UNIVERSITE DE YAOUNDE I
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
FACULTE DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND
SOCIAL SCIENCES
DEPARTEMENT DE LANGUES AFRICAINES ET
LINGUISTIQUE
DEPARTMENT OF AFRICAN LANGUAGES AND
LINGUISTICS
..............
LA STRUCTURE DE LA PHRASE
INTERROGATIVE EN SHUPAMEM.
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
diplôme de Master en Linguistique Générale
Par :
Ernest NJIFON NGOUPAYOU Licence ès
Lettres Bilingues
Sous la direction de : Edmond
Biloa Professeur
Juillet 2017
Dédicace
Je dédie ce travail à mes parents Jonas NJI
NGOUPAYOU et Aminatou LUEMGOUROU
II
Remerciements
Ce travail qui arrive à sa fin ne pouvait pas se
réaliser sans l'aide de mes enseignants, de mes camarades, de mes
frères et de mes amis. C'est pour cette raison que je tiens à
remercier très sincèrement le Professeur Edmond BILOA, mon
directeur de mémoire, pour avoir accepté de me diriger dans ce
travail délicat, subtil et contraignant, malgré ses multiples
occupations. Je le remercie aussi pour toute sa rigueur, ses remarques, ses
conseils, ses encouragements car c'est grâce à tout cela que j'ai
pu braver les difficultés rencontrées au cours de la
rédaction de ce mémoire de Master ; sans lui, je ne pouvais pas
réaliser ce travail. Et pour cela, j'aimerais qu'il trouve ici toute ma
gratitude.
Je tiens à remercier le Docteur Florence TABE qui nous
a encouragé à aimer la syntaxe en nous montrant son importance
dans l'étude des langues en général et des langues
africaines en particulier. Elle nous a permis de découvrir et de
comprendre le Programme Minimaliste de Noam Chomsky qui est aujourd'hui
incontestablement l'une des théories la plus importante et la plus
influente en syntaxe.
Je tiens à remercier le Professeur Clédor NSEME
pour tous les conseils qu'il n'a cessé de nous prodiguer en Master I et
en Master II ; lesquels conseils nous ont permis de travailler d'avantage et de
nous améliorer de manière incessante. Je tiens aussi à
remercier tous mes enseignants du Département de Langues Africaines et
Linguistique qui ont, chacun à son niveau, contribué à ma
réussite.
Je remercie le Docteur Théodore BEBEY qui a
accepté de lire mon travail. Je le remercie pour toutes les remarques
pertinentes et aussi pour tout le temps qu'il a consacré sur ce
travail.
Je dis un grand merci au Docteur Gaston BESSALA NDZANA BILOA
qui m'a permis d'améliorer considérablement la qualité de
ce travail ceci à travers les remarques et toutes les suggestions qu'il
a fait dans le cadre de la rédaction de ce mémoire.
Je remercie Blaise MKOUNGA TALA TEKU qui m'a assisté
tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je le remercie aussi
pour ses observations.
Je ne saurais ne pas remercier mon épouse Midéle
Coralie qui m'a soutenu tout au long de la rédaction de ce
mémoire.
Je tiens aussi à remercier tous mes frères pour
leur assistance et leur encouragement. Je dis merci à M. MBOUOBOUO Mama,
M. NJIKAM Chouaibou, Mme NJAPDOUNKE Mariama, M. CHAYOU Thomas, Mme MFOUNSIE
Souliatou, M. PELENA Alain et M. KUTCHEM Mathieu qui m'ont aidé à
remplir mon questionnaire en répondant aux multiples questions qui
n'étaient pas souvent faciles.
III
Résumé
`
« m?
Dans ce travail, il était question pour nous de
décrire les interrogations en Shupamem. Mais aussi d'apporter une
explication à certaines structures interrogatives que le Shupamem
présente. Et pour cela, nous nous sommes donné pour tâche
principale d'identifier les marqueurs des interrogations, les types des
interrogations, les structures des phrases interrogatives et les
différents mécanismes ou contraintes qui entrent en jeu dans la
formation des questions. De manière générale,
l'interrogation est marquée en Shupamem par « ?Ì »,
», « n?Ì », « I », « nI » et les
syntagmes Qu. Nous utilisons les marqueurs de
l'interrogation « ?Ì », « m?Ì
» ou « nô » comme marqueurs de l'interrogation dans tous
les types de questions à l'exception de l'interrogation oratoire
où « I » et « nI » sont utilisés comme
marqueurs de l'interrogation. Par ailleurs, dans les interrogations Qu, la
question est marquée par le mot Qu et l'un des marqueurs de
l'interrogation « ?Ì », « m?Ì », «
n?Ì », « I » ou « nI ». Nous avons
recensé cinq (05) types d'interrogations et douze (12) structures
interrogatives en Shupamem. Par ailleurs, nous avons constaté
qu'à l'inverse des langues comme le français et l'anglais qui
admettent des interrogations (interrogations totales) sans marqueurs de
l'interrogation, en Shupamem, il n'existe pas des interrogations sans marqueurs
de l'interrogation. Notre étude nous a aussi révélé
que le Shupamem est une langue à Qu in-situ et à Qu ex-situ. Dans
cette langue et ceci dans les interrogations à syntagme Qu, le syntagme
Qu peut apparaître en initial de phrase (ex-situ) ou en finale de phrase
(in-situ). Il convient alors de noter que le syntagme Qu est in-situ lors qu'il
n'est pas focalisé, alors qu'il est ex-situ soit lorsqu'il est
focalisé ou lorsqu'il est dans une interrogation averbale. En outre,
nous avons parlé de la périphérie gauche ; c'est ainsi que
nous avons parlé de la topicalisation, de la focalisation et de la
relativation. Parlant de la focalisation, nous nous sommes rendu compte que
tous les constituants peuvent être focalisés en Shupamem et par
ailleurs, la stratégie utilisée en Shupamem pour focaliser est le
clivage et la duplication verbale. En outre, nous avons parlé de la
topicalisation. Nous avons découvert que les constituants
topicalisés se trouvent en initial de phrase, et ils laissent souvent un
pronom résomptif. Parlant de la relativation, nous avons
découvert que le sujet, le complément d'objet direct et indirect
ainsi que les adverbes interrogatifs peuvent être relativés en
Shupamem. Il a été révélé que pendant la
focalisation et la relativation du sujet, la trace du sujet est
remplacée par le pronom résomptif. Et ceci se justifie par le
fait que le Shupamem n'admet pas que la position sujet soit vide. La
périphérie gauche est constituée des projections qui se
présentent dans l'ordre suivant :
SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2) SForce
> (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)
-
-
Abstract
In this dissertation, our goal was to analyze question
formation in Shupamem. More precisely, we wanted to explain the structures of
interrogative sentences that are peculiar to Shupamem. For this reason, our
main task was to identify questions markers, types of questions and the
structures of interrogative sentences. Also, our aim was to identify some of
the constraints and mechanisms that are generated by questions formation in
Shupamem. Our data revealed that questions are marked in Shupamem by the
following question markers:
` « ?
|
`
», « m?
|
», « n?Ì », « I », « nI
» and Wh words. In fact, we used the question markers « ?Ì
»,
|
iv
« m?Ì » and « n?Ì » in all
types of questions apart from rhetorical questions where we use « I »
and « nI ». In Wh questions, the question markers are the Wh word and
one of the following interrogators « ?Ì », « m?Ì
», « n?Ì », « I » or « nI ». We found
five (05) types of interrogative sentences in Shupamem. It was discovered that
Shupamem exhibits twelve (12) interrogatives structures. We noticed that
contrary to languages like French and English that admit question formation (as
in «yes» or «no» question) without questions markers, in
Shupamem, there is always a question marker in interrogative sentence.
Moreover, we found out that Shupamem is both a Wh in-situ and a Wh ex-situ
language. In fact, in this language, the Wh word can appear in sentence initial
position (ex-situ) as well as in sentence final position (in-situ). We should
note that the Wh phrase is in-situ when it is not focalized and is ex-situ or
in sentence initial position when it is focalized and when it appears in
verbless question.
Furthermore, we talked about the left periphery. And for this
reason, we talked about focalization, topicalisation and relativization.
Talking about focalization, we found out that all the constituents can be
focalized in Shupamem. And the main techniques used in focalization are
clefting and verb doubling. Talking about topicalisation, we discovered that
topicalised constituents are usually at sentence initial position and may leave
behind a resumptive pronoun. Our data revealed that subjects, objects and
adverbials can be relativized in Shupamem. Finally, it was revealed that
Shupamem does not allow any empty subject position and for this reason, in the
process of focalization and relativization of the subject, the trace of the
subject is replaced by a resumptive pronoun. From this analysis, we discovered
that the left periphery in Shupamem has the following projections in this
order:
- SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)
- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)
V
Abréviations et signes diacritiques
1sg : première personne du singulier
2pl : deuxième personne du pluriel 2sg :
deuxième personne du singulier AC : aspect
accompli
Accs : accord sujet
Adv Int : adverbe interrogatif
BB : bas bas
BH : bas haut
BHB : bas haut bas
BHH : bas haut haut
BHHBH : bas haut haut bas haut
F1 : futur immédiat
F2 : futur 1
F3 : futur 2
HAB : aspect habituel HB : haut
Bas
IMPF: imperfectif
INC: inchoative
INF: infinitif
INH: aspect inhérent
Int Or : interrogateur oratoire
Int : interrogateur
ISV : inversion sujet-verbe
IT : itératif
M.Int : marqueur de l'interrogation
Mot int : mot interrogatif
N AC : Aspect non-accompli
Nég : négation
Ø : morphème zéro
Op.cit. : (opus citatum ou opere citato)
déjà cité
P1 : passé 1
P2 : passé 2
vi
P3 : passé 3
P4 : passé 4
PERF : perfectif
PPR : pronom personnel de reprise
Pro Int : pronom interrogatif
PRS : présent
SInt : syntagme de l'interrogation
SAccor : syntagme de l'accord
SC : syntagme du complémenteur
SClivée : syntagme de la clivée
SFoc : syntagme du focus
SI : subordonnée interrogative
Spéc : spécifieur
SRél : syntagme de la relativation
STop : syntagme du topique
SVO : sujet verbe objet
V.I : verbe interrogatif
Signes diacritiques
/ '/ : ton haut / `/ : ton
bas
/ "/ : ton descendant
/ v / : ton montant
Index des tableaux, graphes et schéma
INTRODUCTION GENERALE Tableau 1 : Les
informateurs Chapitre I
Tableau 1 : Les consonnes en Shupamem
Tableau 2 : Variation contextuelle des consones, adapté de
Nchare (2012 : 23) Tableau 3 : Les voyelles en Shupamem
Tableau 4 : Différentiation des mots selon leur ton,
adapté de Nchare (2012 : 66)
vii
Tableau 5 : Récapitulatif des tons en Shupamem
Tableau 6 : Les classes nominales en Shupamem Nchare (2012 :99)
Tableau 7 : Les marqueurs temporels en Shupamem
Tableau 8 : Les marqueurs de la négation en Shupamem
Chapitre III
Tableau 1 : Les mots interrogatifs en Shupamem
Chapitre IV
Tableau 1 : Récapitulatif des caractéristiques des
types d'interrogations en Shupamem
Tableau 2 : Récapitulatif des structures des
interrogations en Shupamem Chapitre V
Tableau 1 : Les stratégies de focalisation en Shupamem
Index des graphes
Chapitre IV
Graphe 1 : Fréquence et pourcentage des structures des
interrogations en Shupamem
Index des cartes
Chapitre I
Carte N°1 : Langues standardisées du Cameroun
Carte N°2 : Le Shupamem dans le département du
Noun
Index des schémas
Chapitre I
Schéma 1 : Classification du Shupamem
parmi les langues du grassfields, Nchare (2012 :9)
vIII
Ix
Table des matières
Dédicace i
Remerciements iii
Résumé iv
Abstract v
Abréviations et signes diacritiques vi
Signes diacritiques vii
Index des tableaux, graphes et schéma
vii
Index des graphes viii
Index des cartes viii
Index des schémas viii
Table des matières ix
INTRODUCTION GENERALE 1
0.1 Problématique 1
0.2 Motivation de la recherche 1
0.2.1 Motivation scientifique 2
0.2.2 Motivation pédagogique 2
0.3 Objectif général de la recherche
3
0.4 Objectifs spécifiques de la recherche
3
0.5 Questions de recherche 3
0.6 Hypothèse générale de recherche
3
0.7 Hypothèses secondaires 3
0.8 Méthodologie 4
0.8.1 Approche minimaliste 4
0.8.2 Démarche empirico-inductive 4
0.8.3 Démarche hypothético-déductive
5
0.8.4 Population de recherche 5
0.8.4.1 Population cible 6
0.8.4.2 Population accessible 6
0.8.5 Echantillon de recherche 6
0.8.6 Instruments de collecte de données
6
0.9 Revue de la littérature 6
0.10 Corpus 8
0.11 Plan du travail 9
Chapitre I : PRESENTATION DE LA LANGUE 10
Introduction 10
1.1 Origine du peuple bamoun 10
1.2 Localisation du peuple bamoun 11
1.3 Localisation du Shupamem 11
1.4 Activité économique du peuple bamoun 11
1.5 Classification du Shupamem 12
1.6 Rappel phonologique 15
1.6.1 Les consonnes et les voyelles en Shupamem 15
1.6.1.1 Les consonnes en Shupamem 15
1.6.1.2 Distribution des consonnes en Shupamem 16
1.6.1.3 Les voyelles en Shupamem 17
x ix
1.6.1.4 Distribution des voyelles en Shupamem 17
1.7 Analyse suprasegmentale 18
1.7.1 Les tons du Shupamem 18
1.7.1.1 Les tons ponctuels 19
1.7.1.2 Les tons modulés 19
1.8 Les classes nominales en Shupamem 20
1.9 Les verbes en Shupamem 24
1.9.1 L'infinitif du verbe en Shupamem 24
1.9.2 La dérivation verbale 25
1.10 Les temps verbaux en Shupamem 25
1.11 Le présent 25
1.11.1 Le futur 25
1.11.1.1 Le futur 1 (Futur immédiat) 25
1.11.1.2 Le futur 2 (Futur proche) 26
1.11.1.3 Le futur F3 (Futur lointain) 26
1.11.2 Le passé 27
1.11.2.1 Le passé 1 (Passé immédiat) 27
1.11.2.2 Le passé 2 (Passé récent) 27
1.11.2.3 Le passé 3 (Passé lointain) 28
1.11.2.4 Le passé 4 (Passé très lointain)
28
1.12 Construction périodique et directionnelle du verbe en
Shupamem 29
1.13 Aspects du verbe 29
1.13.1 Aspect inhérent 30
1.13.2 Aspect perfectif 30
1.13.3 Aspect imperfectif 31
1.13.4 Aspect habituel 31
1.13.5 Aspect inchoatif 31
1.14 La quantification des procès 32
1.14.1 Le procès répétitif 32
1.14.2 Le procès itératif 32
1.15 La modalité temporelle 32
1.15.1 Le mode réel 33
1.15.2 Le mode irréel 33
1.15.3 La nécessité 33
1.16 La négation en Shupamem 34
1.16.1 La négation du présent 34
1.16.2 La négation du futur immédiat (F1) 35
1.16.3 La négation du futur proche (F2) 35
1.16.4 La négation du futur lointain (F3) 36
1.16.5 La négation du passé immédiat (P1)
36
1.16.6 La négation du passé récent (P2)
37
1.16.7 La négation du passé lointain (P3) 37
X
1.16.8 La négation du passé très lointain
(P4) 38
Conclusion 39
Chapitre II : CADRE THEORIQUE 40
Introduction 40
2.1 Le Programme Minimaliste 40
2.1.1.2 La fusion interne 43
2.1.1.3 Le déplacement 44
2.2 Les contraintes d'économie universelle 44
2.2.1 Le principe de dernier recours 44
2.2.2 Le principe d'avarice 45
2.2.3 Le principe de distance minimale 45
2.3 On Wh-movement 45
2.3.1 Le mouvement Qu laisse une trace 45
2.3.2 Le mouvement Qu se produit vers la position du
complémenteur 46
2.3.3 Le mouvement Qu est cyclique 46
2.3.4 Le mouvement Qu respecte la contrainte de la sous-jacence
46
2.3.4.1 La Contrainte de l'îlot Qu 47
2.3.4.2 La Contrainte du Syntagme Nominal Complexe 48
2.3.4.3 La Contrainte de la Structure Coordonnée 49
2.3.4.4 La Contrainte du Sujet Conditionné 49
2.4 Mouvement de l'argument (A-movement) 49
2.4.1 Mouvement de la tête (Head movement) 50
2.4.2 Mouvement du syntagme (Phrase movement) 50
2.4.3 Mouvement Qu 51
2.5 Mouvement Non argumental (A-bar movement) 51
Conclusion 52
Chapitre III : LES MARQUEURS DE L'INTERROGATION EN
SHUPAMEM 53
Introduction 53
3.1 Les marqueurs de l'interrogation en Shupamem 53
3.1.1 Les pronoms interrogatifs en Shupamem 54
3.1.1.1 Les pronoms interrogatifs monosyllabiques en Shupamem
54
3.1.1.2 Les pronoms interrogatifs polysyllabiques en Shupamem
55
3.1.2 Les adjectifs interrogatifs en Shupamem 56
3.1.3 Les adverbes interrogatifs en Shupamem 56
3.1.3.1 Adverbe interrogatif de lieu 57
3.1.3.2 Adverbe interrogatif de temps 57
3.1.3.3 Adverbe interrogatif de cause 57
3.1.3.4 Adverbe interrogatif de manière 58
3.1.3.5 Adverbe interrogatif de durée 58
3.1.3.6 Adverbe interrogatif de quantité 59
3.1.3.7 Adverbe interrogatif de prix 59
xi
3.1.4 Utilisation des marqueurs de l'interrogation «
?Ì», « m?Ì », « n?Ì »,
« ì» et « nì» 60
3.1.4.1 La distribution de « ?Ì », «
m?Ì » et « n?Ì » dans les interrogations en
Shupamem 63
3.1.4.2 La distribution de « ì » et
« nì » dans les interrogations en Shupamem 65
Conclusion 66
Chapitre IV : TYPOLOGIE DES QUESTIONS EN SHUPAMEM
67
Introduction 67
4.1 La phrase de base 67
4.2 Type d'interrogations en Shupamem 68
4.2.1 Interrogation totale 69
4.2.1.1 Interrogation totale directe 70
4.2.1.2 Interrogation totale indirecte 74
4.2.1.2.1 Les constituants de l'interrogation totale indirecte
75
4.2.1.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation totale
indirecte 76
4.2.2 L'interrogation Qu 76
4.2.3 Interrogation partielle directe 79
4.2.3.1 Les constituants de l'interrogation partielle directe
80
4.2.3.1.1 Distribution des constituants de l'interrogation
partielle directe 83
4.2.3.2 Interrogation partielle indirecte 84
4.2.3.2.1 Les constituants de l'interrogation partielle indirecte
85
4.2.3.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation
partielle indirecte 85
4.2.4 Interrogation alternative 85
4.2.4.1 Les constituants de l'interrogation alternative 86
4.2.4.2 Distribution des constituants de l'interrogation
alternative 86
4.2.5 Interrogation oratoire 87
4.2.5.1 Les constituants de l'interrogation oratoire 88
4.2.5.2 Distribution des constituants de l'interrogation oratoire
88
4.2.6 Interrogation averbale en Shupamem 89
4.2.6.1 Les constituants de l'interrogation averbale en Shupamem
90
4.2.6.2 Distribution des constituants de l'interrogation averbale
90
4.3 Analyse des interrogations à Qu multiple 93
4.3.1 Distribution des syntagmes Qu en Shupamem 96
Conclusion 98
Chapitre V : LA PERIPHERIE GAUCHE EN SHUPAMEM
99
Introduction 99
5.1 L'éclatement de SC 99
5.2 La focalisation 100
5.2.1 Focalisation du sujet 101
5.2.2 Focalisation du complément d'objet direct 105
5.2.3 Focalisation du complément d'objet indirect 107
5.2.4 Focalisation du complément circonstanciel 107
5.2.5 Focalisation du verbe 110
5.2.6 Focalisation des arguments dans les interrogations
averbales 112
xII I
5.2.7 Focalisation des adjoints référentiels 113
5.2.8 Focalisation des adjoints non référentiels
114
5.2.9 La focalisation postverbale en Shupamem 114
5.3 La topicalisation 117
5.3.1 Topicalisation du sujet 117
5.3.2 Topicalisation du complément d'objet 118
5.3.3 Topicalisation du complément circonstanciel 119
5.4 La relativation 119
5.4.1 Relativation du sujet 119
5.4.2 Relativation du complément d'objet direct 122
5.4.2.1 Le complémenteur né 124
5.4.3 Relativation du complément d'objet indirect 124
5.4.4 Relativation du complément circonstanciel 125
5.5 La cartographie de la périphérie gauche en
Shupamem 125
Conclusion 129
CONCLUSION GÉNÉRALE 131
REFERENCES 134
1
INTRODUCTION GENERALE
0.1 Problématique
De prime abord, il convient de noter que dans chaque
recherche, notre objectif est de résoudre un problème
particulier. Dans ce travail, nous voulons savoir comment l'interrogation est
formée en Shupamem. Ceci résulte d'une part du fait que certaines
structures interrogatives en Shupamem ne soient pas encore expliquées.
Et d'autre part, le nombre réduit des documents écrits qui
parlent de l'interrogation en Shupamem fait qu'il soit difficile de parler ou
d'expliquer les différents mécanismes observés lors de la
formation de certaines structures interrogatives dans cette langue. Il est
certes vrai qu'il existe une littérature sur le Shupamem, car nous
savons qu'aucune recherche n'est faite ex nihilo c'est-à-dire à
partir de rien. Pour cela, nous avons Boum (1977), «Esquisse
phonologique du bamoun». Djeunou (1981), «Le verbe en
bamoun''. Ondoua (2004), «La structure phrastique du Shupamem
: Une approche générativiste''. Nchare (2005),
«Une analyse minimaliste et dérivationnelle de la morphosyntaxe
du Shupamem». Nchare (2012), «The grammar of
Shupamem''. Ils ont tous menés des études très
variées sur le Shupamem, mais seulement, ils n'ont pas fait de notre
sujet l'objet principal de leurs différents travaux.
En outre, le Shupamem comme la plupart de langues
camerounaises connait un véritable problème de standardisation.
Ce travail vient à point nommé afin d'apporter un plus à
la standardisation du Shupamem. Nous devons le noter, la plupart de nos langues
nationales sont plutôt des langues à tradition orale
c'est-à-dire qu'elles ne sont pas écrites. Or, nous savons que
l'enseignement oral n'est pas le meilleur gage d'exactitude. Le plus souvent
les renseignements transmis sont sujets à des additions ou des
soustractions, à des modifications et des déformations, à
des exagérations et des confusions de tel point qu'il devient difficile
de distinguer la vérité de l'invention. Et aussi, l'enseignement
oral ne laisse pas de trace ; donc il est difficile que cet enseignement puisse
survivre au cours des années, et garder toute sa subtilité et sa
finesse d'antan. Tout ceci vient justifier la raison pour laquelle nous nous
sommes décidés à mener nos recherches sur cet aspect
particulier du Shupamem.
0.2 Motivation de la recherche
Notons que la motivation est l'ensemble des causes conscientes
et inconscientes qui sont à l'origine du comportement individuel. La
motivation est aussi le stimulus de la volonté qui donne une raison
d'agir. Tout acte que nous posons dans la vie a une motivation, à ce
moment précis, la motivation devient comme une sorte de justificatif ou
de mobil à nos actes. Cette recherche a deux motivations principales
à savoir : la motivation scientifique et la motivation
pédagogique.
2
0.2.1 Motivation scientifique
La motivation scientifique consiste en la recherche de rendre
compréhensible des connaissances ou des phénomènes qui ne
le sont pas. C'est grâce à la recherche scientifique que tout le
monde, spécialiste ou non, peut comprendre comment tel ou tel
phénomène fonctionne. C'est pour cette raison que la motivation
scientifique constitue le fondement de toute recherche. La motivation
scientifique nous permet de rendre notre tâche ou notre travail
explicable parce qu'elle est purement empirique, c'est-à-dire qu'on dit
ce qu'on voit, on parle de ce qu'on observe, on n'invente rien. Bref on
présente les faits tels qu'ils sont, sans rien n'ajouter ni rien
retrancher. Ce qui nous permet de dire que la motivation de cette recherche
vient du fait que nous voulons permettre aux chercheurs de comprendre comment
on forme l'interrogation en Shupamem. Nous voulons permettre aux chercheurs de
cerner et de différencier les transformations que subit une phrase
interrogative en Shupamem et de pouvoir les expliquer à leur tour. Donc,
nous voulons ici inventorier et répertorier les différents
mécanismes qui ont lieu pendant la formation des questions en
Shupamem.
0.2.2 Motivation pédagogique
La motivation pédagogique est d'une très grande
importance en ce fait que c'est grâce à elle que tout enseignement
est possible. Et nous savons tous quelle place l'enseignement occupe au sein de
notre société aujourd'hui. Et par ailleurs, à l'heure
actuelle ou l'Afrique en général et le Cameroun en particulier
est en train d'introduire dans le programme de l'enseignement scolaire
l'enseignement des langues nationales, il devient tout à fait urgent
pour nous de travailler dans le sens de rendre facile l'enseignement de nos
langues maternelles. Car comme le dit Diongue (1980 :21), «Ce que l'on a
sur le coeur, ne peut être bien exprimé que dans sa langue
maternelle». Cette recherche va inévitablement permettre aux
enseignants des langues nationales de comprendre le fonctionnement de certains
phénomènes grammaticaux en Shupamem. Elle permettra aussi aux
pédagogues d'aborder certaines leçons qu'ils seront
appelés à enseigner avec aisance et assurance sachant ce qu'ils
font et comment ils vont le faire. Et l'élève pourra alors
comprendre facilement la leçon qui lui est enseignée parce que
celle-ci est enseignée dans sa langue maternelle qu'il maîtrise
mieux. Diongue (1980 :55), confirme ceci en nous rappelant que «Toute
connaissance quel que soit sa nature ne peut être diffusée et
acceptée que dans une langue connue».
Par ailleurs, les langues africaines véhiculent et
sauvegardent nos cultures, car, comme le dit si bien Sow (1971 : 6), «Les
langues africaines demeurent dans nos sociétés où
l'oralité représente la forme de communication par excellence,
les témoins privilégiés de l'itinéraire culturel de
nos nations et les réceptacles de la pensée et de la civilisation
de nos peuples».
3
0.3 Objectif général de la recherche
L'objectif général de cette recherche est
d'expliquer la formation des questions en Shupamem.
0.4 Objectifs spécifiques de la recherche
L'objectif spécifique est une sous composante de
l'objectif général. C'est grâce aux objectifs
spécifiques que nous atteignons l'objectif général de
toute recherche. Les objectifs spécifiques constituent en quelque sorte
les différentes étapes d'une recherche. Dans le cadre de ce
travail, les objectifs spécifiques sont :
1) Identifier les différents marqueurs de l'interrogation
en Shupamem ;
2) Identifier la position du syntagme de l'interrogation en
Shupamem ;
3) Identifier les différentes possibilités de
formation des interrogations en Shupamem.
0.5 Questions de recherche
Nous utilisons les questions de recherche lorsque nous avons
à faire un travail descriptif et explicatif. Ce qui est les cas ici. Ce
travail est qualifié de descriptif parce que nous allons décrire
ou présenter ce qu'on voit. Il est aussi explicatif parce que nous
n'allons pas simplement présenter les faits, mais nous allons aussi les
expliquer afin de savoir le pourquoi de tel ou de tel mouvement ou de tel
phénomène. Pour mener à bien cette recherche, nous avons
retenu les questions suivantes :
1) Quels sont les différents marqueurs de l'interrogation
en Shupamem ?
2) Quelle place occupe le marqueur de l'interrogation en
Shupamem ?
3) Qu'est-ce qui justifie le déplacement ou non d'un
marqueur de l'interrogation en Shupamem ?
0.6 Hypothèse générale de
recherche
En Shupamem, l'interrogation se forme de deux façons :
soit par l'utilisation du marqueur de l'interrogation è,
m?Ì, nè, l et nl tous en fin de phrase
ou soit par l'utilisation du syntagme Qu et du marqueur de l'interrogation
?Ì, m?Ì, n?Ì, l et nl
tous en fin de phrase.
0.7 Hypothèses secondaires -
Hypothèse secondaire n°1
L'interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur
de l'interrogation ?Ì, m?Ì, nè
ou l'interrogateur oratoire l et nl.
- Hypothèse secondaire n°2
Le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu'il est
focalisé alors qu'il est in-situ lorsqu'il n'est pas focalisé.
4
- Hypothèse secondaire n°3
Le syntagme Qu est en initial de phrase dans les
interrogations averbales
0.8 Méthodologie
Il sera question pour nous ici de parler de la
méthodologie que nous avons utilisée dans le cadre de ce
travail.
0.8.1 Approche minimaliste
L'approche minimaliste est une approche descriptive et en
même temps explicative. Car ici, il est question de décrire les
phénomènes que nous observons mais aussi de les expliquer
c'est-à-dire de donner les raisons de tel ou de tel comportement
linguistique. C'est pour cette raison que nous avons opté pour cette
approche car elle va inévitablement nous permettre de comprendre
certaines structures syntaxiques des phrases interrogatives en Shupamem.
0.8.2 Démarche empirico-inductive
Dans ce travail, nous allons utiliser la démarche
empirico-inductive. Ici on ne part pas a priori d'une théorie, mais, on
part d'une problématique, c'est-à-dire d'une question que l'on
pose à un ensemble de phénomènes. On va d'abord recueillir
de nombreuses données, les catégoriser et les ordonner. Et par la
suite, on formule un schéma de compréhension organisant la
compréhension du fonctionnement global des phénomènes.
C'est pourquoi Gondard-Delcroix (2007 :26) estime que «cette
méthode est plus apte à révéler une information
à la fois riche et précise».
La méthode empirico-inductive consiste à
s'interroger sur le fonctionnement et sur la signification de
phénomènes humains qui éveillent la curiosité du
chercheur. Elle recherche des réponses dans les données, en
incluant les interactions mutuelles entre les diverses variables observables
dans le contexte global d'apparition du phénomène, dans son
environnement, ainsi que les représentations que les sujets s'en font
(enquêteur comme enquêtés, l'observateur étant
également observé). II s'agit de comprendre c'est-à-dire
de donner du sens à des évènements spécifiques et
non d'expliquer des lois universelles de causalité. Selon
Gondard-Delcroix op.cit., cette approche méthodologique et
épistémologique se caractérise par les dix points suivants
:
1) Une recherche qualitative est inductive : les chercheurs
tentent de développer une compréhension des
phénomènes à partir d'un tissu de données,
plutôt que de recueillir des données pour évaluer un
modèle théorique préconçu ou des hypothèses
a priori ;
2)
5
Dans une méthodologie qualitative, les sujets ou les
groupes ne sont pas réduits à des variables, mais sont
considérés comme un tout : le chercheur qualitatif étudie
le contexte dans lequel évoluent les personnes ainsi que le passé
de ces dernières ;
3) Le chercheur est attentif à l'effet qu'il produit
sur les personnes concernées par son étude : cet effet
d'interaction inévitable doit être pris en compte dans
l'interprétation des données ;
4) Le chercheur essaie de comprendre les sujets à
partir de leur système de référence : il observe la
signification sociale attribuée par les sujets au monde qui les entoure
;
5) Le chercheur ne met pas ses propres convictions,
perspectives et prédispositions en avant : rien n'est pris
d'emblée comme « vérité » ;
6) Tous les points de vue sont précieux ;
7) Les méthodes qualitatives relèvent d'un
courant humaniste qui implique l'ouverture à l'autre et au social ;
8) Les chercheurs insistent sur la qualité de
validité de leur recherche : en observant les sujets dans leur vie
quotidienne, en les écoutant parler, ils obtiennent des données
non filtrées et donc non tronquées par des concepts a priori, des
définitions opérationnelles ou des échelles de mesure et
de niveau ;
9) Tous les sujets sont dignes d'étude mais restent
uniques ;
10) La recherche qualitative exige, plus que l'utilisation
des techniques, un savoir-faire : elle n'est pas standardisée comme une
approche quantitative et les manières d'y parvenir sont souples ; le
chercheur crée lui-même sa propre méthodologie en fonction
de son terrain d'observation.
0.8.3 Démarche
hypothético-déductive
La démarche hypothético-déductive est une
méthode scientifique qui consiste à formuler une hypothèse
afin d'en déduire des conséquences observables futures
(prédiction), mais également passées
(rétrodiction), permettant d'en déterminer la validité.
Elle part du connu pour arriver à l'inconnu, du particulier pour aller
au général, du concret pour aller vers l'abstrait. Elle est une
méthode de recherche qui vise à conduire l'apprenant à une
vérité à laquelle on voudrait aboutir.
0.8.4 Population de recherche
La population d'étude est l'ensemble dont les
éléments sont choisis parce qu'ils possèdent tous une ou
plusieurs caractéristiques communes et sont de même nature. Deux
termes sont très importants quand on parle de la population de
recherche. Il s'agit de la population cible et de la population accessible.
6
0.8.4.1 Population cible
Selon Njifon (2011), la population cible est l'ensemble des
individus sur lesquels les résultats d'une étude peuvent
être appliqués. Le résultat de cette recherche sera
important aux chercheurs qui s'intéressent au Shupamem.
0.8.4.2 Population accessible
La population accessible est la partie de la population dont
l'accès s'offre aisément au chercheur sans difficultés
manifestes. La population accessible de notre recherche est tout locuteur natif
du Shupamem et qui a une maîtrise parfaite du Shupamem.
0.8.5 Echantillon de recherche
Un échantillon est un ensemble d'individus extraits
d'une population étudiée de manière à ce qu'il soit
représentatif de cette population, au moins pour l'objet de
l'étude. Pour ce faire, on peut le tirer de façon
aléatoire, par un ensemble de méthodes mathématiquement
très contraignantes, ou quand ces méthodes se
révèlent impossibles à appliquer, par des méthodes
pratiques comme la méthode des quotas1.
0.8.6 Instruments de collecte de données
Pour conduire notre analyse, nous avons collecté les
données auprès de nos informateurs. Pour ce faire, nous avons
utilisé les instruments de collecte de données qui sont le
questionnaire et l'interview.
0.9 Revue de la littérature
Bien qu'étant une langue peu étudiée, le
Shupamem a tout de même constitué un champ d'étude à
bon nombre de personnes. C'est ainsi que quelques travaux ont été
recensés à savoir :
1. Esquisse phonologique du bamoun, (Boum 1977) ;
2. Le verbe en bamoun, (Djeunou 1981) ;
3. La structure phrastique du Shupamem : Une approche
générativiste, (Ondoua 2004) ;
4. Une analyse minimaliste et dérivationnelle de
la morphosyntaxe du Shupamem, (Nchare 2005) ;
5. The grammar of Shupamem, (Nchare 2012).
Boum (1977), dans «Esquisse phonologique du
bamoun» a mené une étude sur la phonologie du Shupamem,
ce qui lui a permis de répertorier les consonnes et les voyelles dans
cette langue et de dresser les différents tableaux consonantiques et
vocaliques en Shupamem ; toute chose qui nous permet d'avoir une idée
sur sa phonologie.
1Pourcentage respectif des différentes
catégories démographiques ou socioprofessionnelles qui
constituent une population totale, qui permet d'établir un
échantillon représentatif dans une enquête par sondage.
7
Djeunou (1981), dans «Le verbe en bamoun»,
s'est attelé à étudier le verbe en Shupamem. Cette
étude occupe une place très importante parce que faisant partie
des toutes premières études menées sur le verbe en
Shupamem. Djeunou (1981) a étudié la structure du verbe en
Shupamem pour cela ; il a pu identifier le marqueur de l'infinitif en Shupamem
et la place que ce marqueur occupe. Par ailleurs, il a aussi
étudié la dérivation verbale en Shupamem. C'est justement
pour cette raison qu'il a parlé de l'aspect, du temps et du mode dans
cette langue.
Ondoua (2004), dans «La structure phrastique du
Shupamem : Une approche générativiste»,
étudie la structure de la phrase en Shupamem. Il analyse en particulier
la structure des syntagmes et celle des phrases.
Nchare (2005), dans «Une analyse minimaliste et
dérivationnelle de la morphosyntaxe du Shupamem» s'est
attelé à parler du Shupamem sur le plan de sa morphologie et de
sa syntaxe. A travers cette étude, Nchare étudie les mouvements
des constituants en Shupamem ainsi que les propriétés
morphosyntaxiques de cette langue.
Et pour se faire, il a étudié la
morphosyntaxe2 du syntagme du déterminant et cela lui a
permis d'établir les différentes classes morphologiques et
sémantiques du substantif en Shupamem.
Par la suite, il a aussi examiné la morphosyntaxe du
syntagme verbal ou il a étudié le système aspecto-temporel
et modal, ceci pour avoir une idée claire et précise sur les
éléments qui constituent le syntagme verbal en Shupamem.
En outre, Nchare (2005) a étudié la
morphosyntaxe de la négation pour savoir les éléments du
syntagme de la négation en Shupamem.
Nchare (2005) a aussi étudié les questions en
Shupamem et de cette étude, il ressort que c'est la focalisation qui
déclenche le mouvement du syntagme Qu en Shupamem.
Finalement, Nchare (2005) nous a permis de comprendre à
travers cette étude que la variation dans l'ordre des mots se traduit
par les déplacements de certains constituants vers les
2 Selon Parisse (2010), la morphosyntaxe concerne l'ensemble
des structures qui permettent de construire grammaticalement un
énoncé. Elle porte aussi bien sur les formes des mots flexions
régulières et irrégulières, variantes
irrégulières de certains noms et verbes, l'agencement des marques
syntaxiques autour du nom (déterminants, etc.), du verbe (pronoms,
etc.), de l'adjectif, de l'adverbe, et enfin de l'organisation des mots et
groupes de mots dans un énoncé ou une phrase. Dans la langue
française, tous les niveaux d'organisation langagière sont
touchés de manière importante par la morphosyntaxe. On
distinguera quatre niveaux de morphosyntaxe : lexical (racine des mots),
flexionnel (terminaison des mots), contextuel (marqueurs syntaxiques ayant un
caractère obligatoire et dont l'emplacement est strictement
déterminé) et positionnel (organisation des mots ou groupes de
mots présentant une certaine flexibilité). Ces quatre niveaux
d'organisation correspondent le plus souvent à l'âge des
structures langagières et à leur évolution au cours du
temps, des plus anciennes (lexicales) au plus récentes (positionnelles).
Par contre, l'utilisation est largement indépendante de l'âge des
structures et tous les niveaux interagissent dans la morphosyntaxe du
français actuel.
8
différentes positions dans la phrase. En fait ceci
revient à dire que la structure de la phrase varie avec le type de
phrase.
Dans la thèse de Nchare (2012) intitulé
«The grammar of Shupamem», il a mené une
étude globalisante sur le Shupamem, c'est ainsi qu'il a examiné
tour à tour la phonétique, la phonologie, la sémantique et
la syntaxe. Ce qui nous permet de dire qu'il a étudié des aspects
très variés de la grammaire du Shupamem.
0.10 Corpus
Pour réaliser ce travail, nous avons collecté
les données sur le terrain. La collecte des données s'est faite
par le biais d'un questionnaire. Notre questionnaire a été
divisé en quatre parties. La première partie nous a permis
d'identifier les marqueurs de l'interrogation en Shupamem. La deuxième
partie quant à elle a contribué à l'identification des
types et des formes des phrases interrogatives en Shupamem. La troisième
partie était consacrée sur les structures des interrogations en
Shupamem. La quatrième partie nous a permis de parler de la
focalisation, de la topicalisation et de la relativation en Shupamem. Nous
avons aussi utilisé les interviews pour collecter nos données.
Ces interviews avaient pour but d'amener nos informateurs à nous
apporter plus de clarifications sur certains aspects importants du Shupamem
tels que les interrogations averbales, les interrogations à Qu in-situ
ou à Qu ex-situ. Nous avons aussi utilisé les documents
écrits sur le Shupamem tels que le mémoire de DEA de Nchare
(2005) intitulé : «Une étude minimaliste et
dérivationnelle de la morphosyntaxe du Shupamem», le livre
d'Emmanuel Matateyou (2008), «Palabres au Cameroun». Nous
avons aussi utilisé la thèse de Nchare (2012) intitulé :
«The grammar of Shupamem».
Le tableau ci-dessous est celui de nos informateurs.
Tableau 1 : Les informateurs
INFORMANTEURS
|
STATUS SOCIAL
|
RESIDENCE
|
AGE
|
SEXE
|
M. MBOUOBOUO Mama
|
Enseignant de français
|
Foumban
|
45
|
M
|
M. NJIKAM Chouaibou
|
Commerçant
|
Foumbot
|
50
|
M
|
Mme NJAPDOUNKE Mariama
|
Enseignante de français
|
Foumban
|
49
|
F
|
M. CHAYOU Thomas
|
Cultivateur
|
Foumban
|
51
|
M
|
Mme MFOUNSIE Souliatou
|
Cultivatrice
|
Koutaba
|
60
|
F
|
M. PELENA Alain
|
Commerçant
|
Magba
|
51
|
M
|
M. NKUTCHEM Mathieu
|
Instituteur retraité
|
Malatouen
|
62
|
M
|
9
Sur le tableau ci-dessus, nous avons tous les informateurs qui
nous ont aidés dans le cadre de ce travail. Nous avons par ailleurs
donné les informations sur le statut social, la résidence,
l'âge et le sexe de nos informateurs.
0.11 Plan du travail
Ce travail intitulé «La structure de la phrase
interrogative en Shupamem» comporte cinq chapitres. Le chapitre 1
intitulé « Le peuple bamoun et le Shupamem » parle
brièvement du peuple bamoun, tout en retraçant leur origine. En
outre, il présente un aperçu phonétique et phonologique du
Shupamem. Pour finir, il recense les temps verbaux dans cette langue. Le
chapitre 2 intitulé « Cadre théorique »
présente la théorie sur laquelle nous nous sommes appuyés
pour mener cette recherche. Le chapitre 3 intitulé « Les
marqueurs de l'interrogation en Shupamem » identifie les marqueurs de
l'interrogation en Shupamem. Le chapitre 4 intitulé «Typologie
des questions en Shupamem » parle de la distribution des constituants
de la phrase interrogative d'une part, et d'autre part, il identifie et
explique les différents mouvements que subissent les constituants des
phrases interrogatives en Shupamem. Le chapitre 5 intitulé « La
périphérie gauche en Shupamem » parle de la
focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Et par ailleurs, il
nous permet aussi d'identifier la cartographie de la périphérie
gauche en Shupamem.
10
Chapitre I :
|
PRESENTATION DE LA
LANGUE
|
Introduction
Dans ce chapitre, il sera question pour nous de parler du
peuple bamoun, du système consonantique et vocalique du Shupamem ainsi
que de classes nominales, du verbe et de la négation.
1.1 Origine du peuple bamoun
Les origines du peuple bamoun remontent au 13ème
siècle. Les bamouns sont partis de Bankin, sous la conduite de Nchare.
Selon Nicod (2002), le royaume bamoun a été fondé par
Share yen. En fait, après la mort de Fonrifum (Roi de Rifum ou Tikar),
son fils Dikum, au détriment du très ambitieux Nchare est
désigné comme successeur. Ce dernier en est très
vexé, et sa mère, la reine Yen, se sent déshonorée.
D'un commun accord et sous la conduite de Nchare, ils décident de s'en
aller hors du royaume qui se trouve à Bankin. La reine réunit
donc ses enfants et quelques fidèles et prennent la direction de
Léké où ils prennent refuge. Mais malheureusement, ils
constatent très vite qu'ils sont en insécurité et
décident de progresser vers la droite à l'Ouest. L'un des neveux
du feu roi nommé Njimongha qui connaît mieux le pays et a souvent
entendu parler de la cruauté des hommes d'une tribu Tikar nommée
Manté, suggère alors à ses compagnons de se diriger vers
la gauche afin de traverser le fleuve Ripah (actuel Mbam) à son
confluent avec le fleuve Mvi et de se rendre à Njipou. Suivant cet
itinéraire, les fugitifs arrivent sans encombre au bord du fleuve Mbam.
C'est là que se présente le premier obstacle. Le groupe
présente un poids supérieur à celui que peut supporter la
pirogue qu'il doit emprunter pour traverser le fleuve Mbam. A ce niveau, il est
important de désigner ceux des membres du groupe qui auront un
rôle important à jouer. Ce sont les cinq enfants de la reine YEN :
Fomban, Koumjouon, Nchare, Mfom et Nguonsoh, qui empreinte la pirogue. Quand
ils atteignirent l'autre rive, la reine Yen ordonna que la pirogue fût
détruite, condamnant ainsi deux de ses enfants et leurs compagnons
à demeurer sur les terres des Tikars.
Durant la marche pour l'assaut de Njimon, ils conquirent
plusieurs tribus en soumettant de nombreux rois. Ainsi tombèrent :
Fondouobouh, Nfonpalap, Fonpayat, etc.
Après, vint le jour où il fallut choisir un
guide (roi) pour diriger le groupe de conquérants d'origine Tikar. La
tradition voulant que ce fût quelqu'un ayant un sang noble, ce guide ne
pouvait être que l'un des fils ou des filles du Roi Fonrifum ; plus
précisément un des
11
enfants de feue la reine Yen. Les aspirants furent Koumjouom,
Nchare et leur soeur Mfom. Les trois prétendants devaient faire une
compétition en vue de la désignation du roi. La discipline
choisie fut une course sur une distance d'un peu moins de cents mètres
à partir du tronc d'arbre où étaient assis les trois
prétendants. Le premier à poser le pied sur la pierre allait
devenir le roi. Njimongha, en sa qualité de neveu de Forifoum, fut
chargé de donner le signal de départ. Koumjouom, grand, costaud
et bien bâti d'un point de vue sportif, jubilait d'avance. Il voyait bien
qu'il partait favori. Face à lui, Nchare, petit et fluet n'avait aucune
chance... Pourtant, tout le monde souhaitait que Nchare devienne roi. La raison
était simple : au contraire de son frère qui était
arrogant et antipathique, Nchare était modeste, affable et sociable.
Quand approcha l'heure du départ, Njimongha s'avança très
discrètement vers Mfom et lui donna quelques consignes. Celle-ci alla
s'asseoir sur le tronc d'arbre, emprisonna sous ses fesses, un pan du pagne de
Koumjouom. Quand Njimongha vint donner le signal du départ, Mfom eut de
la peine à lever son gros corps, comme par mégarde, retardant en
même temps le démarrage de Koumjouom. Nchare fonça
tête basse et gagna la compétition. Nchare devint Roi et
l'état bamoun est proclamé et Njimom devient la première
capitale du royaume.
Né autour des années 1873-1874 selon Njele
(2010), le roi Njoya est le concepteur du shumom qu'il utilise pour transcrire
la parole bamoun.
1.2 Localisation du peuple bamoun
Le peuple bamoun est localisé au Cameroun plus
particulièrement dans la région de l'Ouest et dans tout le
département du Noun. Le département du Noun a une superficie de 7
700 km2 et est peuplé d'environ 820 000 habitants. Il couvre
plus de la moitié de la Région de l'Ouest. Il est
constitué d'un haut plateau (700 m) à l'ouest, surmonté de
trois massifs alignés le Mbapit (1910 m), Nkogham et le Mbam (2200 m) et
d'une plaine encaissée au pied de la falaise à l'Est de Foumban.
Cette plaine longe la rive du Mbam jusqu'au point de confluence avec le Noun
près de Bafia.
1.3 Localisation du Shupamem
Le Shupamem est parlé au Cameroun dans la région
de l'Ouest et plus particulièrement dans le département du Noun
dont le chef-lieu est Foumban. C'est la seule langue parlée dans le
département du Noun par le peuple bamoun.
1.4 Activité économique du peuple
bamoun
D'après Matateyou (1990 :90), l'économie du Noun
est dominée par la sculpture, la poterie, la fonderie, la pêche,
l'agriculture et l'élevage. La principale activité
économique du peuple bamoun est l'agriculture comme le pense Tardits
(1980). Cela s'explique sans doute par le fait qu'ici, la terre est très
fertile et à cela, il faudrait ajouter le fait que cette partie du
12
pays a une terre volcanique, ceci dans les arrondissements de
Kouoptamo, Baïgom et de Foumbot en particulier.
1.5 Classification du Shupamem
Dieu et Renaud (1983) classe le Shupamem dans la zone 9. Le
Shupamem est classé sous le code 901. Nchare (2012 :9) propose la
classification suivante du Shupamem :
(1) Grassfields étendu
Grassfields étroite Grassfields
périphérique
Nomo Ndemly Est Ring Ambele Ouest Menchum
Bantu Grassfields Momo
(1) Nord (2) Mbam-Nkam
Noun
(i) mu?gaka
(ii) bamum [a]Shupamem
[b] bafanji
[c] bamali
[d] bambalang
[e] banbolan
(iii) mamenyam
Schéma 1 : Classification du Shupamem parmi les
langues du grassfields adapté de Nchare (2012 :9)
Ce schéma nous permet de noter que le Shupamem appartient
au groupe grassfields-Est (Mbam-Nkam) et plus particulièrement au
sous-groupe Noun.
Dans la carte suivante, nous allons représenter le
Shupamem au sein des langues standardisées du Cameroun.
13
Carte 1 : Langues standardisées du
Cameroun
002 : kanuri
900 : mungaka 902 : m?d?mba 951 : ?gy?mb??? 952:
y?mba
960: gh?mala' 970: fe ìfeì
601 duala
802 tiv
Jukun 701
kut?b 702
401 basa'a
403 b?tifa?
720 v?te
001 fulfulde
351 mbum
001 fulfulde
381 gbaya
309 baka
001
Source : Atlas Administratif des langues nationales du
Cameroun (1991 : 19) une adaptation d'Ernest NJIFON NGOUPAYOU Source : Atlas
Administratif des langues natio
Cette carte nous permet de localiser le Shupamem au Cameroun.
14
La carte suivante nous permet de localiser l'aire linguistique du
Shupamem au Cameroun.
Carte N°2 : Le Shupamem dans le département
du Noun
DONGA -MANTUM
MAYO-BANYO
501 : tikari
BUI
MEZAM
MAGBA
FOUMBAN
BAMBOUTOS
MALATOUEN
KOUTABA
kOUOPTAMO
MBAM-ET-KIM
MIFI
MASSANGAM
KOUNG-KHI
MBAM-ET-INOUBOU
NDEì
BANGOURAIN NJIMON
901 : sh?pam?m
Département
Limites
Chef-lieu
Arrondisse- ment
Limites
Désignation
Langues
sh?pam?m
Dialectes
Parlers
Source : Atlas Administratif des langues nationales du
Cameroun (1991), une adaptation d'Ernest NJIFON NGOUPAYOU
15
Cette carte nous permet de noter que le Shupamem est la seule
langue parlée dans tout le département du Noun. Le
département du Noun est limité à l'Ouest par les
départements du Mbam-et-Kim et du Mbam-et-Inoubou, au Nord-Ouest par le
département du Donga Mantung et au Nord-Est par l'Adamaoua.
1.6 Rappel phonologique
Essono (2006 :167) définit la phonologie comme :
« La discipline qui prend en charge l'étude des
phonèmes. Elle analyse les propriétés distinctives des
sons de la parole. En relation avec le signifié, la phonologie
étudie dans une langue donnée, les unités phoniques du
point de vue de leur fonction. Elle interprète et rend compte de
l'utilisation des sons par l'homme pour communiquer. En définitive, la
phonologie est l'étude scientifique du système des
phonèmes et de leurs règles de combinaisons. »
1.6.1 Les consonnes et les voyelles en Shupamem
Dans un premier temps, nous allons parler des consonnes.
1.6.1.1 Les consonnes en Shupamem
En nous appuyant sur les consonnes répertoriées par
Boum (1977) et Nchare (2005,
2012), nous avons recensé 25 consonnes en Shupamem. Ces
consonnes sont les suivantes :
[p, b, t, d, k, g, f, v, s, z, ?, ?, m, n, ?, ?, l, r, ?, ÷,
kp, gb, j, w, ?]
Le tableau suivant nous permet de classer les consonnes selon
leurs places et modes
d'articulation.
Tableau1 : Les consonnes en Shupamem
Point
d'articulation
Mode
d'articulation
|
Labiales
|
Alvéo laires
|
palatales
|
Vélaires
|
uvulaires
|
Labio-vélaires
|
Glottales
|
Occlusives
|
p b
|
t d
|
|
k g
|
|
kp gb
|
?
|
Fricatives
|
f v
|
s z
|
? ?
|
?
|
÷
|
|
|
Nasales
|
m
|
n
|
?
|
?
|
|
|
|
Latérale
|
|
l
|
|
|
|
|
|
Vibrantes
|
|
r
|
|
|
|
|
|
Semi-voyelles
|
|
|
j
|
|
|
w
|
|
Dans ce tableau, nous avons recensé et classé
toutes les consonnes que nous avons en Shupamem.
16
1.6.1.2 Distribution des consonnes en Shupamem
Il est question pour nous ici d'identifier le contexte
d'apparition des consonnes en Shupamem. En fait, nous allons plus
particulièrement nous intéresser aux consonnes qui changent de
forme selon leur contexte d'apparition.
Selon Nchare (2005: 23), les consonnes [p, d et g] changent
selon leur contexte d'apparition. En plus de ces consonnes identifiées
par Nchare nous avons aussi découvert que /j/
change selon son contexte d'apparition. Nous allons dans la section
suivante parler de changement de ces différentes consonnes.
1.6.1.2.1 Le phonème /p/ se réalise [b]
après la nasale
Le phonème /p/ se
réalise [b] après la nasale comme nous indiquent les exemples
suivants :
(2) a. pa'm : arrête ji'n ba`m : arrêter
b. po'n?Ì : rassemble ji'n bo'n?Ì : rassembler
c. pu'?n?Ì: la précipitation ji'n bu'?n?Ì:
se précipiter
Les exemples (2a, b et c) nous permettent de voir que
/p/ se réalise [b] après la
nasale. Le phonème /l/ se réalise [d] après la
nasale
Nchare (2005 :23), nous montre que le phonème /l/ se
réalise [d] après la nasale. Observons les exemples suivants :
(3) a. li'?Ìr?ì : filtre ji'n
di'?Ìr?Ì : filtrer
b. l?ìr?Ì : montre ji'n d?ìr?Ì :
montrer
c. la'm i` : marie-le ji'n da'm : marier
d. la?â i` : frappe-le ji'n da'p : frapper
Les exemples (3a, b, c et d) nous montrent clairement que le
phonème /d/ se réalise [l] après la nasale.
1.6.1.2.2 Le phonème / ÷/ se réalise
[g]après la nasale
Considérons les exemples suivants :
(4)a. ÷u?pm?: la pensée ji'n gu'pm?Ì:
penser
b. ÷u'm?: respect ji'n gu`m?: respect
La constrictive vélaire/÷/ devient une occlusive
vélaire sonore [g] après une nasale. 1.6.1.2.3 Le
phonème / j / se réalise [?]après la nasale
Observons les exemples suivants :
(5) ja`n?Ì: sèche ji'n ?a`n?Ì:
sécher
(6) jo`r?Ì: met de l'eau ji'n ?o`r?Ì :mettre de
l'eau
Le phonème / j / devient [?] après la nasale.
17
Tableau 2 : Variation contextuelle des consonnes,
adapté de Nchare (2005 : 23)
Phonèmes
|
Initiale de mot
|
Après la nasale
|
/p/
|
[p]
|
[b]
|
/l/
|
[l]
|
[d]
|
/X /
|
[X]
|
[g]
|
/ j /
|
[j]
|
[3]
|
Comme nous pouvons le constater à travers le tableau
ci-dessus, en Shupamem les phonèmes / p, d, X et j / changent selon
qu'elles se trouvent en initial de mot, après le nasale ou entre deux
voyelles. Nous devons noter que ce changement se fait
généralement avec les verbes et les noms dérivés
des verbes.
1.6.1.3 Les voyelles en Shupamem
Dans cette partie, nous allons recenser et catégoriser
les voyelles que le Shupamem comporte. Nous allons nous inspirer des voyelles
recensées par Boum (1977) et Nchare (2005, 2012).
Tableau 3 : Les voyelles en Shupamem
Point
d'articulation
Aperture
|
Antérieures
|
Centrales
|
Postérieures
|
Fermées
|
i y
|
} u
|
tu u
|
Mi- fermées
|
e
|
a
|
o
|
Mi- ouvertes
|
E
|
|
a
|
Ouvertes
|
|
a
|
|
Comme nous pouvons le constater, il existe en Shupamem 12
voyelles reparties comme nous indique le tableau ci-dessus.
1.6.1.4 Distribution des voyelles en Shupamem
En Shupamem, certaines voyelles changent totalement dans
certains contextes. Selon Nchare (2004 : 24), la suffixation de la voyelle [a]
à la marque du possessif / 1 / et /ù/ donne respectivement [e] et
[o].
1.6.1.4.1 / i / se réalise [e]après [a]
Observons les exemples suivants :
(7)a. ndà-1 : sa maison ndè : sa
maison
b. jiìn 3A- 1 : compatir en sa faveur jiìn
3è : compatir en sa faveur
c. ntaà- 1 : son frère jumeau ntè : ton
frère jumeau
d. jiìn faà- 1: l'avoir jiìn fè :
l'avoir
e. jiìn taà- 1: laisser jiìn tè : le
laisser
18
Comme nous pouvons le constater [à + 1] = / è /.
1.6.1.4.2 /u/se réalise[o]après[a]
Soient les exemples suivants :
(8) a. ndà-ù: ta maison ndô : ta maison
b. ntà- ù : ton frère jumeau ntô :
ton frére jumeau
c. jiìn 3à- ù : compatir en sa faveur
jiìn 36 : compatir en sa faveur
[à ] + [ù] = / ô /, c'est ce que nous
montrent les exemples (8a, b et c).
1.7 Analyse suprasegmentale
Nous allons parler ici des tons utilisés en
Shupamem.
1.7.1 Les tons du Shupamem
D'après Essono (2006), le ton est un trait prosodique,
un palier mélodique sur lequel chaque syllabe est
réalisée. Wiesemann et al (1983), quant à eux pensent que
le ton est la hauteur relative de la voix pendant l'exécution d'un ton.
Les tons sont généralement classés selon leur nature et
leur fonction. Sur le plan de leur nature, on distingue les tons ponctuels et
les tons modulés. Alors que sur le plan purement fonctionnel, nous
distinguons les tons lexicaux et les tons grammaticaux. Notons aussi que le
Shupamem est une langue à ton parce que dans cette langue, le ton est
utilisé à des fins distinctives, c'est-dire pour
différencier les mots qui ont une même orthographe. Le Shupamem
comporte quatre tons : le ton haut, le ton bas, le ton haut bas (HB) et le ton
bas haut (BH). Observons le tableau suivant :
Tableau 4 : Différentiation des mots selon leur
ton, adapté de Nchare (2012 : 66)
Singulier
|
Pluriel
|
Traduction
|
nìkàâ
|
ni?kà
|
Le fusil
|
sàsÉrâ
|
sàsÉrà
|
La sauterelle
|
fèk?ìr0
|
fÉkÉrÉ?
|
Le tamis
|
màlôri?
|
màlôri?
|
Le riz
|
firà
|
fiìrà
|
Le piège
|
làrà
|
làrà
|
Le pont
|
Dans ce tableau, nous avons deux colonnes des mots qui
s'écrivent tous de la même façon. D'un côté,
nous avons le singulier et de l'autre côté nous avons le pluriel
des mots. Ces deux colonnes se distinguent par les tons. Dans ce cas
précis, le ton a une fonction distinctive (voir Njoya (2009) pour plus
d'éclaircissement). Ce qui nous amène à conclure que, le
ton nous permet de différencier entre le singulier et le pluriel en
Shupamem.
19
1.7.1.1 Les tons ponctuels
Les tons ponctuels sont les tons qui gardent la même
hauteur pendant la réalisation de la syllabe. En nous appuyant sur
Nchare (2012), nous distinguons deux tons ponctuels en Shupamem à savoir
: le ton haut et le ton bas.
1.7.1.1.1 Le ton haut
Le ton haut renvoie à l'élévation du ton
sur une syllabe. Conventionnellement, le ton haut est noté par le signe
diacritique suivant / '/, (accent aigu) placé au-dessus de la voyelle
où il y a accentuation.
(9) a. nkâp : richesse
b. méviì : la chèvre
c. mésiì : l'oiseau
d. nfâ : le poisson
e. mbiì : cafard Nchare (2012 :46)
Les exemples (9a, b, c, d et e) illustrent le ton haut.
1.7.1.1.2 Le ton bas
Le ton bas renvoie à l'abaissement du ton sur certaines
syllabes lors de leur réalisation. Le ton bas se note par l'accent grave
/ `/ placé sur le centre de
syllabe.
(10) a. pàm : le sac Nchare (2012 :458, ex. 4a)
b. 3àm : la hache
c. pàJàm : les animaux
d. pùm : l'oeuf
Les exemples (10a, b, c et d) illustrent le ton bas en
Shupamem.
1.7.1.2 Les tons modulés
Un ton modulé est un ton qui résulte de
l'association de deux tons ponctuels. En Shupamem, il existe deux tons
modulés : le ton haut bas (HB) et le ton bas haut (BH).
1.7.1.2.1 Le ton haut bas
Le ton haut bas (HB) est la combinaison du ton haut et du ton
bas. Le ton haut bas (HB) se note comme suit : / 7.
(11) a. ndâ : vraiment
b. pô : avec
c. ndâp : le fil
d. pâ : est (verbe être)
e. rjârjâ : maintenant
Nous pouvons noter à travers les exemples (11a, b, c et
d) que le ton haut bas existe en Shupamem.
20
1.7.1.2.2 Le ton bas haut
Le ton bas haut (BH) est la combinaison du ton bas et du ton
haut. Le ton bas haut (BH) est noté / /.
(12) a. na? : maman
b. wa? : père
c. so : scie
d. la?p : tas
e. m?? : je
Cette analyse nous permet de noter qu'il existe en Shupamem
deux combinaisons de tons ponctuels possibles : le ton haut bas / à/
comme indiquent les exemples (11a, b, c, et d), et le ton bas haut (BH)
noté / / comme indiquent les exemples (12a, b, c, et d). Le tableau
suivant récapitule les différents tons du Shupamem.
Tableau 5 : Récapitulatif des tons en
Shupamem
Type des tons
|
Exemples
|
Tons ponctuels
|
Ton haut
|
jiì : ceci
|
Ton bas
|
jwoÌ : cela
|
Tons modulés
|
Tons hauts bas (HB)
|
pô : avec
|
Tons bas hauts (BH)
|
wa? : père
|
Ce tableau nous permet de récapituler les
différents types de tons en Shupamem.
1.8 Les classes nominales en Shupamem
Comme toutes les langues bantoues, le Shupamem est une langue
à classe nominale. Cela revient à dire que la façon dont
on forme le pluriel des mots dans cette langue n'est pas
stéréotypée. En fait, dans cette langue, un nom peut
appartenir à une classe donnée en raison de traits
caractéristiques de son référent, tels que le sexe, la
distinction animé / non animé, etc. De manière
générale, il y a trois critères sur lesquels on se base
pour ranger les noms en classes nominales. Nous pouvons classer les noms en
fonction de leur similitude de sens, en fonction de leur similitude de forme ou
en se basant sur les conventions arbitraires. Dans cette section de notre
travail, nous allons essayer d'expliquer le mécanisme de formation du
pluriel des noms en Shupamem, question pour nous de recenser les classes
nominales en Shupamem. Nchare (2005) a recensé 11 classes nominales en
Shupamem et par la suite il a actualisé son travail, ce qui lui a permis
de recenser 15 classes nominales. Dans le tableau suivant, nous allons
récapituler toutes classes nominales recensées par Nchare
(2012).
21
Tableau 6 : Les classes nominales en Shupamem Nchare
(2012 :99)
Classes nominales
|
Singulier
|
Traduction
|
Pluriel
|
Traduction
|
1/2 : m-/p
|
1: m?bwi? 1: m?f?
|
La fille Le chien
|
2 : p?bwi? 2 : p?f?
|
Les filles Les chiens
|
1a/2a : N-/ Ø-
|
1a : n-sa`s?ì
|
Ton frère ainé
|
2a : Ø- sa`s?ì
|
Tes frères ainés
|
1b/2b : Ø -/ pa-
|
1b : Ø-wa?
|
Le père
|
2b: pa wa?
|
Les pères
|
3/4 : m?Ì /p?^
|
3 :m?Ì -mvi'
|
La chèvre
|
4: p?^ - mvi`
|
Les chèvres
|
5/6 : Ø -/N
|
5 : Ø -/pu`m
|
L' oeuf
|
6: m-bu`m
|
Les oeufs
|
7/8 : Cv`/red
B>BH-B
|
7 : nda`p
|
La maison
|
8 : nda?p nda`p
|
Les maisons
|
9/10 BB/BHH
|
9 : ?i`r?Ì
|
Le piège
|
10 : ?i?r?ì
|
Les pièges
|
11/12 :
B-HB/BH-HBH
|
11 : ma`twa^
|
La voiture
|
12 : ma?twa^a'
|
Les voitures
|
13/14 : ji`m/pi`m
|
13 : ji`m- adjectif
|
|
14 :pi`m- adjectif
|
|
15 : N-
|
--
|
|
--
|
|
Dans ce tableau nous avons toutes les classes nominales qui
existent en Shupamem. Comme nous pouvons le constater, le Shupamem a 15 classes
nominales. Les marqueurs de classes nominales apparaissent sur la
première colonne, Il s'agit ici du marqueur du singulier et pluriel des
mots. La deuxième colonne contient les mots au singulier, la
troisième colonne recense la traduction en français. La
quatrième colonne est consacrée au pluriel des mots et enfin, la
dernière colonne est dédiée à la traduction.
La classe nominale 1/2 est celle dont le singulier et le
pluriel sont marqués respectivement par « p» et «
b». Cette classe regroupe généralement les parties du corps
humain ainsi que les noms des animaux. Les exemples suivants illustrent la
classe 1/2.
(13) a. m?ìn: enfant (singulier) b.
p?ìn : les enfants (pluriel)
(14) a. m?ìn m?ìn :
arrière-fils (singulier) b. p?ìn p?ìn :
les arrière-fils (pluriel)
En (14a et 1Sa), nous avons à faire au singulier, c'est
d'ailleurs pour cette raison que ces mots commencent tous par « p»
ceci nous permet de remarquer que le singulier de la classe 1 est
indiqué par « p». En (13b et 14b), nous avons le pluriel des
mots ; ici, on constate que le pluriel commence par /b/.
22
La classe 1/2 a deux sous-classes la classe 1a/2a et la classe
1b/2b. Le singulier de la classe 1a/2a est la nasale alors que le pluriel est
le morphème zéro. C'est ce qu'indiquent les exemples suivants
:
(15) a. n-sa`s?ì : grand-frère
(singulier) b. Ø- sa?s?Ì : grand-frères
(pluriel)
Le singulier de la classe nominale 1b/2b est le morphème
vide alors que son pluriel se forme par l'adjonction du morphème «
pa » au nom singulier.
(16) a. ø-?u' : abeille (singulier)
b. pa` -?u' : les abeilles (pluriel)
(17) a. ø-wa? : le père
(singulier)
b. pa-wa? : les pères (pluriel)
(18) a. ø-na? : la mère
(singulier)
b. pa' -na? : les mères (pluriel)
Les exemples (16b, 17b et 18b) illustrent bien ce que nous
venons de dire.
La classe 3/4 forme son singulier avec le préfixe
« m?Ì » et son pluriel avec le préfixe « p?^
». Cette classe regroupe les noms des animaux et des outils. Les exemples
suivants illustrent cette classe nominale.
(19) a. m?Ì -vi` : chèvre
(singulier)
b. p?^ -vi` : les chèvres (pluriel)
(20) a. m?Ì -si` : oiseau (singulier)
b. p?^ - si` : les oiseaux (pluriel)
(21) a. m?Ì - t?Ì? : la boite
(singulier)
b. p?^ -t?Ì? : les boites (pluriel)
(22) a. m?Ì -?i` : couteau
(singulier)
b. p?^ - ?i' : les couteaux (pluriel) Nchare
(2012 :103), ex. (63a, b et c))
Les exemples ci-dessus nous permettent de voir que la classe
3/4 forme son pluriel par préfixation, en transformant le préfixe
« m?Ì » en « p?^ ».
Le singulier de la classe 5/6 est le morphème
zéro alors que le pluriel est la nasale homorganique « N ».
(23) a. Ø -pu'm : oeuf (singulier)
b. mbu`m : les oeufs (pluriel)
(24) a. Ø - ku`t : pied (singulier)
b. ? - ku`t : les pieds (pluriel)
(25) a. Ø -pwo` : main (singulier)
b. m-pwo` : les mains (pluriel)
(26) a. Ø - kj?Ìt : la
flèche (singulier) b. ?- kj?Ìt : les
flèches (pluriel)
23
Nous notons que cette classe ne forme pas son pluriel de la
même façon.
La classe 7/8 est celle qui forme son pluriel par
réduplication. En fait, le mot est totalement
répété ici. Soient les exemples suivants :
(27) a. f5n : roi (singulier) b. f5n f5n : les rois (pluriel)
(28) a. sum : champ (singulier) b. sum sum : les champs
(pluriel)
(29) a. ndàp : maison (singulier) b. ndâp
ndâp : les maisons (pluriel)
Les exemples ci-dessus nous permettent de confirmer que la
classe 7/8 forme son pluriel par réduplication.
La classe 9 forme son singulier par le ton bas-bas alors que
la classe 10 quant à elle forme son pluriel par le ton bas-haut-haut.
Observons les exemples suivants :
(30) a. fiÌrà: piège (singulier) b.
fi?râ : les pièges (pluriel)
(31) a. fèfà : aiguille (singulier) b.
féfâ : les aiguilles (pluriel)
(32) a. màpàm : gandoura (singulier)
b. mâpâm : les gandouras (pluriel) Nchare (2012
:107), ex. (65a, b et c))
Il ressort des exemples ci-dessus que le ton nous permet de
faire la différence entre la classe 9 et la classe 10.
Les classes 11 et 12 se différent au niveau du ton.
Par ailleurs, ces classes sont constituées des mots dissyllabiques et
particulièrement des emprunts. La classe 11 forme son singulier par le
ton bas-haut-bas alors que la classe 12 quant à elle forme son pluriel
par le ton bas-haut-haut-bas-haut. C'est ce qu'illustrent les exemples suivants
:
(33) a. màtwâ: voiture (singulier) b.
mâtwââ : les voitures (pluriel)
(34) a. gàtô: gâteau (singulier) b.
gâtôô : gâteaux (pluriel)
(35) a. kàkâ : cacao (singulier) b.
kâkââ : cacao (pluriel)
(36) a. télê : télévision
(singulier)
b. télêé : télévisions
(pluriel) Nchare (2012 :107 & 109), ex. (66a, b et c))
Les exemples ci-dessus nous permettent de constater que la
différence entre la classe 11 et la classe 12 est au niveau du ton.
La classe 13 utilise le préfixe « jiÌm
» pour marquer le singulier alors que la classe 14 utilise le
préfixe « piÌm » pour marquer le pluriel. Soient les
exemples suivants :
(37)
24
a. jiÌm-boÌk?ìt : le bon
(singulier) b. piÌm-boÌk?ìt : les bons
(pluriel)
(38) a. jiÌm-byÌk?ìt :
le mauvais (singulier) b. piÌm-byÌk?ìt :
les mauvais (pluriel)
(39) a. jiÌm-z?tk?ìt : le
lourd (singulier)
b. piÌm- z?tk?ìt : les lourds
(pluriel) Nchare (2012 :110), ex. (67a, b et d))
Les exemples ci-dessus nous permettent de constater que le
singulier de la classe 13 est marqué par le préfixe «
jiÌm » alors que la classe 14 utilise le préfixe «
piÌm» pour marquer le pluriel.
La classe 15 est indiquée par la nasale homorganique qui
s'attache généralement au verbe pour former les adjectifs.
Considérons les exemples suivants :
(40) a. sa? (grandir) : verbe
b. n-saì (grand) : adjectif (classe
15)
(41) a. la?m (bavarder) : verbe
b. n-daÌm (bavard) : adjectif (classe
15)
Les exemples ci-dessus nous permettent de noter que la classe 15
est marquée par la nasale homorganique comme indiqué en (40b) et
(41b).
1.9 Les verbes en Shupamem
Le verbe est un mot qui sert à exprimer l'action ou
l'état du sujet, et qui prend différentes formes selon le
mode3, le temps, la personne et le nombre.
1.9.1 L'infinitif du verbe en Shupamem
En Shupamem, l'infinitif du verbe se forme par l'adjonction du
morphème grammatical jiìn au radical du verbe comme nous
indiquent les exemples suivants :
(42) a. jiìn-twoì : venir
b. jiìn-faì? : travailler
c. jiìn-taì? : chercher
d. jiìn-?gwoìn : partir
e. jiìn-biì??Ì : demander
Comme nous pouvons le constater, contrairement au
?Ìgj?mb???4, le Shupamem forme son infinitif par
préfixation. En fait, le marqueur de l'infinitif en Shupamem se place en
début du verbe.
3 Selon Lay (2009), le mode est une
catégorie de la conjugaison qui définit la manière qu'on
perçoit l'état ou l'action exprimé par le verbe.
4 Selon Ndiola (2008 :32), le ?Ìgj?mb??? forme
son infinitif de cinq manières différentes :
1- par adjonction du préfixe « le » ou
« leì » et par adjonction du marqueur de l'infinitif au
radical verbal. Comme dans l'exemple suivant : leì- szç «
savoir » ;
2- par adjonction du morphème (Ø -)
nul au radical verbal : kiìj?ì : « sauter»
;
3- par adjonction de la nasale syllabique au radical verbal
qui comporte plusieurs réalisations comme nous montre le schéma
suivant :
25
1.9.2 La dérivation verbale
La dérivation verbale encore appelée extension
verbale permet aux verbes dans bon nombre de langues africaines d'exprimer le
temps, l'aspect et le mode.
1.10 Les temps verbaux en Shupamem
Dans une phrase, le temps peut servir à évoquer
une action, une situation en cours de l'évolution ou encore l'apparition
d'un sentiment, un mécanisme intellectuel : c'est ce qu'on appelle un
procès. Il peut aussi évoquer un état ou un sentiment
permanent. Il existe en Shupamem trois temps : le présent, le
passé et le futur. Nchare (2005 & 2012) a répertorié
un présent, quatre passés et trois futurs.
1.11 Le présent
Soient les phrases suivantes :
(43)a. polo ø - faì? ?gbom.
Paul PRS -travailler maïs « Paul travaille le
maïs. »
b. iì ø - juì pàjuì.
3sg PRS-manger nourriture « Il mange la nourriture.
»
Comme nous pouvons le constater, le présent n'est pas
morphologiquement marqué en Shupamem c'est ce que nous montrent les
phrase (43a et b).
1.11.1 Le futur
En Shupamem, il existe trois futurs : le futur immédiat
(F1), le futur proche (F2) et le futur lointain (F3).
1.11.1.1 Le futur 1 (Futur immédiat)
Le futur immédiat (F1) sert à parler des
états ou des actions très proches. Généralement,
les actions dénotées par le futur 1 sont des actions qui ont lieu
le même jour. Considérons les phrases suivantes :
(44)a. iì nà twó -juìn ndàp.
3sg Accs F1-acheter maison « Il achètera une maison.
»
b. m?? nà twó-pié p?ìn.
1sg Accs F1- prendre enfants « Je prendrai les
enfants. »
[n] / [-t, ts, -t, -d, -z, -d3, -zs, -rh]
(nì-d3uì?) « écouter, suivre»
/N/ [m] / [-b, -bv, -bh, -by] (m-bvaìaì)
« grelotter»
[?] / [-k, -g, -gw, -g j ] (?-gw??)«
écraser»
26
c. p?ì naÌ twó-?gwoìn maì
ndaÌp.
3pl Accs F1-aller à maison « Ils iront
à la maison. »
Comme nous révèlent les phrases (44a, b et c),
le futur immédiat (F1) est marqué en Shupamem par le
morphème grammatical twó.
1.11.1.2 Le futur 2 (Futur proche)
Le futur proche (F2) sert à dénoter des
événements ou des actions qui sont lointains par rapport aux
événements indiqués par le futur 1. En fait, le futur 2
nous permet de parler des actions qui ne vont pas se produire aujourd'hui.
Soient les phrases suivantes :
(45) a. petro naÌ l?ì? -juìn
maìtwaì. Pierre Accs F2 -acheter maison «
Pierre achètera la voiture. »
b. na? faì naÌ l?ì?-naÌ
paìjuÌ.
maman moi Accs F-préparer nourriture « Ma
maman préparera la nourriture. »
Les phrases (45a et b) nous permettent de découvrir
que le futur proche (F2) est marqué en Shupamem par le morphème
l?ì?.
1.11.1.3 Le futur F3 (Futur lointain)
Comme son nom l'indique, le futur lointain (F3) nous permet
de parler des événements plus lointains.
(46) a. í naì twoìl?ì? -
faì. 3sg Accs F3- donner « Il donnera. »
b. m?? naì twoìl?ì? -juÌn.
1sg Accs F3 - acheter « J'achèterai.
»
c. na? naì twoìl?ì?- faì.
mère Accs F3 - donner « La mère
donnera. »
En Shupamem, le (F3) est marqué par le morphème
twoìl?ì?. C'est ce qui est illustré par les
phrases (46a, b et c).
En conclusion, nous pouvons dire avec Nchare (2012) que le
futur immédiat (F1) est marqué en Shupamem par
twó, alors que le futur proche (F2) est marqué par
l?ì? et le futur lointain (F3) par twol?ì?.
27
1.11.2 Le passé
Le passé est le temps le plus prolifique en Shupamem.
Nchare (2012), récence quatre (04) passés en Shupamem :
a) Le passé 1 (P1)
b) Le passé 2 (P2)
c) Le passé 3 (P3)
d) Le passé 4 (P4)
1.11.2.1 Le passé 1 (Passé
immédiat)
Le passé 1 (P1) nous permet de parler des
événements récents, c'est-à-dire des
événements qui viennent d'avoir lieu.
(47) a. petro ø - ju'on u' n?Ì?
Pierre P1-voir toi M Int « Pierre t-a vu ? »
b. i' ø-lu'om m?Ì ? 3sg P1-garder M Int « Il
a gardé ? »
c. m?Ìn ø - gb?Ì .
enfant P1-tomber
« L'enfant est tombé. » Nchare (2012 : 380, ex.
41)
Le passé1 n'est pas morphologiquement marqué en
Shupamem. C'est ce que nous montrent les exemples (47a, b et c). Il est
très important de noter qu'il n'y a pas une différence majeure
entre le présent et le passé 1 en Shupamem. Ceci s'explique par
le fait que ces deux temps sont tous marqués par le morphème
zéro. C'est pourquoi, Nchare (2012: 266) parle en ces termes:
«There is a clear overlapping between the present tense and the
immediate past (F1) in Shupamem. The boundaries between those tenses are
blurred»5.
1.11.2.2 Le passé 2 (Passé
récent)
Le passé 2 (P2) nous permet de parler d'un
événement qui a eu lieu il n'y a pas très longtemps.
(48) a. i' pê-ju'on.
3sg P2-voir « Il avait vu. »
b. i pê -ji'. 3sg P2 -savoir « Il savais »
c. i pê -lu'om ?Ì ? 3sg P2-garder M Int
5 Il y a un chevauchement
évident entre le présent et le passé immédiat (P1)
en Shupamem. Les limites entre ces deux temps sont floues.
28
« Il avait gardé ? »
Les phrases (48a, b et c) illustrent le passé 2 en
Shupamem. Comme nous pouvons voir, le passé récent est
marqué par le morphème pê.
1.11.2.3 Le passé 3 (Passé lointain)
Le passé 3 (P3) nous permet de parler des
événements lointains.
(49) a. polo pi-luôm.
paul P3-garder
« Paul avait gardé. »
b. pûo piì- fâ.
1pl P3-donner
« Nous avions donné. »
c. Ali piì-twoì.
Ali P3- venir « Ali était venu. »
Le passé 3 est marqué en Shupamem par le
morphème grammatical piì. C'est d'ailleurs ce que nous
indiquent les phrases (49a, b et c).
1.11.2.4 Le passé 4 (Passé très
lointain)
Le passé 4 nous permet de parler des
événements qui ont eu lieu il y a très longtemps. C'est
pourquoi lorsque nous utilisons le passé 4 nous ne mentionnons jamais le
moment de l'action.
(50) a. puoì kàpiì -led.
1pl P4 montrer
« Nous avions montré. »
b. Njikam kàpiì -fie.
Njikam P4 chercher
« Njikam avait cherché. »
c. mâtwà kàpiì -mé.
voiture P4 arriver
« La voiture était arrivée. »
d. pâjù kàpiì
-mié. nourriture P4 finir « La nourriture était finie.
»
Les phrases (50a, b, c et d) nous montrent que le passé
4 (P4) est marqué en Shupamem par kàpiì.
Le tableau ci-dessous nous permet de récapituler tous
les marqueurs de temps en Shupamem.
29
Tableau 7 : Les marqueurs temporels en
Shupamem
|
Temps
|
Marqueurs temporels
|
1.
|
Présent
|
0
|
2.
|
Futur immédiat (F1)
|
twó
|
3.
|
Futur proche (F2)
|
l?ì?
|
4.
|
Futur lointain (F3)
|
twol?ì?
|
5.
|
Passé immédiat) (P1)
|
0
|
6.
|
Passé récent (P2)
|
pê
|
7.
|
passé lointain (P3)
|
pi'
|
8.
|
passé très lointain (P4)
|
ka`pi'
|
|
Le tableau 7 présente les différents marqueurs
temporels qui existent en Shupamem. Comme nous pouvons constater, chaque temps
a un marqueur temporel spécifique à l'exception du présent
et du passé immédiat (P1) où il y a chevauchement entre
leurs deux marqueurs du temps.
1.12 Construction périodique et directionnelle
du verbe en Shupamem
Une construction périodique directionnelle du verbe
(CPDV) est une suite de verbes exprimant une même action et ayant un
même sujet. Comme le dit Nchare (2005), les verbes de la construction
périodique directionnelle du verbe (CPDV) ont les
caractéristiques suivantes :
- Ils expriment des actions
simultanées ou directement consécutives ;
- Ils ont un seul sujet grammatical ;
- Ils n'ont aucun connecteur (conjonction de
coordination ou de subordination) ;
- Ils sont indiqués ou
interprétés comme ayant les mêmes catégories
grammaticales telles que l'aspect, la modalité temporelle ou modale, la
négation, etc.
(51) a. i' ka`pi' -pie' ?gbom fa'.
3sg P3 prendre maïs donner
« Il avait pris le maïs et avait donné.
»
b. i' pi'-two` mbi'??Ì m?Ìn.
3sg P2 -venir demander enfant
« Il était venu et avait demandé l'enfant.
»
Nous constatons que les phrases (51a et b) comportent deux
verbes qui ont tous le même sujet. En outre, ces deux verbes sont
conjugués au même temps.
1.13 Aspects du verbe
Comrie (1976) cité par Nchare (2005 :86) définit
l'aspect comme la manière selon laquelle une action est vécue par
un locuteur (par exemple, terminée ou continue). Il s'agit en fait du
point de vue sur la durée interne du procès,
particulièrement de son déroulement et de
ses limites. Selon Lagane et René (1997 :94), quand on
parle de l'aspect, l'action peut être présentée de deux
façons :
a. Comme étant en train de se faire ; c'est l'aspect
non-accompli
(52) Ali tiaì - faì? ?gbom.
Ali N AC -travailler maïs
« Ali est en train de travailler le maïs »
b. Comme étant déjà faite au moment
où l'on s'exprime ; c'est l'aspect accompli
(53) Ali t?ì - faì? ?gbom .
Ali AC- travailler maïs
« Ali a travaillé le maïs »
Nchare (2005) a parlé de trois aspects : le perfectif,
l'imperfectif et l'habituel. Dans le cadre de ce travail, nous allons parler
des aspects suivants : l'aspect inhérent, l'aspect perfectif, l'aspect
imperfectif, l'aspect habituel et de l'aspect inchoatif.
1.13.1 Aspect inhérent
L'aspect inhérent renvoie au verbe encore
considéré à l'infinitif, comme le dit
Nséme6. Il s'agit généralement de
l'aspect duratif :
(54) a. jiìn- faì? ?gbom.
INH -travailler maïs « Travailler le maïs.
»
b. jiìn- tw?ìt l?Ì.
INH-écrire lettre
« Écrire. »
Comme nous le montrent les exemples (54a et b), l'aspect
inhérent existe en Shupamem. Cet aspect est marqué par le
morphème « jiìn » préposé au verbe. Il
convient de noter que le marqueur de l'aspect inhérent est le même
marqueur que celui de l'infinitif.
1.13.2 Aspect perfectif
D'une manière générale, nous parlons
d'aspect perfectif lorsque le procès est considéré dans sa
totalité. Ici, nous n'attachons pas d'importance ni au début, ni
au milieu, ni à la fin du procès.
(55) a. Njikam pê -teÌ - ndaìp
mbaÌlloÌ.
Njikam P2-PERF-jouer ballon « Njikam avait joué au
ballon. »
b. Ndam piì- teÌ- ?uì?Ìn.
Ndam P3- PERF-voir « Ndam avait vu. »
30
6 Communication personnelle, (21 février
2012).
31
En Shupamem, l'aspect perfectif est indiqué par le
morphème « teÌ » comme indiquent les phrases (55a et b)
ci-dessus.
1.13.3 Aspect imperfectif
L'aspect imperfectif s'oppose à l'aspect perfectif.
Selon Nchare (2005 :87), l'aspect imperfectif considère l'action du
procès du point de vue de sa structure comme ayant un début, un
milieu et une fin. L'aspect imperfectif nous permet de présenter les
actions qui sont en cour au moment de l'énonciation. En Shupamem,
l'aspect imperfectif est marqué par le morphème «
tiaì».
(56) a. Njikam tiaì - ndaìp mbaÌlloÌ.
Njikam IMPF -jouer ballon « Njikam joue au ballon. »
b. Njikam tiaì - ntaìp -ndaÌp ì
mbaÌlloÌ. Njikam IMPF -Neg -jouer 3sg ballon
« Njikam joue au ballon. » (Nchare (2005 :86), ex (10a
& b))
L'aspect imperfectif est indiqué par le morphème
« tiaì » préposé au verbe comme nous indiquent
les phrases (56a et b) ci-dessus.
1.13.4 Aspect habituel
L'aspect habituel nous permet de présenter les actions
qui ont l'habitude de se produire.
(57) a. iì naì mb?Ì- twoì
?aìiÌ. 3sg Accs HAB-venir ici « Il vient
souvent ici. »
b. ali naì mb?Ì- mbiì??Ì uì.
Ali Accs HAB-demander toi «Ali te demande souvent. »
Les phrases (57a et b) expriment des actions qui ont
l'habitude de se dérouler. Comme nous pouvons le constater, l'aspect
habituel est matérialisé par le morphème «
mb?Ì» placé avant le verbe.
1.13.5 Aspect inchoatif
L'aspect inchoatif est utilisé lorsque nous voulons
exprimer une action dans son commencement ou en cours de son
développement.
(58) a. iì luì? jiìn-
faÌ?faÌ?.
3sg INC-commencer à travailler « Il a
commencé à travailler. »
b. p?ì luì? jiìn-ntwoÌ.
3pl INC-commencer à venir
32
« Ils ont commencé à venir. »
Les phrases (58a et b) nous permettent de constater que nous
pouvons exprimer l'aspect inchoatif en Shupamem. Par ailleurs, l'aspect
inchoatif est marqué en Shupamem par « luì?».
1.14 La quantification des procès
Quand nous parlons de la quantification des procès,
nous faisons allusion à la manière dont un procès se
présente. Mais, nous nous intéressons plus
particulièrement au nombre de fois qu'une action se produit. C'est ainsi
que nous distinguons généralement deux (02) types de
procès : le procès répétitif et le procès
itératif.
1.14.1 Le procès répétitif
Le procès répétitif est un procès qui
se répète de façon aléatoire.
(59) a. m?? piì-ju?ìn iì
kéjiì teìn. 1sg P3 voir lui fois dix « Je l'avait
vu dix fois. »
b. iì pê- twoì kéjiì pa^.
3sg p2 - venir fois deux « Il était venu deux fois.
»
Les actions exprimées dans (59a et b) se sont
répétée plusieurs fois et cela de façon
fortuite.
1.14.2 Le procès itératif
Les procès itératifs sont des procès qui
se produisent de façon régulière. Notons qu'ici, le temps
est perçu comme un cycle.
(60) a. Matateyu naìb?Ì ø - ?u?ìn
matio guì gaìfuÌt. Matateyou IT PRS- voir Mathieu tout
lundi
« Matateyou voit Mathieu tous les lundis. »
b. iì naìb?Ì-mbiì??Ì
uì.
3sg IT-demander toi
« Il te demande régulièrement. »
c. iì naìb?Ì -twoÌ
3sg IT- venir
« Il vient régulièrement. »
Les phrases (60a, b et c) expriment l'aspect itératif.
L'aspect itératif est marqué par le morphème «
naìb?Ì ».
1.15 La modalité temporelle
La notion de mode occupe une place centrale en conjugaison. En
effet, le mode est une catégorie de la conjugaison qui définit la
manière dont celui qui parle perçoit l'état ou l'action
exprimée par le verbe. Traditionnellement, il existe sept (07) modes,
chacun d'entre eux
33
pouvant si le sens le permet exister à la voix active,
passive, pronominale et à différents temps.
Généralement, nous classons les modes en trois catégories
: Le mode réel, le mode irréel et la nécessité.
1.15.1 Le mode réel
Le mode réel nous permet d'exprimer des états ou
des actions présentées comme réels. Les phrases suivantes
illustrent le mode réel.
(61) a. Ali pê- le'd nda`p ne' ma`.
Ali P2- montrer maison à moi « Ali m'avait
montré la maison. »
b. f?ìn na` twó -ju'n matwa.
Roi Accs F1 acheter voiture « Le roi
achètera la voiture. »
Les phrases (61a et b) expriment des événements
réels.
1.15.2 Le mode irréel
Le mode irréel est utilisé pour parler des
actions non certaines dont la réalisation est hypothétique. C'est
ce qu'indiquent les exemples (62a et b).
(62) a. ape'ju?Ì m?? ø - fi' gbi` bu' m??
twó-fa' bum n(e) u`.
Si 1sg PRS-vendre bois ce que 1sg F1 -donner argent à
toi « Si je vends le bois, je te donnerai de l'argent. »
b. ape'ju?Ì pa'ju` ø - mi`e bu' m?? twó-jun
m?ì?
Si nourriture PRS- finir ce que 1sg F1 -acheter autre « Si
la nourriture finit, j'achèterai l'autre. »
Les phrases (62a et b) parlent des évènements
incertains qui ne peuvent se produire que si certaines conditions sont
remplies.
1.15.3 La nécessité
La nécessité est généralement
utilisée quand on a à faire aux verbes modaux tels que vouloir,
pouvoir et devoir). C'est ce que nous indiquent les exemples suivants.
(63) a. polo na` ø - ta'? ji'n- ju?Ìn u`. Paul
Accs PRS -vouloir INF -voir 2sg « Paul veut te voir. »
b. m?? ø - jetn?ì ji'n - die'.
1sg PRS-dormir INF - dormir « Je peux passer la nuit ici.
»
Les phrases (63a et b), expriment la nécessité.
Cela se traduit par l'utilisation de ø-ta'? «
vouloir» en (63a) et de l'utilisation de ø-jetn?ì
« pouvoir » en (63b).
34
1.16 La négation en Shupamem
En linguistique, la négation, du latin negare
(nier), est une opération qui consiste à désigner
comme fausse une proposition préalablement exprimée ou non ; elle
s'oppose à l'affirmation. La négation n'est pas figée en
Shupamem. En fait, dans cette langue, il n'existe pas un marqueur standard de
la négation. Comme le dit Nchare (2012 :355), le marqueur de la
négation varie avec le temps verbal en Shupamem. C'est pourquoi la
négation d'un verbe qui est au futur est différente de la
négation d'un verbe qui est au passé. La négation est
très complexe car elle ne porte pas obligatoirement sur l'ensemble d'une
phrase ou d'un prédicat, mais elle peut aussi s'appliquer à un
constituant d'énoncé ; aussi, elle ne se limite pas à une
opposition binaire de type « tout ou rien » ; elle ne concerne pas
que les phrases déclaratives, qui ne constituent qu'un sous-ensemble des
phrases possibles. Et pour finir, nous devons noter que l'usage de la
négation dépend de la langue, de la culture et de
l'époque.
Comme nous l'avons dit plus haut, nous allons présenter
la négation de chaque temps verbal.
1.16.1 La négation du présent
Nous allons tout d'abord commencer par donner les phrases
affirmatives, et par la suite, ces phrases affirmatives seront
transformées en phrases négatives.
Présent : Phrase affirmative
Considérons les phrases suivantes :
(64) a. polo 0 - rigwôn mâ ndàp.
paulb PRS- aller à maison « Paul va à la
maison. »
b. ali 0 -jü gwôm.
ali PRS- manger plantain « Ali mange le plantain.
»
Présent : Phrase négative Soient
les phrases suivantes :
(65) a. polo nà 0 -ntâp-
gwôn I mâ ndàp. Paul Accs PRS-
Nég partir 3sg à maison « Paul ne part pas à la
maison. »
b. ali nà 0 -ntâp-3ü
iì gwôm.
Ali Accs PRS- Nég manger 3sg plantain «
Ali ne mange pas le plantain. »
35
Les phrases (65a et b) nous permettent de savoir que la
négation du présent se marque par le morphème
ntâp. Nous devons aussi noter que le marqueur de la
négation ntâp se trouve entre le marqueur du temps et le
radical verbal.
1.16.2 La négation du futur immédiat (F1)
Futur immédiat (F1) : Phrase
affirmative
Observons les phrases suivantes :
(66) a. I nâ twoì-jûn ndàp. 3sg
Accs F1-acheter maison « Il achètera la maison.
»
b. m5 nâ two-pié p5n. 1sg Accs
F1-prendre enfants « Je prendrai les enfants. »
Futur immédiat : Phrase négative
Soient les phrases suivantes :
(67) a. I nà
ntâp-twoì-jûn I ndàp.
3sg Accs Nég-F1-acheter 3sg maison «
Il n'achètera pas la maison. »
b. m5 nà ntâp-two-piè p5n.
1sg Accs Nég -F1-prendre enfants « Je ne prendrai pas
les enfants. »
Nous constatons que la négation du Futur immédiat
est marquée par le morphème ntâp
comme le montrent les phrases (67a et b).
1.16.3 La négation du futur proche (F2)
Futur proche (F2) : Phrase affirmative
Considérons les phrases suivantes :
(68) a. petro nà l5? -jùn
mâtwà. Pierre Accs F2 acheter maison « Pierre
achètera la voiture. »
b. nà fà nà l5?-nâ
pâjù.
maman moi Accs F2-manger nourriture « Ma maman
préparera la nourriture.
Futur 2 proche (F2) : Phrase négative
Reprenons les phrases (68a et b)
(69) a. petro nâ ntâp- l5?
-jùn I mâtwà. Pierre Accs Neg- F2- acheter
3sg maison « Pierre n'achètera pas la voiture. »
36
b. na? ?à nà ntaìp
-l?ì? -naì I paìjuÌ.
mama moi Accs Nég - F2 préparer 3sg
nourriture « Ma maman ne préparera pas la nourriture. »
La négation du futur (2) en Shupamem est marquée
par le morphème ntaìp comme en
(69a et b).
1.16.4 La négation du futur lointain (F3)
Futur lointain (F3) : Phrase affirmative
Considérons les phrases suivantes :
(70) a. I naì twoÌl?ì?- faì. 3sg
Accs F3 donner « Il donnera. »
b. m?? naì twoÌl?ì? -juÌn.
1sg Accs F3- acheter « J'achèterai.
»
Futur lointain (F3) : Phrase négative
Reprenons les phrases (70a et b) :
(71) a. i nà ntaìp -
twoìl?ì? - faì I. 3sg Accs Nég - F3 -
donner 3sg « Il ne donnera pas. »
b. m?? nà-
ntaìp-twoìl?ì? -jûn à.
1sg Accs Nég -F3-acheter 1sg « Je
n'achèterai pas. »
La négation du futur lointain (F3) est marquée en
Shupamem par ntaìp comme nous
indiquent les phrases (71a et b).
1.16.5 La négation du passé immédiat
(P1)
Passé 1 : Phrase affirmative
Considérons les phrases suivantes :
(72) a. I Ø - jûn m?Ìgàp. 3sg P1
-acheter poule « Il a acheté la poule. »
b. petro 0 -jûon û n?Ì?
Pierre P1 -voir toi M Int « Pierre t-a vu ? »
Passé 1 : Phrase négative
Reprenons les phrases (72a et b) :
(73) a. I ma^- 0 - jûn I
m?ìgàp.
3sg Nég P1 -acheter 3sg poule
37
« Il n'a pas acheté la poule. »
b. petro ma^- Ø -jûon iì
û.
Pierre Nég P1 -voir 3sg toi « Pierre ne t-a pas vu.
»
Les phrases (73a et b) montrent que la négation du
passé immédiat est formée par le morphème
ma^.
1.16.6 La négation du passé récent
(P2)
Observons les phrases suivantes :
Passé 2 : Phrase affirmative
(74) a. i pe^-juon 3sg P2-voir « Il avait vu. »
b. i pe^- ?gwon
3sg P2 -aller
« Il était parti. »
Passé 2 : Phrase négative
Reprenons les phrases (74a et b) :
(75) a. iì pe^- ma^- ?uoìn
iì. 3sg P2- Nég-voir 3sg « Il n'avait pas vu. »
b. iì pe^- ma^- ?gwoìn
iì.
3sg P2- Neg- aller 3sg « Il n'était pas parti.
»
La négation du passé récent (P2) est
formée par l'insertion du morphème grammatical ma^ entre
le marqueur temporel et le radical verbal comme (75a et b).
1.16.7 La négation du passé lointain (P3)
Considérons les phrases suivantes :
Passé 3 : Phrase affirmative
(76) a. polo piì- luoÌm. paul P3 - garder
« Paul avait gardé. »
b. puo piì- faì.
1pl P3-donner
« Nous avions donné. »
Passé 3 : Phrase négative
Reprenons les phrases (76a et b) :
(77) a. polo piì- ma^- duoÌm
iÌ. Paul P3 -Nég- gader 3sg
38
« Paul n'avait pas gardé. »
b. puo' pi'- ma^- fa' puo'.
1pl P3 -Nég- donner 1pl « Nous n'avions pas
donné. »
La négation du passé lointain (P3) est
formée par l'insertion du morphème
grammatical ma^ entre le marqueur temporel et le radical
verbal comme en (77a et b).
1.16.8 La négation du passé très
lointain (P4)
Soient les phrases suivantes :
Passé 4 : Phrase affirmative
(78) a. puo' ka`pi'-le`d.
1pl P4 - montrer
« Nous avions montré »
b. Njikam ka`pi'-fie`.
Njikam P4 - chercher
« Njikam avait cherché. »
Passé 4 : Phrase négative
Reprenons les phrases (78a et b) :
(79) a. puo' ka`pi'- ma^-ded (r) puo`.
1pl P4- Nég -montrer 1pl « Nous n'avions pas
montré. »
b. Njikam ka`pi'- ma^- fie' i'.
Njikam P4- Nég-chercher 3sg « Njikam n'avait pas
cherché. »
Les phrases (79a et b) nous permettent de noter que la
négation du passé très lointain (P4) est formée par
l'insertion du morphème ma^ entre le verbe et le marqueur
temporel. Le tableau suivant récapitule les marqueurs de la
négation en Shupamem.
Tableau 8 : Les marqueurs de la négation en
Shupamem
Temps
|
Marqueurs de la négation
|
Présent
|
nta'p
|
Futur immédiat (F1)
|
nta'p
|
Futur proche (F2)
|
nta'p
|
Futur lointain (F3)
|
nta'p
|
Passé immédiat (P1)
|
ma^
|
Passé récent (P2)
|
ma^
|
Passé lointain (P3)
|
ma^
|
39
Passé très lointain (P4)
Le tableau 8 récapitule les marqueurs de la
négation en Shupamem. Ce tableau nous permet de constater que nous avons
en Shupamem deux marqueurs de la négation : à savoir nta^p
qui est utilisé dans la négation du présent, du futur
immédiat (F1), du futur proche (F2) et du futur lointain (F3). Alors que
le passé immédiat (P1), le passé récent (P2), le
passé lointain (P3) et le passé très lointain (P4)
marquent leur négation par ma^.
Conclusion
Ce chapitre introductif qui a pour but de présenter
certains aspects qui sont importants à l'étude du Shupamem, nous
a permis de parler de manière succincte de l'origine du peuple bamoun,
des systèmes consonantiques et vocaliques du Shupamem, ainsi que des
classes nominales. Nous avons recensé en Shupamem 15 classes nominales.
Nous avons aussi parlé des aspects du verbe et pour cela, nous avons
recensé cinq (05) aspects en Shupamem à savoir : l'aspect
inhérent, l'aspect perfectif, l'aspect imperfectif, l'aspect habituel et
l'aspect inchoatif. Nous avons aussi parlé des temps verbaux en
Shupamem. Nous avons noté qu'il existe en Shupamem trois temps
principaux le futur, le présent et le passé repartir de la
manière suivante : un (01) présent, quatre (04) passés et
trois (03) futurs. Pour finir, nous avons parlé de la négation en
Shupamem : ceci nous a permis de constater qu'en Shupamem, la négation
varie avec le temps verbal (futur, présent et passé). C'est pour
cette raison que nous n'avons pas un seul et même marqueur de la
négation dans cette langue.
40
Chapitre II :
Introduction
Le chapitre I, qui vient de s'achever, nous a permis de parler
des éléments importants qui constituent la grammaire du Shupamem
à savoir le système consonantique et vocalique, de classes
nominales, du temps de l'aspect et mode ainsi que de la négation dans
cette langue. Le chapitre II sera consacré à la théorie
sur laquelle nous allons nous appuyer pour mener notre étude à
savoir le Programme Minimaliste.
2.1 Le Programme Minimaliste
Pour comprendre la portée et élucider la raison
d'être d'émergence du Programme Minimaliste, il importe de
retracer l'histoire de ce programme de recherche. Apparue dans les
années 1950 avec les premiers travaux de Chomsky, la grammaire
générative7 marque un changement majeur et radical en
linguistique. Les deux questions principales auxquelles la théorie
minimaliste cherche à trouver une réponse sont :
i) Comment peut-on caractériser le savoir linguistique
des locuteurs adultes d'une langue donnée ?
ii) Comment le savoir linguistique se développe-t-il
chez les locuteurs ?
Dans le cadre du Programme Minimaliste, le langage est
considéré comme un don biologique. C'est-à-dire que le
langage est inné et appartient au patrimoine génétique de
l'espèce humaine. Ce qui voudrait dire que chaque être humain est
équipé d'une `faculté de langage' innée que l'on
peut caractériser comme un module dans le cerveau contenant un ensemble
de contraintes ou lois constituant la Grammaire
Universelle8. Avant de continuer, il convient de noter que les
contraintes sont paramétriques car elles varient d'une langue à
une autre. Construire la grammaire d'une langue revient à décrire
comment sont appliquées les contraintes dans cette langue. La
théorie des Principes et Paramètres permet de rendre compte
simultanément des ressemblances et des distinctions entre les
différentes langues. Le savoir linguistique de chaque locuteur est
appelé `langue interne' (Chomsky 1986 :22) ou `grammaire interne' ou
encore (`I-language'). La langue interne est un système de
règles
7 Selon Bailleul (2013 :5), «la grammaire
générative prend pour principes de base l'existence d'une
grammaire universelle».
8 Ensemble d'instructions assez abstraites pouvant
se décliner de manières différentes selon les langues ou
les groupes de langues. On ne peut pas parler de grammaire universelle sans
faire allusion aux universaux linguistiques qui sont en fait des
éléments linguistiques (phonétiques, phonologiques,
syntaxiques sémantiques ou lexicaux).
intériorisées qui constitue la grammaire mentale
d'un locuteur et qui lui permet de porter des jugements d'acceptabilité
dans sa langue maternelle. La langue interne s'oppose à la `langue
externe' (`E-language') qui est l'ensemble des données
attestées dans une langue donnée ou le savoir linguistique
partagé par une communauté linguistique. Contrairement à
la langue interne, la langue externe n'est pas un ensemble cohérent,
mais hétérogène.
Le Programme Minimaliste a pour but de rendre compte de la
créativité du langage qui permet à un être humain de
comprendre et de produire des phrases qu'il n'a jamais entendues par le
passé. Dans le cadre du Programme Minimaliste, Chomsky distingue deux
concepts importants à savoir : la compétence et la performance.
La compétence est la connaissance innée, tacite, implicite voir
même inconsciente qui permet aux individus de produire et de comprendre
des phrases qu'ils n'ont jamais entendues par le passé. La performance
est l'utilisation réelle de la langue par le sujet parlant. La grammaire
générative s'évertue à décrire et à
expliquer la compétence linguistique c'est-à-dire cet ensemble
fini des règles qui permet au sujet parlant d'engendrer un nombre infini
de phrases. Ce qui caractérise le Programme Minimaliste c'est que les
règles et les opérations syntaxiques sont guidées par
divers principes. De plus, la manière de représenter la grammaire
et les opérations syntaxiques est devenue plus simple ou `minimale'.
Ainsi, la distinction entre une structure profonde et une structure de surface
a disparu. Il ne reste plus qu'un seul niveau de représentation,
relié à deux niveaux d'interface : la Forme Phonétique
(FP9) et la Forme Logique (FL10).
Le Programme Minimaliste (Chomsky, 1993, 1995), Biloa &
Nchare (2004) garde des propriétés importantes de la
théorie des Principes et des Paramètres comme la présence
de paramètres de variation. Le schéma suivant est le
modèle de la faculté de langage dans le Programme Minimaliste
proposé par Strik (2008 :5).
41
9 Le FP concerne les propriétés
sensori-motrices du langage à savoir le son.
10 Le FL renvoie aux propriétés
sémantiques et conceptuelles, donc l'interprétation d'un
énoncé.
42
(1)
Lexique
- traits lexicaux
- traits non interprétables, déclenchant des
opérations
|
Numération
Système Computationnel Opérations
:
- Fusion externe (`External Merge') - Fusion Interne (`Internal
Merge') - Accord (`Agree')
|
Epel
Interfaces : Forme Phonétique Forme Logique
Il convient de noter que dans le Programme Minimaliste deux
opérations conduisent à la dérivation d'une phrase : la
fusion ou assemblage et le déplacement ou délocalisation.
2.1.1 La fusion
Notons tout d'abord que la dérivation d'une phrase
commence toujours par la sélection dans le lexique des items
nécessaires à la construction de la phrase. L'ensemble des items
sélectionnés est appelé numération.
Généralement, on distingue deux types de fusions : la fusion
externe et la fusion interne.
2.1.1.1 La fusion externe
Selon Chomsky (1995), la fusion externe est une
opération binaire qui explique la constitution d'une troisième
entité C à partir du fusionnement de deux entités A et B.
C'est donc une dérivation syntagmatique (Pollock (1997), Chomsky (2004,
2007, Laenzlinger (2011)). L'opération de fusion est récursive
c'est-à-dire qu'elle est répétée tant qu'il y a
encore des éléments non pris en compte dans la numération.
Observons les exemples suivants :
(2) a. pájù (nourriture)
b. jà (ma / mon)
c. pájù 3à (ma nourriture)
(3) a. rjgbôm (maïs)
b.
43
iì (sa/ son)
c. rjgbôm iì (son maïs)
(4) a. màtwâ (voiture)
b. wâ (père)
c. màtwâ wâ (la voiture du père)
Nous avons fusionné (2a) et (2b) pour avoir (2c). En
fait, en (2a), nous avons paìjù « nourriture »
et en (2b) nous avons l'adjectif possessif jà « ma / mon
», c'est après la fusion de (2a) et (2b) que nous avons eu (2c)
paìjù 3à (ma nourriture) qui est «
ma nourriture » qui représente la troisième entité.
De même, pour obtenir (3c) qui est rjgbôm iì (son
maïs), nous avons fusionné (3a) rjgbôm (maïs)
et (3b) iì (sa/ son). Pour obtenir (4c) màtwâ
wâ (la voiture du père) nous avons fusionné (4a)
màtwâ (voiture) et (4b) wâ (père).
Il s'agit ici de la fusion externe.
2.1.1.2 La fusion interne
Connue sous le nom de déplacer á
dans Chomsky (1981) et d'opération déplacer dans Chomsky
(1995), la fusion interne assure le déplacement de certains
éléments, par exemple, le sujet ou le verbe, à partir de
leurs positions canoniques dans la structure phrastique pour occuper de
nouvelles positions dans le cadre de certains processus syntaxiques comme la
passivation, la focalisation, topicalisation, etc. (Pollock 1997, Chomsky 2004,
2007). Soient les phrases suivantes :
(5) a. ali 0 -fa ndàp nè petro.
Ali PRS- donner maison à pierre « Ali donne la
maison à Pierre. »
b. aì ndàp judo Ali 0 -fa nè petro na.
c'est maison que Ali PRS- donner à Pierre Comp «
C'est la maison qu'Ali donne à Pierre. »
(6) a. iì 0-rjgwèn maì ndàp.
3sg PRS-aller à maison « Il va à la
maison. »
b. maì ndàp, iì 0-rjgwèn.
à maison, 3sg PRS-aller « À la maison, il y
va. »
En (5a), nous avons une phrase déclarative où
chaque constituant occupe sa position de base. En (5b), ndàp
(maison), a été focalisé, c'est pour cette raison
qu'il se retrouve en initial de phrase. La phrase (6b), nous permet de voir que
maì ndàp (à la maison) a été
topicalisé, c'est pour cette raison qu'il s'est deplacé pour la
péripherie gauche. Tous ces déplacements qui se sont produits en
(5b) et (6) sont des exemples de fusion interne.
2.1.1.3 Le déplacement
Le déplacement est l'opération par laquelle un
constituant pour les raisons de vérification de traits syntaxiques et
pour d'autres raisons se déplace de sa position canonique pour une autre
position. Notons que le déplacement est motivé par la
vérification des traits syntaxiques des certaines catégories.
Mais, le déplacement peut aussi avoir d'autre motivations à
savoir : la motivation structurale, la motivation du Principe de la Projection
Etendue (EPP11), la focalisation, la topicalisation et la
relativation.
En fait certaines catégories ne contiennent que des
traits non interprétables ; c'est le cas des catégories
fonctionnelles (SAccor, ST etc.). Ces traits non interprétables peuvent
être vérifiés s'ils entrent en contact avec les
éléments lexicaux qui contiennent les mêmes traits
interprétables. C'est pour cette raison que les constituants se
déplacent vers les têtes des catégories fonctionnelles
identiques pour vérifier les traits non interprétables de ces
catégories. Le déplacement des constituants est rendu possible
par la condition de pleine interprétation (Full interpretation
condition) qui régit les niveaux PF et LF, et qui exige que tout trait
présent à l'une ou à l'autre de ces deux interfaces soit
interprétable. Les traits interprétables sont pertinents pour
l'interprétation d'une phrase et n'ont pas besoin d'être
vérifiés. En revanche, les traits non interprétables ne
sont pas pertinents pour l'interprétation et doivent être
éliminés pour que la dérivation soit bien formée.
Nous devons noter que le but ultime des opérations syntaxiques est
d'éliminer les traits non interprétables afin que la phrase soit
correcte c'est-à-dire grammaticalement acceptable.
Pour finir, au niveau de l'épel (spell out), la
dérivation est reliée à deux niveaux d'interface, FP et
FL.
2.2 Les contraintes d'économie universelle
Dans le cadre du Programme Minimaliste, tous les mouvements
syntaxiques sont soumis aux contraintes d'économies universelles qui
sont : le principe de dernier recours, le principe d'avarice et le principe de
distance minimale.
2.2.1 Le principe de dernier recours
Le principe de dernier recours encore appelé
procrastination en anglais est le principe selon lequel un syntagme ne se
déplace que s'il est contraint par la présence des traits
ininterprétables. Selon ce principe, le mouvement doit être
retardé le plus longtemps possible car le mouvement en FL est plus
économique qu'en syntaxe ouverte.
44
11 Selon le Principe de la Projection Etendue, toute
phrase doit avoir un sujet, (Chomsky (1981).
45
2.2.2 Le principe d'avarice
Selon ce principe, le déplacement se fait seulement
pour vérifier les traits du syntagme concerné et de lui seul.
2.2.3 Le principe de distance minimale
Le principe de distance minimale a pour but de réduire
la portée du déplacement et exige que l'élément se
déplace dans la cible la plus proche
2.3 On Wh-movement
Comme le dit Strik (2008 : 46), le cadre théorique de
« On Wh-Movement » est la Théorie Standard Etendue (TSE). Dans
ce travail, Chomsky unifie sous l'étiquette « Qu » un certain
nombre de règles qui étaient auparavant considérées
comme des règles séparées. Il donne les
propriétés suivantes du mouvement Qu :
1. Le mouvement Qu laisse une trace ;
2. Le mouvement Qu se produit vers la position
complémenteur ;
3. Le mouvement Qu est cyclique ;
4. Le mouvement Qu respecte la contrainte de sous-jacence.
2.3.1 Le mouvement Qu laisse une trace
Lorsqu'un syntagme Qu se déplace de sa position canonique
ou de sa position de base,
il laisse une trace. L'élément
déplacé et sa trace sont co-indexés.
Par ailleurs, la trace doit être proprement
gouvernée12 par son antécédent selon le
Principe de Catégorie Vide (ECP)13.
La phrase suivante illustre tout ce qu'on vient de dire :
(7) Qui demandes tu « demandes » « qui » ?
(1)
(2)
Dans la phrase (7), il s'est opéré deux
mouvements à savoir le mouvement du verbe « demandes » qui est
la tête de SV et le mouvement du syntagme Qu « qui ». Nous
pouvons noter que chaque fois que chacun de ces deux constituants se
déplace, il laisse derrière une
12X gouverne proprement y si et seulement si
:
a) x thêta-gouverne y ou x gouverne par
antécédence y
b) x thêta-gouverne y ssi x gouverne y et thêta
marque y
c) x gouverne par antécédence y ssi x gouverne y
et x est co-indexé avec y
13 Le Principe de Catégorie
Vide (ECP) exige que toute trace soit proprement gouvernée par son
antécédent.
46
trace. La trace est la copie14 du constituant
déplacé. Les constituants déplacés laissent
derrière eux une trace indiquant leur position d'origine. C'est le cas
en (7).
2.3.2 Le mouvement Qu se produit vers la position du
complémenteur
Cette propriété stipule d'une manière
indirecte que le site d'atterrissage du syntagme Qu est le complémenteur
qui se trouve dans la périphérie gauche de la phrase. En outre,
le déplacement du mot Qu de sa position de base vers la position
complémenteur, se fait par cycle. Dans une question
enchâssée, le mot Qu se déplace en deux cycles. Ceci
revient à dire qu'une question enchâssée implique un
mouvement plus long que dans une question à Qu simple. Car le syntagme
Qu va d'abord vers la position complémenteur de la phrase
subordonnée où il laisse une trace, et il continue ensuite son
chemin vers la position complémenteur de la phrase matrice.
2.3.3 Le mouvement Qu est cyclique
En syntaxe, le cycle est le déplacement du syntagme Qu
ou mot Qu de sa position de base vers la position complémenteur.
(8) [COMP Whoi [did you tell Mary [COMP
ti [that [she should meet ti]]]]]
(Chomsky 1977 : 84, ex. 41) cité par Strik (2008 :47,
ex.56))
La phrase (8) nous permet de noter que le mot Qu s'est
déplacé en deux cycles ou phases c'est-à-dire de sa
position de base pour la position complémenteur de la phrase
subordonnée, et après il continue vers la position
complémenteur de la phrase matrice. A chaque déplacement, le
syntagme Qu laisse une trace. Nous devons noter que le mouvement cyclique est
soumis à la contrainte de la sous-jacence.
2.3.4 Le mouvement Qu respecte la contrainte de la
sous-jacence
Cette contrainte est aussi appelée contrainte de la
borne, des frontières ou des barrières. Cette contrainte
régit les conditions de localité limitant la distance entre un
antécédent15 et sa trace16. La contrainte
de sous-jacence stipule que la distance entre un antécédent et sa
trace ne peut outrepasser plus de deux bornes. Nous devons noter que les
14 D'après Guilliot (2006), la copie
résulte d'un mouvement.
15Constituant déplacé qui laisse une
trace dans sa position de basse.
16Les traces sont des catégories qui n'ont
pas des réalisations lexicales, ce sont des constituants qui sont
dépourvus de contenu phonique. La présence des traces dans les
structures syntaxiques découle du Principe de Projection Etendue et de
la position non canonique de certains constituants dans des constructions
particulières comme la passivation, l'interrogation, la topicalisation,
la focalisation etc. On ne peut pas parler de trace sans parler de
catégorie.
En syntaxe, il existe deux sortes de catégories : les
catégories pleines et les catégories vides. Les catégories
pleines ont une réalisation lexicale. Alors que les catégories
vides qu'on appelle aussi trace n'ont pas de réalisation, Yapo
(2007).
47
bornes sont les projections maximales en l'occurrence le
syntagme nominal (SN) et le syntagme du complémenteur (SC).
Il est à noter que la Contrainte de sous-jacence
réunit aussi d'autres contraintes à savoir : la Contrainte de
l'îlot Qu (`Wh-island Constraint'), la Contrainte du Syntagme Nominal
Complexe (`Complex Noun Phrase Constraint' CNPC), la Contrainte de la Structure
Coordonnée (`Coordinate Structure Constraint' CSC) et la Contrainte du
Sujet Conditionné (`Subject Condition Constraint).
2.3.4.1 La Contrainte de l'îlot Qu
Suivant cette contrainte, un mot Qu ne peut pas être
extrait d'un SN complexe, c'est-à-dire un SN contenant une proposition
subordonnée.
(9) a. â kkà pôkèt màtwâ
juô Njoya rié ml nchare jûn n à ? c'est quelle
belle voiture C1 Njoya dire que Nchare acheter Int, « C'est quelle belle
voiture que Njoya dit que Nchare a acheté ? »
*b. â kkà juô Njoya rié ml nchare
jûn pôkèt mâtwâ n à ?
C'est quelle C1 Njoya dire que Nchare acheter belle voiture Int
« C'est quelle que Njoya dit que Nchare a acheté une belle voiture
? »
(Nchare 2005 : 167, ex (33a et b))
Comme l'explique Nchare (2005), l'extraction de
l'élément Qu est bloquée en (9b). L'extraction du marqueur
de l'interrogation juô laisse en chômage une partie du SD
objet, et la contrainte de la sous-jacence est violée en ce sens que le
marqueur de l'interrogation est déplacé au-delà du
complémenteur ml. En fait, ce que nous devons savoir c'est que
le déplacement du syntagme Qu dans une enchâssée doit se
faire d'un syntagme du complémenteur (SC) à un syntagme du
complémenteur (SC) c'est-à-dire par phase ; C'est ce qu'illustre
la phrase anglaise suivante :
(10) Which movie did John say Bill liked?
(11) SC
Spéc C'
Which movie
C° ST
John
T° SV
+Qu +EPP
Spéc T'
did did
Spéc V'
V° SC
(1) say Spéc C'
Which movie C° ST
Spéc T'
Bill T° SV
liked which movie
(3) (2)
48
(11), nous permet d'observer que le déplacement de
«which movie» se fait de SC à SC.
2.3.4.2 La Contrainte du Syntagme Nominal Complexe
Selon Ross (1967), la Contrainte du Syntagme Nominal Complexe
(`Complex Noun Phrase Constraint' CNPC) stipule qu'aucun élément
ne peut être extrait d'un SD complexe. Un SN complexe est un SN contenant
une proposition subordonnée.
Considérons les phrases suivantes :
(12) a. Ali a vu l'enfant de mon
frère.
*b. L'enfant, Ali l'a vu de mon frère.
(13) a. Pierre m'a donné le livre de
mathématique.
*b. Est-ce le livre que Pierre m'a donné de
mathématique ?
Les phrases (12a) et (13a) contiennent chacune un syntagme
nominal complexe. En (12a), le syntagme nominal complexe est «
l'enfant de mon frère » alors qu'en (13a)
le syntagme nominal complexe est « le livre de
mathématique ». (12b) est agrammaticale parce que
nous avons extrait un constituant du syntagme nominal complexe. En
réalité, en (12b), nous avons extrait « l'enfant
» du syntagme nominal complexe « l'enfant
de mon frère ». Tout de même, (13b) est
agrammaticale parce que nous avons extrait « le livre »
du syntagme
49
nominal « le livre de mathématique
». En conclusion, nous devons savoir qu'il est impossible
d'extraire un élément du syntagme nominal complexe.
2.3.4.3 La Contrainte de la Structure
Coordonnée
La Contrainte de la Structure Coordonnée (`Coordinate
Structure Constraint' CSC) nous permet de savoir qu'aucun élément
ne peut être extrait d'un syntagme ayant en son sein des
éléments coordonnés. Considérons les phrases
suivantes :
(14) a. Mefire kaÌpi^-fiì s?ì m poì
ndaìp. Mefire P4-vendre champ et maison « Mefire avait vendu le
champ et la maison. »
b. *Mefire kaÌpi^-fi k÷?Ì poì
ndaÌp m?Ì?
Mefire P4-vendre quoi avec maison M Int « Qu'avait vendu
Mefire et la maison ? »
L'agrammaticalité de (14b) est causé par le
fait que nous avons extrait le syntagme nominal s?ì m (champ)
au sein de la structure coordonnée s?ì m poì
ndaÌp (champ et maison). Aucun élément ne doit
être extrait de la structure coordonnée.
2.3.4.4 La Contrainte du Sujet Conditionné
La Contrainte du Sujet Conditionné (`Subject Condition
Constraint) stipule que rien ne doit être extrait du syntagme en position
sujet. L'exemple suivant illustre bien ce que nous venons de dire.
(15) a. A story about whom was written by John? *b. whom was a
story about « whom » written by John?
L'agrammaticalité de la phrase (15b) est dû au
fait que nous avons extrait whom dans A story about whom qui
est le sujet de la phrase. Or, la Contrainte du Sujet Conditionné
stipule que nous ne devons pas extrait un constituant dans le groupe sujet.
2.4 Mouvement de l'argument (A-movement)
Le mouvement de l'argument est le fait de déplacer un
constituant à une position où il reçoit une fonction
grammaticale bien précise ; c'est par exemple le cas de la passivation
où le constituant sujet devient objet et le constituant objet devient
sujet. Ce mouvement concerne seulement les arguments (le sujet et le
complément) comme son nom l'indique.
En syntaxe, le terme argument est généralement
utilisé pour regrouper les fonctions syntaxiques de sujet et de
complément (complément direct, complément indirect,
attribut.). Ceci nous permet de dire simplement que le terme argument est
utilisé pour désigner les deux constituants de la phrase que sont
le sujet et le complément d'objet direct ou indirect. Il existe
50
deux types d'arguments : l'argument externe et
l'argument interne. L'argument externe renvoie au sujet du verbe alors
que l'argument interne quant à lui, renvoie au complément d'objet
direct ou indirect. Les arguments de la phrase sont identifiables de part leur
position dans la phrase ; l'argument externe apparait avant le verbe alors que
l'argument interne apparait après le verbe. Les arguments peuvent aussi
être classés en deux sous-groupes à savoir : l'argument
syntaxique et l'argument sémantique. L'argument syntaxique
renvoie à la position d'un syntagme nominal par rapport au verbe, alors
que l'argument sémantique renvoie à la fonction d'un nom par
rapport au verbe.
Nous distinguons généralement trois sortes de
mouvements en syntaxe :
- Le mouvement de la tête (Head
movement) ;
- Le mouvement du syntagme (phrase movement)
;
- Le mouvement Qu (WH-movement).
2.4.1 Mouvement de la tête17 (Head movement)
Le mouvement de la tête (Head movement) est le
déplacement de la tête d'un syntagme à une position plus
haute dans la phrase. Radford (2006 : 98) nous fait savoir que dans ce genre de
mouvement, le déplacement se fait d'une tête à une
tête ; c'est-à-dire d'une tête de syntagme à une
autre tête de syntagme. Ce genre de déplacement se voit
généralement dans la formation des interrogations totales en
français ou il y a inversion sujet-verbe. Cet exemple illustre le
mouvement de la tête :
(16) Habite-il « habite » ici ?
La phrase (16) nous permet de constater que « habite
» qui est la tête du syntagme verbal (SV) a été
déplacé de V° (tête du syntagme verbal) à
C° (tête du syntagme du complémenteur (SC)).
2.4.2 Mouvement du syntagme (Phrase movement)
Nous parlons du mouvement du syntagme (phrase movement) quand
c'est le syntagme tout entier qui se déplace. Ce genre de mouvement est
le plus souvent observé dans les constructions passives dans les langues
comme le français, l'anglais et le Shupamem. Il importe de noter ici que
le déplacement de tout le syntagme est le plus souvent observé
quand nous avons à faire au constituants tel que : quel, quels, lequel,
lesquels laquelle, lesquelles, etc.
17 Tête du syntagme.
51
Observons les phrases suivantes :
(17) a' ji'ja` nda'p juo' u' 0 - ta'? n?Ì?
c'est quelle maison que 2sg PRS-vouloir M Int « C'est quelle
maison que vous voulez ? »
Nous pouvons noter que dans la phrase (17), ji'ja`
(quelle) en se déplaçant, à tirer avec lui nda'p
(maison) ; ce phénomène est appelé pied-piping.
Nous parlons de pied-piping en syntaxe lorsqu'un constituant
pendant son déplacement emmène avec lui d'autre(s)
constituant(s). Le pied-piping trouve son fondement dans le
principe de la convergence (convergence principle). Le Principe de la
convergence stipule que: «when an item moves, it carries along with it
just enough material for convergence18» Radford
(2004:111).
2.4.3 Mouvement Qu
Le mouvement Qu est l'extraction, le déplacement ou la
délocalisation du syntagme Qu de sa position d'origine pour la
périphérie gauche.
(18) Qui as-tu « as » vu « qui » ?
(1)
(2) En (18), « qui » syntagme Qu a
laissé sa position de base pour se retrouver en initial de phrase, c'est
ce genre de déplacement qu'on qualifie de mouvement Qu.
2.5 Mouvement Non argumental (A-bar movement)
Quand nous parlons de mouvement non argumental (A-bar
movement), nous faisons allusion au déplacement des constituants
(sujet et objet) de leur position de base pour une position autre où ils
ne sont plus considérés comme sujet ni objet. C'est le cas des
constituants focalisés, topicalisés, relativés et aussi
des syntagmes Qu qui se retrouvent à la périphérie gauche
dans les phrases interrogatives.
(19) a. a' nè ma' juo' na? 0 - mbi'??Ì m?Ìn
n?Ì?
c'est à moi que mère PRS-demander enfant M Int
« C'est à moi que la mère demande l'enfant ?»
b. m?ìn, i' 0-two'.
enfant 3sg PRS-venir « L'enfant, il vient. »
c. Nda'p juo' u' 0 - zu` n?ì pa' ji' Petro.
maison que 2sg PRS-laver Force être pour Pierre « La
maison que tu laves appartient à Ali. »
Les phrases (19a, b et c) sont les exemples de mouvement non
argumental.
18 Lors de son extraction, le constituant se
déplace avec tous les éléments nécessaires pour que
la phrase soit grammaticale.
52
Conclusion
Ce chapitre avait pour but de présenter la
théorie que nous allons utiliser dans le cadre de notre étude. Et
comme nous l'avons vu, la théorie utilisée dans le cadre de cette
recherche est le Programme Minimaliste de Noam Chomsky. Nous avons aussi
parlé des contraintes sur le mouvement ainsi que les
propriétés des syntagmes Qu.
53
Chapitre III :
|
LES MARQUEURS DE L'INTERROGATION EN SHUPAMEM
|
Introduction
Le chapitre précédant nous a permis de
présenter le cadre théorique de notre étude ; dans ce
chapitre il était question de parler du programme minimaliste ainsi que
de son apport dans ce travail. Dans le chapitre III, il sera question pour nous
d'identifier les marqueurs de l'interrogation en Shupamem à savoir les
pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs, les adverbes interrogatifs
bref tous les mots qui nous permettent de poser les questions dans cette
langue.
3.1 Les marqueurs de l'interrogation en Shupamem
Cette section sera consacrée à l'identification
des différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem.
Observons la phrase suivante et ses différentes
transformations :
(1) a. Maria ø - faì peÌn n?ì abdu
maìt?Ì kiì??ìm ndiÌa.
Maria PRS- donner couscous à Abdou dans cuisine
aujourd'hui « Maria donne du couscous dans la cuisine à Abdou
aujourd'hui. »
b. Maria ø - faì peìn n?ì abdu
maìt?Ì kiì??ìm ndiìa n?Ì
? Maria PRS- donner couscous à Abdou dans cuisine
aujourd'hui M Int « Maria donne-t-elle du couscous dans la cuisine
à Abdou aujourd'hui ? »
c. aì ø - faì wo
peìn n?ì abdu maìt?Ì ki??ìm
ndiìa n?Ì? c'est PRS- donner qui couscous
à Abdou dans cuisine aujourd'hui M Int « C'est qui qui donne du
couscous dans la cuisine à Abdou aujourd'hui ? »
d. Maria ø - faì k÷?ì
n?ì abdu maìt?Ì ki??ìm ndiìa
n?Ì ? Maria PRS- donner quoi à Abdou dans
cuisine aujourd'hui M Int « Marie donne quoi dans la cuisine à
Abdou aujourd'hui ? »
e. Maria ø - faì peìn poÌ n?ì
wo maìt?Ì ki??ìm ndiìa
n?Ì ? Marie PRS- donner coucous à qui dans
cuisine aujourd'hui M Int « A qui Marie donne-t-elle du coucous dans la
cuisine aujourd'hui ? »
f. Maria ø - faì peìn poÌ
jaì n?ì Abdou ndiìa n?Ì
? Marie PRS- donner coucous à où à Abdou
aujourd'hui M Int « Où Marie donne-t-elle du coucous à Abdou
aujourd'hui ? »
g. Maria ø - faì peìn n?ì abdu
maìt?Ì ki??ìm poÌ f??n?Ì
n?Ì? Maria PRS- donner couscous à Abdou dans cuisine
Foc quand M Int « Quand Marie donne-t-elle du coucous dans la cuisine
à Abdou ? »
h. aì ø - faì maria peìn n?ì
abdu maìt?Ì ki??ìm ndiìa
n?Ì? c'est PRS- donner Marie couscous à Abdou
dans cuisine aujourd'hui M Int
54
« C'est Marie qui donne du couscous à Abdou dans
la cuisine aujourd'hui ? »
Dans la phrase (1b), nous avons à faire à une
interrogation totale, elle porte sur toute la phrase et non sur une partie de
la phrase. Ici, l'interrogation est marquée par n?Ì en
fin de phrase. Dans la phrase (1c), nous avons interrogé le sujet du
verbe en utilisant le pronom interrogatif wo (qui). Alors que dans
(1d), nous avons interrogé le complément d'objet direct en
utilisant le pronom interrogatif k÷?ì (quoi). En (1e),
nous avons interrogé le complément d'objet indirect ceci par le
biais du pronom interrogatif wo (qui). En (1f), nous avons
interrogé le complément circonstanciel de lieu en utilisant
l'adverbe interrogatif de lieu ja' (où). En (1g), nous avons
interrogé le temps du déroulement de l'action en utilisant
l'adverbe interrogatif de temps f??n? (quand). En (1h), nous avons
interrogé le sujet « Marie » question de savoir si c'est
vraiment cette personne qui fait l'action exprimée par le verbe.
Nous devons remarquer que les exemples (1a, b, c, d, e, f, g
et h) comportent tous (n?Ì) en fin de phrase qui permet de marquer
l'interrogation.
En conclusion nous pouvons remarquer à travers les
exemples (1b, c, d, e, f, g et h), qu'il existe en Shupamem plusieurs mots
interrogatifs. Dans les sections suivantes il sera question pour nous de
recenser tous les marqueurs interrogatifs dans notre langue d'étude.
3.1.1 Les pronoms interrogatifs en Shupamem
D'après Lagane et René (1997), le pronom
interrogatif est un mot qui invite l'interlocuteur à designer
l'être ou la chose sur laquelle porte une question. En Shupamem, nous
pouvons classer les pronoms interrogatifs d'après le schéma
binaire suivant : pronoms interrogatifs monosyllabiques et pronoms
interrogatifs polysyllabiques.
3.1.1.1 Les pronoms interrogatifs monosyllabiques en
Shupamem
Les pronoms interrogatifs monosyllabiques sont les pronoms
interrogatifs formés d'une seule syllabe. Nous avons en Shupamem deux
pronoms interrogatifs monosyllabiques : à savoir wo (qui) et
k÷? (quoi).
Considérons les phrases suivantes :
(2) a. a' 0 - ?u' wo ma' nda`p m?Ì?
c'est PRS-rester qui à maison M Int « C'est qui qui
habite à la maison ? »
b. i' 0 -mpo' wo n?Ì ? 3sg PRS-
être qui M Int « Qui est-il ? »
c. ji` m?ì?gbi`e` 0 -mpo' wo n?Ì
? Cette femme PRS- être qui M Int « Qui est cette femme ? »
d.
55
ji' m?Ìn 0 -mpo' wo n?Ì ? Cet
enfant PRS-être qui M Int « Qui est cet enfant ? »
e. * wo 0 - ?u' ma'n nda`p m?Ì ?
Qui PRS-rester à maison M Int « Qui habite
à la maison ? »
f. u' 0 - fa'? k÷?Ì
n?Ì? 2sg PRS-travailler quoi M Int « Tu fais quoi dans
la vie ? »
g. a' 0 - n?a'? k÷?Ì n?Ì
? c'est PRS-passer quoi M Int « C'est quoi qui se passe ? »
Comme nous le montrent les phrases (2a, b, c et d), le pronom
interrogatif « qui » se traduit par wo en Shupamem.
Le pronom wo (qui) n'a pas une position fixe ou figée ceci est
attesté par les phrases (2a, b, c et d).
Le pronom interrogatif « quoi » se traduit par
k÷?Ì en Shupamem comme le montrent les phrases (2f et g)
ci-dessus.
3.1.1.2 Les pronoms interrogatifs polysyllabiques en
Shupamem
Les pronoms interrogatifs polysyllabiques sont les pronoms
interrogatifs formés d'au moins deux syllabes.
Soient les phrases suivantes :
(3)a. u' 0 - ?o'? ji'ja` m?ìry` ji'
n?Ì ?
2sg PRS- choisir lequel parmi ceux-ci M Int « Lequel as-tu
choisi parmi ceux-ci ? »
b. na? ?u` te' - ?i'ke`t ndu' ji'ja` n?Ì
? maman toi PERF -parler sur lequel M Int ? « Duquel parle ta maman ?
»
c. a' mp?ìm'm?Ì 0 - mb?ì ji'ja`
juo' p?ìn 0 -?i'ke`t t?Ìm ?Ì? c'est vraiment
PRS-être lequel que vous PRS-parler sur M Int « Auquel faites-vous
vraiment allusion ? »
d. a' ?i'ja` 0 - mb?Ì po'ke`ri'
n?Ì ? C'est lesquels PRS-être bien M Int ? « Ce sont
lesquels qui sont bien ? »
e. wa? ?u` p?ì-?i'ke`t ndu' ?i'ja`
n?Ì ? père toi Pas1-parler sur lesquels M Int «
Desquels parle ton père ? »
f. *?i'ja` n?Ì wa? ?u`
p?ì-?i'ke`t ndu' n?Ì ? lesquels M Int père toi
Pas1-parler sur M Int « Desquels parle ton père ? »
56
g. a' ?i'ja` 0 - mb?ì ju' n?Ì?
C'est lesquels PRS-être toi M Int?
« Ce sont lesquels qui sont à toi ? »
Les phrases (3a, b, c, d, e, f et g) nous permettent
d'identifier deux pronoms interrogatifs polysyllabiques en Shupamem :
ji'ja` (lequel ou laquelle) et ?i'ja` (lesquels ou
lesquelles). Le constat que nous pouvons faire concernant ces deux
pronoms interrogatifs, c'est qu'ils ne se placent jamais en initial de phrase
à moins qu'ils ne soient focalisés, comme illustré en (3d
et g).
3.1.2 Les adjectifs interrogatifs en Shupamem
Lagane et René (1997) définissent l'adjectif
interrogatif comme un mot qui invite à indiquer la qualité de
l'être ou de la chose sur lesquels porte la question.
Soient les phrases suivantes :
(4) a. a' 0 -two' ji'ja` m?ìn ma' mda'p
m?Ì ?
c'est PRS-venir quel enfant à maison M Int ? « C'est
quel enfant qui vient à la maison ? »
b. a' 0 - ?i'ke`t ji'ja` na?m?ìn
fre'n?i` n?Ì ? c'est PRS- parler quel maman français M Int ?
« C'est quelle maman qui parle français ? »
c. a' 0 - ?gwo'n ?i'ja` ti'tap?Ìn ndiaa'
n?Ì ? c'est PRS- partir quels parents aujourd'hui M Int ? «
C'est quels parents qui partent aujourd'hui ? »
d. u' 0 - ta'? ji'n- ?u'n ji'ja` ?a'm ?Ì
? 2sg PRS-vouloir INF-acheter quelle hache M Int ? « Quelle hache
veux-tu acheter ? »
Les adjectifs interrogatifs en Shupamem sont : ji'ja`
(quel ou quelle) et ?i'ja` (quels ou quelles).
3.1.3 Les adverbes interrogatifs en Shupamem
D'après Lagane et René (1997 : 120), les
adverbes interrogatifs sont des adverbes qui indiquent la
modalité19 interrogative de la phrase. En d'autres termes,
les adverbes interrogatifs introduisent des questions qui portent sur le temps,
le lieu, la manière, la cause, la durée, la quantité, le
prix, etc.
19 La modalité est la trace de l'attitude du
locuteur face à ce qu'il dit. Lorsque le locuteur interroge sur la
modalité de ce qu'il dit, on dit que la modalité de cette phrase
est interrogative.
57
3.1.3.1 Adverbe interrogatif de lieu
L'adverbe interrogatif de lieu introduit une question qui
porte sur le lieu. Dans les exemples qui suivent, nous allons identifier les
adverbes interrogatifs de lieu en Shupamem.
(5) a. u' 0 - ?gwo'n ja' n?Ì? tu PRS-
partir où M Int « Où vas-tu ? »
Réponse : m?? na` 0 - ?gwo'n ma' nda`p.
1sg Accs PRS - partir à maison « Je vais
à la maison. »
b. m?ìn 0 -po' ja' n?Ì ?
enfant PRS- être où M Int « Où est
l'enfant ? »
Réponse : m?ìn 0 - pa' ?ai'.
enfant PRS- être ici « L'enfant est ici.
»
En Shupamem, l'adverbe interrogatif de lieu est ja`
(où) comme le montrent (5a et b).
3.1.3.2 Adverbe interrogatif de temps
L'adverbe interrogatif de temps nous permet de poser une
question qui porte sur le temps. Observons les phrases suivantes :
(6) a. u' 0 -two' f?ì?n?Ì
n?Ì ? 2sg PRS- venir quand M Int «Quand viens-tu ?
»
Réponse : m?? 0 -two' ndia`.
1sg PRS- venir aujourd'hui « Je viens aujourd'hui. »
b. na? ?u' 0 -gwo'n f?ì?n?Ì
n?Ì ?
Maman toi PRS- partir quand M Int « Quand va ta maman ?
»
Réponse : na? ?a' na` 0 -gwo'n ga'fu`t.
Maman moi Accs PRS- partir lundi « Ma maman part
lundi. »
Les exemples (6a et b) nous montrent que nous avons en
Shupamem deux adverbes interrogatifs du temps en Shupamem : f??n?
(quand).
3.1.3.3 Adverbe interrogatif de cause
L'adverbe interrogatif de cause nous permet de poser une
question sur la cause d'une action ou d'un évènement. Les phrases
qui suivent nous permettent d'identifier l'adverbe interrogatif en Shupamem.
(7) 58
a. Ali 0 -nda'p m?ìn po'
m?ì?ga`k÷?ì n?Ì ?
Ali PRS- battre enfant pour pourquoi M Int « Pourquoi
Ali bat-il l'enfant ? »
Réponse : Ali na 0 -nda'p m?ìn po' ndo'mdo`m.
Ali Accs PRS- battre enfant pour rien « Ali bat
l'enfant pour rien. »
b. u' 0 -twó ?ai' po'
m?ì?ga`k÷?ì n?Ì ?
2sg PRS- venir ici pour pourquoi M Int « Pourquoi viens-tu
ici ? »
Réponse : m?? 0 -twó ji'n-?u?ìn u` ?ai'.
1sg PRS- venir INF-voir toi ici « Je viens te voir ici.
»
En Shupamem l'adverbe interrogatif de cause est
m??gakw÷? (pourquoi) comme illustré par les phrases (7a et
b).
3.1.3.4 Adverbe interrogatif de manière
L'adverbe interrogatif de manière introduit une
question qui porte sur la manière. En Shupamem l'adverbe interrogatif de
manière est n?ì(comment).
(8) a. p?ì 0 - fa'? pi'ri?Ìn po'
n?ì n?Ì ? On PRS- cultiver arachide pour
comment M Int « Comment cultive-on les arachides ? »
Réponse : ma^ 0- ji'a ji'n- fa'? pi'ri?Ìn.
Nég PRS- connaître INF-cultiver arachide
« Je ne connais pas comment on cultive les arachides.
»
b. i` n0 - po' n?ì n?Ì ?
3sg PRS- être comment M Int « Comment est-il ?
»
Réponse : i` 0 -pa' po'ke`ri'.
3sg PRS-être bien « Il est bien. »
En (8a et b) nous voyons que l'adverbe interrogatif de
manière en Shupamem est n?ì (comme).
3.1.3.5 Adverbe interrogatif de durée
L'adverbe interrogatif de durée nous permet de poser
une question qui porte sur la durée d'une action ou d'un
événement. C'est ce que nous montrent les phrases suivantes :
(9) a. i' two'-kw?Ìt nda`p po' m?Ì f?ì
ji's÷?Ì n?Ì ? 3sg F1-construire maison
pendant temps combien M Int « Pendant combien de temps construira-t-il la
maison ? »
59
Réponse : ma' two'-kw?Ìt nda`p po' m?Ì
t?Ìn ?ga`b.
1sg F1-construire maison pendant dix semaine « Je
construirai la maison pendant dix semaines. »
b. a' l?ì? f?ì ji'si÷?Ì
juo' u' 0 -two' n?Ì ?
c'est depuis temps combien que 2sg Pas1-venir M Int « C'est
depuis combien de temps que tu es venu ? »
Réponse : 0 -twa' l?ì? pe`? ?ga`b.
Pas1-venir depuis deux semaines
« Je suis venu depuis deux semaines. »
Les phrases (9a et b) nous permettent de constater que l'adverbe
interrogatif de durée « pendant combien de temps,
depuis combien de temps » se traduit par f? jis÷?
en Shupamem. 3.1.3.6 Adverbe interrogatif de
quantité
L'adverbe interrogatif de quantité est un mot qu'on
utilise pour poser une question qui porte sur la quantité. Observons les
phrases suivantes :
(10)a. u' p?Ì- ta'? ji's÷?Ì
n?Ì ?
2sg pas2 -vouloir combien M Int « Combien voulais-tu ?
»
Réponse : ma' na` p?Ì- ta'? ji' ?gba`.
1sg Accs pas2- vouloir nombre quatre « Je voulais quatre.
»
b. p?ì 0-po' pi's÷?Ì
n?Ì ?
3pl PRS- être combien M Int ? « Combien sont-ils ?
»
Réponse : p?' 0- pa' pi' te'?.
3pl PRS- être nombre trois « Ils sont à trois.
»
L'adverbe interrogatif de quantité se réalise de
deux façons en Shupamem : ji's÷?Ì (combien) et
pi's÷?Ì (combien). Notons avant de continuer que
l'adverbe interrogatif de quantité ji's÷?Ì
(combien) est utilisé quand nous posons une question qui porte sur
les objets alors que pi's÷?Ì (combien) est utilisé
lorsque nous posons une question sur les êtres humains.
3.1.3.7 Adverbe interrogatif de prix
L'adverbe interrogatif de prix introduit une question qui
porte sur le prix. Considérons les phrases suivantes :
(11)a. ko'se` 0-po' b?ìs÷?Ì
n?Ì ?
beignet PRS- coûter combien M Int ? « Combien
coûte le beignet ? »
60
Réponse : kóseÌ 0 -paì te^n
kaìm.
beignet PRS- coûter cinq mille « Le beignet
coûte cinq mille. »
b. û 0-two bés÷?Ì
n?Ì ?
2sg Pas1-venir combien M Int «Combien as-tu ? »
Réponse : 0 -twaì té? kaìm.
Pas1-venir trois mille « J'ai trois mille. »
Comme nous le montrent les phrases (11a et b), l'adverbe
interrogatif de prix est bés÷è (combien) en
Shupamem.
3.1.4 Utilisation des marqueurs de l'interrogation «
?Ì», « m?Ì », « n?Ì », «
iÌ» et « niÌ»
Nchare (2012), appelle è, mè
et nè question marker c'est-à-dire marqueur de
l'interrogation. Ses travaux révèlent que l'interrogation est
marquée en Shupamem par ?Ì, m?Ì,
nè, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et
les adverbes interrogatifs. En plus des marqueurs de l'interrogation
identifiés par Nchare (2012), nous avons identifié deux autres
marqueurs de l'interrogation à savoir iÌ et
niÌ que nous appelons dans le cadre de notre travail
interrogateur oratoire (Int or). L'interrogateur oratoire est utilisé
dans les questions oratoires ; nous parlerons des questions oratoires dans le
chapitre IV qui est consacrée aux types des questions. De manière
générale, les marqueurs de l'interrogation è,
mè, nè, iÌ et niÌ
peuvent soit être utilisés en combinaison avec d'autres mots
interrogatifs comme les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs, les
adverbes interrogatifs (interrogation partielle) ou être utilisés
seul comme dans les interrogations totales ou dans les interrogations
alternatives. Nous pouvons dire avec Nchare (2012 : 497) que les marqueurs de
l'interrogation ?Ì, mè, n?Ì,
iÌ et niÌ sont toujours en fin de phrase
interrogative.
Considérons les phrases suivantes :
(12) a. aì polo juó iì woÌ? ?gbom
?Ì?
c'est Paul qui 3sg ecraser maïs M Int « C'est Paul
qui écrase le maïs ? »
b. aì 0-?gwón wo tén
?Ì?
c'est PRS -aller qui marché M Int « C'est qui qui va
au marché ? »
c. aì jiìjaÌ f?Ì ? jûó
léraì? juÌn pé?i n?Ì?
c'est quel moment que enseignant acheter crayon M Int
« C'est à quel moment que l'enseignant a
acheté le crayon ? » (Nchare 2012 :498, ex. (35a))
d.
61
u' 0-ta'? ji'n-?u`n pe'?i n?Ì ? 2sg
PRS-vouloir INF-acheter crayon M Int « Veux-tu acheter le crayon ?
»
e. u' 0-mbi'??Ì wa? n?Ì? 2sg
PRS-demander père M Int « Demandes-tu le père ? »
f. i' 0- ?gwo'n ma` nda'p m?Ì? 3sg
PRS -aller à maison M Int « Va-t-il à la maison ? »
g. Ali 0- ?u' ?i'mba`m ?Ì? Ali PRS-
habiter Njimbam M Int «Ali habite-t-il à Njimbam ? »
h. u' 0-ta'? pe'?i` ke' ta'r?Ì
n?Ì? 2sg PRS-vouloir crayon ou parapluie M Int
«Veux-tu le crayon ou le parapluie ? »
i. i' 0-two' ndia' ke' f?ì m?u`
n?Ì? 3sg PRS-venir aujourd'hui ou demain M Int
«Vient-il aujourd'hui ou demain ? »
j. u' 0-?u?ìn k÷?ì ni`
? 2sg PRS-voir quoi Int or « Que vois-tu ? »
k. Ali 0- two' f?ì?n?Ì ni`
? Ali PRS- venir quand Int or « Quand vient Ali ? »
l. m?Ìn 0-?gwo'n te'n i` ? enfant
PRS-aller marché Int or « L'enfant va-t-il au marché ?
»
En (12a, b et g), l'interrogation est marquée par le
marqueur de l'interrogation ?Ì. En (12c, d, e, h et i),
l'interrogation est marquée par n?Ì. En (12j et k),
l'interrogation est marquée par ni`, alors qu'en (12l) par
i`.
Les phrases (12a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k) nous
permettent de confirmer qu'en Shupamem, l'interrogation est marquée par
: ?Ì, m?Ì, n?Ì, ni` et
i`. Ce constat fait, nous allons essayer de répondre à
une question très intéressante dans la formation des questions en
Shupamem. Cette question est la suivante : l'utilisation des marqueurs de
l'interrogation ?Ì, m?Ì, n?Ì,
ni` et i` en association avec les autres mots interrogatifs
(les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes
interrogatifs) est-elle optionnelle ou obligatoire en Shupamem ? Pour
répondre à cette question, nous allons reprendre les questions
utilisées à la section 3.1.4.
62
(13)a. aì ø-?gwoìn wo
teìn ?Ì ?
c'est PRS -aller qui marché M Int « C'est qui qui va
au marché ? »
*b. aì ø-?gwoìn wo
teìn ?
c'est PRS -aller qui marché M Int « C'est qui qui
qui va au marché ? »
*c. aì ø-?gwoìn teìn
?Ì ? c'est PRS -aller marché M Int «
C'est qui qui qui va au marché ? »
d. Ali twó-jàp k÷?Ì
ndù t?ìb?Ì n?ì polo ndiaÌ
n?Ì?
Ali F1-deposer quoi sur table à Paul aujourd'hui M Int
« Que déposera Ali à Paul sur la table aujourd'hui ?
»
*e. Ali twó-jàp k÷?Ì
ndù t?ìb?Ì n?ì polo ndiaÌ ? Ali
F1-deposer quoi sur table à Paul aujourd'hui «Que déposera
Ali à Paul sur la table aujourd'hui »
*f. Ali twó-jàp ndù t?ìb?Ì
n?ì polo ndiaÌ n?Ì? Ali F1-deposer sur
table à Paul aujourd'hui M Int « Ali déposera-t-il à
Paul sur la table aujourd'hui. »
g. aì ø-?gwoìn wo
maì ndaÌp m?Ì?
c'est PRS-aller qui à maison M Int « C'est qui qui
part à la maison ? »
*h. aì ø-?gwoìn wo
maì ndaÌp? c'est PRS-aller qui à maison «
C'est qui qui part à la maison ? »
*i. aì ø-?gwoìn maì ndaÌp
m?Ì ? c'est PRS-aller à maison M Int «
C'est qui qui part à la maison ? »
j. uì ø-?u?ìn k÷?ì
niÌ ?
2sg PRS-voir quoi Int or « Que vois-tu ? »
*k. uì ø-?u?ìn k÷?ì
? 2sg PRS-voir quoi « Que vois-tu ? »
*l. uì ø-?u?ìn
niÌ? 2sg PRS-voir quoi « Que vois-tu ?
»
m. aì ø-?gwoìn wo
teìn iÌ ?
c'est PRS-aller qui marché Int or « Qui va au
marché ? »
*n. aì ø-?gwoìn teìn
iÌ ?
c'est PRS-aller marché Int or
63
« Qui va au marché ? »
*o. aì 0- ?gwoìn wo teìn?
c'est PRS-aller qui marché « Qui va au marché ? »
En (13a), l'interrogation est marquée par le pronom
interrogatif wo (qui) et le marqueur de l'interrogation
?Ì. Dans la phrase (13b), nous avons enlevé le marqueur
de l'interrogation ?Ì, et du coup cette phrase est
agrammaticale. De même, la phrase (13c) est aussi agrammaticale parce que
nous avons enlevé le pronom interrogatif wo (qui).
Quand nous observons la phrase (13d), nous notons que
l'interrogation est marquée par le pronom interrogatif
k÷?Ì (quoi) et le marqueur de l'interrogation
n?Ì. En (13e), nous avons utilisé seulement le pronom
interrogatif k÷?Ì (quoi) ce qui rend cette phrase
agrammaticale. De même (13f), est agrammaticale parce que nous n'avons
pas utilisé le marqueur de l'interrogationn ?Ì.
La phrase (13g) comporte deux mots interrogatifs wo
(qui) et m?Ì. (13h) est agrammaticale parce qu'elle ne
comporte pas m?Ì. (13i) est aussi agrammaticale à cause
de l'absence de wo (qui).
En (13j), nous avons utilisé k÷?ì
(quoi) et l'interrogateur oratoire niÌ.
L'agrammaticalité de (13k) relève de l'absence de
niÌ. (13l) est agrammaticale parce que nous n'avons pas
utilisé k÷?ì (quoi).
En (13m) l'interrogation est marquée par : wo
et iÌ. La phrase (13n) et (13o) sont agrammaticales parce
qu'ils comportent chacun un marqueur de l'interrogation au lieu de deux.
En conclusion, il ressort que dans les interrogations
partielles et oratoires en Shupamem (interrogations dans lesquelles on utilise
deux marqueurs de l'interrogation), l'utilisation de deux marqueurs de
l'interrogation est obligatoire l'absence de l'un rend la phrase
agrammaticale.
3.1.4.1 La distribution de « ?Ì »,
« m?Ì » et « n?Ì » dans les interrogations en
Shupamem
Il sera question pour nous de dire ce qui justifie
l'utilisation de « ?Ì », « m?Ì » et
« n?» dans une interrogation. Considérons les phrases
suivantes :
(14)a. uÌ 0 - ?uì ?aìiÌ
poÌniì n?Ì ?
2sg PRS- rester ici avec M Int « Habites-tu ici avec lui ?
»
b. ndaìp 0-poì b?ìs÷?Ì
n?Ì ?
beignet PRS- couter combien M Int ? « Combien coûte le
loyer ? »
c.
64
p?ìn 0-po' pi' t?Ìn ?Ì ? enfants PRS-
être à cinq M Int ? « Combien sont-ils les enfants ?
»
d. i' 0-?gwo'n n?imbam ?Ì ? 3sg PRS- aller Njimbam M
Int « Va-ti-il à Njimbam ? »
e. u' 0 -ta'? nda'p m?Ì ? 2sg PRS- chercher maison M
Int « Es-tu à la recherche d'une maison ? »
f. u' 0 -ta'? nda'b m?Ì ? 2sg PRS- chercher fil M Int
« Es-tu à la recherche du fil ?
g. ndia' 0 - po' su'nd?Ì n?Ì ? aujourd'hui PRS-
être dimanche M Int « Est-ce dimanche aujourd'hui ? »
h. a' 0 - ?gwo'n ?i'ja` p?ìn ndiaa' n?Ì? c'est
PRS- partir quels enfants aujourd'hui M Int ? « Ce sont quels enfants qui
partent aujourd'hui ? »
i. u' 0 -ta'? ma'twa` ke' kwo'r?Ì n?Ì ? 2sg
PRS- chercher voiture ou vélo M Int « Es-tu à la recherche
de la voiture ou du vélo ? »
j. u' 0 - mbi'??Ì ma' ke' ali n?Ì ?
2sg PRS-demander moi ou Ali M Int « Est-ce Ali ou moi que
vous demandez ? »
Le marqueur de l'interrogation ?Ì s'utilise
quand il est précédé par une nasale comme nous indiquent
les phrases (14c et d). Le marqueur de l'interrogation m?Ì est
utilisé devant les bilabiales (p et b) comme en (14e et f) ; il y a dans
ce cas précis assimilation consonantique qui est en
réalité le fait pour une consonne d'épouser les traits
caractéristiques de la consonne voisine.
Le marqueur de l'interrogation n?Ì est
utilisé lorsqu'il est précédé par une voyelle ;
c'est ce qu'illustrent les phrases (14g, h, i et j).
Ceci nous permet de dire en guise de conclusion que
?Ì, m?Ì et n?Ì sont en
distribution complémentaire en Shupamem parce que les contextes
d'apparition de ces marqueurs de l'interrogation ne sont pas identiques. Ces
trois marqueurs de l'interrogation ne peuvent pas apparaitre toutes dans une
interrogation.
Dans le chapitre quatre, nous verrons quelle place les
marqueurs de l'interrogation ?Ì, m?Ì et
n?Ì occupent au sein d'une phrase interrogative.
65
3.1.4.2 La distribution de « i` » et «
ni` » dans les interrogations en Shupamem
Nous allons dans cette section parler de la distribution du
marqueur de l'interrogation i` et ni` en Shupamem. Pour cela,
observons les phrases suivantes :
(15) a. u' l?ì? -ju`n k÷?ì ni` ?
2sg F2-acheter quoi Int or « Qu'achèteras-tu ?
»
b. m?Ìn pê-juo'n wo ni` ? enfant P2-voir qui Int or
« Qui l'enfant avait-il vu ? »
c. u' ø -z?Ìn ji'n- ?gwo'n te'n i`? 2sg
PRS-vouloir INF-aller marché Int or « Veux-tu aller au
marché ? »
d. na? two'-fa'? ta'm i` ?
mère F1-cultiver marécage Int or
« La mère cultivera-elle le marécage ?
»
En Shupamem, ni` est utilisé lorsqu'il est
précédé par une voyelle ou une consonne à
l'exception de la nasale (m et n) comme en (15a et b). Nous utilisons
iÌ pour marquer l'interrogation lorsqu'il est
précédé par la nasale (m et n).
Dans le tableau suivant, nous allons récapituler tous
les mots interrogatifs en Shupamem.
Tableau 1 : Les mots interrogatifs en
Shupamem
Catégories grammaticale
|
Shupamem
|
Français
|
|
Les pronoms interrogatifs monosyllabiques
|
Wo
|
qui
|
|
|
k÷?Ì
|
que
|
|
|
Les pronoms interrogatifs polysyllabiques
|
ji'ja`
|
laquelle/Lequel
|
|
|
?i'ja`
|
lesquelles / Lesquels
|
|
|
Les adjectifs interrogatifs
|
ji'ja`
|
quelle/quel
|
|
|
?i'ja`
|
quelles / quels
|
|
|
Les adverbes interrogatifs
|
Ja'
|
où
|
|
|
f?ì?n?Ì
|
quand
|
|
|
m?ì?ga`k÷?Ì
|
pourquoi
|
|
|
n?ì
|
comment
|
|
|
f?jis÷?
|
pendant combien
combien de temps
|
de
|
temps/depuis
|
ji's÷?Ì et pi's÷?Ì
|
combien (quantité)
|
|
|
b?ì s÷?Ì
|
combien (prix)
|
|
|
Marqueurs de
l'interrogation
|
?Ì, m?Ì, n?Ì, i` et ni`
|
|
|
|
Comme nous pouvons le noter, il y a en Shupamem dix-neuf (19)
mots interrogatifs.
66
Conclusion
Ce chapitre était consacré à
l'identification des différents marqueurs de l'interrogation en
Shupamem. Nous avons découvert que dans cette langue, l'interrogation
est marquée par le marqueur de l'interrogation è,
n?Ì, mè, l'interrogateur oratoire i` ou
ni`, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les
adverbes interrogatifs.
Nous avons constaté que les marqueurs de
l'interrogation è, nè, mè sont
utilisés seul dans les interrogations totales alors que dans les
interrogations alternatives et averbales, ils sont utilisés en
combinaison avec d'autres marqueurs de l'interrogation (les pronoms
interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs). Les
interrogateurs oratoires i` ou ni` quant à eux sont
utilisés dans les questions oratoires mais en combinaison avec d'autres
marqueurs de l'interrogation.
Par ailleurs, nos données ont
révélé que dans les interrogations partielles et oratoires
en Shupamem (interrogations dans lesquelles on utilise deux marqueurs de
l'interrogation), l'utilisation de deux marqueurs de l'interrogation est
obligatoire l'absence de l'un rend la phrase agrammaticale.
67
Chapitre IV :
|
TYPOLOGIE DES QUESTIONS EN
SHUPAMEM
|
Introduction
Le chapitre III, nous a permis de dénombrer les
différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem. En fait, il ressort
qu'en Shupamem l'interrogation est marquée par le marqueur de
l'interrogation è, nè, mè,
l'interrogateur oratoire I ou nI, les pronoms
interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs. Dans
le chapitre IV, il sera question pour nous d'inventorier les types
d'interrogations en Shupamem, de parler de la distribution des constituants de
la phrase interrogative, d'identifier et d'expliquer les différents
mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives en
Shupamem. Pour ce faire, nous allons parler tour à tour des constituants
de l'interrogation totale directe, des constituants de l'interrogation totale
indirecte, des constituants de l'interrogation partielle directe, des
constituants de l'interrogation partielle indirecte, des constituants de
l'interrogation oratoire, des constituants de l'interrogation alternative et
des constituants de l'interrogation averbale. Par la suite, nous allons aussi
parler des différents mouvements syntaxiques qui s'opèrent dans
chaque type d'interrogation. Pour finir, nous parlerons des interrogations
à Qu multiple.
4.1 La phrase de base
La phrase de base est une phrase qui n'a encore subi aucune
transformation syntaxique. C'est en fait la phrase canonique. C'est elle qui
sert de modèle à toute analyse syntaxique. Cette phrase nous
permet de comprendre la structure de la grande majorité de phrases. Ce
modèle de phrase a généralement deux constituants
obligatoires à savoir : un groupe en fonction sujet et un groupe en
fonction prédicat. Notons aussi que la phrase de base peut avoir un ou
plusieurs constituants facultatifs. Disons pour finir que la phrase de base
possède les caractéristiques suivantes : elle est de type
déclaratif et de forme20 active, positive, neutre et
personnelle. Les phrases qui ne sont pas de forme positive, active, neutre et
personnelle sont des phrases transformées.
20 La notion de forme de phrase regroupe plusieurs
phénomènes syntaxiques et particularités grammaticales. La
forme de phrase correspond à des structures des phrases
différentes. Les formes de phrase se reconnaissent par la
présence ou non de certains mots et par la variation dans l'ordre de
mots dans la phrase. C'est en forme d'opposition que se définit les
formes de phrase. Communément, on oppose ainsi les formes de phrase
suivantes :
a. Forme positive ou forme négative
b. Forme active ou forme passive
c. Forme neutre ou forme emphatique
d. Forme personnelle ou forme impersonnelle
68
4.2 Type d'interrogations en Shupamem
Dans cette section, il sera question pour nous de recenser les
types d'interrogation en Shupamem. Mais avant cela il est important de dire ce
qu'on entend par phrase interrogative. En linguistique, l'interrogation est
un acte de langage21 par lequel l'énonciateur
demande une information au destinataire et attend une réponse de la part
de celui-ci. Une phrase interrogative est couramment appelée question.
Les structures de phrases interrogatives peuvent varier puisqu'il existe
plusieurs moyens pour les construire. Observons les phrases suivantes :
(1) a. aì ø - fû wo ?aiì n?Ì
?
c'est PRS-rester qui ici M Int « C'est qui qui habite ici ?
»
b. wo jaì n?Ì ? qui où M Int « Qui
est où ? »
c. û ø-?gwoìn fï?n?Ì n?Ì
? 2sg PRS-aller quand M Int « Quand vas-tu ? »
Les phrases (1a, b et c) montrent clairement que les
structures de phrases interrogatives ne sont pas les mêmes. En (1b), le
mot interrogatif est en initial de phrase alors qu'en (1c), il est en final de
phrase. Ce qui nous permet de conclure que l'interrogation se forme de
plusieurs façons en Shupamem.
Nous avons recensé en Shupamem cinq (05) types
d'interrogations à savoir :
1) L'interrogation totale
2) L'interrogation partielle
3) L'interrogation alternative
4) L'interrogation rhétorique
21 Le terme acte de langage a été
créé en 1962 par Austin John Langshaw dans Quand dire c'est
faire. Un acte de langage est un moyen mis en oeuvre par un locuteur pour
agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer,
demander, inciter, etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen.
La notion d'acte de langage est une notion très
importante qui a donné naissance à la pragmatique (branche de la
linguistique spécialisée dans l'étude de l'usage du
langage). La pragmatique se propose d'étudier, dans les
énoncés, tout ce qui implique la situation de communication.
Dans le cadre de la théorie de l'acte de langage,
Austin distingue trois types d'actes accomplis grâce au langage :
- Acte locutoire, qui correspond au fait de dire, dans le sens
de produire de la parole (en articulant et en combinant des sons et des mots
selon les règles de la grammaire).
- Acte illocutoire que l'on accompli en disant quelque chose :
j'accomplis un acte de promesse en disant je promets, de questionnement en
employant une interrogation etc.
- Acte perlocutoire qui correspond à l'effet produit
sur l'interlocuteur par l'acte illocutoire. En posant une question, je peux
m'attendre au niveau perlocutoire, à toute une série de
réactions possibles. Je peux obtenir la réponse demandée
ou une non-réponse.
69
5) L'interrogation averbale
4.2.1 Interrogation totale
Parlant de l'interrogation totale, Strik (2008 : 19) dit que
l'appellation totale dans les questions fait référence à
ce sur quoi l'interrogation porte. Dans une question totale, elle porte sur la
question dans sa totalité. On parle aussi de question oui/non, car la
réponse à une question totale peut être oui ou non.
« oui » et « non » sont appelés
des mots-phrases parce qu'ils remplacent toute une phrase comme
réponse.
Considérons les phrases suivantes :
(2) a. u' ø- ji' i`.
2sg PRS- connaitre lui « Tu le connais. »
b. u' na` ø - ?u' n?i'nka`. 2sg Accs PRS-
habiter Njinka « Tu habites à Njinka. »
c. Petro ø - ?gwo`n n?i'nka`. Pierre PRS- partir
Njinka « Pierre part à Njinka. »
d. Ali na` ø- ta'? m?Ìn
Ali Accs PRS-chercher enfant « Ali cherche
l'enfant. »
Les phrases (2a, b, c et d) sont des phrases affirmatives.
Transformons ces phrases en des phrases interrogatives.
(3) a. u' ø- ji' i` n?Ì ?
2sg PRS- connaitre lui M Int « Est-ce que tu le connais ?
»
b. u' ø - ?u' n?i'nka` n?Ì ? 2sg PRS-habiter
njinka M Int « Habites-tu à Njinka ? »
c. Petro ø - ?gwo'n n?i'nka` n?Ì? Pierre PRS
-partir Njinka M Int « Est-ce que Pierre part à Njinka ? »
d. Ali ø- ta'? m?Ìn n?Ì ?
Ali PRS- chercher enfant M Int
« Est-ce que Ali cherche l'enfant ? »
Tl est important de noter qu'on répond aux questions
(3a, b, c et d) par « oui » ou par « non ». La question
totale n'a pas de réponse autre que « oui/non »,
c'est pour cette raison qu'on appelle ce genre de question en anglais «
yes or no question ».
70
4.2.1.1 Interrogation totale directe
Une interrogation est dite totale directe lorsqu'elle se termine
par un point d'interrogation et quand elle fait appel au marqueur de
l'interrogation ?Ì, n?Ì ou m?Ì.
Considérons les phrases suivantes :
(4) a. m?ìn 0 -li?ì n?Ì ?
enfant PRS- dormir M Int « L'enfant dort ? »
b. u' ma` 0- n?i' u' n?Ì ? Matateyou (2008 :20) 2sg
Neg PRS- connaitre 2sg M Int
« Ne le sais-tu pas ? »
c. p?ì 0- fa' n?Ì ? 3pl PRS- donner M Int
« Est-ce qu'ils donnent ? »
d. u' 0- ?gwo'n ?Ì ? 2sg PRS- aller M Int « Est-ce
que tu vas ? »
e. i' two' - ja'p m?Ì ? 3sg F1-déposer M Int
« Déposera-il ? »
Comme le montrent les phrases (4a, b, c, d et e),
l'interrogation totale directe est marquée en Shupamem par le marqueur
de l'interrogation ?Ì, m?Ì et n?Ì
en fin de phrase. Toutes ces phrases ont une réponse commune soit
« oui » soit « non ». En (4b) ci-dessus,
il y a double utilisation du pronom personnel u' (tu). Notons qu'il ne
s'agit pas de l'inversion sujet-verbe mais plutôt du pronom personnel de
reprise qui est présent dans les interronégatives en Shupamem.
4.2.1.1.1 Les constituants de l'interrogation totale
directe
Nous allons parler des constituants de l'interrogation totale
directe.
Soient les phrases suivantes :
(5) a u' 0- juo'n ali n?Ì?
2sg P1-voir Ali M Int « As-tu vu Ali ? »
b. u' 0 -?ú n?i'?ka` n?Ì ?
2sg PRS-habiter Njinka M Int « Habites-tu à Njinka ?
»
c. u' ma` 0-?i' u' ?ai' n?Ì?
2sg Neg PRS- connaitre 2sg ici M Int « Ne connais-tu pas ici
? »
d.
71
aì ø-ndieì ali ?aiì n?Ì
? c'est PRS -dormir Ali ici M Int « C'est Ali qui dort ici ? »
e. aì magba ?aì Ali ø-?gwoìn
n?Ì? c'est Magba où Ali PRS-dormir M Int « C'est à
Magba où Ali part ? »
Comme nous révèlent les phrases ci-dessus,
l'interrogation totale directe comporte les constituants suivants : un
sujet, un verbe, un complément et le marqueur de
l'interrogation.
4.2.1.1.2 Distribution des constituants de l'interrogation
totale directe
Pour faciliter notre analyse, nous allons reprendre les
phrases (5a, b, c, d et e) utilisées plus haut. Pour cela, observons les
phrases suivantes :
(6) a. û ø- juoìn Ali n?Ì?
2sg PRS-voir Ali M Int Sujet verbe complément M
Int « As-tu vu Ali ? »
b. u ø -fú n?iì?kaÌ n?Ì
? 2sg PRS-habiter Njinka M Int Sujet verbe complément M Int
« Habites-tu à Njinka ? »
c. ù maÌ ø-n?iì û ?aiì
n?Ì ?
2sg Neg PRS-connaitre 2sg ici M Int
Sujet Nég verbe PPR22 circonstant M
Int
« Ne connais-tu pas ici ? »
d. aì ø-ndieì ali ?aiì n?Ì
? c'est PRS -dormir Ali ici M Int
c'est verbe sujet circonstant M Int «
C'est Ali qui dort ici ? »
e. aì maìgbaÌ ?aì Ali
ø-?gwoìn n?Ì? c'est Magba où Ali PRS-dormir M
Int c'est circonstant Comp sujet verbe M Int « C'est
à Magba où Ali part ? »
En s'appuyant sur les phrases (6a, b, c, d et e), nous
découvrons que l'interrogation totale directe en Shupamem comporte les
structures suivantes :
1-
|
Sujet + verbe + (complément) + M Int
|
22 Le pronom personnel de reprise (PPR) est
utilisé dans les interrogations totales à la forme
négative. Le PPR nous permet de reprendre le pronom personnel qui se
trouve en début de phrase. Dans le cas d'espèce, le pronom
personnel de reprise (PPR) u (tu) en (2a), reprend u (tu) en
début de phrase.
2-
3-
4-
72
Sujet + Nég + verbe + PPR+ (circonstant) + M
Int
Foc + verbe +sujet + (circonstant) +M Int
|
Foc + (circonstant) + Comp + sujet + verbe + M
Int
Avant de continuer, il importe de noter que dans toute phrase
interrogative, le syntagme Qu doit avoir porté sur toute la phrase. Ceci
revient à dire que la phrase interrogative a, comme la plus haute
projection, le syntagme de l'interrogation. Nous rejoignons Strik (2008 :51)
dans cette ligne de pensée qui nous rappelle que depuis les
années 1970, il est généralement admis que le mot Qu,
étant un quantifieur, doit occuper une position haute dans la
périphérie gauche, pour pouvoir avoir portée sur la
proposition entière. De plus, depuis cette même période, on
considère que la position du complémenteur d'une question Qu est
dotée d'un trait Qu ou interrogatif qui force le mot Qu à se
déplacer vers cette position. C'est ce que Rizzi (1992), cité par
Strik (2004 :51) appelle le critère Qu23 :
A. Un opérateur Qu doit être dans une configuration
[Spéc, Tête] avec un noeud X <+Qu>.
B. Un noeud X <+Qu> doit être dans une configuration
[Spéc, Tête] avec un opérateur Qu.
(7) SC
Opérateur Qu C'
IP C°
+QU
En outre, Nchare (2004 :146) pense aussi que d'après
l'approche standard, le trait [+Q] est généré dans C°
; il y a déplacement de l'opérateur de l'interrogation au
spécifieur du complémenteur étant donné le
critère Q.
23 Le critère Qu exige une configuration structurale
[Spéc, Tête] entre le syntagme Qu et le verbe fini et demande que
le verbe fléchi se déplace de la tête du syntagme de
l'inflexion (IP) pour la tête du syntagme du complémenteur (SC).
Selon Strik (2008 : 51 ,52), le Critère Qu stipule qu'à un
certain niveau de représentation d'une phrase interrogative, un
opérateur interrogatif doit se trouver dans le spécifieur
(Spéc) du complémenteur qui est interprété comme
une question et qu'inversement, le complémenteur d'une question doit
avoir un opérateur interrogatif dans son spécifieur. Le
Critère Qu exige donc une configuration structurale dans laquelle il y a
accord entre le spécifieur et la tête de la projection SC.
73
Cette analyse nous permet de conclure qu'en Shupamem, il y a
bel et bien mouvement dans une phrase interrogative. Il convient tout au moins
de noter que ce mouvement est invisible parce qu'il s'opère en forme
logique (FL) ; cette analyse du syntagme Qu est connue sur le nom l'analyse
à la Chomsky24. Huang (1982)25 a
mené une étude similaire sur les syntagmes Qu mais sur le
chinois. L'exemple suivant illustre le mouvement dans la phrase interrogative
en Shupamem.
(8) û ø -fû n?i'?ka` n?Ì?
2sg PRS- habiter Njinka M Int « Habites-tu à Njinka ?
»
24 L'analyse à la Chomsky est une façon
d'analyser les syntagmes Qu mis sur pied par Chomsky (1977). Selon lui, le
déplacement des syntagmes Qu in-situ s'opère en Forme Logique
(FL) c'est-à-dire en syntaxe invisible. Ceci s'explique par le fait que
le syntagme Qu est un quantificateur ou un opérateur et pour cette
raison, doit obligatoirement occuper une position haute dans la
périphérie gauche de la phrase pour avoir portée sur la
phrase interrogative toute entière.
25 Huang (1982) analyse le syntagme Qu dans la même
vision que Chomsky (1977). Il s'appuie sur l'hypothèse formulée
par Chomsky qui postule pour le déplacement du syntagme Qu en forme
logique. Il prend l'exemple du chinois où les syntagmes interrogatifs se
trouvent in-situ, mais se déplacent au début de phrase afin
d'avoir portée sur toute la phrase. Comme indiquent les phrases
suivantes :
(1) a. Ta renwei ni maile shenme ?
Il pense tu achètes quoi ?
« Qu'est-ce qu'il pense que tu achètes ? »
b. [CP1 shenmei [ta renwei [CP2 ni maile ti]]] Quoi il pense tu
achètes
(Canel 2012 :62 ex (134a & b), Aoun & Li 1993 :
201))
En réalité, le travail de Huang (1982) constitue
une étape majeure dans l'analyse des syntagmes Qu in-situ, c'est dans
cette lancée que Strik (2004 : 109) affirme que «Huang a
été le premier auteur à avancer l'hypothèse qu'en
chinois et d'autres langues asiatiques, le mouvement Qu s'opère en FL.
Dans cette langue, les mots Qu se trouvent in-situ dans la syntaxe visible. Le
travail de Huang (1982) a contribué énormément au
développement de la théorie des questions Qu et en même
temps de la théorie de la Forme Logique dans le modèle du
Gouvernement et du Liage».
La conclusion de Huang (1982) sur les syntagmes Qu est que
dans toute langue, on peut appliquer le mouvement Qu, mais que selon le type de
langue, on applique la règle du mouvement en FL ou bien en syntaxe
visible. C'est ce qui nous ramène aux Principes et Paramètres qui
nous permettent de savoir que les langues ne sont pas si différentes les
unes des autres. Les différences qu'on observe au niveau des langues
sont des différences apparentes (ordre des mots, différences des
mots, de sons...). C'est pour cette raison que les différences entre les
langues sont qualifiées d'épiphénomène. L'analyse
de Huang nous permet de comprendre que chaque langue a sa règle du
mouvement du syntagme Qu, et qu'il serait maladroit d'analyser les syntagmes Qu
dans une logique de la généralisation.
74
(9) SInt
Spéc Int'
n?Ì û
N°
Jú n3lI)kà
Int° SAccor
Spéc Accor'
Accor° ST
Spéc T'
T° SV
Spéc V'
V° V
SN
N'
L'arbre ci-dessus représente la phrase (8). Comme nous
pouvons le constater, la plus haute projection de notre arbre est le syntagme
de l'interrogation (SInt). Il y a mouvement du syntagme de l'accord (SAccor).
Il s'agit en fait du déplacement de tout le syntagme de l'accord
(SAccor) à [Spéc, SInt]. C'est ce qu'on appelle «heavy
pied-piping» pour parler comme Nkemnji (1995 :16).
C'est donc après ce mouvement que nous obtenons la
phrase (8). Cet arbre nous permet de comprendre qu'en Shupamem, le marqueur de
l'interrogation (?Ì, m?` et n?Ì) occupe la plus haute projection
dans une interrogation.
4.2.1.2 Interrogation totale indirecte
Tout d'abord, il convient de noter que dans l'interrogation
indirecte, la question est posée dans une enchâssée
dépendant d'un verbe marquant la demande ou l'ignorance. Notons que
l'interrogation indirecte est introduite par le complémenteur ml
(si) comme nous montrent les phrases (10a, b, c et d) ci-dessous.
L'interrogation totale indirecte est une interrogation dont la réponse
est « oui » ou « non » et dont la
question est posée dans une enchâssée qui dépend
d'un verbe marquant la demande. Les phrases suivantes sont des interrogations
totales indirectes.
75
(10) a. m?? na` 0-mbi'??Ì mi' u 0-?u' po' ni'
n?Ì.
1sg Accs PRS- demander si 2sg PRS- habiter avec lui M Int «
Je demande si tu habites avec lui. »
b. m?? na` 0- ta'? ji'n- n?i' mi' u` pu'tn?Ì
n?Ì. 1sg Accs PRS- vouloir INF-savoir si 2sg revenir M Int « Je
veux savoir si tu es revenu. »
c. m?? na` 0-mbi'??Ì mi' u` 0-?gwo'n ndia'
n?Ì. 1sg Accs PRS- demander que 2sg PRS- partir aujourd'hui M Int
« Je demande si tu vas aujourd'hui. »
d. m?? na` 0- ta'? ji'n- n?i' mi' u` 0- ?u' ?ai'
n?Ì. 1sg Accs PRS-vouloir INF savoir que 2sg PRS- habiter
ici M Int « Je veux savoir si tu habites ici. »
Les phrases (10a, b, c et d) sont des interrogations totales
indirectes. Les questions indirectes dépendent du verbe dans la
proposition matrice. Les verbes matrices les plus évidents sont se
demander et savoir qui sont en fait des verbes qui marquent la
demande. Toutes ces phrases contiennent toutes des verbes qui marquent la
demande ji'n-mbi'??Ì (demander) en (10a et c) et ji'n-n?i'
(savoir) en (10b et d). En outre, ce type d'interrogation n'a pas de point
d'interrogation en fin de phrase.
4.2.1.2.1 Les constituants de l'interrogation totale
indirecte
Nous allons examiner dans cette section les constituants de
l'interrogation totale indirecte. Considérons les phrases suivantes :
(11) a. Djara na` 0- mbi'??Ì mi' u' 0- ?u' pa'ju`
n?Ì.
Djara Accs PRS- demander si 2sg PRS- manger nourriture M Int
« Djara demande si tu manges la nourriture. »
b. Chouaibou na` 0- ta'? ji`n- n?i' mi' u'
0-pútn?Ì n?Ì. Chouaibou Accs PRS- vouloir
INF -savoir si 2sg PRS- revenir M Int « Chouaibou veux savoir si tu es
revenu. »
c. Amina na` 0-mbi'?? mi' u' 0-?u' po' ma'ria`ma`
n?Ì. Amina Accs PRS- demander si 2sg PRS- habiter avec
Mariama M Int « Amina demande si tu habites avec Mariama. »
d. p?ì na` 0- ta'? ji`n- n?i' mi' na? ?ai'
n?Ì.
3pl Accs PRS- vouloir INF savoir si mère ici M
Int « Ils veulent savoir si la mère est ici. »
Les phrases (11a, b, c, et d) nous permettent de constater que
l'interrogation totale indirecte contient les constituants suivants :
1. Un verbe qui marque la demande ji`-mbi?? (demander)
ou ji`-n?i' (savoir) ;
2. Le complémenteur mi' (si) qui introduit la
subordonnée interrogative ;
3. La subordonnée interrogative.
76
Donc les constituants de l'interrogation totale indirecte en
Shupamem se présentent dans l'ordre suivant :
Le verbe interrogatif + Le complémenteur
miì (si) + La subordonnée interrogative.
4.2.1.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation
totale indirecte
Dans cette section, nous allons parler de la distribution des
constituants de l'interrogation totale indirecte. Pour cela, reprenons les
phrases (11a, b, c et d)
(12) a. Djara na` ø-mbi'??Ì mi' u' ø -?u'
pa'ju` n?Ì.
Djara Accs PRS- demander si 2sg PRS- manger
nourriture M Int
S V I COMP SI « Djara demande si tu
manges la nourriture. »
b. Chouaibou na` ø- ta'? ji`n- n?i' mi' u'
ø-pu'tn?Ì n?Ì.
Chouaibou Accs PRS- vouloir INF -savoir si 2sg PRS- revenir M
Int
S VI COMP SI « Chouaibou veut savoir si
tu es revenu. »
c Amina na` ø-mbi'??Ì mi' u' ø-?u' po'
ma'ria`ma` n?Ì.
Amina Accs PRS- demander si 2sg PRS- habiter avec Mariama M
Int
S VI COMP SI « Amina demande si tu
habites avec Mariama. »
d. p?Ì na` ø- ta'? ji`n- n?i' mi' na? ?ai'
n?Ì.
3pl Accs PRS- vouloir INF savoir si mère ici
M Int
S V VI COMP SI « Ils veulent savoir si
la mère est ici. »
S + (V) + VI + COMP + SI
Nous remarquons que les phrases (12a, b, c et d) ont toutes la
même structure, toute chose qui nous permet de conclure que la structure
de l'interrogation totale indirecte en Shupamem est la suivante :
S= Sujet
VI= Verbe Interrogatif
SI= Subordonnée Interrogative
4.2.2 L'interrogation Qu
Comme nous l'avons dit au Chapitre trois, en Shupamem, nous
regroupons le syntagme Qu en trois catégories : les arguments, les
adjoints référentiels et les adjoints non
référentiels. Contrairement au français standard,
l'utilisation du syntagme Qu en initial de phrase n'est jamais une option mais
une obligation26. En Shupamem, le syntagme Qu peut
26 Voir Baunaz et Patin (2011).
77
rester in-situ c'est-à-dire dans sa position canonique
ou être à la périphérie gauche. C'est ce
qu'illustrent les phrases suivantes :
(13) a. ndiaì pol k÷?Ì
n?Ì ?
Aujourd'hui être quoi M Int
« Quand sommes-nous aujourd'hui ? »
b. il ø- juoìn wo n?Ì ?
2sg PRS- voir qui M Int « Qui vois-tu ? »
c. aì wo juoì û
ø-ju?ln n?Ì ? c'est Qui que 2sg PRS- voir M Int « C'est
qui que tu vois ? »
d. Njikam kaìp?Ì-ndèd n?Ì wo
n?Ì? Njikam P4 montrer à qui M Int « A qui montrait
Njikam ? »
e. aì n?l wo jûoì
?iìkaÌm kaìp?Ì -ndeÌd n?Ì? c'est
à Qui que Njikam P4 - montrer M Int « C'est à qui que Njikam
montrait ? »
Dans chacune des phrases ci-dessus, le syntagme Qu est en
gras. En fait, en (13a, b et d), le syntagme Qu est in-situ alors qu'en (13c et
e), le syntagme Qu est ex-situ parce qu'il est focalisé. Toute chose qui
nous amène à poser un certain nombre des questions :
1. Quel mécanisme syntaxique permet au syntagme Qu en
Shupamem de se déplacer et de se retrouver à la
périphérie gauche ?
2. Est-ce que les syntagmes Qu in-situ sont vraiment exempts de
tout mouvement ? Pour répondre à la première question qui
est celle de savoir ce qui permet au syntagme Qu de se déplacer, nous
allons dire que les syntagmes Qu se déplacent lorsqu'ils sont
focalisés. Comme illustrent les phrases suivantes.
a) Questions sans focalisation du syntagme
Qu
(14) a. û ø- tá? wo
n?Ì?
2sg PRS- vouloir qui M Int « Qui veux-tu ? »
b. û ø- tá? k÷?Ì
n?Ì ?
2sg PRS- vouloir quoi M Int « Que veux-tu ? »
b) Questions avec focalisation du syntagme
Qu
(15) a. aì wo juoì û
ø- taÌ? n?Ì?
c'est qui que 2sg PRS- vouloir M Int « C'est qui que tu
veux ? »
78
b. aì k÷?Ì juoì
û ø- taÌ? n?Ì ?
c'est quoi que 2sg PRS- vouloir M Int « C'est quoi que tu
veux ? »
Les phrases (14a et b) sont les exemples d'interrogations sans
focalisation du syntagme Qu. Ces deux phrases nous permettent de noter que
lorsque le syntagme Qu n'est pas focalisé, il est in-situ
c'est-à-dire qu'il reste dans sa position canonique.
L'analyse du syntagme Qu par Baker (1970) expliquerait bien
cette position in-situ du syntagme Qu dans les interrogations en Shupamem.
Baker, postule pour la présence d'un morphème Q dans la
périphérie gauche de la phrase. Il estime que le fait qu'il ait
un morphème Q dans la périphérie gauche de la phrase
permet au syntagme Qu de ne pas se déplacer. Il ajoute que le
morphème Q qui se trouve dans [Spéc, SC] est co-indexé
avec le syntagme Qu in-situ en même temps qu'il le
C-commande27.
Cette phrase illustre en bref l'analyse de Baker :
(16) [[Qi] p?n na twoì-ju
k÷?Ìi n?Ì ?]] enfant Accs F1-manger
quoi M Int « Que mangeront les enfants »
Dans cet exemple nous constatons que le morphème Q
dans la périphérie gauche est co-indexé avec le syntagme
Qu in-situ, et ce même morphème empêche au syntagme Qu de se
déplacer pour la périphérie gauche.
Par ailleurs, le syntagme Qu peut être ex-situ sans
être focalisé. C'est ce que nous révèlent les
phrases suivantes :
(17) a. wo jaì n?Ì ? qui
où M Int « Qui est où ? »
b. k÷?ì jaì n?Ì ?
quoi où M Int
« Qu'est-ce qui est où ? »
Les phrases (17a et b) nous permettent de découvrir
qu'en Shupamem, le syntagme Qu peut bien être en position ex-situ sans
être focalisé. Toute chose qui nous permet de constater que le
Shupamem se comporte dans une certaine mesure prête comme le
français ou l'anglais qui sont des langues à Qu in-situ et en
même temps à Qu ex-situ.
En conclusion, Contrairement aux langues comme le
français ou la forme avec Qu in-situ et avec déplacement du Qu
représentent des variantes optionnelles, le Shupamem utilise
l'interrogation avec déplacement du syntagme Qu lorsqu'il y a
focalisation du syntagme Qu
27 En syntaxe, on dit que A c-commande B si et
seulement si le premier noeud branchant C qui domine A domine aussi directement
ou indirectement B.
79
ou dans les interrogations averbales. Hors mis ces deux cas de
figures, le syntagme Qu reste in-situ. Donc que nous pouvons dire en prenant
appui sur nos données que le Shupamem est une langue à Qu in-situ
et en même temps à Qu ex-situ (voir Cheng et Roocryk
(2000))28.
Notre deuxième question était celle de savoir si
les syntagmes Qu in-situ sont vraiment exempts de tout mouvement. Pour
répondre à cette question, observons les différentes
phrases suivantes :
(18) a. m?ìn ø- swoÌ l?ìrwaÌ
t?Ì paÌm ndiaÌ n?Ì ?
enfant PRS- mettre cahier dans sac aujourd'hui M Int «
L'enfant met-il le cahier dans le sac aujourd'hui ? »
b. m?ìn ø- swoÌ k÷?Ì
t?Ì paÌm ndiaÌ n?Ì ? enfant PRS- mettre
quoi dans sac aujourd'hui M Int « Que met l'enfant dans le sac aujourd'hui
? »
c. m?ìn ø- swoÌ l?ìrwaÌ po
já ndiaÌ n?Ì ? enfant PRS- mettre
cahier dans où aujourd'hui M Int « Où l'enfant met-il le
cahier aujourd'hui ? »
En observant les phrases (18b et c), nous pouvons constater
que le syntagme Qu dans ces deux phrases reste in-situ, il ne se déplace
pas.
4.2.3 Interrogation partielle directe
Comme son nom l'indique, dans l'interrogation partielle la
question porte sur une partie de la phrase, sur un constituant de la phrase
interrogative. C'est pour cette raison que l'interrogation partielle peut
porter sur le sujet, l'objet du verbe, un complément circonstanciel,
etc. L'interrogation partielle contient un mot interrogatif (un argument, un
adjoint référentiel ou un adjoint non référentiel)
en plus de è, mè ou nè. Dans
une interrogation partielle, la réponse est en principe
l'élément, le constituant ou le mot sur lequel porte
l'interrogation.
En Shupamem, nous utilisons le syntagme Qu pour poser les
questions partielles. Ainsi, nous regroupons généralement le
syntagme Qu en trois catégories : les arguments, les adjoints
référentiels et les adjoints non référentiels.
1) Les arguments
Nous avons deux arguments en Shupamem à savoir wo
(qui) et k֏ (quoi).
28 Cheng et Rooryck (2000) dans
leur étude sur les interrogations in-situ, pensent qu'il y a deux types
de syntagmes Qu in-situ en français, un type de syntagme qui implique le
mouvement du trait interrogatif au niveau de forme logique, et un autre qui
n'implique aucun mouvement. La conclusion à la quelle Cheng et Rooryck
(2000) arrivent est que la différence fondamentale entre les
interrogations à Qu in-situ et les interrogations avec fronting du Qu
réside dans la présence ou non du morphème de
l'intonation. Ils disent par la suite que c'est le morphème intonatif
qui vérifie le trait fort en C°.
80
2) Les adjoints référentiels
Les adjoints référentiels sont : jaì
(où) et f?Ì?n?Ì (quand).
3) Les adjoints non référentiels
Les adjoints non référentiels sont : n?
(comment), jiìs÷è (combien) et
piÌs÷è (combien).
Dans le cadre de notre travail, nous allons regrouper sous
l'étiquette syntagme Qu les mots interrogatifs utilisés
dans la formation des questions partielles. Ce regroupement se fait sur la base
du fait que dans toute interrogation partielle, nous avons besoin d'un mot
interrogatif pour poser une question, ceci parce que la question porte sur un
constituant de la phrase et non sur toute la phrase. Les mots interrogatifs que
nous allons regrouper sous l'étiquette syntagme Qu sont : les pronoms
interrogatifs, les adverbes interrogatifs et les adjectifs interrogatifs.
Cela dit, nous allons parler de l'interrogation partielle en
Shupamem. Soient la phrase suivante et ses différentes transformations
:
(19) a. polo naÌ fû maì
jaìuÌndeÌ pó maÌ.
Paul Accs habiter à Yaoundé avec moi
« Paul habite à Yaoundé avec moi. »
b. polo ø-fû jaì pó maì
n?Ì ? Paul PRS- habiter où avec moi M Int « Où
habite Paul avec moi ? »
c. polo ø-fû maÌ
jaìuÌndeÌ pópaÌ wo n?Ì ? Paul PRS-
habiter à Yaoundé avec qui M Int « Avec qui Paul habite-il
à Yaoundé? »
d. aì ø-fû wo maÌ
jaìuÌndeÌ pó maì n?Ì? c'est PRS-
habiter qui à Yaoundé avec moi M Int « C'est qui qui habite
à Yaoundé avec moi ? »
La phrase (19a) est une phrase affirmative qui nous a permis
d'obtenir les phrases (19b et c). Les phrases (19b et c) nous montrent
clairement que dans une interrogation partielle, l'interrogation porte bel et
bien sur un constituant de la phrase. Dans (19b) par exemple, l'interrogation
porte sur le complément circonstanciel de lieu. Alors que dans la phrase
(19c) l'interrogation porte sur le complément d'objet indirect (COT).
Autant de choses qui nous permettent de confirmer que l'interrogation partielle
porte sur une partie de la phrase interrogative.
4.2.3.1 Les constituants de l'interrogation partielle
directe
Les langues du monde sont généralement
classées selon la façon dont elles forment leur interrogation.
C'est pour cette raison qu'on parle des langues à Qu in-situ et des
langues à
81
Qu ex-situ. Les langues à Qu in-situ sont les langues
dont les syntagmes Qu restent dans leur position canonique pendant la formation
des interrogations. Le Shupamem ainsi que la plus part des langues
camerounaises sont des langues à Qu in-situ. Observons les phrases
suivantes :
(20) a. I ø-pó jaì
n?Ì ? 3sg PRS -être où M Int « Où
est-il ? »
b. I ø-pó wô n?Ì
?
3sg PRS- être qui M Int « Qui est-il ? »
En (20a et b), le syntagme Qu reste in-situ, il ne se
déplace pas. Mais, il est très important de noter qu'il y a
mouvement invisible de tout le syntagme de l'accord pour le spécifieur
du syntagme de la force. L'arbre suivant schématise le
déplacement qui s'est effectué en (20a).
(21)
SInt
Spéc
Int'
Int° SAccor
Ì n?
I ø-pó jaì
Nous voyons bien clairement qu'en Shupamem, le syntagme Qu reste
in-situ. Il n'y a pas de déplacement du syntagme Qu de sa position
canonique pour la périphérie gauche. Les langues à Qu
ex-situ sont des langues qui admettent le déplacement du syntagme Qu de
sa position canonique à la périphérie gauche. On dit que
dans ces langues, il y a fronting du syntagme Qu. Le français tout comme
l'anglais sont des langues qui exhibent le fronting du syntagme Qu. Il est vrai
qu'en français et en anglais, il arrive souvent que le syntagme Qu reste
in-situ, dans ce cas précis il s'agit de l'utilisation du registre
familier par celui qui parle, car le registre soutenu en français ou en
anglais n'admet pas que le syntagme Qu reste in-situ dans les
interrogations.
82
(22) a. What is your name «is »
«what»? «What is your name? »
b.
What is your name «is » «what»?
c. Lequel veux-tu « veux » acheter maintenant
« lequel » ?
Les phrases (22a, b et c) nous permettent de comprendre que le
syntagme Qu s'est déplacé de sa position de base pour se
retrouver en position initiale de phrase.
Maintenant, nous allons passer à l'identification les
constituants de l'interrogation partielle directe en Shupamem. Pour cela,
observons les exemples suivants :
(23) a. Matateyou ø -fû já n?Ì ?
Matateyou PRS- habiter où M Int « Où habite
Matateyou ? »
b. iì ø- fiìk?Ìt poÌ wo
n?Ì ? 3sg PRS-parler avec qui M Int « Avec qui parle-t-il ?
»
c. ?gbom ø-poì b?ìs÷?Ì
n?Ì ? maïs PRS- coûter combien M Int « Combien
coûte le maïs ? »
d. û ø-twoì f?Ì?n?Ì n?Ì
? 2sg PRS-venir quand M Int « Quand viens-tu ? »
Comme nous pouvons le constater à partir des phrases
(23a, b, c et d), les constituants de l'interrogation partielle directe en
Shupamem sont les suivants :
1. Le sujet
2. Le verbe
3. Le syntagme Qu
4. Le marqueur de l'interrogation
Ce que nous devons noter, c'est que l'interrogation partielle
directe en Shupamem comporte toujours un mot interrogatif (pronom interrogatif,
adjectif interrogatif, adverbe interrogatif...) autre que le marqueur de
l'interrogation nè et mè. C'est d'ailleurs
grâce à ce mot interrogatif que nous savons que nous avons
à faire à une interrogation partielle.
83
4.2.3.1.1 Distribution des constituants de l'interrogation
partielle directe
Pour rendre notre analyse plus fluide et plus facile à
comprendre, nous allons reprendre les phrases (23a, b, c et d) un peu plus
haut.
(24) a. Matateyou ø-?û ja' n?Ì ?
Matateyou PRS- habiter où M Int
Sujet verbe Adv Int M Int
« Où habite Matateyou ? »
b. i' ø- ?i'k?Ìt po' wo n?Ì ? 3sg
PRS-parler avec qui M Int
Sujet verbe avec Pro Int M Int
« Avec qui parle-t-il ? »
c. ?gbom ø-po b?ìs÷?Ì n?Ì
? maïs PRS- coûter combien M Int
Sujet verbe Adv Int M Int
« Combien coûte le maïs ? »
d. u' ø-two' f?ì?n?Ì n?Ì ? 2sg
PRS-venir quand M Int
Sujet verbe Adv Int M Int
« Quand viens-tu ? »
Dans les phrases (24a, b, c et d), les adverbes jà
(où), b?ìs÷?Ì ( combien),
f?ì?n?` (quand) et le pronom interrogatif wo (qui)
restent tous in-situ , ils ne se déplacent pas de leurs positions de
base pour la périphérie gauche. Les constituants de
l'interrogation partielle
directe se présentent comme suit : Sujet + verbe +
Mot Inter + M Int
Maintenant, observons les interrogations partielles directes
suivantes où les syntagmes Qu sont en initial de phrase :
(25) a. a' ji'ja` juo' u' ø- tá?
n?Ì?
c'est Adv inter que sujet verbe M Int
«C'est lequel que tu veux ? »
*b. ji'ja` u' ø- tá? n?Ì?
lequel 2sg PRS- vouloir M Int « Lequel que tu veux ?
»
c. a' wo juo' i' ø-ntwo' n?Ì ?
c'est Adv inter que sujet verbe M Int «
C'est qui qui vient ? »
*e. wo i' ø-ntwo' n?Ì ?
quand 3sg PRS- venir M Int « Quand qu'il vient ? »
84
Nous constatons que dans les phrases (25a et c), le pronom
interrogatif jiìjaÌ (laquelle/lequel), l'adverbe
interrogatif f?ì?n?Ì (quand) sont en initial de phrase.
Ceci s'explique par le fait que ces mots interrogatifs sont focalisés.
Ce qui nous permet de constater qu'en Shupamem le déplacement des
pronoms et des adverbes interrogatifs n'est possible que lorsqu'il y a
focalisation de ces derniers.
En outre, les phrases (25b et e) nous permettent de noter
qu'en Shupamem l'adjectif interrogatif jiìjaÌ, l'adverbe
interrogatif f?ì?n?Ì ne peuvent pas se retrouver en
initial de phrase comme l'exemple français : qui veux-tu saluer ?
Où nous avons le pronom interrogatif « qui » qui
se trouve en initial de phrase. Nous avons alors la deuxième structure
de l'interrogation partielle directe qui se présente comme suit :
Foc + Mot Inter + verbe + M Int
NB : Mot Inter = mot
interrogatif
Nous pouvons nous résumer en disant qu'en Shupamem,
l'interrogation partielle directe présente deux structures syntaxiques
différentes :
Première structure :
|
Sujet + verbe + Mot Inter + M Int
|
Deuxième structure :
|
Foc + Mot Inter + sujet + verbe + M Int
|
4.2.3.2 Interrogation partielle indirecte
L'interrogation partielle indirecte se caractérise
à l'oral par une intonation qui monte en fin de phrase. Alors
qu'à l'écrit elle se termine par un point, elle comporte toujours
un syntagme Qu. L'interrogation partielle indirecte porte sur l'un des
constituants de la phrase. Observons les phrases suivantes :
(26)a. Ali naÌ ø-mbiì??Ì miÌ
uì ø-nziìeì kw÷?ì n?Ì.
Ali Accs PRS- demander que 2sg PRS- dire quoi M Int
« Ali demande ceque tu dis.
b. petro naÌ ø- tá? jiìn-
n?iÌ miì uì ja n?Ì. Pierre Accs PRS- vouloir INF
savoir que 2sg où M Int « Pierre veut savoir où tu
es.»
c. iì naÌ ø-mbiì??Ì
miì ji ø- po wo n?Ì. 3sg Accs PRS- demander que celui
PRS-être qui M Int « Il demande qui est celui-ci. »
d. f?Ìn naÌ ø- tá? jiìn-
n?iÌ miì iì ø-?gwoìn jaì
n?Ì. roi Accs PRS- vouloir INF savoir que 3sg PRS- aller
où M Int « Le roi veut savoir où tu vas. »
85
Les phrases (26a, b, c et d) sont des interrogations
partielles indirectes, ici, nous recourons à l'enchâssement pour
poser la question.
4.2.3.2.1 Les constituants de l'interrogation partielle
indirecte
Dans cette section, nous allons identifier les constituants de
l'interrogation partielle indirecte. Pour se faire, considérons les
phrases suivantes :
(27) a. m?? naÌ ø-mbiì??Ì miÌ
wa? ø- n3ù k÷?Ì n?Ì.
1sg Accs PRS- demander que père PRS-manger quoi M Int
« Je demande ce que le père mange. »
b. iì naì ø- tá? jiìn -
n3iÌ miì ii jaì n?Ì.
3sg Accs PRS- vouloir INF-savoir que 2sg où M
Int « Il veut savoir où tu es. »
Les constituants de l'interrogation partielle indirecte en
Shupamem tels que révélés par les phrases (27a et b) sont
les suivants :
Le sujet (S) - le verbe interrogatif (VI) - Comp - la
subordonnée interrogative (SI).
4.2.3.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation
partielle indirecte
Pour besoin de cohérence, nous allons reprendre les
phrases (27a et b) pour identifier les constituants de l'interrogation
partielle indirecte en Shupamem. Soient les phrases suivantes :
(28) a. m?? naÌ ø-mbiì??Ì miì
wa? ø- n3ù k÷?Ì n?Ì.
1sg Accs PRS- demander que père PRS-manger quoi M
Int
SUJET VI COMP SI « Je demande ce que le
père mange. »
b. iÌ naÌ ø- tá? jiìn-
n3iÌ miì ii já n?Ì.
3sg Accs PRS- vouloir INF savoir que 2sg où M
Int SUJET V VI COMP SI « Il veut savoir où tu es.
»
Les constituants de l'interrogation partielle indirecte en
Shupamem se distribuent selon le schéma suivant :
Schéma : SUJET + (V) + VI + COMP + SI
4.2.4 Interrogation alternative
Parlant de l'interrogation alternative, Nchare (2005 :143) dit
ceci : Il s'agit des questions qui offrent le choix entre deux réponses
possibles. Le choix peut aller du syntagme nominal simple à la phrase
toute entière liée toute par la conjonction de coordination
keì (ou) que nous traduisons en français par «
ou ».
86
(29) a. m?ìn ntwo' ju' ku'n ke' ma'lo`ri n?Ì ?
enfant aller manger haricot ou riz M Int
« L'enfant mangera-t-il le haricot ou le riz ? » Nchare
(2005 :143)
b. i' ø-?i'k?Ìt po' ma' ke' po' pe'tro` n?Ì
? 3sg PRS- parler avec moi ou avec pierre M Int « Parle-t-il avec moi
ou avec Pierre ? »
c. u' ø-?gwo'n n?i'nka` ké ma' nda`p m?Ì?
2sg PRS- aller Njinka ou à maison M Int « Vas-tu à la maison
ou à Njinka ?
En observant les phrases (29a, b et c), nous constatons que
l'interrogation alternative est marquée par ké (ou) qui
sépare les deux entités sur lesquelles portent l'interrogation.
Nous utilisons obligatoirement le marqueur de l'interrogation n?Ì
ou m?Ì en fin de phrase dans l'interrogation
alternative.
4.2.4.1 Les constituants de l'interrogation
alternative
Nous allons ici identifier les constituants de l'interrogation
alternative en Shupamem. Observons les phrases suivantes :
(30) a. u' ø-n?u' ku'n ke' ?gbom ?Ì?
2sg PRS- manger haricot ou maïs M Int « Tu manges le
haricot ou le maïs ? »
b. i' ø -?u' ?ai' ke' ku'ta`b?Ì n?Ì?
3sg PRS- habiter ici ou Koutaba M Int « Habite-il ici ou
à Koutaba ? »
Comme nous pouvons constater à partir des phrases (30a
et b), l'interrogation alternative en Shupamem est une phrase qui ne
présente aucune transformation : c'est une phrase qui a la même
structure qu'une phrase affirmative. Les constituants de cette phrase sont
disposés comme les constituants d'une phrase déclarative :
Sujet - verbe - complément - ConjCor - Compl - M
Int
4.2.4.2 Distribution des constituants de
l'interrogation alternative Reprenons les phrases (30a et b).
(31) a. u' ø-n?u' ku'n ke' ?gbom ?Ì ?
2sg PRS- manger haricot ou maïs M Int
Sujet verbe complément ConjCor Compl M Int
« Tu manges le haricot ou le maïs ? »
b. i' ø -?u' ?ai' ke' ku'ta`b?Ì n?Ì ?
3sg PRS- habiter ici ou Koutaba M Int
Sujet verbe complément ConjCor Compl M
Int « Habite-il ici ou à Kouaba ? »
La structure de l'interrogation alternative en Shupamem est la
suivante :
87
Sujet + verbe + compl +ConjCor + Compl + M
Int
ConjCor : conjonction de coordination
La structure ci-dessus nous permet de voir l'ordre des
constituants dans une phrase interrogative.
4.2.5 Interrogation oratoire
Stanley (1986 : 408), cité par Ndiola, (2008 :109)
définit les questions oratoires ou rhétoriques comme des
questions dirigées ou des questions argumentativement orientées.
Il continue en disant que ces formes d'interrogations ont pour fonction
d'attirer l'attention de l'interlocuteur alors que les autres formes
d'interrogation appellent l'action. Une question rhétorique ou question
oratoire est une figure de style qui consiste à poser une question
n'attendant pas de réponse, cette dernière étant connue
par celui qui la pose. Certains linguistes appellent l'interrogation oratoire
interrogation figurée car il y voit une manoeuvre du locuteur
sur son allocutaire qui le place dans l'impossibilité de pouvoir ni nier
ni répondre. C'est pourquoi la question rhétorique peut amener
deux types de manoeuvres oratoires :
1) soit amener le public à prendre une décision
(délibération) ;
2) soit en s'interrogeant soi-même on feint de proposer
une objection (dubitation). Observons les phrases suivantes :
(32) a. n3?ì twoìl?ì? - poì
n?ì niÌ ?
monde F3 être comment Int or « Comment sera le
monde ? »
b. û ø-ziìe k÷?ì niÌ
? 2sg PRS dire quoi Int or « Que dis-tu ? »
c. û ø - 3û k÷?Ì
niÌ? 2sg PRS-manger quoi Int or « Que manges-tu ? »
d. û ø - ?gwoìn f?ì?n?Ì
niÌ? 2sg PRS-aller quand Int or « Quand vas-tu ? »
Les questions (32a, b, c et d) font ressortir la dubitation de
celui qui les pose. En fait, nous n'avons pas obligation de répondre
à ces questions. Ces questions nous amènent à
réfléchir profondément sur ce sur quoi elles portent et
à prendre certaines dispositions conséquentes.
88
4.2.5.1 Les constituants de l'interrogation
oratoire
Ici, il sera question pour nous d'identifier les constituants
de l'interrogation oratoire en Shupamem.
Observons les phrases suivantes :
(33) a. lee' ø- po' n?ì ni` ?
école PRS- être comment Int or « Comment est
l'école ? »
b. u' pe`-?gwo'n ma' nda`p po' m?ì?ga`k÷?Ì
ni` ? 2sg p2 -partir à maison pour pourquoi Int or «
Pourquoi étais-tu parti à la maison ? »
c. m?Ìn ø - gb?Ì t?Ì ta'm i`
? enfant P1-tomber dans trou Int or « L'enfant est-il tombé
dans le trou ? »
Nous devons tout d'abord noter que dans les phrases (33a, b et
c), ni` et i` sont les marqueurs de l'interrogation oratoire.
Ce sont ni` et i` qui nous permet de savoir en Shupamem que
nous avons à faire à une interrogation oratoire. Les constituants
de l'interrogation oratoire sont :
Le sujet (S) - le verbe(V) - (mot interrogatoire (mot
inter)) - (le complément) -le marqueur de l'interrogation oratoire
(Inter or)
4.2.5.2 Distribution des constituants de
l'interrogation oratoire
Nous allons ici donner la structure de l'interrogation
oratoire. Pour cela, nous allons nous appuyer sur les phrases (33a, b et c).
Soient les phrases suivantes :
(34) a. lee' ø- po' n?ì ni` ?
école PRS- être comment Int or
Sujet verbe mot inter Int Or « Comment
est l'école ? »
b. u' pe`-?gwo'n ma' nda`p po' m?ì?ga`k÷?Ì
ni` ?
2sg p2 -partir à maison pour pourquoi Int or
Sujet verbe complément mot inter Int
Or « Pourquoi étais-tu parti à la maison ?
»
c. m?Ìn ø - gb?Ì t?Ì ta'm i`
? enfant P1-tomber dans trou Int or Sujet verbe
complément Int Or « L'enfant est-il tombé dans le
trou ? »
A partir des exemples (34a, b et c), nous constatons qu'en
Shupamem la structure de l'interrogation oratoire est la suivante :
Sujet +verbe + (complément) + (mot inter) + Int
Or
89
4.2.6 Interrogation averbale en Shupamem
L'interrogation averbale est une particularité du
Shupamem. L'interrogation averbale est une phrase interrogative qui ne contient
pas de verbe. L'interrogation averbale est une phrase interrogative qui est
constituée des éléments qui dépendent directement
du verbe à savoir le sujet et le complément bien que ne
possédant pas de verbe. Le sujet du verbe est appelé l'argument
externe alors que le complément du verbe est le l'argument interne.
Observons les phrases suivantes :
(35) a. u' ja' n?Ì ?
2sg où M Int « Où es-tu ? »
b. p?ìn pi's÷?Ì n?Ì ?
enfants combien M Int
« Combien d'enfants y a-t-il ? »
c. nda'p b?ìs÷?Ì n?Ì ? maison
combien M Int « Combien coûte le loyer ? »
d. ?a'p b?ìs÷?Ì n?Ì ?
viande combien M Int
« Combien coûte la viande ? »
*e. m?ìn f??n? n?Ì ?
enfant quand M Int « Quand enfant ? »
Nous constatons que les phrases (35a, b, c, d et e) ne
contiennent pas des verbes, mais ils contiennent toutes des sujets. Ce qui nous
permet de dire qu'il y a eu effacement du verbe, c'est ce que nous appelons ici
effacement verbal. Ces phrases sont dites alors averbales. Ceci nous permet de
déduire que dans certaines phrases interrogatives en Shupamem,
l'utilisation des verbes n'est pas obligatoire, elle est optionnelle,
c'est-à-dire que nous avons le choix d'utiliser ou de ne pas utiliser le
verbe.
Nous devons aussi noter que la forme averbale de
l'interrogation n'est pas possible avec tous les mots interrogatifs en Shupamem
(pronoms interrogatifs, adjectifs interrogatifs et adverbes interrogatifs). La
forme averbale de l'interrogation n'est possible qu'avec l'adverbe interrogatif
de lieu ja' (où), l'adverbe interrogatif de quantité
pi's÷?Ì (combien) et l'adverbe interrogatif de prix
b?ìs÷?Ì (combien) comme nous montrent les phrases
(35a, b, et c). La phrase (35e) est agrammaticale parce que nous avons
posé la question avec l'adverbe interrogatif de temps.
90
Il convient aussi de remarquer tout de même que
l'utilisation de la forme averbale d'interrogation est motivée par la
recherche d'économie de la part de la personne qui parle. En effet,
cette personne veut utiliser moins de mots possibles pour se faire entendre. Et
pour cette raison, elle préfère utiliser des phrases qui ne sont
pas correctes sur le plan syntaxique, mais qui sont correctes sur le plan
purement sémantique.
4.2.6.1 Les constituants de l'interrogation averbale
en Shupamem
Nous allons maintenant identifier les constituants de
l'interrogation averbale. Soient les phrases suivantes :
(36) a. p?ì já n?Ì ?
3pl où MInt « Où sont-ils?»
b. ndiá k÷?ì n?Ì ?
aujourd'hui quoi M Int
« Quelle est la date d'aujourd'hui ? »
c. wó já n?Ì ?
qui où M Int « Qui est où ? »
d. k÷?ì já n?Ì ?
quoi où M Int
« Qu'est-ce qui est où ? »
Comme nous le montrent les phrases (36a, b, c et d), les
constituants de l'interrogation averbale en Shupamem sont : l'argument
sujet sur lequel porte la question, le mot interrogatif
et le marqueur de l'interrogation.
4.2.6.2 Distribution des constituants de
l'interrogation averbale
Nous allons identifier l'ordre dans lequel se
présentent les constituants de l'interrogation averbale en Shupamem.
Reprenons les phrases (36a, b, c et d) plus haut :
(37) a. p?ì já n?Ì ?
3pl où MInt
Sujet syntagme Qu M Int « Où
sont-ils?»
b. ndia
k÷?Ì n?Ì ?
aujourd'hui quoi M Int
Sujet syntagme Qu M Int
« Quelle est la date d'aujourd'hui ? »
d. wó
já n?Ì ?
qui où M Int Syntagme Qu syntagme Qu M
Int
91
« Qui est où ? »
d. kXâ já n(3 ?
quoi où M Int
Syntagme Qu syntagme Qu M Int « Qu'est-ce
qui est où ? »
Les structures de la phrase averbale sont les suivantes :
1-
2-
Sujet + mot inter +M Int
Syntagme Qu + syntagme Qu+ M Int
Nous avons en Shupamem deux (02) structures de l'interrogation
averbale. Nous pouvons avoir un constituant en position sujet ou deux syntagmes
Qu.
NB : Nous devons noter que l'interrogation
averbale est seulement possible avec un seul temps verbal en Shupamem : le
présent (P).
Dans le tableau qui suit, nous allons récapituler les
types d'interrogations ainsi que leurs caractéristiques.
Tableau1 : Récapitulatif des
caractéristiques des types d'interrogations en Shupamem
Marqueurs interrogatifs
Types
d'interrogatio ns
|
Marqueur de interrogatio n «
(3/n(3/ m(3 »
|
Marqueur de interrogat ion «
] /n]»
|
Autre mot interrogatif plus
«
(3/n(3/ m(3/ ] / n]
»
|
Présence de mot interrogatif autre
que « (3/n(3/m(3
/ ]/n] »
|
Réponse obligatoir e
autre que « oui/non»
|
Réponse par « oui/non
»
|
Interrogation totale directe
|
oui
|
non
|
non
|
non
|
non
|
oui
|
Interrogation totale
indirecte
|
oui
|
non
|
oui
|
oui
|
non
|
oui
|
Interrogation partielle directe
|
oui
|
non
|
oui
|
oui
|
oui
|
non
|
Interrogation partielle indirecte
|
oui
|
non
|
oui
|
oui
|
oui
|
non
|
Interrogation alternative
|
oui
|
non
|
oui
|
oui
|
oui
|
non
|
Interrogation oratoire
|
oui
|
oui
|
non
|
oui
|
oui
|
non
|
Interrogation averbale
|
oui
|
non
|
oui
|
oui
|
oui
|
non
|
92
Le tableau ci-dessus récapitule les types de phrases
interrogatives en Shupamem et ce qui les caractérise. C'est pourquoi,
nous pouvons voir sur notre tableau oui et non. Oui
veut dire que l'interrogation a les caractéristiques
indiquées alors que non signifie que l'interrogation n'a pas
les caractéristiques indiquées. Oui/non veut dire que les
caractéristiques peuvent être là ou pas.
Le tableau suivant récapitule les structures de phrases
interrogatives que nous avons recensées en Shupamem.
Tableau 2 : Récapitulatif des structures des
interrogations en Shupamem
N°
|
Types
d'interrogations
|
Structures interrogatives
|
01
|
Interrogation totale directe
|
1- SUJET+ VERBE +
(COMPLEMENT) + M INT
2- SUJET + NEG + VERBE +
PPR+ (CIRCONSTANT) + M Int
3- FOC+ VERBE +SUJET +
(CIRCONSTANT) + M Int
4- FOC + (CIRCONSTANT) + COMP + SUJET + VERBE + M INT
|
02
|
Interrogation totale indirecte
|
5- SUJET + (V) + VI + COMP + SI
|
03
|
Interrogation partielle directe
|
6- SUJET+ VERBE +MOT INTER + M Int
7- FOC + MOT INTER + SUJET + VERBE + M Int
|
04
|
Interrogation partielle indirecte
|
8- SUJET + (V) + VI + COMP + SI
|
05
|
Interrogation alternative
|
9- SUJET + VERBE +(COMPL) +CONJCOR + COMPL + MInt
|
06
|
Interrogation oratoire
|
10- SUJET+ VERBE + (COMPLEMENT) + MOT INTER+INT OR
|
07
|
Interrogation averbale
|
11- SUJET + MOT INTER+ M Int
12- SYNTAGME QU + SYNTAGME QU+ M Int
|
Comme nous pouvons le constater, nous avons en Shupamem douze
(12) structures
interrogatives réparties de la manière suivante
:
- Quatre (04) structures des interrogations totales directes
- Une (01) structure de l'interrogation totale indirecte
- Deux (02) structures des interrogations partielles directes
- Une (01) structure de l'interrogation partielle indirecte
- Une (01) structure de l'interrogation oratoire
- Une (01) structure de l'interrogation alternative
- Deux (02) structures de l'interrogation averbale
Ce qui nous permet de noter qu'en Shupamem, le type
d'interrogation le plus
prolifique qui présente plusieurs structures est
l'interrogation totale directe avec six (04)
93
structures. Suivent ensuite l'interrogation partielle directe
et l'interrogation averbale avec toutes deux (02) structures. Et enfin, nous
avons l'interrogation totale indirecte, l'interrogation alternative
l'interrogation partielle indirecte et l'interrogation oratoire qui compte
chacune une (01) structure. Le graphe suivant nous permet de représenter
la fréquence des structures des interrogations en Shupamem.
Graphe 1 : Fréquence et pourcentage des
structures des interrogations en Shupamem
Ce graphe nous montre la fréquence des structures des
interrogations en Shupamem. Il nous permet en outre de savoir quelle structure
interrogative est la plus répandue en Shupamem.
4.3 Analyse des interrogations à Qu
multiple
Il sera question pour nous ici de parler des questions
à Qu multiple ; c'est-à-dire des interrogations qui ont plusieurs
syntagmes Qu. Pour cela, nous allons analyser les différents
déplacements des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu
multiple. Pour se faire, nous
94
allons nous appuyer sur la contrainte de
supériorité, Attract Closest Principle et la contrainte
sur les dépendances emboîtées.
La contrainte de supériorité (superiority
condition) stipule que dans une interrogation à Qu multiple, le syntagme
Qu en position basse29 ne peut pas se déplacer avant
le syntagme Qu en position haute30.
Considérons les phrases suivantes :
(38) a. wo ja' n?Ì? Qui où M Int
« Qui est où ? »
b. *ja' wo n?Ì ?
Où qui M Int «Où est qui ?»
(39) a. k÷?ì ja' n?Ì ? quoi
où M Int «Qu'est-ce qui est où ? »
b. *ja' k÷?Ì n?Ì ?
où quoi M Int « Où est quoi ? »
Dans les phrases (38a) et (39a), nous avons à faire
à des interrogations averbales à Qu multiple. Dans (38a) et (39a)
nous avons les syntagmes Qu en position haute qui sont wo (qui) et
k÷?Ì (quoi) et le syntagme Qu en position basse qui est
ja' (où) dans toutes les deux phrases. Nous constatons que la
contrainte de supériorité est respectée dans cette
interrogation. Ceci parce que les syntagmes Qu en position haute wo
(qui) et k÷?Ì (quoi) se déplacent avant le
syntagme Qu en position basse ja' (où).
Contrairement aux phrases (38a) et (39a) qui sont
grammaticales, nous constatons que les phrases (38b) et (39b) ne le sont pas.
L'agrammaticalité de (38b) et (39b) s'explique par le fait que la
contrainte de supériorité n'est pas respectée ici car en
(38b), le syntagme Qu en position basse ja' (où) s'est
déplacé avant le syntagme Qu en position haute wo (qui),
et ja' (où) s'est déplacé avant
k÷?Ì (quoi) en (39b).
Selon Bayer (2004), dans une question à Qu multiple, la
trace du syntagme Qu en position initiale doit c-commander le syntagme Qu
in-situ. C'est ce que nous montre l'exemple anglais ci-dessous :
29 Les syntagmes Qu en position
basse sont les adjoints référentiels et les adjoints non
référentiels. En Shupamem, les syntagmes Qu en position basse
sont : ja' (où), f?ì?n?Ì
(quand) et m?ì?ga`k÷?Ì (pourquoi).
30 Dans une interrogation à
Qu multiple, les syntagmes Qu en position haute sont les arguments. En
Shupamem, les syntagmes Qu en position haute sont wo (qui) et
k÷?Ì (quoi).
95
(40) [[Comp whatj
whoi] ti read tj]
(Strik 2004:92), ex. 148)) Pesetsky 1987: 100), ex.6))
`Attract Closest Principle', ce principe
syntaxique stipule que dans une interrogation à Qu multiple, «
a head which attracts a given kind of constituent attracts the closest
constituent of the relevant kind »31 (Radford 2006:
136)
En fait, cela revient à dire que dans une interrogation
à Qu multiple, c'est le syntagme Qu qui est en position haute qui doit
se déplacer en premier lieu ; or comme nous l'avons dit un peu plus
haut, il y a deux syntagmes Qu qui sont en position haute. Il s'agit des
arguments wo (qui) et k֏ (quoi). Ceci veut dire
que ce sont ces deux arguments qui doivent se placer avant les adjoints
référentiels et les adjoints non référentiels. Les
exemples (38a) et (39a) illustrent très bien ce que nous venons
d'expliquer.
Nous devons aussi noter que même dans les interrogations
à Qu multiple avec focalisation d'un syntagme Qu, ce sont toujours les
syntagmes Qu en position haute qui se déplacent avant les syntagmes Qu
en position basse (adjoints référentiels et adjoints non
référentiels). C'est ce qu'illustrent les exemples suivants :
(41) a. aì ø-?gwoìn wo jaì
n?Ì ?
c'est PRS- partir qui où M Int « Qui part où ?
»
b. aì wo juoì I ø-?gwoìn
jaÌ n?Ì?
c'est qui que 3sg PRS- partir où M Int « C'est qui
qui part où ? »
*c. aì jaì juoì
ø-?gwoìn wo n?Ì ?
c'est quoi que PRS- partir qui M Int « C'est où qui
part ? »
Nous pouvons observer que dans la phrase (41a), nous avons
deux syntagmes Qu qui se trouvent en fin de phrase ; il s'agit de wo
(qui) et jaì (où). Dans la phrase (41b), wo
(qui) est focalisé et nous avons une phrase grammaticale. Mais
(41c) est agrammaticale parce que c'est jaì (où),
syntagme en position basse qui est focalisé au lieu de wo
(qui), syntagme en position haute.
La Contrainte sur les Dépendances
Emboîtées (Nested Dependency Condition) stipule que si deux
dépendances de trace Qu se chevauchent, l'une doit contenir l'autre.
L'exemple (50) ci-dessous nous illustre cette contrainte.
(42) a Whoi did you persuade ti to read
what?
qui.Wh faire.PRET.2sg tu.NOM convaincre.INF de lire.INF
quoi.Wh
31 Une tête qui attire un
constituant donné attire le constituant du même genre le plus
proche.
96
« Qui as-tu convaincu de lire quoi ? »
*b ??What1 did you persuade who(m) to read t1
?
que.Wh faire.PRET.2sg tu.NOM convaincre.INF qui.Wh de lire.INF
« Qu'as-tu convaincu à qui de lire ? »
(Strik 2004 : 93, ex. 151a&b) Pesetsky 1987 : 104, ex.
20))
Strik (2004) estime que la phrase (42a) est grammaticale alors
que la phrase (42b) ne l'est pas, cela s'explique par le fait que dans (42a),
le déplacement de who est emboîté dans le
déplacement de what, alors que dans (42b) les deux
déplacements se croisent. Il continue en disant que (42a) est
jugé meilleur que (42b). Cela s'explique si on prend en
considération la représentation de ces questions en FL. Par
hypothèse, la représentation en FL de (42a) et (42b) correspond
aux structures suivantes :
(43) a [S' what1 [S' whoi [S you persuade
ti to read t1]]]
b)?? [S'whoi [S' what1 [S you persuade ti
to read t1]]]
(Strik 2004 : 93, ex. 152a et b)
La Contrainte sur les Dépendances
Emboîtées vient confirmée l'hypothèse selon laquelle
le syntagme Qu en position haute se déplace toujours avant les syntagmes
Qu en position basse.
4.3.1 Distribution des syntagmes Qu en Shupamem
Pour savoir la distribution des syntagmes Qu dans une
interrogation à Qu multiple nous allons analyser les interrogations
ayant plusieurs syntagmes Qu.
Soient les phrases suivantes :
(44) a. m?Ìn ka`pî - tá?
k÷?Ì f??n?Ì m??ga'k÷?Ì
n?Ì ?
enfant P4 vouloir quoi quand pourquoi M Int « L'enfant
voulait quoi quand et pourquoi ? »
*b. wo ka`pi'- tá?
k÷?Ì f??n?ì m??g'ak÷?Ì
n?Ì?
qui P4-vouloir quoi quand pourquoi M Int « Qui voulait quoi
quand et pourquoi ? »
Nous constatons que dans la phrase (44a), l'argument wo
est focalisé. C'est pour cette raison qu'il se trouve à la
périphérie gauche. La phrase (44b) est agrammaticale parce que
wo (qui) se trouve à la périphérie gauche de la
phrase interrogative. Or, pour que le syntagme wo
97
(qui) soit en initial de phrase, il faut que ce syntagme soit
focalisé ou que nous ayons à faire à une interrogation
averbale.
La phrase (44a) nous permet d'identifier l'ordre des syntagmes
Qu dans une interrogation à Qu multiple. L'ordre des syntagmes Qu dans
une interrogation à Qu multiple est le suivant :
Argument + Adjoints référentiels
+Adjoints non référentiels
Si cet ordre n'est pas respecté, la phrase sera
agrammaticale. Nous allons représenter la phrase (44a) sur un arbre.
(45) SInt
Spéc Int'
Int° ST
`
n?
|
Spéc
|
|
T'
T° SV
Spec
V°
|
V'
SN Spec
|
N'
|
Adv'
SAdv
Spéc Adv'
Adv°
|
Adv°
|
N° SAdv
Spec
|
|
m?Ìn
enfant
ka`pî
|
P4
|
tá?
k÷?Ì
vouloir quoi
|
f??n?Ì
quand
|
m??ga'k÷?Ì
pourquoi
|
|
L'arbre (45) ci-dessus représente la phrase (44a). Cet
arbre nous permet de voir les différents mouvements qui se sont
opérés.
98
Conclusion
Dans ce chapitre, notre préoccupation était
d'identifier les types d'interrogations en Shupamem, de parler de la
distribution des constituants de la phrase interrogative, d'identifier et
d'expliquer les différents mouvements que subissent les constituants des
phrases interrogatives en Shupamem. Notre étude nous a
révélé qu'il y a en Shupamem cinq (05) types
d'interrogations à savoir : L'interrogation totale, l'interrogation
partielle, l'interrogation alternative, l'interrogation rhétorique et
enfin l'interrogation averbale. Lorsque le syntagme Qu n'est pas
focalisé, il reste in-situ, alors que lorsqu'il est focalisé, il
est ex-situ. Mais aussi, nos données nous ont
révélées que dans les interrogations averbales, le
syntagme Qu est en position ex-situ sans être focalisé. Ces
différentes analyses nous ont permis d'arriver à la conclusion
selon laquelle le Shupamem est une langue à Qu in-situ et à Qu
ex-situ.
Nous avons parlé des interrogations à Qu
multiples qui sont en fait des phrases interrogatives comportant plusieurs mots
Qu. Il était plus question pour nous de dire pourquoi dans une
interrogation à Qu multiple les arguments doivent se déplacer
avant les adjoints référentiels ou les adjoints non
référentiels. Nous avons pris appui sur la contrainte de
supériorité pour dire que dans une interrogation à Qu
multiple, le syntagme Qu en position basse ne peut pas se déplacer avant
le syntagme Qu en position haute. Or, nous savons que le syntagme Qu en
position basse renvoie aux adjoints référentiels et aux adjoints
non référentiels. Alors que le syntagme Qu en position haute
désigne les arguments. C'est pourquoi dans une interrogation à Qu
multiple qui contient un argument et un adjoint référentiel ou un
adjoint non référentiel, l'adjoint référentiel ou
l'adjoint non référentiel ne peut pas se déplacer avant
l'argument.
Pour finir, nous avons parlé de la distribution des
syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple. En nous appuyant sur
la contrainte de supériorité, Attract Closest Principle
et la contrainte sur les dépendances emboîtées, nous sommes
arrivés à la conclusion selon laquelle l'ordre des syntagmes Qu
dans les interrogations à Qu multiple est la suivante :
Argument - Adjoints référentiels -
Adjoints non référentiels
99
Chapitre V :
|
LA PERIPHERIE GAUCHE EN SHUPAMEM
|
Introduction
Dans le chapitre IV nous avons identifié les types
d'interrogations en Shupamem, les constituants de la phrase interrogative, la
distribution de ces derniers, en fin, nous avons expliqué les
différents mouvements que subissent les constituants des phrases
interrogatives dans cette langue. Dans ce chapitre, il sera question pour nous
de parler de la périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, nous
allons tout d'abord identifier les constituants qui se trouvent dans la
périphérie gauche et par la suite, nous allons parler des
phénomènes qui sont à l'origine du déplacement de
ces constituants pour la périphérie gauche. Ceci nous
amènera à parler tour à tour de la focalisation, de la
topicalisation et de la relativation. Pour finir, nous allons donner la
cartographie de la périphérie gauche. Nous ne saurions commencer
ce chapitre sans parler de l'éclatement de la catégorie SC
(syntagme du complémenteur).
5.1 L'éclatement de SC
Suite aux travaux de Kayne (1984) et de Pollock (1989) entre
autres, plusieurs auteurs tels que Rizzi (1997, 2001b, 2004a) et Belletti
(2009) estiment que la périphérie gauche doit contenir plusieurs
catégories. C'est à ce moment précis qu'est née
l'idée de l'éclatement de SC en plusieurs projections. En fait,
la périphérie gauche peut héberger un ensemble
hétérogène de syntagmes comme les pronoms interrogatifs,
les complémenteurs et les verbes fléchis, mais aussi les pronoms
relatifs, les éléments topiques et les éléments
foci. C'est ainsi que Rizzi (1997) propose que SC se compose de plusieurs
projections. Notons que la structure que Rizzi propose est essentiellement
basée sur des données italiennes. D'après Rizzi, la
projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, SFin et de
deux projections STop, dans l'ordre suivant :
(1) SForce (STop1) SFoc (STop2) SFin SI
La périphérie gauche est dominée par une
catégorie SForce, où est exprimée la force illocutoire de
la phrase. Ensuite, elle possède deux projections de topique. En italien
(et dans d'autres langues) une même phrase peut contenir deux, voire
plusieurs syntagmes topiques. En revanche, une phrase ne peut par
hypothèse contenir qu'un seul syntagme focus. Observons les phrases
suivantes :
(2) 100
Il libro, a Gianni, domani, pro glielo darò s
enz'altro.32 «The book, to John, tomorrow, I'llgive it to him
for sure»
(Rizzi 1997: 290, ex. 21)
(3) * A GIANNI IL LIBRO pro darò (non a piero,
l'articulo).33 «To John the book tomorrow I'll give, not to
Piero, the article» Rizzi (1997 : 290, ex. 22)
Si un syntagme focus est combiné avec deux syntagmes
topiques, un de ces syntagmes topiques doit précéder le syntagme
focus comme l'indique l'exemple suivant :
(4) A Gianni, QUESTO, domani, pro gli dovrete dire.34
«To Gianni, THIS, tomorrow, you should tell him» Rizzi (1997 :
291, ex. 23)
5.2 La focalisation
La focalisation consiste à mettre en exergue ou en
emphase un constituant parmi tant d'autres. Selon Strik (2008 :82), il est
commun dans la littérature de distinguer deux types de focus35
: le focus contrastif ou focus étroit36 et
le focus non-contrastif ou focus large37.
La technique la plus utilisée dans la focalisation est
le clivage. De manière générale, et ceci en
français, on distingue quatre parties dans une phrase clivée : un
pronom, une copule, un syntagme clivé ou focalisé, parfois
appelé `pivot' et une proposition clivée ou coda.
(5) C' est la voiture que Pierre a acheté.
pronom copule syntagme clivé coda
32lérwà, né 3an, fuim3ti,
maì twoì -faì niÌ m?Ì
gaìbèkèt.
livre, à Jean, demain, 1sg F1 donner à
sûrement « Le livre, à Jean, demain, je le lui donnerai
sûrement. »
Nous avons traduit ici la phrase (2), et comme nous pouvons le
constater, cette phrase à une traduction en Shupamem. Toute chose qui
nous permet de conclure que la structure proposée par Rizzi existe en
Shupamem.
33 *né 3an, lérwà, m?
nà taìp twó faà né Petro, jiìr?
jùm. à Jean livre, 1sg Accs Nég F1 donner
à Pierre article
« A JEAN LE LIVRE je donnerai, pas A PIERRE, L'ARTICLE.
» Cette phrase est agrammaticale en Shupamem.
34 né 3an, jiì, fuim3ti, û
pé-lò rié?
à Jean ça demain 2sg Cond dire
« A Jean, ÇA, demain, tu devrais lui dire. »
Cette phrase est la traduction de la phrase (4).
35 Selon Creissels (2004 :2), un
élément de la phrase est mis en focus s'il apparaît
particulièrement chargé d'une valeur informative
36 D'un point de vue
sémantique, le focus contrastif représente la valeur de la
variable liée par un opérateur abstrait qui exprime une
identification exhaustive. D'un point de vue syntaxique, le focus contrastif
est lui même par hypothèse un opérateur qui se
déplace vers une position de portée dans le spécifieur
d'une projection fonctionnelle et qui lie une variable.
37 Le focus non-contrastif
correspond à l'information nouvelle de la phrase. Chaque phrase contient
un focus non-contrastif. En revanche, chaque phrase ne contient pas un focus
contrastif.
101
Nchare (2012) identifie deux stratégies de focalisation
en Shupamem. Selon lui un constituant peut être focalisé par
clivage c'est-à-dire, qu'on recourt à la clivé â
(c'est). Par ailleurs, un constituant peut aussi être
focalisé par duplication verbale. Comme le montre l'exemple suivant.
(6) a. man swô pâjù tà pàm.
enfant mettre nourriture dans sac
« l'enfant a mis la nourriture dans la sac. »
b. man swô pâjù swô tà
pàm.
enfant mettre nourriture mettre dans sac « L'enfant A MIS la
nourriture dans le sac. »
Comme nous pouvons observer, en (6a), nous avons à
faire à une phrase déclarative. En (6b), c'est le verbe
swô (mettre) qui est focalisé. Nous allons revenir de
long en large sur la focalisation par duplication verbale dans la suite de
notre travail.
Comme nous l'avons dit plus haut, dans une phrase, nous ne
pouvons pas focaliser plus d'un constituant. En Shupamem, nous utilisons le
clivage pour exprimer la focalisation. Par ailleurs, dans cette langue, il est
possible de focaliser le sujet, le complément d'objet direct, le
complément d'objet indirect et le complément circonstanciel.
5.2.1 Focalisation du sujet
Considérons la phrase suivante et ses dérivations
:
(7)a. Ali pi-jùn rjgbôm né mà
mà jaûndè.
Ali P2-acheter maïs à moi à
Yaoundé « Ali m'avait acheté le maïs à
Yaoundé.
b. â Ali pi-jùn rjgbôm né mà
mà jaûndè. c'est Ali P2-acheter maïs à moi
à Yaoundé « C'est Ali qui m'avait acheté le maïs
à Yaoundé. »
c. â Ali jud iì pi-jùn rjgbôm
nè mà mà jaûndè nâ. c'est Ali qui
3sg P2-acheter maïs à moi à Yaoundé Comp « C'est
Ali qui m'avait acheté le maïs à Yaoundé. »
(8) a. Petro 0 -rjgwôn mà jaùndè.
Pierre PRS- aller à Yaoundé « Pierre part
à Yaoundé. »
b. â Petro jud iì 0 -rjgwèn mà
jaùndè nâ.
C'est Pierre qui 3sg PRS-aller à Yaoundé
Comp « C'est Pierre qui va à Yaoundé. »
* c. â Petro 0 -rjgwôn mà jaùndè
nâ.
C'est Pierre PRS-aller à Yaoundé Comp «
C'est Pierre va à Yaoundé. »
102
Dans (7b), nous avons focalisé le sujet « Ali
». Cette focalisation s'est faite par clivage. C'est pour cette raison que
« Ali » se trouve en initial de phrase. En (8b), Petro
(Pierre) a été focalisé en se
déplaçant, sa trace est remplacée par le pronom
résomptif i' (il) qui est le sujet de Ø -?gwo`n
(aller) ; en fait, le Shupamem ne permet pas que la position sujet soit
vide Nchare (2012 :505). Par ailleurs, nous constatons que c'est a'
(c'est) en début de phrase qui permet de focaliser.
(8c) est agrammatical parce qu'il ne contient pas
juo'(qui). La structure de (7c) est identique à (8c) qui est
agrammatical, qu'est-ce qui peut bien expliquer le fait que (7c) bien qu'ayant
une même structure que (8c) soit grammatical ? En Shupamem et au temps
passé, il est
possible de focaliser un constituant en position sujet sans
recourir à juo' n?ìet avoir une phrase correcte mais
quand nous avons à faire au présent nous utilisons
obligatoirement juo'. L'agrammaticalité de (8c) est dû
à l'absence de juo'. En conclusion, nous pouvons dire que la
focalisation du sujet se fait en Shupamem de deux façons :
1. a' (c'est) en début de phrase suivi du
constituant focalisé.
2. a' (c'est) en début de phrase suivi du
constituant focalisé plus juo'(qui) et n?ì en
fin de phrase;
L'arbre suivant représente la phrase (7b).
103
(9) SClivée
Spéc Clivée'
Clivée° SFoc
Spéc Foc'
Foc° ST
Spéc T'
T° SV
Spéc V'
V° SN
Spéc N'
N° SP
Spéc P'
P° SN
Spéc N'
N° SP
Spec P'
P° SN Spéc N'
N°
aì Ali Ali pI juÌn ?gbom né maÌ
maÌ jauìndeÌ
C'est Ali Ali P2 acheter maïs à moi à
Yaoundé
L'arbre (9) représente la phrase (7b). Cet arbre nous
permet de voir comment le sujet de la phrase « Ali » se
déplace de [Spéc, ST] à [Spéc, SFoc]. Et ceci nous
permet d'affirmer que le sujet peut être focalisé en Shupamem. Par
ailleurs, nous pouvons dire avec Rizzi (1997) que l'élément
focalisé occupe [Spéc, SFoc].
Nous allons représenter sur l'arbre suivant la phrase
(8b) question pour nous d'avoir l'autre structure possible de la focalisation
en Shupamem.
104
(10)
SForce
Spéc Force'
Force° Foc'
Foc° SClivée
Spéc Clivée Clivée° SFoc
Spéc Foc'
Foc° SForce
Spéc Force' Force° ST
Spéc T'
T° SV
Spéc V'
V° SP
Spec P'
P° SN Spéc N'
ì
n?
Comp
C'est Pierre qui 3sg aller à Yaoundé
aì Petro juoì I ?gwoÌn maÌ
jauÌndeÌ
N°
En (10), nous avons la deuxième structure de la
focalisation en Shupamem. En fait ici, juoì(qui) et
n?ì ont été ajouté à la phrase. En
outre, à partir de l'arbre (10) ci-dessus, il ressort que
juoì (qui/que) et n?ì occupent la tête du
syntagme de la Force (Force°). Ce qui nous permet de constater qu'en
Shupamem, la tête du syntagme de la Force peut héberger plusieurs
constituants.
105
5.2.2 Focalisation du complément d'objet direct
Ici, nous allons nous intéresser au complément
d'objet direct. Il sera question pour nous de voir si le complément
d'objet direct peut être focalisé en Shupamem. Pour cela,
observons les exemples suivants :
(11) a. ali 0 -fa mâtwà nè petro.
Ali PRS- donner voiture à pierre « Ali donne la
voiture à Pierre. »
b. â mâtwâ juô ali 0 -fa nè petro
nâ.
c'est voiture que Ali PRS- donner à Pierre Comp «
C'est la voiture que Ali donne à Pierre. »
(12) a. mbièr5 wô? rjgbôm mfiù
â.
roi ecrasser maïs frais
« Le roi a ecrassé le maïs frais. »
b. à rjgbôm mfiù â jûo
mbièr5 wô? nâ. c'est maïs frais que roi ecrasser Comp
« C'est le maïs frais que le roi a ecrassé. »
Comme nous pouvons le constater, en (11b et 12b), nous avons
focalisé respectivement le complément d'objet direct matwa
(voiture) et rjgbôm ma il (maïs frais). La
focalisation du COD est marquée par « â + le constituant
focalisé + juô .....nâ ». L'arbre qui suit
matérialise la phrase (11b).
(13)
SForce
Spéc Force'
Force° SClivée
Spéc Clivée'
Clivée° SFoc
Spéc Foc'
Foc° SForce
Spéc Force'
Force° ST
Spéc T'
T° SV
Spéc V'
V° SN
Spéc N'
N° SP
Spéc P'
P° SN Spéc N'
N°
' n)
a' matwa juo' ali fa' matwa nè petro
c'est voiture que Ali donner voiture à Pierre
106
Le complément d'objet direct matwa (voiture) a
été focalisé, c'est pour cela qu'il occupe le
spécifieur du syntagme du focus.
En outre, « n)' » occupe la tête de syntagme
de la Force (SForce). Or, dans une phrase, nous savons que la plus haute
projection doit être le syntagme de la force, c'est alors pour cette
raison que tout le syntagme de la clivée (SClivée) s'est
déplacé pour [Spéc, SForce] et nous donnant ainsi la
structure que nous avons en (11b). Le dernier constat que nous faisons en
observant l'arbre (13) c'est que nous n'avons pas de focalisateur. C'est pour
cette raison que la tête du focus est vide
107
5.2.3 Focalisation du complément d'objet
indirect
Dans cette partie, nous allons parler de la focalisation du
complément d'objet indirect. Pour cela, considérons les phrases
suivantes :
(14) a. i' 0 - taa' pa'ju` nè m?Ìn.
3sg PRS- laisser nourriture à enfant « Il laisse
la nourriture à l'enfant »
b. a' nè m?Ìn juo' i' 0 -taa' pa'ju`
n?ì.
c'est à enfant que 3sg PRS- laisser nourriture
Comp « C'est à l'enfant qu'il laisse la nourriture. »
(15) a' nè wa?wa? juo' na? 0 -mbi'??Ì m?Ìn
n?ì.
c'est à père que mère PRS-demander enfant
Comp « C'est au père que la mère demande l'enfant.
»
En (14b) et (15), nous avons focalisé le
complément d'objet indirect. En (14b), le COI m?Ìn
(enfant) est focalisé, alors qu'en (15), c'est wa?wa?
(père) qui est focalisé. Par ailleurs, la
focalisation du COI est marquée par « a' + le
constituant focalisé + juo' n?ì ».
5.2.4 Focalisation du complément
circonstanciel
Nous allons maintenant parler de la focalisation du
complément circonstanciel de lieu en général. Soient les
phrases suivantes :
(16) a. lérà 0 -jàp pé?i
ndù t?ìb?Ì. professeur PRS-déposer crayon sur
table « Le professeur dépose le crayon sur la table. »
b. a' ndù t?ìb?Ì ?a' juo'
lérà 0 -jàp pé?i n?ì.
c'est sur table où que professeur PRS-déposer
crayon Comp « C'est sur la table que le professeur dépose le
crayon. »
(17) a. lérà 0 -jàp pé?i mà
ndàp. professeur PRS-déposer crayon à maison « Le
professeur dépose le crayon à la maison. »
b. a' mà ndàp ?a juo' lérà 0
-jàp pé?i` n?ì.
c'est à maison où que professeur
PRS-déposer crayon Comp « C'est à la maison que le
professeur dépose le crayon. »
(18) a. lérà 0 -jàp pé?i ndià
mà ndàp.
professeur PRS-déposer crayon aujourd'hui à
maison « Le professeur dépose le crayon aujourd'hui à la
maison. »
b. a' ndià juo' lérà 0 - jàp
pé?i mà ndàp m?ì.
c'est aujourd'hui que professeur PRS-déposer crayon
à maison Comp « C'est aujourd'hui que le professeur dépose
le crayon à la maison. »
En (16b) le complément de lieu ndù
t?Ìb? (sur la table) est focalisé. En (17b), nous avons
focalisé le complément circonstanciel de lieu mà
ndàp (à la maison). Finalement, en (18b), nous avons
focalisé ndià (aujourd'hui) qui est le complément
circonstanciel de temps.
108
Toute chose qui permet de confirmer que le complément
circonstanciel est focalisé en Shupamem.
Il est important de noter que l'adverbe de lieu ?a
(où) comme en (16b) et (17b) est utilisé lorsque nous
focalisons un complément circonstanciel de lieu. ?a (où)
est toujours utilisé en association avec juo' (qui/que).
Il convient de noter que pour focaliser le complément
circonstanciel de lieu, nous
avons recouru à : « a' + le constituant
focalisé.... ?a juo' n?ì ». Alors que pour focaliser
le complément circonstanciel de temps nous avons utilisé
« a' + le constituant focalisé....
juo' n?ì ».
L'arbre suivant représente (16b).
á ndù téb?Ì ijá
juó lérà jàp péfi` ndù
t?Ìb
c'est sur table où que professeur déposer
crayon sur table
' n?
109
(19) SForce
Spéc Force'
Force° SClivée
Spéc Clivée'
Clivée° SFoc
Spec Foc'
Foc° SAdv
Spec Adv'
Adv° SForce
Spec Force'
Force° ST
Spéc T'
T° SV
Spéc V'
V° SN
Spéc N'
N° SP
Spéc P'
P° SN
N'
N°
110
Cet arbre matérialise le déplacement du
complément circonstanciel de lieu ndù t?ìb?Ì
(sur la table) de sa position canonique pour la périphérie
gauche.
5.2.5 Focalisation du verbe
Nous allons nous intéresser ici à la
focalisation du verbe en Shupamem. Avant de continuer, il convient de noter
qu'en Shupamem, nous constatons avec Nchare (2012) que seuls les verbes
à la forme infinitive peuvent être focalisés par clivage
alors que les verbes conjugués quant à eux sont focalisés
par duplication verbale.
Observons les phrases suivantes :
(20) a. a' ji'n -ju`n juo' m?? taa` n?ì.
c'est INF acheter que 1sg vouloir Comp « C'est acheter
que je veux. »
b. a' ji'n-?gwo'n juo' ma'ta` taa` n?ì. c'est Inf
-partir que Marthe vouloir Comp « C'est partir que Mathe veut. »
c. a` ji?-k?^ juo' m?ìn k?^ n?ì ?i` po`
ji?-g??Ì. ES INF cry that child cry Comp not Foc INF laugh «It
is crying that the child is doing, not laughing.» Nchare (2012 :489), ex.
28c))
d. m?ìn two' two` g?^ r?.
enfant venir venir hier
« L'enfant EST VENU hier. »
e. i' pe^ fa' le`rwa` fa` ne` ma`. 3sg P2 donner cahier
donner à moi « Il M'AVAIT DONNE le cahier. »
f. Ta^la' l?^ nto bv? e to. Tala P4 braise potatoes his
braise
«Tala BRAISED his potatoes.» (Gh?ma'la'', Mkounga
(2015:93))
g. Atem a k?Ì? nc?u'u akend?Ì? c?u'u. Atem Agr
P1 boil plantain ø -boil
«Atem BOILED plantains.» (Nweh, Nkemnji (1995:138))
En (20a, b et c), ce sont les verbes à la forme
infinitive qui sont focalisés. La focalisation des verbes dans (20a, b
et c) s'est faite par clivage. Alors qu'en (20d), la focalisation s'est faite
par duplication ou verb doubling pour parler comme Nchare (2012), nous
voyons ici le verbe two' (venir) apparaître deux fois mais avec une
différence de ton à relever.
Les phrases (20f et g) nous permettent de noter qu'en
Gh?ma'la' et en Nweh, la focalisation se fait aussi par duplication verbale. En
Gh?ma'la' pendant son déplacement, la
trace de ntô (braiser) est remplacée par
sa copie tô (braiser) nous notons que la nasale [n] en
début de ce verbe a disparu. Ce même phénomène est
observé en Nweh avec la disparition de la nasale [n] en début du
verbe Mu. Dans le processus de focalisation par duplication verbale, la trace
du verbe déplacé est occupée par un verbe
résomptif. En (20d), la trace du verbe two (venir), est
occupé par le verbe résomptif twô (venir) la seule
différence étant seulement au niveau des tons.
Afin de schématiser les différents mouvements
qui s'opèrent dans une focalisation par duplication verbale, nous allons
nous inspirer de la représentation arborescente faite par Mkounga
(2015).
(21) ST
Spéc T'
T° SFoc
Spéc Foc'
Foc ° SV
[+Foc] Spéc V' Mkounga (2015 :95) tô bvu e
Tâlâ la
Tâlâ la^ [nto bvu e] to
nto bvu é
111
En observant l'arbre (21), nous notons que le verbe
ntô (braiser) s'est déplacé de la tête du
syntagme verbal pour la tête du syntagme du focus, pendant ce mouvement,
il est devenu tô (braiser). Pendant son déplacement, la trace de
ntô (braiser) est remplacée par sa copie. Et par la
suite, il y a eu déplacement de tout le syntagme verbal pour le
spécifieur du syntagme du focus.
Représentons maintenant la phrase (20e) sur un
arbre.
112
(22) ST
Spéc T'
T° SFoc
Spéc Foc'
Foc° SV
[+Foc] Spéc V'
V° SN
Spéc N'
N° SP
donner cahier à moi
fà lèrwà nè mà.
iì pê fâ
3sg P2 donner
L'arbre (22) nous permet de voir les différents
mouvements qui se sont opérés en (20e). Comme nous pouvons le
constater, le verbe fà (donner) s'est déplacé de
la tête du syntagme verbal pour la tête du syntagme du focus.
Pendant son déplacement, sa trace est remplacée par sa copie. Et
pour finir, tout le syntagme verbal s'est déplacé pour le
spécifieur du syntagme du focus.
5.2.6 Focalisation des arguments dans les
interrogations averbales
En Shupamem, il est possible de focaliser les arguments dans
les interrogations averbales.
Observons les phrases suivantes :
(23) a. wô jâ nà ? qui où M Int
« Qui est où ? »
b. â wô jâ nà?
c'est qui où M Int « C'est qui qui est où ?
»
(24) a. kkâ jâ nà?
quoi où M Int
« Qu'est-ce qui est où ?
b. â kkâ jà nà ?
c'est quoi où M Int
« C'est quoi qui est où ? »
113
Les phrases (23a) et (24a) nous permettent de noter que dans
les interrogations averbales en Shupamem, le syntagme Qu est en initial de
phrase bien qu'il ne soit pas focalisé. (23b) et (24b) nous permettent
d'observer que dans les interrogations averbales, il est possible de focaliser
les syntagmes Qu. En (23b), nous avons focalisé wo (qui) alors
qu'en (24b), c'est k÷á (quoi) qui a été
focalisé. Représentons la phrase (23b) sur un arbre
syntaxique.
(25) SInt
Spéc Int
Int° SClivée
Ì
n?
|
Spéc
|
Clivée' Cleft°
|
Spéc
SFoc
Foc'
Foc°
|
Spéc
ST
T'
T° SV
Spéc V'
V° SAdv
Spéc Adv'
|
Adv°
|
aì wo
c'est qui
|
wo
|
qui
jaì
|
où
|
L'arbre ci-dessus illustre très bien la focalisation de
l'argument wo. En outre, il nous indique aussi que le verbe n'existe
pas dans les interrogations averbales en Shupamem. Par ailleurs, cet arbre nous
permet de voir que wo (qui) est le sujet de la phrase. C'est pour
cette raison qu'il se trouve à [Spéc, ST].
5.2.7 Focalisation des adjoints
référentiels
Dans cette partie, nous allons focaliser les adjoints
référentiels en Shupamem. Mais avant de présenter nos
données, il convient de mentionner que nous allons parler ici de deux
adjoints référentiels : jaì (où) et
f?ì?n?Ì (quand).
Soient les phrases suivantes :
(26) a. û ø - ndieì jaÌ n?Ì?
2sg PRS-dormir où M Int
114
« Où dors-tu ? »
*b. a' f?ì?n?Ì ?a' u' 0 - ndie` n?Ì?
c'est quand où 2sg PRS-dormir M Int « C'est quand que
tu dors ? »
(27) * a` ja' ?a' léra`? ja'p pe'?i` n?Ì? Es
where that teacher put pencil M Int
«Where is that the teacher put the pencil? » Nchare
(2012 :481, ex. 19a)
(28) *a` n? f?'?n?Ì juo' léra`? ju'n pé?i`
n?Ì? Es at when that teacher buy pencil QM
«When is it that the teacher bougth the pencil? »
Nchare (2012 :481, ex. 20b)
Les phrases (26b, 27 et 28) sont agrammaticales parce que les
adjoints référentiels : ja' (où) et
f?ì?n?Ì (quand) sont focalisés. En fait, nous
constatons avec Nchare (2012) qu'en termes de questionnement, il est impossible
de focaliser les adjoints référentiels en Shupamem.
5.2.8 Focalisation des adjoints non
référentiels
Nous allons étudier le comportement des adjoints non
référentiels m?ì?ga`k÷?Ì (pourquoi)
et n?ì (comment) lorsqu'ils sont focalisés. Pour cela,
observons les phrases suivantes :
(29) * a` m?ì?ga`k÷?Ì juo' léra`? ju`n
pé?i` n?Ì? Es why that teacher buy pencil QM
«Why is it that the teacher bougth the pencil? »
Nchare (2012 :481), ex. 20b)
(30) * a` n?ì juo' léra`? ju`n pe`?i`
n?ì? Es how that teacher buy pencil comp
«How is it that the teacher bougth the pencil? »
Nchare (2012 :482), ex. 21b)
(31) * a' m?ì?ga`k÷?Ì juo' na? 0 -two`
n?Ì? c'est pourquoi que mère PRS-venir M Int « C'est
pourquoi que vient la mère ? »
(32) * a' n?ì juo' na? 0 -two` n?Ì ? c'est
comment que mère PRS-venir M Int « C'est comment que vient la
mère ? »
Comme nous pouvons le constater, les adjoints non
référentiels
m?ì?ga`k÷?ì (pourquoi) et
n?ì (comment) ne peuvent pas être focalisés en
Shupamem. C'est d'ailleurs pour cette raison que les phrases (29, 30, 31 et 32)
sont agrammaticales.
5.2.9 La focalisation postverbale en Shupamem
Comme le montrent les travaux de Nchare (2012), pendant la
focalisation postverbale, le constituant focalisé ne se déplace
pas pour la périphérie gauche il reste in-situ. En fait, il
s'agit ici de la focalisation in-situ ; c'est ce que Aboh (2007) appelle
in-situ focus.
115
Nchare découvre que la focalisation postverbale est
marquée en Shupamem par po`. Par ailleurs, il constate que lors
de la focalisation postverbale, po` sert de marqueur de focalisation
devant les constituants suivants : les compléments d'objets directs et
indirects, les adjoints référentiels et non
référentiels.
(33) le'ra`? ju`n po` k??Ì/wo`
n?Ì ? Teacher buy Foc what/who QM
« What/who did the teacher buy? » Nchare (2012 : 499,
ex.37a)
(34) m?ìn jap po` n?Ìk?Ì
n?Ì ? Enfant déposer Foc rapidement M Int «
L'Enfant a t-il déposé rapidement ? »
Nchare représente la phrase (33) comme suit :
(35) TP
Spéc T'
T po-P
T V+v1 FocP
DP1 Foc'
Foc T'
vP
< DP1> v'
<V+v > VP
V DP2
le'ra`? ju`n po` k??Ì/wo`
Dans cet arbre ci-dessus que nous propose Nchare, nous notons
que le marqueur de la focalisation po` vient avant les constituants
focalisés k??Ì/wo` (quoi/qui). Selon Nchare, le Shupamem
projette un syntagme différent ; le syntagme po` (Spo`) qui
domine directement FocP.
Maintenant, représentons la phrase (34).
116
(36) TP
Spéc T'
T pò-P
T V+v FocP
DP1 Foc'
Foc° T'
vP
< DP1> v'
<V+v > VP
V DP2
m?ìn jap po` n?Ìk?Ì .
A travers l'arbre (36), nous notons que le Shupamem a un
marqueur de la focalisation. En outre, ce marqueur est projeté et occupe
la tête du syntagme po` (Spo`).
Au terme de cette analyse sur la focalisation, nous constatons
qu'en Shupamem, un seul constituant occupe Foc° : il s'agit du verbe dans
la focalisation par duplication verbale.
Le tableau suivant nous permet de recenser toutes les
stratégies de focalisation en Shupamem.
Tableau 1 : Les stratégies de focalisation en
Shupamem
Constituants focalisés
|
Stratégies de focalisation
|
Marqueurs du Focus
|
Sujet
|
a`+ sujet+ju'o n?ì
|
Pas de marqueur du focus
|
COD/COI
|
a`+ COD/COI + ju'o n?ì
|
Pas de marqueur du focus
|
Complément
circonstanciel de temps
|
a`+ Complément circonstanciel de
temps + ju'o n?ì
|
Pas de marqueur du focus
|
Complément
circonstanciel de lieu
|
a`+ Complément circonstanciel de lieu
+ ?a n?ì
|
Pas de marqueur du focus
|
Verbe à l'infinitif
|
a`+ Verbe à l'infinitif +ju'o n?ì
|
Pas de marqueur du focus
|
Verbe conjugué
|
duplication verbale (verbe + verbe
/verbe .+ verbe
|
Verbe
|
Focalisation postverbale
|
|
COD/COI
|
La phrase garde la structure SVO
|
po`
|
Adjoints référentiels et non
référentiels
|
La phrase garde la structure SVO
|
po`
|
117
Le tableau ci-dessous présente les constituants et
leurs stratégies de focalisation. Par ailleurs, ce tableau recense aussi
les différents marqueurs du focus en Shupamem. Comme nous pouvons le
voir, en Shupamem, il existe de marqueur du focus. Mais il convient de noter
que la focalisation est marquée lors de la focalisation postverbale
seulement.
5.3 La topicalisation
En linguistique, on appelle topicalisation (dans la tradition
terminologique anglophone) ou thématisation (dans la tradition
terminologique francophone) un procédé langagier consistant
à mettre en position de thème (topic en anglais) un
élément ou un groupe d'éléments qui compose la
phrase. Généralement, le thème s'oppose au rhème.
Le rhème représente un propos « nouveau » alors que le
thème représente l'élément d'un
énoncé qui est censé être connu par les participants
à la communication.
La topicalisation est le mécanisme qui consiste
à poser, à l'initiale, un terme topique38 ; il s'agit
en fait de mettre en valeur un constituant de l'énoncé par
contraste avec d'autres constituants qui sont exclus.
Il convient de noter que les procédés de
topicalisation varient d'une langue à une autre. De manière
générale, la technique ou le procédé de
topicalisation le plus courant est la dislocation39 du constituant
topicalisé en initial de phrase.
En outre, nous pouvons topicaliser plusieurs constituants en
Shupamem, mais seulement, il faut que tous ces constituants appartiennent
à un même paradigme ou une même partie du discours.
5.3.1 Topicalisation du sujet
Ici, il s'agit de la topicalisation du sujet dans une phrase.
En Shupamem, nous pouvons avoir la topicalisation du sujet. Considérons
les phrases suivantes :
(37) a. m?ìn, I ø-?gwoÌn.
enfant 3sg PRS-partir « L'enfant, il part. »
b. wa? poÌ na?, p?ì
ø-twoÌ. père et mère 3pl PRS-venir « Le
père et la mère, ils viennent. »
c. wa?, na?, poÌ m?Ìn, p?ì
ø-twoÌ.
père mère et enfant 3pl PRS-venir
« Le père, la mère et l'enfant, ils viennent.
»
38Un topique est un élément de
l'énoncé à partir duquel l'énonciateur
développe un commentaire. 39 La dislocation consiste à
déplacer l'élément à topicaliser en tête de
phrase.
118
Comme nous le montrent les phrases (37a, b et c), la
topicalisation du constituant sujet est caractérisée par :
1. Le déplacement du constituant sujet à gauche
;
2. Une pause.
5.3.2 Topicalisation du complément d'objet
Le complément d'objet peut être topicalisé
en Shupamem. C'est ce qu'indiquent les phrases suivantes :
(38) a. rigbôm, pâ nà ø-fè.
maïs 3spl Accs PRS-cultiver « Le
maïs, ils le cultivent. »
b. mâtwà, m5 ø-jus n.
voiture 1sg PRS-acheter
« La voiture, je l'ai achetée. »
Les phrases (38a et b), nous permettent de découvrir
que la topicalisation du complément d'objet est possible en Shupamem. La
topicalisation se caractérise en Shupamem par :
1. Le déplacement du complément d'objet ;
2. Une pause ; (39)
STop
Top'
Top° ST
Spéc T'
T° SV
Spéc V'
V° SN
N' N°
mâtwà m5 ø jus n « matwa »
voiture 1sg PRS acheter voiture
119
L'arbre (39) nous permet de schématiser la topicalisation
et en particulier la phrase
(38b).
5.3.3 Topicalisation du complément circonstanciel
Soient les phrases suivantes :
(40) a. ?aiì, Ali maÌ ø- n?î.
Ici Ali Neg PRS-connaître « Ici, Ali ne connait
pas. »
b. n?imbam, iì ø-?gwoÌn. Njimbam, 3sg
PRS-aller « Njimbam, il y va. »
Nous pouvons noter que le complément circonstanciel
peut être topicalisé en Shupamem. La topicalisation du
complément circonstanciel se caractérise par :
1. Le déplacement du complément d'objet ;
2. Une pause.
5.4 La relativation
Dans cette section, il sera question pour nous de parler de la
relativation en Shupamem, pour cela, il importe tout d'abord de définir
ce qu'on entend par relativation. Selon Ondoua (2004 :66), la relativation est
la formation des propositions relatives. Il s'agit d'une opération de
fusion de deux phrases pour en former une seule ; un enchâssement dans
une phrase de base d'une phrase dite relative grâce à
l'utilisation d'un pronom relatif.
Dubois et al (2001) quant à eux pensent qu'en grammaire
générative, la relativation est la formation d'une relative par
une transformation qui enchâsse une phrase (phrase constituante) dans le
syntagme nominal d'une autre phrase (phrase matrice) au moyen d'un relatif.
Ondoua (2004 :66), parlant de la relativation en Shupamem
s'appuie sur la notion de la hiérarchie d'accessibilité à
la position de sujet. Nous entendons par hiérarchie
d'accessibilité à la position de sujet l'idée selon
laquelle si on peut former les propositions relatives à un niveau
précis sur la hiérarchie, il est possible de former des
propositions à toutes les positions supérieures (à la
gauche sur la hiérarchie).
Ceci dit, nous allons parler de la relativation du sujet, du
complément d'objet direct, du complément d'objet indirect et du
complément circonstanciel.
5.4.1 Relativation du sujet
Observons les phrases suivantes :
(41) m?Ìn juoì ù ø-
mbiÌ??Ì n?ì pî -twoÌ ?aìiÌ.
enfant qui 2sg PRS-voir Comp P3 -venir ici « L'enfant
que tu demandes était venu ici. »
(42)
120
na? juoì iì ø- ?gwoÌn maÌ
ndaÌp n?ì paÌ Alima. Enfant qui 3sg PRS- aller à
maison comp être Alima « La mère qui part à la maison
est Alima. »
(43) ndaÌp juoì I fù tùm n?ì
paÌ jiì Ali. Maison qui 3sg habiter dans comp être pour
Ali « La maison dans laquelle il habite appartient à Ali. »
Les phrases (41), (42) et (43) contiennent toutes des
constituants relativés. Dans chacune de ces phrases, le sujet du verbe a
été relativé. Ce qui nous permet de relativiser les
constituants en Shupamem est le pronom relatif juô (qui) qui
vient juste après le constituant relativé et n?ì
qui se trouve en fin de phrase. En effet, comme le dit Biloa (2014) en
étudiant le Muyang, n?ì est un complémenteur
final (final complementiser), son rôle est de marquer la fin des
propositions ou des constituants relativés. En (41), (42) et (43),
n?ì indique la fin des propositions relatives. Ce qui nous
amené à déduire qu'en Shupamem, n?ì marque
la fin des propositions relatives et la fin des phrases qui comporte un
constituant focalisé (voir la section consacrée à la
focalisation).
La relativation du sujet est marquée par « le
constituant relativé + juoì ..... n?ì ».
L'arbre suivant est la représentation arborescente de
(42).
SAccor
(44) SForce
Spéc Force'
Force° SRel
Spéc Rel'
Rel° SAccor
Spéc Accor'
Accor° ST
ì
n?
na? juoì I ?gwoÌn maÌ ndaÌp
mère qui 3sg aller à maison
paÌ Alima être Alima
121
Spéc T' Accor'
T° SV Accor° ST
Spéc
|
V'
V° SP
|
Spéc
|
T'
T° SV
|
|
Spéc
|
P'
|
|
V' SN
|
|
P°
|
|
SN
|
|
V° N'
|
|
|
Spéc
|
N'
|
|
N°
|
|
|
|
N°
|
|
|
122
L'arbre (44) ci-dessus nous permet d'observer le mouvement qui
s'est opéré en (42). En fait, en (44), le sujet nâ
(la mère) s'est déplacé de sa position de base pour
la périphérie gauche en laissant une trace. Sa trace est
occupée par le pronom résomptif iì (elle). Car
comme nous l'avons dit plus haut, le Shupamem ne permet pas que la position
sujet soit vide. Par ailleurs, nous notons aussi que le site d'atterrissage du
constituant relativé est le spécifieur du syntagme de la
relativation [Spéc, SRel]. Et juô (qui) occupe la
tête du syntagme de la relativation.
Relativation du complément d'objet
direct
Nous allons parler de la relativation du complément
d'objet direct. Pour cela,
examinons les phrases suivantes :
(45) ù nà zû màtwà. 2sg
Accs laver voiture « Tu laves la voiture de Ali. »
(46) mâtwà pà jiì Ali. voiture
être pour Ali
« La voiture est pour Ali. »
En combinant (45) et (46), nous avons la phrase suivante :
(47) mâtwà juô ù zù n6
pà jiÌ Ali. voiture que 2sg laver Comp être pour Ali
« La voiture que tu laves est pour Ali. »
En (45), màtwà (voiture) est le
complément d'objet direct de zû (lave), en (47),
mâtwà (voiture) a été relativé et
ceci par le biais du pronom relatif juô (que). L'arbre suivant
représente la phrase (47).
SAccor
pa` ji` Ali
être pour Ali
'
n?
Spéc N'
N°
ma'twa` juo' ù zù ma'twa`
voiture que 2sg laver
Spéc P' P° SN
Spéc SN
N' N°
123
(48) SForce
Spéc Force'
Force° SRel
Spéc Rel'
Rel° SAccor
Spéc Accor' Accor'
Accor° ST Accor° ST
Spéc T' Spéc T'
T° SV T° SV
Spéc V' Spéc V'
V° SN V° SP
124
Comme nous pouvons le constater, le complément d'objet
direct ma'twa` (voiture) a été relativé ; c'est pour cela
qu'il se retrouve en initial de phrase. En conclusion, nous constatons qu'en
Shupamem, le COD peut être relativé.
5.4.1.1 Le complémenteur n?ì
Le complémenteur n?ì est utilisé
dans le processus de la relativation et de la focalisation en Shupamem. Il
marque la relativation et la focalisation. Observons les phrases suivantes:
(49) nda'p juo' u twó -ju`n n?ì
pa' ji` Njoya. Maison que 2sg F1 acheter comp être pour
Njoya « La maison que tu achètera est pour Njoya. »
(50) ma'twa' juo' Njikam ø -ta'? n?ì
pa' ji` Nji. Voiture que Njikam PRS-chercher comp être
pour Nji « La voiture que tu cherche est pour Nji. »
(51) a' m?Ìn juo' i ø - swo` l?ìrwa`
t?Ì pa`m n?ì. C'est enfant qui 3sg
PRS-mettre cahier dans sac comp « C'est l'enfant qui met le cahier dans le
sac. »
(52) a' polo juo' i' ø -faa'? pa'ju`
n?ì. C'est Paul qui 3sg PRS-donner
nourriture comp « C'est Paul qui donne la nourriture. »
En (49), nous avons relativé nda'p (maison)
alors qu'en (50), ma'twa' (voiture) a été
relativé. Le constat que nous faisons en observant ces deux phrases
c'est qu'elles contiennent toutes le complémenteur n?ì.
En fait, ici, n?ì marque la fin des propositions
relatives. En (51), m?Ìn (enfant), a été
focalisé. Et En (52), polo (Paul), a été
focalisé. (51) et (52) se terminent par le complémenteur
n?ì. Donc dans ce cas précis, n?ì marque
la fin d'une phrase avec un constituant focalisé. Ce qui nous permet de
conclure en disant qu'en Shupamem, le complémenteur n?ì
a un double rôle : celui de marquer la fin des propositions
relatives et celui de marquer la fin d'une phrase avec un constituant
focalisé. Comme nous l'avons dit un peu plus haut en nous
référant sur l'étude menée par Biloa op.cit., en
étudiant le Muyang, n?ì est un complémenteur
final (final complementiser), son rôle est de marquer la fin des
propositions ou des constituants relativés.
5.4.2 Relativation du complément d'objet
indirect
Observons les phrases suivantes :
(53) petro juo' f?Ìn ø -taa` m?Ìn ni'
n?ì ø -li?Ì. Pierre qui roi P1 -laisser enfant à
Comp PRS -dormir « Pierre à qui le roi a laissé l'enfant
dort. »
(54) 125
m?Ìn juo' u' na` 0 - fa' b?Ìm ni` n?ì
pê-?gw`on n?ì.
enfant qui 2sg Accs P1 -donner argent à Comp
P2-venir Comp « L'enfant à qui tu as donné l'argent est
parti. »
En (53) et (54), nous avons relativé le
complément d'objet indirect. En (53), le COI qui est relativé est
petro alors qu'en (54) c'est m?Ìn (enfant) qui est
relativé. Notons que chacun des constituants relativés est
précédé du pronom relatif juo'.
5.4.3 Relativation du complément
circonstanciel
Nous allons parler de la relativation des compléments
circonstanciels en Shupamem. Pour cela, observons les phrases suivantes :
(55) nda'p ?a` Ali 0- ?gwo`n n?ì 0 -pa' ma`
?y`. maison où Ali PRS- partir Comp PRS-être à Foumban
« La maison où Ali part est à Foumban. »
(56) li'? ?a` i' 0-ja'p b?Ìm n?ì 0 -pa' ma`
?y'. endroit où 3sg PRS-déposer argent Comp PRS-être
à Foumban « L'endroit où il a déposé l'ragent
est à Foumban »
(57) ta'sa` ?a` u' ka`pî -su`o pa`ju` n?ì
0-fe`n?Ì ji`. assiette où 2sg P4 -mettre nourriture Comp PRS-
ressemble celle-ci « L'assiette où tu mettais la nourriture
ressemble à celle-ci. »
Dans les trois phrases ci-dessus (55), (56) et (57), le
complément circonstanciel est relativé. La focalisation du
complément circonstanciel de lieu est marquée par « le
constituant relativé + ?a` ..... n?ì ». Les phrases (55),
(56) et (57) nous permettent d'arriver à la conclusion selon laquelle le
complément circonstanciel peut être relativé en
Shupamem.
5.5 La cartographie de la périphérie
gauche en Shupamem
Après avoir parlé de la focalisation, de la
topicalisation et de la relativation, il est maintenant question pour nous de
donner la cartographie de la périphérie gauche en Shupamem. Pour
cela, observons les phrases suivantes :
(58) a. m?Ìn juo' i' na` twó
-ju`n ma'twa` n?Ì Ali Magba n?ì 0 -two`.
enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Ali
Magba Comp P1-venir
« L'enfant qui achètera la voiture à Ali
à Magba est venu. » (Relativation)
b. a' m?Ìn juo' i' na` twó -ju`n
ma'twa` n?Ì Ali Magba n?ì.
C'est enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à
Ali Magba Comp
« C'est l'enfant qui achètera la voiture à
Ali à Magba. » (Focalisation)
c. n?Ì Ali, m?Ìn juo' i' na`
twó -ju`n ma'twa` ni` Magba n?ì 0 -two`
à Ali enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture
à Magba comp P1-venir
« À Ali, l'enfant qui lui achètera la voiture
à Magba est venu. » (Topicalisation)
d. m?Ìn juo', n?Ì
Ali, a' Magba ?a`, ma'twa`, i' na`
twó -ju`n ni` n?ì 0 -two`. enfant qui à Ali, c'est
Magba où, voiture, 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir
126
« L'enfant qui, à Ali, c'est à Magba
où, la voiture, il l'achètera, est venu. » SForce > SRel
> (STop1) >SFoc > (STop2)
*e. â Magba rjà,
mâtwà, nà Ali, m3n
juô, iì nà twó -jùn niÌ
nâ 0 -twô. C'est Magba où voiture à Ali enfant qui
3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « C'est à Magba
où, la voiture, à Ali il l'achètera, est venu. »
* SForce > SFoc > (STop1) > (STop2)>SRel
f. nà Ali, m3n juô
â Magba rjà, mâtwà,
iì nà twó -jùn niÌ nâ 0 -twô.
à Ali, enfant qui c'est Magba où voiture 3sg
Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « À Ali, l'enfant qui
c'est à Magba où, la voiture, il l'achètera, est venu.
»
SForce > (STop1) >SRel > SFoc> (STop2)
*g. nà Ali,
mâtwà, m3n juô â
Magba rjà, iì nà twó -jùn
niÌ nâ 0 -twô.
à Ali, voiture enfant qui c'est Magba où 3sg
Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « À Ali, la voiture,
l'enfant qui c'est à Magba où, il achètera, est venu.
»
*SForce > (STop1) > (STop2)>SRel > SFoc
*h. â Magba rjà, m3n
juô, mâtwà, nà Ali
iì nà twó -jùn niÌ nâ 0
-twô. C'est Magba où enfant qui voiture à Ali 3sg
Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « C'est à Magba
où, l'enfant, la voiture, à Ali il achètera, est venu.
»
* SForce > SFoc > SRel> (STop1) > (STop2)
Les phrases (58b, c, d, e et f) nous permettent d'identifier
l'ordre des constituants de la périphérie gauche en Shupamem. En
(58d), nous avons focalisé m3n (enfant). Alors qu'en (58c),
nà Ali (à Ali) a été topicalisé. La
phrase (58d) contient un syntagme relativé m3n (enfant), un
syntagme topicalisé nà Ali (à Ali), un syntagme
focalisé (Magba) et un autre syntagme focalisé
mâtwà (voiture). Ce qui nous permet d'avoir la structure
suivante :
SForce > SRel > (STop1) > SFoc >
(STop2)
(58f) contient deux constituants topicalisés
nà Ali (à Ali) et mâtwà (voiture),
un constituant relativé m3n (enfant) et un constituant
focalisé (Magba). Ce qui nous donne la structure suivante :
SForce > (STop1) > SRel > SFoc >
(STop2)
(58e) est agrammaticale parce que le syntagme de la
relativation est précédé par le syntagme du focus. De
même, (58g) est agrammaticale parce que les deux syntagmes du topique
ainsi que le syntagme du focus précèdent tous le syntagme de la
relativation. (58h) est agrammaticale parce que le syntagme du focus (SFoc)
précède le syntagme de la relativation (SRel) ; en Shupamem, SFoc
ne précède jamais SRel.
Après avoir analysé toutes ces phrases, nous
constatons que la catégorie SC est constituée des projections
suivantes : SForce, SFoc, STop et de SRel dans l'ordre suivant :
- SForce > SRel > (STop1) > SFoc >
(STop2)
- SForce > (STop1) > SRel > SFoc >
(STop2)
127
Il convient de noter que le syntagme du topique (STop) est la
seule catégorie qui peut apparaître deux fois, les autres
catégories ne pouvant apparaître qu'une fois.
L'arbre suivant représente la phrase (58d).
(59)
SAccor
ì
na
man juô nà Ali â Magba rjà
mâtwà 1 nà twó-jùn mâtwà
nè Ali Magba n1
Enfant qui à Ali c'est Magba où voiture 3sg
Accs F1 acheter
fant qu A t M où vture 3sg eter voiture à Ali maga
lui venir
lui
two!)
venir
SForce
Spéc Force'
Force° SRel
Spéc Rel'
Rel° STop
SP Top'
Spéc P' Top° SClivée Accor'
P° SN Spéc Clivée' Accor° ST
N'
|
Clivée° SFoc
|
|
|
Spéc
|
|
T'
|
N°
|
Spéc Foc'
|
|
|
|
T°
|
SV
|
|
|
|
Foc° SAdv
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Spéc Adv'
|
|
|
|
|
|
V'
|
|
|
|
Adv°
|
STop
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Spéc
|
Top'
|
|
|
|
|
V°
|
|
|
|
|
|
|
Top°
|
SAccor
|
|
|
|
|
129
En (58d) m?Ìn (enfant) a été
relativé, c'est pour cette raison qu'il se déplace de
[Spéc, SAccor] pour [Spéc, SRel] et sa trace est remplacée
par i (3sg). n?Ì Ali (à Ali) a
été
topicalisé, et pour cela, il s'est
déplacé pour [Spéc, Stop]. Magba a
été focalisé, c'est pourquoi il s'est
déplacé pour [Spéc, SFoc]. MaìtwaÌ
(voiture) a été topicalisé et pour cette raison, il
occupe [Spéc, STop]. C'est après ces différents mouvements
que nous avons la phrase (58d).
Conclusion
Ce chapitre était consacré à la
périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, nous avons parlé
de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Concernant la
focalisation, nous avons découvert qu'en Shupamem, la focalisation se
fait par clivage et par duplication verbale. Nos données nous ont permis
de découvrir que le sujet, le complément d'objet direct, le
complément d'objet indirect, le verbe à l'infinitif et le
complément circonstanciel peuvent être focalisés par
clivage et ceci grâce à l'élément explétif
« aì » (c'est) en début de phrase. Alors que
la focalisation des verbes conjugués se fait par duplication verbale. En
outre, les arguments wo (qui) et k÷?Ì (quoi)
peuvent être focalisés alors que les adjoints
réferéntiels jaì (où) et
f?ì?n?Ì (quand) ainsi que les adjoints non
référentiels m?ì?gaÌk÷?Ì
(pourquoi) et n?ì (comment) ne peuvent pas être
focalisés. Par ailleurs, la focalisation se fait de deux manieres
differentes selon que nous ayons à focaliser le sujet, le
complément l'objet direct, le complément d'objet indirect ou que
nous ayons à focaliser le complément circonstanciel. La
focalisation du sujet, du complément d'objet direct et du
complément d'objet indirect se fait de la manière suivante :
« aì + le constituant focalisé + juoì .... n?ì
», alors que la focalisation du complément circonstanciel de lieu
se fait de la façon suivante : « aì + le constituant
focalisé +
?aÌ juoì n?ì ».
Nous avons aussi parlé de la topicalisation et nous
nous sommes rendu compte que nous pouvons topicaliser le sujet, le
complément d'objet et le complément circonstanciel. En effet, la
topicalisation se fait par le déplacement du complément d'objet,
une pause et parfois par la reprise anaphorique du constituant disloqué.
En outre, nous avons parlé de la relativation de manière
générale. Pour cela, nous avons parlé de la relativation
du sujet, du complément d'objet direct, du complément d'objet
indirect et du complément circonstanciel. Nous avons noté que
dans le processus de la relativation, les constituants relativés (le
complément d'objet direct, le complément d'objet indirect et le
complément circonstanciel du temps) sont suivi de juoì
qui occupe la tête du syntagme de la relativation. Nous avons
découvert que la relativation du sujet, du complément d'objet
direct, du complément indirect et du complément circonstanciel du
temps est faite comme suit : « le constituant relativé +
juoì .... n?ì », alors que
130
la relativation du complément circonstanciel de lieu se
fait ainsi qu'il suit : « le constituant relativé +
ijà ..... n?ì ».
Pendant la relativation, le constituant relativé occupe
le spécifieur du syntagme de la relativation et juó
(qui/que) occupe la tête du syntagme de la relativation
(SRel). Nous avons découvert que le complémenteur
n?ì qui marque la fin des propositions
relativées, occupe la projection Force qui est la plus haute projection
et, c'est suite au déplacement de tout le syntagme de l'accord (SAccor)
pour le spécifieur du syntagme de la force que nous avons la structure
des phrases comportant des constituants relativés.
Pour finir, nous avons trouvé qu'en Shupamem, la
projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, STop et de
SRel suivant cet ordre :
SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)
-
- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)
131
CONCLUSION GÉNÉRALE
Ce travail qui arrive à sa fin avait pour objectif
général de parler de la formation des questions en Shupamem. Pour
cela, nous nous sommes donné pour tâche d'identifier les marqueurs
de l'interrogation, d'identifier les types d'interrogations, d'identifier les
différentes places qu'occupent les marqueurs de l'interrogation dans une
phrase interrogative et de parler de l'ordre des constituants dans une phrase
interrogative.
Mais avant de continuer il convient de noter que toutes nos
hypothèses ont été confirmées. Notre
hypothèse générale a été confirmée :
en Shupamem, l'interrogation se forme de deux façons : soit par
l'utilisation du marqueur de l'interrogation è,
mè, nè ou l'interrogateur oratoire i`
ou ni` en fin de phrase ou soit par l'utilisation du syntagme Qu
et du marqueur de l'interrogation è, m?Ì,
nè ou l'interrogateur oratoire i` ou ni` en
fin de phrase.
Notre hypothèse secondaire n°1 a été
confirmée : l'interrogation est marquée en Shupamem par le
marqueur de l'interrogation è, m?Ì,
nè ou l'interrogateur oratoire i` ou ni.
Notre hypothèse secondaire n°2 a été
confirmée : le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu'il est
focalisé alors qu'il est in-situ lorsqu'il n'est pas focalisé.
En fin l'hypothèse secondaire n°3 a
été aussi confirmée : le syntagme Qu est en initial de
phrase dans les interrogations averbales.
Le chapitre 1 intitulé « Le peuple bamoun et
le Shupamem » était un chapitre introductif. Il nous a permis
de parler succinctement du peuple bamoun. Ce chapitre nous a aussi permis de
parler du système consonantique et vocalique ainsi que de classes
nominales, du verbe et de la négation dans cette langue.
Le chapitre 2 intitulé « Cadre
théorique » avait pour but de parler de la théorie
utilisée dans notre recherche.
Dans le chapitre 3 intitulé « Les marqueurs de
l'interrogation en Shupamem », nous avons parlé des
différents mots interrogatifs en Shupamem. Nous avons découvert
que l'interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur de
l'interrogation è, m?Ì, nè, i`,
ni`, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les
adverbes interrogatifs.
Le chapitre quatre intitulé « Typologie des
questions en Shupamem » nous a permis de parler de types de
questions, de la distribution des constituants de la phrase interrogative et
d'identifier les différents mouvements des constituants des phrases
interrogatives.
Nous avons découvert qu'il existe en Shupamem cinq (05)
types d'interrogations : L'interrogation totale (l'interrogation totale directe
et l'interrogation totale indirecte), l'interrogation partielle
(l'interrogation partielle directe et l'interrogation partielle indirecte),
l'interrogation alternative, l'interrogation rhétorique et
l'interrogation averbale. Nous avons vu
132
que l'interrogation totale porte sur toute la phrase
interrogative et a pour réponse oui ou non. L'interrogation totale
directe en Shupamem est marquée par è, mè ou
nè en fin de phrase. Alors que l'interrogation totale indirecte
est marquée par le verbe interrogatif (VI), le complémenteur
mi`, la subordonnée interrogative et le marqueur de
l'interrogation. Parlant de l'interrogation partielle, nous avons vu que c'est
une interrogation qui porte sur un constituant de la phrase ; elle est
marquée en Shupamem par l'utilisation obligatoire du syntagme Qu et du
marqueur de l'interrogation è, mè ou nè.
Alors que l'interrogation partielle indirecte est marquée en Shupamem
par le verbe interrogatif (VI), le complémenteur mi` et la
subordonnée interrogative (SI) qui contient un Syntagme Qu (SI).
Concernant l'interrogation alternative nous avons vu que c'est
une interrogation qui offre le choix entre deux réponses possibles ; la
réponse pouvant être le syntagme nominal simple ou la phrase toute
entière liée par la conjonction de coordination «
kè ». L'interrogation alternative est marquée par la
conjonction de coordination kè (ou) qui sépare les deux
entités sur lesquelles il faut choisir et le marqueur de l'interrogation
en fin de phrase.
Nous avons dit concernant l'interrogation rhétorique
que c'est une interrogation ou on n'attend pas de réponse car cette
dernière est connue par celui qui la pose. Cette interrogation est
caractérisée par le mot interrogatif (syntagme Qu) et le marqueur
oratoire i` ou ni` (Int or).
Après, nous avons parlé de l'interrogation
averbale et nous avons dit que c'est une interrogation qui ne contient pas de
verbe, mais qui contient un sujet et un marqueur interrogatif. Il est à
noter que l'interrogation averbale sélectionne les mots interrogatifs
suivants : les pronoms interrogatifs wô (qui) et
k%è (quoi), l'adverbe interrogatif de lieu
jâ (où), l'adverbe interrogatif de quantité
pfs%è (combien) et l'adverbe interrogatif de prix
bits%è (combien). L'interrogation averbale est marquée
par le mot interrogatif (syntagme Qu) en fonction sujet ou en fonction
complément, l'absence du verbe et la présence du mot interrogatif
(syntagme Qu) ainsi que le marqueur de l'interrogation.
Ce chapitre nous a permis de comprendre qu'en Shupamem, le
syntagme Qu peut être in-situ ou en initial de phrase. Le syntagme Qu est
in-situ lorsqu'il n'est pas focalisé. Alors que le syntagme Qu est en
initial de phrase lorsqu'il est focalisé ou dans les interrogations
averbales.
Le chapitre cinq intitulé « La
périphérie gauche en Shupamem » constitue le dernier
chapitre de notre travail. Ce chapitre nous a permis de parler de la
focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Pendant la
focalisation et la relativation du sujet, la trace du sujet est
remplacée par le pronom résomptif, ceci se justifie par le fait
que le Shupamem
n'admet pas de position sujet vide. Finalement, nous avons
découvert que la projection SC est constituée des projections
SForce, SFoc, STop et de SRel dans l'ordre suivant :
-
SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)
133
- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)
134
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