CHAPITRE I- INTRODUCTION
1.1- Problématique
Haïti est l'un des plus grands consommateurs de riz (en
termes de consommation per capita) de la région Amérique latine
et des Caraïbes, avec une consommation totale annuelle de 565 000 tonnes
de riz paddy (MARNDR, 2015). On estime à environ plus de 100 000
familles qui dépendent de la production rizicole pour leur survie et
à plus de 10% de la population totale qui dépendent directement
de la filière rizicole pour gagner un revenu (riziculteurs mais aussi
ouvriers agricoles, fournisseurs d'intrants et de services, marchandes)
(Dimanche, 2017).
Cependant, la production nationale en riz est en baisse depuis
plusieurs décennies. Après avoir culminé 160 000 tonnes de
riz paddy dans les années 90, elle ne dépasse pas aujourd'hui les
111 141 tonnes, soit environ 20% du volume de riz consommé au niveau
national (MARNDR/FAO, 2011 ; FEWSNET, 2020). Le solde entre la production et la
consommation est couvert par des importations, en provenance principalement des
Etats-Unis, pour une valeur estimée environ à 200 millions
dollars annuellement (FEWSNET, 2020).
Conscient de l'importance du riz dans la diète
alimentaire haïtienne et de son quota dans les importations du pays depuis
la fin des années 90, les autorités du Ministère de
l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural
(MARNDR) ont décidé d'encourager la production nationale à
travers la subvention des engrais minéraux. La consommation d'engrais au
cours de ces dernières années est en constante augmentation. Les
quantités utilisées sont passées de 15 000 tonnes entre
2004 et 2008 à 32 000 tonnes entre 2008 et 2009, puis à 50 000
tonnes en 2011 (MARNDR/PSF, 2011). La plus grande partie est utilisée
dans la vallée de l'Artibonite qui compte 32 000 hectares
irrigués (BID, 2009). Ces interventions ont réussi à faire
passer le rendement-grain de 2.9 tonnes/ha (FAO, 1994) à 3.5 tonnes/ha
(Louissaint et Duvivier, 2003 ; Duvivier et al., 2006 ; Louis, 2009).
Toutefois, des travaux de recherche sur la réponse du riz,
variété TCS-10, à la fertilisation azotée dans la
vallée de l'Artibonite ont montré qu'il n'y a pas d'augmentation
du rendement-grain à l'hectare au-delà de 75 kg/ha d'azote
(Louissaint et Duvivier, 2005 ; Orélien 2008). Les auteurs ont
recommandé que les agriculteurs n'utilisent pas des doses d'azote
supérieures à 75 kg/ha. Les recommandations n'ont pas
été vulgarisées et les agriculteurs continuent d'appliquer
des doses d'azote allant jusqu'à 150 kg/ha ou plus.
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Selon une étude menée au niveau de la
vallée de l'Artibonite par Knowles et al (1999), sans toutefois
effectuer des analyses chimiques précises, ils ont conclu que les
risques de pollution des eaux de surface de cette région sont
très élevés par rapport à l'utilisation
non-contrôlée des engrais chimiques. Il en résulte que
l'utilisation d'engrais et de pesticides chimique démesurée dans
la vallée de l'Artibonite corolaire à une intensification
grandissante de la riziculture, pourrait avoir de grave implication
environnementale tant sur la santé publique que sur la faune vivant
à l'intérieur et en aval de la vallée.
Par contre, faute de données précises sur
l'évolution de la teneur en résidus chimiques des eaux de surface
au niveau de la vallée de l'Artibonite, le Ministère de
l'Environnement d'Haïti, n'a envisagé aucune mesure visant la
protection des sources, des espèces aquatiques continentales et
halieutiques face au risque élevé éventuel de pollution
dû à l'utilisation excessive de fertilisants chimiques. Par
ailleurs, on remarque que ces risques de pollution ne retiennent pas
également l'attention des organismes de développement, qui,
s'entêtent davantage à intensifier la riziculture pour assoiffer
la demande d'une population en pleine croissance exponentielle. De ce fait, il
est envisageable de conduire une étude pour faire un état des
lieux sur les teneurs des engrais chimiques dans les eaux de surface de la
vallée de l'Artibonite.
1.2- Justification
Selon l'approche holistique de l'agriculture d'aujourd'hui,
l'utilisation d'intrants chimiques est essentielle pour avoir de hauts
rendements. Toutefois, bien que nécessaire pour assouvir les besoins
alimentaires d'une population humaine grandissante, les intrants chimiques sont
à la base directement ou indirectement de nombreux préjudices
environnementaux connues aujourd'hui. Cette problématique a tellement
suscité l'intérêt global que l'Organisation des Nations
Unis (ONU) l'ont consacrées l'un de ces objectifs de
développement durable soit l'ODD 14, qui plaide pour une meilleure
gestion des écosystèmes et une gouvernance plus efficace des
océans.
Au niveau de la vallée Artibonite, à cause d'une
utilisation à outrance, les engrais chimiques sont
considérés comme élément palliatif à
l'insécurité alimentaire endémique du pays, embraient
cette région vers un désastre écologique. La vallée
de l'Artibonite, la plus grande aire de production du riz en Haïti, est
irriguée par le plus grand fleuve de l'ile d'Haïti, soit le fleuve
Artibonite (MARNDR, 2012). Ce dernier, partant de la République
Dominicaine serpente plus de
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830 km pour enfin se déverser dans l'aval de la
vallée de l'Artibonite. Le fleuve Artibonite est l'élément
central autour duquel est organisée la vie économique au niveau
de cette vallée : pêche, lessive, transport, arrosage, etc. Les
applications d'engrais qui se font de manière démesurée,
en dehors des recommandations scientifiques, mettront en puéril toutes
les formes de vie qui dépendent de la vallée pour leurs
conditions existentielles en cascade.
Pour pouvoir effectuer une plaidoirie en faveur d'un usage
plus rationnel des engrais chimiques dans la vallée de l'Artibonite et
des risques de pollution qui lui sont corolaires, il est crucial d'avoir un
état des lieux de la situation. Ainsi, cette étude se propose
d'évaluer la concentration en quelques nutriments des eaux de surface
à différents niveaux de la vallée de l'Artibonite. De
cette étude, des données primaires quantitatives seront
émergées, sur lesquelles devraient assoir des réflexions
solides pour l'élaboration de plans de contingence pour réduire
les risques de pollution tout au long de la vallée et de rationner
l'utilisation des engrais chimique dans cette aire.
1.3- Objectifs
Objectif général
L'objectif principal de cette recherche est de réaliser
un état des lieux sur les risques de pollution dus aux fertilisants
inorganiques au niveau de la vallée de l'Artibonite.
Objectifs Spécifiques
Cette étude vise spécifiquement à :
- Analyser la teneur en azote des eaux de surface au niveau de la
vallée de l'Artibonite
- Déterminer les doses d'azote, de phosphores et de
potassiums appliqués
- Analyser la relation entre le rendement et les doses d'engrais
inorganiques appliquées.
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