WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'engagisme à  la réunion


par Willy Boris GENCE
Université Paris VIII - Licence Histoire mention Science Politique 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2. Engagisme et Indenture

L'engagisme est un contrat de travail particulier dans la mesure où il donne un statut légal à la personne employée. Elle n'est pas du tout considérée comme un objet mais comme une personne soumise à des obligations et détentrice de droits. En cela, elle se distingue en théorie clairement de l'esclavage. Cet engagement doit êtrelibre et le contrat qui l'encadre doit mentionner clairement les conditions de travail (salaire, contreparties, durée).Il est conclu en général pour une durée de trois à cinq années renouvelables. Ces contrats ouvrent un réservoir de main d'oeuvre très intéressant pour les colonies françaises17(*). En échange de son voyagedepuis l'Inde, d'un logement et de la couverture de ses frais médicaux, l'engagé doit rendre entre7 à 10 heures de travail par jour à son employeur durant la durée fixée par son contrat, à raison en général de 6 jours par semaine. Le remboursement de sa dette correspond aux premières années de travail (les deux premières années en général), puis un salaire mensuel doit lui être versé18(*). Le retour au pays d'origine devait être pris en charge par les autorités coloniales à l'issue du contrat. L'engagé peut être transféré pour combler une créance et ne peut pas travailler pour un autre employeur ou partir avant la date de fin de contrat, auquel cas il risque de lourdes sanctions pénales allant jusqu'à des peines l'emprisonnement. Par ailleurs, il ne peut pas se marier sans l'autorisation de son employeur et ne peut pas imposer un remboursement anticipé de sa dette.

Ce sont toutes ces conditions annexes qui, malgré le fait que la relation soit définie par un contrat, font souvent parler de « travail forcé » dans le cas de l'engagisme, d'autant plus que le « maître » garde le droit sur ses immigrés en fuite et peut les mettre face à de lourdes sanctions pénales en cas de désertion. Le terme de« travail forcé », utilisé par les historiens pour qualifier l'engagisme depuis la deuxième moitié du XXème siècle, n'est pas assimiléà l'esclavage puisqu'il n'est pas une condition transmise par la naissance et qu'il reste temporaire19(*). Il est décrit comme un service exigé de la part d'un individu sous la menace d'une peine et non de son plein grès, en contrepartied'un salaire.

De son côté, l'indenture est l'équivalent de l'engagisme dans les territoires britanniques. Si l'engagisme a été étudié tardivement, l'indenture l'a été, elle, très tôt par les historiens anglo-saxons.Elle fixe le statut des travailleurs libres via un contrat. Faire le parallèle entre les deux phénomènes permet de remettre l'engagisme français en perspective avec d'autres expériences coloniales, notamment celle britannique. C'est l'île Maurice qui sert de cas d'école aux autorités britanniques afin d'expérimenter les modalités de ce contrat dès les années 1830, de la même manière que la Réunion est le théâtre d'expérimentations de la part des autorités françaisesavant même la fin de l'esclavage.De 1838 à 1917, 425 000 engagés indiens sontenvoyésvers les colonies de la Caraïbe sous domination britannique. À partir de 1845, l'indenture est développée et importée à Trinidad et dans les colonies caribéennes. L'une des caractéristiques principales de l'indenture est le rôle crucial joué par l'état britannique dans son développement. C'est ce qu'explique Loza : la collaboration entre le gouvernement indien et le Colonial Office a étédéterminante dans l'organisation de la migration, du recrutement et ducontrôle de l'application des termes de leurs contrats20(*).

Les contrats d'indenture et d'engagisme ont été étudiés de manière comparative par Stanziani pour en étudier les différences. Il montre que les deux contrats sont construits selon des dynamiques similaires puisqu'un employeur avance dans les deux cas les frais de voyages à un immigré ; puis l'immigré s'engage à travailler pour luidurant une période allant de cinq à sept ans, dont deux ans environ afin de rembourser son billet.Ces contrats tirent leurs origines plus tôt, ils s'inspirent du statut de servant dans l'empire britannique et du louage de service dans l'Hexagone. Les premiers contrats d'engagement rédigés en France le sont par des notaires qui s'inspirent des contrats des journaliers agricoles et des marins21(*). Dans sa comparaison, Stanziani aborde les différences d'interprétation qui portent sur ces contrats, ce qui permet de comprendre l'évolution de leur traitement du point de vue historiographique.

* 17Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 18Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 2.

* 19Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 20Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 1.

* 21Stanziani, Alessandro. Travail, droits et immigration. Une comparaison entre l'île Maurice et l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 50.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry