ENGAGISME, GENRE ET SUBALTERN STUDIES
Retour sur les débats historiographiques contemporains
à travers l'étude de l'engagisme
WILLY BORIS GENCE
ENGAGSIME, GENRE ET SUBALTERN STUDIES
Retour sur les débats historiographiques contemporains
à travers l'étude de l'engagisme
WILLY BORIS GENCE
Mémoire de fin d'études
présenté à l'Université de Paris VIII, au sein de
la licenceHistoire, mention Science Politique
Sous la direction de Madame Emmanuelle Sibeud
2020 - 2021
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
2
INTRODUCTION
4
ÉPISTÉMOLOGIES DE L'ENGAGISME
À LA RÉUNION : LA NAISSANCE D'UN OBJET D'ÉTUDE
HISTORIOGRAPHIQUE
4
CHAPITRE 1
10
L'ENGAGISME ET LE COOLIE
TRADE DANS L'HISTOIRE RÉUNIONNAISE
10
1.1. FIN DE L'ESCLAVAGE ET ESSOR DE
L'ENGAGISME À LA RÉUNION
10
1.2. ENGAGISME ET INDENTURE
12
CHAPITRE 2
15
LES INTERPRÉTATIONS
HISTORIOGRAPHIQUES DU PHÉNOMÈNE DE L'ENGAGISME À LA
RÉUNION
15
2.1. UN ESCLAVAGISME DÉGUISÉ ?
QUESTIONS TERMINOLOGIQUES
15
2.2. UNE APPROCHE À RELATIVISER
18
CHAPITRE 3
23
LES ÉTUDES HISTORIQUES SUR
L'ENGAGISME ET LA QUESTION GENRÉE À LA RÉUNION
23
3.1. L'ENGAGISME AU PRISME DE LA QUESTION DU GENRE
À LA RÉUNION
23
3.2. LE DÉPASSEMENT DU DÉBAT PAR UNE
NOUVELLE LECTURE
25
CONCLUSION
28
BIBLIOGRAPHIE
30
ANNEXES.................................................................................................32
INTRODUCTION
Épistémologies
de l'engagisme à la réunion : la naissance d'un objet
d'étude historiographique
L'immigration indiennea considérablement modifié
la géographie humaine de l'île de la Réunion, tout comme ce
fut le cas dans d'autres îles comme la Guadeloupe ou l'île Maurice.
On peut considérer que ce trafic s'inscrit dans les grandes migrations
de travail identifiables au XIXème siècle. Selon
Marimoutou-Oberlé, ce sont près de 3 millions de personnes qui
ont été déplacées avec l'engagisme, dont une sur
cinq vers « les îles à sucre des
Mascareignes » et environ 200 000 à La Réunion1(*). Mais l'immigration indienne sur
l'île ne date pas uniquement de cette période. Durant le
XIXème et XXème siècles, près de 2 millions
d'Indiens sont arrivés sur l'île, les premiers étant des
femmes indo-portugaises venues de Goa. Sont ensuite venus les premiers
esclaves, puis les artisans et ouvriers libres, et enfin les premiers
travailleurs sous contrat en provenance de Yanaon. Cette migration s'est
accélérée avec les conventions internationales de 1860 et
1861. Vers 1870, ce sont les commerçants indiens originaires de Bombay
qui ont fait leur apparition, mais la dernière immigration indienne date
de 1970 avec l'arrivée des Karanas, des Malgaches d'origine
indienne.
L'engagisme prend différentes dénominations. On
parle par exemple d'engagisme à la Réunion1(*)et d'indenture à
l'île Maurice(traduction de « contrat » en
anglais)2(*). Quelle que
soit son appellation, le principe est le même : il s'agit d'un
système contractuel qui offre une nouvelle de la main d'oeuvre
après l'abolition de l'esclavage dans des territoires qui en ont besoin.
Ce système se manifeste sous la forme d'un contrat signé par un
travailleur « libre »et un employeur qui s'engage à
avancer des frais de voyage qui lui seront remboursés en nature, contre
une charge de travail.On parle également decoolie trade
(migration de travail) pour désigner les mouvements migratoires
asiatiques(coolie signifiant « salaire » en
tamoul). Celui-ci est moins contraignant que l'engagisme. Il désigne les
autres formes de recrutements organisés par des transporteurs
européens dans une forme de migration libre. Ce phénomène
est néanmoins resté plus marginal que l'engagisme puisqu'il n'a
concerné que 10 % des migrants indiens au total3(*).
L'étude de l'engagisme à la Réunion a
évolué au cours du temps sous l'influence de différents
courants historiographiques et, depuis les années 2000,sous l'influence
de deux nouveaux courants : les gender studieset les
postcolonial studies.Nées aux États-Unis, les gender
studiesforment un champ de la recherche qui s'intéresse au rapport
entre les sexes dans tous les domaines des sciences humaines. Elles
considèrent que ce rapport a une influence déterminante sur la
compréhension et l'interprétation des phénomènes
qu'elles s'emploient à revisiter sous un prisme différent. Selon
ce courant, la binarité établie entre les deux sexes est un
élément constitutif du prisme d'analyse historique occidental.
Elle repose sur une représentation mutuellement exclusive et
contrastée qui est à la fois fixe et stable : les
rôles sociaux sont clairement différenciés, tout comme les
attributs donnés à chacun. Ce paradigme a commencé
à être remis en question dans les sciences humaines et sociales
dans les années 1970.
En rebattant les cartes des cadres
épistémologiques en vigueur, les gender studies ont
participé à mettre en lumière l'artificialité et la
porosité de la construction de nombreuses dichotomies structurant
l'ordre social. Deux tournants importants ont eu lieu dans le
développement des gender studies. Le premier est relatif au
travail mené par Michel Foucault autour des thématiques
liées aux relations entre corps et champ politique. Cela a
entrainé un premier changement de perspective : le corps est
désormais considéré comme le terrain de relations de
domination et de pouvoir. Pour Foucault, il s'agit d'une «relation
symbiotique». Le corps n'a d'existence qu'à l'intérieur de
ces relations constitutives4(*). Le second tournant a été
opéré par les travaux de Judith Butler dans les années
1990sur la remise en perspective de la naturalisation du corps. La
représentation du genre serait sa construction et elle est
imprégnée de la culture occidentale et de son histoire.Ce courant
genré s'est développé dans la deuxième
moitié du XXème siècle, en même temps que les
postcolonial studies et le postmodernisme.
Le postmodernisme est important à mentionner ici car il
venu bouleverser les codes existants en remettant en cause la
« vérité » telle qu'elle est
présentée dans les différents domaines de recherche en
sciences humaines. Il s'agit d'une critique générale de la
modernité au profit du relativisme, portée par des penseurs comme
Gilles Deleuze, Jacques Derrida ou encore Michel Foucault.Le post-colonialisme
est souvent rattaché au postmodernismeparce ce que l'objet des
postcolonial studies est précisément de faire la
critique des discours du colonialisme encore présents aujourd'hui dans
les anciens territoires colonisés. Le postmodernisme porte sur la remise
en question des discours de l'autoritéqui se traduisent par
différentes manifestations (la langue, les institutions, les pratiques,
les modes d'organisation, etc.) que le post-colonialisme tente d'étudier
pour identifier les manifestations de la domination passée. Ainsi, il
est aisé de faire le lien entre ces deux mouvements5(*). De leur côté, les
subaltern studies (subaltern studies) s'inscrivent dans la
même démarche que les postcolonial studies mais
s'intéressent plus précisément à l'Asie du Sud.
Ce travail de recherche a pour but de montrer en quoi les
perspectives développées par les gender studies et les
subaltern studies permettent de renouveler l'étude de
l'engagisme sur l'île de la Réunion.Nous tenterons à ce
titre de répondre à une problématique centrale qui est la
suivante :
Dans quelle mesure l'étude de l'engagisme
à la Réunion permet-elle d'apporter une contribution aux
épistémologies historiographiques subalternes ?
L'engagisme à la Réunion est un sujet
intéressant à étudier car il comporte, au sein du
phénomène colonial, un certain nombre de
spécificités chronologiques et géographiques. Tout
d'abord, il commence un peu avant l'abolition de l'esclavage, de manière
prématurée, comme de manière à préparer la
transition. Aussi, l'engagisme à la Réunion est
marquée par une certaine diversité que l'on ne retrouve pas dans
d'autres îles comme à l'île Maurice. Même si les
Indiens représentent la plus grande partie des engagés,
d'autresnationalités sont représentées : de 1828
à 1933, sur environ 155 000 engagés de toutes origines
enregistrés, 117 000 sont Indiens, 37 000 sont Africains, 3 500 sont
Chinois ou Vietnamiens, 3 600 sont Malgaches et 3 000 Rodriguais6(*). Cette diversité
réunionnaise est flagrante en comparaison à l'île Maurice
où seulement 2% des 500 000 engagés ne sont pas Indiens(22 % sur
l'île de La Réunion). L'engagisme est donc une période
cruciale de l'histoire réunionnaise, qui a imprimé sa marque au
niveau de la composition démographique mais également de la
culture et de la construction identitaire de l'île.
Mais ce sujet représente un autre intérêt
du point de vu historiographique, car si c'est d'abord la vision de l'empire
colonial qui prédomine, cette histoire a été peu à
peu revisitée dans le même mouvement que les postcolonial
studies. Le nouveau regard porté sur l'engagisme s'est
retrouvé à travers les événements de mai 2020,
moisdurantlequel les statuts ayant un lien avec le passé colonial et
esclavagiste des grandes puissances ont été renversées un
peu partout dans le monde. Cette apparition des enjeux mémoriels au sein
de l'espace publicfait écho au succès des nouveaux courants
historiographiques mentionnés plus tôt. Les travaux de Stanziani
seront ici particulièrement étudiés. La Réunion n'a
été constituée en objet d'étude que depuis les
années 1970, après l'ouvrage pionnier de Tinker, A New System
of Slavery : the export of Indian Labour Overseas, 1830-19207(*). Son titre est
explicite : il y discute la continuité ou la rupture de l'engagisme
avec l'esclavage. Les études sur l'engagisme à La Réunion
connaissent depuis un essor considérable. La décennie 2010 a
été notamment marquée parles travaux fondateurs de
Stanziani, ceux de Marimoutou-Oberlé ou de Callandre et Barat.
De son côté, et dans un contexte de construction
de cet objet d'étude, la mobilisation du prisme du genre n'en est encore
qu'à ses prémisses. C'est Loza qui lui a ouvert la porte en
2019avec une lecture genrée de l'engagisme à La
Réunion8(*). Celle-ci
représente un grand intérêt dans la mesure où, si
l'engagisme a concerné majoritairement des hommes, il a aussi
touché des femmes dont l'expérience et la perception de
l'expérience dans l'histoire renvoieà la divergence des discours
sur l'engagisme en général. En effet, si certains
considèrent que les femmes indiennes se sont libérées
grâce à ces contrats de travail, s'émancipant des
contraintes liées à leur appartenance à une caste ou
à leur condition de femme, d'autres soulignent la dureté de leur
condition à La Réunionavec des violences à la fois de la
part de la hiérarchie coloniale et des hommes originaires de leur
communauté. L'analyse de Loza nous permettra d'aborder l'ambivalence
decette étude.
Nous tenterons de répondre à notre
problématique en trois temps. Tout d'abord, nous aborderons le
phénomène de l'engagisme dans l'histoire réunionnaise et
ses spécificités en s'intéressant à son essor et en
le comparant à d'autres formes d'engagisme. Dans un second temps, nous
nous intéresserons aux études historiographiques sur l'engagisme,
à la place qu'y occupentles subaltern studies et à
l'apport de l'engagisme à ce nouveau courant. Enfin, nous verrons en
quoi les gender studies proposent de porter un nouveau regard qui
rejoint celui des subaltern studies dans les travaux
historiographiques.
CHAPITRE 1
L'engagisme et lecoolie
trade dans l'histoire réunionnaise
1.1.
Fin de l'esclavage et essor de l'engagisme à La Réunion
L'arrivée des premiers travailleurs engagés
à La Réunion date de 1828 mais elle s'arrête rapidement
à la demande de la Grande-Bretagne pour reprendre après
l'abolition de l'esclavage en France, en 1848. En effet, celalibère de
leur situation 62 000 personnes, soit plus de la moitié de la population
de l'île. Les continents africains et asiatiques deviennentune
précieuse réserve de travailleurs pour les plantations.
L'administration française réglemente d'abord seule cette
immigration, puis l'organise par convention dès 1860. Cette date marque
l'explosion de l'engagisme à La Réunion. De 1848 à 1860,
43 958 Indiens débarquent sur l'île9(*). Le traité de libre-échange
franco-anglais du 25 juillet 1860 introduit l'autorisation de recruter 6 000
travailleurs par an depuis les territoires anglais. Entre 1834 et 1920, les
Indiens sont 118 000 à débarquer sur l'île, beaucoup plus
qu'en Guadeloupe (42 000) ou en Martinique (25 000)10(*).Officiellement, l'immigration
indienne est clôturée en 1882 mais, dans la réalité,
elle continuebien après cette date. Entre la fin de Première
Guerre mondiale et 1948, la sphère publique réunionnaise
voitl'émergence des enfants d'engagés. Progressivement, on
assiste à une amélioration de la situation des familles issues de
l'engagisme dont certaines acquièrent même des sucreries,
s'installent sur leurs propres terres ou commencent à organiser le
commerce avec l'Inde. C'est à cette époque qu'une classe
intermédiaire indienne commence à se développer.
L'engagisme est donc un nouveau mode de recrutement de la main
d'oeuvre qui apparaîtaprès l'abolition de l'esclavage. Celle-ci
date de 1848 en Francemais est plus précoce en Angleterre, où les
mouvements non-conformistes et abolitionnistes ont mené pendant
plusieurs années une propagande efficace. La traite y est
abandonnée en 1807 et l'esclavage en 183311(*). Avec la remise en question de
tout ce système de traite, de nouvelles migrations de travailleurs
apparaissentpour venir répondre aux besoins des plantations et notamment
des exploitations sucrières.À La Réunion, les
Français font appel à une main d'oeuvre étrangère
libre en proposant des contrats dont les caractéristiques sont partout
à peu près similaires: c'est un contrat de travail d'une
durée déterminée pour lequel l'employeurd'engage à
avancer les coûts du voyage au travailleur. Les Africains ou les
Asiatiques ne sont pas les seuls concernés. Au départ, ce sont
des « blancs pauvres » venus d'Irlande, d'Allemagne ou
d'Écosse, perçus par la population locale comme des alcooliques
paresseux, qui sont recrutés12(*). Plus tard, des milliers d'Indiens commencent
à débarquer sur l'île.Cela s'explique autant par la
volonté expansionnisme colonial que par la situation économique
des pays d'origine des engagés. La famine, la surpopulation, la pression
foncière et le manque de travail conduisent les Indiens à
envisager de nouvelles solutions et à quitter leur région,
souvent des provinces pauvres au Nord-Est et au Sud-Est.Le XIXème
siècle n'est pas une période faste pour l'Inde. Malgré
cela, il est faux de croire que tous les engagés étaient
pauvres : selon les études disponibles,ils étaient autant
issus de hautes castes et de castes intermédiaires que de basses
castes13(*).
L'une des spécificités de l'histoire de
l'engagisme à La Réunion réside dans sa mise en place
prématurée, avant même que l'esclavage soit aboli dans
l'empire colonial français. Cela est dû à deux facteurs
principaux. D'une part, la métropole française constitue un
marché croissant pour le sucre de canne, un produit qui connaît
une demande exponentielle au fur et à mesure qu'il est diffusé en
Europe. D'autre part, la France se sépare de Saint-Domingue, sa
principale colonie productrice de sucre. Dans ces conditions, le sucre de
canne apparaît comme un secteur clef à développer,
puisque la main d'oeuvre qui y est mobilisée est peu coûteuse et
que la métropole est en demande. La production sucrière
nécessite cependant une main d'oeuvre abondante. La fin de l'esclavage
oblige donc le secteur à trouver des solutions, d'autant plus que la
traite des esclaves est illégale et que les organisations militantes se
font de plus en plus véhémentes.
Dans cette situation, les autorités coloniales
françaises tentent de préparer la transition. Elles
décident donc de s'inspirer de l'ancien système de travail
utilisé au XVIIIe siècle par les Compagnies des Indespour mettre
en valeur les territoires conquis. Ce système permettait d'envoyer aux
colonies des Européens avec des contrats dits des « 36
mois », mais aussi des travailleurs libres venus d'ailleurs. C'est
ainsi que commence l'engagisme avec l'arrivée d'une majorité
d'Indiens, en accord avec les autorités coloniales anglaises. La
première grande période de cette émigration indienne est
celle de 1828-1830 durant laquelle les engagés viennent majoritairement
de Yanaon. Vient ensuite la période post-esclavagiste avec une
émigration depuis les « comptoirs français »
de Pondichéry et de Karikal14(*). La dernière période est celle de 1860
à 1885, qui voit le recrutement d'engagés toujours originaires
des comptoirs français mais aussi de l'arrière-pays (Calcutta et
Madras).
Après l'épuisement des flux en provenance de
l'Inde, les engagés sont recrutés en Indochine, en Afrique,
à Madagascar ou encore à Rodrigues dans des proportions plus
réduites. La nécessité économique dece
système contractuel pour la métropole est donc manifeste. Les
champs de canne à sucre et les usines de transformation
nécessitent un grand volume de travailleurs. Dès les
années 1930, les exploitants se tournent vers Rodrigues en
négociant de nouveaux accords avec l'autorité britannique pour
des contrats de trois ans15(*).Hormis les Indiens,La Réunion voit donc,
dès 1860, l'arrivée d'engagés originaires de Chine, des
flux qui s'intensifient à partir de 1875. D'abord installés dans
les villes principales, les engagés chinois occupent des fonctions de
commerces alimentaires ou de détail.C'est ce qui explique, selon
Marimoutou-Oberlé, qu'ils détiennent aujourd'hui la
totalité du commerce de l'alimentation au détail et qu'ils
contrôlent une partie du commerce de demi-gros. Même s'ils sont
Français de naissance, ils restent moins occidentalisés que les
Indiens et, pour certains, parlent et écrivent encore le chinois. Cette
spécificité des intégrations et assimilations a notamment
été étudiées par Stanziani16(*). Leur étude
différenciée offre des clefs de compréhension par rapport
au devenir des engagés à La Réunion aujourd'hui, en
termesdémographique et socio-culturel.
1.2. Engagisme et Indenture
L'engagisme est un contrat de travail particulier dans la
mesure où il donne un statut légal à la personne
employée. Elle n'est pas du tout considérée comme un objet
mais comme une personne soumise à des obligations et détentrice
de droits. En cela, elle se distingue en théorie clairement de
l'esclavage. Cet engagement doit êtrelibre et le contrat qui l'encadre
doit mentionner clairement les conditions de travail (salaire, contreparties,
durée).Il est conclu en général pour une durée de
trois à cinq années renouvelables. Ces contrats ouvrent un
réservoir de main d'oeuvre très intéressant pour les
colonies françaises17(*). En échange de son voyagedepuis l'Inde, d'un
logement et de la couverture de ses frais médicaux, l'engagé doit
rendre entre7 à 10 heures de travail par jour à son employeur
durant la durée fixée par son contrat, à raison en
général de 6 jours par semaine. Le remboursement de sa dette
correspond aux premières années de travail (les deux
premières années en général), puis un salaire
mensuel doit lui être versé18(*). Le retour au pays d'origine devait être pris
en charge par les autorités coloniales à l'issue du contrat.
L'engagé peut être transféré pour combler une
créance et ne peut pas travailler pour un autre employeur ou partir
avant la date de fin de contrat, auquel cas il risque de lourdes sanctions
pénales allant jusqu'à des peines l'emprisonnement. Par ailleurs,
il ne peut pas se marier sans l'autorisation de son employeur et ne peut pas
imposer un remboursement anticipé de sa dette.
Ce sont toutes ces conditions annexes qui, malgré le
fait que la relation soit définie par un contrat, font souvent parler de
« travail forcé » dans le cas de l'engagisme,
d'autant plus que le « maître » garde le droit sur
ses immigrés en fuite et peut les mettre face à de lourdes
sanctions pénales en cas de désertion. Le terme
de« travail forcé », utilisé par les
historiens pour qualifier l'engagisme depuis la deuxième moitié
du XXème siècle, n'est pas assimiléà l'esclavage
puisqu'il n'est pas une condition transmise par la naissance et qu'il reste
temporaire19(*). Il est
décrit comme un service exigé de la part d'un individu sous la
menace d'une peine et non de son plein grès, en contrepartied'un
salaire.
De son côté, l'indenture est
l'équivalent de l'engagisme dans les territoires britanniques. Si
l'engagisme a été étudié tardivement,
l'indenture l'a été, elle, très tôt par les
historiens anglo-saxons.Elle fixe le statut des travailleurs libres via un
contrat. Faire le parallèle entre les deux phénomènes
permet de remettre l'engagisme français en perspective avec d'autres
expériences coloniales, notamment celle britannique. C'est l'île
Maurice qui sert de cas d'école aux autorités britanniques afin
d'expérimenter les modalités de ce contrat dès les
années 1830, de la même manière que la Réunion est
le théâtre d'expérimentations de la part des
autorités françaisesavant même la fin de l'esclavage.De
1838 à 1917, 425 000 engagés indiens sontenvoyésvers les
colonies de la Caraïbe sous domination britannique. À partir de
1845, l'indenture est développée et importée à
Trinidad et dans les colonies caribéennes. L'une des
caractéristiques principales de l'indenture est le rôle
crucial joué par l'état britannique dans son
développement. C'est ce qu'explique Loza : la collaboration entre
le gouvernement indien et le Colonial Office a
étédéterminante dans l'organisation de la migration, du
recrutement et ducontrôle de l'application des termes de leurs
contrats20(*).
Les contrats d'indenture et d'engagisme ont été
étudiés de manière comparative par Stanziani pour en
étudier les différences. Il montre que les deux contrats sont
construits selon des dynamiques similaires puisqu'un employeur avance dans
les deux cas les frais de voyages à un immigré ; puis
l'immigré s'engage à travailler pour luidurant une période
allant de cinq à sept ans, dont deux ans environ afin de rembourser son
billet.Ces contrats tirent leurs origines plus tôt, ils s'inspirent du
statut de servant dans l'empire britannique et du louage de service
dans l'Hexagone. Les premiers contrats d'engagement rédigés en
France le sont par des notaires qui s'inspirent des contrats des journaliers
agricoles et des marins21(*). Dans sa comparaison, Stanziani aborde les
différences d'interprétation qui portent sur ces contrats, ce qui
permet de comprendre l'évolution de leur traitement du point de vue
historiographique.
CHAPITRE 2
Les différentes
interprétations historiographiques de l'engagisme : entre contrat
de travail et esclavagisme
2.1. Un esclavagisme
déguisé ? Questions terminologiques
La forme particulière de l'engagisme a donné
lieu à des interprétations distinctes au cours du temps.Le
contrat se manifeste à La Réunion par un livret ouvrier qui
n'était alors plus utilisé en métropole depuis longtemps
mais restaiten rigueur dans les colonies. Toutes les personnes ne pouvant pas
justifier d'un emploi fixe sur l'île était
considérées comme vagabonds, même si cette loi était
facilement contournable par de faux contrats annuels signés par les
propriétaires en contrepartie d'un travail saisonnier.Une
première approche historique considère que le contrat d'engagisme
est « une forme de travailforcé, de l'esclavage
déguisé » avec un contrat qui exprime une «
fiction juridique »22(*). Cette interprétation est avancée
à partir du milieu duXIXe siècle par les autorités
coloniales et le mouvement abolitionniste anglais (etplus tardfrançais).
Elle a été reprise de nos jours par les subaltern
studies et les historiens postmodernistes qui considèrent que les
engagés n'étaient pas totalement des travailleurs libres. Cette
approche a pour conséquencede supprimer l'importance historique de
l'abolition de l'esclavage qui n'aurait pas modifié de manière
conséquente la vie et les conditions de travail des travailleurs dans
les territoires français comme La Réunion.
Si l'on reprend la définition de Carter proposée
en introduction, l'engagisme donne lieu à des « obligations
contractuelles coercitives »23(*). Ce sont elles qui constituent l'une des dimensions
de l'engagisme qui a nourrit le parallélisme avec l'esclavage, et les
discussions autour de la thèse de l'« esclavage
déguisé ». En effet, plusieurs interprétations
ont été données au phénomène lorsqu'on
observe les travaux historiques sur le sujet. Pour certains, il s'agit d'un
travail forcé et d'un « esclavage
déguisé », c'est-à-dire d'un esclavage sous
couvert de contrat mais dont les clauses asservissent le co-contractant, envers
qui les engagements ne sont pas toujours respectés24(*). Le contrat ne serait qu'un
support juridique visant à justifier l'emploi de cette main d'oeuvre
étrangère. Comme le montre Stanziani, cette interprétation
a été d'abord avancée par les autorités coloniales
et le mouvement abolitionniste anglais avant d'être reprise par les
subaltern studies. Selon cette interprétation, nous sommes face
à une nouvelle forme d'esclavage qui tire sa légalité du
contrat mais ne change rien aux conditions de travail des travailleurs qui
subissent toujours des violences et ne sont pas libres.Dans les années
1970, Tinker définit l'engagisme comme une nouvelle forme d'esclavage
qui n'a rien de volontaire et n'est « qu'une traite plus ou
moins déguisée. Des centaines de malheureux, racolés sous
divers prétextes dans les rues des villes commerciales, ou tout
simplement volés sur la côte, étaient embarqués
nuitamment, puis enfermés dans l'entrepont d'un navire, pour être
ensuite livrés comme «engagés volontaires» aÌ
des planteurs »25(*).
À partir de la seconde moitié du XIXème
siècle, les contrats d'engagementsont qualifiés de contrats de
« travail forcé » par les historiens. Loza montre
que cette qualification se fonde sur une analyse des conditions de travail des
engagés. Ceux-ci travaillent six jours sur sept, à raison de 9
à 10 heures par jour. Le non-respect de ce rythme de travail donne lieu
à des sanctions lourdes. Même si les conditions sont clairement
énoncées au départ, la situation de ces travailleurs est
extrêmement difficile et leur traitement dur, marqué par une
grande violence.Leur espérance de vie est d'ailleurs bien
inférieure au reste de la population26(*). Les engagés n'ont pas le contrôle de
leur mouvement, aucune liberté et sont soumis à des sanctions
sévères (peines d'emprisonnement, lourdes amendes) lorsqu'ils ne
répondent pas aux termes de leur contrat. Aussi, une fois
engagés, on peut douter que le travail soit uniquement le fruit de leur
volonté. Avec les subaltern studies, l'expression
« d'esclavagisme déguisé » redevient
abondamment mobilisée pour désigner ce travail forcé et
remettre en question les rhétoriques présentant l'engagisme comme
une réalité émancipatrice, en particulier pour les femmes.
Ces travauxs'accompagnent dans le même temps d'un examen des liens
profonds existant entre esclavage et engagisme, notamment à partir des
travaux de Chummunsur les réécritures des géographies du
corps humain et de l'espace à partir de ces expériences
traumatiques27(*).
À La Réunion, les Indiens étaient
supposément sous l'autorité et la surveillance des Britanniques,
mais les kidnappings étaient fréquents et
régulièrement dénoncés28(*). Aussi, même si le
consul anglais fait pression pour la création d'une Union de protection
des immigrés et qu'une aide juridique est mise en place pour les Indiens
engagés, ces compétences sont peu exercées dans les
faits29(*). De la
même manière, le consul a la liberté de visiter les
dépôts où se trouvent les Indiens pour s'assurer de leur
bon état de santé et des conditions sanitaires dans lesquelles
ils sont hébergés, mais ces visites sont rares30(*). Les recherches et travaux
historiques montrent l'existence de nombreux cas de violences et de mauvais
traitements avec une certaine impunité pour les employeurs, même
si on observe plusieurs victoires juridiques de la part des engagés. Si
ces derniers ont le droit de porter plainte en justice, ils obtiennent rarement
gain de cause. Ainsi, on assiste à une situation qui voit se
perpétuer des situations similaires à celles avant l'abolition de
l'esclavage. C'est ce que dénoncent plusieurs descendants
d'engagés auxquels Marimoutou-Oberlé fait écho dans son
ouvrage Les engagés du sucre, en 2004.
Aussi, les termes du contrat ne sont pas toujours
respectés par les employeurs. Comme le montre cette déclaration
du consul britannique en 1890 : « les règlements,
notamment les décrets du 30 mars 1881 et du 27 août 1887, sont
largement suffisants. Ils tracent les règles essentielles de la
protection ; seulement, il faut qu'ils soient exécutés,
respectés et non battus en brèche par ceux qui doivent en assurer
l'exécution (...) »31(*). Par ailleurs, comme le montrent les
différents témoignages des descendants d'engagés32(*), les logements promis dans les
contratsne sont pas souvent pas à la hauteur des attentes des
travailleurs, entassés dans des lieux quasiment
désaffectés, sans aucune commodité.
À cela s'ajoute le fait que les engagés ne
comprennent pas toujours bien les termes de leur engagement, au regard des
promesses faites par les autorités coloniales dans une situation
où ils ne veulent pas rester dans leur pays. En effet, l'engagisme n'est
possible que parce que la population d'un territoire souhaite partir pour
trouver ailleurs un meilleur niveau de vie. Si on promet à
l'époque aux Rodriguais une petite terre avec des animaux pour venir
travailler à La Réunion, on assure aux coolies qu'ils
trouveront de l'or sur place : « Ces gens-là ne sont pas
partis parce qu'ils voulaient aller aÌ La Réunion mais parce
qu'ils ne voulaient pas rester ici et on leur a fait des offres
alléchantes. (...) AÌ Maurice, on soulevait des pierres et on
pouvait voir de l'or. (...) Le Rodriguais a toujours une petite ferme. Alors on
lui disait : `Il y a des cabris aÌ l'état sauvage ; de la
volaille partout ; des boeufs dans les bois... LaÌ-bas, on a beaucoup
d'argent !' »33(*).
Dans tous les cas, durant la seconde moitié du
XXème siècle, les historiens commencent à défendre
cette version de l'histoire, soutenus par les récits des descendants
d'engagés. Ils s'appuient souvent, pour justifier cette vision, sur les
nombreux mouvements de rebellions de la part des Indiens et des autres
engagés sur l'île de La Réunion. Les manifestations pour
réclamer les salaires promis et des logements décents montrent
que les conditions définies dans les contrats de départ
n'étaient pas toujours respectées. De nombreux engagés
réclamèrent ainsi la fin anticipée de leur contrat ou
tentèrent de fuir de la propriété dans laquelle ils
avaient été engagés. Plusieursgrandes grèvesse
déroulèrent et provoquèrent des mouvements de grande
ampleur.
2.2. Une approche à
relativiser
C'est précisément parce que ces
événements ont pu avoir lieu queStanziani considère
quecette approche est incomplète. Selon lui, voir l'engagisme comme de
l'esclavage déguisé néglige certains aspects de
l'histoire, et notamment les efforts faits par les immigrés pour
défendre leurs droits devant les tribunaux.Dès 1829, il existe
des traces de vives réactions de la part des Indiens face aux
dérives des exploitants. Ils dénoncent les punitions corporelles
qu'ils considèrent comme « intolérables ».
Dans les années 1830, de nombreux mouvements de protestation sont
enregistrés avec des grèves massives contre le paiement trop
tardif des salaires ou les punitions corporelles34(*). Voir l'engagisme comme de
l'esclavagisme conduit à négliger les efforts faits par les
travailleurs pour faire respecter leurs droits devant les tribunaux alors que
ceux-ci ont été bien réels. Pour d'autres historiens
contemporains plus nuancés comme Stanziani, ces contratssont donc bien
le fruit d'une certaine liberté contractuelle, même si des abus
ont existé35(*).
C'est cette même interprétation qui a dominé jusqu'au
milieu du XIXème siècle.
L'approche qui domine jusqu'au milieu des années 1800
ne considère en effet pas l'indenture ou l'engagismecomme
l'expression d'un travail forcé. Ilssont perçuscomme l'expression
de la liberté de contractantsinformés dès le départ
de leurs obligations et de leurs droits. Les individus sont libres de prendre
part ou non au contrat. Ils sont considérés comme des individus
ayant des droits,en principe respectés par leur hiérarchie.Mais
la frontière entre travail libre et forcé reste mince, tout comme
celle qui sépare l'émigration libre de l'émigration
forcée. Les interprétations divergent ainsi sur le
caractère volontaire de l'engagisme et l'exploitation qui en
résulte durant la mise en application du contrat, les droits des
engagés étant régulièrement bafoués.
Néanmoins, cette approche, comme celle défendant une vision
esclavagiste de l'engagisme, semblent trop réductrices. Les contrats
apparaissent souvent davantage comme des compromis entre les orientations
coloniales et les réalités locales.
Des travaux plus récents ont participé à
nuancer cette approche à partir d'une étude d'archive fine visant
à examiner les présupposés théoriques
dissimulés derrière le terme d'engagisme.Pour éviter de
parler de travail forcé, le terme de « liberté
forcé » est ainsi employé. C'est par exemple celui
qu'utilise Flory dans son ouvrage sur l'engagisme dans les Caraïbes
françaises. Elle permet de nuancer celle « d'esclavage
déguisé » tout en effectuant un parallèle avec
l'ancien système de traite. Car même si les travailleurs ne sont
pas des esclaves à proprement parler, ils ne maîtrisent clairement
pas leur corps ou leurs mouvements et signent souvent sans connaître les
termes exacts du contrat. Il est donc faux de penser qu'ils s'engagent
volontairement dans une relation dont ils assument pleinement les
implications36(*).
Des auteurs comme Stanziani montrent, de leur
côté, que plusieurs périodes ont existé au sein de
l'engagisme avec des conditions de travail et de vie différentes qui ne
permettent pas de parler d'un phénomène uniforme37(*). Il montre ainsi que dans les
années 1817, les premiers engagés vivent dans des conditions
très similaires à celles des esclaves. Ils ne sont pas toujours
envoyés volontairement dans le lieu de travail, les kidnappings sont
fréquents et la paye n'est pas toujours concédée. Certains
employeurs retiennent les salaires sous prétexte de mauvais services et
certains engagés fuient, réduisent volontairement leur charge de
travail ou se rendent devant la justice. Cette situation n'est plus la
même dans la seconde partie du XIXème siècle où la
pénurie de main d'oeuvre et la crise sucrière les mettent en
position de force. Stanziani aborde particulièrement la question de
l'accès à la justice car elle permet d'éclairer les
différences entreengagés et esclaves.Même si les
possibilités de saisir la justice sont inégales entre les
engagés et leurs employeurs (en raison des abus, de la corruption,
ou d'attitudes partisanes de la part des juges et du personnel administratif),
les engagés ne peuvent pas pour autant être assimilés aux
esclaves.
À La Réunion, on peut remarquer dans les
archives un certain entêtement à dénoncer les abus et
à organiserdes formes de résistance passive,des associations
clandestines, voire de véritablesmobilisations de groupe. Avec le temps,
cette résistance rencontre de plus en plusd'appuis de la part d'une
partie des élites coloniales, les unes parce qu'elles croient
sincèrementà la liberté et au libre marché, les
autres simplement parce qu'elles s'empressent derépondre aux pressions
de Londres et Paris. LesBritanniques tentent également de
protéger un peules Indiens immigrés à La Réunion.
Cela s'explique pour des raisons humanitaires, mais aussi pour des motifs
politiques et économiques : il s'agit de préserver la forcede
travail pour les exigences britanniques tout en évitant de froisser
lesélites indiennes. Cependant, quelle que soit l'origine des attitudes
britanniques,le résultat est là : les immigrés indiens
bénéficient d'une protection de plus enplus importante à
La Réunion avec le temps. À cela s'ajoute la concurrence
entreemployeurs urbains et planteurs, ou entre petits et grands planteurs. Les
derniers sont favorables à un marché libre qui leur permet de
récupérerdes travailleurs aux dépens des petites
unités.
Un dernier paramètre à prendre en compte afin de
discuter cette question réside dans l'évolution des besoins de la
métropole en sucre et surtout des fluctuations du marché. Le prix
de la tonne varie fortement et baisse considérablement durant la seconde
moitié du XIXème siècle. Elle passe de 39 livres sterling
la tonne à 9,60. Cela s'explique par la hausse de la production, la
mécanisation et la concurrence de la betterave. Cette baisse impacte
particulièrement les petits producteurs qui n'ont pas assez pour
investir et moderniser leur culture. Le seul levier pour eux est d'agir sur la
main d'oeuvre en durcissant les conditions de travail. Les fuites commencent
ainsi à se multiplier, tout comme les mouvements de résistance.
Les petites propriétés sont contraintes de fermer,
rachetées par de grandes entreprises, et la main d'oeuvre
transférée dans des propriétés plus
rentables38(*).
Ainsi, pour certains historiens,les conditions de vie
difficilesdes engagés ne doivent pas conduire à la conclusion
qu'il n'existe aucune différence entre engagés et esclaves.
À La Réunion, le tiers des immigrés parviennent à
rentrer chezeux, tandis que, sur place, les autres réussissent
rapidement à améliorer leurs conditions de vie, notamment
grâce à la crise sucrière.Les autorités britanniques
créent même une banque foncière pour racheter des terres
auxpropriétaires endettés et les revendre à des
travailleurs d'origine indienne àdes prix intéressants. Par
conséquent, plusieurs paramètres sont à prendre en compte
afin de pondérer les parallèles établis entre engagisme et
esclavage déguisé, parmi lesquels les différentes
périodes de l'engagisme, les différentes populations
considérées, ainsi que leur accès à la justice.
On peut donc noter une évolution, du point de vue
historiographique, de l'étude de ce phénomène. C'est
d'abord le discours colonial qui domine avec l'idée que l'engagisme est
une réelle opportunité pour les Indiens qui décident de
s'engager librement contre un salaire et un voyage, en étant
exonérés des impôts et taxes sur place. À partir des
années 1950-1960, durant la décolonisation, l'engagisme commence
à être dénoncé comme un contrat inégal subi
par de nombreuses familles indiennes à La Réunion. Les
descendants d'engagés sont en première ligne de ce combat pour la
reconnaissance de l'engagisme comme une forme d'esclavage. Les sulbaltern
studies ont également mis en avant la liberté relative des
contractants et la situation des Indiens dans leur pays d'origine à
cette époque, ne permettant pas de parler totalement d'un engagement
volontaire et libre. Cependant, les études récentes sur le
thème appellent à nuancer ces positions pour voir dans
l'engagisme un phénomène inédit, à mi-chemin entre
travail forcé et migration légale de travail. La progression
sociale rapide des Indiens installés sur l'île de la
Réunion au cours du temps est un argument qui conduit à
relativiser la position des subaltern studies. L'étude du
phénomène sous le prisme du genre est intéressante
à analyser car elle renvoie aux mêmes évolutions
d'interprétation.
CHAPITRE 3
L'engagisme sous le prisme
du genre
3.1. L'engagisme au prisme de la
question du genre à La Réunion
Le prisme du genre a été peu mobilisé
jusqu'ici pour analyser les conséquences démographiques de
l'engagisme à la Réunion et dans le monde. Cela s'explique
d'abord parce que la grande majorité des travailleurs engagés
étaient des hommes. En effet, la faible mobilité
géographique des femmes en Inde à cette époque explique
probablement cette réalité. Une disposition légale est
mise en place très tôt pour imposer un quota minimum de femmes
engagées dans certaines îles, notamment en Guyane britannique. De
ce fait, leur nombre explose entre 1858 et 1917, même si les agents
recruteurs restent toujours principalement des hommes : « en
dépit de l'hostilité initiale des planteurs, une disposition
légale imposa un quota minimal de femmes de 40 % pour chaque contingent
d'engagés à partir de 1868 »39(*).Cette volonté
d'augmentation du nombre de femmes s'explique par l'intention des
autorités réunionnaises d'assurer leurs arrières lors de
la transition consacrant la fin de l'esclavage légal : il s'agit
pour elles de « stabiliser la main d'oeuvre » en
encourageant la formation et l'établissement de familles engagées
sur l'île, en état de procréer et de reproduire des
travailleurs. Par la suite, ce nombre ne fera qu'augmenter, ce qui peut
être expliqué par la meilleure connaissance du système
d'engagisme en Inde et la volonté, de la part de ces femmes, de venir
s'y installer avec leur famille.
Les recruteurs partent donc à la recherche de femmes
pour lesquelles ils sont mieux rémunérés (sept à
huit roupies au lieu de six)40(*). Celles qui se retrouvent seules dans l'espace public
pour une raison ou pour une autre se retrouvent à se voir proposer un
contrat et les recruteurs utilisent parfois la duperie pour les faire
adhérer. Les contrats d'engagés sont relativement similaires,
qu'ils soient pour les femmes ou pour les hommes.Il existe seulement une
différence de pratique dans l'application et la formulation des
contrats. Les femmes bénéficient de contrats plus courts pour
favoriser leur venue (trois ans contre cinq pour les hommes), d'une
réduction du prix du billet et d'un assouplissement de sanctions en cas
d'infractions. Mais au regard de leur vulnérabilité, les femmes
constituent des cibles privilégiées pour les recruteurs
d'engagés. Tout au long de la période engagiste, et
particulièrement dans le cas de l'Inde se développe une
rhétorique particulière visant à présenter les
contrats engagés comme des espaces de libération pour femmes
indiennes, leur permettant d'échapper à un système
oppressif. Cette lecture domine jusque dans les années 1990.
Parmi les études historiques, deux paradigmes ont
dominé la vision de l'engagismeen ce qui concerne le sort des femmes.
L'un insiste sur leur statut de victime tandis que l'autre met l'accent sur
l'émancipation.C'est le second qui a longtemps dominé les
études historiographiques sur l'engagisme, particulièrement dans
le cas des femmes indiennes. Le cadre législatif qui définit les
conditions de leur engagement est particulier, puisque depuis 1864 et
l'IndianActn°13, il subordonne leur engagement à
l'obtention de l'accord d'un homme (frère, mari, père).
Mais les femmes émigrent bien à titre individuel, comme les
hommes. Leur contrat d'engagement est établi à leur nom, ce qui
leur confère une identité et une autonomie nouvelle.Ce
discoursd'émancipation des femmes grâce à l'engagisme a
longtemps été concentré autour de la libération
sexuelle des femmes indiennes lors de leurs années d'engagisme.
Un exemple de ce positionnement se retrouve dans la figure de
Patricia Mohammed, pionnière des gender studies dans les
Caraïbes. Celle-ci place l'accent sur un prisme d'analyse jamais
étudié auparavant : les choix posés par les femmes
indiennes concernant leur sexualité en fonction d'intérêts
personnels. Les femmes indiennes se trouvent en effet dans une certaine
position à leur arrivée : le nombre de femmes
engagées est moindre par rapport au ratio d'hommes engagés. Cela
leur confère une position de force relative. Plusieurs auteurs comme
Loza ou Chatterjee mettent en avant l'importance de s'émanciper d'une
lecture mobilisant uniquement les paradigmes patriarcaux et coloniaux des choix
des femmes41(*). Cela
permet de reconnaître leurs choix posés, souvent par
intérêt ou par « matérialisme ». L'une
des dérives de cette grille d'analyse vint à représenter
les femmes indiennes comme des tentatrices séductrices tirant avantage
de leurs charmes afin de duper des colons et des propriétaires
naïfs : « Cette caricature, qui ne tenait aucun compte de la
réalité hiérarchique de la plantation, vint conforter
l'idée de l'immoralité de la femme indienne
véhiculée par les autorités
coloniales »42(*).
D'un autre côté, des auteurs comme Chatterjee
soutiennent, en se basant sur des situations particulières (cas de
veuves ou de jeunes femmes en rupture familiale), que l'engagement fut une
vraie opportunité pour un certain nombre d'Indiennes. Le choix de ces
personnes en perdition serait le fruit d'un résultat rationnel,
confrontées à la prostitution et sans autre perspective dans leur
pays d'origine. D'autres auteurs comme Pieter Emmer défendent le
même point de vue en montrant que ce sont les difficultés sociales
sur place qui ont favorisé l'émigration. Pour lui, l'engagement
permettait à certaines Indiennes d'échapper à des
sévices et des mariages forcés43(*). Les possibilités matrimoniales que
l'engagement offre font partie de leur décision pour s'engager vers des
îles comme La Réunion. Mayo évoque également les
mariages précoces condamnant les Indiennes à une mort
prématurée, ou l'immolation de veuves seulement interdite en Inde
à partir de 182944(*). On retrouve ici la même vision de l'engagisme
que celle diffusée par l'empire colonial avant la seconde moitié
du XXème siècle, à savoir une image de ces îles
comme des espaces de liberté.
3.2. Le dépassement du
débat par une nouvelle lecture
Lozarappelle l'importance cruciale de nuancer cette lecture
sur l'expérience des femmes engagées. Bien que son travail porte
sur la Caraïbe, ses conclusions concernent l'engagisme en
général. Elle montre que l'image de liberté
répandue par le discours colonial envers les engagées est
réel, mais que l'expérience des femmes indiennes doit être
prise avec précaution. Dans certains cas, elles parviennent bien,
grâce à l'engagisme, à échapper à un
système de domination issu du système patriarcal traditionnel et
de celui des castes, mais elle trouve sur place une nouvelle domination
masculine liée à la hiérarchie au sein des plantations.
Parfois, c'est une double domination qui s'applique de la part des employeurs
et des hommes issus de la même culture. Les choix posés par les
femmes sont donc, bien que relativement libres, inscrits dans des
stratégies de survies dictées par des croisements de
systèmes de dominations patriarcaux et coloniaux.
Les Indiennes sonten effet victimes de violencesà La
Réunion et il semblerait que les conflits liés aux femmes
constituentla principale cause des meurtres et des suicides dans les
exploitations45(*). Deux
hypothèses expliquent cette violence. La perspective culturaliste
évoque une sorte de tradition de sévices à l'encontre des
femmes en Inde avec des infanticides et des crimes passionnels. Une autre
explication serait conjoncturelle : en raison du nombre réduit de
femmes engagées, une compétition se serait déclarée
entre les hommes, se terminant parfois dans des conflits d'une grande
violence46(*). Par
ailleurs, les études qui abordent la vie des engagées Indiennes
évoquent toutes l'aspect des violences conjugales et de l'exploitation
sexuelle subie dans les îles avec de la prostitution forcée et des
dominations abusives de la part de la hiérarchie coloniale. Les
relations entre les Indiennes et membres de cette hiérarchie donnent
également lieu à des situations de crise47(*).
In fine, la dualité de discours et de
rhétoriques mobilisées afin d'analyser l'engagisme à
travers le prisme du genre sont révélatrice d'analyses fortement
influencées d'une part parune rhétorique coloniale, d'autre part
par des rhétoriques visant à s'en émanciper et à
mobiliser une analyse post-coloniale. Cette binarité d'analyse sur
l'engagisme genré (d'une part analysant l'engagisme comme un vecteur
d'émancipation pour les femmes, d'autre part en l'interprétant
comme un système oppressif perpétuant des dynamiques patriarcales
et coloniales) n'est pas sans issue. Cette aporie n'est pas uniquement
consubstantielle à l'étude de l'engagisme, mais se retrouve au
contraire dans de nombreuses tentatives d'analyse historique genrée
portant sur des objets d'études liés aux histoires coloniales
occidentales.
L'une des pistes de dépassement de cette impasse se
trouve dans la mobilisation du champ des épistémologies
subalternes. D'ailleurs, Lozaexplique que l'émergence d'une nouvelle
génération de féministes indo-caribéennes permettra
probablement bientôt d'obtenir un nouvel éclairage sur
l'opposition binaire articulée autour de la question de la
liberté. Pour elle, une étude davantage basée sur
l'expérience serait nécessaire pour venir dépasser ces
débats.Par conséquent, l'inclusion de perspective
d'engagées dans les études et les récits est donc l'un des
enjeux cruciaux de ce dépassement. C'est l'approche qui est
privilégiée par exemple par Callandre-Barat, 2013, qui font la
part belle à la micro-histoire et au dépouillement de
correspondances dans leurs études48(*).
On aperçoit ainsi la même évolution
historiographique dans l'étude du phénomène de l'engagisme
et dans la perspective genrée de cette analyse : au
départ,le discours présente l'engagisme comme une
opportunité d'émancipation et de liberté, puis ce point de
vue est remis en cause au regard des violences et conditions de vie
déplorables des engagés et notamment des femmes. Enfin, les
analyses plus récentes conduisent à nuancer ces positions en se
reposant sur la micro-histoire et en mettant l'accent sur les
différences d'expériences en fonction de la période et des
employeurs.
CONCLUSION
L'étude historiographique du phénomène de
l'engagisme est cruciale car elle permet de mieux comprendre la
réalité qui a été celle des Indiens de La
Réunion, et par extension la réalité actuelle de
l'île et de sa culture. L'engagisme a constitué un tournant non
seulement démographiquemais également cultureldans l'histoire de
La Réunion. Le nombre important de ces engagés a eu des
conséquences énormes sur la cultureet a contribué à
tisser des liens forts avec l'Inde avec le temps49(*). Cela signifie qu'une
compréhension holistique des incidences culturelles et sociologiques de
l'engagisme aujourd'hui ne peut se passer de l'examen des histoires des
engagées, puisqu'elles ont contribué à façonner la
manière dont La Réunion pense et conçoit son passé.
Finalement, la mobilisation d'une lecture genrée constitue une
manière de dépasser la binarité des
analysesprésentées ci-dessus, mais surtout de constituer un
apport significatif aux épistémologies subalternes en histoire.
Cette étude a permis de faire écho à
l'étude du phénomène global de l'engagisme à
travers les différents courants historiographiques et notamment les
subaltern studies. Pour toutes ces interprétations historiques,
la conclusion est la même : de nouveaux courants tendent à
nuancer ce qui ressort d'une vision héritée du passé
colonial et d'une autre vision postmoderniste qui prend le contre-pied en
donnant l'image d'une histoire chaotique dans laquelle les engagés
auraient été de véritables esclaves
déguisés. Au niveau du genre, l'historiographie de l'engagisme a
été façonnée par deux grilles d'analyses
similaires :l'une victimisatrice,qui insiste sur les marges de manoeuvre
nulles des femmes engagées, l'autre reprise de certaines
rhétoriques coloniales mettant en avant l'aspect émancipateur et
libérateur de l'engagisme pour les femmes.In fine, la dualité de
discours et de rhétoriques mobilisées est
révélatrice d'analyses fortement influencées par la
rhétorique coloniale et par le discours post-colonial.
L'étude de l'engagisme permet donc de contribuer aux
épistémologies historiographiques subalternes dans la mesure
où elle conduit à les dépasser. L'idée est de
pouvoir trouver une nuance entre des versions binaires de l'histoire dont l'une
a été favorable aux empires coloniaux et l'autre à la
défense des minorités et des communautés
vulnérables, comme on le voit avec les historiens post-colonialistes et
les penseurs postmodernistes. La remise en cause des rapports de domination ne
doit pas conduire à appréhender un phénomène par
son extrême opposé.
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L'Harmattan, 2002.
ANNEXES
Annexe 1 - Passeport d'un
engagé chinois
Annexe 2 - Photos d'engagés - Lazaret Grande Chaloupe
* 1 Marimoutou-Oberlé,
Michèle. Les engagés du Sucre. Saint-Denis :
L'Harmattan, 2004.
* 1Callandre, Florence et Barat,
Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à
Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50,
2013, p. 1.
* 2Chummun, Divisha. Le
trauma de l'esclavage à l'engagisme : une réécriture des
géographies du corps humain et de l'espace. Boston : Boston
University, 2018, p. 103.
* 3 Singaravélou, Pierre.
Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle).
Paris : Editions Points, 2013, p. 125.
* 4 Foucault, Michel. Michel
Foucault:De la guerre des races au biopouvoir. Cités, 2.
Paris : PUF, 2000.
* 5Samaddar Ranabir propose une
explication plus détaillée dans son article « Lire
Foucault à l'ère post-coloniale », paru dans la
revue Actuel Marx en 2010.
* 6Marimoutou-Oberlé,
Michèle. Les engagés du Sucre. Saint-Denis :
L'Harmattan, 2004.
* 7Tinker, Hugh. A New
System of Slavery: the export of Indian Labour Overseas, 1830-1920.
Oxford: Oxford University Press, 1974.
* 8Loza, Léna.
L'engagisme indien au féminin : entre tradition et
modernité ? ILCEA, 2019.
* 9Weber, Jacques.
L'émigration indienne à la Réunion : «contraire
à la morale» ou «utile à l'humanité». In
Maestri, Edmond. Esclavage et abolition dans l'Océan Indien,
1723-1860, p. 309-328. Paris: L'Harmattan, 2002, p. 54.
* 10 Singaravélou,
Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème
siècle). Paris : Editions Points, 2013.
* 11Surun, Isabelle. Les
sociétés coloniales aÌ l'âge des empires,
1850-1960. Paris : Atlande, 2012.
* 12Surun, Isabelle. Les
sociétés coloniales aÌ l'âge des empires,
1850-1960. Paris : Atlande, 2012.
* 13 Singaravélou,
Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème
siècle). Paris : Editions Points, 2013.
* 14Singaravélou,
Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème
siècle). Paris : Editions Points, 2013.
* 15Callandre, Florence et
Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et
à Rodrigues. Études océan Indien, no
49-50, 2013, p. 1.
* 16Stanziani, Alessandro.
Les métamorphoses du travail contraint. Paris : Presses de
Sciences Po, 2020.
* 17Surun, Isabelle. Les
sociétés coloniales aÌ l'âge des empires,
1850-1960. Paris : Atlande, 2012.
* 18Loza, Léna.
L'engagisme indien au féminin : entre tradition et
modernité ? ILCEA, 2019, p. 2.
* 19Surun, Isabelle. Les
sociétés coloniales aÌ l'âge des empires,
1850-1960. Paris : Atlande, 2012.
* 20Loza, Léna.
L'engagisme indien au féminin : entre tradition et
modernité ? ILCEA, 2019, p. 1.
* 21Stanziani, Alessandro.
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l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement
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* 22Stanziani, Alessandro.
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* 23Carter, Marina et
Torabully, Khal. Coolitude: An Anthology of the Indian Labour
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* 24Ramsamy-Nadarassin,
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* 27Chummun, Divisha. Le
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* 30Ramsamy-Nadarassin,
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Réunion (1848 - 1948)?: entre le retour programmé et le
début des intégrations. La Réunion :
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* 31Ramsamy-Nadarassin,
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Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et
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* 33Callandre, Florence et
Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et
à Rodrigues. Études océan Indien, no
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* 34Ramsamy-Nadarassin,
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Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 50.
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l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement
Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 58.
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and Guyana, 1845-1917. Amherst.: University of Massachusetts, 1997, p.
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* 41Chatterjee, Sumita.
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and Guyana, 1845-1917. Amherst.: University of Massachusetts, 1997.
* 42Loza, Léna.
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* 43Emmer, Pieter
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* 44 Singaravélou,
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siècle).Paris : Editions Points, 2013.
* 45Tinker, Hugh. A New
System of Slavery: the export of Indian Labour Overseas, 1830-1920.
Oxford: Oxford University Press, 1974.
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* 47Look Lai, Walton.
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Labour, Indian Women and Colonial Discourse. South Asia
Research, vol. 16, n° 1, p. 61-76, 1996.
* 48Callandre-Barat, Florence.
Archipels Créoles de l'océan Indien : Dynamique de La Rencontre
Interculturelle et de La Créolisation. Études Océan
Indien, no 49-50, 2013, p. 26.
* 49Chummun, Divisha. Le
trauma de l'esclavage à l'engagisme : une réécriture des
géographies du corps humain et de l'espace. Boston : Boston
University, 2018.
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