerounais-09-11-2015-1980244 2365.php, page consultée le 5 novembre 2016.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 72

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

2- LA DYNAMIQUE NIGERIA-CAMEROUN

Au début de la guerre contre Boko Haram, le Nigéria et le Cameroun ont laissé entendre des voix discordantes et s'étaient mutuellement refusés un droit de poursuite sur leur sol respectif. De nos jours, il y a une volonté politique affirmée entre les deux chefs d'État, compte tenu des effets que produit la menace terroriste Boko Haram sur les deux pays, à la fois sur le plan économique et politique. Cette réalité ne doit pas nier la méfiance latente entre les deux pays. Un échange d'informations et le renforcement des moyens en termes de renseignement risquent de se heurter à la méfiance qu'ils éprouvent l'un envers l'autre, et leur volonté de protéger leur souveraineté nationale. Cette coopération bilatérale permanente permet de lutter efficacement contre BH. Les deux pays ont décidé de réactiver la Grande Commission mixte bilatérale et de créer un comité de sécurité transfrontalière chargé de sécuriser la frontière maritime et terrestre commune.

B- LES CONTRIBUTIONS DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM AU

PLAN MULTILATERAL

Ces contributions intègrent les actions menées par la CBLT et la CEEAC (1) et la contribution de l'UA et des Nations Unies.

1- L'ACTION DE LA CLBT ET L'APPORT DE LA CEEAC

? L'ACTION DE LA CBLT

La Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) est une structure permanente de concertation qui a été créée le 22 mai 1964 par quatre pays riverains du Lac Tchad : le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad. Mais le nombre de pays membres est passé à six depuis l'adhésion de la République Centrafricaine en 1996 et de la Libye en 2008. Le Soudan, l'Egypte, la République du Congo et la RD Congo sont membres observateurs. Le siège de l'Organisation est à N'Djaména, République du Tchad. La CBLT a pour mandat, la gestion durable et équitable du Lac Tchad et des autres ressources en eaux partagées du bassin éponyme, la préservation des écosystèmes du Bassin Conventionnel du Lac Tchad, la promotion de l'intégration et la préservation de la paix et de la sécurité transfrontalières dans le

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 73

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Bassin du Lac Tchad. Il convient de relever que l'on assiste à un renforcement de la coopération régionale pendant l'été 2015, avec la création de la Force Multinationale Mixte (FMM) dont le quartier général est à N'djaména et le commandement opérationnel est assuré par un général nigérian, Illyah Abbah. La FMM est constituée des armées nigériane, camerounaise, tchadienne, nigérienne et béninoise.

La sécurité transfrontalière est une préoccupation historique des pays du bassin, mais ce n'est qu'au début des années 2010, après l'insurrection violente de Boko Haram en 2009, que la coopération militaire s'est davantage concrétisée sous la forme de la Force multinationale mixte(MNJTF), une autre Force issue de la CLBT. Celle-ci a été placée sous commandement nigérian, avec le soutien de l'Union africaine (UA). La MNJTF a été instaurée par le sommet de la CBLT, à l'initiative du Nigeria, mais ne comprend que quatre des six États membres de la CBLT - le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad et plus le Bénin, qui n'en est pas membre. Les membres de la MNJTF81 venant à la fois de la CEDEAO (Nigeria, Niger et Bénin) et de la CEEAC (Cameroun et Tchad), il était difficile pour une CER reconnue par l'UA et pierre angulaire de l'Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) d'en être le chef de file. Comme la majorité des pays concernés sont membres de la CBLT et que l'emprise de Boko Haram s'était étendue aux rives du bassin du lac Tchad, on a estimé que la CBLT offrait un cadre institutionnel adéquat pour cet effort commun, et une solution pragmatique à un dispositif inter-régional. Le quartier général de la Force multinationale mixte a pris ses quartiers à Baga (Nigeria) jusqu'à ce qu'il en soit délogé par les forces de Boko Haram en 2015. Il se trouve actuellement à N'Djamena (Tchad).

Le 20 janvier 2015, alors que les troupes tchadiennes se déployaient au Cameroun, une réunion internationale convoquée à Niamey, à laquelle participaient notamment les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des quatre États membres de la CBLT, décidait entre autres mesures devant favoriser la collaboration régionale contre Boko Haram de transférer le

81 Le principal outil de coopération militaire régionale est la Force multinationale conjointe, souvent désignée sous son appellation anglophone de Multinational Joint Task Force (MNJTF). Créée en 1998 par trois membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), le Nigeria, le Niger et le Tchad, la MNJTF avait comme mandat initial de combattre la criminalité et le trafic d'armes pour assurer la libre circulation des biens et des personnes dans la région du lac Tchad64. En 2012, en réponse à la menace accrue de Boko Haram, son mandat a été étendu à la lutte contre le terrorisme65. En octobre 2014, lors d'un sommet de la CBLT à Niamey, le quatrième membre de cette organisation, le Cameroun, ainsi que le Bénin, confirmaient leur décision - déjà prise plus tôt dans l'année par leurs ministres de la Défense - de se joindre à la MNJTF en y apportant chacun 700 hommes (Lac Tchad: 700 militaires camerounais pour la force multinationale, Journalducameroun.com, 20 mars 2014 ; Bassin du Lac Tchad : bientôt une force multinationale contre la secte Boko Haram, Xinhua, 25 juillet 2014 ; Insurgency: LCBC To Establish Multi-National Joint Task Force, The Street Journal (Ibadan), 8 octobre 2014 ). Le quartier-général de la MNJTF était alors situé à Baga, sur la rive nigériane du lac Tchad. Ses contingents tchadien et nigérien l'ont déserté en novembre 2014 après une attaque de la localité par Boko Haram, laissant seuls leurs collègues nigérians

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 74

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

siège de l'état-major de la MNJTF à N'Djamena82. Quelques jours plus tard, l'Union africaine (UA) décidait de porter ses effectifs militaires à 7 500 hommes83. Au début février, un sommet réunissant à Yaoundé le Bénin et les quatre membres de la CBLT décidait d'y adjoindre des policiers et des civils, portant ses effectifs à 8 750 hommes, selon plusieurs médias84, mais à 10 000 selon un communiqué de l'UA85. Ce même communiqué, annonçant l'inauguration du nouveau siège de la MNJTF le 25 mai, précisait que le Conseil de paix et sécurité de l'UA avait approuvé un « concept stratégique d'opérations » (CONOPS) adopté durant le sommet du début février à Yaoundé.

? L'APPORT DE LA CEEAC

C'est au travers de la gestion de la crise liée à la secte Boko Haram que le rôle joué par la CEEAC dans la crise sahélienne doit être envisagé. En effet, plusieurs Etats d'Afrique centrale, particulièrement le Tchad et le Cameroun, sont directement touchés par la violence qui affecte les confins du Lac Tchad, au même titre que leurs homologues de la CEDEAO (Nigeria, Niger, Bénin). La faible mobilisation de la CEEAC face à cette crise a révélé à la fois les faiblesses de l'organisation elle-même mais aussi la nécessité de développer la coopération entre les CER qui composent l'AAPS. L'agenda de la CEEAC a largement été dominé depuis le début de la décennie par les conflits prévalant en RDC et en RCA, unique pays au sein duquel la FOMAC ait été déployée. Ce n'est qu'assez tardivement que ces deux instances se sont mobilisées pour faire face aux menaces incarnées par le groupe Boko Haram. C'est ainsi lors de la 39ème Session de l'UNSAC, tenue à Bujumbura en décembre 2014, que les ministres des Affaires étrangères d'Afrique centrale ont exprimé leur soutien au Tchad et au Cameroun dans leur lutte contre Boko Haram. C'est tout d'abord en termes d'assistance mutuelle envers les deux Etats membres de la CEEAC directement affectés par les violences de la secte islamiste que la CEEAC a abordé cette question. C'est ainsi que, lors d'une rencontre avec le Président camerounais Paul Biya en janvier 2015, le Secrétaire général de l'Organisation a encouragé les Etats membres à manifester leur solidarité envers le Tchad et le Cameroun, conformément aux dispositions pertinentes du Pacte d'assistance mutuelle de la Communauté. Le Secrétaire

82 Boko Haram: Niger, Chad withdraw troops from multinational force, Premium Times, 6 Janvier 2015; Boko Haram: Military Probes Fall of Baga, THISDAY, 7 Janvier 2015.

83 Nigeria : Boko Haram s'empare d'une base militaire sur les rives du lac Tchad, RFI, 5 janvier 2015.

84 Boko Haram's 'deadliest massacre': 2,000 feared dead in Nigeria, The Guardian, 10 Janvier 2015.

85 Relevé de Conclusions de la Réunion des Ministres des Affaires Etrangères et de Défense sur la Sécurité au Nigeria et la « lutte contre Boko Haram », Union Africaine, 21 janvier 2015.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 75

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

général a alors également plaidé pour que les plus hautes instances du COPAX adoptent des actions concrètes en vue d'éliminer la menace que constitue Boko Haram, allant jusqu'à évoquer un plan militaire destiné à contenir et à maîtriser la progression de Boko Haram, en sécurisant les frontières du Cameroun, celles du Tchad et globalement celles de la sous-région d'Afrique centrale86

.

Sans surprise, la CEEAC s'est plus particulièrement saisi des questions relatives à la lutte contre Boko Haram lorsque le Président tchadien Idriss Déby en a assuré la Présidence. Le 31 janvier 2015, s'est ainsi tenue une Concertation des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEEAC à Addis-Abeba, en marge de la 24ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA. Dans la foulée de cette rencontre, le 16 février 201587, les Chefs d'Etat d'Afrique centrale membres du COPAX se sont réunis en session extraordinaire, à l'invitation du Président tchadien également Président en exercice de celui-ci, pour tenter d'élaborer une stratégie commune visant à lutter contre le groupe islamiste. C'est à huit clos que les Présidents tchadien et camerounais se sont exprimés devant le COPAX, afin d'exposer la gravité de la situation dans les régions de leur pays touchées par la violence de Boko Haram : « Les deux Chefs d'Etat ont déclaré que leurs Etats sont en guerre et mobilisent plus de six mille hommes chacun pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram. Ils ont conclu leur propos en demandant à leurs pairs de se mobiliser pour les aider à éradiquer le groupe terroriste Boko Haram qui, s'il n'est pas neutralisé, pourrait déstabiliser toute la sous-région»88. Reconnaissant que le groupe terroriste Boko Haram n'était pas seulement une menace pour le Cameroun et le Tchad, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique centrale, les Chefs d'Etat du COPAX ont affirmé leur volonté de soutenir le Cameroun et le Tchad, dans le cadre des mécanismes prévus par le Protocole relatif au COPAX et par le Pacte d'assistance mutuelle. Ils ont également décidé de la mise en place d'une aide d'urgence en ressources financières d'un montant de 50 milliards de Francs CFA, en troupes, en soutien génie, en soutien santé, en équipements militaires divers et en appui aérien. Ils ont aussi décidé de créer un Fonds de soutien multidimensionnel dans les domaines de la logistique, de l'assistance

86 http://www.ceeac-eccas.org/index.php/pt/actualite/113-boko-haram-la-ceeac-veut-contenir-et-maitriser-l

avancée-du-groupe-terroriste

87 Radio France Internationale, « Afrique Centrale : Sommet de la CEEAC - 50 milliards de francs CFA contre Boko Haram ». Publié le 16-02-2015 : http://www.rfi.fr/afrique/20150216-cameroun-appui-financier-militaire-lute-contre-boko-haram

88 http://www.ceeac-eccas.org/index.php/en/component/content/article/15-dihpss/128-communique-final-session-extraordinaire-de-la-conference-des-chefs-d-etat-du-conseil-de-paix-et-de-securite-de-l-afrique-centrale-consacree-a-la-lutte-contre-le-groupe-terroriste-boko-haram

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 76

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

humanitaire, de la communication et des actions politico-diplomatiques, instruisant le Secrétaire général de la CEEAC d'élaborer un plan d'action dans ces différents domaines à soumettre aux instances du COPAX pour son adoption et sa mise en oeuvre. Les Chefs d'Etat ont en outre décidé de renforcer la surveillance de leurs territoires respectifs et de mener des actions de sensibilisation au profit de leurs populations pour réduire les risques d'infiltration des membres de Boko Haram à l'intérieur des frontières de leurs sous-régions et couper leurs réseaux de ravitaillement. Les Chefs d'Etat ont aussi salué la décision de l'Union africaine d'autoriser le déploiement de la FMM.

C'est ainsi que depuis 2015, dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions de cette session extraordinaire du COPAX, l'approche de la CEEAC a largement consisté à opérer un rapprochement avec la CEDEAO afin de développer une stratégie commune visant à traiter les racines de la crise transrégionale provoquée par les activités et la violence de Boko Haram. Une telle approche se situe dans le droit fil du rapprochement précédemment engagé à la faveur de la stratégie interrégionale CEEAC-CEDEAO de lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée89.

Dès le 2 avril 2015, s'est tenue une Réunion des Experts de la CEEAC et de la CEDEAO consacrée à la mise en place d'une stratégie commune de lutte contre le groupe terroriste Boko Haram90. Cependant, l'organisation du Sommet conjoint des Chefs d'Etat de la CEDEAO et de la CEEAC, initialement prévu pour se tenir en avril, puis en août 2015 à Malabo, en Guinée équatoriale, a été reportée à une date ultérieure. Les travaux de la 44ème et de la 45ème réunion de l'UNSAC, respectivement tenues en 2017 à Yaoundé et à Kigali, ont été largement consacrés à la lutte contre la violence armée et le terrorisme en Afrique centrale. Une insistance particulière a été placée sur la nécessité de la tenue d'un Sommet conjoint avec la CEDEAO consacré à la définition d'une stratégie interrégionale pour faire face au terrorisme et à Boko Haram. A Kigali, le représentant de la Force multinationale mixte de lutte contre Boko Haram, a fait le point sur les efforts en cours pour mettre hors d'état de nuire le groupe terroriste.

89 C'est dans ce cadre qu'a été créé le Centre Interrégional CEDEAO-CEEAC pour la Coordination de la lutte contre la piraterie et l'insécurité dans le Golfe de Guinée(CIC).

90 http://ceeac-eccas.org/index.php/fr/component/content/category/15-dihpss?layout=blog&start=45

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 77

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

2- LA CONTRIBUTION DE L'UA ET DES NATIONS UNIES

L'Union Africaine et les Nations Unies ont mobilisé tant d'efforts dans le cadre de la lutte contre BH.

? L'UA

Il est frappant de constater le contraste entre l'intense activité déployée par l'UA dès les prémisses de la crise malienne et son absence totale de réactivité, voire sa passivité, face aux agissements de la secte Boko Haram. Suite aux attaques des 20 et 21 janvier 2011 qui firent plus de 200 morts dans la seconde ville du Nigeria, Kano, l'UA a publié un communiqué de presse dans lequel elle a promis son plein appui aux efforts du gouvernement nigérian pour mettre un terme à « toutes les attaques terroristes dans le pays» et combattre le terrorisme sous toutes ses formes91. Le 26 décembre 2011, la Commission de l'UA a fermement condamné dans un communiqué les activités de Boko Haram, le Président de la Commission rappelant que l'UA rejetait tout acte d'intolérance, d'extrémisme et de terrorisme. La faible fréquence des réunions de haut niveau consacrées au sein de l'UA à la lutte contre le groupe Boko Haram est pourtant tout à fait éloquente et significative de certaines défaillances de l'UA ainsi que de son manque d'anticipation quant à l'ampleur de la problématique terroriste dans la zone du Lac Tchad. En réalité, il apparaît que l'enjeu sécuritaire incarné par Boko Haram a longtemps été perçu depuis l'UA comme un problème domestique du Nigeria. Ce n'est que progressivement que l'organisation panafricaine a pris conscience de la dimension transrégionale du phénomène avant d'inscrire plus clairement sa contribution à la lutte contre celui-ci dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

La Présidente de la Commission de l'UA avait condamné l'enlèvement des 230 lycéennes de Chibok dans l'Etat de Borno du Nigeria le 14 avril 2014 tandis qu'un communiqué de presse du 2 mai a réitéré le soutien de l'UA aux efforts du gouvernement nigérian tout comme à la coopération internationale pour combattre le terrorisme. En réalité, ce n'est qu'après le Sommet de Paris du 17 mai 201492que les pays du Bassin du Lac Tchad ont décidé d'accroître leur coopération pour faire face à la menace. « Lors de la seconde réunion ministérielle de suivi au

91 Rapport du CPS, N° 40, novembre 2012. https://issafrica.s3.amazonaws.com/site/uploads/PSC40Nov12F.pdf

92 Le Cameroun, le Bénin, le Nigeria, le Tchad et le Niger ont pris part à ce Sommet de Paris.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 78

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Sommet de Paris de mai 2014 qui s'est tenue à Washington (États-Unis) le 5 août 2014, l'UA a annoncé son intention de contribuer aux efforts de lutte contre Boko Haram en mettant en place une force régionale »93.

C'est dans cette perspective que l'Union africaine ainsi que les Chefs d'État et de gouvernement de la CBLT ont organisé une série de réunions94 afin de doter la FMM des moyens d'éradiquer le groupe Boko Haram et les autres activités terroristes dans le Bassin du Lac Tchad. C'est lors du Sommet de Malabo que la Conférence de l'UA a appelé à la tenue d'un Sommet consacré à la lutte contre le terrorisme tout en demandant la conduite d'une mission évaluation au Nigeria, en vue de l'éventuelle mise sur pied d'une force destinée à lutter contre Boko Haram. C'est ainsi que le 23 mai 2014, le CPS a consacré sa première réunion à la lutte contre la secte islamiste, en appelant à l'opérationnalisation des instruments dont dispose l'UA pour combattre le terrorisme95. Lors de la 469ème réunion du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union africaine tenue le 25 novembre 2014, le Conseil Paix et Sécurité de l'UA a examiné les efforts régionaux déployés pour lutter contre le groupe Boko Haram et a convenu de mesures à mettre en oeuvre par la Commission de l'UA en appui aux États membres de la CBLT et du Bénin96. Le 2 septembre 2014, une nouvelle réunion du CPS, à laquelle 7 Chefs d'Etat prirent part (dont ceux du Nigeria, du Niger et du Tchad), a été consacrée à la lutte contre Boko Haram : l'opérationnalisation du Processus de Nouakchott a notamment été présentée comme l'une des réponses à la crise, tout comme la possible création d'unités antiterroristes spécialisées au niveau régional et sous régional, dans le cadre de la CARIC, dans l'attente de la pleine opérationnalisation de la FAA. Tout au long de l'année 2014, l'absence de consensus entre le Nigeria d'une part et les autres pays de la CBLT d'autre part, quant aux conditions d'intervention de la FMM, notamment en matière de droit de poursuite et d'opérations transfrontalières, a empêché l'adoption de décisions fermes97.

93 William Assanvo, Jeannine Ella A Abatan et Wendyam Aristide Sawadogo, « La Force multinationale de lutte contre Boko Haram : quel bilan ? », ISS Africa, n° 19, août 2016 : https://oldsite.issafrica.org/uploads/war19-fr.pdf

94 http://www.peaceau.org/fr/article/reunion-d-experts-sur-l-elaboration-des-documents-operationnels-pour-la-force-multinationale-mixte-fmm-des-etats-membres-de-la-commission-du-bassin-du-lac-tchad-et-du-benin-pour-la-lutte-contre-le-groupe-terroriste-boko-haram

95 Une réunion extraordinaire de la Conférence de la CEDEAO s'est en outre tenue au Ghana en mai 2014 : c'est à l'occasion de cette réunion que la CEDEAO a décidé de mettre en place un Partenariat de haut niveau avec les Etats d'Afrique centrale pour combattre le terrorisme, tout en invitant expressément la CBLT à poursuivre et opérationnaliser ses efforts en la matière.

96 C'est à cette occasion qu'il a été demandé à la Présidente de la Commission de l'UA de produire un rapport sur « les efforts régionaux et internationaux et la voie à suivre dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram » : http://www.peaceau.org/uploads/cps484-rpt-boko-haram-29-1-2015.pdf

97 Voir Michel Luntumbe, « La CBLT et les défis sécuritaires du Bassin du Lac Tchad », Note n° 14, Bruxelles ; Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité, 2014, 6, www.grip.org/sites/grip.org/files/NOTES_ ANALYSE/2014/Notes%20DAS%20-%20Afrique%20EQ/OBS2011- 54_GRIP_NOTE-14_CBLT.pdf

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 79

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

La 5ème réunion des ministres des Affaires Etrangères et de la Défense des États des pays de la CBLT et du Bénin s'est tenue à Niamey, le 20 janvier 201598. En marge de la 24ème session du Sommet de l'UA, largement consacrée à la lutte contre Boko Haram, le CPS s'est réuni le 29 janvier 2015 et a notamment traité de la lutte contre Boko Haram : les représentants des Etats membres de la CBLT ont alors été entendus. C'est lors de cette session qu'ont été examinées : d'une part, la question du cadre légal nécessaire au déploiement de la FMM ; d'autre part, l'opérationnalisation de la FMM. C'est ainsi à l'issue de cette réunion du 29 janvier 201599 que le CPS a formellement autorisé le déploiement de la FMM. Le Nigeria de Good Luck Jonathan, jusqu'ici réticent à inscrire dans le cadre de l'UA ou de la CEDEAO la lutte contre Boko Haram, ne s'opposa pas à cette décision du CPS d'autoriser le déploiement de la FMM, composée de 7500 personnels, pour une période initiale de 12 mois renouvelable100. La CPS a également invité le Conseil de Sécurité des Nations unies à adopter une résolution endossant le déploiement de la FMM101. Lors d'une réunion tenue à Yaoundé du 5 au 7 février 2015, les experts de la CBLT, de la CEDEAO et de l'UA, ont travaillé sur la définition du concept d'opération, assistés par des experts de l'ONU et de l'UE. Lors de la 489ème réunion du 3 mars 2015, le CPS valide le CONOPS102 de la FMM103. Le Sommet extraordinaire des Chefs d'État et de gouvernement de la CBLT et du Bénin (non membre de la CBLT) tenu à Abuja, le 11 juin 2015, a adopté les CONOPS stratégique et opérationnel de la FMM104. C'est ainsi qu'à la suite de ces réunions, la FMM a été ré-opérationnalisée pour engager de nouvelles opérations à compter du 30 juillet 2015 avec le Bénin, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le

98 En janvier 2015, la base historique de la FMM à Baga a été détruite par une nouvelle agression du groupe islamiste.

99 Le 17 janvier 2015, le Président de la Commission de la CEDEAO avait demandé à la Présidente de la Commission de l'UA de transmettre une requête du Président de la Conférence des Chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO, demandant l'inscription, à l'ordre du jour du Sommet de l'UA à venir, d'un point sur la menace posée par Boko Haram. Voir aussi le communiqué de presse [PSC/PR/BR.1 (DLX)] adopté lors de la 560ème réunion tenue le 26 novembre 2015.

100 Les pays affectés par la secte Boko Haram ont été autorisés à mener des patrouilles conjointes et simultanées et autres types d'opérations dans les zones frontalières.

101 Voir Communiqué PSC/AHG/COMM2.CDLXXXIV, 484ème réunion tenue le 29 janvier 2015, au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement. C'est en outre lors de cette réunion que la Présidente de la Commission a présenté le Rapport qui lui avait été commandé. Voir : Union africaine, Rapport de la Présidente de la Commission de l'UA sur les efforts régionaux et internationaux et la voie à suivre dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram, 29 janvier 2015, www.peaceau.org/ uploads/cps484-rpt-boko-haram-29-1-2015.pdf

102 L'UA a joué un rôle très important dans la définition des différents concepts d'opération stratégique, opérationnels et de soutien logistique. Cf.

103 Le 25 mai 2015 est inauguré le quartier général de la FMM à N'Djamena

104 Les communiqués adoptés respectivement lors de sa 580ème réunion tenue le 25 juin 2015 [PSC/PR/BR. (DXVIII)], lors de sa 500ème réunion tenue le 27 avril 2015 [PSC/PR/COMM.2(D)], ainsi que lors de sa réunion du 3 mars 2015 [PSC/PR/COMM.(CDLXXXXIX)] sont également des références qu'il convient de mentionner.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 80

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Nigeria en tant que pays contributeurs de troupes sous le mandat de l'UA. La Force Multinationale Mixte opère donc depuis lors dans le cadre du mandat autorisé du CPS de l'UA.

? L'ONU

La version actualisée de la stratégie des Nations Unies de lutte contre Boko Haram de septembre 2016 a été approuvée par le Secrétaire général au cours de la première quinzaine du mois d'avril 2017. Suite à la décision 4a) de son Comité exécutif, prise en date du 23 février 2017, un groupe restreint de l'Équipe spéciale inter organisations chargée de la question de Boko Haram a été mis sur pied. Il comprend le Département des affaires politiques, le PNUD, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et d'autres organismes chargés de mieux intégrer les efforts des Nations Unies dans la sous-région et d'aider à guider et/ou à diriger la mise en oeuvre de la stratégie mise à jour et à promouvoir une approche coordonnée du système des Nations Unies dans la région du lac Tchad. Dans le cadre de cette stratégie, l'ONU fournit un appui technique à la Force multinationale mixte (FMM) régionale par l'intermédiaire de l'UA. L'un des objectifs clés visés par la stratégie mise à jour consiste à améliorer l'accès à l'aide humanitaire, notamment par le biais d'une coordination et d'une logistique entre civils et militaires. L'approche adoptée par les Nations Unies a été conçue pour tenir compte des principes, stratégies et pratiques de l'architecture antiterroriste de l'Organisation, notamment les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité et le Plan d'action du Secrétaire général pour la prévention de l'extrémisme violent. Elle vise également à promouvoir l'application et le respect de toutes les obligations et normes internationales en matière de droits de l'homme et d'égalité des genres. En outre, l'approche des Nations Unies de l'appui à la stabilisation du bassin du lac Tchad sera guidée par la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et conformément à la résolution 2391 (2017) du Conseil de sécurité. Dans la conception, l'appropriation et la mise en oeuvre du programme, la Commission du bassin du lac Tchad et ses États membres réitèrent leur engagement de longue date en faveur de l'application des meilleures pratiques d'appropriation nationale et en particulier l'approche « Unis dans l'action ». Au niveau régional, le PNUD fournira un appui au développement des capacités de la Commission du bassin du lac Tchad dans le rôle qui lui est dévolu au titre de la présente stratégie, notamment par le déploiement de conseillers techniques pour appuyer les travaux de la Cellule de coopération civilo-militaire CBLT - FMM envisagée. Les ressources de base des Nations Unies continueront d'être affectées à la résolution de la crise dans les zones touchées

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 81

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

par Boko Haram autour du lac Tchad. En outre, l'ONU serait disposée à appuyer le futur plan de mobilisation des ressources de la CBLT, en ce qui concerne les actions de plaidoyer au niveau international, l'exploration de solutions de financement innovantes et la facilitation de l'accès des intervenants humanitaires et des acteurs de développement sur le terrain. La création d'un Fonds d'affectation spéciale pluri partenaires envisagé comme l'un des instruments financiers utilisables pour apporter un soutien financier devrait contribuer aux actions prioritaires à mener nécessitant de la réactivité, des décaissements rapides et la mise en commun des risques. Ce fonds devrait aider à créer de nouveaux programmes innovants, promouvoir le financement d'opérations à mener au titre d'une réponse rapide, améliorer les capacités d'exécution et catalyser le financement des partenariats avec le secteur privé. Cependant, ce fonds ne couvrirait pas le premier pilier de la Stratégie d'appui à la FMM, les donateurs limitant l'utilisation de l'aide au développement à des fins militaires.

Figure 3 : Carte des différentes bases de la FMM

Source : (Assanvo, Abatan et Sawadogo, 2016 : 3

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CHAPITRE 4 :

RESILIENCE DE BOKO HARAM : ENTRE FACTEURS STATIQUES,
DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES STRATEGIQUE,
OPERATIONNELLES INNOVANTES.

Selon une parabole burundaise enseigne : « Ni Giti Kerakurira Mu babaji. L'arbre peut grandir malgré la présence des menuisiers ». Pour dire que Boko Haram persiste et résiste même faces au dispositif de veille sécuritaire. Il conserve néanmoins une capacité de nuisance, y compris contre de petites cibles militaires, en exploitant les vulnérabilités du dispositif sécuritaire et la complicité de certaines catégories sociales. La persistance des activités de Boko Haram au Cameroun et dans le Lac Tchad tient à plusieurs facteurs.

SECTION 1 : LES FACTEURS STATIQUES ET DYNAMIQUES DE LA RESILIENCE DE BH A L'EPREUVE DE LA REDYNAMISATION DU DVS.

La capacité de résistance de BH s'explique par plusieurs facteurs statiques et dynamiques relevant de la géostratégie du côté camerounais en particulier et en général dans la région du Lac Tchad.

PARAGRAPHE 1 : LES FACTEURS STATIQUES DE RESILIENCE DE LA MENACE BH.

La résilience de la menace Boko Haram au Cameroun s'explique par plusieurs facteurs d'ordre stratégiques et opérationnels.

A- LES LOGIQUES NATURELLES

Elles reposent sur le terrain et le relief (1) ainsi que la distance et le climat (2). En effet elles sont les atouts géostratégiques qui expliquent la résilience de Boko Haram en terre Camerounaise.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 82

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 83

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

1- TERRAIN ET RELIEF COMME ATOUT GEOSTRATEGIQUE POUR LE GROUPE BH

Le relief dessine des voies les voies naturelles d'invasion et reste un atout pour la résistance de Boko Haram. Il détermine les différentes positions étant compris aussi que les fleuves et les montagnes surtout sont traditionnellement des obstacles géostratégiques. L'argument topographique vient en priorité pour l'espace de combat tant pour les forces de sécurité et de défense ainsi que le groupe djihadiste. Le terrain rend l'armée inefficace à des combattants de Boko Haram aguerris et connaissant bien le terrain.

2- LA DISTANCE ET LE CLIMAT COMME DETERMINANT DE RESILIENCE DE BH

Les facteurs physio stratégiques, jouent un rôle très important dans un contexte de guerre contre le terrorisme. Boko Haram est confus et diffus et variable dans son positionnement. C'est ainsi qu'on enregistre les influences à Mokolo, Maroua, Fotokol, Kolofata et bien d'autres qui sont séparées par des distances immenses. Boko Haram se déploie de manière combattante dans diverses niches territoriales interstitielles ou dans des espaces quasi vides des zones désertiques. Les groupes et les cellules terroristes se créent et se reconstituent et face à une telle mobilité, les forces de défenses et de sécurité ont du mal à se confronter à des noyaux mobiles, fuyants et déterminés étant souvent comme des poissons dans l'eau.

L'influence du climat sur les opérations militaires a été démontrée à maintes reprises. En raison des circonstances météo logiques défavorables dans les zones vulnérables du terrorisme, Boko Haram profite de cette situation pour pousser les entrainements. Ce climat n'est pas toujours favorable pour les forces de défense et de sécurité car les soldats sont tombés sur le théâtre des opérations à cause de la chaleur et du froid relativement intense. Dans cette zone désertique, les tempêtes arrêtent complètement les opérations militaires pendant des heures, voir même des jours et l'appareil militaire n'étant pas adapté, Boko Haram gagne du terrain.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 84

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Figure 5 : Intensité des attaques menées par Boko Haram dans la région camerounaise de l'Extrême-Nord, 2013-2016.

Source : tirée à partir de https://www.crisisgroup.org/africa/central-africa/cameroon/boko-harams-

B- LES LOGIQUES ORGANISATIONNELLES DE LA RESILIENCE DE BH

La résilience de BH s'explique aussi par la réduction de l'effectif voire la diversification des forces dans l'armée et une inertie à repenser la doctrine de défense qui favorise la baisse du moral des acteurs de luttes.

1- LA REDUCTION DE L'EFFECTIF ET LA DIVERSIFICATION DES FORCES

DANS L'ARMEE

A la suite de plusieurs attaques contre les postes militaires avancés, l'armée a réduit leur nombre au profit de la consolidation de grandes bases. Si ce nouveau dispositif est efficace pour protéger les militaires, il rend les populations civiles plus vulnérables. Les militaires exècrent le combat de nuit, qu'ils trouvent plus pénible. Bien informé, le groupe lance la majorité de ses attaques de nuit, et fait rarement face à une intervention de l'armée. Le moral des troupes semble bas, en particulier au sein des unités régulières. La fatigue et l'usure de la guerre, les problèmes logistiques et le sentiment d'être injustement traitées par la hiérarchie, en particulier concernant les promotions, créent des frustrations. Cela se traduit par un certain relâchement, et même par

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 85

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

des incidents : en octobre 2017, par exemple, un militaire du rang a retourné son arme contre son commandant. L'on relève par ailleurs un manque d'équipements du combattant en matériels de communication ou de transmission. Les zones vulnérables de la menace BH sont enclavées et n'ont presque pas de couverture de réseaux téléphonique.

La diversification des forces de lutte contre BH est une faiblesse en raison du cloisonnement et le déficit de coordination des forces de défense et de sécurité. Boko Haram représente une menace transnationale. Sa déterritorialisation oblige les États à déterritorialiser leurs réponses sécuritaires pour gagner en efficacité. Mais les difficultés rencontrées à démarrer de véritables projets de développement transfrontaliers et le retard observé dans le financement de la FMM donnent encore l'impression que les intérêts nationaux l'emportent sur les intérêts régionaux.

2- INERTIE DANS LA PENSEE SECURITAIRE NATIONALE ET LA BAISSE DU

MORAL DANS LE DVS

Il est à noter au sein du dispositif de veille sécuritaire une inaptitude chronique à penser la sécurité nationale. Agir de façon coordonnée sur les différents leviers dont la nation dispose pour se défendre, tel est le principe fondamental qui devrait guider la sécurité nationale. Force est de constater que la sécurité nationale est restée enfermée dans une approche théorique avec la multiplication des attaques terroristes de BH. Face à la menace de type asymétrique BH, les forces de défense et de sécurité camerounaise ont montré une incapacité notoire à mobiliser de manière efficace et coordonnée la réponse contre BH. Le Cameroun ne parvient ni à élaborer et mettre en oeuvre des stratégies cohérentes, ni à développer des logiques dites « d'approche globale ». Qu'il s'agisse des phases de prévention des crises, des phases de gestion des crises ou des phases de stabilisation nonobstant la mise en oeuvre de la Commission National pour le Désarmement, la démobilisation et la réintégration en abrégée CNDDR105. Ces institutions échouent à fédérer et coordonner des actions relevant de leurs missions, comme l'exige pourtant aujourd'hui la lutte contre le terrorisme islamiste BH. Les pouvoirs publics Camerounais n'alignent pas, à court, moyen et long termes, les leviers d'action dont ils disposent. Et ce pour des raisons multiples telles que l'absence d'une doctrine de sécurité couvrant tous les champs ainsi que l'impossibilité de se référer à des objectifs politiques clairs et hiérarchisés, le déficit de réflexion stratégique sur la finalité des actions engagées et de définition des priorités, la

105 Décret présidentiel du Portant création et organisation du CNDDR

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 86

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

fragmentation organique et décisionnelle des différentes administrations et des opérateurs, redoublée par un partage flou des responsabilités et par l'absence d'organismes en charge d'études prospectives à l'exception du ministère de la Défense.

Le moral des soldats n'est pas meilleur au sein du contingent camerounais de la Force multinationale mixte (FMM) - force sous régionale réactivée et reconstituée en 2015 par la Commission du bassin du lac Tchad pour lutter contre Boko Haram - basé à Mora dans le Mayo-Sava. L'octroi des primes créé frustrations et frictions. Beaucoup de soldats pensaient qu'en rejoignant la FMM, ils auraient un statut de salarié d'une force internationale, comme c'est le cas pour les soldats de la composante camerounaise de la mission des Nations unies en Centrafrique. Or la FMM n'est pas une mission onusienne et les contingents sont payés et équipés par chaque pays. Certains sont persuadés à tort que leurs supposées primes « internationales » sont détournées. Il est vrai néanmoins qu'entre 2014 et 2017, les primes mensuelles allouées à tout soldat à l'Extrême-Nord par le ministère de la Défense ont parfois été versées en retard. Des soldats ont accusé les hauts gradés de détourner ces primes.

La persistance des attaques résulte enfin de la baisse de moral des comités de vigilance, due au faible soutien matériel du gouvernement et aux rumeurs qui circulent sur son détournement par les autorités administratives locales et des chefs traditionnels. Selon les présidents de certains comités de vigilance, distinctions et récompenses seraient parfois remises aux proches des chefs traditionnels, y compris des individus ne faisant pas partie des comités, plutôt qu'aux membres les plus engagés. Beaucoup de membres des comités sont lassés et certains quittent les rangs.

PARAGRAPHE 2 : LES FACTEURS DYNAMIQUES DE LA RESILIENCE DE BOKO

HARAM

Les facteurs dynamiques de la résilience de BH sont visibles à travers les obstacles stratégiques (A) et les obstacles opérationnels (B).

A- LES OBSTACLES STRATEGIQUES

Ils relèvent des problèmes de coordination minimale, de leadership institutionnel et de précarité infrastructurelle observable.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 87

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

1- LE PROBLEME DE COORDINATION MINIMALE ET LE MONOPOLE INSTITUTIONNEL

Dans le cas de la lutte contre Boko Haram, des sommets et réunions ont été tenus de manière interne dans ces deux principales organisations régionales aboutissant à des déclarations officielles qui visaient la jonction des actions entre ces organisations. Au-delà des déclarations officielles et engagements mutuels à vouloir travailler ensemble, nous nous rendons compte que les deux organisations phares du Golfe de Guinée que sont la CEEAC et la CEDEAO n'ont pas coordonné leur effort pour une action conjointe et coordonnée contre Boko Haram. Aucune action commune et aucune coordination n'a été manifeste entre ces deux organisations majeures ayant reçu mandat des Nations Unies en matière d'intégration, de maintien de la paix et de la sécurité. C'est vrai qu'un mandat a été donné à deux chefs d'État de la CEEAC pour rencontrer les dirigeants de la CEDEAO afin de rendre commune la stratégie et l'opérationnalisation de la lutte contre Boko Haram. Après la mission du président du Congo Denis Sassou Nguesso et du président de la Guinée Equatoriale Theodoro Obiang Nguéma et les promesses obtenues des dirigeants de la CEDEAO d'un sommet conjoint des chefs d'État des deux organisations pour coaliser les efforts, une réunion d'experts des deux communautés s'est tenue à Douala au Cameroun le 2 avril 2015 avec pour objectif de préparer le Sommet des Chefs d'État des deux organisations prévu le 8 avril de la même année. Cependant, le sommet conjoint des chefs d'État de la CEDEAO et de la CEEAC, initialement prévu le mercredi 8 avril 2015 à Malabo, en Guinée Equatoriale, a été reporté à une date ultérieure. Cette rencontre qui a déjà fait l'objet d'une réunion au niveau des experts, tenus le 02 avril dernier à Douala au Cameroun, doit déboucher sur l'adoption d'une stratégie commune de lutte contre le groupe terroriste Boko Haram qui sévit au Nigéria, mais aussi au Cameroun, au Niger et au Tchad106.

Le sommet conjoint qui aurait entériné la réflexion commune et des décisions stratégiques collectives entre ces deux pôles majeurs de gestion des crises en Afrique subsaharienne a donc été annulé sans aucune explication ni aucun commentaire des deux communautés régionales. Aucune initiative commune n'a suivi pour permettre une

106 Communiqué de presse, report du sommet conjoint CEEAC-CEDEAO : 10 avril 2015

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 88

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

coordination des efforts contre Boko Haram, aucune action commune alors que le Bassin du Lac Tchad est situé sur et entre ces deux organisations phares et les principaux pays déstabilisés par Boko Haram appartiennent à parité à la CEEAC et la CEDEAO. Malgré la conscience d'une action commune et conjointe entre les deux communautés contre Boko Haram, chacune d'elles a continué de réfléchir de manière individuelle à la lutte contre Boko Haram et cela s'est reflété dans les documents officiels de chaque organisation. Du côté de la CEEAC, bien qu'elle ait réaffirmé dans la déclaration officielle du sommet de Ndjamena du 25 mai 2015 son engagement à coopérer sur le plan stratégique avec la CEDEAO contre Boko Haram, elle rappelle à ses États membres de s'impliquer aux côtés du Cameroun et du Tchad dans la lutte contre Boko Haram. La CEEAC a fait siennes les résolutions de ce sommet extraordinaire du COPAX à Yaoundé le 16 février 2015 et a exhorté les États membres qui ne l'ont pas encore fait à honorer leurs engagements multiformes de solidarité envers le Cameroun et le Tchad107.

Bien plus, le secrétaire général de la CEEAC, dans un communiqué datant de février 2016 sur la lutte contre Boko Haram, reconnaît la nécessité d'une action régionale, mais ne mentionne pas particulièrement quelle organisation serait le mieux à même de coopérer avec la CEEAC pour une meilleure efficacité dans la lutte contre Boko Haram.

En dehors des déclarations officielles qui démontrent que les organisations phares de la région ne mutualisent pas leur effort contre Boko Haram, il est indéniable de mentionner que les stratégies de lutte contre le terrorisme donc contre Boko Haram sont différentes dans les deux communautés. Pour ce qui est de la CEDEAO, elle a adopté en 2013 une stratégie commune de lutte contre le terrorisme et son plan d'action engageant les États de la communauté à renforcer leur capacité de surveillance, d'harmonisation, de coordination et de réglementation des politiques et pratiques des États en matière de prévention et de répression du terrorisme en Afrique de l'Ouest. Contrairement à la CEDEAO, la CEEAC n'a pas beaucoup d'initiative en matière de lutte contre les nouvelles menaces. En dehors des mécanismes du COPAX, elle a juste ajouté une touche opérationnelle en matière de contreterrorisme en 2015. Il s'agit entre autres de la création d'unités spécialisées pour lutter contre le terrorisme, la mise en place d'une plateforme institutionnelle régionale d'échange d'informations, de coopération et de collaboration entre les différents services de sécurité et de renseignement : ceci étant élaboré par les chefs des services de renseignement et de sécurité des États de la CEEAC. Il s'agit donc d'une coopération en Afrique Centrale dont le

107 Déclaration officielle sommet de Ndjamena, 25 mai 2015

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 89

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

but est de mieux contrer les actes terroristes de manière préventive ou durant la période des activités terroristes. Ces différentes stratégies dans la lutte contre le terrorisme semblent donc justifier la persistance de la menace Boko Haram et le déficit de coordination de la CEEAC-CEDEAO.

En outre, la coordination déficitaire entre les deux communautés majeures présentes dans le Bassin du Lac Tchad pourrait aussi s'expliquer car la menace Boko Haram traverse à la fois la CEDEAO et la CEEAC créant ainsi une entrave à une réponse efficace. La menace Boko Haram qui traverse les frontières des deux communautés a à la fois compliqué la mise en commun des moyens sécuritaire pour faire face à Boko Haram. Ceci s'explique parce que le Bassin du Lac Tchad a une position géographique particulière. En effet, le Bassin du Lac Tchad est à cheval entre la Communauté des États de l'Afrique de l'Afrique Centrale et la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest. Aucune de ces deux communautés ne pouvant réagir de manière autonome et efficace contre le groupe terroriste Boko Haram sans le soutien et l'action conjointe de l'autre. Cela veut dire en d'autres termes que si l'une des deux organisations décide d'intervenir, son champ d'action se délimitera de manière partielle sur le territoire couvert par l'organisation en question et, en conséquence l'ensemble du Bassin du Lac Tchad ne connaîtra pas une accalmie et une sécurité du fait d'une possible et probable continuation des activités terroristes dans l'autre communauté et vice versa. Boko Haram a donc dû être favorisé par ce chevauchement régional pour créer des multitudes de sanctuaires de la violence en Afrique Centrale et en Afrique de l'Ouest donc les conséquences continuent de se reprendre dans la région. Ce manque de coordination entre CEEAC et CEDEAO n'explique pas seul l'échec des mécanismes de sécurité dans la lutte contre Boko Haram. Elle s'accompagne de la présence des autres organisations supranationales dans le Bassin du Lac Tchad et le difficile monopole par chacune de ces organisations des zones déstabilisées par Boko Haram.

La multiplication des organisations régionales autour du Bassin du Lac Tchad n'a pas seulement créé un problème de coordination inter organisationnelle permettant d'appliquer les mécanismes régionaux de sécurité afin de contrer la menace Boko Haram. Cette croissance anarchique des institutions supranationales dans cette région de l'Afrique a aussi créé des problèmes liés au manque de monopole institutionnelle de la vaste région menacée et déstabilisée par Boko Haram afin d'arrêter les multiples désastres occasionnés par ce groupe. Une région ou une sous-région donnée devrait avoir des mécanismes permanents de

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 90

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

coordination entre régions rassemblant les Etats de la zone géographique et les poussant à agir de manière commune suivant les règles qu'ils se sont eux-mêmes fixés. En cas de conflit interétatique ou intra étatique, l'organisation couvrant la région par la voie de tous ses États applique ainsi les mesures élaborées à cet effet avec le soutien de tous. Dans ces conditions, il pourrait être possible d'espérer que des avancées positives et souvent efficaces seront au rendez-vous en cas d'intervention régionale. C'est le contraire de la situation dans le Bassin du Lac Tchad où l'on remarque la division de cette zone géographique par les organisations régionales qui à la fois sont actives sur le même terrain et au même moment. La principale zone déstabilisée par Boko Haram crée un déficit de monopole d'action d'une organisation régionale. Ensuite, le manque de monopole des régions déstabilisées par Boko Haram pourrait s'expliquer par la taille des organisations supranationales et la légitimité de leur domaine d'action. Avec la montée en puissance de ce groupe terroriste, plusieurs organisations régionales ont engagé des démarches pour mettre fin aux atrocités de Boko Haram. Mais leur champ d'action semble ne pas avoir réduit l'ampleur de la menace. Le manque de monopole géographique dans la région touchée par Boko Haram explique donc l'échec des mécanismes régionaux de sécurité pour endiguer ce groupe. Le manque de monopole régional ayant généré l'échec des mécanismes régionaux de sécurité tient au fait de la présence de plus huit organisations supranationales dans le Bassin du Lac Tchad et leur activité de simultanée dans la zone. La plupart de ces organisations sont à vocation économique, mais se sont attribué des mandats en matière de maintien de la paix et de la sécurité. Comme chacune de ces organisations ayant des mandats sécuritaires occupe au moins une sous-partie de la région, nous remarquons ainsi une balkanisation de la région en plusieurs zones. Cela explique le fait que la Communauté des États Sahelo-Saheliens « CEN-SAD » a un intérêt pour les questions sécuritaires dans le Golfe de Guinée du fait que le Niger, Nigéria, Tchad, pays déstabilisés par Boko Haram sont membres de cette communauté. La Commission du Golfe de Guinée a aussi un rôle à jouer pour le maintien de la paix dans la région, car le Cameroun et le Nigéria, troublés par les activités de Boko Haram, sont membres de la communauté. La CEMAC a aussi des actions à envisager dans le cadre de la nécessité de stopper Boko Haram, car la zone qu'elle couvre abrite les États touchés par ce groupe terroriste. Le fait donc que toutes ces organisations auxquelles s'ajoutent la CEEAC, la CEDEAO et la CBLT ont un mandat sécuritaire, partagent la principale zone du Bassin du Lac Tchad déstabilisée par Boko Haram et non pas le monopole

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 91

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

de l'action sur toute cette zone géographique, il devient difficile pour les États de se réunir et d'appliquer les mesures régionales contre la menace.

Les réponses des Etats Africains face au phénomène bokoharamique souffrent d'incohérences internes et externes suffisamment graves. Si les Etats Africains n'y font pas urgemment face, la réalisabilité du projet de Califat Mondial Islamiste de Boko Haram ne sera qu'une question de temps. D'autant plus que la secte mondiale a décidé de déchirer les sociétés africaines du dedans, par les personnes-bombes et la peur devenue forme psychologique d'approche collective du réel108.

2- LES OBSTACLES INFRASTRUCTURELS

La résilience de Boko Haram résulte des facteurs offensifs qui regroupent les ressources multiformes, les voies et infrastructures de communication et les bases. L'élément des voies de communication est un danger potentiel pour les forces de défense et de sécurité en raison de son état précaire et constitue par là même un atout pour Boko Haram. Il s'observe un problème de ravitaillement des troupes en zone de combat qui s'explique par la complexité des voies de communication presque inexistantes. Une armée moderne a besoin des infrastructures qui doivent avancer en même temps qu'elle. L'excellent réseau routier, dense et bien entretenu peut favoriser le déploiement rapide des troupes. Malheureusement ce facteur capital pour la rapidité du mouvement a fait défaut dans l'Extrême Nord Cameroun car il n'existe que des tronçons de piste et des zones très étendues pas très praticables. Les moyens logistiques parfois rudimentaires impactent souvent les rapports de forces. Les troupes armées périssent sur le champ de lutte pour des raisons liées au manque d'infrastructures de communication. Il se pose de ce fait un problème de liaison et même de transmission en temps de guerre. Les transmissions constituent une arme qui unit les armées. Les zones vulnérables par Boko Haram ne sont pas presque couvertes par le réseau et encore moins électrifiées. A ce titre il convient de faire ressortir un écart irrémédiable entre les forces de défense et de sécurité et les groupes terroristes qui peuvent résister par la défaillance technologique peu développés. Ce facteur géostratégique a joué son rôle en négatif pour la coalition alliée.

108 De l'art de vaincre Boko Haram : contributions pour la défense du Cameroun et du Nigéria (I & II) Par Franklin Nyamsi Professeur agrégé de philosophie Président du Collectif Diasporique Camerounais

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 92

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

B- LES OBSTACLES OPERATIONNELS

Dans ce sillage, le confinement militaire et la duplicité des lobbies dans l'industrie de l'armement sont notoires ainsi que l'opportunisme antidémocratique voire antirépublicain qui constituent un atout pour le groupe BH

1- LE CONFINEMENT MILITAIRE DES ETATS POUR L'ENDIGUEMENT DE LA MENACE ET LA DUPLICITE DES LOBBIES DANS L'INDUSTRIEL DE L'ARMEMENT

La différence de perception de la menace, par chacun des pays de la sous-région, ne favorise pas la mutualisation annoncée des ressources et des moyens indispensables pour faire face à la menace terroriste. De même, les pesanteurs d'un souverainisme empreint de nationalisme exacerbé, commun aux leaders politiques de la sous-région constituent, ici, un frein à l'élaboration et à l'application de politiques communes. Enfin, il subsiste d'une manière générale d'inévitables tensions entre les contraintes de politique intérieure, et les dynamiques d'intégration régionale visant l'alignement des pays sur les projets politiques communautaires. Cette tension entre dynamiques internes et régionales constitue l'un des principaux écueils à l'opérationnalisation d'une réponse concertée, entre des pays qui n'appartiennent pas tous, d'ailleurs, au même cadre d'intégration régionale.

Le pendant du nationalisme postcolonial des Etats confrontés à Boko Haram, c'est l'individualisme militaire, se traduisant par la prétention de chaque Etat à en découdre tout seul face à la secte pourtant transfrontalière. L'attitude des autorités camerounaises face à Boko Haram laisse transparaître, dans un premier temps, entre 2012 et mai 2014, leur choix de ne pas s'impliquer fortement dans la lutte contre cette organisation terroriste. Il s'agissait, à ce moment-là, de ne pas « acheter » une guerre qui, à l'époque, était perçue comme relevant d'un contentieux nigéro-nigérian 109 . Par ailleurs, le Nigéria, pendant longtemps, refusera au Cameroun le droit de poursuite contre les membres de la secte Boko Haram dans son territoire. Pourtant, en débandade par plusieurs fois face à l'ennemi, on verra des régiments nigérians

109 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/08/boko-haram-menace-le-president-camerounais-dans-une-video_4552038_3212.html, consulté le 19 janvier 2016.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 93

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

entiers se réfugier110 provisoirement au Cameroun avant de rebrousser chemin. Le même Nigéria accordera toutefois ledit droit de poursuite à l'armée tchadienne, avec des succès évidents, qui montrent que la secte aurait davantage, voire définitivement reflué si un dispositif de poursuite collective était vraiment activé. Les résidus des longues périodes de méfiance entre les régimes politiques africains seront passés par là. De part et d'autres, on soupçonne le régime voisin de vouloir soutenir des opposants politiques au détour d'une lutte contre l'ennemi commun. On voit d'un mauvais oeil les succès de telle armée contre Boko Haram, parce qu'ils augureraient de sa capacité à vaincre la sienne. Une stratégie militaire disparate ne peut vaincre un ennemi asymétrique, qui joue consciemment des failles avérées de la cohésion régionale des armées africaines.

En outre, la duplicité des lobbies dans l'industriel de l'armement est visible à travers la vente des pires armes au plus offrant, quelle que soit son idéologie et ses projets, quitte à vendre également des armes ultra-défensives aux adversaires. La doctrine du preventive war qui a inspiré la guerre lancée par l'administration Bush en Irak, était adossée sur les pressions et orientations militaro-industrielles, du puissant lobby américain de l'industrie militaire, dont la boulimie en débouchés d'écoulement de produits finis est sans mesure. Il faudra cependant relever qu'il existe évidemment une corrélation évidente entre la cupidité de certaines grandes puissances et le type d'armement qu'elles vendent aux différents groupes armés. Tout se passe en effet comme si, en entente avec les grandes puissances politiques, les lobbies d'armement ne vendaient aux uns et aux autres que des armes susceptibles de les maintenir à égale capacité de nuisance sur le terrain. Il ressort ici, une manière de fragiliser les Etats Africains dans la négociation de leurs matières premières avec les grandes puissances, de telle sorte qu'ils révisent indéfiniment leurs ambitions de profits à la baisse. Cette hypothèse est loin d'être absurde, puisque des discours officiels en témoignent. Le Président Buhari s'est publiquement plaint des autorités américaines en arguant que le refus de vendre au Nigéria toutes les armes sophistiquées dont il a besoin pour vaincre Boko Haram est une manière de favoriser la capacité de nuisance de Boko Haram111.

110 http://www.jeuneafrique.com/248649/politique/cameroun-plus-de-cent-refugies-nigerians-arrivent-jour-

nordpays/

111 Visite officielle aux Etats-Unis au mois de juillet 2015.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 94

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

2- L'OPPORTUNISME ANTIDEMOCRATIQUE ET ANTIREPUBLICAIN

Le phénomène a deux versants. Il s'agit, d'une part, d'une propension des régimes Africains attaqués par la secte Boko Haram à profiter des circonstances pour réduire davantage le socle des libertés fondamentales de leurs concitoyens, au nom de l'état d'exception engendré par la confrontation avec le terrorisme112. D'autre part, l'opportunisme antidémocratique prendra aussi les formes sibyllines du cynisme de certains opposants politiques, qui voient dans la progression criminelle de Boko Haram, un moyen inespéré d'affaiblir les autocrates africains au pouvoir, afin de précipiter l'alternance politique. Il est d'une nécessité de faire comprendre aux hommes politiques des pouvoirs et oppositions africaines qu'on ne peut rien tirer de bon du projet bokoharamique. En flétrissant davantage les libertés citoyennes comme l'ont par exemple fait les autorités camerounaises, à l'occasion de la nouvelle loi contre le terrorisme, on désolidarise une partie importante du peuple envers les forces armées nationales. Mais en espérant de la nébuleuse Boko Haram, qu'elle vienne par exemple faciliter l'alternance politique, au Cameroun ou au Tchad, on ne risque surtout pas de sortir du cercle vicieux de la domination autocratique. L'opportunisme antidémocratique et antirépublicain africain devient dans un contexte pareil l'allié objectif de Boko Haram, même à son corps défendant113.

102 http://www.jeuneafrique.com/35267/politique/cameroun-paul-biya-accus-d-instrumentaliser-une-

loiantiterroriste-des-fins-politiques/ ; voir aussi http://www.rfi.fr/afrique/20150722-tchad-inquietude-oppositionprojet-loi-anti-terrorisme-attentats-boko-haram-saleh-k/ ; par opposition, voir en Tunisie, http://www.jeuneafrique.com/249219/politique/tunisie-parlement-debat-dune-nouvelle-loi-antiterroriste/

113 Franklin NYAMSI. De l'art de vaincre Boko Haram : contributions pour la défense du Cameroun et du Nigeria (I et II)

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 95

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Tableau 2 : Nombre d'attaques menées par BH par circonscriptions administratives dans l'Extrême-Nord entre le 1er Janvier 2013 et le 31 Janvier 2017.

Départements

Nombre d'Attaques

Arrondissements

Nombre d'Attaques

Diamaré

03

- Bogo

01

- Meri

01

- Pette

01

Logone et Chari

147

- Fotokol

33

- Hile-Alifa

22

- Goulfey

02

- Kousseri

03

- Makary

35

- Waza

43

- Logone-Bimi

03

- Darack

05

- Zina

01

Mayo-Sava

250

- Kolofata

157

- Mora

90

- Tokomberé

03

Mayo-Tsanaga

88

- Koza

05

- Mayo-

moskota

69

- Mokolo

14

Mayo-Danay

03

- Guere

01

- Yagoua

01

- Kai-Kai

01

Source : tableau élaboré par nous-même et données collectées dans le contexte de la crise Boko Haram et ses répercussions dans les régions de l'Extrême-Nord du Cameroun.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 96

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

SECTION 2 . COMBATTRE AUTREMENT BH : PERSPECTIVES ET IMPERATIFS

STRATEGIQUES, OPERATIONNELS.

Le Cameroun peut combattre autrement BH par l'observation de certaines perspectives (1) et impératifs (2) sécuritaires stratégiques et opérationnels qui passent par une innovation constante de sa pensée opérative face aux mutations du mode opératoire de la secte islamiste.

PARAGRAPHE 1 : PERSPECTIVES SECURITAIRES STRATEGIQUES, OPERATIONNELLES ANTI-BH

Elles sont de d'ordres sécuritaires stratégiques (A) et sécuritaires opérationnelles (B) A- PERSPECTIVES SECURITAIRES STRATEGIQUES

Les perspectives sécuritaires stratégiques exigent dans un premier temps le renforcement de la résilience nationale (1) et la perfection de la stratégie globale de lutte contre BH.

1- RENFORCEMENT DE LA RESILIENCE NATIONALE FACE A LA

MENACE BOKO HARAM

La résilience d'une nation dépend de la mobilisation de l'ensemble de ses ressources pour assurer sa sécurité et garantir, en toutes circonstances, la continuité de la vie nationale. La résilience suppose la capacité d'absorber un choc, de continuer à fonctionner dans le respect de ses valeurs mais aussi de s'adapter en tirant les leçons des événements. L'effet de surprise et la sidération entravent la résilience. Les populations doivent savoir sur Boko Haram d'où l'importance cruciale de l'éducation, de l'information et de la compréhension des risques. La résilience peut aussi être renforcée par la mise en oeuvre d'une doctrine pretorianiste114 camerounaise avec une armée de production, de commercialisation et d'industrialisation dans les zones sièges de la menace BH.

114 Le prétorianisme est un mode de fonctionnement d'un régime politique selon lequel les corps armés influencent la formation et la composition du gouvernement

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 97

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

2- LA PERFECTION DE LA STRATEGIE GLOBALE DE LUTTE CONTRE

BOKO HARAM

Il est indispensable de repenser dans toutes ses dimensions la façon dont la sécurité nationale est organisée et mise en oeuvre. L'objectif consiste à agir de façon efficace et coordonnée sur les différents leviers dont la nation dispose sur les théâtres d'opérations à l'échelle nationale. Cette contrainte d'efficacité doit être au coeur d'une réforme qui doit garantir, à tous les niveaux, la cohérence des actions conduites, y compris entre le niveau de décision le plus élevé (le président de la République) et les zones d'opération où il faut combiner réactivité et cohérence, transversalité, et subsidiarité. Le principe clef qui guide la définition et la conduite de toute manoeuvre stratégique repose sur la bonne articulation de trois niveaux essentiels : le niveau stratégique (qui définit la stratégie), le niveau opératif (chargé de la mise en oeuvre) et le niveau tactique (responsable de l'exécution sur le terrain des actions concourant à la stratégie). Cette stratégie vise à donner une nouvelle cohérence au dispositif de veille sécuritaire à l'aune de la menace BH. Afin de remédier au déficit chronique de stratégie et de coordination, il est impératif d'envisager l'opérationnalisation, auprès du président de la République, du Conseil nationale de sécurité115. Si cette idée n'est pas neuve, elle apparaît aujourd'hui incontournable pour répondre aux risques et aux menaces qui pèsent sur le Cameroun. Ce conseil assurerait les missions suivantes :

· le pilotage des analyses globales sur la sécurité et l'arbitrage entre les priorités ;

· la définition de stratégies globales et des politiques publiques afférentes ; la coordination de ces politiques publiques dans leur préparation, leur conception et l'évaluation des coûts et bénéfices des options suggérées ;

· la formulation des propositions d'orientation de renseignement prévisionnel et l'élaboration périodique de la synthèse des renseignements intéressant la sécurité intérieure et extérieure.

115 Décret n°2009/004 du 8 janvier 2009 portant création et organisation d'un conseil national de sécurité en abrégé « CNS »

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 98

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

B- PERSPECTIVES SECURITAIRES OPERATIONNELLES

Elles consistent en la mise en oeuvre des unités de forces locales (1) et le renforcement des services de renseignement.

1- MISE EN PLACE DES UNITES DE FORCES LOCALES

La création des unités de forces locales de défense et de sécurité est un aspect indispensable pour lutter contre BH. Les forces terrestres y sont largement impliquées. La qualité de leurs actions dépend souvent la capacité de ces forces autochtones à les relever et à concrétiser, en partie, le succès de l'opération. Dans les localités toujours exposées à Boko Haram, maintenir les comités de vigilance opérationnels, tout en les soutenant et en les encadrant mieux via des systèmes de vérification externe, y compris un contrôle communautaire, et intégrer certains membres dans les unités de police locale ; proposer à leurs membres des formations sur des compétences pratiques en matière de renseignement et les opérations de déminage.

2- LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

L'Etat du Cameroun doit s'abstenir de créer de nouveaux comités de vigilance et se concentrer plutôt sur le développement de réseaux de renseignement et d'alerte précoce pour apporter aux civils la protection de l'Etat en cas de besoin. Le renseignement est une fonction majeure de l'engagement opérationnel et une clé du succès. C'est la conjugaison des dimensions techniques et humaines qui permet de donner du sens, car si la technologie accroît les capacités, elle permet surtout de savoir, alors qu'il s'agit bien plus souvent de comprendre. La manoeuvre de l'information participe à la lutte asymétrique de type Boko Haram. Elle doit être d'autant plus constante qu'une part des actions adverses repose elle-même sur l'exploitation de cette dimension. Les forces doivent faire du combat par l'image une dimension nécessaire de l'action des forces de défense et de sécurité.

Dans le domaine clé de la lutte contre le terrorisme, il est essentiel de coordonner l'ensemble de la chaîne opérationnelle, du renseignement en amont jusqu'aux procédures judiciaires en passant par les forces d'intervention. Cette stratégie sera conduite par un centre

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 99

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

opérationnel dédié et permanent. Le renseignement doit faire l'objet d'une coopération entre les différents services de l'Etat et entre les différentes sciences humaines. Plus que tout autre champ d'action, le renseignement doit se montrer le plus englobant possible. Le décloisonnement et le partage d'informations doivent être les nouvelles règles afin de mieux saisir la complexité du théâtre d'opérations.

PARAGRAPHE 2 : LES IMPERATIFS SECURITAIRES STRATEGIQUES ET OPERATIONNELS ANTI- B H

La lutte contre BH exige l'observation des impératifs stratégiques et opérationnels à l'échèle nationale.

A- IMPERATIFS SECURITAIRES STRATEGIQUES

La réactualisation de la doctrine de défense (1), l'urgence d'un livre blanc et le vote de la loi de programmation militaire du Cameroun. (2)

1- LA REACTUALISATION DE LA DOCTRINE DE DEFENSE

Relevant des impératifs stratégiques, le Cameroun a l'intérêt de réactualiser sa doctrine d'emploi des forces116. Si la stratégie de défense et de sécurité nationale définie dans la doctrine d'emploi des forces garde toute sa pertinence, elle n'est plus trop d'actualité. Et ce en raison des failles du niveau intermédiaire, point de faiblesse chronique, qui doit permettre de conduire des manoeuvres combinées d'acteurs variés délivrant des effets différents. Il a des forces relativement modestes. Ces forces sont appelées à se développer et à se moderniser pour faire face aux menaces de Boko Haram. La doctrine de défense du Cameroun repose sur la défense

116 La doctrine d'emploi des forces ; Edition 1980 est approuvée le 4 Décembre 1979 sous le n° 425/CABMIL/D 320. Cette doctrine d'emploi des forces, énonce des idées directrices qui doivent permettre la conduite de l'action militaire en cas de conflit opposant le Cameroun à un autre pays et de menaces terroristes tant à l'intérieur qu'à l'extérieur (source anonyme). Précisons qu'en matière de défense les informations sont classifiées selon leur nature et leur accès est limité aux personnes ayant fait l'objet d'une habilitation particulière. On distingue quatre niveaux de protection des informations en matière de défense classée par ordre croissant : diffusion restreinte(il s'agit des informations qui peuvent être connue de tous les militaires mais en respect des règles de discrétion professionnelle) ; confidentiel défense ( il s'agit des informations qui, réunies ou exploitées peuvent conduire à divulguer un secret défense) ; secret défense ( ce sont les informations dont la divulgation peut nuire à la défense) ; très secret ( ce sont les informations qui concernent les priorités gouvernementales de défense).

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 100

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

populaire. Elle trace les grandes lignes à suivre et définit les objectifs à atteindre à court, moyen et long terme. Dans sa conception, elle permet aux forces de défense de faire face à deux hypothèses retenues sur l'ennemi :

· H1 : Ennemi au potentiel matériel et humain supérieur au nôtre

· H2 : Ennemi au potentiel matériel et humain égal ou inférieur au nôtre

Le chef de l'Etat précise qu'il convient dans l'hypothèse d'un conflit avec un pays dont le potentiel matériel et humain est largement supérieur au nôtre de préparer une défense SOUPLE117. Les forces armées, orientées par un système de renseignement en profondeur devraient pouvoir :

· Empêcher une prise de gage terrestre ou maritime

· Gagner des délais par un combat retardateur

· Conduire le combat sur les arrières de l'ennemi et organiser la défense populaire

· Assurer la protection des points sensibles d'intérêt national

Les modes d'action définis dans la doctrine d'emploi des forces reposent sur :

· Mode d'action n°1 : offensive généralisée

· Mode d'action n°2 : offensive locale

· Mode d'action n°3 ; destruction locale d'un centre ou d'une infrastructure

· Mode d'action n°4 : violation du sanctuaire national

· Mode d'action n°5 : création d'un état de crise en milieu maritime

Force est de souligner que la doctrine d'emploi des forces au Cameroun souffre d'une obsolescence avec l'apparition des nouvelles menaces à l'instar du groupe djihadiste Boko Haram. La réactualisation de la doctrine d'emploi des forces au Cameroun apparait comme un impératif stratégique pour l'endiguement de BH. Les menaces de type asymétriques étaient prévisibles mais pas prévues au Cameroun. Les forces de défense et de sécurité longtemps n'étaient préparés pour des menaces terroristes et internes. La revue de cette doctrine suppose la prise en compte des nouvelles conflictualités pour des stratégies nouvelles d'endiguement.

117 Directive présidentielle n° 436/ CAB.MIL/150 du 02 Novembre 1972. De même la Directive présidentielle n° 253/ CAB.MIL du 14 Novembre 1977 prévoit qu'en cas de conflit avec un Etat puissant, nous devons nous préparer à endiguer l'avance ennemie en attendant sensibiliser l'opinion et les instances internationales.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 101

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Elle consiste à redynamiser le dispositif de veille sécuritaire intégrant de nouvelles hypothèses et modes d'actions ennemi.

2- ANTICIPER LES NOUVELLES MENACES AU DELA DU COMBAT

Boko Haram sera gagné par l'adhésion de la population, non par la destruction de l'ennemi. Cette redéfinition stratégique de lutte asymétrique, marque un tournant majeur dans la guerre contre insurrectionnelle en ce qu'elle sous-tend l'impuissance partielle des FDS à vaincre un ennemi inferieur en nombre et dépourvu de toute technologie. Une telle vision des faits réaliste affectera doublement la puissance des FDS et le vote de la loi de programmation militaire prendra en compte de nouveaux pôles d'équilibre géopolitiques ou géostratégiques. Le Cameroun disposera par-là de nouveaux outils afin de comprendre et d'anticiper sur les conflits asymétriques. Ainsi le service de renseignements publics comme logique d'intelligence doivent dans cette perspective être considérés comme le vecteur le plus discret et le plus efficace d'influence de l'Etat. Il est nécessaire pour l'Etat du Cameroun d'avoir une claire vision de la possibilité de guerre, de sa propre vulnérabilité afin de mobiliser les forces morales de ses sociétés et forger les outils politiques et militaires pour y faire face. D'où la nécessité d'envisager le facteur psychologique dans la lutte contre BH. Ce dernier montre que l'Etat est désarmé et qu'il peut perdre si rien n'est fait dans ce sens.

B- IMPERATIFS STRATEGIQUES OPERATIONNELS

Pour faire face aux attaques BH que l'on estime aujourd'hui les plus dangereuses, il impératif de trouver le juste équilibre des capacités opérationnelles que le dispositif de veille sécuritaire camerounais doit disposer réellement, pour permettre aux forces locales de lutte contre BH et d'imposer sa volonté durablement sur le terrain et au coeur des populations vulnérables qui constituent désormais un des enjeux majeurs de l'intervention des forces de défense et de sécurité. Cet équilibre repose sur trois axes prioritaires de développement capacitaire :

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 102

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

1- LA POURSUITE DE L'EFFORT POUR LA MAITRISE DE L'INFORMATION ET LE DEVELOPPEMENT DE CAPACITES D'ADAPTATION ET DE REACTION DES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE FACE A L'ENNEMI.

La poursuite d'un effort significatif dans la maîtrise de l'information et dans la compréhension des situations tactiques constitue sans nul doute la première priorité. Elle contribue à la conservation de la liberté d'action du chef et se concrétise par la capacité d'anticiper les événements, en disposant en temps utile des informations essentielles à la manoeuvre. Elle couvre la réalisation effective de la mise en réseau, qu'il faut sécuriser par la fiabilité des communications, la capacité à organiser et acheminer des quantités toujours plus grandes de données en temps quasi réel, et la garantie de leur confidentialité. Elle concerne également le développement et l'intégration des moyens du renseignement et de contre-renseignement. A cet égard, il faut considérer six capacités complémentaires telles que la surveillance générale et ciblée, la reconnaissance de la zone d'action des FDS, avec la mise en oeuvre de robots, de drones, de radar de surveillance au sol, et en bénéficiant des informations au travers de la chaîne image ; le traitement des données et des informations ; le partage des situations opérationnelles tactiques et de théâtres ; les actions dans les champs immatériels ; la détection des émetteurs sur l'ensemble du spectre électromagnétique ; la neutralisation des émissions et désorganisation des moyens de coordination adverses.

Le développement de l'adaptabilité et de la réactivité des moyens de combat et de contrôle des milieux représente le troisième axe prioritaire pour répondre aux exigences des nouvelles réalités tactiques. Pour pouvoir faire face à un spectre élargi de situations opérationnelles, dans la durée et au milieu des populations, il s'agit de disposer de forces de contact flexibles mais robustes, souples dans leur emploi mais bien protégées face aux menaces Boko Haram, aptes à se fondre dans des milieux humains compliquées mais disposant toujours d'une puissance de feu et de choc importante et visible, donc potentiellement dissuasive.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 103

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Cette transformation du système de contact sera conduite avec le souci permanent de stricte suffisance, de maîtrise des coûts et des risques technologiques, sans affecter l'efficacité opérationnelle des unités. Elle a vocation à fluidifier l'action au contact et à augmenter l'efficience des forces. A cet égard, les priorités sont fixées sur :

· La connaissance avant l'action grâce au partage de la situation et à la mise en oeuvre de capteurs variés (robots, mini drones) ;

· La réalisation de plates-formes multi rôles ;

· La combinaison, la variété, la gradation et la précision des effets adaptés à l'objectif visé (concentration des trajectoires diverses, armes à létalité réduite, tir au-delà de la vue directe, armes à effets dirigés ou thermobariques) ;

· L'amélioration et le renforcement de la protection, avec des protections active, passive et distribuée, tout en recherchant l'allègement.

2- LA RATIONALISATION DES MOYENS DE COMMANDEMENT ET LA REDUCTION DES MOYENS CONSACRES AUX TACHES DE SOUTIEN ET D'APPUI EN OPERATIONS BH

Afin de réserver les ressources les plus critiques aux actions vraiment déterminantes en termes d'effets sur les menaces actives de la secte djihadiste Boko Haram, le commandement des opérations doit garantir l'initiative dans l'ensemble des champs d'application des opérations par une organisation, un fonctionnement et des systèmes robustes, éclatés, distants et flexibles, présentant systématiquement une plus grande intégration interarmées et davantage de polyvalence. Cette supériorité décisionnelle repose sur trois idées forces que sont :

? La fusion du niveau commandement de composante avec le niveau de commandement de théâtre pour créer un niveau qualifié de tactico-opératif ;

? L'application du principe de pôles d'expertises distants pour alléger les centres d'opération projetés et faciliter leur manoeuvre ;

? L'architecture modulaire et infocentrée du centre futur des opérations.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 104

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

L'optimisation du soutien vise à rationaliser les flux et à doter la logistique de capacités à agir partout, notamment en milieu complexe et hostile avec les moyens strictement suffisants et juste à temps, dans un dispositif en constante évolution. Cependant, les fonctions de soutien contribuent également à la plupart des tâches non strictement militaires de stabilisation, notamment l'aide aux populations. Plus que de la limitation de leur empreinte au sol, c'est en fait de leur maîtrise qu'il s'agit. Sous réserve que les objectifs de mise en réseau et d'intégration interarmées aient été atteints avec les niveaux de fiabilisation et de protection requis, les ressources allouées aux fonctions d'aide au commandement, d'appui «feux», de soutien logistique, pourront être contenues sans faire d'impasse sur leurs effets et en limitant leur vulnérabilité.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Dans la présente partie, l'intention a été de retracer l'historique de l'avènement de BH. Elle ressort les causes profondes de la crise à Boko Haram, examinées sous l'angle des liens historiques avec la population voisine du Nigéria, de l'effet de contagion (propagation) de l'extrémisme violent depuis le Nigéria, de la vulnérabilité socioéconomique sous-jacente de l'Extrême-Nord du Cameroun et de la quasi-inexistence de services publics. La crise a eu de graves répercussions sur l'économie locale, mais aussi sur l'économie nationale. Elle a également eu des conséquences sociales de grande portée. L'approche sécuritaire adoptée et les actes de violence perpétrés par Boko Haram ont créé de graves problèmes de gouvernance. De surcroît, il convient de noter que les perspectives et impératifs stratégiques et opérationnels exacerbent la situation au regard d'une vision associationniste sécuritaire ou encore de l'influence sociale.

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

CONCLUSION GENERALE

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 105

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 106

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

Somme toute, les développements précédents s'inscrivent à suffisance dans le cadre travail de recherche portant sur la « construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko Haram ». En effet, la partie septentrionale du Cameroun est en proie aux exactions insurrectionnelles de la secte islamiste BH. Celles-ci vont contraindre l'Etat du Cameroun à la construction voire la redynamisation de son dispositif sécuritaire. Ainsi, pour faire face à cette menace, il est nécessaire de penser la réorganisation partielle du dispositif de defense adapté aux menaces de types asymétriques. Les multiples contributions et mobilisations bilatérales ou multilatérales ont permis de réduire ou limiter les ambitions idéologiques de BH. Le renforcement des capacités des FDS a conduit à des résultats escomptés et probants avec la délocalisation de BH dans les zones périphériques de l'Extrême-Nord. Cependant la resilience de BH s'explique par des faiblesses ou influences stratégiques et opérationnels avec un dispositif aux allures répressives que préventives. Une telle situation appelle à sécuriser autrement. Enfin, ce travail est une opportunité pour l'éveil de la conscience des dirigeants africains pour la mise en oeuvre des stratégies susceptibles de trouver les solutions aux défis du terrorisme, qui sont posés aux États du continent en général et au Cameroun en particulier dans le cadre de la lutte contre les menaces asymétriques. Il se termine par un ensemble de recommandations visant à agir et de prochaines démarches qui pourraient être entreprises pour faire progresser la mise en oeuvre de la Stratégie et améliorer la coopération antiterroriste en Afrique. Ces recommandations concernent en particulier le rôle que peut jouer le Cameroun et la Stratégie dans le réajustement des efforts antiterroristes en Afrique et le renforcement de la coopération entre les États dans la sous-région et entre les partenaires de la sous-région et de l'extérieur, notamment l'UE, les Nations Unies.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 107

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

BIBLIOGRAPHIE

1- Ouvrages

Albert Einstein, L'éther et la théorie de la relativité. La géométrie et l'expérience.

Atlas de l'Afrique : Cameroun, Les éditions J.A

Atlas de l'Afrique : Géopolitique du XXIe siècle, Atlande 2006.

BOUTINOT LAURENCE, Migration, religion et politique au Nord Cameroun, Paris, Harmattan, 1999, 237p.

DAVID GALULA, Contre-insurrection. Théorie et Pratique, Paris, Economica, 2008. FRANK EBOGO, Les Mobilisations collectives anti-Boko Haram au Cameroun, Publibook,2019

FRANK EBOGO, La guerre hybride entre le Cameroun et la Bokostan, Publibook, 2020 FRANÇOIS THUAL, Méthodes de la géopolitique : apprendre à déchiffrer l'actualité, Paris, Ellipses, 1996.

GERARD CHALLIAND, Les stratégies du terrorisme, Paris, Desclée de Brouwer, 2002. JEAN JACQUES ROCHE, Théorie des relations internationales

KOUNGOU LEON, Boko Haram : le Cameroun à l'épreuve des menaces.

KOUNGOU LEON, Boko Haram, parti pour durer, Paris, Harmattan, 2016, 161p. KOUNGOU LEON, Culture stratégique et concept de défense au Cameroun, Paris, Harmattan, Etudes africaines, 2015, 282 p.

LE MOIGNE, Jean-Louis et CARRE, Daniel. Auto organisation de l'entreprise, 50 propositions pour l'autogestion. Les Editions d'Organisation, 1977

MADELEINE GRAWITZ, Lexique des sciences sociales, 8ème édition, Paris, Dalloz, 2004. VICTORIN HAMENI BIEULEU, Politique de défense et sécurité nationale du Cameroun, paris, l'harmattan, 2012.

NORBERT ELIAS, La dynamique de l'Occident, Calman Lévy, Paris, 1975 JEAN-FRANÇOIS BAYART, l'Etat du Cameroun, Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, Paris, 1985.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 108

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

2- Articles

JOSEPH VINCENT NTUDA EBODE, ibid. et LEON KONGOU, « Boko Haram : imbroglio dans le Nord du Cameroun », Revue Défense nationale, n° 775, décembre 2014

La Nouvelle Expression, « Le Cameroun à l'épreuve de la spirale terroriste du groupe djihadiste Boko Haram » N°3734, du lundi 26 mai 2014.

La Nouvelle Expression, « Menace terroriste : comment contrer Boko Haram », N°285 du lundi 18 août 2014.

CYRIL MUSILA, « L'insécurité transfrontalière au Cameroun et dans le bassin du lac Tchad », Note de l'IFRI, juillet 2012

SAIBOU ISSA (dir), Les effets économiques et sociaux des attaques de Boko Haram dans l'Extrême-Nord du Cameroun, Université de Maroua, KALIAO, volume spécial, Novembre 2014

SALAMATOU YVONE in L'oeil du Sahel, « le chef du comité de vigilance tué par Boko Haram »

BANGOURA Dominique, « L'Afrique commence à s'organiser pour sa sécurité collective », Marchés Tropicaux et Méditerranéens n°3000, mai 2003.

MAMAN JOEL in Cameroun Tribune, « lutte contre Boko Haram : les comités de vigilance remobilisés »

LE MONDE DIPLOMATIQUE, « Cameroun : les comités de vigilance contre Boko Haram, de la défense à l'attaque »

DANIELLE MINDEU KADJEU, « Acteurs et instruments dans la lutte contre Boko Haram. Trajectoires camerounaise et nigériane », Sens Public, octobre 2016, p.9. Disponible sur http://www.senspublic.org/spip.php?article1213

ADAM HIGAZI et FLORENCE BRISSET-FOUCAULT, « Les origines et la transformation de l'insurrection de Boko Haram dans le Nord du Nigeria », Politique Africaine, n°130, 2013 AÏCHA PEMBOURA, « la culture stratégique de l'élite militaire camerounaise a l'épreuve de la lutte contre Boko Haram » International Journal of Innovation and Applied Studies ISSN 2028-9324 Vol. 19 No. 4 Mar. 2017, pp. 886-896

YAYA MOUNTAPMBEME, « Aux sources de Boko Haram », Le Point du Jour, n° 13, septembre 2014, p. 4.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 109

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

3- Travaux universitaires

PELAGIE CHANTAL BELOMO ESSONO, L'ordre et la sécurité publics dans la construction de l'Etat au Cameroun Thèse de doctorat en Science politique, Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux, février 2007, Version numérique sur https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00306419.

MATHIAS-ERIC OWONA NGUINI, La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun : entre autoritarisme et démocratie (1978-1996). Les régimes politiques et économiques au gré des conjonctures et des configurations socio-historiques, Thèse de Doctorat, Université Montesquieu-Bordeaux IV-IEP, CEAN, 1997

LUC SINDJOUN, Construction et déconstruction locales de l'ordre politique au Cameroun : la sociogenèse de l'Etat, Thèse de doctorat en Science politique, Yaoundé, 1994

MAHOP JULIEN FRANCIS, La Contribution de l'Ecole Internationale des Forces de Sécurité (EIFORCES) à la formation des Forces africaines aux Opérations de Soutien à la Paix

ELA ELA EMMANUEL, la politique de défense au Cameroun depuis 1959 : contraintes et réalités, Thèse de doctorat, Etudes africaines, Nantes, 2000

ELYSEE MARTIN ATANGANA, Le Bassin du Lac Tchad face aux nouvelles formes de menace : La difficile dynamique de réponse régionale face à la montée en puissance du groupe terroriste islamiste Boko Haram, Mémoire présenté à la Faculté des Études supérieures et postdoctorales en vue de l'obtention du Grade de Maître ès sciences (M. Sc.) en Etudes Internationales

Centre de Recherche et d'Etudes Politiques et Stratégiques, Cours de méthodologie de recherche et de rédaction d'un mémoire professionnel, Université de Yaoundé II, SOA, 2015. Economie, N°509, du lundi 5 janvier 2015.

4- Textes juridiques officiels

Décret N° 2001/177 du 25 juillet 2001 portant organisation du Ministère de la Défense.

Loi N°2014/028 du 23 Décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme.

Le décret N°60/198 du 27 Octobre 1960 portant Organisation Générale des Forces Armées.

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 110

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

La loi N°67/LF/9, du 12 juin 1967 portant organisation générale de la défense.

Le décret N°83/540 du 05 novembre 1983 portant organisation du Ministère des Forces Armées et du Commandement.

Le décret N°2001/177 du 25 juillet 2001 portant Organisation du Ministère de la Défense

5- Rapport et études

Rapport 2016 d'Amnesty International, « Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun », rendu public le 14 juillet 2016.

Rapport de l'International Crisis Group « Cameroun : faire face à Boko Haram », n° 241, 16 novembre 2016

Rapport général des travaux du Colloque, l'efficacité des Opérations de Maintien de la Paix en Afrique Centrale : rétrospective critique et prospective, EIFORCES, Yaoundé, Décembre 2013

6- Revues

Bulletin d'Analyse Stratégique et Prospectives, «VIGIE» N°s 003 et 004 -Décembre 2014. /EIFORCES.

Bulletin d'Analyse Dynamiques et Prospectives, «VIGIE» N°s 003 et 007 -Jan-Mars 2018. /EIFORCES.

7- Magazines

Cameroun Tribune.

Le Quotidien LE JOUR. Jeune Afrique.

8- Webographie

www.securityanddevelopment.org ; www.africansecuritynetwork.org ;

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT i

DEDICACE iv

REMERCIEMENTS v

SIGLES ET ABREVIATIONS vii

LISTE DES ILLUSTRATIONS ix

LISTE DES ANNEXES x

RESUME EXECUTIF xi

EXECUTIVE SUMMURY .xii

INTRODUCTION GENERALE 13

SECTION 1 : DE LA CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE 14

I- CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ETUDE 14

A- CONTEXTE GEOPOLITIQUE 15

B- CONTEXTE GEOSTRATEGIQUE 16

II- CHOIX ET INTERET DE L'ETUDE 17

A- INTERET SCIENTIFIQUE 17

B- INTERET PRATIQUE 18

III- DELIMITATION DE L'ETUDE 19

A- DELIMITATION GEOPOLITIQUE 19

B- DELIMITATION CHRONOLOGIQUE 20

IV- CLARIFICATION DES CONCEPTS 20

V- PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE 21

A- QUESTION PRINCIPALE 22

B- QUESTIONS SECONDAIRES 22

VII- HYPOTHESES DE RECHERCHE 22

A- HYPOTHESE PRINCIPALE 22

B- HYPOTHESES SECONDAIRES 22

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 111

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

SECTION 2 : CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE

LA RECHERCHE 22

I- CADRE THEORIQUE 23

A- LE CONSTRUCTIVISME SECURITAIRE 23

B- LE FONCTIONNALISME SECURITAIRE 24

II- CADRE METHODOLOGIQUE 25

A- METHODE DE COLLECTE DES DONNEES 26

B- METHODE D'ANALYSE DES DONNEES 26

III- PLAN DE TRAVAIL 28

PREMIERE PARTIE : CADRE DE DEROULEMENT DU STAGE 29

CHAPITRE 1 : PRESENTATION GENERALE DE L'ECOLE INTERNATIONALE DES FORCES DE SECURITE (EIFORCES) ET LA PLACE DU CENTRE DE RECHERCHE ET

DE DOCUMENTATION 31

SECTION 1 : PRESENTATION DE L'EIFORCES 31

PARAGRAPHE 1 : Organisation et Fonctionnement de l'Eiforces 31

A- Le conseil d'administration de l'eiforces 31

B- La direction générale de l'eiforces 33

C- Les organes consultatifs de l'eiforces 37

PARAGRAPHE 2 : Les missions de l'Eiforces 39

A- La formation 39

B- La recherche 41

SECTION 2 : COOPERATION ET PARTENARIATS 42

PARAGRAPHE 1 : Au plan bilateral 43

PARAGRAPHE 2 : Au plan multilateral 43

CHAPITRE 2 : DEROULEMENT DU STAGE A L'EIFORCES 45

SECTION 1 : ACQUIS, DIFFICULTES ET SUGGESTIONS EVENTUELLES 45

PARAGRAPHE 1 : Les Acquis Et Les Difficultés Rencontrées 45

A- L'apport du stage 45

B- Les difficultés rencontrées 46

PARAGRAPHE 2 : Les Suggestions 46

CONCLUSION DE LA PREMEIRE PARTIE 46

DEUXIEME PARTIE : CONSTRUCTION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE AU CAMEROUN SOUS LA MENACE BOKO HARAM 48

CHAPITRE 3 : SOCIOGENESE DE LA MENACE BOKO HARAM ET LA

REDYNAMISATION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE. 49

SECTION 1 : SOCIOGENESE DE LA MENACE BOKO HARAM 49

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 112

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PARAGRAPHE1 : D'un mouvement de protestation sociale à la constitution d'un ordre

terroriste 49

A- Boko Haram : mouvement de contestation sociale 49

B- Boko Haram : un ordre terroriste 50
PARAGRAPHE 2 : les répercussions de la menace sur le développement à l'extrême-nord du

cameroun 54

A- Effet sur le commerce régional et le tourisme 55

SECTION 2 : DIFFICILE DYNAMIQUE DE REPONSE OPERATIONNELLE ET LA REDYNAMISATION DU DISPOSITIF DE VEILLE SECURITAIRE

CAMEROUNAIS 61

PARAGRAPHE 1 : difficile dynamique opérationnelle contre BH 62

A- Obsolescence du dispositif classique de veille sécuritaire 62

B- BH comme menace a l'imagologie transfrontalière 64
PARAGRAPHE 2 : de la redynamisation du dispositif de veille sécuritaire à l'aune de

BH 67

A- Réorganisation partielle du schéma sécuritaire national 68

B- BH et l'exigence de dépassement stratégique pour une synergie d'acteurs en matière de

veille securitaire 70

? Les dynamiques bilatérales Nigéria-Cameroun et Tchad-Cameroun 70

? La FMM dans la dynamique stratégique opérationnelle contre BH au Cameroun

72
CHAPITRE 4 : RESILIENCE DE BOKO HARAM : ENTRE FACTEURS STATIQUES, DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES STRATEGIQUE, OPERATIONNELLES

INNOVANTES 80

SECTION 1 : LES FACTEURS STATIQUES ET DYNAMIQUES DE LA RESILIENCE

DE BH A L'EPREUVE DE LA REDYNAMISATION DU DVS 80

PARAGRAPHE 1 : les facteurs statiques de resilience de la menace BH 80

A- Les logiques naturelles 80

1- Terrain Et Relief Comme Atout Géostratégique Pour Le Groupe BH 81

2- La Distance Et Le Climat Comme Déterminant De Resilience De BH 81

B- Les logiques organisationnelles de la resilience de BH 81

1- La Réduction De L'effectif Et La Diversification Des Forces Dans L'Armée 82

2- Inertie Dans La Pensée Sécuritaire Nationale Et La Baisse Du Moral Dans Le DVS 83

PARAGRAPHE 2 : Les Facteurs Dynamiques De La Resilience De Boko Haram 84

A- Les Logiques Strategiques 84

1- Le Problèmes De Coordination Minimale Et Le Monopole Institutionnel 85

2- Les Obstacles Infrastructurels 89

B- Les logiques operationnels 90

1- Le Confinement Militaire Des Etats Pour L'endiguement De La Menace Et La Duplicité Des

Lobbies Dan L'industriel De L'armement 90

2- L'opportunisme Antidémocratique Et Antirépublicain 91

SECTION 2 : COMBATTRE AUTREMENT BH : PERSPECTIVES ET IMPERATIFS

STRATEGIQUES, OPERATIONNELS 94

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 113

Construction du dispositif de veille sécuritaire au Cameroun à l'aune de la menace Boko

Haram

PARAGRAPHE 1 : Perspectives Sécuritaires Stratégiques Et Opérationnelles Anti- Boko

Haram 94

A- Perspectives sécuritaires stratégiques 94

1- Renforcement de la resilience nationale face à la menace 94

2- La perfection de la strategie globale de lutte Contre BH 94

B- Perspectives operationnelles 95

1- Création des unités police locale 95

2- Le renforcement des capacités des services de renseignement 96
PARAGRAPHE 2 : Les Impératifs Sécuritaires Stratégiques Et Opérationnels

Anti- BH 96

A - Impératifs sécuritaires stratégiques 97

1- Réactualisation de la doctrine d'emploi des forces au Cameroun du 04 décembre

1979 97

2- L'urgence d'un livre blanc et le vote de la loi de programmation militaire 98

A- Impératifs sécuritaires opérationnels 99

1- La Poursuite De L'effort Pour La Maitrise De L'information Et Le Développement De Capacités D'adaptation Et De Réaction Des Forces De Defense Et De Sécurité Face A

L'ennemi 99

2- La Rationalisation Des Moyens De Commandement Et La Réduction Des Moyens Consacrés Aux Taches De Soutien Et D'appui En Operations

BH 100

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 101

CONCLUSION GENERALE 102

BIBLIOGRAPHIE 104

TABLE DE MATIERE 112

ANNEXS 115

Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU Sapam Ousmanou Page 114






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo