Conclusion générale
L'étude des principaux déterminants du non
enregistrements des actes de naissance en Haïti. Cas de la juridiction de
Miragoâne de 1990 à 2000 nous a conduit à
appréhender le rôle de l'officier de l'état civil autant
dans l'élaboration des principaux actes qui participent à
l'état des personnes que dans la gestion du service qui les administre,
les conserve et les exploite. L'état civil façonne non seulement
l'identité civile des individus mais aussi leurs principaux attributs
personnels et familiaux. L'officier de l'état civil serait le peintre
qui façonne cette image. Ses premiers coups de pinceaux sur la toile
seraient précieusement conservés dans sa galerie. Cette oeuvre
première symboliserait donc l'acte de naissance. Ce dernier est donc un
droit fondamental de l'être humain. Non seulement il donne à
l'enfant une existence et une identité légalement connues, mais
il est le signe de son appartenance à une famille, une
communauté, une nation où l'enfant a sa place, et droit de
participation. Il est la clé de certains autres droits, celui par
exemple de bénéficier des services de santé ou
d'éducation, offre une protection contre la discrimination et l'abandon,
détermine le traitement de l'enfant dans le système judiciaire.
Il garantit à l'individu, pendant toute sa vie, le droit de prendre part
à la vie sociale et politique de son pays. Avec la mondialisation
où la migration s'accélère les mouvements croissants de
population tant sur le territoire national qu'au-delà des
frontières, posséder une identité légale reconnue
se révèle d'une importance cruciale.
Dénier ce droit fondamental revient non seulement à
dénier le droit à une identité énoncée dans
l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant mais beaucoup
d'autres droits auxquels peut prétendre chaque citoyen. C'est pour faire
face aux nombreux problèmes liés au non enregistrement des actes
de naissance que notre étude s'est fixée comme objectif principal
de contribuer à offrir des pistes de solution pour un meilleur
enregistrement des actes de naissance rédigés dans les bureaux de
l'état civil du pays. Cet objectif nous a permis toutefois d'identifier
les principaux obstacles liés à l'enregistrement des actes de
naissance particulièrement dans la juridiction de Miragoâne.
À travers ce mémoire de recherche, nous avons voulu
dresser un portrait et une analyse aussi complets que possible du
système de l'état civil haïtien, de l'enregistrement des
actes à leur archivage. Il s'agit d'un système qui est encore
aujourd'hui miné par des problèmes très différents
mais qui ont tous à peu près les mêmes raisons. Au terme de
cette analyse, nous avons passé en revue nombre d'aspects du
problème. L'explication de ce phénomène a
été fournie à partir des théories des disciplines
connexes au droit pénal et au droit administratif sans oublier d'autres
disciplines comme la sociologie, l'histoire, le droit international, le droit
constitutionnel. Nous avons été curieux d'interroger sur le
dysfonctionnement du système état civil haïtien pratiquement
sur le plan de la gestion administrative, le lien existant entre les acteurs du
système et le pouvoir judiciaire.
La question principale est alors de savoir quelles sont les
barrières empêchant une personne d'avoir son extrait de naissance
au-delà du délai fixé par la loi pour que les registres
provenant des bureaux de l'état civil soient transmis aux Archives
Nationales ? Par ailleurs, les réponses à la question de
départ ont montré que plusieurs facteurs entrent en ligne de
compte autour de la problématique du non enregistrement des actes de
naissance dans le système de l'état civil haïtien. Ils ont
des incidences sérieuses sur le bon fonctionnement du système.
Cette recherche se veut le résultat d'un ensemble de
questionnements sur le système de l'état civil relatifs à
l'enregistrement des naissances. C'est aussi le souci majeur lié
à une curiosité intellectuelle de pénétrer ce champ
pour mieux comprendre le phénomène de non enregistrement en
Haïti. Il s'agissait de répondre à une préoccupation
fondée sur les questions suivantes: 1) le degré d'implication des
officiers de l'état civil dans le problème du non enregistrement
des actes de naissance ? 2) les barrières principales à
l'enregistrement des actes de naissances ? Comment éliminer
durablement ces barrières ? Deux méthodes de recherche ont
été adoptées pour parvenir à apporter des
réponses à ces questions préoccupantes. La recherche
documentaire, l'entretien semi-dirigé. La première a permis de
corréler et de confronter diverses approches théoriques de
l'état civil relatif à l'enregistrement des actes de naissance.
Toute la première partie de notre travail est consacrée à
cet effet. L'analyse à fond sur le concept état civil avec un
certains nombre de concepts les plus utilisés dans le
système ; le rôle assigné à l'officier de
l'état civil; importance de la fonction d'officier de l'état
civil dans la question de droit de la personne ; la portée
réelle de l'acte de naissance dans la vie des humains sont autant des
points théoriques clés abordés dans les deux premiers
chapitres de notre étude. A l'issus de cette analyse nous pouvons
remarquer que l`inapplication des lois soit de manière volontaire ou par
négligence, est donc condamnable. Quant aux dire des textes de lois
traitant la question, l'inobservance de ces règlements paraît en
contradiction avec le principe universel d'enregistrement. Car, ce principe
obligatoire est inscrit non seulement dans les instruments légaux de
notre pays d'une part, mais aussi à travers les instruments juridiques
internationaux régulièrement ratifié par notre pays,
d'autre part.
La pratique du travail de l'officier de l'état civil
relative à l'enregistrement des actes de l'état civil notamment
les actes de naissance dans le système de l'état civil
haïtien est relatée à travers la deuxième partie de
notre étude. Une brève présentation est faite de la
juridiction de Miragoâne surtout sur ce qui concerne l'aspect
administratif ainsi que les résultats de notre investigation à
travers les bureaux de l'état civil de la juridiction.
De l'étude réalisée donc, il ressort que la
totalité des acteurs interviewés reconnait que le système
de l'état civil fonctionne non sans grandes difficultés. Et,
l'une des causes principales du non enregistrement des actes de naissance dans
la juridiction de Miragoâne est la non dotation des bureaux de
l'état civil en matériel adéquat à l'enregistrement
des dits actes. Les interviewés sont unanimes sur l'importance de ce
document qu'est l'acte de naissance dans la vie d'un tout individu mais sont
impuissants à résoudre seuls ce manquement. Le Ministère
de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) qui devrait
être leur fournisseur, est absent selon l'avis de certains officiers de
l'état civil. De telle attitude porte le citoyen à se demander si
le Ministère n'a pas failli à son devoir en ignorant le droit
selon lequel tout individu membre de la collectivité doit être
enregistré.
Il est également à noter que le personnel
attaché au bureau de l'état civil constitue un autre handicap
majeur à l'enregistrement des actes de naissance dans la juridiction de
Miragoâne. Pour ce qui concerne les clercs et/ou secrétaires leur
nombre n'est pas suffisant et leur degré de formation dans le domaine
laisse à désirer. Ils fonctionnent donc sans une formation
théorique liée à la mission qu'ils remplissent et sans une
rémunération mensuelle fixe afin de leur enlever toute tentation
de commettre des fraudes ou de falsifier des documents.
En somme, l'hypothèse principale selon laquelle le non
enregistrement de certains actes de naissance, qui est légalement une
faute, dans la juridiction de Miragoâne est due au fait que les
bureaux de l'état civil ne disposent pas de personnel et de
matériel suffisants et adéquats devant faciliter l'enregistrement
des dits actes est donc confirmée.
La cause principale du non enregistrement des actes de naissance
dans la juridiction de Miragoâne est d'ordre administratif et
relève de la politique publique des autorités
décisionnelles du pays. C'est un point crucial en matière de
développement, auquel il faut s'attaquer en même temps qu'à
la lutte contre la pauvreté et pour l'accès à la
scolarisation universelle. Comme toute planification réaliste de
développement exige que l'on dispose de données crédibles,
l'enregistrement des actes de naissance est essentiel pour toute la nation.
Enfin, le chapitre quatrième qui est d'ailleurs le dernier
a présenté un ensemble de propositions portant sur la gestion
administrative et la modernisation du système de l'état civil
dans le pays. L'application de ces propositions présenteront des
avantages tant pour le présent que pour l'avenir de chaque individu et
de toute la société en générale. A cet effet, une
réforme du système de l'état civil est nécessaire
pour faire face à certains problèmes suscités par le
déséquilibre entre le dire des textes et la réalité
qui se développe sur le terrain et à travers les bureaux.
Notre pays ne pourra améliorer le phénomène
de non enregistrement des actes de naissance que si les autorités
étatiques manifestent leur volonté politique de changement dans
l'intérêt de la population surtout des masses
défavorisées. Il est essentiel que les mesures juridiques
adoptées pour améliorer le phénomène doivent d'une
part, s'accompagner de moyens matériels adéquats pour que soient
effectifs les voeux légaux mais de l'autre, sanctionnent de
manière effective tous les acteurs de l'enregistrement qui enfreignent
les dites lois.
L'Etat peut effectivement répondre à la demande de
la population en améliorant la gestion administrative et
financière des bureaux de l'état civil par le respect des normes
établies pour recruter le personnel qualifié capable d'intervenir
à tous les niveaux dans le système ; en adoptant des mesures
devant favoriser la modernisation du système de l'état civil par
l'introduction de la Nouvelle Technologie d'Information et de Communication
(NTIC). On peut aussi maximiser le rendement des ressources en jumelant
l'enregistrement des actes de naissance avec la déconcentration des
services des Archives Nationales d'Haïti (ANH).
La mise en place d'un service d'état civil
opérationnel à travers tout le pays à la portée de
tous les fils et filles du pays afin de délivrer systématiquement
à chaque individu l'un des documents les plus précieux qu'une
personne puisse posséder qu'est l'acte de naissance est plus
qu'important. Car, l'enregistrement de chaque naissance sur le territoire d'un
pays est un pas vers le développement d'une administration nationale
à part entière, et aide à consolider les fondements de la
société civile. C'est important, surtout, parce que c'est
l'unique moyen de garantir à chaque individu la jouissance de son droit
à une identité et une nationalité, avec tout ce que cela
implique. Car dénier ce droit fondamental revient non seulement à
dénier le droit à une identité énoncée dans
l'article 7 de la Convention Relative aux Droits de l'Enfant mais beaucoup
d'autres droits auxquels peut prétendre chaque citoyen.
Disons enfin qu'aujourd'hui l'être haïtien doit
continuer sans relâche sa lutte pour la défense de son droit
social violé par les inégalités sociales et son droit
civil bafoué particulièrement par le non enregistrement de son
acte de naissance et généralement par tous les autres papiers
importants délivrés par les bureaux de l'état civil. Car,
il est grand temps que l'équité ainsi que la justice et le
respect de tous les droits fondamentaux de la personne soient triomphés
au grand dam de tous les haïtiens.
Ainsi nous ne prétendons pas épuiser ce sujet vu sa
complexité et la limite de nos connaissances qui d'ailleurs ne l'ont
même pas exploité comme il se devait. Une brèche est donc
ouverte à quiconque souhaiterait l'exploiter à fond et
éclairer par ce fait notre lanterne qui du reste ne suffit pas pour
éclairer à lui seul la route obscure de la recherche dans la
quelle nous nous sommes lancé.
Le parfait n'étant pas de notre nature, nous nous excusons
pour toutes les erreurs ou omissions que vous avez pu remarquer en parcourant
ce travail et dont nous sommes seul responsable.
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