Les nouvelles formes de journalisme sur les réseaux socionumériques: le cas des médias twitterpar Tiziano Taillibert Université Côte d'Azur - Master DISTIC 2001 |
Partie 1 : Journalisme, réseaux socionumériques et légitimitéCette première partie sera divisée en quatre chapitres : le premier portera sur la place prise par les réseaux socionumériques dans le partage d'information, le deuxième va porter sur la révolution numérique dans le monde du journalisme, le troisième chapitre concerne l'influence et la légitimité en ligne tandis que le quatrième et dernier chapitre va porter sur Twitter en particulier. Tout cela nous permettra d'aborder la question des Médias Twitter dans les meilleures conditions et en ayant un horizon de connaissances suffisamment important pour pouvoir comprendre l'ensemble des problématiques auxquelles nous serons confrontées lors de notre travail de terrain. Chapitre 1 : La place des réseaux socionumériques dans le partage d'information Avant toute chose, il est important de se pencher sur l'apparition des réseaux socionumériques, qui ont révolutionné le partage de l'information et le métier de journaliste, jusqu'à l'arrivée des Médias Twitter ces dernières années. Pur produit du web 2.0, les réseaux socionumériques sont devenus des plateformes de discussion et de partage d'information pour des millions d'utilisateurs à travers le monde. 1.Réseau social : éléments de définition En un peu moins de vingt ans d'existence, les réseaux sociaux numériques ont acquis une place très importante au sein des différents usages de l'Internet. Ainsi, en 2005, parmi les sites générant le plus d'audience en ligne, on retrouvait exclusivement des services de ventes en ligne ou de grands portails commerciaux à l'image de Amazon, eBay, Microsoft ou AOL. Une décennie plus tard, ces grands noms ont disparu du classement des vingt sites les plus visités au profit de Facebook, YouTube ou Twitter1(*). Pour autant, malgré leur popularité, il n'existe pas une définition arrêtée des réseaux sociaux numériques qui fait l'unanimité au sein de la communauté scientifique. Plusieurs chercheurs ont émis leur propre définition du concept, qui peut varier selon les écoles. Nous allons nous intéresser à plusieurs d'entre elles pour déterminer la définition la plus pertinente de ce concept-clé. Une première forme de définition viserait à élargir le projet en utilisant l'appellation « médias sociaux ». Ce terme est utilisé pour affirmer l'existence d'un phénomène massif de participation sur Internet2(*). Mais bien que facilitant la tâche, cette dénomination n'aide pas à éclaircir le principe des réseaux socionumériques. Au contraire, il englobe sous la même bannière des dispositifs très différents, puisqu'il regroupe sous la même appellation tous les sites et toutes les plateformes qui génèrent une participation des internautes. Mais cela peut toutautant désigner les réseaux socionumériques, qui sont basés sur la création de contenus de la part des utilisateurs, que les sites marchands qui proposent aux utilisateurs de laisser une notation et un commentaire ou les sites de projets collaboratifs à l'image de Wikipédia. Assimiler Twitter, Facebook à Wikipédia ou Ebay va à l'encontre d'un travail scientifique rigoureux qui doit chercher à distinguer ces différents sites et n'est pas pertinent dans ce travail de recherche. Il convient donc d'affiner cette définition. D'autres chercheurs francophones ont apporté leur définition des réseaux socionumériques à l'image de Serge Proulx, qui parle de « supports médiatiques logiciels permettant aux usagers de maintenir une présence, de communiquer et d'interagir en ligne3(*) ». Mais la définition la plus complète et la plus citée dans les travaux académiques est celle de Danah Boyd et Nicole B. Ellison qui regroupent les réseaux socionumériques tels que Twitter ou LinkedIn sous l'expression « social network sites » d'où l'appellation française réseau sociaux. Les deux chercheurs anglo-saxons définissent les sites de réseaux sociaux comme des services web permettant aux utilisateurs : (1) de construire un profil public ou semi-public au sein d'un système, (2) de gérer une liste des utilisateurs avec lesquels ils partagent un lien, (3) de voir et naviguer sur leur liste de liens et sur ceux établis par les autres au sein du système4(*). Mais cette définition a une dimension uniquement formelle, et ne précise pas les activités qui ont lieu sur ces espaces. C'est pourquoi il convient d'ajouter une autre caractéristique en spécifiant la particularité des usages des réseaux socionumériques. D'après Thomas Strenger, ces sites fondent leur attractivité essentiellement sur l'opportunité de retrouver ses « amis » et d'interagir avec eux par le biais de profils, de listes de contacts et d'applications à travers une grande variété d'activités5(*). Une dernière modification de cette définition est néanmoins nécessaire pour saisir l'essence des réseaux sociaux et de leur évolution. Il s'agit de modifier le terme « d'amis » choisi par Stenger et Coutant pour privilégier celui de « communauté » au sens où les réseaux sociaux ne visent pas, ou plus seulement, à réunir son entourage proche, mais bien un ensemble d'individus ou d'organisations qui ne peuvent être hors du cercle amical ou familial des utilisateurs, rattachés par des centres d'intérêt en commun ou selon la volonté des uns ou des autres. 2. Historique de l'arrivée des réseaux sociaux Après s'être penché sur ce qui constitue les réseaux socionumériques sur Internet, il est nécessaire de retracer l'histoire de ces derniers pour comprendre les étapes de leur évolution jusqu'à leur immense popularité actuelle. Les réseaux socionumériques sont issus du concept de réseautage social, qui se rapporte à l'ensemble des moyens virtuels mis en oeuvre pour relier des personnes, aussi bien physiques que morales, entre elles. Cette notion de réseautage social n'est pourtant pas apparue avec Internet mais existe depuis que les hommes se sont constitués en société. Au cours de l'histoire, d'innombrables groupes sociaux se sont regroupés autour d'un thème commun pour former un type de réseautage. Les exemples ne manquent pas, des religieux aux syndicats en passant par les groupes de supporters. Le réseautage social peut être informel - passant par la recommandation par un tiers ou l'organisation de réunions - comme il peut prendre une forme institutionnelle et organisée, pouvant alors être professionnelle ou de loisir. La première graine de ce qui peut être considéré comme un réseau social numérique remonte à l'année 1971, lorsque Ray Tomlinson réalise le premier échange d'e-mail entre deux ordinateurs. Il s'agissait alors du premier système capable d'envoyer du courriel entre utilisateurs sur différents ordinateurs connectés à ARPANET. Plus tard, en 1978, un BBS (BulletingBoard System) est échangé entre plusieurs utilisateurs via des lignes téléphoniques. C'est également cette même année que les premières versions des navigateurs Internet ont été distribuées sur la plateforme Usenet. L'apparition d'Internet va faire prendre une nouvelle ampleur à ce concept et lui permettre de prendre une nouvelle dimension sous des formes novatrices. Ainsi, GeoCities est lancé en 1994, un site proposant un service de création de pages web simples hébergées dans certains quartiers en fonction de leur contenu. Si certains le considères comme le premier réseau social en ligne, le premier site web de réseautage social est lancé en 1995 sous le nom de Classmates.com, la version américaine de copains d'avant permettant d'aider les gens à retrouver leurs anciens camarades de classe. En 1997, SixDegrees est créé. Lui aussi est considéré comme le premier réseau socionumérique par certains, se rapprochant encore plus de la définition. SixDegreesoffrant la possibilité de créer des profils personnels, d'inviter des amis et de consulter les profils des autres utilisateurs du site. S'ensuit en 1999 MSN, un service de messagerie en ligne lancé par Microsoft. MSN, qui sera renommé Windows Live Messenger en 2005, est alors le premier site dit réseau social à démarrer l'ère du « tchat » numérique sur Internet, qui va devenir une constante dans l'utilisation des réseaux socionumériques, notamment par chez les jeunes et les adolescents. MSN va être la porte d'entrée vers le « web social » pour des millions d'individus à travers le monde. Bien qu'il ne soit pas le premier site de messagerie instantanée en ligne, précédé par Yahoo et ICQ, le site de Microsoft va s'arroger le leadership sur le marché et devenir une référence. Dans ses plus grandes heures, MSN réunissait plusieurs millions d'utilisateurs francophones actifs. Mais un phénomène va révolutionner Internet et permettre l'essor des réseaux socionumériques tels qu'on les connait aujourd'hui : l'apparition du web 2.0. Le Web 2.0 représente, selon son premier et plus grand théoricien Tim O'Reilly, « la révolution dans l'industrie informatique causée par le passage d'Internet comme plateforme, et toutes les tentatives de comprendre les règles du succès de cette nouvelle plateforme6(*) . » Ce nouveau départ pour le web intervient après la crise de 2000, où l'effondrement de la plupart des entreprises technologiques a entraîné la bulle Internet, où ce dernier a semblé arrêter sa croissance. Le Web 2.0 est alors caractérisé par plusieurs points déterminants : - Comme vu précédemment, le Web est perçu comme une plateforme - L'internaute est impliqué dans le fonctionnement des sites - La richesse se trouve dans les données - Il s'appuie sur l'intelligence collective - Les interfaces sont plus souples et légères Le terme de Web 2.0 est donc utilisé pour définir la nouvelle période d'Internet qui s'ouvre au début des années 2000. Le Web 2.0 est un sujet très discuté et controversé mais nous adopterons ici la définition de Jérémy Dapauw (2009) qui utilise un assemblage exhaustif de définitions existantes pour proposer une synthèse de l'ensemble des caractéristiques de l'évolution du paysage informationnel en ligne. Pour Jérémy Dapauw, le web 2.0 peut donc être défini comme « un ensemble de tendances initié par un ensemble de pratiques, mobilisé par un ensemble d'outils7(*) ». Ainsi plusieurs facteurs constituent ces tendances. Par exemple, un premier facteur est caractérisé par la montée en puissance des moteurs de recherche, avec Google en tête, qui accompagne les utilisateurs vers une multitude d'informations et de données issues de diverses sources. Un autre facteur est celui des outils offerts aux sites web, qui se répartit en gestion de contenus de communication, collaboration et technologies. Cela a créé un large répertoire de nouveaux intervenants, à commencer par les plateformes multimédias comme MySpace, YouTube ou Flickr. L'essor du e-commerce (eBay, Amazon etc.) va également faire grandir la notion de participation des internautes, un concept important du web 2.0, ces derniers apportant leur expérience où leurs idées et informations sur des sites sociaux comme Doctissimo. Tout cela offre le champ idéal pour assister à la naissance des réseaux socionumériques qui fleurissent à partir de 2002. Le premier grand réseau socionumérique à connaître un grand succès est Friendster, qui est lancé en mars 2003. Il permet de rencontrer de nouvelles personnes à partir de son cercle d'amis. Entièrement basé sur les nouveaux principes d'interactions du Web 2.0, Friendster met la participation des usagers en avant et connaît un large succès international, enregistrant plus de 3 millions d'utilisateurs dès les premiers mois suivant son apparition sur Internet8(*). La même année, un nouveau réseau social pousse encore plus loin les principes d'interactivité et de communauté. Lancé en août 2003 par Tom Anderson et Chris DeWolfe, MySpace franchit une nouvelle étape dans la montée en puissance des réseaux socionumériques. Avec la possibilité de gérer un profil personnel, un service d'hébergement de multimédias, la possibilité de commenter et de suivre d'autres profils, MySpace est le fer de lance d'un grand nombre de réseaux socionumériques qui vont suivre. Le site connaît un succès monstre. Durant ses plus grandes années - entre 2005 et 2008 - MySpace enregistre plus de 300 000 nouveaux utilisateurs par jour dépassant même Yahoo pour devenir le site le plus visité aux États-Unis puis dans tous les États européens. À partir du tonitruant succès de MySpace, d'autres services ont commencé à éclore un peu partout dans le monde, avec plus ou moins de succès. Parmi ces tentatives, on peut citer Orkutau Brésil, Hyvesaux Pays-Bas ou Mixi au Japon qui ont tous réussi à obtenir un petit succès. Mais alors que d'autres réseaux socionumériques ont commencé à émerger à l'image de LinkdInou Flickr, un site va faire l'effet d'un tsunami et va démocratiser les réseaux socionumérique : Facebook. Créé par Mark Zuckerberg en 2004, Facebook est à l'origine conçu dans l'objectif de connecter numériquement les étudiants de l'université d'Harvard à Cambridge dans le Massachusetts aux États-Unis. Le site connaît un rapide succès au sein du campus, où un mois après son lancement, la moitié des étudiants sont déjà enregistrés. Avec son système d'« amis » et son fil d'actualité constamment rafraîchi, Facebook va se développer à une vitesse phénoménale et un an après son lancement, le site est déjà présent dans près de 500 universités américaines, recensant déjà plus de deux millions d'utilisateurs9(*). Après son succès universitaire, Facebook s'ouvre au public en 2006 et boulverse le destin des réseaux socionumériques sur de nombreux aspects, autant médiatique qu'économique. Le succès est tel que MySpace se voit dépassé en nombre de visites mensuelles et se doit de changer de stratégie, en choisissant un nouveau design et en s'orientant vers une plateforme de divertissement plus qu'un réseau socionumérique. Les chiffres de Facebook explosent et il devient rapidement le réseau socionumérique le plus important de tous les temps. En 2020, le site compte 1,88 milliard d'utilisateurs actifs quotidiennement10(*). Deux ans après Facebook, un autre grand réseau socionumérique va obtenir un succès international : Twitter. Twitter est un site de micro-blogging gratuit, fondé en 2006 au sein de la société Odéo par Jack Dorsey. Les trois grandes caractéristiques du site sont : (1) de courts messages texte (limités d'abord à 140 caractères, puis 280) ; (2) des messages instantanés ; (3) des souscriptions afin de recevoir des mises à jour11(*). Twitter est le site de microblogging le plus utilisé et un des réseaux socionumériques les plus populaires. Ainsi, en 2019, Twitter comptait plus de 290 millions d'utilisateurs à travers le monde12(*) Ces grands succès ont entraîné d'autres et les réseaux socionumériques se sont multipliés ces dernières années. Parmi les plus populaires, on peut citer : · Pinterest :lancé en 2009, il s'agit d'une plateforme de partage d'images entre utilisateurs · Snapchat : lancé en 2011, il s'agit d'une plateforme uniquement mobile permettant de partager des fichiers sous forme de photo ou de vidéos limités dans le temps entre deux utilisateurs · TikTok : lancé en 2016, pour réaliser une variété de courtes vidéos, qui ont une durée de 15 secondes à une minute visibles par une communauté d'utilisateurs. 3. Usages des réseaux sociaux Après s'être attardé sur la définition des réseaux socionumériques, il convient d'analyser les usages des réseaux sociaux pour comprendre leur succès et leurs spécificités. Les réseaux socionumériques confèrent la possibilité aux usagers de participer de manière active à la production de contenus médiatiques propres13(*). Mais cela est loin d'être l'unique fonction offerte par ces sites. Nous pouvons classer les usages des réseaux sociaux en deux catégories distinctes que nous allons détailler séparément. En premier lieu, les usages de sociabilité ordinaire14(*), et dans un second temps, les usages professionnels. Un des premiers usages des réseaux socionumériques et le plus véhiculé dans sa communication et dans son image est celui de la sociabilité ordinaire, soit le fait d'utiliser les réseaux socionumériques comme des outils de sociabilisation. C'est d'ailleurs à partir de cet aspect que la définition de Boyd et Ellison a été basée. Cette vision des réseaux sociaux est notamment incarnée par Facebook et ses profils ajoutables en tant qu'« ami ». La promesse de ces réseaux sociaux en ligne est de profiter des nouvelles technologies de l'information et de la communication pour créer une nouvelle « sphère Internet », semblable à une extension de la réalité où il est possible de continuer à entretenir des interactions avec ses proches en brisant les barrières géographiques. Une opportunité d'enrichir la sociabilité des individus, même si en général, ce sont les liens dit « faibles » qui sont privilégiés sur Facebook, plus que « les contacts aventureux avec les inconnus ou l'échange intime avec les proches » selon Dominique Cardon15(*). Ce sont les « intermédiaires de la vie sociale : copains de toujours ou d'occasion, collègues, partenaires d'activité, amis d'amis, connaissances lointaines16(*) ». Cette sociabilité peut être spécifique selon les réseaux, ainsi, un site comme LinkedIn va favoriser l'entourage professionnel à l'entourage amical. Mais ce principe d'interaction est un des fondements des réseaux socionumériques. Après avoir vu les usages de sociabilité ordinaire, nous allons nous pencher sur les usages professionnels des réseaux sociaux, qu'y nous intéresseras beaucoup plus au vu du sujet d'étude. Si le journalisme a un rapport très particulier avec les réseaux socionumériques, nous nous pencherons sur ce sujet dans une prochaine partie. Pour autant, le journalisme est loin d'être le seul corps de métier à avoir intégré les réseaux sociaux de l'Internet dans ses pratiques ou dans son environnement. De nombreuses branches professionnelles ont été fortement impactées par la place prédominante prise par les réseaux sociaux (la communication, le marketing...). Les réseaux sociaux ont pris une place de choix pour de nombreux usages, qu'il s'agisse de la veille (rédactionnelle, technologique, concurrentielle...) qui se fait désormais quasiment en intégralité sur les réseaux sociaux en ligne, ou bien la communication. Désormais, chaque entreprise se doit d'avoir une forte audience et une bonne réputation en ligne. Une nécessité caractérisée par la naissance de postes dédiés à la communication sur les réseaux sociaux. C'est ainsi que la fonction de Community Manager a vu le jour et s'est démocratisée dans quasiment l'ensemble des sociétés, peu importe la taille de cette dernière. 4. Un nouveau vecteur d'information Ces derniers usages en particulier ont procuré aux réseaux sociaux une place importante dans le partage d'information. Ce n'est bien sûr pas le premier vecteur d'information issu d'Internet. Les médias ont très vite saisi l'opportunité que représentait le web pour étendre leur secteur d'activité. Les débuts du journalisme qu'on appelle numérique, qu'il soit du domaine de l'audiovisuel ou de la presse écrite, sont limités à la numérisation des contenus des médias traditionnels. Le faible débit d'Internet ne permettait pas encore de proposer du contenu multimédia (début 90). Une première vague d'investissements de la part des médias intervient à la fin des années 1990, portée autant par de nouvelles ressources humaines (recrutement d'équipes de cyber-journalistes, informaticiens, graphistes...) que des ressources techniques. Mais le retour sur investissement peinant à arriver, les médias accusent des déficits majeurs. À un point tel qu'en mars 2000, la bulle internet éclate17(*). La forme actuelle de l'information en ligne ne fera son apparition qu'avec le développement du Web 2.0. Avec le développement et le succès du Web 2.0, Internet se démocratise auprès du grand public et le paysage médiatique s'élargit considérablement. D'un côté, les médias traditionnels se déploient sur le web, mais de nouvelles formes de médias font leur apparition. Les pure players ou sites natifs de l'Internet tentent ainsi d'inventer un journalisme alternatif en ligne porteur de diversité18(*). Et comme vu dans le précédent chapitre, les médias traditionnels et les nouveaux médias ont très rapidement investi les réseaux sociaux, qui sont l'incarnation la plus formelle du web 2.0. Le tournant décisif arrive en 2005 quand, selon l'étude annuelle du web, un foyer français sur deux est désormais équipé d'un ordinateur et plus d'un Français sur deux se considère comme un internaute. De plus, un Français sur quatre avait déjà effectué un achat en ligne19(*).Il s'agit d'un tournant pour la place du web dans le quotidien. Le web 2.0 a également été le premier pas vers une notion essentielle de ce travail de recherche, la production par les utilisateurs. Avec le développement du web 2.0, les utilisateurs ne sont plus de simples consommateurs. Ils produisent eux-mêmes des contenus : ils rédigent des blogs, contribuent dans des wikis, laissent des commentaires sur des pages visitées, ils créent des espaces d'expression20(*). Ce sont les prémices de la production de contenu journalistique sur les réseaux socionumériques par des amateurs. Ainsi, en 2019, une enquête de l'Institut français d'opinion publique révèle que les réseaux sociaux sont le deuxième moyen le plus privilégié par les Français pour s'informer (24 %) derrière la télévision (47 %). Un chiffre qui s'inverse lorsqu'on se focalise sur les 18-34 ans. Dans cette tranche d'âge, internet et les réseaux sociaux sont le premier vecteur d'information pour 45,5 % d'entre eux21(*). Un chiffre impressionnant qui s'explique par plusieurs phénomènes : Le premier phénomène, c'est que la prise de pouvoir des plateformes est profondément corrélée à l'essor du smartphone. Pour Nic Newman, chercheur à l'Institut Reuteurs d'étude du journalisme, de l'université d'Oxford, « la montée en puissance du smartphone va de pair avec celle des plates-formes de distribution. L'information arrive aux mobinautes par les flux des réseaux sociaux, leurs alertes et notifications22(*). » Dans l'écosystème du smartphone, les différents réseaux sociaux réussissent, plus encore que les médias, à amener leurs utilisateurs vers des contenus d'information. Le deuxième phénomène pouvant expliquer le succès des réseaux sociaux en tant que vecteur d'information est le phénomène d'instantanéité. Si le web a tout accéléré, les réseaux sociaux ont fait de l'instantanéité la norme. Sur ces plateformes, les interactions et la communication sont la majorité du temps éphémères ou abrégées, quitte à constituer l'argument de vente de certains. Ainsi, une plateforme comme Snapchat ne permet d'envoyer des photos et vidéos aux autres utilisateurs que pendant une durée limitée (pas plus de 30 secondes), et une fois vu, le ficher est irrémédiablement supprimé. Twitter, le sujet de cette recherche en est le parfait exemple. Les tweets y sont limités à 280 caractères. Si le fonctionnement des réseaux sociaux repose sur la consommation rapide, cela a conditionné les usages. Ainsi, les utilisateurs des réseaux sociaux deviennent des consommateurs de plus en plus volatils et pressés. Ils vont donc chercher l'information où celle-ci est la plus condensée et facile d'accès, à savoir les réseaux sociaux. Un phénomène est mis en exergue par le journaliste coréen Chung Ah-youn qui théorise le « phénomène de snack- culture », soit la consommation de contenus de plus en plus courts : « Les utilisateurs numériques consomment généralement du contenu culturel en ligne d'une durée de 10 minutes en moyenne. Principalement en déplacement, ils deviennent accros aux segments courts. En se référant à cette habitude de consommer de l'information et des ressources culturelles rapidement plutôt que de s'engager dans une lecture plus approfondie23(*). » Cette efficacité de Twitter en tant que vecteur d'information est une réponse à un besoin social mais cela est également dû à la fois à ses caractéristiques techniques et à l'appropriation sociale de l'outil24(*). Si l'on se penche sur Twitter en particulier pour illustrer cette partie, c'est d'abord car il s'agit du sujet principal de ce mémoire de recherche et ensuite car il s'agit du réseau socionumérique le plus parlant à ce niveau.
Dès son lancement, Twitter a été conçu comme un service adapté aux supports mobiles. D'abord, par la limitation de la longueur des messages, qui correspondait à la longueur d'un sms, mais aussi par la simplicité de l'interface. De plus, comme l'explique Nicolas Smyranios, le choix des créateurs de « mettre en oeuvre des outils open source et de rendre l'interface de programmation (API) du service accessible à des tiers (...) a favorisé l'émergence d'un écosystème constitué de dizaines de services interopérables qui permettent de consulter Twitter sans passer par un navigateur web »25(*). L'API de Twitter serait d'ailleurs vingt fois plus sollicitée par le biais d'applications extérieures que par le site Twitter.com. Cela fait de Twitter une plateforme ouverte, à l'inverse de Facebook, rendant son flux d'information mis à jour en temps réel et visualisable sur des supports extérieurs variés, pratiquement impossible à censurer pour un gouvernement ou autre. Cela a permis à Twitter d'émerger en tant que réseau social le plus plébiscité comme réseau d'information. Le site doit cette notoriété auprès du grand public et des médias grâce au phénomène de couverture des faits d'actualité et mouvements sociaux de ses utilisateurs directement sur la plateforme26(*). Contrairement à Facebook, par exemple, qui repose simplement sur son taux de pénétration très élevé. Ainsi, Twitter a été le théâtre des attaques terroristes de Bombay (novembre 2008) et des émeutes urbaines en Grèce (2008), tout cela couvert sur place par les utilisateurs. Une utilisation qui va trouver son apogée d'abord dans l'élection présidentielle iranienne de 2009 puis au moment des événements du printemps arabe, en détournant la censure locale. 5.Un contre-pouvoir au service de la liberté d'expression Si les réseaux socionumériques sont devenus de potentiels vecteurs d'information au cours des années 2000, il s'agissait avant tout d'un usage par les professionnels du journalisme comme nous le verrons dans une future partie. C'est une série d'événements historiques majeurs qui a permis au grand public de prendre conscience de cette faculté dont disposent les réseaux sociaux, et particulièrement les mouvements sociaux, entendus comme « un agir-ensemble intentionnel, marqué par le projet explicite des protagonistes de se mobiliser de concert, (qui) se développe dans une logique de revendication, de défense d'un intérêt matériel ou d'une cause27(*) ». Le rôle des réseaux socionumériques peut être observé au travers de plusieurs mouvements sociaux du début du XXIème siècle, que cela soit au Sénégal, en Pologne ou en Roumanie28(*), et notamment en Iran, où l'on observe pour la première fois l'appellation « révolution Twitter » au moment de la vague de protestations consécutive à la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, du fait de l'active participation des « cyber-activistes » dans l'organisation des manifestations. Mais c'est bien lors du printemps arabe que la résonnance des réseaux sociaux a évolué et s'est démocratisée. Même si le rôle des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) et des réseaux socionumériques a parfois été surévalué par les médias occidentaux dans les révolutions arabes, il n'en reste pas moins que Facebook et Twitter ont été des outils largement utilisés par les révolutionnaires comme des contournements des médias traditionnels et des plateformes de relai. Pour analyser le rôle des réseaux socionumériques, nous allons ici prendre en exemple le cas de la révolution tunisienne, qui est la plus symbolique, car elle a été le fer de lancement du printemps arabe et de l'utilisation des NTIC dans les révoltes arabes qui ont suivi. Pour le contexte, la Tunisie fait face à un élan révolutionnaire initié en 2008 par les mouvements de Redeyef en contestation à la politique du président Zine el-Abidine Ben Ali, suivi de ceux de Ben Guerdane au début de l'année 2010 avant de s'étendre à l'échelle nationale lors de l'immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010.29(*) Plus qu'un simple outil, les NTIC ont, pour certains chercheurs, été un élément déclencheur de la révolution tunisienne en faisant tomber certains obstacles liés à une culture traditionaliste et rigide. Les détenteurs de cette thèse considèrent les technologies numériques, qu'il s'agisse des moyens de captation comme ceux de diffusion, comme des composantes essentielles des dynamiques sociales modernes en matière d'innovation dans l'expression. Selon cette logique, les NTIC permettent alors de nouvelles perspectives d'organisation, d'expression et d'engagement. Une vision qui peut être résumée par la pensée de WaelGhonim qui disait : « Si tu veux libérer la société donne-lui l'Internet »30(*) Ainsi, il n'est pas insensé de considérer les différentes scènes filmées puis diffusées en ligne par les révolutionnaires tunisiens via des téléphones portables et le rôle de « caisse de résonance » des réseaux socionumériques d'où émane la voix d'internautes le plus souvent marginalisés comme des éléments participatifs à l'émancipation des peuples. Le cas de la Tunisie est d'autant plus intéressant et constitutif qu'avant décembre 2010, la Tunisie était un État policier qui ne se privait pas de filtrer et de censurer Internet. Selon un rapport de l'OpenNet Initiative, datant de 2010, le régime de Ben Ali pratiquait un « filtrage intense des sites Web des groupes d'oppositions politique », en plus de la censure à l'encontre des journalistes, des blogueurs et des militants des Droits de l'homme31(*). De ce fait, il n'y a pas eu de campagne en ligne préalable attisant la contestation, pour la simple et bonne raison que l'accès aux plateformes de microblogging était quasiment impossible. À l'inverse de la révolution égyptienne voisine, où les premières manifestations avaient été ouvertement préparées et communiquées via Facebook ou Twitter, les réseaux socionumériques n'ont pas été l'élément déclencheur dans le soulèvement du peuple tunisien. Ce n'est qu'après les premiers émois consécutif à l'immolation de Mohammed Bouazizi que la cyber-machine s'est mise en marche, démontrant de la capacité de réponse immédiate apportée par les réseaux socionumériques. Dès lors, les activistes tunisiens se sont retrouvés et se sont orchestrés sur Facebook et Twitter. C'est via les réseaux socionumériques qu'a été organisée la circulation d'images, des débats d'opinion, les futurs rassemblements... En plus de permettre la mise en lumière des revendications du peuple tunisiens au monde entier et à la presse étrangère, cet activisme en ligne a surtout permis aux habitants de Tunis et des autres grandes villes, de prendre conscience des événements prenant place dans l'arrière-pays et ainsi, de se mobiliser à leur tour32(*). Ainsi, la frontière entre la révolte en ligne et celle de la rue est moins opaque qu'on pourrait le penser. Les NTIC ont engendré des mutations profondes dans la nature même des mouvements sociaux, en transformant leur organisation mais aussi leur visibilité et leur impact33(*). Et ce même si l'issue des mouvements sociaux modernes n'est pas toujours positive. Si le printemps arabe n'a pas pleinement abouti, la prise de pouvoir des réseaux socionumériques dans les mouvements sociaux modernes est peut-être la véritable révolution. Les mouvements sociaux gagnent désormais la bataille de « l'attention » face aux médias traditionnels plus puissants qu'eux34(*). Les NTIC offrent la possibilité de s'affranchir de ces médias, souvent contrôlés et sous le joug de l'État dans les régimes autoritaires. Ainsi, selon Romain Lecomte, « les réseaux socionumériques ont ouvert la possibilité à la diaspora de participer à la dénonciation collective par la publication d'informations et de données tues au sein des desks des médias traditionnels »35(*). Et au-delà de ce postulat, les NTIC ouvrent une nouvelle brèche : l'augmentation de la fluidité et de la liberté des échanges, qui donnent lieu en une construction progressive de la « sphère de l'immatériel ». Une nouvelle dimension en ligne qui conduit à une « démocratie Internet »36(*). Les technologies produisent une rupture et transforment foncièrement les usagers de la technologie de simples consommateurs passifs en collaborateurs informés. 6. Un nouvel outil au service du journalisme Devenus des composants indispensables aussi bien pour les dirigeants que pour les contestataires, les réseaux socionumériques sont désormais des mécaniques incontournables dans de nombreux domaines. Que cela soit en politique, en communication ou dans la publicité, il est impossible d'occulter Facebook, Twitter et les autres réseaux sociaux de sa stratégie. Pour Valérie Jeanne-Perrier, « ils sont devenus le navire amiral des actions de communication37(*) ». Mais parmi toutes les professions impactées par ce paradigme numérique, le journalisme est sans doute un des domaines qui a subi le plus de répercussions. La relation entre journalistes et réseaux sociaux est périlleuse via de nombreux aspects. Comme observé plus tôt lors des mouvements sociaux de ce début de 21ème siècle, les réseaux socionumériques se sont présentés comme de sérieux candidats aux médias dans le rôle de vecteur d'information. La disparition du journaliste comme intermédiaire sur les réseaux socionumériques est un danger pour la profession, encore plus depuis que de nombreux acteurs médiatiques décident de se passer des médias traditionnels, pour communiquer entièrement ou dans des proportions très importants sur les réseaux sociaux. Les personnalités publiques, qu'il s'agisse d'hommes politiques ou de stars, sont de plus en plus nombreux à se servir de leurs nombreux réseaux numériques comme une façon de marquer un rejet de la médiation journalistique38(*). Et plus qu'une question de contestation, cette démarche a désormais un aspect stratégique, comme le relevait Gaspard Gantzer, responsable de la communication de François Hollande, pour qui les candidats qui sont les plus efficaces vis-à-vis de l'opinion publique sont ceux qui ne font pas de médias39(*). Pour autant, les professionnels du journalisme ne sont pas rentrés en guerre contre les réseaux sociaux et ont, eux aussi, su domestiquer ces outils numériques pour en tirer profit. Alors que les sources d'information se multiplient, les journalistes doivent s'intéresser et penser à la mise en forme de leur information. C'est avec ce premier aspect en tête que les journalistes se sont emparés des réseaux socionumériques émergents. Plus que le texte et le fond, c'est la forme qui prime sur les plateformes numériques. L'image devient centrale dans cette société de consommation rapide où il est nécessaire d'attirer l'oeil de l'internaute pour se détacher du flux constant d'information. Tous les médias, qu'ils soient récents ou beaucoup plus âgés, partagent désormais leurs articles ou émissions sur les réseaux sociaux, via un lien imagé, généralement accompagné d'une rapide légende, qui doit se montrer le plus captivant possible. Aujourd'hui, certains sites d'informations purement en ligne enregistrent la grande majorité de leurs visites depuis les liens des réseaux sociaux. Ces derniers sont devenus le fer de lance des « nouveaux médias », qui essayent souvent d'engendrer la meilleure visibilité possible en jouant avec les algorithmes des réseaux sociaux, et souvent, directement via le contenu de leur information. La maîtrise des réseaux socionumériques, des plus anciens comme Facebook ou Twitter aux plus récents comme Snapchat ou TikTok devient même une compétence requise et exigée par de nombreux médias dans le cadre du recrutement de nouveaux effectifs. Même la plupart des anciens médias ont organisé des formations de développement de « compétences en culture numérique » dans le cadre de restructurations des entreprises médiatiques40(*). Mais au-delà d'être un outil pour les médias, les réseaux sociaux sont surtout un outil professionnel utilisé par quasiment l'ensemble des journalistes. Selon une étude de Cision, en 2017, 94 % des journalistes français utilisent les réseaux sociaux dans le cadre de leur travail41(*). Parmi ces réseaux, les plus utilisés sont Facebook et Twitter, suivis d'Instagram et YouTube. Parmi ces journalistes usant des réseaux sociaux dans le cadre professionnel, 10 % d'entre eux y passent entre quatre et huit heures par jour, et 12 % entre deux et quatre heures. Bien que le taux de pénétration soit très élevé, il existe plusieurs variables liées en premier lieu à l'âge et à l'ancienneté des journalistes (les plus jeunes sont ceux qui ont la plus grande consommation et ceux qui y accordent le plus de crédibilité) et dans un second temps au type de média, les journalistes travaillant pour des pure-players et pour des grandes structures nationales étant les utilisateurs les plus intensifs42(*).
Pour ces journalistes en précarité professionnelle, leur réussite dépend directement de la visibilité de leur travail, mais aussi désormais, de leur propre personne. La seconde utilisation des réseaux sociaux parmi les journalistes est la surveillance d'autres médias (75 % d'après l'enquête de Cision). Là-aussi, cette utilisation rejoint le point précédent et l'importance de devenir viral et de ne pas passer à côté de la tendance du moment qui génère le plus d'interactions. C'est pourquoi les journalistes, et notamment ceux des médias en ligne, sont obligés de scruter la concurrence pour voir si un sujet a déjà été traité ou si un autre marche bien. Utilisé par 64 % des journalistes, la recherche d'information sur les réseaux sociaux est une des grandes pratiques des réseaux numériques qui n'est pas exclusive au journalisme. La veille, qu'elle soit informationnelle, concurrentielle ou autre, a été largement facilitée par l'arrivée des réseaux sociaux où il est facile de suivre l'actualité de domaines particuliers via des abonnements spécifiques et précis. Enfin, et plus intéressant, l'interaction avec l'audience est un des objectifs de l'utilisation des réseaux sociaux par les journalistes les plus répandus, 68 % d'entre eux déclarent interagir avec leurs lecteurs sur les réseaux socionumériques. Un exercice nouveau, pour les journalistes, qualifié « d'explication et d'auto-justification » par Caroline Datchary43(*). Si celui-ci s'exerce d'abord dans le périmètre des sites d'information et dans des espaces prévus à cet effet, soit les commentaires, les blogs ou autres, il déborde désormais très souvent sur des espaces comme les profils et les pages personnelles des journalistes. La gestion de la relation avec les publics devient alors une nouvelle mission du journaliste, d'autant plus dans une sphère où certains médias sont partiellement financés par les dons de leur public. Les lecteurs deviennent alors des contributeurs au bon fonctionnement des médias et réclament en retour, un rapprochement avec les journalistes. Eugenia Siapera et IoannaIliadi qualifient ces stratégies de « travail affectif »44(*), soit « un investissement affectif et émotionnel dans la création et l'entretien des liens personnels avec une partie du public et des sources »45(*). Une pratique qui devient de plus en plus présents dans l'activité de certains journalistes. Cela met en exergue la question de l'évolution du journalisme et le nécessaire rapprochement entre publics et journalistes, impulsé par la crise de confiance des médias, largement illustré par le mouvement des gilets jaunes. Dans ce contexte, les nouvelles technologies de l'information et de la communication se posent en outils incontournables46(*). Sur ces plateformes, public et médias se retrouvent sur un pied d'égalité brouillant l'habituel rôle de savant du journaliste, minimisant les postures d'autorité des professionnels de l'information d'actualité. Tout cela met en exergue l'évolution du métier de journalisme. Désormais, être journaliste, c'est aussi savoir mobiliser et orchestrer cette panoplie d'applications et de sites reposant sur les logiques de sociabilité47(*). Des évolutions qui tendent à transformer le métier et les pratiques. Un des changements les plus visibles qui est en adéquation directe avec l'utilisation croissante des réseaux socionumériques par les journalistes, c'est la montée en puissance du « journalisme assis »48(*) particulièrement présent dans les pure-players. Un journalisme fondé sur « le retraitement des matériaux existants plutôt que sur le reportage de terrain »49(*) d'après Paterson et Domingo. Les réseaux socionumériques permettent la démultiplication des contenus d'actualité peu originaux et tournés vers un objectif de viralité. Les réseaux sociaux ont donc acquis une place centrale dans le partage d'information, ce qui a contraint le monde du journalisme et ses acteurs à réagir et à s'adapter à ces nouvelles technologies comme nous allons le voir dans le prochain chapitre. Chapitre 2 : Les mutations du journalisme à l'ère du numérique Si les réseaux socionumériques sont devenus une place forte dans le partage d'information, il convient de tracer ses origines en se penchant sur l'évolution du journalisme et la transformation du paysage médiatique à l'ère d'Internet et web 2.0. Sans prétendre vouloir retracer toute l'histoire de l'évolution du journalisme, de ses origines à sa forme contemporaine, il convient de présenter quelques points clés de la rencontre du journalisme avec Internet, qui ont contribué à transformer irrémédiablement le paysage médiatique moderne. Il s'agit en effet d'un grand bouleversement pour l'industrie des médias, qui va transformer la conception-même du journalisme. 1. Historique du journalisme en ligne Avant de se pencher sur les transformations du journalisme engendré par son arrivée sur le Web, il convient de se pencher sur l'histoire du journalisme numérique. Les prémices d'une forme de contenu journalistique sur le web remontent au début des années 1970, avec l'informatisation de la fabrication des journaux. L'objectif est alors, pour les rares titres de presse écrite concernés, de « valoriser le travail de traitement documentaire de diverses sources d'information (...), et de suivi de l'actualité (...) par les rédactions des titres concernés »50(*). Des médias tels que le New York Times, le Boston Globe ou Le Monde en Francevendent ou revendent alors ces contenus numériques à des professionnels ou semi-professionnels (étudiants), sous la forme d'abonnements51(*). Le journalisme en ligne prend alors la forme de « banque d'information »52(*). La première banque d'information propre au journalisme est créée en 1972 par le New York Times. L'objectif est alors de référencer les articles du titre de presse. Plus tard, cet outil permet d'avoir accès au texte intégral, et plus qu'un simple résumé. Au début des années 1980, déjà plus d'une douzaine de titres de presse américains proposent leur propre banque d'information. Un phénomène qui va taper dans l'oeil des médias européens et asiatiques qui vont à leur tour lancer leur propre banque d'information (Le Monde, Corriere, Nikki...). Le début des années 1980 voit la création de nouveaux supports destinés au grand public qui change le secteur de l'audiovisuel avec le lancement du Télétexte par les organismes de l'audiovisuel hertzien et par câble53(*). Un mode d'information regroupant texte et illustrations très sommaires. Si certains médias allemands ou américains explorent cette ouverture pour diffuser leur programme, cela ne dure pas très longtemps. Dans le même temps, le rapprochement informatique-télécommunications-médias se prolonge avec la création du vidéotexte, accessible sur le minitel en France. Les entreprises de presse proposent alors, au milieu des années 80, des contenus propres au minitel, avec des rédactions spécialisées où cohabitent rédacteurs, graphistes et opérateurs de saisie54(*). Mais le retour du public pousse les éditeurs à développer des contenus entre l'information et le divertissement, en combinant des articles à des jeux et des messageries instantanées, ce qui peut être considéré comme les prémices de l'infotaiment en ligne, très populaire aujourd'hui. Les quotidiens commencent à acquérir une « maîtrise éditoriale dans la combinaison de l'information chaude, le suivi d'événement (...), les banques de données (...), les services, les petites annonces, etc.55(*)» pour Jean-Michel Charon. Après avoir rencontré un certain succès auprès du public, ce service va s'essouffler au fur et à mesure du développement et de la popularisation d'Internet, avant d'être complètement délaissé en 2002. En parallèle, le développement du câble et du satellite, dès les années 1980, puis, plus récemment, le développement de la télévision numérique dans les années 2000 (d'abord satellite puis terrestre), fait exploser le nombre de chaînes télévisées. Selon Balle56(*), en France, le nombre de chaînes (câble, ADSL ou satellite confondues) est passée de 8 à 150 en moins de vingt ans. Mais c'est vraiment avec l'arrivée d'Internet que tout va changer que celui-ci va créer un paradigme autant pour l'industrie des médias, les habitudes des consommateurs mais aussi la profession de journaliste en elle-même. Pour Francis Balle, « le monde et les médias auront changé davantage, entre 1990 et 2010, qu'ils n'avaient changé pendant les trente années qui ont précédé l'effondrement de l'Union soviétique, entre 1960 et 1989-1991 »57(*). Dès 1992, l'année de la création d'Internet Society, une association est créé par les pionniers de l'Internet mondial pour le développement des réseaux informatiques, et alors que seulement quelques dizaines de sites web existent à travers le monde, certains journaux vont s'intéresser à cette nouvelle technologie. C'est le cas du Chicago Tribune, qui en premier va fournir des pages d'information sur ce web balbutiant, en étant hébergé par AOL, un des premiers portail internet américain. Il faudra attendre 1995 pour voir les premiers journaux français s'intéresser au Web. C'est d'abord la presse écrite qui va s'attaquer à ce nouveau modèle. Cette année-là, de nombreux quotidiens régionaux et nationaux vont ouvrir leur structure en ligne, c'est le cas du Monde, de L'Humanité, de Libération ou de Nice-Matin, de Ouest France etc. Les effectifs alloués à ses sites sont encore modestes, comprenant en général quelques journalistes et informaticiens, parfois accompagnés de documentalistes ou « concepteurs télématiques »58(*). A cette période, le faible débit d'Internet ne permet pas pour l'instant de proposer du contenu multimédia. Pour autant, une première innovation majeure dans l'univers du journalisme va voir le jour en 1995 aux États-Unis, avec le lancement du premier pure playergénéraliste d'information nommé Salon. Un phénomène sur lequel nous aurons l'occasion de revenir dans une prochaine partie. Dans cette période de découverte de ce nouvel outil, les entreprises de presse vont commencer par simplement numériser leurs journaux en ligne avec, en parallèle, la mise en relation avec quelques services. Malgré le faible débit, il est alors possible d'ajouter en contenu numérique des dessins ou photos, ce qui va considérablement faire la différence avec le Minitel59(*). Les délais plutôt rapides du traitement de l'information, couplés à la disponibilité permanente du support va permettre un autre phénomène aujourd'hui incontournable dans le journalisme contemporain : un suivi de l'information en continu, sous la forme de brèves, pratiquement au même rythme que les agences60(*). Mais malgré ces quelques nouveautés encore très marginales, et quelques autres tentatives peu fructueuses, les limitations techniques freinent les possibilités d'innovation et restreignent la présentation de l'information en ligne à celles des versions imprimées. Le premier tournant va intervenir au début de l'an 2000. Après des investissements colossaux de la part des entreprises de presse dans leur section en ligne, de nouvelles ressources humaines, avec un recrutement de nouveaux journalistes dit « cyber-journalistes », d'informaticiens et de graphistes mais aussi des ressources techniques, les médias accusent des déficits majeurs en espérant une rentabilité rapide et substantielle61(*). Ainsi, 100 employés travaillent alors à eTF1, plus de soixante pour le Monde Interactif ou 90 pour M6 Web. Un emballement partagé par beaucoup d'autres secteurs et qui va aboutir à l'éclatement de la bulle Internet en mars 2000. Pour Jean-Marie Charon, il s'agit alors d'un « véritable cataclysme qui oblige les éditeurs à faire marche arrière. Les équipes fonde brutalement. Un titre comme Le Parisien n'a plus de cyberjournalistes, se contentant de proposer une version numérisée des éditions papier.62(*) » Le retour du journalisme en ligne va devoir attendre l'arrivée du Web 2.0 couplé par la dissémination des débits plus élevés à travers le territoire grâce à l'ADSL. Mais si le Web 2.0 permet à la presse en ligne originale de repartir de l'avant, elle doit désormais faire face à un nouvel environnement et de nouveaux acteurs qui vont devenir des concurrents. 2. De nouveaux acteurs Avec la popularisation d'Internet auprès du grand public et la participation grandissante des internautes, le paysage médiatique s'est considérablement élargi. L'information n'étant plus exclusive aux entreprises de presse traditionnelle, les chaînes de médias se sont multipliées, mais de nouvelles formes de médias ont aussi vu le jour. Tout cela est accompagné par de nouveaux entrants sur le marché des contenus : les géants des télécommunications et de l'Internet à l'image de Google, qui via Youtube ou autres, va créer des productions originales, qui participent à cette « démassification »63(*). Le premier phénomène à émerger est celui du journalisme citoyen. Celui-ci est issu de la corrélation de deux événements. Le premier, c'est celui de l'explosion des blogs, qui se multiplient sur le Net. Déjà en 2004, on en décompte plusieurs millions64(*). Un nouveau modèle qui va s'illustrer sur la scène nationale en 2005, lors du référendum sur la Convention Européenne, qui voit le blogueur Étienne Chouard générer une large audience, alors que ses analyses du projet sont largement reprises par les médias65(*). Une première qui va mettre en avant ce mouvement et lui donner une certaine crédibilité. Le second événement est celui des sites d'information communautaires, à l'image du HuffingtonPostaux États-Unis ou Agoravoxen France. Ces sites produisent du contenu journalistique mais ne sont pas tenus par des journalistes professionnels. Rapidement, ils vont bénéficier d'une audience importante et d'une réelle crédibilité, le HuffingtonPostdépassant même l'audience du New York Times en 2011. Ce journalisme citoyen relève souvent d'une contestation des médias, dénonçant leur supposée allégeance au monde politico-économique ou les biais dont les médias seraient coupables dans le traitement de l'information66(*). Ces sites d'actualité alternatifs vont revendiquer un journalisme « pour le peuple par le peuple »67(*), en utilisant les nouvelles technologies pour favoriser l'expression citoyenne et contourner les médias traditionnels. Cette tendance est celle du « tous journaliste » qui sera traduite par Jean-François Tétu par l'expression « journalisme citoyen »68(*). Mais, malgré un départ prometteur, ce mouvement s'est finalement essoufflé rapidement. La majorité des sites ferment ou sont délaissés, tandis que ceux qui restent voient leur positionnement basculer. Ainsi, Bayosphere, le plus grand site de journalisme citoyen créé par l'Américain Dan Gillmor ferme en 2006, tandis qu'en France, son plus grand représentant Agoravoxa progressivement dérivé vers des idéologies extrémistes et complotistes69(*). Des échecs expliqués par la difficulté de faire exister sur le long terme un projet éditorial sans business model et sans accompagnement professionnel, mais qui vont aboutir à la naissance d'une « culture participative »70(*) qui va être reprise en partie par les médias comme nous le verrons dans une future partie. Le journalisme citoyen n'a pas été le seul acteur à concurrencer le journalisme traditionnel. En réinvestissant le web, les médias ont vu de nouveaux intermédiaires dans la relation entre eux et le public. Des intermédiaires de plus en plus nombreux au fur et à mesure du développement d'Internet. Si cela a débuté par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), la presse en ligne doit aujourd'hui passer par les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et également les fabricants de matériel, avec la place prise par Apple depuis le lancement de l'iPhone et de l'iPad. Tous ces acteurs, que cela soit Google, Twitter ou Facebook, deviennent, sur le web, de nouveaux intermédiaires entre les médias et leur public qualifié par Franck Rebillard et Nikos Smyrnaios d'« infomédiaires »71(*). Ainsi, selon une étude de Fabien Granjon et Aurélien Le Foulgoc de 2010, 47 % des internautes français interrogés déclarent consulter quotidiennement les rubriques d'actualités des grands portails, alors que seulement 12 % visitent directement les sites issus de la presse72(*). Ces portails, dont les représentants les plus populaires sont Google News ou Yahoo News, proposent des informations achetées à des tiers, et principalement aux agences de presse. En France par exemple, le portail d'Orange comprend des articles et contenus multimédia livrés en majorité par l'Agence France Presse73(*). Cela place donc les médias face à une nouvelle concurrence mais, ambivalente, car chaque partie doit coopèrer ensemble dans une relation de coopétition74(*). D'une part, les infomédiaires et les médias sont poussés à coopérer car chacun a besoin des services respectifs de l'autre. Pour Franck Rebillard « Les infomédiaires bénéficient des externalités positives apportées par la présence de nombreux contenus en accès libre sur le web ; les éditeurs voient une partie significative de leur audience drainée par les infomédiaires qui orientent les internautes vers eux75(*) ». Une coopétition qui est plus calme depuis que Google News n'édite plus ses propres articles mais relaie ceux des médias. Pour autant, les moteurs de recherche et autres restent des intermédiaires incontournables et beaucoup de rédactions se plient désormais à écrire « pour des moteurs de recherche » ou « pour des réseaux sociaux ». 3. Une transformation de la conception du journalisme En plus de faire face à de nouveaux concurrents depuis l'arrivée d'Internet, le journalisme a aussi dû faire avec les principes du Web 2.0 qui fait émerger de nouvelles formes de journalisme mais aussi une transformation de la conception du métier. Avec l'avènement d'Internet, la collecte de l'information, ainsi que sa production et sa diffusion se sont profondément transformées. Le web mais aussi toutes les NTIC ont facilité ces processus pour de nombreux domaines et notamment celui du journalisme. Internet est devenu un outil de recherche et de collecte de l'information important, qui permet aux journalistes de couvrir des actualités qui étais autrefois géographiquement ou socialement inaccessibles. Les nouvelles technologies ont également facilité l'échange entre les journalistes et leurs sources tout en encourageant une collaboration inter-journalistique, entre des journalistes indépendants ou freelance76(*). Une autre avancée permise par Internet est l'ouverture aux marchés transnationaux pour certains médias traditionnels, qui voient se faciliter la diffusion des contenus en ligne, permettant d'étendre leur portée aux delà des frontières nationales77(*). Mais cette aisance offerte par le Web va conditionner le journalisme numérique. Les premières rédactions spécifiques au journalisme en ligne qui naissent voient la plupart des journalistes présents produire des flashs d'actualité à partir de dépêches, et effectuer une veille sur le Web78(*). Avec l'apparition des premiers forums et commentaires, et l'amorce d'une dimension participative, des journalistes vont être affectés à cette tâche, une dimension qui a aujourd'hui évolué avec l'apparition des community managers. De plus, les rédactions vont rapidement comprendre l'importance de posséder une présence continue sur le Web résultant en la mise en place d'effectifs se relayant 24 heures sur 24. Tous ces éléments ont conduit le journalisme en ligne a une fonction sédentaire. Les équipes sont majoritairement rivées à leurs ordinateurs, avec très peu, ou aucune opportunité de faire du terrain. Mais les journalistes web ne sont pas les seuls à devoir appréhender cette mutation numérique. Toutes les branches du journalisme sont touchées et il est de plus en plus inévitable pour un journaliste, aussi bien radiophonique, télévisuel ou de presse écrite, de ne pas savoir manier Internet et les réseaux socionumériques. Internet est un terrain journalistique à part entière regorgeant d'histoires et de faits reflétant notre société et ses questionnements. Internet est désormais la première source d'information, c'est sur le web que se joue une partie des campagnes politiques, ce sont sur les réseaux sociaux qu'on jauge et qu'on observe les premières réactions après un événement politique, social, économique... Chaque journaliste a donc dû évoluer pour rester dans l'ère du temps et ne pas se retrouver dépassé par cette révolution numérique, mais cette vague a également atteint le journalisme traditionnel qui s'est fait submerger par le numérique entraînant une « crise des médias »79(*)selon Dominique Cardon. Il estime que « le numérique a bouleversé à la fois la manière de s'informer et le financement de l'information. D'une part, les internautes ont déplacé sur internet une partie de leurs pratiques informationnelles. D'autre part, le marché publicitaire a cessé de donner ses budgets aux médias pour les confier aux agrégateurs, Google ou Facebook, via lesquels les internautes accèdent aux informations. La crise des médias est donc à la fois celles des usages et celle du modèle économique. Ce cas d'école montre que pour s'adapter aux mondes numériques, il faut être capable de réinventer son modèle, de produire des innovations qui prennent en compte à la fois les nouvelles pratiques et les spécificités de l'économie numérique80(*) ». Cette crise de l'« ancien journalisme » engendrée par l'arrivée du numérique montre à quel point l'apparition d'Internet a bousculé les codes du métier. Si les principes fondamentaux restent les mêmes sur le web que dans les autres déclinaisons - recherche de l'information, vérification de sa véracité, trouver comment la raconter - le métier de journaliste a évolué depuis la publication de contenu en ligne à un point qu'il existe aujourd'hui un savoir-faire spécifique au journalisme numérique. Ce savoir-faire particulier, qui s'accompagne de la notion de desk journalismest en partie le fruit de l'arrivée des pure-players, qui ont joué un rôle primordial dans la transformation du métier de journalisme. En apparence, le journaliste numérique peut sembler jouir d'une plus grande liberté en comparaison des autres supports journalistiques. Il ne dispose pas d'horaire fixe et de programmation horaire comme le journaliste radiophonique ou télévisuel, ni d'heure de bouclage et d'un long processus de production (imprimerie, transport...) comme le journaliste papier. Plus encore, il ne dispose d'aucune limite spatiale, pour Alice Antheaume, « Internet en tant qu'espace infini permet de construire des formats longs, moyens ou courts sans que ces derniers soient figés d'avance comme dans le chemin de fer d'un journal ou dans le conducteur d'une émission81(*). » Pour autant, cela ne signifie pas que le journalisme en ligne ne soit pas soumis à des contraintes et à des limitations. Pour prospérer, les sites d'informations en ligne doivent répondre à deux impératifs majeurs : la production en temps réel et la connaissance de son audience. Ces deux critères peuvent être caducs pour certains sites mais sont la norme pour la grande majorité des entreprises de presse en ligne. Comme abordé rapidement dans le chapitre précédent, le journalisme numérique est soumis à la notion de viralité et à l'abondance d'information sur le web. Aboutissant à un « journalisme assis », où le travail de terrain laisse place au retraitement de matériaux existants. C'est sur ce modèle que vont se baser, volontairement ou non, la majorité des pure-players, ou « journaux 100% Web » ou « sites natifs de l'Internet ». Ce sont des nouveaux médias d'information générale ou spécialisée, existant uniquement sur Internet et sans aucun lien d'aucune sorte avec un média préexistant82(*). Si ce nouveau support journalistique a d'abord été mal vu par la profession, il commence à se structurer et à prendre de l'importance au début des années 2010. C'est à cette époque que Nikos Smyrnaios observe « la naissance d'un embryon d'organisation collective des pure players. En témoigne la création du Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (Spiil) fin 2009 `pour procéder à l'étude, à la représentation et à la défense des intérêts professionnels, économiques, déontologiques, matériels et moraux des éditeurs de presse en ligne indépendants, généralistes ou spécialisés'. L'objectif de cette initiative institutionnelle est d'acquérir de la visibilité auprès des pouvoirs publics, mais aussi d'équilibrer l'influence des médias traditionnels qui dominent des instances comme le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) et Médiamétrie. La multiplication des partenariats économiques et éditoriaux entre les sites d'information natifs du web, malgré un succès mitigé, va aussi dans le sens d'une structuration de ce secteur de l'information en ligne.83(*) » À partir de ce moment, le secteur de la presse en ligne va se structurer pour former une discipline reconnue et enseignée. 4. Média d'information mobile et le journalisme mobile Si le journalisme numérique bénéficie d'un succès hors-norme, c'est avant tout grâce au développement des NTIC et à la mise en circulation à grande échelle du téléphone portable, qui a permis de maintenir le lien entre les réseaux socionumériques et les utilisateurs. Ainsi, le téléphone portable a eu une grande importance dans l'évolution du journalisme jusqu'à en faire pleinement partie avec l'apparition du journalisme mobile. L'apparition du smartphone dans le monde du journalisme s'est faite à deux échelles : d'une part, en modifiant la consommation des médias et d'une autre part en modifiant la création des contenus journalistiques. Alors que les appareils mobiles et les différentes formes de médias et de communications mobiles font partie de notre quotidien, le lien entre le journalisme et les médias mobile sont un des axes de développement les plus importants pour le métier. Une évolution qui se caractérise par deux grands axes pour Oscar Westlund et Stephen Quinn : « D'une part, nous constatons une approche organisationnelle, avec les collaborations intra-organisationnelles dans le développement des services mobiles, les plateformes mobiles à utiliser, sur les modèles d'affaires, etc. D'autre part, nous rencontrons des recherches portant plus spécifiquement sur la production d'informations chez les journalistes mobiles(soi-disant MoJos). Pour le journaliste travaillant, l'appareil mobile est devenu l'outil clé pour recueillir des informations, des images et des vidéos, et pour communiquer avec les collègues et les sources. »84(*) Les smartphones ne sont pas un phénomène récent, et leurs transformations en tant que « couteaux suisses numériques »85(*) a débuté au début des années 2010, avec l'ajout de diverses fonctions parallèles à la simple fonction téléphone comme l'appareil photo, le GPS, la calculatrice, la radio réveil etc. Pour autant, la démocratisation de l'Internet mobile, à partir du lancement du premier Iphone en 2007 va faire des téléphones portables de nouveaux supports de lecture de la presse en ligne. Ce déploiement de l'information sur de nouveaux supports beaucoup plus fréquemment accessibles que les autres supports vont modifier l'approche des sites d'informations en ligne, qui vont alors opter pour un modèle calqué sur celui des chaînes d'information en continu dans le but de fidéliser un lectorat et le pousser à consulter le site plusieurs fois par jour via son smartphone. Pour Sébastien Rouquette : « Avec l'accès aux informations écrites en ligne sur grand (ordinateur) ou petit écran (smartphone), les journaux écrits calquent leur rythme sur le temps du direct des télévisions d'information en continu. C'est même un argument promotionnel central pour la presse magazine par comparaison à sa vente hebdomadaire en kiosque. En ligne, les nouvelles du monde, la mise en page, la hiérarchie éditoriale de l'actualité changent plusieurs fois par jour.86(*) » Cette actualisation permanente de l'actualité a permis de générer une source de trafic d'audience et de fidéliser un lectorat. C'est ainsi que le fil d'information, importé en France par le site 20minutes.fr a été très vite repris par les autres titres de presse généraliste en ligne87(*). Cette stratégie qui est désormais la norme pour les médias en ligne contribue un changement de la relation avec les médias. Il n'existe plus de rendez-vous quotidien ou hebdomadaire comme ce que peux proposer le 20h ou un magazine hebdomadaire, la facilité d'accès à Internet et aux sites d'informations en ligne grâce au téléphone mobile a permis de s'informer entre deux activités, que cela soit dans les transports en commun ou pendant un temps d'attente entre deux rendez-vous. Cette démarche s'inscrit dans une société où le temps est de plus en plus précieux et où chaque seconde doit être rentabilisée. De ce fait, l'Internet mobile permet de « boucher les trous » dans une journée et pouvoir s'informer à n'importe quel moment constitue une source de rentabilisation du temps importante et qui change alors la relation avec l'information. Cette tendance pousse aussi les journalistes de presse écrite à adapter leur contenu pour correspondre à cette utilisation faite par les usagers. Ainsi, les requêtes d'informations pratiques et de divertissement se sont accentuées avec l'Internet mobile. Ainsi selon une enquête d'Opinion way, parmi les utilisateurs d'Internet mobile interrogés, 52 % consultent les informations météo, 45 % le trafic routier et celui des transports en commun, 42 % les horaires de transport, 34 % les résultats sportifs, 33 % les horaires de cinéma, 31 % les comptes bancaires88(*). Face à ce constat, les nouveaux sites d'information en ligne ont eu tendance à capitaliser dessus, faisant grandir la place de l'infotaimenten ligne. De l'autre côté, le téléphone portable a pris une place dans la production journalistique. Ce type de journalisme appelé Mojo (Mobile Journalism), s'est exporté jusqu'en France, et a été officiellement reconnu par la profession lorsque la Commission de la Carte de Presse a délivré le 6 décembre 2007 la carte de presse à un journaliste travaillant pour une émission diffusée uniquement sur téléphones mobiles. L'utilisation du téléphone portable dans les pratiques journalistiques n'a pas été immédiate, mais cela a conduit les journalistes travaillant dans des médias d'information à adopter ces outils dans leurs reportages. Parti intégrante de notre quotidien, le téléphone portable permet de filmer ou d'enregistrer immédiatement, là ou caméra et micro sont souvent entreposés et beaucoup plus contraignants. Cette pratique a notamment alimenté la croissance du journalisme citoyen, qui disposait alors des mêmes outils que les professionnels89(*). Si les médias traditionnels semblent encore être frileux vis-à-vis de ces pratiques, ce n'est pas le cas des plateformes d'information en ligne, qui font beaucoup plus confiance aux journalistes Mojo. Ces derniers sont utilisés pour une production manuelle. Il peut s'agir de produire du contenu exclusivement destiné aux appareils mobiles, ainsi que de réduire ou d'ajouter manuellement des éléments au contenu publié sur d'autres plateformes de nouvelles. Les éléments ajoutés peuvent comprendre des infographies, des images ou des vidéos modifiées ou des résumés de nouvelles. Les appareils mobiles ont amélioré les possibilités pour les journalistes de travailler et de faire des reportages sur le terrain. Ils peuvent être utilisés pour les reportages sur les plateformes d'information sur smartphone, mais aussi pour l'ensemble du paysage médiatique d'une entreprise de presse. La connectivité Internet et les fonctions de recherche avancées, ainsi qu'une myriade d'applications intelligentes et facilement accessibles, ont évidemment fourni aux journalistes de nouveaux outils puissants pour la couverture de l'information. Chapitre 3 : L'influence et la légitimité en ligne Après avoir observé les évolutions du journalisme avec l'apparition du format numérique et l'apparition des réseaux socionumériques dans le sillage du Web 2.0, il convient de se pencher sur les notions d'influence et de légitimité à l'heure des réseaux sociaux. Il est important de comprendre comment les responsables de profils arrivent à légitimer les contenus de leur média Twitter. Une légitimité qui n'est pas toujours justifié par l'étiquette « journaliste » que les responsables ne se revendiquent pas, malgré la production de contenu journalistique. 1. La notion d'autorité avant et après le numérique Cette question de l'autorité avant et après l'arrivée du numérique dans le quotidien est pertinente notamment lorsqu'on considère l'idée d'une « crise de l'autorité » dans nos sociétés contemporaines. Cette idée de crise de l'autorité90(*) est présentée dès 1968 par la politologue et philosophe Hannah Arendt, qui fait l'état d'une disparition de l'autorité. Pour Hannah Arendt, l''autorité est une forme d'obéissance qui ne requiert ni la persuasion par arguments, ni la contrainte par la force. Si la persuasion présuppose une égalité mutuelle et se fait au moyen d'une argumentation, l'obéissance liée à la notion d'autorité opère selon un ordre hiérarchique, donc une inégalité et sans argumentation. En outre, l'utilisation de la contrainte au moyen de la force s'oppose à l'autorité, puisque dans une situation d'autorité, la légitimité et la justesse de la hiérarchie est reconnu par tout un chacun. Et selon la politologue, « l'autorité a disparu du monde moderne »91(*), à cause de la montée du totalitarisme au cours du XXe siècle, qui a remis en cause cette autorité traditionnelle. Pour autant, pour certains chercheurs contemporains, l'autorité n'a pas disparu, mais s'est transformée. Le besoin collectif de suivre des personnalités charismatiques a été remplacé progressivement par l'intention de l'implication directe dans des processus de révélation d'autorité qui se veulent collectifs, démocratiques et transparents92(*). Ce besoin d'autorité collective et la remise en question des autorités transcendantes est assimilé à la diffusion générale des supports numériques et leur capacité à permettre une interaction continue et instantanée malgré la distance. En effet, le développement des NTIC et d'Internet en particulier a été le cadre d'une transformation des postures et des relations d'autorité. De par son fonctionnement et la création de « communautés en ligne »93(*), le développement d'Internet a laissé imaginer un espace où les contingences de temps, de localisation, de statut social, de caractéristiques physiques, etc. n'auraient pas d'importance et où seule la qualité intrinsèque et le mérite des contenus postés seraient valorisés. Pour Étienne Cadel, Internet et notamment le web 2.0 laissent espérer un espace où « la valeur d'un énoncé est censée relever ses qualités propres (...) elle serait l'expression pure, en quelque sorte, d'une légitimité `légitime', rationnelle, indépendante des héritages, des modes d'institution, des traditions et du nom propre »94(*). Cette pensée de « l'autorité fondée sur le seul travail du texte et sur le seul mérite dans le cadre d'un débat rationnel idéalisé »95(*) a trouvé son modèle dans les médias sociaux où les likes, les étoiles attribuées à un contenu (article, photographie, blague etc.) viennent remplacer les applaudissements. Cela met en lumière le côté mathématique du Web. Le numérique est « conforme à la représentation sociale du chiffre »96(*). Cela signifie que les acteurs du web en quête d'autorité mettent en place des stratégies pour engranger le plus de clics, de likes ou d'amis possible. Une quête pour les acteurs particuliers mais aussi pour les marques qui mettent en placent des stratégies digitales pour parvenir à collecter le plus possible de liens entrants ou de bonnes notations. Tout cela est régi par des règles propres au monde numérique, avec ses particularités et ses contraintes auxquels les utilisateurs doivent s'adapter pour y prospérer, que cela soit un vocabulaire ou un style d'expression particulier ou d'autres paramètres. Pour Étienne Candel « dans le social, donner un chiffre, une mesure, une élaboration numérique de l'objet du discours, c'est apporter à la chose dite le caractère de l'exactitude, la validité supposée évidente, voire indiscutable, que porte un traitement statistique ou mathématique, une mesure97(*). » Le numérique à donner une nouvelle dimension à cette importance du chiffre. 2. La figure de l'usager-récepteur à l'heure des médias sociaux Le monde numérique et en particulier le Web 2.0 ont donné une nouvelle dimension à la figure de l'usager-récepteur. Ce concept, qui confère une place centrale à l'interaction humaine dans le partage d'information, a été repris par l'école de Columbia, sous la direction du sociologue Paul F. Lazarfeld qui, en a fait un modèle, développé dans ses ouvrages The People'sChoiceen 1944, Votingen 1954 et Influence Personnelle en 1955. Le modèle de l'école de Columbia est né d'une étude au sujet de l'élection présidentielle américaine de 1940. Dans un quartier d'Erie, dans l'Ohio, l'école de Columbia a enquêté pendant les six mois précédent le vote, sur un échantillon de 3 000 personnes réparties en quatre groupes. Les résultats de cette étude ont mis en évidence que ce ne sont pas les médias qui influencent directement le vote mais les discussions, animées par les leaders d'opinion, autour des sujets fournis par les médias98(*). Cette observation a ensuite été testée à plus grande échelle et dans d'autres domaines mais avec toujours la même finalité. La thèse de ce modèle est l'idée que ce ne sont pas les médias qui influencent directement les comportements et les opinions des usagers-récepteurs mais bien « les personnes avec lesquelles ils discutent, ces personnes étant également des usagers-récepteurs des médias. »99(*) Les médias jouent alors un rôle d'influenceur, notamment auprès des usagers-récepteurs dominants, que l'école de Colombia qualifie de « leader d'opinion ». Ces leaders d'opinion se définissent comme des individus qui vont propager une idée et influencer à leur tour leurs groupes d'usagers-récepteurs. Ils ne répondent pas au sens commun du terme, du fait qu'il n'est pas le leader d'un groupe défini, mais un leader du quotidien. Pour Elihu Katz, qui co-écrit Influences personnelles avec Lazarsfeld, « les leaders d'opinion travaillent davantage pour des groupes informels, fondés sur des relations de face-à-face, que pour des groupes formels et étendus. Ils guident l'opinion et orientent les changements plus qu'ils ne commandent directement dans l'action. Le « leadership d'opinion » (...) est le leadership dans sa plus simple manifestation : il s'exerce de manière fortuite, parfois involontairement et à l'insu des personnes, au sein des plus petits groupes de voisins, d'amis ou de membres familiales. Il ne s'agit pas d'un leadership de haute volée propre à un Churchill, ni de celui d'un politicien local (...). Il en est l'exact opposé : une forme de leadership presque invisible, plus discrète, à l'échelle des relations ordinaires, intimes, informelles et quotidiennes, de personne en personne. »100(*)
Effectivement, le Web 2.0 se caractérise par l'insertion d'un récepteur actif dans la réception de l'information, la notion de participation étant propre au web participatif. Ainsi, l'usager-récepteur n'a plus forcément besoin des médias traditionnels comme médiateurs et peuvent s'informer directement auprès d'individus ou d'entités en ligne. Avec les réseaux socionumériques, l'usager-récepteur peut-être à l'origine de l'information en créant du contenu, en devenant lui-même un média au sens de filtre de l'information. Les usagers-récepteurs peuvent devenir informateurs sans pour autant dépendre du journalisme. Comme évoqué précédemment, le web s'est imposé comme une place forte pour la liberté d'accès et d'usage, étant accessible à tous sans distinction. C'est pourquoi le web 2.0 a été qualifié de démocratie participative, notamment grâce aux médias sociaux et leur mode d'expression libre et direct, où l'usager-récepteur n'a pas besoin d'être légitimé en fonction de sa profession, son statut social ou autre pour partager son avis. Dans nos sociétés où le modèle phare est la démocratie représentative, les réseaux socionumériques sont une des rares plateformes qui s'apparentent à une démocratie directe. C'est pourquoi le chercheur Thierry Vedel évoque « l'agora Internet », faisant référence à l'agora de l'antiquité grecque, une place publique où chaque citoyen pouvait venir s'exprimer librement. Transposée aux réseaux socionumériques, cette liberté est représentée par la possibilité de l'usager-récepteur de faire entendre sa voix sans passer par un média ou un représentant101(*). Pour Linda Be Diaf, « le journaliste n'est plus le seul à dire au monde ce qu'il est. Tout le monde raconte le monde. Tout le monde se saisit de la boîte à outils de la panoplie du journaliste pour raconter son monde. »102(*) Ce phénomène, couplé à la déconcentration des médias, avec l'apparition des blogs et autres relais d'actualité, a pour conséquence de brouiller les frontières entre les contenus médiatiques et non médiatiques103(*). Ainsi, sur les réseaux socionumériques, toutes les informations sont relayées sur le même plan via les fils d'actualité. Sur certaines plateformes comme Instagram ou Snapchat, il est possible de retrouver sur la même page des informations d'actualité relayées par des médias et des stories de personnalités publiques ou d'entreprise. Chacun peut devenir média et être au même niveau que les médias traditionnels. L'influence des médias se ferait donc en deux temps : d'abord selon une logique verticale, des médias vers les leaders d'opinion, dont les médias Twitter font partie, puis de façon horizontale, des leaders d'opinion vers leur entourage immédiat au sein de groupes primaires. Les réseaux sociaux offrent cette plateforme réunissant médias, leaders d'opinion et individus « influencés », même si cela rend plus problématique et poreuse la distinction conceptuelle entre influence verticale et horizontale. 3. L'éthique en ligne Cette possibilité offerte par le Web 2.0 pour chaque individu de devenir un média ou du moins d'être un relai d'information pose alors la question des limites imposées à cette production journalistique. De leur côté, les journalistes perdent plusieurs de leurs privilèges avec le renouveau de la circulation publique de l'information occasionné par Internet, des procédures de leur métier sont remises en cause. Leur déontologie doit s'adapter. Les barrières corporatistes sont inopérantes. Les usagers ont de leur côté de plus en plus d'outils pour faire du journalisme. Sur le Web, le journalisme est une activité plus ouverte que jamais, la question est : en quoi est-ce du journalisme ? La liberté de l'information est un bien commun en démocratie. Un partage des responsabilités entre journalisme et public pourrait ouvrir sur une éthique participative. Selon Daniel Cornu, « le Web 2.0 interpelle les valeurs et les pratiques du journalisme. »104(*) Ces changements radicaux sont intervenus dans un laps de temps très court à l'échelle de l'histoire du journalisme et soulèvent de grands questionnements sur ce nouveau journalisme pratiqué par des amateurs, et notamment celui de l'éthique journalistique. Le journalisme professionnel s'est constitué à la fin du XIXe siècle, avec pour but de protéger le métier des turbulences de l'industrialisation de la presse. Il s'agissait avant tout de définir un statut social et d'assurer des conditions économiques décentes, mais cela a également été l'occasion d'établir un cadre déontologique adéquat, en vue d'assurer la crédibilité et la dignité nécessaire aux journalistes tout en se mettant à l'abri de la loi. Pour Daniel Cornu, l'éthique journalistique se structure en trois niveaux : le niveau supérieur des valeurs, le niveau intermédiaire des normes, le niveau concret des pratiques : « Les valeurs expriment les grandes orientations du métier. La valeur de liberté recouvre à la fois la visée du journalisme en démocratie - répondre au droit de savoir des citoyens et assurer la discussion sur les affaires d'intérêt public - et l'indépendance requise de ses agents. La valeur de vérité renvoie au fondement de l'activité du journaliste, comme observateur de la réalité, comme interprète des faits, engagé dans leur mise en contexte et la recherche de sens, comme narrateur enfin, soucieux d'assurer au récit sa véridicité. La troisième valeur du journalisme concerne le respect de la personne humaine, l'attention à l'autre, afin de répondre dans le domaine particulier de la communication sociale à une intention de justice. Ces trois valeurs tiennent en une maxime : un journalisme libre, respectueux des faits et des personnes. »105(*) Ces normes sont là pour traduire le respect des valeurs dans des situations usuelles du journalisme. Dans les faits, le Département du journalisme et des médias de l'Université de Tampere, en Finlande, a mis en évidence ces valeurs à travers six thèmes dominants, d'abord autour de la liberté : la liberté d'expression et de la critique, ainsi que la défense de ces droits ; la protection de l'indépendance et de l'intégrité professionnelle des journalistes. Puis autour de la vérité : le respect de la vérité dans la recherche et l'élaboration de l'information ; la loyauté des moyens engagés pour la mettre au jour et la restituer. Et enfin, autour du respect de l'autre : les égards envers les sources et les personnes faisant l'objet d'information, ainsi que l'assurance de leur intégrité ; le traitement égal des personnes par le renoncement à toute forme de discrimination106(*). L'apparition d'Internet a d'abord été une avancée en faveur de cette éthique, venant apporter une nouvelle expertise citoyenne, via les blogs ou commentaires, sur des sujets à propos desquels les journalistes professionnels pouvaient, volontairement ou non, omettre des faits. Pour Daniel Glover, en 2005, les blogs étaient un moyen de « contrôler l'arrogance, les insuffisances et les abus des quatre pouvoirs »107(*) dont celui médiatique. En effet, historiquement, le journalisme est considéré comme le « chien de garde » de la démocratie. La presse est tenue responsable du bon fonctionnement des trois pouvoirs essentiels à la démocratie : le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Elle incarne la liberté d'expression, d'informer, de commenter et de critiquer. La presse est si importante dans nos sociétés qu'elle est souvent qualifiée de « quatrième pouvoir ». Mais si la presse est le contre-pouvoir des trois autres principaux pouvoirs, la question du contre-pouvoir du quatrième pouvoir s'est rapidement posée. L'arrivée des blogueurs a laissé penser que ces derniers avaient la possibilité de devenir « les chiens de garde des chiens de garde »108(*). Avec désormais une plateforme et une audience possiblement aussi importante que celle des médias, les bloggeurs avaient la capacité de venir « corriger » les approximations de journalistes, qui peuvent parfois faire preuve de laxisme face au manque de surveillant. Un contre-pouvoir qui a joué son rôle, les journalistes politiques travaillant avec « un blogueur regardant sur l'épaule109(*) » selon Cecilia Friend et Jane B. Singer. Mais avec l'explosion des blogs et des réseaux sociaux et la facilité offerte par le web pour la recherche d'information, les contre-pouvoirs deviennent plus des pouvoirs eux-mêmes en jouant le rôle des médias, en devenant des relais d'information à leur tour. Mais si les journalistes professionnels sont soumis à la déontologie du journalisme et aux codes de leur entreprise de presse, ce n'est pas le cas des usagers-récepteurs en ligne, qui ne sont pas régis par une déontologie ou une organisation, Ce qui était encore plus le cas au début d'Internet, alors que le juridique ne s'était emparé de ce nouvel outil. Il existe bien une dimension éthique de l'Internet qui a été abordée par des usagers et qui a résulté en la création de la nétiquette, une charte censée définir les règles de conduite et de politesse recommandées sur les médias de communication mis à disposition par Internet. Cette charte, rédigée en 1995 à l'ouverture du Net au grand public, tente de définir des régles de conduite sur Internet. Le premier document officiel définissant les règles de la nétiquette est la RFC 1855110(*), rédigée par Sally Hambridge pour l'Internet Engineering Task Force, et diffusée en octobre 1995. Plus tard, d'autres documents font aussi autorité, comme Netiquette (Virginia Shea, 1994) et The Net:Users guidelines and netiquette (Arlene Rinaldi, 1996). La nétiquette a ensuite été reprise et adaptée pour les forums, les blogs et les médias sociaux. La règle principale prônée par ce texte est : « Ce que vous ne feriez pas lors d'une conversation réelle face à votre correspondant, ne prenez pas l'Internet comme bouclier pour le faire. »111(*). Pour autant, ces chartes restent des « éthiques sans éthiques »112(*) pour le chercheur Giffard, du fait que ce ne sont que des règles de bonne conduite alors que l'éthique se joue dans la pratique. De plus ces règles reposent davantage sur le respect de l'autre que sur le respect de la vérité journalistique, ce qui est pourtant une notion essentielle pour chaque acteur médiatique. Cette vérité journalistique est la fondation nécessaire à une forme d'éthique dans la production de contenu journalistique par des amateurs. Pour Daniel Cornu, la recherche de cette vérité se déroulait auparavant au sein des rédactions, mais aujourd'hui, elle se déroule « sur le Web ouvert à la circulation immédiate de toutes les observations sur un événement donné. Les conditions nouvelles d'instantanéité et d'universalité rendent illusoire toute prétention à l'exactitude d'une information, que chacun admettrait sans autre examen. Il ne s'agit donc pas de chercher à en donner le gage, mais davantage d'offrir l'assurance que le `cahier des charges' du journalisme est respecté, à sa place et avec ses moyens : répondre au droit du public à connaître les faits. L'objectif est d'assurer la fiabilité de l'information, par le recours sur le Web aux opérations classiques du journalisme : identification de la source, recoupement, vérification du contenu. Il est en particulier d'accréditer la fiabilité des photographies et des vidéos, dont la libre circulation sur le réseau est probablement l'un des effets les plus évidents et spectaculaires du Web 2.0 »113(*) Ce respect de la fiabilité de l'information n'a pas toujours été de mise sur Internet et sur les réseaux socionumériques. C'est pour cette raison que Facebook ou Twitter ont longtemps (et encore aujourd'hui) été perçus comme des nids à fake news. Avec l'explosion des blogs et des sites d'information amateurs, Une branche s'est détachée avec pour objectif de rependre des fausses informations pour plaider leur cause ou leur idéologie. Mais plus que leur production, c'est bien le partage de ces fausses informations qui pose problème. De nombreux leaders d'opinion sur les réseaux socionumériques, que cela soit intentionnellement ou non, ont relayés ces fake news sans vérification, se laissant porter par le flot d'informations disponibles sur le web. Ce manque de vérification peut être dû à un manque de rigueur, à une forme de crédulité ou autre. Mais les leaders d'opinion ne sont pas les seuls à être tombés dans le piège des fake news, il est arrivé à plusieurs grands médias de relayer une fausse information. La course à l'information et le peu de temps de vérification qu'elle entraîne en sont en général la cause, mais cela peut également être dû à un « journalisme de pari »114(*), le web permettant de modifier ou d'effacer une information dans des délais très brefs, il devient tentant de prendre le risque, en mentionnant la source initiale pour se couvrir et se dispenser de vérifier. Pour autant, c'est ce système qui semble prévaloir aujourd'hui parmi les relayeurs d'information sur les réseaux socionumériques. L'importance d'être le premier à relayer une information a pris sur le pas sur l'éthique journalistique tant l'exclusivité ou la primauté est importante pour la légitimité en ligne. Chapitre 4 : Twitter : un réseau socionumérique pas comme les autres Après s'être attardé sur les réseaux socionumériques, sur le journalisme numérique et sur la légitimité en ligne, il est important de se pencher spécifiquement sur notre sujet d'étude Twitter, pour en comprendre au mieux les usages et les spécificités qui ont font une plateforme privilégiée par les utilisateurs pour lancer des médias numériques. 1. Principes fondateurs de Twitter Twitter est un site de micro-blogging gratuit, fondé en 2006 au sein de la société Odéo par Jack Dorsey. Les trois grandes caractéristiques du site sont : (1) de courts messages texte (limités d'abord à 140 caractères, puis 280) ; (2) des messages instantanés ; (3) des souscriptions afin de recevoir des mises à jour115(*). Outre ces fonctionnalités, la plateforme en propose de nombreuses autres, plus ou moins sophistiqué, comme la retransmission des messages d'autres utilisateurs (retweet), la création, le suivi et le partage des listes de comptes ou la recherche avancée, etc. Twitter est le site de microblogging le plus utilisé et un des réseaux socionumériques les plus populaires. Ainsi, en 2019, Twitter comptait plus de 290 millions d'utilisateurs à travers le monde116(*). Les usagers, qui peuvent être des individus ou des organisations, qui s'inscrivent sur Twitter peuvent y diffuser des messages, nommés tweets, limités en caractères, avec la possibilité d'y joindre des images, photos, vidéos ou des liens externes. Il est possible de qualifier Twitter sous le terme « statusphère ». En effet, suivant le premier slogan du site : « What are youdoing ? » (« Qu'êtes-vous en train de faire ? »), les utilisateurs étaient invités à exprimer leurs statuts, créant une « présence connectée »117(*). Mais la nature de Twitter a évolué depuis son lancement. Progressivement, le service est passé de la communication interpersonnelle, ou de groupe à petite échelle, vers la socialisation de masse. Si, à ses débuts, le site était considéré comme un simple outil de messagerie et de suivi d'activités de ses contacts, Twitter est aujourd'hui devenu un « outil de veille collective118(*) » et un vecteur d'information où les usagers sont au centre du fonctionnement. Cette évolution n'a pas été forcée et décidée par les créateurs du site, mais bien par les usages du réseau socionumérique. Ainsi, à partir de 2009, afin de refléter les nouveaux usages développés, un nouveau slogan s'affiche sur la page d'accueil : « Discoverwhat's happening right now, anywhere in the world » (« Découvre ce qui se passe maintenant, partout dans le monde »). Selon ses fondateurs, plus qu'un simple réseau social, Twitter constitue dès lors un véritable réseau d'information119(*). Cette notoriété en tant que vecteur d'information auprès du grand public s'est acquise à partir des productions des usagers. C'est la production de « scoops » et la couverture des faits d'actualité qui ont façonné le réseau socionumérique, à l'image de la couverture des attaques terroristes de Bombay (novembre 2008) ou des émeutes urbaines en Grèce (décembre 2008) par la Twittosphère. Mais c'est bien sûr le printemps arabe et le rôle essentiel joué par la plateforme qui a fini d'achever sa notoriété auprès du public et des médias. Twitter s'est donc adapté à ses utilisateurs. Un signe qui « peut être interprété comme un revirement interne, une stratégie pour encourager les utilisateurs ainsi que les chercheurs à considérer les Tweets comme des partages d'information120(*) » (notre traduction) selon Richard Rodgers. Twitter est aujourd'hui considéré principalement comme un outil de diffusion sociale de l'information en ligne. Pour Bernard Rieder et Nikos Smyrnaios, désormais « ce sont des dizaines de millions de personnes dans le monde qui échangent des informations de manière synchrone et qui s'expriment publiquement, ou du moins semi-publiquement, sur des questions d'actualité politique, sociale, culturelle, économique, etc.121(*)». C'est cette facette qui différencie le plus Twitter des autres réseaux socionumériques comme Facebook, ainsi que le fait que la fonction de socialisation ne soit pas la plus caractéristique de Twitter. Le site ne pousse pas la réciprocité, lorsqu'un utilisateur « follow » un profil, c'est dans l'optique de recevoir ses informations. « Twitter possède des audiences plutôt que des cercles sociaux122(*) » (notre traduction) selon Richard Rodgers, cela indique la tendance de Twitter à se détacher de l'aspect « amical » des réseaux socionumériques comme Facebook pour en faire un objet professionnel et d'information général. Cette réussite en tant qu'outil de dissémination de l'information est également due aux caractéristiques techniques et à l'appropriation sociale de la plateforme. Ainsi, Twitter a été pensé pour s'adapter aux supports mobiles, en pleine explosion lors du lancement du réseaux socionumériques. Pour Nikos Smyranios, « De la longueur des messages limitée à 140 caractères (la même que pour un SMS donc) à la simplicité de l'interface, tout a été pensé afin de pouvoir directement bénéficier du développement exponentiel de la téléphonie mobile. Par ailleurs, le choix de mettre en oeuvre des outils open source et de rendre l'interface de programmation (API) du service accessible à des tiers a été déterminant pour son succès et, dans un même temps, a favorisé l'émergence d'un écosystème constitué de dizaines de services interopérables qui permettent de consulter Twitter sans passer par un navigateur web : géolocalisation (FourSquare), raccourcisseurs de liens (Bit.ly), hébergement de photos et de vidéos (Twitpic), moteurs de recherche (Topsy) et clients qui permettent de consulter Twitter sans passer par un navigateur web. Selon Jack Dorsey, l'API de Twitter serait vingt fois plus sollicitée par le biais d'applications extérieures que ne l'est le site Twitter.com -- autrement dit, une grande majorité des membres accède aux informations qui circulent sur Twitter par d'autres moyens que par le site lui-même. »123(*) Si Twitter a depuis changé de stratégie, en lançant son propre raccourcisseur de liens t.co ainsi qu'un hébergeur d'images intégré, la plateforme a toujours su exploiter l'explosion du smartphone. 2. Modèle économique de Twitter Sur le plan économique, Twitter s'est développé comme une start-up classique, en essayant de mettre en place un modèle rentable après s'être bien installé, se basant sur le modèle de Google en devenant indispensable à ses utilisateurs avant de devenir rentable. En tant que service commercial gratuit, la plateforme dépend d'un financement indirect, indépendant de ses utilisateurs. Ce financement se compose essentiellement de deux sources : d'une part la publicité présente sur le service et qui prend différentes formes ; d'autre part la vente à des tiers des bases de données extraites de ses serveurs124(*). La publicité comprend trois produits : les promotedaccounts, les promoted tweets et les promoted trends. À savoir, la possibilité de promouvoir un compte, un tweet, ou un hashtag. Ce faible échantillon a pour objectif de ne pas envahir la plateforme de display comportant des images mais plutôt des liens sponsorisés discrets. En 2020, les revenus publicitaires de Twitter ont atteint les 3 milliard de dollars, là où ils étaient de 139,5 millions de dollars en 2011, déjà en augmentation de 213 % par rapport à l'année 2010. Parmi ces publicités, 90 % proviennent d'annonceurs américains125(*). Cette trajectoire prise par Twitter, que cela soit par rapport à sa « fermeture » par rapport à ses débuts, à l'arrivée de gros actionnaires américains et à sa stratégie de rentabilisation en cours, illustre les enjeux politiques auxquels la plateforme est confrontée. Pour Nikos Smyranaios, Twitter fait face au « contrôle absolu qu'exerce un petit nombre de sociétés étatsuniennes, mondialisées, financiarisées et dépendantes des ressources publicitaires sur des services qui revêtent l'apparence, et qui parfois assument les fonctions, des biens communs informationnels. En effet, en l'espace de quelques années les réseaux socionumériques sont devenus des composants indispensables de l'infrastructure informationnelle du web. A ce titre, ils ne se limitent plus à des utilisations ludiques ou professionnelles mais s'étendent à des terrains proprement sociaux et politiques126(*) ». Mais la mise en place des stratégies industrielles et commerciales de la part de ces entreprises avec comme la rentabilité comme seul objectif peut mettre à mal l'information libre et sans contrainte. En effet, le modèle économique d'un média est entièrement dépendant d'une tierce partie qui le finance, et les arbitrages éventuels se font souvent en sa faveur et au détriment d'une partie du public. Mais pour Nikos Smyrnaios, « Au-delà de cette contradiction inhérente du financement indirect, ce qui est en jeu c'est la façon dont ce type de services récoltent les externalités positives dégagées par l'activité des millions d'internautes. Autrement dit, le coeur du problème posé par Twitter et par Facebook est leur capacité extraordinaire d'organiser l'exploitation commerciale industrialisée des interactions humaines en ligne, sans qu'aucun contrôle ne soit exercé par les utilisateurs eux-mêmes127(*) ».
3. Les usagers de Twitter Cela nous amène aux usagers de Twitter pour comprendre leurs spécificités et leurs profils. Le nombre d'utilisateurs actifs mensuels sur Twitter en 2021 est estimé à 326 millions avec une majorité d'utilisateurs âgés entre 18 et 34 ans (58 %). Parmi ses utilisateurs, 35 % d'entre eux sont des femmes et 65% des hommes. Sur Twitter en juillet 2020, l'audience dans le monde par âge et genre se découpe comme ceci : · 13-17 ans : 8,3% (5,4% hommes et 2,9% femmes) · 18-24 ans : 27% (15,9% hommes et 11,1% femmes) · 25-34 ans : 30,9% (21,4% hommes et 9,5% femmes) · 35-49 ans : 21,1% (14,5% hommes et 6,6% femmes) · Plus de 50 ans : 12,7% (8,2% hommes et 4,5% femmes)128(*) Mais la majorité des utilisateurs de Twitter sont des utilisateurs inactifs, ou passifs, dans le sens où une poignée d'entre eux est à l'origine de la majorité de la production de contenus sur la plateforme. Ainsi, de nombreuses études démontrent ce point fondamental qui fait de Twitter un outil où l'information est relativement centralisée. Une étude menée en mai 2009 par les chercheurs Bill Heil et MikolajPiskorski pour l'Harvard Business Review démontre que, sur un échantillon de 300 000 comptes Twitter, 10 % des utilisateurs produisent 90 % des messages129(*). Ces résultats font écho à ceux de l'étude du cabinet Sysomos, qui en juin 2009, révélait que sur 11,5 millions de comptes Twitter analysés, 5 % des utilisateurs génèrent 75 % de l'activité du réseau130(*). Cette disparité dans la diffusion de l'information résulte d'une structure et d'une sorte de hiérarchie qui s'est façonnée sur la plateforme. Ainsi, il est possible de classer les utilisateurs selon leur influence et leur activité pour mesurer qui sont les diffuseurs de l'information. Avec cette méthode, qui a été mis en oeuvre par BalachanderKrishnamurthy, Phillipa Gill et Martin Arlitt131(*), on constate que le groupe appelé information sources ou broadcaster, qui est le groupe qui génère le plus de contenus et qui bénéficie du plus large public et du plus grand nombre de reprises (retweet), est majoritairement composé d'utilisateurs qui possédaient un capital social et d'une notoriété avant même leur inscription sur la plateforme. On retrouve les comptes officiels de grands groupes médiatiques ou de sociétés, des journalistes et des personnalités déjà populaires etc132(*). Une donnée qui fait état de l'importance de la personne ou de l'image sur Twitter au moment de générer de l'information et d'être relayé. Même si certains utilisateurs ont su devenir importants depuis leurs actions sur la plateforme, cela reste minoritaire, le capital social étant essentiel pour créer un public et ainsi avoir une certaine légitimité à produire du contenu. On constate que l'impact d'un message diffusé sur Twitter dépend moins de l'information qu'il contient que du statut de celui qui l'émet, puisqu'à publication d'information identique, le nombre de retweets varie radicalement, et ce malgré la puissance de la fonction retweet qui permet à un message « retweeté » de toucher en moyenne 1 000 utilisateurs, et ce indépendamment du statut et du nombre de followers de l'utilisateur à l'origine du message133(*). Ainsi, selon Nikos Smyranios, « ceux qui bénéficient le plus de la rediffusion de leurs messages sont ceux qui disposent d'une `autorité numérique' élevée, en l'occurrence des journalistes web et des technophiles reconnus, mais pas forcément ceux qui sont suivis par un nombre élevé de personnes. Cette caractéristique de Twitter n'est pas surprenante, elle s'inscrit dans la lignée des recherches historiques sur les médias qui ont mis en exergue le rôle déterminant des leaders d'opinion dans les processus de réception et de circulation des messages.134(*) » Twitter possède donc malgré tout un système hiérarchique. 4. La place du journalisme sur Twitter Si on a déjà rapidement évoqué ce point dans une précédente partie, l'analyse des utilisateurs de Twitter a rappelé l'importance et la place centrale dont bénéficie les journalistes et le journalisme en général. Twitter est devenu en France le lieu privilégié du journalisme politique et parlementaire. En effet, la majorité des hommes politiques possèdent un compte Twitter et sont actifs sur la plateforme, n'hésitant pas à bénéficier de leur position privilégiée en tant que personnalité publique pour intégrer le réseau socionumérique dans leur stratégie politique. Twitter permet ainsi aux personnalités politiques de s'affranchir du moins partiellement des agences de presse en publiant directement leur message, dans l'objectif d'atteindre le plus de journalistes possibles, ces derniers étant très présents et réactifs sur la plateforme136(*). Si les hommes politiques n'hésitent pas à se servir de Twitter, les journalistes politiques n'hésitent pas non plus en retour. En tant que caisse de résonnance, Twitter permet aux journalistes d'interpeller publiquement les acteurs politiques, dépassant les relations primaires entre journalistes et ceux utilisant les journalistes. Mais Twitter, par son format, est également un outil d'éditorialisation important pour les journalistes présents sur la plateforme. Pour Alice Antheaume, « la limite des 140 signes oblige les journalistes à synthétiser leur pensée et à éviter toute digression. Leur opinion apparaît donc plus tranchée, dans la mesure où ils n'ont pas la place de présenter le pour et le contre et recourent à la première personne du singulier, d'habitude proscrite dans les articles d'informations généralistes. »137(*)Twitter permet, ou contraint, les journalistes à changer de façon d'écrire et créer une nouvelle forme de journalisme grammatical, que l'on va observer chez les médias Twitter, qui peut également comprendre des émojis et d'autres outils grammaticaux que ce qui est proscrit dans le journalisme classique. Cette partie théorique nous amène à des interrogations concernant l'utilisation de Twitter par les responsables de comptes se qualifiant comme « média », mais aussi sur les notions de journalisme sur les réseaux sociaux et sur la légitimité de ces informateurs. * 1 Technology Trends, Morgan Stanley, 20 juin 2008. {En ligne} https://www.morganstanley.com/Themes/tech-media-telecom-trends-insights-outlook * 2 Bouquillion, P. & Matthews, J.T. 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