1.3. Vérification des effets réels de la
politique monétaire
En théorie simple : regarder les inflexions de la
politique monétaire puis les effets qui en découlent sur la
production, l'emploi et les prix. En pratique, très compliqué et
a donné lieu à des débats sans fin, connus comme le
problème d'identification.
1.3.1. Le problème de l'identification
Les premiers travaux pensaient avoir résolu le
problème de l'identification en montrant que la masse monétaire
et le crédit évoluaient de concert avec une légère
avance de phase pour la monnaie.
Certains économistes en on conclut que la politique
monétaire était un facteur important du cycle économique.
Cette affirmation pose toutefois plusieurs problèmes.
Premièrement, la masse monétaire est un mauvais
indicateur de la politique monétaire. La monnaie est un agrégat
naturellement procyclique (mécanisme du cycle : investissement ->
crédit -> monnaie). Si l'investissement augmente à la fois la
production et la monnaie alors on observe un lien entre monnaie et production
mais pas un lien causal. Les deux variables ont une cause commune :
l'investissement. Image de Friedman : la production d'épingles à
nourrice augmente en expansion sans que l'une cause l'autre.
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De plus, la monnaie échappe au contrôle de la
Banque Centrale au moins à court-terme en raison des fluctuations de
l'offre et de la demande de monnaie.
L'offre : les banques prêtent plus en période
d'expansion et peuvent couper le crédit en récession. Le ratio
crédits/base monétaire n'est pas fixe mais varie avec le cycle.
Il chute en période de crédit crunch (resserrement du
crédit).
La demande : les entreprises et les ménages demandent
plus de monnaie en période haute d'activité mais encore une fois
la relation dépend peu du taux d'intérêt. La relation LM
qui relie la demande de monnaie au taux d'intérêt est instable
à court-terme. Le graphique précédent l'illustre avec les
fluctuations de la vitesse de circulation de la monnaie.
Il existe donc une double perturbation côté offre
et côté demande qui empêche la Banque Centrale de fixer la
masse monétaire. La politique monétaire ne peut donc être
jugée sur la base des fluctuations de la masse monétaire. Une
masse monétaire qui s'accélère (ralentit) ne signifie pas
nécessairement que la politique monétaire est expansionniste
(restrictive).
Le problème de fond est que la monnaie est en partie
endogène : l'activité économique influence les
fluctuations de la monnaie. On ne peut donc évaluer l'impact de la
politique monétaire sur les fluctuations économiques en observant
les évolutions de la monnaie. Le problème d'identification est un
problème d'endogénéité.
Le taux d'intérêt semble un meilleur indicateur
mais n'est pas non plus exempter d'endogénéité. En
théorie une baisse des taux d'intérêt fait réagir
positivement la production et baisser le chômage. Il y'a donc bien un
lien qui va du taux d'intérêt vers l'activité. Mais on sait
également que la Banque Centrale a tendance à baisser ses taux
quand le chômage augmente, d'où l'ambiguïté sur le
sens de causalité.
Pour conclure définitivement sur les effets
réels de la politique monétaire, cette dernière devrait
ressembler à une expérience naturelle, c'est à dire ne
devrait pas réagir de façon systématique à
l'état de l'économie. Ce qui n'est évidemment pas possible
: les Banques Centrales veulent baisser les taux dès qu'une
récession s'annonce.
30
1.4. Les canaux de transmission de la politique
monétaire 1.4.1. Le canal du taux d'intérêt
Mécanisme : baisse du coût de
refinancement des banques=> baisse du coût de crédit =>
hausse des dépenses.
Mécanisme LM : Ms=Md=L1(Y) + L2(i).
La Banque Centrale maîtrise Ms. Si Ms augmente, la demande de
monnaie doit augmenter => le taux d'intérêt baisse ce qui
relance les dépenses.
En réalité, la Banque Centrale maîtrise mal
la masse monétaire et contrôle parfaitement le taux
d'intérêt à court-terme. La séquence
précédente peut donc être simplifiée !
Il reste toutefois un problème potentiel dans la
transmission. La politique monétaire contrôle le taux de
court-terme nominal. Or l'investissement dépend du taux
d'intérêt réel de long-terme.
Comment se passe la propagation, d'une part entre le taux nominal
et le taux réel, et d'autre part entre le taux court et le taux long
?
Passage du taux nominal au taux réel: r = i - ira. Si i
augmente, r augmente à anticipation d'inflation donnée. De plus,
la hausse de i présage une baisse de l'inflation, ce qui amplifie
l'effet sur le taux réel.
Le passage du taux de CT au taux de LT : la courbe des taux
d'intérêt. La séquence des taux rangés par
maturité constitue la courbe des taux.
Les taux longs sont des taux de marché et reflètent
les anticipations de taux
courts futurs.
Exemple : passage du taux court (1 mois) au taux long (3 mois).
Sans incertitude sur les taux futurs, condition de non arbitrage :
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Approximation :
Avec incertitude sur les taux futurs :
Les taux longs sont donc égaux en moyenne à la
somme des taux courts. La propagation aux taux courts est bonne.
Le contrôle des taux à plus longue
échéance devient moins fiable au fur et à mesure que
l'échéance augmente et que les anticipations de taux futurs
prennent une place croissante dans la formule.
La hausse avant la récession combat l'inflation au prix
d'une récession. La baisse rapide qui suit tente de stabiliser le PIB.
Tant que la courbe des taux est croissante, les banques peuvent emprunter
à CT et prêter à LT. Le renversement de la courbe
entraîne une marge négative pour les banques et freine
considérablement le crédit.
Cela traduit une baisse future anticipée des taux
courts. C'est ce qui se passe quand le marché anticipe une
récession: l'effet balancier du taux monétaire explique
l'inversion. La hausse des taux en fin d'expansion est transitoire.
On a parlé de l'écart entre le taux nominal et
le taux réel, ainsi que celui entre le taux à CT et celui
à LT. Il reste une troisième distinction importante, celle entre
les taux fixes et les taux variables. Elle doit être reliée aux
spécificités du marché du crédit et à la
structure du bilan des agents en termes de niveau d'endettement.
(14)
1.4.2. L'action directe sur le crédit (canal du
crédit)
Mécanisme : hausse du coût de refinancement des
banques => hausse du rationnement du crédit => baisse des
dépenses
14 Alexis DIRER : La politique monétaire
française, Mars 2012, page 36
Les ventes d'actif en détresse, vont faire monter les
taux d'intérêt alors que l'économie est déjà
en récession. Car dans cette situation le défaut de coordination
de la finance est à son maximum
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Ce canal met en scène les banques. Les banques sont
parfois amenées à rationner le crédit aux entreprises et
aux particuliers (rationnement quantitatif plutôt que hausse des taux).
Cela se produit parce que les agents n'ont pas suffisamment de fonds propres ou
parce que les banques elles-mêmes ont fait des pertes dans le
passé.
Une contraction monétaire en augmentant le taux
d'intérêt réduit l'investissement des entreprises. C'est le
canal du taux d'intérêt déjà vu (ou canal LM). Mais
elle peut également amener les banques à intensifier le
rationnement du crédit plus effet indirect de la récession sur
les fonds propres des agents = accélérateur financier.
Le canal du crédit de la politique monétaire permet
d'expliquer pourquoi:
· De très faibles variations des taux
d'intérêt peuvent conduire à de larges mouvements des
dépenses: l'investissement mais aussi les variations de stock.
· Le poids des politiques monétaires restrictives
est principalement supporté par les entreprises les plus
dépendantes du crédit bancaire.
Gertler et Gilchrist (1994) comparent le comportement de
stocks des petites et moyennes entreprises et celui des grandes entreprises
à la suite d'une restriction de la politique monétaire et
trouvent un effet différentiel sensible.
1.4.3. Le canal du taux de change
Mécanisme d'économie ouverte en présence
de mobilité des capitaux et de taux de change flexible (cas du
modèle Mundell-Flemming). En cas de mobilité des capitaux, les
investisseurs arbitrent entre les titres domestiques et étrangers.
Mécanisme : une hausse du taux d'intérêt
rend les actifs libellés en monnaie nationale plus attractifs. Les
rentrées de capitaux qui s'ensuivent provoquent une appréciation
du taux de change nominal. Avec des prix relativement rigides, il s'ensuit une
perte de compétitivité externe, et une
détérioration du compte courant qui affecte d'autant plus le
niveau d'activité que l'économie est ouverte. Ce canal est
relativement bien documenté.
Taux de change fixes ou taux de change variable
?
Les Banques Centrales doivent décider si elles laissent
fluctuer le taux de change ou si elles le fixent sur la valeur d'une autre
monnaie. Quelle politique aboutit à la meilleure politique macro ?
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Un taux de change fixe implique une perte d'autonomie de la
politique monétaire si la mobilité des capitaux est
élevée (triangle d'incompatibilité). Les variations du
taux d'intérêt ne servent qu'à ajuster la valeur externe de
la monnaie. Le bénéfice est une moindre volatilité du taux
de change et par là même des prix et du PIB. Dans une
économie très ouverte (généralement petite)
où la part des importations dans le PIB est importante, cette option est
préférable.
Les gains et les bénéfices sont inverses pour un
taux de change variable. La Banque Centrale préfère utiliser
directement la politique monétaire pour stabiliser l'économie
plutôt que le taux de change.
1.4.4. Le canal du prix des actifs
Mécanisme : baisse du coût de refinancement des
banques => hausse du prix des actifs=> accroissement des dépenses.
Il existe un mécanisme de transmission monétaire qui suit deux
étapes.
? 1ère étape. La baisse des taux
d'intérêt en réduisant le coût de l'endettement
entraîne
une hausse du prix des actifs financiers et immobiliers. A
contrario, une politique monétaire restrictive peut déclencher
une dynamique baissière. Plus effets indirects via l'impact de la baisse
de la demande sur les profits et les cours boursiers.
? 2ème étape : l'effet de richesse
qui influence la dépense des ménages. Prenons le cas d'une
politique monétaire expansionniste. Une hausse du prix des actions et de
l'immobilier se répercutera d'autant plus sur la consommation que:
o La hausse des prix des actifs est perçue comme
permanente,
o La richesse n'est pas trop concentrée au sein des
ménages (même si la propension à consommer la richesse est
égale à l'unité à long-terme, les ménages
riches ont plus tendance à étaler les effets sur la consommation
d'un surcroît de richesse)
Il ne faut pas surestimer la portée du canal passant
par le marché des actions. 80% des ménages les moins riches
détiennent seulement 4% du total des actions => pour la plupart des
ménages les effets richesses n'ont que peu d'impact sur leurs
possibilités de consommation.
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SECTION DEUXIEME : NOTIONS SUR L'INFLATION 2.1.
La définition de l'inflation
Change d'un pays à l'autre également. La BCE
utilise comme référence l'indice des prix à la
consommation alors que la Reserve fédérale utilise depuis 2000
l'inflation sous-jacente (core inflation) qui exclut de l'indice des prix
l'énergie et les biens alimentaires qui sont des biens dont le prix est
sujet à de fortes variations temporaires. Cet indice est par
conséquent plus stable et informative que l'indice des prix complets et
semble pour les Etats-Unis (mais apparemment moins pour l'Europe) un meilleur
prédicteur de l'inflation de moyen terme. Cela contribue à
expliquer la différence de politique monétaire.
Pourquoi les Banques Centrales visent une inflation faible ?
L'inflation ne doit pas être trop élevée en raison de :
> L'incertitude pour les agents économiques augmente
avec le niveau moyen d'inflation. Effets néfastes des variations
surprise de l'inflation sur le système financier, le marché des
biens et sur le marché du travail : distord les prix, les salaires et
les taux d'intérêt réels. Travaux de Fisher (1933) sur la
dépression des années 30 (plus récemment Bernanke et
Gertler, 1999).
> Les coûts psychologiques. Gabaix: le harassement
à recalculer perpétuellement les prix relatifs, stress financier
en cas d'illusion nominale = explications de l'impopularité de
l'inflation
> évite une trop grande variabilité.
L'inflation ne doit pas non plus être trop faible :
> Rigidité à la baisse des salaires nominaux
(Akerlof, Dickens et Perry, 1996 The Macroeconomics of Low Inflation) :
environnement dans lequel les entreprises font face à des chocs
individuels. Certaines augmentent les salaires, d'autres devraient baisser les
salaires. Si les salaires nominaux sont rigides à la baisse, il faut de
l'inflation pour suppléer cette défaillance.
> Risque de déflation / trappe à
liquidité
> Biais dans la mesure de l'indice des prix (effet «
Boskin »)
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