Promotion Jean-Paul II Année académique :
2020/2021
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D'AFRIQUE
CENTRALE
INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDÉ
FORMATION CONTINUE
Executive MBA Management Stratégique
STRATÉGIE D'ÉLIMINATION DU
TRACHOME
COMME PROBLÈME DE SANTÉ
PUBLIQUE
DANS UNE ZONE D'INCERTITUDE :
CAS DU DISTRICT DE SANTÉ DE KOLOFATA
AU CAMEROUN
Présenté et soutenu publiquement
par M. TOUKO SIANI Patrick Gérard
Médecin de Santé Publique
Sous la direction de
Pr Pierre Jonathan BIKANDA
Pour l'obtention du
Executive MBA Management Stratégique
SOMMAIRE
Pages
SOMMAIRE i
DÉDICACES ii
REMERCIEMENTS iii
RÉSUMÉ iv
SIGLES ET ABRÉVIATIONS v
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 : LE TRACHOME : UNE MALADIE TROPICALE
NÉGLIGÉE 2
CHAPITRE 2 : LE TRACHOME : UN PROBLÈME DE
SANTÉ PUBLIQUE 14
CHAPITRE 3 : DÉVELOPPEMENT THÉORIQUE ET
APPROCHE ANALYTIQUE ... 26
CHAPITRE 4 : DÉCISIONS ET ACTIONS
STRATÉGIQUES . 38
CONCLUSION . 50
BIBLIOGRAPHIE vi
TABLE DES MATIÈRES viii
DÉDICACES
- À la mémoire de NDIAH NZEUTCHUI TOUKO
Gérard, Primus inter pares, à plus d'un titre ;
- À ma Famille ;
- Au Cameroun, mon berceau par mes
ancêtres.
REMERCIEMENTS
Au Seigneur Dieu Tout Puissant,
Au Directeur de la Formation Continue et toute son
équipe, Au corps enseignant de la Formation Continue,
À la Promotion Jean Paul II du Executive MBA
Management Stratégique, avec qui je partage cette pensée du Pape
Jean Paul II : « C'est par le travail que l'Homme doit se procurer le pain
quotidien et contribuer au progrès continuel des sciences et de la
technique, et surtout à l'élévation constante, culturelle
et morale, de la société dans laquelle il vit en
communauté avec ses frères », Laborem
exercens, 1981.
Aux membres du jury qui nous feront l'honneur
d'apprécier ce modeste travail.
RÉSUMÉ
Le trachome est considéré comme un
problème de santé publique au Cameroun. Le Plan National
d'Élimination du Trachome a pour objectif principal l'élimination
du trachome comme cause de cécité dans tous les DS
endémiques du Cameroun.
Concernant le DS de Kolofata, le processus
d'élimination du trachome fait face à un certain nombre de
contraintes notamment l'insécurité et les risques humains, le
déplacement des populations, et le défaut dans l'accès aux
soins de santé.
L'analyse de ces éléments fait ressortir
trois problèmes principaux : l'apparition de nouveaux cas de la maladie
dans le DS, la présence d'un nouveau foyer de la maladie dans le camp
des déplacés de Mora, et le retard par rapport à l'agenda
d'élimination du trachome au Cameroun.
Les décisions stratégiques sont la
cartographie du DS de Kolofata et du camp des déplacés de Mora,
la planification des activités de traitement de masse et de chirurgie du
TT, et l'actualisation de l'agenda d'élimination. La stratégie
CHANCE de l'OMS sera développée.
L'amélioration du cadre de vie dans une
communauté concourt à faire reculer la prévalence du
trachome actif, et ainsi à parfaire la vue des générations
futures.
Mots clés : Trachome -
Élimination - Santé publique - Kolofata - Cameroun.
ABSTRACT
Trachoma is considered as a public health problem in
Cameroon. The National Trachoma Elimination Plan main objective is the
elimination of trachoma as a cause of blindness in all endemic HD in
Cameroon.
Regarding the Kolofata HD, the process of trachoma
elimination faces a number of constraints including insecurity and human risks,
displacement of populations, and lack of access to health care.
The analysis of these elements brings out three main
problems: the appearance of new cases of the disease in the HD, the presence of
a new focus of the disease in the camp for displaced persons of Mora, and the
delay in relation to the Cameroon's trachoma elimination agenda.
The strategic decisions are mapping the Kolofata HD
and Mora IDP camp, planning mass treatment and TT surgery activities, and
updating the elimination agenda. The WHO SAFE strategy will be
developed.
Improving the living environment in a community helps
reduce the prevalence of active trachoma, and thus improves the eyesight of
future generations.
Keywords : Trachoma - Elimination - Public
health - Kolofata - Cameroon.
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
- CHANCE : CHirurgie, Antibiothérapie, Nettoyage
du visage, Changement de
l'Environnement
- COVID - 19 : Corona Virus Disease 2019
- DS : District de Santé
- HBM : Health Belief Model
- HKI : Helen Keller International
- ITI : Initiative Internationale contre le
Trachome
- OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
- ONG : Organisation Non Gouvernementale
- OSF : Ophtalmo Sans Frontières
- PNET : Plan National d'Élimination du
Trachome
- PNLCé : Programme National de Lutte contre la
Cécité
- RCA : République Centrafricaine
- TF : Trachome Folliculaire
- TT : Trichiasis Trachomateux
- WASH : eau, assainissement et
hygiène
INTRODUCTION
Le trachome résulte de l'infection de l'oeil
par une bactérie appelée Chlamydia trachomatis. Cette infection
se transmet de personne à personne, le plus souvent d'un enfant à
un autre ou d'un enfant à sa mère, dans un contexte de
pénurie d'eau, de promiscuité, d'absence d'hygiène
individuelle et collective. L'absence - ou la non utilisation - des latrines et
la mauvaise gestion des déchets domestiques et animaux rendent propice
la prolifération des mouches qui sont des vecteurs passifs de la
maladie.
Le trachome est considéré comme un
problème de santé publique au Cameroun. Des enquêtes de
prévalence menées dans les régions de l'Extrême-Nord
et du Nord ont permis de confirmer l'endémicité de la maladie.
Cette confirmation a suscité la prise de conscience des acteurs de
santé aux niveaux national et international, et a conduit à
l'élaboration du Plan National d'Élimination du Trachome au
Cameroun. Ce plan a pour objectif principal l'élimination du trachome
comme cause de cécité dans les régions endémiques
du Cameroun.
La revue de la littérature sur le trachome au
Cameroun montre que celle ci s'est longuement appesantie sur l'estimation des
prévalences, la prise en charge des cas, les mesures de riposte et de
prévention de la maladie, sans toutefois véritablement innover
dans la perspective d'analyse. Trois principales approches se dégagent
des publications effectuées sur le trachome au Cameroun : une approche
épidémiologique à travers les différentes
enquêtes qui ont été mises en oeuvre sur le terrain, une
approche curative qui se traduit par les activités de chirurgie du TT et
de distribution de masse des médicaments, et une approche promotionnelle
qui renseigne sur les activités de nettoyage du visage et de changement
de l'environnement.
L'objectif de la présente étude est de
proposer une démarche nouvelle dans l'atteinte des objectifs
d'élimination du trachome comme problème de santé publique
au Cameroun, ceci dans une zone d'incertitude, qui sera
représentée par le DS de Kolofata. La mise en forme de cette
démarche passera par la description du contexte d'action et
l'identification des principaux acteurs et enjeux. L'analyse stratégique
de la situation permettra d'adopter un arbre décisionnel ainsi que des
actions envisageables par rapport au problème posé.
Le développement d'une telle approche devrait
contribuer à apporter des éléments de réponse
à la question de recherche, et offrir de nouvelles perspectives et des
clés de compréhension à la problématique de
l'élimination du trachome comme problème de santé publique
au Cameroun.
CHAPITRE 1 : LE TRACHOME, UNE MALADIE TROPICALE
NÉGLIGÉE I- CONTEXTE DE LA MALADIE
Le trachome est l'une des principales causes de
cécité évitable dans le monde. Il fait partie du groupe
des Maladies dites Tropicales Négligées (MTN) qui concerne
près d'un milliard de personnes dans le monde. La caractéristique
de ces maladies est de toucher les populations pauvres d'une part et d'autre
part d'être négligées par les responsables politiques, les
chercheurs et la communauté internationale.
Le trachome est une affection oculaire contagieuse.
Les symptômes commencent par une légère démangeaison
et une irritation des yeux et des paupières. Ils peuvent évoluer
jusqu'à entrainer une vision floue et des douleurs oculaires. Les
antibiotiques permettent le traitement à un stade
prématuré de la maladie. À un niveau plus avancé,
une intervention chirurgicale est nécessaire. L'accès à
l'eau propre et la présence des conditions sanitaires adéquates
sont essentiels pour prévenir la maladie.
L'infection débute souvent durant l'enfance, et
devient chronique par la suite, notamment en cas d'infestations multiples, et
si aucune action médicale et des mesures d'amélioration de
l'hygiène individuelle et collective ne sont pas entreprises. Le
trachome provoque à la longue un retournement de la paupière vers
l'intérieur et les cils viennent frotter sur le globe oculaire, causant
des ulcérations au niveau de la surface de l'oeil et finalement des
cicatrices. Ces cicatrices entrainent une cécité
irréversible, généralement à un âge compris
entre 30 et 40 ans. On retrouve ainsi des adultes qui rendus à la fleur
de l'âge sont dorénavant réduits à leur plus simple
expression et incapables de subvenir à leurs besoins et à ceux de
leur famille.
D'après les estimations de l'OMS, le trachome
constitue la première cause de cécité d'origine
infectieuse. La cécité due au trachome est évitable, mais
une fois installée elle devient définitive. L'accent doit donc
être mis sur sa prévention. Le diagnostic précoce des cas,
associé à un traitement approprié empêchent
l'évolution vers les stades irréversibles.
Grâce à la stratégie CHANCE, l'OMS
et ses partenaires visaient l'élimination du trachome comme cause de
cécité dans le monde d'ici 2020. GET2020 représente un
élément d'une stratégie beaucoup plus large connue sous le
nom de «Vision 2020 : le droit à la vue », qui avait pour
objectif l'élimination de toute forme de cécité
évitable en 2020.
1. Aspects cliniques et épidémiologiques du
trachome
Dans les zones où le trachome est
endémique, la forme évolutive de la maladie est fréquente
chez les enfants d'âge préscolaire, avec des taux de
prévalence qui peuvent atteindre 60 à 90%. L'infection est moins
répandue à mesure que l'âge augmente.
La maladie est généralement
contractée lors d'une proximité étroite avec une personne
souffrant de la forme évolutive, et la famille est le principal
environnement de la transmission. Le système immunitaire peut vaincre un
épisode infectieux isolé, mais dans les communautés
d'endémie, les sujets se réinfectent
fréquemment.
Après des années d'infections
répétées, l'intérieur de la paupière peut se
couvrir de tissus cicatriciels (cicatrices conjonctivales) au point que son
bord se retourne vers l'intérieur et que les cils frottent contre la
cornée (trichiasis), ce qui provoque une douleur constante et une
intolérance à la lumière. Ces altérations oculaires
peuvent provoquer l'apparition de cicatrices sur la cornée. Faute de
traitement, cette affection conduit à la formation d'opacités
irréversibles puis à l'apparition de déficiences visuelles
et de la cécité ; ceci se situe généralement dans
l'intervalle d'âges compris entre 30 et 40 ans.
Il existe 5 stades cliniques d'évolution du
trachome selon la classification simplifiée de l'OMS :
- Stade 1 : inflammation trachomateuse folliculaire
(TF). Présence d'au moins 5 follicules sur la conjonctive de la
paupière supérieure (conjonctive tarsale). Les follicules sont
des protubérances blanches, grises ou jaunes, plus pâles que la
conjonctive voisine.
- Stade 2 : inflammation trachomateuse intense (TI).
La conjonctive de la paupière supérieure est rouge, rugueuse,
épaissie. Les vaisseaux sanguins, habituellement visibles, sont
masqués par une infiltration inflammatoire diffuse ou par des
follicules.
- Stade 3 : cicatrice trachomateuse (TS). Les
follicules disparaissent progressivement, laissant place à des
cicatrices : lignes, bandes ou plages blanches sur la conjonctive de la
paupière supérieure.
- Stade 4 : trichiasis trachomateux (TT). Les
cicatrices multiples entraînent une rétraction de la
paupière (entropion) ; les cils dévient vers l'intérieur
de l'oeil, frottent contre la cornée, provoquent des ulcérations
et une inflammation chronique.
- Stade 5 : opacité cornéenne (CO). La
cornée devient progressivement opaque, entrainant une baisse de
l'acuité visuelle ou une cécité.
L'âge auquel ces problèmes surviennent
dépend de plusieurs facteurs dont l'intensité de la transmission
locale. Dans les communautés de forte endémie, ils peuvent
apparaître dès l'enfance, mais leur développement entre 30
et 40 ans est plus typique.
Ces déficiences visuelles (y compris la
cécité) aggravent les difficultés des individus et de leur
famille, qui figurent déjà parmi les plus pauvres. Les femmes
sont jusqu'à 4 fois plus touchées que les hommes, probablement
parce qu'elles sont davantage en contact avec les enfants
infectés.
Les facteurs de risques environnementaux qui ont une
incidence sur la transmission de la maladie sont le manque d'hygiène, le
surpeuplement des habitations et la promiscuité, le manque d'eau, le
manque de latrines et de moyens d'assainissement.
Le trachome est endémique dans un grand nombre
des régions parmi les plus pauvres et les plus rurales de 41 pays
d'Afrique, d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud, d'Asie,
d'Australie et du Moyen-Orient. Il est responsable de déficiences
visuelles et de cécité chez près de 2 millions de
personnes. Cela représente près de 1,4% de la totalité des
cas de cécité dans le monde.
Dans l'ensemble, l'Afrique reste le continent le plus
touché et celui où les efforts de lutte sont les plus intensifs.
En 2016, dans les 26 pays de la région africaine de l'OMS où l'on
sait que le trachome est un problème de santé publique, plus de
247.000 cas de trichiasis ont été opérés. Ce qui
signifie que 95 % des interventions dans le monde ont eu lieu dans cette
région. En outre, 83 millions de personnes ont été
traitées par antibiotique en 2016, ce qui représente 97 % du
total mondial des cas de trachome traités.
Au 1er juillet 2017, 10 pays (Cambodge, Chine, Ghana,
Maroc, Mexique, Myanmar, Oman, République d'Iran, République
démocratique populaire du Laos et Viet Nam), avaient
déclaré avoir atteint les objectifs de l'élimination du
trachome en tant que problème de santé publique, ce qui
représente une étape majeure dans la campagne menée pour
éliminer cette maladie.
L'insuffisance de développement
économique est un facteur favorisant la survenue des déficiences
visuelles. C'est pourquoi, les programmes de prévention et de soins
oculaires ne
L'élimination du trachome en tant que
problème de santé publique se définit comme suit : la
prévalence du TT inférieure à 0,2% des adultes
âgés de plus de 15 ans (soit moins de 2 cas pour 1.000 habitants),
et la prévalence de l'infection trachomateuse folliculaire
inférieure à 5% chez les enfants âgés de 1 à
9 ans.
L'élimination du trachome comme problème
de santé publique dans un pays est la résultante de la soumission
et de la validation d'un dossier d'élimination auprès des
instances de l'OMS. Le dossier d'élimination du trachome est un ensemble
de document qui renseigne sur les progrès accomplis par le pays vers
l'atteinte des cibles d'élimination de la maladie. Le dossier doit
comporter les informations requises dans le modèle établi par
l'OMS.
2. Répercussions sociale et économique du
trachome
L'analyse de la distribution mondiale des
déficiences visuelles rapporte une prévalence plus
élevée dans les pays en voie de développement. Les
cécités évitables les plus fréquentes dans ces pays
sont la cataracte et le trachome.
Si certains enfants souffrant du trachome actif se
plaignent de douleurs oculaires, de sécheresse ou de sensation de sable
dans les yeux, la plupart d'entre eux n'imagine pas souvent être
infectée. Dans la majorité des cas, le trachome actif est
méconnu et n'est pas traité. Par contre, le TT est une affection
grave qu'il est impossible d'ignorer.
Le TT est habituellement reconnu des populations. Il
existe habituellement dans la langue locale de la région
d'endémicité un vocable pour le désigner. En
général dans la communauté, bien des croyances
traditionnelles sont invoquées pour expliquer pourquoi les populations
souffrent du TT. Mais le rapprochement n'est pas toujours fait entre ce
problème des yeux qui semble pourtant peu grave chez l'enfant, et toute
l'horreur du TT et de la cécité chez l'adulte.
La prévalence du trachome reflète
différentes caractéristiques (accès à l'eau,
habitat, éducation, hygiène...) essentielles au
développement humain. Une prévalence élevée
révèle immanquablement les conditions de vie
particulièrement difficiles d'une communauté. De ce point de vue,
la prévalence du trachome apparaît comme un indicateur très
spécifique du développement humain.
devraient pas seulement s'intéresser à
l'élimination de la cécité évitable, mais aussi
à un développement économique concomitant. Le coût
de la réhabilitation et des soins apportés aux déficients
visuels est le plus apparent. Mais les coûts indirects résultant
des pertes de productivité sont moins apparents mais tout aussi
importants.
Le trachome sévit dans les communautés
défavorisées où les conditions de vie sont
précaires. La fréquence du trachome chez les enfants apparait
inversement liée à la scolarisation. Les pays où le
trachome actif est le plus fréquent sont ceux où le taux de
scolarisation des enfants sont les plus bas et où peu d'adultes savent
lire et/ou écrire.
La personne déficiente visuelle et sa famille
font face à d'importantes contraintes sociales. Directement et
indirectement les déficiences visuelles interfèrent avec diverses
activités quotidiennes. Chez les adultes les possibilités
d'emploi d'un déficient visuel sont très limitées, leur
participation à un grand nombre d'activité est
sérieusement entravée. À cela s'ajoute une perte du statut
social et d'estime de soi. Ces implications physiques et psychosociales des
déficiences visuelles diminuent la qualité de vie des aveugles et
de leurs familles.
Pour les investisseurs, l'élimination du
trachome pourrait représenter une opportunité dotée de
retours sur investissement considérables. Préserver la vue d'une
personne atteinte de TT nécessite une simple opération
chirurgicale de la paupière qui peut être pratiquée dans un
centre de santé local. Les activités des programmes comprenant la
distribution d'antibiotiques, l'éducation, l'accès à l'eau
et à l'assainissement ont un impact positif allant bien au-delà
d'objectifs ultimes « propres au trachome ». Certains qualifient
l'élimination du trachome « d'initiative offrant le meilleur
rapport qualité-prix » en termes de
développement.
3. Politiques de prévention et de lutte contre le
trachome
La stratégie CHANCE adoptée par l'OMS en
1993 comprend 4 volets:
· CH : la chirurgie pour traiter le stade
cécitant de la maladie. L'acte chirurgical permet de rectifier et de
corriger les cils palpébraux rétrovertis des patients souffrant
de TT.
· A : les antibiotiques sont utilisés
dans le traitement du trachome actif. Ils permettent également de
réduire le réservoir de virus dans la communauté. Dans le
cadre d'une administration massive, ils sont donnés par le fabricant au
programme national par l'intermédiaire de l'Initiative Internationale
contre le Trachome (ITI).
· N : le nettoyage du visage. Un visage sale est
fortement associé à la transmission du trachome actif. En effet,
les enfants dont les visages sont sales sont davantage susceptibles de
transmettre le trachome s'ils ont une infection active, ou d'être
contaminés s'ils ne sont pas infectés. Les
sécrétions oculaires et nasales attirent les mouches qui
cherchent à se poser sur les yeux, et qui peuvent transmettre
l'infection à d'autres personnes. En se frottant les yeux avec des
serviettes, des draps ou le foulard de la mère, on risque
également de transmettre le trachome. Une des priorités des
programmes de lutte contre le trachome consiste à communiquer
l'idée qu'il faut prendre pour habitude de toujours garder propre le
visage de l'enfant.
· CE : le changement de l'environnement. Le
trachome persiste dans des environnements où le surpeuplement
côtoie la pauvreté, le manque d'infrastructures de base pour
l'approvisionnement en eau, l'assainissement et l'élimination des
déchets. Cette maladie continuera à se répandre dans de
tels endroits, et y reviendra même après un traitement à
base d'antibiotiques, si de telles conditions ne changent pas. Ce volet
revêt un caractère impératif dans toute lutte soutenue
contre le trachome et, nécessite la collaboration d'autres secteurs
comme l'éducation, l'eau, l'habitat, l'environnement, le
développement rural.
En 1996, l'OMS a lancé l'alliance pour
l'élimination mondiale du trachome d'ici 2020. Il s'agit d'un
partenariat qui soutient la mise en oeuvre de la stratégie CHANCE et le
renforcement des capacités nationales à travers
l'évaluation épidémiologique, le suivi, la surveillance de
la maladie, l'évaluation des projets menés et la mobilisation de
ressources. La plupart des pays endémiques ont convenu
d'accélérer la mise en oeuvre de cette stratégie afin
d'atteindre leurs objectifs respectifs en matière d'élimination
d'ici 2020.
L'élaboration d'un plan d'action contre le
trachome est le résultat d'une recommandation de la réunion de
l'Alliance de l'OMS pour l'élimination mondiale du trachome
cécitant d'ici l'an 2020 (GET 2020) qui s'est tenue à
Genève en 2011. Celle-ci reconnaissait la nécessité pour
les pays de tracer leur voie vers l'élimination du trachome. Pour
atteindre l'objectif du GET 2020, une planification adaptée au contexte
et une réflexion stratégique sont nécessaires.
Le véritable défi pour mener une lutte
continue et soutenue contre le trachome est d'ouvrir les yeux aux populations
pour qu'elles puissent apprécier le lien entre une bonne hygiène,
un bon assainissement et de meilleures conditions de vie pour les enfants ;
ceci afin que leurs soit épargnée la terrible épreuve du
TT à l'âge adulte.
II- PROBLÉMATIQUE PRATIQUE DU TRACHOME AU
CAMEROUN
La problématique est la présentation
d'un problème qui soulève une interrogation qu'il faut
résoudre. De façon pratique, elle représente la question
à laquelle l'auteur d'une dissertation doit répondre par une
argumentation étayée.
1. Observations relatives à la lutte contre le
trachome au Cameroun
Au Cameroun, trois régions
(l'Extrême-Nord, le Nord et l'Adamaoua) présentent des similitudes
sur le plan géographique et culturel. Ce sont des zones à climat
chaud et sec avec une faible pluviométrie. L'hygiène individuelle
et celle de l'environnement y sont précaires et une forte influence des
habitudes culturelles dans ces zones entretiennent le cercle vicieux
d'insalubrité qui prédispose au trachome.
Les premières données sur la
prévalence du trachome au Cameroun proviennent de l'enquête
épidémiologique réalisée dans le DS de Kolofata en
2006 par OSF. La prévalence du trachome actif rapportée
était de 31,5% et celle du TT était de 3,5%.
Avec l'appui de USAID et de HKI, des enquêtes
à grande échelle ont été réalisées.
La première en 2010 dans 27 DS de la région de
l'Extrême-Nord, où 13 DS avaient des prévalences de
trachome actif chez les enfants de 1 à 9 ans supérieures à
10%, 4 DS étaient situées entre 5 et 9,9%. La deuxième
enquête a été mise en oeuvre dans 15 DS de la région
du Nord en 2011 où 3 DS (Poli, Rey Bouba, Tcholiré) avaient des
prévalences de trachome actif supérieures à 10%. La
troisième enquête a porté sur les 8 DS de la région
de l'Adamaoua ; le trachome s'y est révélé être non
endémique.
Au total à l'issue de ces enquêtes,
6.546.265 personnes étaient à risque de trachome au Cameroun,
soit le tiers de la population nationale. Il en ressort également qu'il
y aurait 23.387 personnes âgées d'au moins 15 ans atteintes du TT,
et 1.276 personnes de 15 ans et plus aveugles du fait du trachome, soit une
prévalence globale de la cécité de 0,02 %.
Cette forte prévalence du trachome actif a
donc conduit le Cameroun et ses partenaires internationaux (USAID/ITI/HKI,
Pfizer, Sightsavers, UNICEF) à mettre en oeuvre des traitements et des
activités de prévention dans tous les DS endémiques, ceci
par la mise en oeuvre en 2012 du Plan National d'Élimination du Trachome
(PNET).
La vision globale du PNET est de faire du Cameroun un
pays où le trachome n'est plus une cause de cécité, et
où les couches sociales les plus vulnérables vivent dans un
environnement sain, aspirant ainsi à la prospérité. Le but
du PNET était d'éliminer le trachome comme cause de
cécité dans les régions endémiques du Cameroun
d'ici à l'an 2020. Les objectifs spécifiques du PNET était
de deux ordres : réduire la prévalence du TF à moins de
5%, et réduire la prévalence du TT à moins de 0,2%, ceci
dans tous les DS endémiques.
En rapport à l'atteinte des objectifs du PNET,
un ensemble d'actions a été mis en oeuvre notamment :
· l'organisation dès 2011 des traitements
de masse à l'azythromicine dans les DS endémiques ;
· la mise en oeuvre dès 2014 des
enquêtes d'impact dans les DS ayant été traités
;
· l'arrêt en 2016 des activités de
distribution de masse des médicaments à la suite de l'atteinte
des seuils d'élimination lors des enquêtes d'impact ;
· le démarrage des activités de
chirurgie du TT dans les 2 régions endémiques ;
· le lancement des activités de promotion
de l'hygiène individuelle et de l'environnement à travers le
nettoyage du visage et l'assainissement du milieu.
Parallèlement à ces activités,
les 5 DS présentant des discordances lors des enquêtes de base (TF
< 5%, TT > 0,2%) ont bénéficié à partir de
2016 d'une enquête pour la recherche spécifique des cas de TT
(enquête TT only). Il s'agissait des DS suivants : Touboro, Mada,
Meiganga, Garoua 1 et Karhay. Les dernières enquêtes TT only ont
eu lieu dans 2 DS (Garoua 1 et Karhay) au courant de l'année
2019.
Dans la région de l'Est, le Cameroun est
frontalier avec la RCA, où en 2018 des DS étaient
endémiques au trachome. Le trachome étant une maladie
contagieuse, et du fait de la porosité de la frontière dans cette
partie du pays, une enquête sur le trachome a été mise en
oeuvre dans la région de l'Est Cameroun en décembre 2018.
Celle-ci a concerné les 6 DS de cette région qui sont frontaliers
avec ceux de la RCA, ainsi que les camps de réfugiés qui s'y
trouvaient.
Les résultats de cette enquête
rapportaient une prévalence du TF chez les enfants de 1-9
inférieure au seuil recommandé par l'OMS (5%) pour la
planification des traitements de masse. De même, la prévalence du
TT chez les adultes de 15 ans et plus obtenue dans 3 unités
d'évaluation était inférieure au seuil de 0.2%
recommandé pour l'organisation des campagnes de chirurgie de masse. Par
ailleurs, la prévalence de TT de 0.28% obtenue dans les camps
des
Une réflexion est en cours sur la
définition d'un plan d'action afin que les cas résiduels (ou
incidents) de TT soient pris en charge par le système de santé.
Ceci passe par le diagnostic des
réfugiés de Gadobadzere, Lolo, Mbile,
Timangolo et N'Garissongo impliquait l'organisation d'une campagne de prise en
charge chirurgicale des cas de TT dans ces camps. Les données d'une
unité d'évaluation n'avaient pas été
approuvées par Tropical Data du fait du remplacement inadéquat de
8 grappes dans cette unité d'évaluation pour des raisons
d'insécurité et d'inaccessibilité. Une enquête
complémentaire a été organisée pour
déterminer la prévalence dans les 8 grappes qui avaient
été remplacées.
Le Cameroun ayant atteint les critères
d'arrêt de traitement de masse et d'élimination de la maladie, des
activités de surveillance de la maladie ont été mises en
oeuvre. C'est ainsi qu'au courant de l'année 2019 une enquête de
surveillance du trachome s'est déroulée dans les 21 DS
précédemment endémiques. Il résultait de cette
enquête que 2 DS étaient encore endémiques dans la
région de l'Extrême-Nord. Il s'agissait de Goulfey et Makari, avec
des prévalences respectives de TF à 6,91% et 10,0%. Des
activités de distribution de masse d'antibiotiques se sont
déroulées dans ces 2 DS au courant des années 2020 et 2021
; celles ci devraient aboutir à l'atteinte des seuils
d'élimination dans ces 2 DS.
La partie méridionale du Cameroun compte 7
régions. La pluviométrie y est forte, et l'hygiène
individuelle et collective semble davantage maitrisée, par rapport aux 3
régions septentrionales. Les informations cliniques disponibles ne
rapportent pas des cas de trachome. Pour pouvoir affirmer l'élimination
du trachome dans tout le pays, il faudra démontrer la non
résurgence de la maladie dans les DS précédemment
endémiques, et la non existence de la maladie dans les 7 autres
régions. Pour ce faire, une enquête documentaire devra être
organisée dans ces régions. Celle-ci va consister en une revue
des registres de consultations et de soins dans les centres de soins
oculaires.
Dans le cadre de la définition d'une
stratégie de transition post élimination, un groupe de travail
sur le trachome, constitué des experts de la lutte contre le trachome a
été mis sur pied. Les objectifs de ce groupe de travail sont en
rapport avec le suivi et l'évaluation des différentes
activités de lutte contre le trachome, la proposition d'une approche
pour la mobilisation du financement des activités, et
la rédaction du document narratif sur les progrès accomplis par
le pays vers l'atteinte des cibles d'élimination de la
maladie.
cas, l'existence des structures sanitaires et des
intrants pour la prise en charge des cas, et le maintien d'une ressource
humaine compétente dans les DS précédemment
endémiques.
Rendu à ce stade, les challenges majeurs pour
l'atteinte de l'objectif d'élimination du trachome comme problème
de santé publique au Cameroun sont les suivants :
- Chirurgie du TT : arriérés des cas,
prise en charge des cas, TT post opératoires, cas incidents, maintien
d'une ressource humaine compétente.
- DS Kolofata : cartographie,
épidémiologie (incidence, prévalence) de la maladie,
insécurité, risques humains, déplacement des
populations.
- Enquête documentaire dans les 7 régions
méridionales.
Au Cameroun, la lutte contre le trachome et les autres
causes de cécité est assurée par le Ministère de la
Santé Publique à travers le Programme National de Lutte contre la
Cécité.
La cécité due au trachome est
évitable, mais une fois installée elle devient définitive.
La cécité est une déficience visuelle totale. Le terme
cécité vient du latin caecitas « perte de la vue ». On
qualifie une personne atteinte de cécité de personne
aveugle.
Le Programme National de Lutte contre la
Cécité (PNLCé)
Le PNLCé a été créé
le 08 janvier 2003 par décision du Ministre de la Santé Publique.
Il s'agit d'un programme prioritaire du Ministère de la Santé
Publique visant à réduire la prévalence de la
cécité et de la malvoyance. La gestion du PNLCé est
assurée au niveau national par le Comité National de Lutte contre
la Cécité (CNLC) et le Groupe Technique Central
Cécité (GTC-C), et au niveau régional par les
unités décentralisées.
Le CNLC a pour mission la définition des
grandes orientations et des objectifs généraux de la lutte contre
la cécité, ainsi que la mobilisation des ressources
nécessaires. À ce titre le CNLC est notamment chargé de
:
- élaborer et mettre en oeuvre la politique
nationale de lutte contre la cécité ;
- apprécier la cohérence de l'ensemble des
interventions des différents partenaires ;
- adopter les plans d'action annuels de lutte contre la
cécité et les budgets y afférents ;
- mobiliser les ressources nécessaires aux
activités de lutte contre la cécité ;
- coordonner et surveiller la mise en oeuvre des
différentes activités du PNLCé.
Les frais de fonctionnement du CNLC et de ses organes
sont supportés par le budget du Ministère de la Santé
Publique et éventuellement les contributions des partenaires. Le
coordonnateur du GTC-C assure le secrétariat du CNLC. Les
procédures internes de fonctionnement du CNLC sont fixées par
décision du Ministre de la Santé Publique.
Le GTC-C est l'organe exécutif du CNLC. A ce titre
il assure :
- la coordination et la gestion du PNLCé sur le
territoire national en collaboration avec
les administrations, les communautés, les
partenaires nationaux et internationaux ;
- la collecte, l'exploitation et la diffusion des
informations sur la cécité ;
- la préparation du plan d'action annuel
budgétisé des activités de lutte contre la
cécité ;
- la préparation des réunions, la
rédaction et la diffusion des procès verbaux ;
- la planification et la mise en oeuvre des
stratégies et activités arrêtées par le CNLC
;
- la gestion des fonds mis à la disposition du
PNLCé par l'État, les partenaires
nationaux et internationaux ;
- la coordination des activités de recherche et de
formation.
Il est en outre chargé :
- d'assurer le suivi-évaluation de la mise en
oeuvre du PNLCé ;
- d'assurer la gestion du personnel mis à la
disposition du Programme ; - de tenir la comptabilité
de ses opérations ;
- de rendre semestriellement compte au CNLC de toutes ses
activités ; - d'instruire tout dossier confié
à lui par le CNLC.
Le GTC-C est dirigé par un Coordonnateur National
assisté de deux Coordonnateurs Adjoints.
L'organisation et le fonctionnement du GTC-C sont
fixés par un texte particulier du Ministre de la Santé
Publique.
2. Identification du problème
Un problème, dans son acceptation la plus
courante, est une situation dans laquelle un obstacle empêche de
progresser, d'avancer ou de réaliser ce que l'on voulait faire. Un
problème nait ainsi lorsqu'il y a une différence entre
l'état des choses actuel et celui souhaité, ou lorsqu'il y a
anormalité. In fine, un problème représente une
difficulté qu'il faut résoudre pour obtenir un résultat,
une situation instable ou dangereuse exigeant une décision.
Comment surmonter les contraintes présentes
dans le DS de Kolofata, afin d'atteindre l'objectif d'élimination du
trachome comme problème de santé publique au Cameroun
?
Sous l'angle de la santé publique, BAUMANN et
GAO définissent le problème comme un « écart entre un
état de santé physique, mental, social constaté,
observé, exprimé et un état de santé
considéré comme souhaitable, défini par des
références médicales élaborées par des
experts, le législateur, et/ou des normes sociales
élaborées par des équipes, la société, etc
».
Un problème de santé publique apparait
donc, pour une communauté ou un groupe de personnes, comme la
différence critique entre l'état de santé réel,
mesuré par des indicateurs et l'état de santé
recommandé par des normes.
Le Cameroun a atteint les seuils d'élimination
du trachome dans les 21 DS initialement endémiques. Le DS de Kolofata
présente des particularités qui s'écartent de la norme, et
empêchent la soumission / validation du dossier d'élimination de
la maladie :
- Il n'a pas participé aux enquêtes de base
de 2010 dans la région de l'Extrême-Nord.
- Il n'a pas bénéficié d'une
enquête d'impact réalisée par le PNLCé ;
- Il n'a pas été éligible pour
l'enquête de surveillance de 2018 ;
- Les activités de la stratégie CHANCE n'y
sont pas mises en oeuvre depuis 2013 ;
- Les dernières prévalences du trachome n'y
sont pas en accord avec les seuils
d'élimination définis par
l'OMS.
Cet écart de la norme est favorisé par
les éléments tels que l'inaccessibilité aux soins
préventifs et curatifs due à l'enclavement du milieu, la
situation sécuritaire très précaire (présence de la
secte terroriste Boko Haram), le déplacement des populations. Ce
contexte favorise l'apparition de nouveaux cas de la maladie, et rend difficile
le contrôle de celle ci. Cette situation pourrait être à
l'origine d'importantes modifications dans le plan d'élimination du
trachome au Cameroun.
Il s'agira ici de trouver la bonne stratégie
afin de contourner cette zone d'incertitude. Une zone d'incertitude
désigne un espace de pouvoir que maitrise un acteur stratégique,
et qui fait l'objet d'enjeux, ou donne naissance aux stratégies des jeux
d'acteurs. À ce niveau, DUHAMEL aperçoit la stratégie
comme la manière d'atteindre le but fixé, la série
ordonnée dans le temps des réponses aux questions du type :
comment s'y prendre ?
3. Question de recherche
CHAPITRE 2 : LE TRACHOME, UN PROBLÈME DE
SANTÉ PUBLIQUE À KOLOFATA
I- ÉTUDE DE CAS : LE TRACHOME DANS LE DS DE
KOLOFATA 1- Présentation du DS de Kolofata
Le DS de Kolofata est situé dans
l'arrondissement de Kolofafa, département du Mayo Sava, région de
l'Extrême- Nord. L'arrondissement de Kolofata est limité
:
- Au Nord et à l'Ouest par la République
Fédérale du Nigeria et la Commune de Mora ; - Au Sud par la
Commune de Mozogo dans le Mayo Tsanaga ;
- A l'Est par la Commune de Mora.
La population totale du DS de Kolofata est de 77.857
habitants, suivant les résultats du 3ème Recensement
Général de la Population et de l'Habitat au Cameroun (2005). Elle
est composée de 39.414 hommes (soit 50,62%) contre 38.443 femmes (soit
49,38%).
La population de Kolofata essentiellement rurale, vit
de l'agriculture, l'élevage, le commerce et l'artisanat. Le climat y est
de type soudano sahélien avec une longue saison sèche de 7
à 9 mois, et une courte saison de pluies de 3 à 4 mois allant de
mai à juin, et de septembre à octobre.
Situation géographique de
Kolofata
Démographiquement, le DS est
caractérisé par un niveau économique bas. Environ 95% de
la population adulte est illettrée. Trois quarts de la population
adhèrent à l'Islam, le reste au christianisme et à
l'animisme. Il y a plusieurs langues et traditions ethniques indigènes.
Les groupes prédominants sont les Kanuris, les Mandaras, les Gemergous,
les Potokos, les Mafas, les Mukteles, les Arabes Choas, et les
Fulbes.
Géographiquement, le DS comprend une pleine
sableuse avec un bord montagneux au sud. Une minorité des villages est
approvisionnée en eau courante ; la plupart dépend des puits
à ciel ouvert, des forages, des cours d'eau qui sèchent
rapidement à la fin de la saison pluvieuse.
Le DS compte sept formations sanitaires, dont un
hôpital de district, deux centres de santé intégrés
confessionnels, et quatre centres de santé publics.
Le DS se définit comme l'unité
géographique opérationnelle pour l'offre des services de
santé de base aux populations. En théorie des organisations, la
notion de DS correspond à une forme d'organisation du travail
appelée départementalisation par output. Laquelle organisation
est basée sur le type de produit ou de service fournit par
l'organisation. Dans le cas du DS, le produit ou le service fournit est
constitué par les soins proposés.
2- Épidémiologie du trachome dans le DS de
Kolofata
Depuis la fin des années 90, le trachome
apparait comme un problème de santé et de développement
social dans le DS de Kolofata. La conjonctivite trachomateuse, et le trichiasis
sont des motifs fréquents de consultation. La pauvreté, le manque
d'eau, l'abondance des mouches, l'insuffisance d'hygiène et
d'assainissement, l'analphabétisation, et le climat chaud et sec ont
été identifiés comme des facteurs contribuant à
l'hyper endémicité de cette maladie.
Le Ministère de la Santé Publique
à travers le Service de Santé de District de Kolofata, et en
collaboration avec l'ONG Ophtalmo Sans Frontières, le Laboratoire
Théa en France, et l'Hôpital Quinze-Vingt à Paris, a
défini un plan de lutte contre le trachome dans ce DS. La
stratégie CHANCE définie par l'OMS a été
adoptée pour la lutte. Après les préparatifs aboutis en
2005, un programme intensif de sensibilisation des populations a
démarré en 2006 dans les villages et auprès des
autorités. Des affiches, des dépliants et d'autres
matériels éducatifs ont été créés et
mis à la disposition des différents acteurs. Des séances
d'information et de sensibilisation ont été tenues avec les
directeurs et les maitres des écoles publiques, et ensuite avec les
élèves de toutes les écoles publiques de la zone. La
formation du personnel médical, infirmier et communautaire a
commencé et a continué en cascade.
L'étude épidémiologique
menée dans le DS de Kolofata dans la Province de l'Extrême- Nord
en décembre 2006 visait à estimer les prévalences du
trachome folliculaire et du trachome inflammatoire chez les enfants de 1
à 9 ans, de l'entropion trichiasis et des opacités
cornéennes imputables au trachome chez les
femmes de plus de 14 ans. Le codage simplifié du trachome proposé
par l'OMS a été utilisé pour recueillir les
données.
Il s'est agi de la première enquête de
prévalence sur le trachome réalisée au Cameroun. Il
ressort de celle ci que chez les enfants de 1 à 9 ans la
prévalence du TF était estimée à 21%, et celle du
trachome inflammatoire intense (TF/TI) à 5,2%. Chez les femmes de plus
de 14 ans, la prévalence du TT était estimée à
3,4%, et celle des opacités cornéennes imputables au trachome
à 1,4%. La prévalence de la cécité imputable au
trachome était alors de 0,9%.
Une revue de la littérature relative à
cette étude montrait que le trachome était aussi prévalent
dans certains DS des pays voisins. Le faciès
épidémiologique mis en évidence dans cette enquête
était celui d'une endémie trachomateuse à fort potentiel
cécitant ; les prévalences du TT et celle des opacités
cornéennes imputables au trachome étaient
élevées.
Des campagnes de traitement de masse ont
été menées à 3 reprises, en 2008, 2009 et 2010. La
population entière du DS a été ciblée, et la
stratégie d'administration avec des gouttes d'Azyter (azithromycine)
matin et soir pendant 3 jours a été adoptée. Des
études de prévalence réalisées avant chaque
campagne de distribution ont montré que la prévalence a
chuté de 31,5% en 2008 à 6,3% en 2009 et à 3,1% en 2010.
Chaque personne dans le ménage a reçu 2 doses d'Azyter 1,5% dans
chaque oeil, 2 fois par jour pendant 3 jours, pendant 3 années
consécutives. Après les trois campagnes de traitement, les
activités de sensibilisation se sont poursuivies, l'approvisionnement en
points d'eau dans les villages a été renforcé.
Évolution de la prévalence du trachome
actif dans le DS de Kolofata
35,00%
31,50%
26,00%
6,30%
30,00%
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
3,10%
janv.-06 janv.-07 janv.-08 janv.-09 janv.-10
En janvier 2013, une enquête de
prévalence du trachome a été menée dans 41 villages
du DS. Une légère augmentation de la prévalence à
5,2% a été trouvée, par rapport au taux de 3,1% en 2010,
et 4 villages avaient un taux au-delà de 10%. Au vu de ces
résultats, il a été décidé de mener une
quatrième campagne de traitement de masse dans les zones les plus
touchées, c'est-à-dire celles qui avaient une prévalence
de TF supérieure ou égale à 5%.
L'objectif de cette campagne de traitement
antibiotique de masse était de traiter 19.555 personnes (15,3% de la
population) dans 18 villages, matin et soir pendant 3 jours. Les
résultats rapportaient que sur 19.555 personnes attendues, 19.112 (98%)
avaient été traitées.
Au vu de ce qui précède, lors de la
campagne de 2013, il ressort que seule une minorité de la population du
DS (14,93%) a bénéficié du traitement antibiotique de
masse. Il s'agissait uniquement des populations résidentes dans les
villages qui avaient un taux de prévalence supérieure ou
égale à 5%. Tout le DS n'a pas été traité
lors de cette activité.
3- Description des acteurs et enjeux dans la lutte contre
le trachome
Les acteurs sont des éléments qui
agissent dans un espace géographique. La théorie de l'acteur
stratégique a été élaborée par CROZIER et
FRIEDBERG. Elle stipule qu'il n'est pas possible de considérer que le
jeu des acteurs n'est déterminé que par la cohérence du
système ou par les contraintes environnementales. On doit chercher en
priorité à comprendre comment se construisent les actions
collectives à partir des comportements et d'intérêts
individuels parfois contradictoires entre eux.
Concrètement, l'acteur devra toujours s'abriter
entre deux grands objectifs : d'une part, un objectif d'autonomie,
c'est-à-dire une tendance à se soustraire au pouvoir d'autrui ;
d'autre part, un objectif d'action qui le pousse à développer ses
propres ressources pour pouvoir guider la conduite des autres acteurs. Dans les
deux cas, cela revient pour l'acteur à accroitre sa marge de
liberté afin de ne pas être soumis au bon vouloir d'autrui. Le but
de l'acteur stratégique devient donc de conquérir des marges de
liberté, indépendamment des motivations profondes de son
action.
Un enjeu est ce « ce qui est en jeu »,
quelque chose que l'on risque dans une compétition, une activité,
ou une situation vis-à-vis d'un aléa. C'est donc ce que l'on peut
gagner ou perdre en menant une action (ou en ne la menant pas). L'analyse des
besoins dans un territoire, de ses atouts et de ses limites, aboutit à
la définition des actions à mener, c'est-à-dire des
enjeux.
La description des acteurs et enjeux dans le cadre de
l'élimination du trachome dans le DS de Kolofata va consister en un
passage en revue des éléments suivants : la présence de la
secte terroriste Boko Haram, les populations déplacées internes /
réfugiées, les comités de vigilance, les forces de
défense et sécurité, les acteurs humanitaires,
l'approvisionnement en eau, l'hygiène et l'assainissement, la
pandémie à COVID-19. C'est à partir de la description des
acteurs et enjeux que va être définie la stratégie, de
laquelle va découler le plan d'action.
La situation d'insécurité persistante
dans la région du Bassin du Lac Tchad, notamment au niveau des
frontières des pays et à l'intérieur de chaque
État, occasionne d'importants déplacements forcés de
populations civiles tant à l'intérieur du même pays
qu'à l'extérieur. Ceci est à l'origine de la
présence des personnes déplacées internes et des
réfugiés de part et d'autre des frontières. Au Cameroun,
ces déplacements sont majoritairement concentrés dans la
région de l'Extrême-Nord.
Depuis 2014, la région de l'Extrême-Nord
du Cameroun est fortement touchée par le conflit Boko Haram en cours au
Nigeria, pays frontalier au nôtre. Initialement connue comme terre
d'accueil pour les refugiés nigérians qui s'étaient
installés dans les zones frontalières, la région est
progressivement devenue le siège d'une forte insécurité,
dont les effets se font sentir sur l'ensemble des populations notamment celles
des localités frontalières.
Avec la mise en place de la force multinationale, Boko
Haram s'est davantage engagé dans une guerre asymétrique, et
commet de nombreux attentats et attaques contre les populations civiles, ainsi
que des enlèvements et diverses formes d'incursions. Ceci contribue
à déstabiliser la région de l'Extrême-Nord,
conduisant à des déplacements massifs des populations. En
dépit de l'affaiblissement de Boko Haram au Cameroun ces derniers mois,
la situation humanitaire ne s'améliore pas véritablement dans la
région de l'Extrême-Nord. La commune de Kolofata dans le
département du Mayo Sava est l'une des communes les plus touchées
depuis le début de la crise.
L'arrondissement de Kolofata fait
régulièrement les frais des attaques de Boko Haram. Cette
localité située à quelques kilomètres de la
frontière avec le Nigéria, est - avec le temps - devenue une zone
militaire. Les attaques contre les villages ou les positions de l'armée
camerounaise sont très fréquentes ; ceux qui les
perpètrent sont souvent difficiles à différencier des
civils. Les demandeurs d'asile qui trouvent refuge dans cette zone
inhospitalière sont traités avec suspicion. Les humanitaires
doivent constamment solliciter l'appui des autorités civiles et
militaires pour pouvoir mener à bien leurs activités.
En 2018, on comptait plus de 12.500
réfugiés nigérians et déplacés internes qui
vivaient à Kolofata, ceci dans des conditions précaires avec un
accès limité aux services de base du fait de
l'insécurité qui règne dans la zone et aux
opérations militaires en cours. Ces personnes, parfois privées de
toute assistance, ont des besoins urgents en nourriture, eau, abris et
santé.
L'arrondissement de Mora compte des populations
déplacées dans les localités de Mémé et
Igawa-Mémé. La localité de Mémé
située à 21 kilomètres de Mora compte six camps de
déplacés pour plus de 2.000 âmes, des populations venues
d'environ 30 villages de la région. Au lieu dit
Igawa-Mémé, deux camps des déplacés partagent des
sites voisins. Ici, le quotidien est tout aussi difficile et les histoires
pratiquement similaires. 93% de la population s'est déplacée en
raison du conflit lié à Boko Haram, tandis que 6,6% des
déplacements ont été provoqués par des inondations,
la sécheresse et autres facteurs climatiques, et 0,4% par d'autres
raisons non spécifiées.
Le camp de déplacés
d'Igawa-Mémé abrite deux sites équidistants de 500
mètres. Les populations déplacées internes y logent dans
des abris de fortune, faits de vieilles bâches et de paille. Chaque abri
accueille 4 à 6 personnes, tous sexes et âgés confondus.
Les besoins immédiats exprimés se résument en nattes,
bâches, canaris, couvertures, ustensiles de cuisine, eau et aliments. La
grande majorité de la population est composée d'enfants et de
femmes. Ils viennent principalement des villages
Sanda-Wadjiri, Bia, Kalniwa et Kolofata. "Nous vivons dans la pure
résilience depuis que nous sommes ici en 2015. Les conditions de vie
sont rudes. On n'a pas d'eau, pas de denrées alimentaires, pas de
matériels de couchage et nous habitons dans ces maisons en
matériaux provisoires. Ici même, nous ne sommes pas à
l'abri de Boko Haram", raconte une dame rencontrée sur place. Il est
à noter qu'il n'y a ni latrines ni points d'eau sur le site de
recasement temporaire des refugiés. Les représentants des
réfugiés ont exprime leur souhait d'être
transférés à Minawao, ou même à
Banki.
Les membres des comités de vigilance sont le
plus souvent recrutés dans les communautés locales ; ils
partagent généralement la même identité ethnique ou
politique, les mêmes intérêts collectifs, et leurs
perceptions des menaces sont similaires. Ils agissent comme des milices
locales, et jouissent généralement d'une grande
légitimité en raison de leurs racines communautaires. Ils peuvent
identifier, pister et combattre les insurgés assez efficacement
grâce à leur familiarité avec les langues, la
géographie et la culture locales. Ils sont supervisés avec
succès par les autorités de l'État - et les acteurs
internationaux -, et ils accompagnent ceux-ci dans le renforcement de la
légitimité de l'État au sein des communautés
locales.
Ils sont ainsi de nombreux jeunes à
s'être réunis en comités de vigilance, encouragés
par le Gouvernement. Ces volontaires se retrouvent en première ligne
face aux kamikazes et aux raids djihadistes. Les comités de vigilance
renseignent les forces de défense et servent d'éclaireurs ou de
guides. Ils affrontent parfois directement les mouvements terroristes et
contribuent à protéger les communautés, notamment contre
les attentats suicides. Ils peuvent reconnaitre les djihadistes, et surtout le
visage de certains cadres locaux de Boko Haram traqués. En
échange, ils reçoivent de l'armée des médailles,
des vivres et d'autres formes de récompenses et
gratifications.
Pour l'approvisionnement en eau potable des
populations, la localité de Kolofata dispose de plusieurs
systèmes d'approvisionnement. Un réseau d'adduction d'eau
desservant les populations à travers les branchements particuliers et
les bornes fontaines est présent. Celui ci n'est pas toujours
fonctionnel. On recense 8 forages équipés de pompes à
motricité humaine. Des puits traditionnels et des Mayos (cours d'eau
temporaires) sont également utilisés. Compte tenu de
l'insuffisance des infrastructures fonctionnelles, les populations ont recours
aux vendeurs d'eau ambulants pour satisfaire leurs besoins. À titre
indicatif, un bidon de 20 litres est vendu à 100 F CFA.
Pour ce qui est de l'hygiène et
l'assainissement, la défécation à l'air libre est
pratiquée par la plupart des groupes vulnérables. Au site des
refugiés, seulement 4 latrines sont disponibles soit un ratio de plus de
150 personnes par latrine. Selon les propos recueillis, les 4 latrines
existantes sont utilisées exclusivement par les femmes. Le reste
pratique la défécation à l'air libre dans les espaces
environnants. La défécation à l'air libre désigne
l'action de déféquer hors des habitations (ou hors des toilettes
publiques), par exemple dans les champs, les forêts, les buissons, les
lacs, les montagnes, ....
La pandémie de la COVID-19 a eu un impact
considérable sur les programmes d'élimination du trachome. Le 1er
avril 2020, afin de réduire le risque de transmission du COVID-19, l'OMS
a recommandé que la distribution de masse de médicaments, les
initiatives de détection des cas actifs de complications du trachome et
les enquêtes épidémiologiques soient reportées
jusqu'à nouvel ordre. Cet avis a été renouvelé dans
un guide publié le 5 mai 2020. Cette pandémie a favorisé
la promotion du lavage régulier des mains, le respect de la
distanciation physique, le port des masques de protection du visage, l'usage
des gels hydro alcooliques, la limitation des contacts et des
déplacements humains.
II- DIFFICULTÉS POSÉES PAR LE CAS
La pratique du management stratégique constitue
un véritable défi. Il faut en effet être capable
d'appréhender les problèmes et difficultés auxquels les
organisations sont confrontées dans leur développement à
long terme, tout en s'inscrivant dans leur fonctionnement quotidien et dans
leur réalité effective.
1- Au vu des observations faites >
Insécurité et risques humains
Pour une personne ou une collectivité,
l'insécurité désigne l'inquiétude qui
résulte du manque de sécurité et de
l'éventualité d'un danger réel, imminent ou
imaginé. Dans notre contexte, elle représente l'ensemble des
menaces physiques, morales, économiques, sociales, politiques
environnementales et / ou culturelles rencontrées dans la vie
quotidienne, et qui font que la sureté physique et la
tranquillité ne soient plus assurées.
Dans le cadre du DS de Kolofata,
l'insécurité réduit considérablement la
mobilité des acteurs sur le terrain. Les réfugiés et
déplacés internes dans le contexte de Boko Haram sont victimes de
la restriction des mouvements surtout lors de la perte des documents
d'état civil. Les populations affectées sont
dépouillées de leurs biens du fait des pillages des
bétails et récoltes, de la destruction de leurs maisons par les
incendies criminels, des abus et autres formes d'exploitations des femmes et
des enfants. La présence des populations déplacées modifie
les équilibres ethniques, religieux et de genre dans les
localités d'accueil, et elle est susceptible de générer
des conflits sociaux.
Les populations réfugiées ou
déplacées internes présentent des risques humains
liés à l'insécurité, la perte des moyens de
subsistance, l'accès limité à l'alimentation, la
réduction de l'accès aux services de santé de base,
l'insuffisance de l'aide humanitaire, la fermeture des écoles, la
restriction des mouvements et la migration saisonnière.
> Déplacement des populations
Les différents incidents
perpétrés par les combattants de Boko Haram dans le
département du Mayo Sava ont provoqué le déplacement des
populations de cette zone frontalière avec le Nigéria vers Mora,
Djoundé et Mémé. En mai 2019, on recensait 13.476
personnes déplacées internes de l'arrondissement de Kolofata pour
celui de Mora ; on note une forte proportion des enfants de
moins de 5 ans au sein de ces populations déplacées
internes.
Une personne déplacée interne est une
personne qui a été forcée ou contrainte à fuir ou
à quitter son foyer ou son lieu de résidence habituel, notamment
en raison d'un conflit armé, d'une situation de violence
généralisée, de violations des droits de l'homme ou de
catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme ou pour en
éviter les effets, et qui n'a pas franchi les frontières
internationalement reconnues d'un État.
Un réfugié est une personne
ressortissante d'un pays autre que celui où elle se trouve, et qui est
venue dans ce dernier pour chercher refuge d'une situation à laquelle
elle était confrontée dans son pays d'origine.
Ces différents acteurs se retrouvent dans une
zone d'incertitude ; il s'agit d'une zone au sein de laquelle l'acteur rend son
comportement incertain, imprévisible et indéterminé. Ce
concept met l'accent sur deux notions liées : l'autonomie et le pouvoir.
À ce niveau, les attitudes des différents acteurs sont
dictées par la recherche de leurs intérêts au moindre
risque. Il faut cerner les contraintes auxquelles les acteurs ont à
faire face pour comprendre les enjeux. Napoléon décrit cela comme
« le courage de l'improviste qui, en dépit des
événements les plus soudains, laisse néanmoins la
liberté d'esprit, de jugement et de décision ».
> Défaut dans l'accès aux soins de
santé
L'accès aux soins de santé implique que
soit réuni un ensemble de critères sociaux favorables à la
santé de tous, notamment la disponibilité de services de
santé, des conditions de travail sans risque, des logements
appropriés et des aliments nutritifs, ceci dans un système de
santé solide et efficace. Le système de santé
désigne l'ensemble des organisations, des institutions, des ressources
et des personnes dont l'objectif principal est d'améliorer la
santé.
Le mauvais état d'un système de
santé est l'un des principaux obstacles à l'accès aux
soins de santé essentiels. C'est le cas dans le DS de Kolofata où
les différents programmes de santé n'arrivent pas toujours
à mener à bien leurs activités. Du fait de
l'insécurité et des risques humains, les partenaires sont souvent
réticents à déployer les différentes ressources
(matérielles ou humaines) ou accompagner les prestataires de soins sur
le terrain.
L'absence de services d'assainissement et
d'hygiène de base, y compris l'absence de choix éclairés
en matière de santé constitue une violation des droits humains
à l'eau et à l'assainissement, ainsi que des droits à la
santé, au travail, à un niveau de vie adéquat, à la
non-discrimination, à la protection, à l'information, à
l'équité et à la dignité humaine.
2- Par rapport à la question de recherche
La question de recherche de notre travail est :
comment surmonter les contraintes présentes dans le DS de Kolofata, afin
d'atteindre l'objectif d'élimination du trachome comme problème
de santé publique au Cameroun ?
Au vu des difficultés posées par le cas, il
ressort 3 problèmes principaux : > Apparition de nouveaux cas de la
maladie dans le DS
Le trachome est la principale cause de
cécité infectieuse. Cette pathologie se transmet de personne
à personne, le plus souvent d'un enfant à un autre ou d'un enfant
à sa mère, dans un contexte de pénurie d'eau, de
promiscuité et d'absence d'hygiène individuelle et collective.
L'absence (ou la non utilisation) des latrines et la mauvaise gestion des
déchets domestiques et animaux rendent propice la prolifération
des mouches qui sont des vecteurs passifs de la maladie.
Le DS de Kolofata tel que décrit dans les
paragraphes précédents, présente un contexte de
promiscuité et d'insalubrité qui prédispose à la
survenue de nouveaux cas de la maladie. De plus la présence de la secte
terroriste Boko Haram limite grandement les interventions des différents
acteurs et partenaires de la lutte contre le trachome. Les aspects CH et A de
la stratégie CHANCE n'y sont pas mis en oeuvre depuis 2014 ; la
dernière distribution de masse d'antibiotiques (en 2013) n'a
concerné que 14,93% de la population du DS. Quant aux aspects N et CE,
ils ne sont pas documentés.
On retrouve à Kolofata la présence de
populations nigérianes, réfugiées du fait de cette secte
terroriste. Ces populations proviennent d'une région du Nigéria
(Borno State) qui en 2019 était encore suspectée endémique
au trachome (trachoma atlas). Le trachome étant une maladie contagieuse,
la possibilité d'apparition de nouveaux cas de la maladie est à
envisager.
> Présence d'un foyer secondaire de la maladie
dans les camps des déplacés
Les camps des déplacés de Mora abritent
des populations venant du DS de Kolofata. Or ce DS n'a pas atteint les
standards de l'OMS pour ce qui est de l'élimination du trachome comme
problème de santé publique. Une autre partie de la population de
ces camps de déplacés vient de l'État de Borno au
Nigéria, zone de ce pays qui en en 2019 était encore
suspectée pour être endémique au trachome.
De plus, dans ces camps de déplacés
l'hygiène individuelle et celle de l'environnement y sont
précaires et une forte influence des habitudes culturelles dans ces
zones entretiennent le cercle vicieux d'impureté et de pestilence qui
motive l'apparition des cas de trachome.
Au vu de la présence de ces différents
facteurs favorisants le trachome, la possibilité d'apparition d'un foyer
secondaire de la maladie dans les camps de déplacés de Mora n'est
pas à exclure.
Le foyer de la maladie désigne le lieu
où elle sévit avec une prévalence élevée, et
où elle rayonne et se communique. Le foyer secondaire est en rapport ici
avec la flambée des cas de trachome dans un espace géographique
jusque là indemne. Cela peut passer inaperçu, et n'être
reconnu qu'au décours d'une enquête.
> Retard par rapport à l'agenda
d'élimination du trachome au Cameroun.
Le Plan National d'Élimination du Trachome au
Cameroun a pour vision de faire du Cameroun un endroit où le trachome ne
sera plus une cause de cécité, et où les couches sociales
les plus vulnérables pourront vivre dans un environnement sain, aspirant
ainsi à la prospérité. L'objectif de ce plan est
d'éliminer le trachome cécitant comme problème de
santé publique au Cameroun.
La certification de l'élimination du trachome
comme problème de santé publique dans un pays est la
résultante de la soumission et de la validation d'un dossier
d'élimination auprès des instances de l'OMS. Ceci ne peut
être fait s'il existe encore un DS où les seuils
d'élimination (TF < 5%, TT < 0,2%) et les critères
d'élimination (enquête de base, CHANCE, enquêtes d'impact et
surveillance, transition) n'ont pas été atteints.
Aujourd'hui, le PNLCé ne dispose pas de
données actualisées sur la prévalence du trachome dans le
DS de Kolofata. Depuis l'année 2014 aucune intervention en rapport avec
la stratégie CHANCE n'y a été mise en oeuvre, et ce DS se
retrouve dans une des régions endémiques à la maladie. Une
endémie désigne une infection présente au sein d'une
population (ou une région) donnée, et dont l'incidence doit
être surveillée et faire l'objet de prévisions.
Dans l'attente de l'estimation de la prévalence
du trachome dans ce DS, avec éventuellement la mise en oeuvre de la
stratégie d'élimination de la maladie, l'objectif du Plan
National d'Élimination du Trachome au Cameroun pourra être revu,
le chronogramme redéfini, et la date de soumission du dossier
d'élimination reprécisée.
CHAPITRE 3 : DÉVELOPPEMENT THÉORIQUE
ET APPROCHE ANALYTIQUE I- CHAMP DISCIPLINAIRE ET THÉORIE
CONVOQUÉE
D'après ORSONI, le management
stratégique est l'art d'employer les méthodes, les
modèles, les théories, en un mot les armes qui peuvent aider les
dirigeants lorsqu'ils effectuent des choix dans le cadre d'une politique
générale.
Une théorie représente un modèle
ou un cadre de travail développé pour la compréhension de
la nature et de l'humain. Elle apparait également comme un ensemble
organisé d'idées, de notions et de concepts abstraits
appliqué à un domaine particulier. Dans le domaine des sciences,
la théorie est une construction intellectuelle, hypothétique et
synthétique, organisée en système et
vérifiée par un protocole expérimental.
Une théorie du changement est une vision
explicitement documentée (et donc évaluable) de la façon
dont on pense que le changement doit se produire dans le cadre d'un programme,
d'une organisation, d'un État, etc. Il s'agit d'un cadre conceptuel qui
a été développé pour aider à
déterminer quel changement social peut être entraîné
par les programmes et pourquoi. La théorie du changement va expliquer
comment les activités sont censées produire un ensemble de
résultats qui contribuent à la réalisation des impacts
finaux prévus.
La démarche de changement peut se
décliner comme suit: dans une première phase appelée phase
de diagnostic, il convient de s'interroger sur les raisons du changement. Dans
la seconde phase, si le problème a pu être défini et les
causes identifiées, il est essentiel de définir les objectifs
à atteindre. Vers quoi veut-on aller ? Comment définir une
situation qui, après changement serait plus acceptable ? Pour atteindre
ces objectifs, il convient tout d'abord d'identifier les solutions possibles et
de les évaluer sous différents aspects (pertinence,
faisabilité, coût, bénéfices escomptés...),
en tenant compte des attitudes individuelles ou de groupe face aux actions
projetées.
Des outils vont être utilisés pour mener
cette analyse du positionnement des différents acteurs de
l'organisation. Ensuite, la matrice d'analyse va être
élaborée. Celle-ci sera suivie par la formulation et la mise en
oeuvre des options stratégiques les plus pertinentes et les plus
intéressantes pour l'atteinte les objectifs. Enfin, cette mise en oeuvre
devra bénéficier d'une évaluation et des ajustements
nécessaires, en fonction des opportunités et menaces existantes
sur le terrain.
1- Présentation de la théorie : Health Belief
Model
Le Health Belief Model (HBM) ou modèle des
croyances relatives à la santé est un modèle psychologique
qui tente d'expliquer et de prédire les comportements liés
à la santé tout en se concentrant sur les attitudes et les
croyances des individus. Il a été développé dans
les années 1950 par un groupe de chercheurs et de praticiens en
psychologie sociale dans les services américains de santé
publique. Ceux ci cherchaient à comprendre les causes de l'échec
et du manque de participation du grand public aux programmes de
prévention de la tuberculose.
Depuis lors, le HBM a été adapté
pour explorer une variété de comportements de santé
à long et court terme. Le modèle de croyances relatives à
la santé suggère que les croyances des gens sur les
problèmes de santé, les avantages perçus de l'action, les
obstacles à l'action, et l'auto efficacité expliquent
l'engagement (ou le manque d'engagement) dans le comportement de promotion de
la santé.
Depuis plus de 30 ans, le modèle des croyances
relatives à la santé est l'approche psychosociale la plus
utilisée pour expliquer les comportements de santé. Il est
utilisé par des médecins, les professionnels de santé
publique, les promoteurs de bonne pratique en santé, pour concevoir et
évaluer des actions en éducation et communication pour la
santé. Il permet de mieux comprendre l'incapacité des personnes
à adopter des stratégies de prévention de la maladie ou
des tests de dépistage pour la détection précoce de la
maladie.
Le HBM suggère que la croyance d'une personne
dans la menace personnelle d'une maladie, conjuguée à la
conviction d'une personne en l'efficacité du comportement ou de l'action
recommandée pour la santé, permettra de prédire la
probabilité qu'elle adopte ce comportement.
Le HBM découle de la théorie
psychologique et comportementale selon laquelle les deux composantes du
comportement lié à la santé sont les
suivantes:
- le désir d'éviter la maladie ou, au
contraire, de guérir s'il est déjà malade ;
- la conviction qu'une action sanitaire spécifique
préviendra ou guérira la maladie.
Il y a six constructions du HBM : les quatre
premières ont été développées en tant que
principes initiaux, et les deux dernières ont été
ajoutées au fur et à mesure de l'évolution de la
recherche.
Ces différentes constructions sont :
- la vulnérabilité perçue
;
- la gravité perçue ;
- les avantages perçus ;
- les obstacles perçus ;
- l'indice à l'action ;
- l'auto efficacité.
Vulnérabilité perçue :
évaluation subjective du risque de développer un problème
de santé. Les personnes se percevant comme vulnérables à
un problème de santé particulier se livrent à des
comportements permettant de réduire le risque de développer ce
problème de santé. Les personnes ayant une
vulnérabilité perçue faible peuvent nier qu'ils ont un
risque de contracter une maladie particulière. D'autres peuvent
reconnaitre la possibilité de développer la maladie, mais en
pensant que c'est toutefois peu probable. Les personnes qui croient qu'ils ont
un faible risque de développer une maladie sont plus susceptibles de se
livrer à des comportements malsains ou risqués. Les personnes qui
perçoivent un risque élevé d'être personnellement
touchées par un problème de santé particulier sont plus
susceptibles d'adopter des comportements pour réduire le risque de
développer la condition.
Gravité perçue : évaluation
subjective de la gravité d'un problème de santé et ses
conséquences potentielles. Les individus qui perçoivent un
problème de santé comme sérieux sont plus susceptibles
d'adopter des comportements de prévention afin d'éviter qu'il ne
se produise. La gravité perçue englobe les croyances sur la
maladie elle-même (par exemple, si elle met la vie en danger ou peut
entrainer une invalidité ou une douleur), ainsi que des impacts plus
larges sur le fonctionnement dans le travail et les rôles sociaux. Par
exemple, un individu peut percevoir le COVID-19 comme non médicalement
grave, mais s'il y a des conséquences financières importantes
à la suite d'une absence au travail de plusieurs jours, il pourrait
maintenant la percevoir comme étant une maladie plus
sérieuse.
La combinaison de la vulnérabilité
perçue et de la gravité perçue est désignée
par l'expression menace perçue. Le HBM prédit que plus la menace
perçue conduit à une plus forte probabilité d'engagement
dans des comportements favorisant la santé.
Avantages perçus : les comportements en lien
avec la santé sont aussi influencés par les avantages
perçus d'une prise d'action. En effet, ceux-ci se réfèrent
à l'évaluation qu'un individu se fait de la valeur (ou de
l'efficacité) à se livrer à un comportement de promotion
de santé pour réduire le risque de maladie. Si une personne
estime qu'une action permettra de réduire la sensibilité ou de
diminuer sa gravité d'un problème de santé, alors elle
sera susceptible de se livrer à ce comportement, indépendamment
des faits objectifs de l'efficacité de cette action. Par exemple, les
individus qui pensent que porter un masque prévient de la contamination
au COVID-19 sont plus susceptibles d'en porter que les autres.
Obstacles perçus : évaluation qu'un
individu se fait des obstacles concernant le changement de comportement.
Même si une personne perçoit un état de santé comme
une menace et estime qu'une action spécifique permettrait de
réduire efficacement la menace, les obstacles peuvent empêcher
l'engagement dans le comportement. En d'autres termes, les avantages
perçus doivent l'emporter sur les obstacles perçus pour que le
changement de comportement se produise. Les obstacles perçus peuvent
être en rapport avec la gêne perçue, le danger et / ou
l'inconfort (par exemple, la douleur, les troubles émotifs)
impliqués dans l'engagement dans le comportement. Par exemple, la
croyance que le vaccin contre le COVID-19 pourrait provoquer des troubles de la
circulation sanguine et un arrêt cardiaque (vaccin efficace et peu
sûr) peuvent constituer des obstacles pour effectuer le vaccin contre le
COVID-19.
Indice à l'action (cue to action) : c'est le
stimulus nécessaire pour que le processus décisionnel accepte
l'action recommandée pour la santé. Il s'agit ici du signal (ou
déclencheur) nécessaire pour amorcer l'engagement dans des
comportements liés à la santé. Ces signaux peuvent
être internes (douleurs thoraciques, respiration sifflante, etc.) ou
externes (conseils d'autrui, maladie d'un membre de la famille, article de
journal, etc.). Par exemple, le fait d'avoir un proche qui a souffert du
COVID-19 ou qui en est décédé va nous amener à
être plus prompt à mettre en pratique les mesures barrières
à la circulation du virus.
Auto-efficacité : il s'agit du niveau de
confiance d'une personne dans sa capacité à adopter avec
succès un comportement pour produire les résultats
désirés. Cette construction a été ajoutée au
HBM en 1988, pour mieux expliquer les différences individuelles dans les
comportements de santé. Par exemple, dans la lutte contre le COVID-19,
si l'État vous demande de rester à la maison et de limiter autant
que possible vos déplacements, tout en compensant le manque à
gagner lié à cette inactivité, vous serez plus
engagé à mettre en pratique les prescriptions du
Gouvernement.
2- Contribution de la théorie à la
résolution du problème identifié
Concepts
|
Définition
|
Applications
|
Vulnérabilité
|
Il n'agit que s'il pense être en situation de
risque et s'il se sent concerné par la maladie.
|
1. Facteurs favorisants la maladie sont présents
: Manque d'hygiène, absence d'eau courante,
promiscuité.
2. Maladie présente dans DS voisins
3. Pas de traitement de masse depuis des
années
4. Risque infectieux réel
|
Gravité du
problème
|
Un individu n'agit en matière de santé que
s'il considère que le
problème est d'une gravité suffisante et
certaine.
|
1. TF enfant ? TT adulte ?
cécité
2. Cécité = perte du lien social, rejet
par la communauté, fardeau pour la famille, perte de l'emploi,
incapacité à générer des revenus
|
Bénéfices de
l'action à entreprendre
|
Les aspects positifs potentiels
d'une action de santé spécifique, s'ils
sont supérieurs aux bénéfices
escomptés, peuvent fonctionner comme des
bénéfices par rapport à l'action à
entreprendre.
|
1. Prise en charge chirurgicale du TT
2. Traitement antibiotique du TF
3. Promotion de la vue
4. Contribution à l'élimination de la
maladie
5. Amélioration de la qualité de
vie
|
Perception des obstacles
|
Les aspects négatifs potentiels
d'une action de santé spécifique et la
perception des coûts de l'action, s'ils sont supérieurs aux
bénéfices
escomptés, peuvent fonctionner comme des
obstacles par rapport à l'action à entreprendre.
|
1. Absence de motivation pour les chirurgiens du TT
pour la prise en charge des cas incidents
2. Non suivi des activités N et CE par les
secteurs apparentés
3. Risques humains
|
Croyance en
sa propre efficacité
|
Un individu a plus de probabilité d'adopter une
action de prévention s'il se croit capable de réaliser le
comportement souhaité.
|
1. Gratuité de la chirurgie du TT
2. Gratuité du traitement
antibiotique
3. Implication des structures apparentées pour
la promotion des activités N et CE
|
II- ANALYSE STRATÉGIQUE
L'analyse stratégique consiste à
identifier tous les éléments qui ont une influence sur la
réalisation d'un projet. L'efficacité de cette analyse va faire
appel à un diagnostic interne (appréciation des
compétences, du savoir-faire, et des limites qui sont propres au projet)
et un diagnostic externe (appréciation des opportunités qui
s'offrent au projet et isolement des menaces qui ont des répercutions
plus ou moins fortes sur l'activité du projet).
L'analyse stratégique s'inscrit dans la
volonté de comprendre l'environnement et la nature de l'organisation.
Elle permet de synthétiser les axes de réflexion et de prendre
les meilleures décisions pour le bon suivi du projet. Elle combine les
notions d'analyse et de stratégie.
De l'avis de CROZIER et FRIEDBERG, la stratégie
est un ensemble cohérent de comportement qu'un acteur adopte en vue de
préserver ses intérêts. La stratégie est
orientée par les enjeux et zones d'incertitudes contrôlés
par l'acteur social. De ce fait, toute stratégie est rationnelle aux
yeux de l'acteur social qui l'utilise.
Le but de la stratégie sera donc -
d'après KARLOF - d'associer des ressources dans des schémas
d'action intégrés, en vue d'obtenir des avantages concurrentiels
bien marqués et d'atteindre des buts
déterminés.
L'objet de la stratégie est de répondre
à deux questions : que voulons-nous que notre projet devienne ? Et
comment devons-nous procéder pour y parvenir ?
1. Analyse de la question de l'élimination du
trachome dans le DS de Kolofata
Le management stratégique repose sur une double
démarche : une analyse des ressources et compétences de
l'entreprise permettant de dégager ses forces et faiblesses, et une
analyse de l'environnement de l'entreprise pour mettre en lumière les
opportunités à saisir et les menaces à
éviter.
L'analyse des forces, faiblesses, opportunités
et menaces (FFOM) est un outil d'analyse stratégique qui vise à
préciser les objectifs du projet, et à identifier les facteurs
internes et externes favorables et défavorables à la
réalisation de ces objectifs.
La question centrale de notre projet est : Comment
surmonter les contraintes présentes dans le DS de Kolofata, afin
d'atteindre l'objectif d'élimination du trachome comme problème
de santé publique au Cameroun ?
Forces : les forces sont des ressources
possédées et / ou compétences détenues par le
programme ou le projet, et qui lui confère une certaine longueur
d'avance (avantage).
- Modèle de protocole d'enquête
disponible : le PNLCé dispose d'un modèle standard de protocole
d'enquête sur le trachome ; celui du DS de Kolofata pourra y être
calqué.
- File active importante d'enquêteurs
certifiés et expérimentés : la disponibilité et
l'implication de tous ces enquêteurs permettra de réduire la
durée du séjour des équipes sur le terrain.
- Présence de formateurs locaux
certifiés : ceux-ci vont mettre leur compétence à
disposition des enquêteurs lors de la formation / recyclage des
enquêteurs.
- Disponibilité des partenaires techniques et
financiers, notamment Accelerate : le projet Accelerate est présent dans
10 pays africains dont le Cameroun. Ce projet contribue à
l'accélération de l'élimination du trachome et appuie la
chirurgie du TT dans plusieurs DS, ainsi que le renforcement des
capacités.
- Existence d'un protocole d'entente entre le
Ministère de la Santé Publique et International Trachoma
Initiative : pour soutenir la distribution du Zithromax® (Azithromycine)
dans le cadre de la lutte contre le trachome. Ce partenaire fournit
gracieusement cet antibiotique, afin de mettre en oeuvre la distribution de
masse relative à la stratégie CHANCE de l'OMS.
- Disponibilité de formateurs nationaux sur la
chirurgie du TT : le Cameroun dispose de formateurs locaux internationalement
certifiés. Ceux-ci vont mettre leurs connaissance et expérience
à disposition lors de la formation / recyclage des
chirurgiens.
- Création d'un groupe de travail sur le
dossier d'élimination du trachome au Cameroun : afin de suivre et
évaluer les différentes activités de lutte contre le
trachome, proposer une approche pour la mobilisation du financement des
activités, et assurer la rédaction du document
narratif sur les progrès accomplis par le pays vers l'atteinte des
cibles d'élimination de la maladie.
Faiblesses : les faiblesses représentent un
manque au regard d'un, voire plusieurs facteurs clés de
succès.
- Absence d'informations démographiques
actualisées sur le DS : les données disponibles sont celles du
3ème Recensement Général de la Population et de l'Habitat
au Cameroun (2005).
- Commande de la Tétracycline par le partenaire
: retard dans le suivi de l'autorisation d'importation et la demande
d'exonération des droits de douane.
- Non planification précise de l'agenda
d'élimination : la prévalence du trachome dans le DS n'est pas
encore connue, ainsi que le nombre de tours de traitement qu'il faudra. Les
enquêtes d'impact et de surveillance figurent parmi les
éléments clés de l'agenda d'élimination. Or ces
enquêtes surviennent à l'issue de la bonne mise en oeuvre des
campagnes de distribution de masse d'antibiotique ; de ce fait elles ne peuvent
pour l'instant pas être planifiées à une date
précise dans l'agenda d'élimination.
Opportunités : l'environnement du programme
/ projet peut présenter certaines zones de potentiel à
développer. Il convient de les identifier.
- Résidence de la majorité des
enquêteurs dans la région de l'Extrême-Nord : ceci facilite
leur rassemblement à Maroua, et rend plus aisé leur
déploiement sur le terrain.
- Engagement de la tutelle (Ministre de la
Santé Publique, Délégation Régionale de la
Santé Publique de l'Extrême-Nord) : autorisation administrative,
lettres d'information aux autres administrations, mobilisation de la
logistique, mise à disposition des enquêteurs, accompagnement sur
le terrain.
- Présence et disponibilité des
comités de vigilance : Ils ont l'avantage de jouir d'une plus grande
légitimité en raison de leurs racines communautaires. Ils peuvent
identifier, anticiper et combattre les actions des insurgés plus
efficacement grâce à leur familiarité avec la langue, la
géographie et la culture locales.
- Présence des forces de défense et de
sécurité : leur présence sur le terrain concourt à
rassurer les différents acteurs humanitaires dans la mise en oeuvre et
le développement de leurs activités.
- Encampement : facilite la segmentation et les
mouvements des équipes d'enquêteurs sur le terrain.
- Présence d'acteurs humanitaires sur le
terrain : l'échange (dialogue constant) avec les acteurs humanitaires
présents sur le terrain devrait permettre d'apprendre quelle
stratégie ils utilisent pour mener à bien leurs activités
sur le terrain.
- Pandémie à COVID-19 : elle a
entrainé une vaste campagne de sensibilisation sur l'hygiène
corporelle et le lavage des mains notamment. Des points d'eau ont
été créés dans toutes les communes. Cette promotion
de l'hygiène individuelle et collective pourrait être une
opportunité à saisir dans la lutte contre le
trachome.
Menaces : les menaces sont des
éléments externes au programme / projet, mais qui peuvent avoir
un impact négatif sur les activités à mener.
- Retard à la validation définitive du
protocole de l'enquête par Tropical Data : du fait d'une importante
charge de travail, Tropical Data peut prendre plus de temps que prévu
pour valider le protocole de l'enquête.
- Conflit d'agenda entre les activités
relatives à l'enquête et d'autres activités dans la
région : les enregistreurs ne sont pas exclusivement
réservés pour les activités de lutte contre le trachome.
Ils interviennent dans d'autres programmes et projets dont les activités
pourraient se dérouler au moment de l'enquête (conflit d'agenda).
Idem pour les mobilisateurs communautaires.
- Retard dans la livraison des antibiotiques : les
modifications de l'équilibre mondial pourraient entrainer des
perturbations dans le domaine des transports et échanges internationaux.
La livraison du Zithromax® pourrait ainsi être
retardée.
- Changements climatiques : les activités
relatives au trachome sont généralement mises en oeuvre en saison
sèche. Du fait des changements climatiques, il sera difficile de
déterminer avec exactitude quel mois de l'année correspond
à cette saison.
- Nomadisme des populations dans les camps des
réfugiés : en fonction des périodes d'accalmie ou de
recrudescence des conflits, on enregistre des départs ou des nouvelles
arrivées. De plus, l'estimation des intrants faite au moment de la
planification pourra s'avérer insuffisante (arrivée importante de
nouvelles populations) ou exagérée (départ
important).
- Absence d'une motivation régulière
pour le maintien de la ressource humaine dans le DS : l'absence de motivation
pourrait entrainer la non disponibilité et la démotivation du
personnel formé dans la prise en charge des cas incidents de
TT.
- Non suivi des activités N et CE par les
secteurs apparentés : le lien entre l'hygiène, l'assainissement
et de meilleures conditions de vie pour les enfants a été
démontré dans la prévention du TT chez l'adulte. Ceci ne
saurait être le cas si les activités de N et CE ne sont pas
entreprises par les secteurs apparentés.
- Risque humain : le risque humain n'est pas
négligeable dans le DS de Kolofata. Ceci pourrait limiter l'engagement
des partenaires, des superviseurs et des enquêteurs.
- Pandémie à COVID-19 : modification de
l'agenda et de l'équilibre mondial, fermeture des frontières,
limitation des déplacements des populations, réduction des
rassemblements humains.
2. Diagnostic stratégique
L'analyse de la question de l'élimination du
trachome comme problème de santé publique dans le DS de Kolofata
a reposé sur la mise en lumière des différentes forces,
faiblesses, opportunités et menace relatives à ce projet. La
matrice d'analyse va ressortir dans un tableau croisé les interactions
entre ces différents éléments.
L'objet du diagnostic stratégique sera,
au-delà de l'analyse stratégique, de formuler et mettre en oeuvre
les options stratégiques les plus pertinentes pour atteindre l'objectif
sus cité.
D'après CHANDLER, la stratégie
correspond à la détermination d'objectifs à long terme et
l'adoption d'actions ainsi que l'allocation de ressources nécessaires
pour mener à bien ces actions et atteindre ces objectifs.
Matrice d'analyse
|
Forces
|
Faiblesses
|
-Modèle protocole enquête -Enquêteurs
expérimentés -Formateurs locaux -Partenaires techniques
-Protocole d'entente -Groupe de travail
|
-Infos démographiques -Difficultés dans
suivi de la commande de Tétracycline
-Non planification précise agenda
d'élimination
|
Opportunités
|
-Rédaction protocole
|
-Collaboration étroite avec
|
-Résidence enquêteurs
|
enquête
|
comités vigilance, forces de
|
-Engagement tutelle
|
-Formation enquêteurs à
|
défense et de sécurité,
|
-Comités de vigilance
|
Maroua
|
acteurs humanitaires
|
-Forces de défense
|
-Réalisation enquête
|
- Sollicitation des différentes
|
-Encampement
|
-Commande antibiotiques
|
administrations pour import
|
-Acteurs humanitaires
|
-Appui dans la disponibilité
|
aisé de Tétracycline
|
-COVID-19
|
des points d'eau
|
|
Menaces
|
-Soumission avancée du
|
-Collaboration / implication
|
-Retard validation protocole
|
protocole
|
différents secteurs en charge
|
-Conflit agenda
|
-Sollicitation anticipée de la
|
de l'approvisionnement en
|
-Retard livraison
|
tutelle pour la convocation
|
eau
|
antibiotiques
|
des enquêteurs
|
|
-Nomadisme populations
|
-Commande antibiotiques
|
|
-Absence motivation
|
adressée dans les délais
|
|
-Non suivi N et CE secteurs
|
-Plaidoyer pour motivation
|
|
apparentés
|
des chirurgiens
|
|
-Risques humains
|
-Réduction durée enquête
|
|
-COVID-19
|
-Gestes barrières
|
|
Forces / opportunités : il s'agit ici de
s'interroger sur les options à disposition pour tirer le plus grand
parti des opportunités offertes.
Les options possibles ici sont :
- La rédaction du protocole de l'enquête
: ceci sera facilité par le fait que le PNLCé dispose d'un
modèle standard de protocole d'enquête sur le
trachome.
- La formation des enquêteurs à Maroua :
la plupart des enquêteurs réside dans la région de
l'Extrême-Nord, et le Cameroun dispose de formateurs locaux
certifiés et expérimentés.
- La collecte des données : le Cameroun dispose
d'une file active d'enquêteurs ayant déjà participé
à au moins une enquête sur le trachome. Leur expérience
sera un atout pour le bon déroulement de la collecte des données
sur le terrain (rapide, enregistrement correcte des données, moins de
jours sur le terrain). La présence des comités de vigilance et le
concours des forces de défense et de sécurité vont
renforcer l'aspect sécuritaire. Grâce à l'encampement, les
déplacements des enquêteurs seront limités et mieux
contrôlés.
- La commande d'antibiotiques : l'existence d'un
protocole d'entente entre le Ministère de la Santé Publique et
International Trachoma Initiative permet au Cameroun de commander et de
recevoir gracieusement du Zithromax® (Azithromycine).
- Appui dans la disponibilité des points d'eau
: pour faciliter le lavage des mains et le nettoyage du visage.
Forces / Menaces : une question
stratégique : comment les atouts devront être
déployés afin de contourner la menace identifiée
?
Les options possibles ici sont :
- Soumission en avance du protocole de l'enquête
: les administrateurs de la plate forme Tropical Data mettent parfois plus de
temps que prévu pour la validation du protocole. Soumettre le protocole
le plus tôt possible contribuera à éviter cet
éventuel contre temps.
- Sollicitation anticipée de la tutelle pour la
convocation des enquêteurs : des correspondances adressées
à la hiérarchie devront être acheminées dans de
brefs délais, afin que des mesures soient prises pour rendre disponible
les enquêteurs.
- Commande antibiotiques adressée dans les
délais : la commande des antibiotiques devra être transmise
dès que possible au fournisseur, afin que l'approvisionnement soit fait
à date.
- Plaidoyer pour motivation des chirurgiens : un
plaidoyer pourra être adressé aux partenaires techniques afin
qu'ils incluent dans leur budget la motivation des chirurgiens.
- Réduction durée enquête : pour
limiter les risques humains, la durée de l'enquête sera la plus
courte possible. Ceci sera facilité par le grand nombre et la forte
expérience des enquêteurs.
- Application des mesures barrières au COVID-19
: la limitation des contacts humains et le lavage régulier des mains
vont contribuer à limiter la contamination au trachome.
Faiblesses / opportunités : les
opportunités sont là, mais les atouts ne sont pas disponibles. La
question à se poser ici est de savoir si les différentes
faiblesses peuvent être levées ou non afin d'exploiter le
potentiel.
L'option possible ici est :
- Collaboration étroite avec comités
vigilance, forces de défense et de sécurité, acteurs
humanitaires : cette collaboration permettra d'avoir d'avantages d'informations
sur les différentes caractéristiques de la population ainsi que
la géographie des points d'eau.
- Sollicitation des différentes administrations
: afin qu'elles interviennent plus en amont dans le processus d'importation et
d'exonération des droits de douane, pour ce qui concerne notamment la
Tétracycline.
Faiblesses / Menaces : situation
potentiellement dangereuse. Évaluez le risque pour savoir s'il est
nécessaire d'organiser l'action et dans l'affirmative, définir
comment procéder.
L'option possible ici est :
- La collaboration et l'implication des
différents secteurs en charge de l'approvisionnement en eau
contribueront à un meilleur suivi des activités N et CE par les
secteurs apparentés.
CHAPITRE 4 : DÉCISIONS ET ACTIONS
STRATÉGIQUES
L'atteinte des seuils d'élimination du trachome
comme problème de santé publique dans le DS de Kolofata
revêt quelques difficultés. L'inaccessibilité aux soins
préventifs et curatifs, la situation sécuritaire très
précaire, et le déplacement des populations, favorisent
l'apparition de nouveaux cas de la maladie et le difficile contrôle de
celle-ci. Cette situation ne facilite pas l'atteinte des seuils
d'élimination de la maladie dans le DS, avec pour conséquence le
probable retard dans l'agenda d'élimination du trachome au Cameroun
(zone d'incertitudes).
Selon KOENING, le management stratégique
consiste à mobiliser, à combiner et à engager des
ressources à des fins d'efficience, d'efficacité et de
réduction de l'incertitude.
À ce niveau, MARTINET perçoit la
stratégie comme un choix de critères de décisions dites
« stratégiques » parce qu'elles visent à orienter de
façon déterminante et pour le long terme les activités et
structures de l'organisation.
Il va s'agir ici de définir des axes
stratégiques et d'énumérer les actions envisageables pour
surmonter les problèmes liés au trachome dans le DS de Kolofata,
afin d'atteindre l'objectif d'élimination du trachome comme
problème de santé publique au Cameroun.
I- DÉCISIONS STRATÉGIQUES
Le processus stratégique se décline en
trois points : ce que l'on veut faire (objectifs stratégiques), ce que
l'on sait faire (diagnostic stratégique), et comment on veut le faire
(décisions stratégiques).
La décision stratégique est
planifiée en plusieurs étapes :
· L'identification du problème :
identifier et analyser le problème (recherche d'informations en amont
afin de bien comprendre la situation).
· La recherche de solutions : identifier les
possibilités de solutions qui permettront de résoudre le
problème.
· Le choix d'une solution : choisir une
solution, après examen et évaluation des différentes
possibilités.
· La mise en oeuvre de la solution choisie :
appliquer concrètement la solution choisie en fonction du
contexte.
· Le contrôle de l'efficacité : les
solutions appliquées font l'objet d'un contrôle afin de
vérifier si les résultats obtenus sont conformes à ceux
prévus dès le départ.
1. MISE À JOUR DE LA CARTOGRAPHIE DU TRACHOME DES
DS KOLOFATA ET CAMP DÉPLACÉS MORA
La dernière enquête
réalisée sur le trachome dans le DS Kolofata remonte à
2013 (réalisée par OSF et la Fondation Théa). La
prévalence du TF était de 5,2%. Toute action relative à
l'atteinte des seuils d'élimination dans le DS passe par la mise
à jour de la cartographie.
La cartographie du trachome dans un DS apparait comme
une représentation concise et efficace des éléments
suivants :
· la prévalence du TF chez les enfants de 1
à 9 ans ;
· la prévalence du TT chez les plus de 15
ans ;
· les facteurs de risque de transmission du
trachome actif ;
· les activités de nettoyage du visage et de
changement de l'environnement.
Ceci pour permettre une compréhension rapide
et pertinente de l'épidémiologie du trachome dans ledit DS, afin
de favoriser la prise de décisions stratégiques et aiguiller des
interventions de santé publique.
Les prévalences du TF et du TT seront
déterminées à travers des enquêtes de
prévalence de la maladie. Celles-ci seront mises en oeuvre dans le DS de
Kolofata et dans le camp des déplacés de Mora.
Lors de la descente sur le terrain, les équipes
d'enquêteurs renseigneront - sur une fiche d'enquête
préalablement établie- les éléments relatifs aux
facteurs de risque et aux activités de nettoyage du visage et de
changement de l'environnement.
2. PLANIFICATION DES ACTIVITÉS DE LA
STRATÉGIE CHANCE
À l'issue de la cartographie
réalisée, les prévalences du TF et du TT dans le DS seront
connues.
L'objectif de la planification de la chirurgie des
cas de TT est d'obtenir une prévalence de moins d'un cas de TT pour
2.000 habitants (0,2%). Tous les DS ayant un taux de TT estimé
supérieur à un cas pour 2.000 habitants doivent disposer de plans
actifs pour réduire la prévalence du TT par des services
chirurgicaux et autres, indépendamment du fait que le DS ait aussi
besoin d'interventions A-N-CE ou non. Dans les DS où le TT est
inférieur à 0,2%, mais le trachome évolutif
supérieur à 5%, des mécanismes efficaces doivent
être mis en place pour permettre à toute personne
présentant un TT de recevoir des services.
La planification pour l'élimination du TT
nécessite de disposer des données épidémiologiques
de qualité satisfaisante. L'objectif de cette planification étant
d'évaluer le nombre de cas de TT en attente dans le DS. Pour cela,
quatre éléments d'information différents seront
nécessaires : la population générale du district, la
prévalence du TT dans le groupe d'âge de 15 ans et plus, la
proportion de la population de 15 ans et plus dans la population
générale, et le nombre de personnes opérées du TT
ou bénéficiant d'une autre prise en charge depuis la
dernière enquête.
Nombre des cas de TT en attente = (population ×
prévalence du TT × % population = 15 ans) - nombre de personnes
bénéficiant d'une prise en charge du TT depuis la dernière
enquête.
Depuis l'année 2014, aucune intervention
contre le trachome n'a eu lieu dans le DS, d'où le nombre de personnes
bénéficiant d'une prise en charge du TT depuis la dernière
enquête est nul.
Le seuil de prévalence correspondant à
l'élimination est le nombre d'interventions, chirurgicales ou autres,
nécessaires pour que la prévalence du TT soit inférieure
à 0,2% dans la population totale. Soit : Nombre de cas de TT en attente
- nombre admissible de personnes présentant un TT. Nombre admissible
avec TT = population totale × 0,002.
L'objectif de la planification des activités
de traitement de masse d'antibiotiques est d'obtenir une prévalence de
moins de 5 cas de TF pour 100 habitants (5%). L'OMS recommande à cet
effet 1 tour de traitement si la prévalence du TF est comprise entre 5
et 9,9%, 3 tours si la prévalence est comprise entre 10-30%, et 5 tours
si la prévalence est supérieure à 30%.
Le but ultime d'intervention pour la distribution de
masse d'antibiotiques sera le nombre total de personnes à traiter dans
le DS afin d'atteindre l'objectif d'élimination (prévalence TF
inférieure à 5%). L'objectif annuel d'intervention sera le nombre
annuel de personnes devant recevoir un traitement, en fonction de la
prévalence du TF dans le DS (1 an, 3 ans, ou 5 ans).
Pour planifier des interventions de nettoyage du
visage et de changement de l'environnement, les données sur la
couverture en eau et assainissement et la situation actuelle de
l'éducation à l'hygiène seront collectées. Par la
suite, il faudra identifier les organismes actifs qui interviennent dans les
domaines N et CE au niveau du DS, analyser le type d'activités N et CE
en cours dans le DS et comment les coordonner pour une efficacité
maximale, et enfin apprécier comment incorporer certains aspects du N et
CE dans les activités de promotion de la santé
communautaire.
3. ACTUALISATION DE L'AGENDA D'ÉLIMINATION
Le dossier d'élimination du trachome est un
ensemble de document qui renseigne sur les progrès accomplis par le pays
vers l'atteinte des cibles d'élimination de la maladie. Le dossier doit
comporter les informations requises dans le modèle établi par
l'OMS.
Il y a plusieurs étapes à franchir
avant de soumettre un dossier aux instances compétentes. La
réalisation des enquêtes de base pour définir et adopter
des interventions de santé publique ; la mise en oeuvre de la
stratégie CHANCE, en fonction des prévalences obtenues lors des
enquêtes de base ; l'effectuation des enquêtes d'impact, suivies
des enquêtes de surveillance afin de confirmer l'atteinte des seuils
d'élimination de la maladie. Par la suite, la phase de transition
où le système de santé doit être capable de prendre
en charge les cas incidents de trachome. Il s'agit du passage de l'approche
santé publique (centrée sur la population générale)
à l'approche clinique (centrée sur l'individu).
L'intégration de ces différentes
activités dans un chronogramme précis et bien établi
constitue l'agenda d'élimination du trachome.
L'actualisation de l'agenda d'élimination
suppose la prise en compte des différents éléments qui
peuvent influencer la bonne mise en oeuvre dudit agenda, la définition
et l'adoption de mesures correctrices y relatives, et la projection d'un nouvel
agencement des activités, en regard des modifications
apportées.
II- ACTIONS ENVISAGEABLES
Les actions envisageables désignent ce qui
peut être envisagé, qui est concevable et réalisable, dans
le but d'atteindre un objectif stratégique. Ces actions,
opérationnelles, doivent s'inscrire dans la vision stratégique
qui a été définie. Elles n'en sont absolument pas
indépendantes ; elles en sont l'expression même.
Il sera donc question ici d'adapter son chemin (et
non sa destination) en fonction des obstacles que l'on va rencontrer. À
ce niveau, une double conciliation s'impose : entre le stratégique et
l'opérationnel, d'une part ; entre les choix stratégiques et ceux
ayant trait à l'organisation, d'autre part. On retrouve ainsi quelques
unes des principales composantes de toute action stratégique : se garder
des surprises, tout en créant la surprise chez l'adversaire. Il s'agit
notamment d'après SUN TSE d'« attaquer l'ennemi où il n'est
pas préparé, en surgissant lorsqu'il ne vous attend point
».
1. CARTOGRAPHIE DES DS KOLOFATA ET CAMP
DÉPLACÉS MORA
> Rédaction et validation du protocole de
l'enquête
Une enquête est une opération qui
consiste à rechercher, recueillir et rassembler une information, pour
l'analyser afin de répondre à une ou plusieurs questions
spécifiées à l'avance. L'enquête relève du
domaine de l'épidémiologie si l'objet concerne la santé
d'une population (sujets malades et sujets indemnes de la maladie).
L'organisation générale d'une
enquête épidémiologique est consignée dans le
protocole. Celui-ci décrit les différentes phases du
déroulement d'une enquête à savoir : l'identification du
problème et la documentation, la formulation des objectifs et de
l'hypothèse de recherche, la mise en place d'une stratégie (type
d'enquête, groupes à explorer, sélection et formation des
enquêteurs, nature et qualité des données à
recueillir, méthodes de recueil), la description du déroulement
de l'activité sur le terrain, l'informatisation et la méthode
d'analyse des données, les aspects éthiques et administratifs,
les calendrier et budget prévisionnels, la production, la diffusion et
la validation des résultats.
Le protocole une fois rédigé va
être soumis à la validation de Tropical Data. Cette soumission
devra être faite dans un délai raisonnable pour palier un
éventuel retard dans la validation. Tropical Data est une initiative
dirigée par l'OMS, qui vise à accompagner les programmes
nationaux dans la lutte contre le trachome. Cet accompagnement qui se fait de
la planification de l'enquête à la validation des résultats
a l'avantage d'assurer que les enquêtes soient menées à
l'aide d'une méthodologie approuvée par l'OMS, que les
résultats soient de la plus haute qualité, et que les
ministères de la santé soient pleinement propriétaires de
leurs données.
L'équipe porteuse de l'initiative Tropical
Data est un consortium de partenaires scientifiques, technologiques et de mise
en oeuvre qui a fait du Global Trachoma Mapping Project (le plus grand exercice
de cartographie des maladies jamais entrepris) un succès. L'OMS
établit des normes, assure une surveillance scientifique et
protège les intérêts des pays. ITI fournit le service de
gestion des données de base. RTI International développe et
fournit la technologie derrière le service et soutient la formation
internationale des formateurs.
> Sélection et formation des
enquêteurs
Un enquêteur est une personne qui s'enquiert de
quelque chose, qui fait des investigations, qui est chargée de mener une
enquête.
Dans le cadre de la lutte contre le trachome,
l'objectif du programme de formation des enquêteurs est de rendre ceux-ci
capables :
- de sélectionner un échantillon
statistiquement non biaisé de personnes en vue d'un entretien et d'un
examen ;
- de mener avec succès les entretiens dans les
foyers, notamment la collecte de données sur l'eau et l'assainissement
;
- d'examiner les enfants et les adultes pour
détecter un trachome à l'aide du système de codage
simplifié du trachome de l'OMS ;
- d'enregistrer de manière électronique
tous les résultats afin que des données épurées et
exactes soient générées pour un usage
national.
Au vu des ces objectifs, la sélection des
enquêteurs va concerner deux types de profil :
- les examinateurs ou codeurs du trachome :
chargés d'examiner les enfants et les
adultes pour détecter un trachome à
l'aide du système de codage simplifié de l'OMS ; -
les enregistreurs ou opérateurs de saisie : responsables
d'enregistrer de manière
électronique tous les résultats afin
que des données épurées et exactes soient
générées.
Pour davantage d'efficience, la sélection
portera sur les enquêteurs ayant déjà participé avec
succès à au moins une enquête sur le trachome. Une liste de
ceux-ci est disponible au PNLCé. Les enquêteurs seront
regroupés en binômes d'examinateur et d'enregistreur.
Les modules de formation sont consignés dans
le document mis à disposition par Tropical Data, intitulé «
Système de formation aux enquêtes sur la prévalence du
trachome ». La formation va durer 5 jours (3 jours de théorie, et 2
jours de pratique dans la communauté). Elle sera assurée par des
formateurs certifiés par Tropical Data.
La formation aura lieu à Maroua, et des
représentants des comités de vigilance pourront participer
à cette activité. Les échanges pourront porter sur le
déploiement des équipes sur le terrain, les attitudes et
pratiques à encourager ou à proscrire, les villages
(communautés) à éviter, le langage à utiliser lors
de l'entretien dans les ménages,...
> Déroulement de l'enquête / Collecte
des données
L'enquête descriptive transversale va se
dérouler dans deux unités d'évaluation (Kolofata, Camp des
déplacés de Mora). Elle va porter sur un échantillon
extrait par sondage et représentatif de la population
étudiée.
Dans le cadre de la lutte contre le trachome, l'objectif
de l'enquête est :
· d'estimer la prévalence du TF chez les
enfants de 1 à 9 ans, ainsi que celle du TT chez les plus de 15 ans
;
· de relever les facteurs de risque de
transmission du trachome actif ;
· d'apprécier les activités de
nettoyage du visage et de changement de l'environnement ;
· de faire des recommandations pour la
planification des futures activités.
En fonction du nombre d'enquêteurs disponibles,
la collecte des données pour les deux unités d'évaluation
pourra se dérouler simultanément, ou successivement. Il faudra
utiliser le maximum d'équipes d'enquêteurs disponibles,
motivés et répondant aux critères de sélection. La
finalité étant de réduire au maximum la durée du
séjour sur le terrain, le contexte sécuritaire étant
toujours précaire dans cette zone. Le principe ici est que les risques
humains diminuent proportionnellement avec le temps passé sur le terrain
de la collecte des données.
La collecte des données est primordiale dans
toute enquête épidémiologique ; elle permet de
récolter les informations qui seront analysées pour confirmer (ou
non) des hypothèses de départ, et répondre à une
problématique.
L'équipe d'enquêteurs est habituellement
constituée d'un codeur, d'un opérateur de saisie et d'un guide
communautaire. Pour cette enquête, les membres des comités de
vigilance seront mis à contribution comme guides communautaires. Ils ont
l'avantage de jouir d'une plus grande légitimité en raison de
leurs racines communautaires ; ils partagent généralement la
même identité ethnique ou politique, les mêmes
intérêts collectifs et leurs perceptions des menaces sont
similaires. Ils peuvent identifier, anticiper et combattre les actions des
insurgés plus efficacement grâce à leur familiarité
avec la langue, la géographie et la culture locales.
Pour un meilleur déploiement des équipes
sur le terrain, il faudra assurer un dialogue constant entre les équipes
d'enquêteurs, les acteurs humanitaires et les forces armées du
Cameroun, ainsi que la Force Multinationale. Ce dialogue est au coeur du
travail de la Coordination Civilo-Militaire qui de par son mandat, a pour
mission de sensibiliser les forces armées aux principes humanitaires
d'impartialité, de neutralité et d'indépendance
opérationnelle.
Pour que tout ceci soit autorisée et
diligenté, il sera nécessaire d'améliorer les
connaissances des autorités administratives et traditionnelles mais
aussi des humanitaires sur les vision, but, et objectif de l'action à
mener. Intervenant dans des zones où l'armée intervient contre
Boko Haram, il est essentiel que les différents acteurs puissent
opérer dans le même espace sans se mettre en danger, ni exposer
les populations que l'on assiste. Il s'agit de la stratégie de
coexistence, qui consiste en ce que les militaires et acteurs humanitaires
n'engagent pas d'opérations communes, mais entretiennent des relations
suffisamment étroites pour travailler dans la même zone en se
gênant le moins possible.
2. PLANIFICATION DES ACTIVITÉS DE TRAITEMENT DE
MASSE / CHIRURGIE DES CAS DE TT
La planification stratégique des décisions
consiste à définir celles-ci à l'avance et à
planifier leur mise en oeuvre dans le temps.
> Commande d'antibiotiques
À l'issue de l'enquête
réalisée, la prévalence du trachome sera connue dans les
deux unités d'évaluation. La prise en charge communautaire du
trachome repose sur la distribution de masse des médicaments à
toute la population. Deux antibiotiques sont utilisés : la
Tétracycline pommade et le Zithromax® (comprimés,
suspension). La Tétracycline est donnée aux sujets de moins de 6
mois, le Zithromax® en suspension sert à traiter les enfants de 6
à 83 mois (moins de 7 ans). Tandis que le Zithromax®
comprimé est donné aux sujets de 7 ans et plus. Le but
recherché étant de traiter toute la population des DS
endémiques.
La planification du traitement est fonction de la
prévalence du TF, on peut réaliser 1 tour de traitement (TF :
5-9,9%), 3 tours (TF : 10-29,9%), ou 5 tours (TF = 30%).
La commande d'antibiotiques est fonction du nombre de
tours de traitement prévu. Les Laboratoires Pfizer Inc. à travers
l'International Trachoma Initiative (ITI) collaborent avec le Ministère
de la Santé Publique dans les efforts d'élimination du trachome
cécitant. Ce partenaire fournit gracieusement du Zithromax® depuis
2011, afin de mettre en oeuvre la distribution de masse de l'antibiotique
relative à la stratégie CHANCE de l'OMS.
> Formation / recyclage des chirurgiens
Les participants aux sessions de formation des
chirurgiens du TT devront répondre aux critères suivants :
être Infirmier Diplômé d'État en service dans l'un
des DS concernés, avoir une expérience documentée en
chirurgie, parler la langue locale des zones ciblées pour la campagne
afin de faciliter la communication avec les patients et améliorer la
prise en charge.
La formation sera dirigée par les formateurs du
niveau central qui ont participé à la formation pour les
formateurs de chirurgien du TT.
Les infirmiers sélectionnés devront
passer un test d'acuité visuelle dans les services ophtalmologiques de
la région de l'Extrême-Nord, avant le début de la
formation. Ceux n'ayant pas un résultat satisfaisant lors dudit test
seront remplacés.
La session de formation sera organisée en quatre
étapes :
- Une étape théorique (durée : 3
jours) qui va porter sur les généralités sur le trachome
et la stratégie CHANCE, les techniques d'identification et de diagnostic
des cas, les options thérapeutiques (épilation, chirurgie), les
conseils et messages à passer avant, pendant et après le
traitement, les aspects éthiques et professionnels, la gestion des
approvisionnements et des déchets.
- Une étape pratique sur mannequin
(durée : 3 jours), pour permettre aux apprenants de mettre en pratique
sur des mannequins les notions théoriques apprises. Ces mannequins vont
présenter des cartouches de paupières amovibles.
- Une étape pratique sur cas réels
(durée : 10 jours), pour permettre aux apprenants d'exercer sur des cas
réels (yeux humains). Certains camps de chirurgie seront mis à
contribution pour faciliter cette phase quoi va conduire au processus de
certification.
- L'étape de certification du chirurgien,
conformément aux critères de certification de l'OMS contenus dans
le manuel.
Le recyclage des chirurgiens sera organisé au
début de chaque campagne de chirurgie. En fonction de l'objectif ultime
d'intervention à atteindre pour l'élimination du trachome dans le
DS, un nombre de campagne va être planifié (2 campagnes par
année).
> Campagne de distribution d'antibiotique / Chirurgie
du TT
Les antibiotiques destinés au traitement de
masse sont centralisés au PNLCé, et transmis dans les
délégations régionales, puis dans les DS concernés
pour distribution.
Dans les communautés la mobilisation sociale
sera faite par les crieurs des villages. Une réunion de sensibilisation
sera organisée avec les représentants de la communauté.
Les distributeurs communautaires vont faire le porte à porte, parcourir
les églises / mosquées, utiliser les matériels d'IEC
(information, éducation, communication), pour distribuer le traitement
aux populations. Les membres des comités de vigilance mis à
contribution comme guides communautaires lors de la collecte des données
pourront être utilisés pour remplir cette tache. La prise en
charge financière est assurée par le partenaire
financier.
En prélude aux campagnes de chirurgie du TT,
des activités de dépistage vont être menées dans le
but de recenser le maximum de cas de TT à opérer. Les cas
dépistés seront consignés dans un registre conçu
à cet effet ; ces cas vont être confirmés par les
équipes de chirurgien directement pendant la campagne (pour
éviter que les cas confirmés ne soient perdus). Les informations
relatives aux patients seront les suivantes : nom, village, aire de
santé, téléphone, paupière malade.
Différents canaux (leaders religieux,
marchés, radios communautaires...) seront utilisés pour livrer
des messages visant à susciter l'intérêt de la
communauté, et renforcer la participation de celle-ci. La communication
portera notamment sur les conséquences de la non prise en charge de la
maladie, l'agenda des campagnes de chirurgie, l'hygiène corporelle et
communautaire, la nécessité d'un changement d'environnement, la
transition.
La chirurgie du TT va être organisée selon
trois stratégies :
- Site fixe : les malades se rendent dans la formation
sanitaire à une période bien déterminée pour
bénéficier des services de chirurgie.
- Camps de chirurgie : des camps de chirurgie seront
installés dans des zones spécifiques du DS, et les malades seront
orientés vers ces lieux.
- Équipes mobiles : il s'agit d'équipes
qui vont se déplacer d'une aire de santé à l'autre pour
des activités de chirurgie, après que la liste des malades ait
été établie.
Notons que le choix d'une stratégie sera
fonction du contexte qui va prévaloir au moment de
l'implémentation de la campagne. Dans les buts d'évaluer la
qualité de l'acte chirurgical posé, et d'apprécier la
satisfaction des malades opérés, un suivi systématique des
patients sera effectué suivant les recommandations de l'OMS.
3. ACTUALISATION DE L'AGENDA D'ÉLIMINATION
À l'issue des enquêtes sur le trachome
dans le DS de Kolofata et le camp des déplacés de Mora, la
prévalence de la maladie sera connue. La stratégie CHANCE de
l'OMS va être mise en pratique dans le but de ramener les
prévalences du TT et du TF en dessous des seuils requis pour
l'élimination de la maladie.
Des enquêtes d'impact et plus tard de
surveillance vont être réalisées pour apprécier
l'effet de cette stratégie CHANCE sur l'épidémiologie de
la maladie. Les résultats de ces enquêtes permettront de prendre
les décisions à tous les niveaux de gestion du système de
santé tant au niveau national, qu'international.
> Enquête d'impact
L'étude de l'impact d'une action ou d'une
activité permet de comprendre, de mesurer et d'évaluer ses
effets. L'analyse d'impact est un processus qui consiste à identifier
les éventuelles conséquences d'un changement, ou à
évaluer quels éléments doivent être modifiés
afin d'effectuer un changement.
Dans le cadre de la lutte contre le trachome,
l'enquête d'impact aura comme objectif d'estimer les prévalences
du TF et du TT après la mise en oeuvre de la stratégie CHANCE, et
évaluer l'importance relative des facteurs de risque connus de la
transmission du trachome actif. Cette enquête sera réalisée
à la fin de la distribution (au moins 6 mois après la
dernière distribution) de masse des antibiotiques dans le
DS.
Les enquêtes d'impact réalisées au
Cameroun entre 2014 et 2017 ont rapporté que tous les DS
endémiques (21 DS) avaient atteint les seuils d'élimination de la
maladie. La bonne mise en oeuvre de la stratégie CHANCE apparait comme
une pratique de choix dans la lutte contre le trachome. Son
implémentation dans le DS de Kolofata devrait permettre d'obtenir,
à l'issue de l'enquête d'impact, des prévalences en dessous
des seuils requis pour l'élimination de la maladie. La période de
surveillance de la maladie pourra ainsi débuter.
> Enquête de surveillance
Une endémie désigne une infection ou une
maladie présente au sein d'une population ou une région
donnée, et dont l'incidence doit être surveillée et faire
l'objet de prévisions.
La surveillance consiste à recueillir, analyser
et interpréter systématiquement des données sur la
situation sanitaire, et à communiquer en temps opportun les informations
ainsi obtenues aux décideurs et aux autres instances concernées
pour la prise de décisions.
L'OMS recommande d'organiser des enquêtes de
surveillance dans tous les DS ayant atteint les critères d'arrêt
de traitement en vue de confirmer que la transmission du trachome a
été interrompue, et qu'aucune réémergence n'est
intervenue depuis l'arrêt des traitements.
Une procédure en 2 étapes est suivie
pour établir si les seuils de prévalence correspondant à
l'élimination du TT et du TF ont été atteints dans un DS.
D'abord, après une période de mise en oeuvre des interventions
contre le trachome, et 6 mois au moins après la dernière
tournée prévue d'administration massive d'antibiotiques, une
étude d'impact doit être menée. Si le seuil de
prévalence correspondant à l'élimination du TF est
atteint, le DS entame une période de 2 ans de surveillance
prévalidation pendant laquelle il ne faut pas mener
d'antibiothérapie. À la fin de cette période, une
enquête de surveillance prévalidation doit être
menée.
Un pays remplit les critères de validation
lorsqu'il est démontré, moyennant des enquêtes de
surveillance prévalidation correctement menées, que les
prévalences ont été ramenées en deçà
des seuils d'élimination dans tous les DS endémiques. Il faudra
parallèlement tenir compte de la chronologie des interventions et des
activités de surveillance dans les DS voisins.
> Maintien d'une ressource humaine efficace /
Transition
L'objectif principal de cette action sera d'assurer la
prise en charge des cas incidents ou d'éventuels TT post
opératoires (diagnostic des cas, disponibilité des
médicaments, disponibilité des chirurgiens) dans le
DS.
Lorsque le seuil d'élimination de la maladie
est atteint à l'issue des enquêtes d'impact et de surveillance, le
processus de transition est engagé. Il s'agit du passage de l'approche
santé publique (centrée sur la communauté) à
l'approche clinique (centrée sur l'individu). La transition
représente l'ultime étape avant la validation du dossier
d'élimination. À ce niveau, la recherche active des cas et les
campagnes ne sont plus nécessaires. Le système de santé
doit être capable de prendre en charge les cas incidents de la maladie.
Pour ce faire, des ressources humaines (formées, disponibles,
motivées) et matérielles sont nécessaires. Le
Ministère de la Santé Publique et ses Partenaires devront
réfléchir à une politique de motivation pour assurer le
maintien efficace de la ressource humaine dans le DS.
La transition s'applique aux quatre volets de la
stratégie CHANCE.
La transition concernant la chirurgie du trichiasis
(CH) voudrait dire que l'on va passer de la prestation lors des campagnes aux
services cliniques de routine dans les formations sanitaires. Pour y parvenir,
au niveau du DS il faudra identifier et orienter les patients, avoir une liste
du personnel chirurgien, identifier les sites opératoires, faire
l'inventaire du matériel, améliorer les compétences. Les
chirurgiens formés lors de la planification des activités de
chirurgie dans le DS vont être davantage mis à contribution dans
la mise en oeuvre de cette action.
La transition relative au traitement antibiotique de
masse (A) se traduit par la disponibilité des médicaments pour la
prise en charge des éventuels cas (le personnel de santé doit
pouvoir reconnaitre tout cas de trachome folliculaire). Un système de
surveillance post endémique devra être mis en place, et
l'azithromycine devra être dans le même circuit que les autres
médicaments génériques essentiels.
La réussite de la transition pour les volets
nettoyage du visage (N) et changement de l'environnement (CE) passe par la
synergie des secteurs apparentés tels que l'éducation,
l'approvisionnement en eau, l'habitat, le développement rural, les
collectivités territoriales décentralisées. Un
comité intersectoriel pourra être mis sur pied pour faire des
doléances aux partenaires lors des différentes plates formes, et
faire une éducation à la santé dans les écoles sur
la pratique du lavage des mains et du visage.
CONCLUSION
La stratégie d'élimination du trachome
comme problème de santé publique au Cameroun, à travers le
DS de Kolofata, a constitué le thème principal de notre travail.
La description du contexte d'action a renseigné sur
l'épidémiologie et les facteurs favorisants la maladie, ainsi que
l'accès aux soins de santé dans le DS. L'identification des
principaux acteurs et enjeux a mis en lumière l'insécurité
et les risques humains, le déplacement des populations, et la
nécessité d'une cartographie.
Au vu de la question de recherche, trois
problèmes ont été identifiés : l'apparition de
nouveaux cas de la maladie dans le DS, la présence d'un nouveau foyer de
la maladie dans le camp des déplacés de Mora, et le retard par
rapport à l'agenda d'élimination. L'analyse stratégique de
la situation a permis d'adopter un arbre décisionnel ainsi que des
décisions stratégiques par rapport au problème
posé. Ces décisions sont la cartographie du DS de Kolofata et du
camp des déplacés de Mora, la planification des activités
de traitement de masse et de chirurgie du TT, et l'actualisation de l'agenda
d'élimination.
Pour la bonne mise en oeuvre de la cartographie, il
faudra un protocole d'enquête validé, la formation des
enquêteurs à Maroua, la réalisation de l'enquête avec
le concours des comités de vigilance et des forces de défense et
de sécurité. La stratégie CHANCE de l'OMS devra être
appliquée, suivie par des enquêtes d'impact et de surveillance. De
même qu'une réflexion devra être développée
pour le maintien efficace de la ressource humaine dans le DS.
Le Programme National et les Partenaires devront
être vigilants pour ne pas retomber dans l'endémicité si
les nouveaux cas ne sont pas pris en charge, et surtout si les activités
N et CE ne sont pas entreprises avec les secteurs
apparentés.
Le véritable défi pour mener une lutte
continue et pérenne contre le trachome est d'éduquer les
populations pour qu'elles prennent la mesure du lien qui existe entre une
hygiène adéquate, un bon assainissement et des conditions
acceptables de vie pour les enfants, afin que ceux-ci soient
épargnés de la terrible épreuve du TT à l'âge
adulte. En effet, l'amélioration du standing de vie dans une
communauté concourt à faire reculer la prévalence du
trachome actif, et ainsi à parfaire la vue des générations
à venir.
Le plaidoyer pour un accès sûr et
sécurisé aux soins de santé, ainsi que pour le respect des
principes qui régissent l'action humanitaire est essentiel à la
réponse de l'ensemble de la communauté humanitaire au Cameroun,
où les besoins urgents en santé publique sont
réels.
BIBLIOGRAPHIE
A. OUVRAGES
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de santé d'une population et action humanitaire : un guide
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Structure : Chapters in the History of American Industrial
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B. ARTICLES ET DOCUMENTS
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15. OPHTALMO SANS FRONTIÈRES. (2013),
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C. WEBOGRAPHIE
19. Alliance OMS pour GET2020. (2016),
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actions pour atteindre les objectifs de 2020, disponible sur
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20. Cours Gratuit. Support de cours en management du
changement, disponible sur
https://www.cours-gratuit.com/cours-management-du-changement/support-de-cours-en-management-du-changement,
2020.
21. EVAL. (2020), Théorie du
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https://www.eval.fr/theorie-du-changement/
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25. SABBAR, B. (2016), Le management
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opérationnel,
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26. WIKIPEDIA. Health Belief Model, disponible
sur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Health_belief_model,
2020.
TABLE DES MATIÈRES
THÉMATIQUES
|
PAGES
|
SOMMAIRE .
DÉDICACES
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ii
|
i
iii
iv
v
|
INTRODUCTION
|
1
|
CHAPITRE 1 : LE TRACHOME : UNE MALADIE TROPICALE
NÉGLIGÉE
|
2
|
I- CONTEXTE DE LA MALADIE
1- Aspects cliniques et épidémiologiques
du trachome ..
2- Répercussions sociale et économique du
trachome ..
3- Politiques de prévention et de lutte contre le
trachome
|
3
5
6
|
II- PROBLÉMATIQUE PRATIQUE DU TRACHOME AU
CAMEROUN
1- Observations relatives à la lutte contre le
trachome au Cameroun
2- Identification du problème .
3- Question de recherche
|
8
12
13
|
CHAPITRE 2 : LE TRACHOME : UN PROBLÈME DE
SANTÉ PUBLIQUE DANS LE DS DE KOLOFATA
|
14
|
I- ÉTUDE DU CAS DU TRACHOME DANS CE DS
1- Présentation du DS de Kolofata .
2- Épidémiologie du trachome dans le DS de
Kolofata .
3- Description des acteurs et enjeux dans la lutte
contre le trachome
|
14
16
18
|
II- DIFFICULTÉS POSÉES PAR LE
CAS
1- Au vu des observations faites .
2- Par rapport à la question de recherche
|
22
24
|
CHAPITRE 3 : DÉVELOPPEMENT THÉORIQUE ET
APPROCHE ANALYTIQUE
|
26
|
I- CHAMP DISCIPLINAIRE ET THÉORIE
CONVOQUÉE
|
|
1- Présentation de la théorie du Health
Belief Model
|
|
|
27
|
2- Contribution du HBM à la résolution du
problème identifié
|
|
|
30
|
II- ANALYSE STRATÉGIQUE
|
|
1- Analyse de la question de l'élimination du
trachome dans le DS de Kolofata ......
|
|
|
31
|
2- Diagnostic stratégique
|
|
|
35
|
CHAPITRE 4 : DÉCISIONS ET ACTIONS
STRATÉGIQUES
|
38
|
I- DÉCISIONS STRATÉGIQUES
|
|
1- Mise à jour de la cartographie du trachome
|
|
|
39
|
2- Planification des activités « CH »
et « A »
|
|
|
39
|
3- Actualisation de l'agenda d'élimination
|
|
|
|
41
|
II- ACTIONS ENVISAGEABLES
|
|
1- MISE À JOUR DE LA CARTOGRAPHIE DU
TRACHOME
|
|
> Rédaction et validation du protocole de
l'enquête
41
|
|
> Sélection et formation des enquêteurs
..
|
42
|
> Déroulement de l'enquête / Collecte de
données . ..
|
43
|
2- PLANIFICATION DES ACTIVITÉS « CH » ET
« A »
|
|
> Commande d'antibiotiques .
|
45
|
> Formation / Recyclage des chirurgiens
..
|
45
|
> Campagne de distribution d'antibiotique / Chirurgie
du TT
|
46
|
3- ACTUALISATION DE L'AGENDA
D'ÉLIMINATION
|
|
> Enquête d'impact ..
|
47
|
> Enquête de surveillance
|
48
|
> Maintien d'une ressource humaine efficace /
Transition .
|
49
|
CONCLUSION
|
50
|
BIBLIOGRAPHIE
|
vi
|
TABLE DES MATIÈRES .
|
viii
|
|