Mémoire de Recherche
Les relations financières entre l'Etat et
les
collectivités territoriales
Présenté et soutenu par
Sandrine CESBRON
Dirigé par
Monsieur le Professeur Alain PARIENTE, Maitre de
conférences à l'Université de Bordeaux, et Directeur
adjoint de l'Institut Léon Duguit
Master 2 de droit des collectivités
territoriales Année universitaire 2019/2020
2
3
Remerciements
Je souhaite avant tout adresser mes remerciements les plus
sincères aux personnes qui ont accompagné mes recherches, ainsi
que l'élaboration de ce mémoire, durant plusieurs mois.
D'abord, je tiens à remercier Monsieur le Professeur
Alain PARIENTE, qui a grandement contribué à l'existence de ce
mémoire, en me rassurant tout en me guidant lorsque je me sentais
perdue. Il s'est toujours montré disponible, patient et à
l'écoute, et je tiens à lui exprimer ma gratitude pour son temps,
son aide, ainsi que l'inspiration qu'il a apporté à ma
réflexion.
Ensuite, mes remerciements s'adressent à mes directeurs
de Master, Messieurs les Professeurs Pascal COMBEAU, et Sylvain NIQUEGE. Je
tiens particulièrement à souligner la bienveillance de ce
dernier, qui a toujours su se montrer patient, réactif, et bienveillant.
Il tient son rôle de Directeur à coeur et sans le soutien qu'il a
pu apporter à l'ensemble du groupe, l'aventure de cette année
n'aurait pas eu les mêmes senteurs.
Par ailleurs, je voudrais exprimer ma reconnaissance envers
tous les professeurs qui ont ponctué mon parcours universitaire en
l'enrichissant de leurs expériences et de leurs connaissances. Leurs
savoirs ont pu trouver écho au sein des différents exemples qui
bercent ce mémoire.
Plus particulièrement, tous mes remerciements
s'adressent au Professeur Hervé ZECLER, qui suit mon parcours
universitaire depuis ma première année, et qui m'a transmis sa
passion du droit public.
Enfin, j'adresse ma plus grande émotion à ma
famille : mon compagnon, mes parents, et mes amis, qui m'ont accompagnée
et encouragée tout au long de la réalisation de ce
mémoire, mais surtout, tout au long de mes études
supérieures.
4
Table des abréviations
Ass. Assemblée
CE Conseil d'Etat
Ccl Conseil constitutionnel
CGCT Code général des collectivités
territoriales
CGET Commissariat général à
l'égalité des territoires
Chron. Arrêt chroniqué
Cne Commune
Comm. Commentaire
Concl. Conclusions
Const. Constitutionnel
DGF Dotation globale de fonctionnement
EPCI Etablissement public de coopération
intercommunale
Ibid Ibidem
IGAS Inspection générale des affaires
sociales
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
LOLF Loi organique relative aux lois de finances
Publi. Publié
Req Requête
Rev. Revue
Somm Sommaire
5
Sommaire
Remerciements 3
Table des abréviations 4
Sommaire 5
Introduction 6
Titre 1 - Un conflit d'interprétation
caractérisant les relations financières entre l'État et
les collectivités
territoriales 8
Chapitre 1 : Un conflit soulevé par le mythe de
l'autonomie financière des collectivités territoriales
9
Section 1 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales enjolivée 9
Section 2 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales désenchantée 15
Chapitre 2 : Un conflit alimenté par l'illusion
de relations financières équilibrées entre l'État
et les
collectivités territoriales 21
Section 1 : L'utopie balayée d'une absence de
tutelle de l'État sur les collectivités territoriales
22
Section 2 : L'odyssée malmenée des
collectivités territoriales face aux stratégies et contraintes
de
l'État 29
Titre 2 - Une métamorphose bienvenue des
relations financières entre l'État et les
collectivités
territoriales 37
Chapitre 1 : La nécessaire restructuration des
relations financières des collectivités territoriales
38
Section 1 : Une tentative de restructuration des
relations financières entre les collectivités
territoriales 38
Section 2 : Une tentative de suppression du lien de
subordination caractérisant les relations
financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales 46
Chapitre 2 : Une coopération financière
entre l'Etat et les collectivités territoriales préconisée
52
Section 1 : Une nécessaire collaboration en
matière financière entre l'Etat et les collectivités
territoriales passant par un renforcement de leur
coopération 53
Section 2 : Une nécessaire transformation des
rôles de l'Etat et des collectivités territoriales en
matière financière 60
Conclusion 69
Bibliographie 70
Index des décisions 76
Index 80
Table des matières 81
Annexes 84
6
Introduction
En 2018, Franck WASERMAN écrivait que « les
relations financières entre l'État et les collectivités
territoriales sont en pleine recomposition depuis 2012, puisqu'il s'agit de
mieux les associer à l'effort national de maitrise des dépenses
publiques. »1
Ces relations peuvent être définies comme «
les transferts financiers de l'Etat aux collectivités
»2, mais aussi comme toutes les imbrications résultant
de leurs relations politiques et juridiques, dès lors qu'il en ressort
des conséquences financières. En ce sens, il faut entendre l'Etat
comme le gouvernement, c'est-à-dire l'organe investi du pouvoir
exécutif, et non comme le Parlement, l'organe investi du pouvoir
législatif.
En réalité, la recomposition de ces relations
semble avoir été entamée depuis plus longtemps que ce que
laisse entendre le Professeur WASERMAN, puisqu'en 2007, un groupe de travail
portant sur ce sujet avait été mis en place. Il en est
résulté le rapport Alain LAMBERT, au sein duquel, on pouvait
déjà lire que « le cadre posé en 1982-1983 et
revisité en 2003-2004 [n'était] plus adapté
»3.
L'ensemble du rapport préconisait ainsi une
rationalisation des relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales, passant par la création d'un lien de
confiance et de responsabilisation de chacun des acteurs.
Cependant, les recommandations de ce rapport n'ont pas
été entendues puisqu'aujourd'hui, et sans doute plus que jamais,
le poids de l'Etat au sein des budgets locaux se fait ressentir sur les
collectivités territoriales.
En effet, selon les élus locaux, leur autonomie
financière, principe découlant de l'article 72-2 de la
Constitution, est menacée, si ce n'est illusoire. Ainsi, depuis les lois
de 1982, leurs marges de manoeuvre ont été
considérablement dégradées. L'exemple le plus
récent est celui de la contractualisation, mécanisme
imposé par l'Etat qui contrôle les dépenses des
collectivités territoriales.
Pour certains penseurs du droit, l'évolution de ces
relations les rend « déséquilibrées, instables,
et malsaines »4. Michel BOUVIER considère
d'ailleurs qu'elle est « susceptible de rendre les
collectivités territoriales totalement dépendantes des
stratégies et surtout des contraintes financières [...] de l'Etat
»5.
Le problème sous-jacent est que, comme le soulignait
l'Inspection générale des affaires sociales, dans son rapport de
2008, « Le législateur n'a pas choisi entre [...] le
modèle de l'Etat tutélaire dans
1 Franck WASERMAN, « Contractualisation
financière et libre administration des collectivités
territoriales », Constitutions, 2018, p. 271
2 Xavier CABANNES, Professeur à
l'université Paris Descartes, « Le contentieux des relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales
», AJDA, 2016, p.598
3 Groupe de travail présidé par Alain
LAMBERT, « Les relations entre l'État et les collectivités
locales », décembre 2007
4 Marie-Christine STECKEL, « Les relations
financières entre Etat et collectivités locales en Europe »,
Atelier organisé par l'Association
Finances-gestion-évaluation (AFIGESE), Entretiens territoriaux de
Strasbourg, 5 et 6 décembre 2007
5 Michel BOUVIER, Professeur à
l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue
Française de Finances Publiques, « Le Cadre financier pluriannuel
post-2020 », RFFP 2018 (n°141), p. 81.
7
lequel les collectivités sont de simples
opérateurs [...] et le modèle de l'Etat
décentralisé, dans lequel il appartient aux collectivités
territoriales de définir leurs politiques et de choisir leur
modèle d'intervention. »6
Dès lors, les collectivités territoriales
semblent pouvoir gérer leurs budgets comme elles l'entendent mais,
derrière le rideau, l'Etat agit souvent comme un marionnettiste qui
guide leurs politiques publiques.
Ces balbutiements engendrent des tensions entre les deux
acteurs, qu'il faut plus que jamais atténuer afin de garantir la
nouvelle gouvernance financière, telle que mise en place par la loi
organique relative aux lois de finances, en 2001.
Ainsi, pour d'autres acteurs du droit, comme Mohamed TOUBI,
l'Etat est au contraire un « copilote, qui assiste [...] la condition
financière des collectivités territoriales
»7. Il se prive de certaines de ses recettes au profit des
collectivités territoriales, qu'il doit mieux associer à la
maitrise des dépenses publiques.
Au regard de ces divergences d'opinion, il convient de savoir
comment expliquer et dépasser la situation conflictuelle des relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
A priori, le conflit caractérisant les relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales
trouve sa source dans leur fondement, à savoir la Constitution (Titre
1). Pour le dépasser, il faudra nécessairement les transformer
(Titre 2).
6 Igas, 2008, p. 12-13
7 Mohamed TOUBI, « Relations financières entre
l'Etat et les collectivités : qui tient vraiment le volant ? »,
Legibase, Compta et finances locales, 26 juillet 2018
8
Titre 1 - Un conflit d'interprétation
caractérisant les relations financières entre l'État et
les collectivités territoriales
Le conflit qui alimente les relations financières entre
l'Etat et les collectivités territoriales trouve sa source dans la
notion d'autonomie financière. En effet, avant les lois Deferre de 1982,
le budget des collectivités territoriales était soumis à
un contrôle a priori du préfet, qui exerçait alors
une sorte de tutelle sur elles.
Après ces lois, les collectivités territoriales
ont été dotées d'une autonomie de gestion leur permettant
de donner force exécutoire à leur budget, dès lors qu'il
était voté. La tutelle budgétaire n'existait plus que sous
la forme d'un contrôle a posteriori du préfet.
Parallèlement, les transferts de compétences se
sont accrus massivement, concomitamment à un transfert de ressources
insuffisant.
Dans un souci de maintien de leur équilibre
budgétaire, les élus ont réclamé plus d'autonomie
fiscale à partir des années 2000. Ils devront attendre la
révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pour que l'Etat leur
réponde, et donne aux collectivités territoriales une sorte
d'autonomie financière.
Juridiquement, cette notion ne correspond pas vraiment aux
exigences portées par les collectivités territoriales. Pourtant,
les élus ont eu tendance à s'en prévaloir, comme d'une
force politique, pour appuyer leurs politiques locales.
En réalité, au même titre que l'autonomie
fiscale, les collectivités territoriales ne paraissent pas
détenir une quelconque autonomie financière, ce qui explique les
tensions croissantes avec l'Etat.
Ainsi, s'il est soulevé par le mythe de l'autonomie
financière (Chapitre 1), le conflit caractérisant les relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales est
aussi alimenté par l'illusion d'un équilibre financier entre ces
acteurs (Chapitre 2).
9
Chapitre 1 : Un conflit soulevé par le mythe de
l'autonomie financière des collectivités
territoriales
Un mythe peut être une construction de l'esprit qui ne
repose sur aucun fondement. En ce sens, les auteurs considèrent souvent
que l'autonomie financière des collectivités territoriales
découle de l'article 72-2 de la Constitution, alors même que
celle-ci ne fait aucunement état d'un tel principe, du moins
explicitement.
Autrement compris, le mythe peut s'appliquer à un
élément réel mais dont le sens et la portée sont
amplifiés par des croyances. Il constitue alors un « ensemble
de croyances, de représentations idéalisées autour d'un
personnage, d'un phénomène, d'un événement
historique, d'une technique qui leur donne une force, une importance
particulières »8.
En France, la notion d'autonomie financière des
collectivités territoriales a trouvé ses fondements dans le
domaine fiscal dès les années 1970. Ainsi, les
collectivités territoriales ont obtenu le droit de fixer les taux
d'imposition des quatre taxes locales, parallèlement à la refonte
de la fiscalité locale. Le mouvement de décentralisation qui a
suivi n'a fait que renforcer l'assimilation de l'autonomie financière
à l'autonomie fiscale, par les élus.
Néanmoins, la révision constitutionnelle de 2003
n'a pu les satisfaire pleinement puisqu'à la notion d'autonomie
financière a été favorisée celle de «
ressources propres » des collectivités territoriales. Expression
aux contours obscurs, elle n'a permis qu'une dichotomie entre les partisans de
l'autonomie financière entendue comme une autonomie fiscale, et ceux qui
y voient une simple autonomie de gestion. Certains vont même
jusqu'à affirmer que l'autonomie financière est un mythe, une
notion idéalisée, si ce n'est inventée.
Dès lors, l'autonomie financière des
collectivités territoriales ne peut qu'être enjolivée
(Section 1). Logiquement, elle est rapidement désenchantée de
toute substance (Section 2).
Section 1 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales enjolivée
Le mythe de l'autonomie financière des
collectivités territoriales résulte d'abord de son
ambiguïté conceptuelle (I). Ensuite, il est rendu possible parce
que l'autonomie financière parait garantie constitutionnellement
(II).
I. Une ambiguïté conceptuelle de
l'autonomie financière
L'ambiguïté conceptuelle de la notion d'autonomie
financière se trouve dans son texte fondateur, c'est-à-dire la
loi du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des
collectivités territoriales9, qui l'assimile à la
notion de « ressources propres » (A). Au-delà de sa
définition, cette loi permet une
8 Universalis, « Phénix, mythologie
», Encyclopoedia Universalis
9 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004
prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à
l'autonomie financière des collectivités territoriales
10
mesure de l'autonomie selon « une part
déterminante » (B), qui ne peut que dépendre de
l'orientation que l'on souhaite lui octroyer.
A. L'assimilation de l'autonomie financière au
concept de ressources propres
Les lois Deferre de mars et juillet 1982 ont doté les
collectivités territoriales d'une certaine autonomie de gestion
financière en leur permettant de voter leur budget librement, sans
contrôle a priori du préfet.
Si la tutelle budgétaire persiste par un contrôle
a posteriori en cas de déséquilibre du budget, les
collectivités territoriales ont vu leurs responsabilités croitre
avec l'externalisation de certaines dépenses par l'Etat, concomitamment
à l'extension de leurs compétences.
Cette situation a amené les collectivités
territoriales à réclamer plus d'autonomie fiscale, en pensant
qu'elle serait l'incarnation de la décentralisation. Or, en France, le
pouvoir fiscal appartient au Parlement.
C'est pourquoi le Conseil constitutionnel n'est jamais
allé au-delà d'une reconnaissance d'une autonomie
financière aux collectivités territoriales. Ainsi, lors d'une
décision portant sur la révision des bases locatives, en 1990, il
a considéré qu'au regard du principe de libre administration, les
collectivités territoriales bénéficiaient aussi du droit
de disposer librement de leurs ressources, et du droit de disposer de
ressources suffisantes pour exercer leurs compétences10.
Plus tard, et pour répondre à ces
différentes problématiques, la décentralisation a
été introduite dans la Constitution, par la loi de
révision constitutionnelle du 28 mars 200311.
Depuis, l'article 72-2 de la Constitution dispose que :
« Les collectivités territoriales
bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement
dans les conditions fixées par la loi.
Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des
impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer
l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
Les recettes fiscales et les autres ressources propres des
collectivités territoriales représentent, pour chaque
catégorie de collectivités, une part déterminante de
l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans
lesquelles cette règle est mise en oeuvre. »
Cet article pose quelques difficultés puisqu'il
contient un oxymore dès sa première phrase : « disposer
librement » de ressources mais « dans les conditions fixées
par la loi » est contradictoire. Par ailleurs, l'utilisation du verbe
« pouvoir » implique que ce ne sont que des possibilités qui
sont laissées aux collectivités territoriales, et non des
pouvoirs.
Ces formulations ambigües ont permis de cultiver le mythe
de l'autonomie fiscale qui, dans les faits, n'existe pas. Pour beaucoup, elles
sont en fait le fondement de l'autonomie financière des
collectivités territoriales, assimilée à « une
part déterminante de ressources propres » dont elles peuvent
disposer librement.
10 Conseil constitutionnel, décision n°
90-277 DC du 25 juillet 1990, à propos de la révision des bases
locatives
11 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars
2003 relative à l'organisation décentralisée de la
République
11
Pour comprendre ce que sont « une part
déterminante », ainsi que « les ressources propres
des collectivités territoriales », il aura fallu attendre la
loi organique du 29 juillet 200412.
En effet, en son article 3, celle-ci dispose que : «
les ressources propres des collectivités territoriales sont
constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les
autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle
détermine, par collectivité, le taux ou une part locale
d'assiette, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des
participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.
»
Dès lors, et quand bien même cet article fait
état du pouvoir de la loi, les élus locaux s'en sont
emparés pour donner un poids politique à leurs programmes. De
fait, la notion de ressources propres semble pouvoir englober nombre de
ressources des collectivités territoriales, dont les recettes fiscales.
En ce sens, l'autonomie financière se confond avec elle, et toujours
dans le domaine fiscal.
D'ailleurs, comme le souligne Raphaël DECHAUX, «
la relation entre ressources propres et autonomie financière est
déterminante puisque, par définition, sans les premières,
la deuxième reste inefficiente. »13
L'article L1114-2 du Code général des
collectivités territoriales donnera, par la suite, une définition
plus précise des ressources propres. Celui-ci semble distinguer deux
types de ressources propres : celles qui ont un caractère
évidemment propre, c'est-à-dire celles sur lesquelles la
collectivité territoriale peut exercer une influence sur le montant ; et
celles sur lesquelles elle n'aura aucun pouvoir, à savoir les produits
des impositions de toutes natures dont la loi détermine le taux, et une
part locale d'assiette.
Le législateur a donc décidé de retenir
une interprétation large de la notion de ressources propres, afin
d'éviter toute violation de la Constitution. Le choix des termes permet
également d'éviter un tel abus puisque la notion de ressources
propres, assimilée à celle d'autonomie financière,
dépend également de l'expression « part déterminante
», qui apparait relativement ambigüe.
Ainsi, la loi organique précitée va la
définir en fixant un plancher d'autonomie des collectivités
territoriales (B).
B. La mesure de l'autonomie financière par
le concept de part déterminante
La Charte européenne de l'autonomie locale de 1985
impose aux Etats de garantir l'autonomie politique, administrative et
financière des collectivités territoriales. Si cette
dernière est rattachée à la notion de ressources propres,
il faut encore savoir comment calculer la « part » de ressources
propres.
C'est l'objet de la loi du 29 juillet 2004 qui, en son article
4, dispose que : « pour chaque catégorie de
collectivités, la part des ressources propres est calculée en
rapportant le montant de ces dernières à celui de la
totalité de leurs ressources, à l'exclusion des emprunts, des
ressources correspondant
12 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004
prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à
l'autonomie financière des collectivités territoriales
13 Raphaël DECHAUX, ATER à
l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Membre du GERJC - Institut Louis
Favoreu, « Les garanties constitutionnelles de l'autonomie
financière locale à l'épreuve des concours financiers
étatiques », Revue du droit public (n°2), 2010, p.
349
12
au financement de compétences
transférées à titre expérimental ou mises en oeuvre
par délégation et des transferts financiers entre
collectivités d'une même catégorie. »
Si le calcul est aisé, cet article porte toutefois une
limite à l'autonomie financière, comprise comme les ressources
propres des collectivités territoriales, puisqu'en son troisième
alinéa, il dispose que : « Pour chaque catégorie, la
part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau
constaté au titre de l'année 2003. »
En ce sens, il pose un plancher d'autonomie. Il est à
noter que le terme « déterminant » a été
déclaré contraire à la Constitution, par le Conseil
constitutionnel, dans une décision du 29 juillet 200414. En
effet, il a considéré que « du fait de sa portée
normative incertaine », ce terme ne respectait « ni le
principe de clarté de la loi ni l'exigence de précision que
l'article 72-2 de la Constitution requiert du législateur organique
».
Néanmoins, cette situation reste problématique
au regard de la valeur de « la part » qui ne peut qu'être
exprimée en pourcentage. Or, un pourcentage peut évoluer en
fonction d'un autre.
Par exemple, si une commune dispose de 70% de ressources
propres, et de 30% de dotations de l'Etat, il suffit de baisser ces
dernières pour que le pourcentage des premières augmente. Certes,
la part de ressources propres augmentera, mais ce ne sera probablement pas le
cas des marges de manoeuvre de la commune, et donc, de son autonomie
financière, au sens des actions financières qu'elle pourra
entreprendre.
Cependant, pour Monsieur Pascal CLEMENT, cet ajout au sein de
la Constitution permet de « faire pièce aux tentatives de
recentralisation des ressources que n'a pu éviter le Conseil
constitutionnel faute de dispositions explicites dans la Constitution
»15.
Si l'autonomie financière est assimilée à
la notion de part déterminante de ressources propres, les
collectivités territoriales bénéficient d'autres
ressources, qui ne sont pas considérées de la sorte. C'est le cas
des emprunts ou des ressources correspondant au financement de
compétences transférées. Pour certains auteurs, ces
dernières forment d'ailleurs une garantie constitutionnelle de
l'autonomie financière des collectivités territoriales. En effet,
si elle n'est pas désignée explicitement dans le texte de la
Constitution, l'autonomie financière semble tout de même garantie
par d'autres principes constitutionnels (II).
II. Une garantie constitutionnelle apparente de
l'autonomie financière
L'autonomie financière des collectivités
territoriales semble constitutionnellement garantie puisque, d'une part, elle
est un corollaire de la libre administration des collectivités
territoriales (A), et que, d'autre part, elle est assurée par le
principe constitutionnel de compensation financière des charges
résultant de la décentralisation des compétences (B).
14 Conseil constitutionnel, décision n°
2004-500 DC, Loi organique relative à l'autonomie financière des
collectivités territoriales, 29 juillet 2004
15 Pascal CLEMENT, rapporteur au nom de la commission
des Lois sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République, Rapport n°376, XIIe
législature, p. 26
13
A. L'autonomie financière comme corollaire
de la libre administration des collectivités territoriales
En 2018, Jean-Éric SCHOETTL écrivait que «
La libre administration ne se confond pas avec l'autonomie
financière [...] mais elle l'englobe. La seconde est une composante de
la première. »16
Pour comprendre la mesure de cet engrenage, il faut d'abord
saisir le sens du principe de libre administration des collectivités
territoriales. Pour cela, il est nécessaire de comprendre la
portée de l'article 72 alinéa 3 de la Constitution, selon lequel
« Dans les conditions prévues par la loi, ces
collectivités s'administrent librement par des conseils élus et
disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs
compétences ».
Cet article trouve son écho dans le Code
général des collectivités territoriales, et ses articles
L11111 et L1111-2 qui disposent respectivement que « Les communes, les
départements et les régions s'administrent librement par des
conseils élus » et qu'ils « règlent par leurs
délibérations les affaires de leur compétence.
»
Ainsi, la libre administration peut être définie
comme la gestion des compétences d'une collectivité territoriale
par ses élus. Cela étant dit, le rapport avec l'article 72-2
apparait évident : les collectivités disposent, pour l'exercice
de leurs compétences, de ressources dont elles peuvent disposer
librement.
Dès lors, le principe de libre administration des
collectivités territoriales est un corollaire de leur autonomie
financière. Cela avait d'ailleurs été souligné bien
avant la révision constitutionnelle de 2003 puisque, comme le souligne
la Cour des comptes dans sa mission flash sur l'autonomie financière des
collectivités territoriales, « l'autonomie financière
avait été reconnue comme un corollaire, un « attribut
logique »17 du principe constitutionnel de libre
administration, qui comportait deux dimensions : le droit pour les
collectivités de disposer librement des ressources dont elles disposent
; et le droit de disposer de ressources suffisantes pour exercer leurs
compétences »18.
De cette façon, le Conseil constitutionnel se fonde
généralement sur le principe de libre administration des
collectivités territoriales pour traiter de la question de l'autonomie
financière. Par exemple, lors de sa décision du 18 janvier
201819, une référence explicite à l'autonomie
était attendue, mais il a préféré se fonder sur le
principe de libre administration des collectivités territoriales. En
l'espèce, les requérants contestaient la conformité
à la Constitution du mécanisme financier de contractualisation.
Or, le Conseil constitutionnel n'a aucunement fait état de l'autonomie
financière des collectivités, alors même qu'il se fondait
sur les articles 72 et 72-2 de la Constitution, et a considéré
que l'atteinte portée à la libre administration n'était
pas d'une gravité telle qu'elle méconnaitrait les dispositions
constitutionnelles.
16 Jean-Éric SCHOETTL, ancien secrétaire
général du Conseil constitutionnel, « Questions sur
l'autonomie financière des collectivités territoriales :
revendication politique ou principe constitutionnel ? », Petites
affiches (n°144), 2018, p. 3
17 Michel BOUVIER, Professeur à
l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue
Française de Finances Publiques, « Pour une autonomie
financière locale au-delà des corporatismes », Revue
française des finances publiques (n° 140), novembre 2017, p.
5
18 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p.
6
19 Conseil constitutionnel, décision n°
2017-760 DC, 18 janvier 2018
Au-delà de cette dimension, le principe d'autonomie
financière s'est vu augmenté d'une autre forme de protection,
passant par le principe constitutionnel de compensation de toute
création, transfert ou expansion de compétences des
collectivités territoriales (B).
B. L'autonomie financière apparemment
garantie par le principe constitutionnel de compensation financière
L'autonomie financière des collectivités
territoriales apparait garantie par le principe constitutionnel de compensation
de toute extension ou création de compétences, d'où
résulteraient des charges pour les collectivités
territoriales.
Effectivement, l'article 72-2 alinéa 4 de la
Constitution dispose que « tout accroissement net de charges
résultant des transferts de compétences effectués entre
l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du
transfert concomitant par l'Etat aux collectivités territoriales ou
à leurs groupements des ressources nécessaires à
l'exercice normal de ces compétences. »
Cette exigence initie une transformation des rapports entre
l'Etat et les collectivités territoriales puisque, selon ce
schéma, l'Etat est garant de l'autonomie financière des
secondes.
Cette garantie semble indispensable à l'autonomie
financière des collectivités territoriales, qui doivent pouvoir
bénéficier de leurs ressources propres librement, sans être
noyées dans un amoncellement de charges engendrées par les
transferts arbitraires de compétences par l'Etat.
Dès 1986, au sein d'une décision dite «
Département du Finistère », le Conseil
constitutionnel insistait déjà sur le fait que cette compensation
devait être « intégrale »20.
Cependant, au sein de sa décision du 17 juillet 200321, il a
estimé que le législateur n'était tenu de prévoir
les conditions de détermination et de répartition des dotations
que pour les compétences obligatoires prévues par le
transfert.
Couplés à cette distinction, ces atermoiements
jurisprudentiels semblaient déjà annoncer la fragilité du
principe d'autonomie financière, jamais explicitement reconnu et
toujours suggéré. De plus, le paradoxe n'a eu de cesse
d'apparaitre au fil du développement : l'autonomie financière des
collectivités territoriales est entravée, car limitée
« aux conditions fixées par la loi » (Section 2).
14
20 Conseil constitutionnel, décision n°
86-223 DC, Loi de finances rectificative pour 1986, 29 décembre 1986
21 Conseil constitutionnel, décision n°
2003-474 DC du 17 juillet 2003
15
Section 2 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales désenchantée
Le mythe de l'autonomie financière des
collectivités rencontre sa limite à l'analyse de la substance de
ce principe (I). En effet, il apparait rapidement comme ineffectif, et la
portée de ses conséquences semble très limitée
(II).
I. Une substance fragile de l'autonomie
financière des collectivités territoriales
Le principe d'autonomie financière des
collectivités territoriales repose sur des concepts fragilisés et
biaisés. Premièrement, le concept de ressources propres est une
notion fourre-tout, dont l'éclatement apparait inévitable
à la suite de trop nombreuses qualifications abusives (A). Secondement,
le ratio d'autonomie est un indicateur biaisé que chacun peut orienter
comme bon lui semble (B).
A. L'éclatement progressif du concept de ressources
propres
Si la Constitution reconnait la notion de «
ressources propres », il n'en est rien pour celle d'autonomie
financière, qui n'est jamais explicitement énoncée. Pire
encore, la notion de ressources propres apparait, comme le souligne
Jean-Éric SCHOETTL, « trop large puisqu'elle inclut des
ressources certes fiscales, mais dont l'attribution à chaque
collectivité territoriale dépend exclusivement de la loi et sur
lesquelles aucune collectivité, prise isolément, n'a de levier de
manoeuvre »22.
En effet, les différents textes relatifs à la
libre administration des collectivités territoriales, ou à leur
autonomie financière, comme l'article 72 de la Constitution,
précisent bien qu'elles doivent être exercées «
dans les conditions fixées par la loi ».
Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes, certaines
ressources énoncées par l'article L1111-2 du CGCT, comme les
redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations
d'urbanisme, les produits financiers, les dons et legs, ont « un
caractère évidemment propre »23.
Néanmoins, le législateur a également
considéré qu'étaient des ressources propres les ressources
fiscales sur lesquelles les collectivités territoriales ont un pouvoir,
puisqu'elles peuvent en fixer le taux et l'assiette, mais aussi celles sur
lesquelles elles n'ont aucune emprise, puisque c'est à la loi d'en
déterminer les particularités précitées.
Pour Frédéric LAFARGUE, « ce dispositif
ne renforce en rien l'autonomie financière des collectivités
territoriales, si ce partage d'impôts d'État ne s'accompagne pas
de la possibilité de faire varier la base imposable ou le taux. Il
équivaut alors à un simple reversement, identique au versement
d'une dotation budgétaire. Le dispositif ne devient efficace, au point
de vue de l'autonomie, que si la
22 Jean-Éric SCHOETTL, ancien secrétaire
général du Conseil constitutionnel, « Questions sur
l'autonomie financière des collectivités territoriales :
revendication politique ou principe constitutionnel ? », Petites
affiches (n°144), 2018, p. 3
23 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p.
12
16
collectivité territoriale est effectivement
autorisée à accorder des abattements et des exonérations,
à faire varier le taux de l'impôt considéré. Mais
seule la loi en décide ainsi. »24 Une fois encore,
l'influence de la loi sur les ressources propres des collectivités, et
donc sur leur autonomie financière ne peut être
démentie.
Allant plus loin, le Conseil constitutionnel a même
jugé que le fait pour le législateur d'attribuer à une
collectivité territoriale une fraction d'un impôt local suffisait
à la qualifier de ressource propre, car elle était
déterminée « à partir d'une base locale
d'assiette »25.
Selon Michel BOUVIER, cette définition
extrêmement large des ressources propres permet purement et simplement de
« prendre acte du fait que d'année en année le pouvoir
de décision fiscale des élus locaux se trouve réduit de
par la multiplication des allègements fiscaux ainsi d'ailleurs que des
transformations de la matière imposable »26.
En ce sens, c'est non seulement le pouvoir de décision
fiscale des élus qui se retrouve réduit de toute marge de
manoeuvre, mais aussi, corollairement, le pouvoir de gestion financière
des collectivités territoriales. En d'autres termes, la loi contraint
l'autonomie financière des collectivités territoriales.
De plus, en supprimant l'adjectif «
déterminant » qui était initialement accolé
à la part de ressources propres, le Conseil constitutionnel a
privé cette notion de toute dimension dynamique, figeant la comparaison
dans l'année 2003.
Le mythe de l'autonomie financière perd de sa splendeur
à la compréhension de la fragilité caractérisant la
notion de ressources propres. « Notion fourre-tout
»27, celle-ci ne permet évidemment pas de renforcer
les leviers budgétaires à la disposition des collectivités
territoriales, qui paraissent en réalité contraints et
illusoires, comme le prouve l'exemple de la fiscalité locale (B).
B. L'artificialité dévoilée de
l'autonomie financière à travers la fiscalité locale
Pour Michel BOUVIER, « on ne s'est jamais clairement
interrogé sur la possible dissociation entre autonomie de gestion et
autonomie fiscale. »28 Toutefois, et alors même que
c'était la volonté des élus, l'autonomie financière
des collectivités territoriales n'est en rien une autonomie fiscale.
Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé
à plusieurs occasions comme au sein de sa décision du 29
décembre 200929 : les collectivités territoriales
n'ont jamais maîtrisé pleinement et entièrement leurs
ressources, et pourraient même perdre le pouvoir « de fixer le
taux de l'une de leurs ressources fiscales ».
24 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
25 Conseil constitutionnel, décision n°
2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, 29 décembre 2009
considérant n° 62 ; Conseil constitutionnel, décision
n°2012-255/265 QPC, 29 juin 2012, considérant n° 6
26 Michel BOUVIER, Les finances locales,
LGDJ, 17e édition, 2018, page 28
27 Alain PARIENTE, Professeur à
l'université de Bordeaux, « Le mythe de l'autonomie
financière », Revue française de finances publiques
(n°129), 1er février 2015, page 15
28 Michel BOUVIER, Professeur à
l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue
Française de Finances Publiques, « Le Conseil constitutionnel et
l'autonomie financière des collectivités territoriales : du
quiproquo à la clarification », Nouveaux cahiers du Conseil
constitutionnel (n°33), octobre 2013
29 Conseil constitutionnel, décision
n°2009-599 DC, 29 décembre 2009, considérant 64
Ainsi, l'autonomie financière n'implique nullement que
les recettes fiscales soient versées par les contribuables locaux. C'est
ici que se mesure la place qu'occupe l'Etat en tant que contribuable.
Effectivement, celui-ci prend en charge 17% de la fiscalité
communale30.
Comme se plait à le rappeler la Cour des comptes, la
fiscalité ne peut qu'être nationale31. Dès lors,
et pour leur assurer un niveau suffisant de recettes, l'Etat ne peut que leur
partager le produit de ses propres recettes fiscales : on parle de
fiscalité transférée. Cette dernière correspond au
produit des impôts transférés par l'Etat pour compenser les
transferts de compétences.
Cependant, il est compliqué de distinguer la
fiscalité transférée des dotations de l'Etat. En effet, il
est difficile de faire la part des choses entre les deux au point que certains
affirment que la fiscalité transférée, composante des
ressources propres des collectivités territoriales, n'est en fait
qu'artificielle, tant la différence entre les deux ressources est
ténue32.
Effectivement, si le transfert d'impôt n'est pas
accompagné d'un pouvoir de modulation de l'assiette et du taux
suffisant, alors il est un simple versement, au même titre qu'une
dotation. A ce titre, la taxe intérieure sur les produits
pétroliers, et la taxe spéciale sur les conventions d'assurance
peuvent être mentionnées. En 2010, elles représentaient
12,5 milliards d'euros pour les collectivités
territoriales33. Néanmoins, elles n'avaient pas de marge de
manoeuvre sur ces taxes, l'Etat s'étant seulement contenté de
leur reverser une somme.
Dès lors, si l'on considère, comme Jean-Luc
BOEUF que l'autonomie fiscale est « une composante essentielle
»34 de l'autonomie financière, et qu'aucune
autonomie fiscale n'est reconnue aux collectivités, ne peut-on pas
remettre en cause l'existence même de l'autonomie financière ?
C'est probablement à cause de l'ambiguïté
de sa définition que le principe d'autonomie financière des
collectivités territoriales, à condition qu'il soit reconnu, a
une portée si peu conséquente pour leur défense
contentieuse (II).
17
30 Annexe au projet de loi de finances pour 2018 -
Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, Jaune
Budgétaire
31 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018
32 Loïc HERVE, « Relations avec les
collectivités territoriales », Avis au nom de la commission des
lois sur le projet de loi de finances pour 2018, Sénat, session
2017-2018, n° 114, tome XII, p. 47
33 Sénat, « Les dispositions relatives aux
collectivités territoriales dans la loi de finances pour 2010 et la loi
de finances rectificative pour 2009 - tome I »
34 Jean-Luc BOEUF, « L'autonomie
financière des collectivités locales existe-t-elle ? »,
Gestion & Finances Publiques (n°11), 2009, p. 838
18
II. Une portée relative du principe d'autonomie
financière des collectivités
territoriales
Le principe d'autonomie financière est ineffectif
puisqu'il est un simple pouvoir de gestion (A) laissé aux
collectivités territoriales, et qu'il n'est pas garanti
constitutionnellement (B).
A. L'ineffectivité évidente du principe
d'autonomie financière limité à un pouvoir de gestion
Pour Gérard CORNU, l'autonomie est « le droit
de se régir par ses propres lois »35. En ce sens,
l'autonomie financière serait le droit de se régir par ses
propres lois financières.
Or, l'article 34 de la Constitution dispose que « La
loi fixe les règles concernant : (...) l'assiette, le taux et les
modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
»
De même, l'article 72-2 alinéa 2 rappelle que les
collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie
du produit des impositions de toutes natures » mais que seule
« La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux
dans les limites qu'elle détermine. »
Ainsi, le pouvoir de lever l'impôt n'appartient qu'au
Parlement. Le législateur a la possibilité d'auto-riser les
collectivités territoriales à en fixer l'assiette et le taux,
mais il n'y est pas contraint.
Comme le souligne le professeur Alain PARIENTE, s'opposent
alors « ceux qui entendent l'autonomie financière d'abord comme
une autonomie fiscale et ceux qui y voit surtout une autonomie de gestion :
origine de la ressource d'un côté, liberté de la
dépense de l'autre »36.
La raison ne peut que se ranger derrière la seconde
partie de la doctrine : l'autonomie financière, loin d'un pouvoir de
détermination, n'est qu'un pouvoir de gestion des ressources locales.
D'ailleurs, cela peut expliquer pourquoi il n'est jamais
explicitement fait état de la notion « d'auto-nomie
financière » au sein de la Constitution. Il faut garder en
tête qu'elle est une idée découlant d'autres notions
définies juridiquement comme celle de « ressources propres »
et dont les élus se sont saisis, afin de donner un poids politique
à leurs programmes. « Construction de l'esprit qui ne repose
sur aucun fondement », n'est-ce pas là le propre du mythe ?
En ce sens, et comme le rappelle Raphaël DECHAUX, «
l'autonomie n'est réelle que si la collectivité a des
recettes propres abondantes... et que si elle dispose d'une grande
liberté dans ses dépenses sans être entravée par des
dépenses obligatoires ou par des dépenses interdites ou soumises
à approbation »37.
Dans ce cas, la notion d'autonomie financière
semblerait ineffective pour les collectivités territoriales.
35 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Presses
Universitaires de France-PUF, 11e édition, 2016, p. 92
36 Alain PARIENTE, Professeur à
l'université de Bordeaux, « Le mythe de l'autonomie
financière », Revue française de finances publiques
(n°129), 1er février 2015, page 15
37 Raphaël DECHAUX, ATER à
l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Membre du GERJC - Institut Louis
Favoreu, « Les garanties constitutionnelles de l'autonomie
financière locale à l'épreuve des concours financiers
étatiques », Revue du droit public (n°2), 2010, p.
349
19
En effet, la jurisprudence stricte du Conseil constitutionnel
à l'égard des collectivités territoriales est la preuve
que la liberté de dépenses, découlant de la liberté
de gestion des collectivités territoriales, peut être
limitée, voire fragilisée (B).
B. L'ineffectivité de l'autonomie financière
face à son absence de garantie constitutionnelle
Selon la Cour des comptes, la désillusion de la
consécration constitutionnelle de l'autonomie financière tient
à « la jurisprudence très stricte - du point de vue des
collectivités - du Conseil constitutionnel dans l'appréciation de
la constitutionnalité des mécanismes de compensation
financière des transferts de compétences
»38.
Effectivement, le juge constitutionnel tend à rejoindre
la position du juge administratif qui avait limité ce principe aux
seules dépenses obligatoires dès le 28 mai 1997, au sein d'un
arrêt dit « Commune de la Courneuve »39.
Ainsi, et comme le remarque fort justement la Cour des
comptes, « le transfert de compétences ouvre droit à
l'attribution de ressources équivalentes à celles
précédemment consacrées à l'exercice de la
compétence transférée », tandis que leur
création ou extension « n'ouvre droit qu'à un
accompagnement financier »40. Souvent, les élus
peuvent avoir le sentiment que l'Etat ne se décharge que des
compétences dont il ne maitrise plus le coût, ou qui lui sont trop
lourdes.
Dès lors, les collectivités territoriales
doivent faire face à des accroissements importants de charges
financières, sans qu'aucun principe ne puisse les en protéger.
Par exemple, lorsque l'aide sociale a été
transférée au département, celui-ci a vu ses charges
augmenter considérablement, sans que le Conseil constitutionnel n'exige
une quelconque compensation intégrale. Plus qu'une simple limitation aux
dépenses obligatoires, le principe de compensation ne prend pas en
compte l'évolution du coût des actions dans le temps. Ainsi, comme
l'expliquait Stéphane TROUSSEL en 2016, le transfert des allocations de
solidarité de l'Etat aux départements a été
perçu comme un véritable « piège financier
»41 puisque la compensation à l'euro près a
été fortement dégradée, à cause d'une
augmentation continue du nombre de bénéficiaires. Or, pour la
Cour des comptes, « la revalorisation du RSA devrait entraîner
une hausse de 132 M€ des dépenses sociales des départements
en 2019 contre plus de 246 M€ en 2018. »42
Par ailleurs, les règles constitutionnelles relatives
à l'autonomie financière, comme la part de ressources propres,
s'appliquent à des catégories de collectivités
territoriales. Autrement dit, elles s'appliquent à une « moyenne
». En ce sens, il est envisageable qu'une collectivité en
particulier ait un ratio de ressources propres inférieur à celui
de 2003. Cela ne posera pas de problème tant que ce ne sera pas le cas
de sa « catégorie ».
38 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p.
16
39 Conseil d'Etat, 9e et 8e sous-sections
réunies, 28 mai 1997, n° 163508
40 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018
41 Stéphane TROUSSEL, Président du
conseil général de la Seine-Saint-Denis, « Le transfert du
RSA aux départements a été un piège financier
», Petites affiches (n°132), 2016, p. 3
42 Cour des comptes, « Les finances publiques
locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et
la gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019, p. 30
De plus, l'Etat peut exercer une influence sur les ressources
des collectivités territoriales, par le biais des
dégrèvements, c'est-à-dire des réductions fiscales
accordées à des contribuables. Il l'a d'ailleurs fait
récemment, pour la taxe d'habitation, sans que le Conseil
constitutionnel n'y trouve à redire. En effet, au sein de sa
décision, celui-ci a conclu qu'en « dépit de l'ampleur
du dégrèvement, la taxe d'habitation continue de constituer une
ressource propre des communes »43.
Pour la Cour des comptes, c'est avec cette décision que
l'on mesure le caractère futile de la notion d'autonomie
financière, qui ne semble plus qu'être une coquille vide. Elle ne
peut pas protéger les collectivités territoriales d'une privation
de leurs ressources par l'Etat. Plus encore, elles sont dépendantes de
lui, et il a le pouvoir d'influer leurs ressources.
Si les collectivités territoriales disposent d'une
autonomie financière, celle-ci n'est qu'un mythe en ce qu'elle est
enjolivée par les élus locaux, qui espèrent ainsi disposer
de plus amples marges de manoeuvre financière. Pourtant, lorsqu'ils
doivent faire face aux décisions du juge constitutionnel, ou à
celles de l'Etat, ils ont conscience de la portée dérisoire de ce
principe.
De fait, l'Etat continue d'alimenter l'illusion d'un
quelconque équilibre financier, ce qui n'a pour effet que d'alimenter le
conflit entretenu avec les collectivités territoriales.
Effectivement, les réponses ambiguës et floues
apportées à leurs réclamations n'ont pu que les placer
dans une condition de défiance face à l'Etat, qui se veut
finalement toujours tutélaire. Il est à la tête de
décisions ayant des conséquences sur l'action publique locale, et
peut le faire de façon arbitraire. Portée par leur volonté
d'indépendance, ou plutôt d'autonomie, les collectivités ne
disposent que de très faibles possibilités de revendications
financières.
20
43 Conseil constitutionnel, décision n°
2017-758 DC du 28 décembre 2017
21
Chapitre 2 : Un conflit alimenté par l'illusion de
relations financières équilibrées entre l'État et
les collectivités territoriales
Le conflit caractérisant les relations
financières entre l'Etat et les collectivités est le fait du
mythe de l'autonomie financière. Cependant, s'il persiste dans le temps,
c'est aussi parce que, contrairement à une utopie qui désirerait
que ce constat soit faux, l'Etat exerce une tutelle sur les
collectivités territoriales.
Son interventionnisme est d'autant plus présent
à l'heure de sa volonté assumée de réduire les
dépenses de la France, afin de se soumettre aux exigences
européennes, notamment celles développées dans le pacte de
stabilité et de croissance.
Celui-ci est l'instrument européen qui permet de
coordonner les politiques budgétaires nationales et d'éviter les
déficits budgétaires excessifs. Il pose le principe
d'équilibre budgétaire, en prévoyant un volet
préventif passant par la surveillance multilatérale, et un volet
répressif passant par la procédure des déficits excessifs.
Ainsi, sauf circonstance exceptionnelle et temporaire, le déficit public
d'un Etat membre ne doit pas dépasser 3% du PIB national. Par ailleurs,
la dette ne doit pas dépasser 60% du PIB.
Au niveau local, ces exigences se traduisent par le respect de
l'équilibre budgétaire, puisque les collectivités
territoriales ne peuvent voter de lois de finances. Aussi, l'article L1612-4 du
CGCT prévoit que chacune des deux sections soit votée en
équilibre, et que chaque recette ou dépense soit inscrite au
budget selon le principe de sincérité. Comme l'a exigé le
Conseil d'Etat dès 1994, cet équilibre doit être
réel au moment de l'adoption du budget44.
Il est une condition de la légalité d'une
délibération budgétaire. Ainsi, après son vote, le
budget local doit être transmis au préfet pour qu'il y exerce son
contrôle de légalité, et un contrôle
budgétaire, en lien avec la chambre régionale des comptes, qu'il
peut saisir pour avis.
Outre ces contraintes budgétaires, les
collectivités sont aussi soumises à la règle
budgétaire contraignante dite « règle d'or » selon
laquelle l'emprunt ne peut servir l'équilibre budgétaire
puisqu'il ne peut couvrir que des dépenses d'investissement, et non de
fonctionnement.
Enfin, le législateur peut aussi assujettir les
collectivités à des obligations et à des charges tant
qu'elles « répondent à des exigences constitutionnelles
ou concourent à des fins d'intérêt général,
qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des
collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre
administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment
précise quant à leur objet et à leur portée
»45.
Cependant, cette dernière restriction est portée
par le Parlement, et non par l'Etat entendu au sens du gouvernement.
Néanmoins, les autres exemples permettent d'introduire la
réalité de la tutelle de l'Etat sur les collectivités
territoriales (Section 1), dont les actions sont muselées par les
différentes stratégies et contraintes qu'il impose (Section
2).
44 Conseil d'Etat, Braun - Ortega - Buisson, 27 mai
1994
45 Conseil constitutionnel, Décision n°
2018-727, QPC, Commune de Ploudiry, 13 juillet 2018
22
Section 1 : L'utopie balayée d'une absence
de tutelle de l'État sur les collectivités territoriales
L'absence de tutelle de l'Etat sur les finances locales est
une illusion nécessaire pour exercer son rôle d'Etat «
normateur » (I), et lorsqu'il intervient en tant que régulateur
(II).
I. Une tutelle nécessaire de l'Etat «
normateur »
Le Parlement édicte les lois. Néanmoins, les
politiques publiques sont souvent décidées au niveau national.
Comme elles ne peuvent être pilotées au niveau central, leur mise
en oeuvre doit intervenir au niveau décentralisé. Cependant,
toutes ces règles ont un coût pour les collectivités, que
l'Etat se doit de compenser : on parle de poids des normes (A). De même,
lorsqu'il décide de réformes fiscales, cela a une influence
conséquente sur les budgets des collectivités territoriales.
Là encore, et afin de leur permettre de respecter les règles
auxquelles elles sont soumises, l'Etat se doit d'intervenir (B).
A. La tutelle de l'Etat exprimée à travers
son pouvoir réglementaire
Le pouvoir normatif c'est-à-dire le pouvoir
d'édicter des normes, est composé du pouvoir législatif,
qui appartient au Parlement, et du pouvoir réglementaire, qui appartient
au gouvernement.
En effet, l'article 21 de la Constitution dispose que le
Premier Ministre exerce le pouvoir réglementaire. Celui-ci lui permet de
prendre des actes exécutoires aux dispositions générales
et impersonnelles. Il faut noter que l'article 72 alinéa 3 de la
Constitution reconnait également un pouvoir réglementaire aux
collectivités territoriales. Néanmoins, si celui du Premier
Ministre est autonome et originel, celui des collectivités territoriales
est secondaire et résiduel.
Effectivement, le Conseil d'Etat l'avait souligné
dès 1996, dans son arrêt dit « Département de la
Loire »46, en estimant que le Premier ministre pouvait
intervenir pour fixer les modalités de distribution des aides sociales,
rendant par là le pouvoir local subordonné au sien. Le Conseil
Constitutionnel, lui l'a exprimé dès 2002, au sein de sa
décision portant sur la loi relative à la Corse, en
considérant que « le pouvoir réglementaire dont dispose
une collectivité territoriale dans le respect des lois et des
règlements ne peut s'exercer en dehors du cadre des compétences
qui lui sont dévolues par la loi »47.
Dès lors, l'Etat, entendu au sens du gouvernement, peut
prendre des mesures ayant des conséquences sur les collectivités
territoriales. Pour mesurer l'effet de ces normes, le Conseil national
d'évaluation des normes a été créé par la
loi du 17 octobre 201348. Instance issue du Comité des
46 Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 01 avril 1996,
141958
47 Conseil constitutionnel, décision n°
2001-454 DC du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse
(considérants 12 et 13)
48 Loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant
création d'un Conseil national d'évaluation des normes
applicables aux collectivités territoriales et à leurs
établissements publics
23
finances locales, il est chargé d'émettre un
avis sur les conséquences financières des mesures
réglementaires de l'Etat créant ou modifiant des normes
obligatoires auxquelles sont soumis les collectivités territoriales et
les établissements publics de coopération intercommunale.
En parallèle, la Cour des comptes réalise
également des analyses d'impact des décisions de l'Etat sur les
budgets des collectivités territoriales, comme le montre le tableau
ci-après :
Ce tableau permet de faire le constat simple d'une diminution
de l'impact financier des décisions de l'Etat sur les budgets des
collectivités territoriales entre 2014 et 2019. Ainsi, il doit avoir
été divisé par dix en cinq ans.
Or, en 2015, dans son rapport public annuel consacré
aux finances locales, la Cour des comptes a considéré que
l'évaluation de l'impact des normes sur les collectivités locales
devait être améliorée.
Sur le fondement de ces recommandations, le Premier ministre a
adopté une circulaire le 26 juillet 201749, connue pour avoir
introduit ce que l'on nomme la « règle du deux pour un
».
Cette dernière « permet à ce que toute
nouvelle norme réglementaire soit compensée par la suppression
ou, en cas d'impossibilité avérée, par la simplification
d'au moins deux normes existantes »50.
Cette circulaire semble avoir eu l'effet escompté
puisque comme le souligne la Cour des comptes « L'impact sur le budget
des collectivités locales des décisions de l'État («
normes ») est plus faible en 2018 que les années
précédentes. »51
Par exemple, la Cour a pu constater « un effet quasi
nul des décisions de l'Etat sur la masse salariale des
collectivités en 2018 »52, à la suite d'un
report des contrats de plan Etat-région, et d'un gel du point
d'indice.
Si la tendance semble être à la baisse du
coût des décisions de l'Etat sur les budgets des
collectivités territoriales, favorisant ainsi la maitrise de leurs
dépenses par les collectivités, il faut admettre que les
conséquences des décisions nationales varient selon les
catégories de collectivités territoriales et dépendent des
modalités de leurs mises en oeuvre.
49 Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la
maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact
50 Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la
maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact
51 Cour des comptes, Rapport sur la situation
financière et la gestion des collectivités territoriales et de
leurs établissements publics, septembre 2018, page 13
52 Cour des comptes, Rapport sur la situation
financière et la gestion des collectivités territoriales et de
leurs établissements publics, septembre 2019, p. 29
24
Dès lors, la stratégie locale est
confisquée par la stratégie nationale. Cette tutelle, ou
plutôt cette incidence de l'Etat sur les budgets locaux est
renforcée par l'expression de son pouvoir fiscal. En effet,
comparé à celui de l'Etat, le pouvoir fiscal des
collectivités territoriales est, au même titre que leur pouvoir
normatif, résiduel et secondaire (B).
B. La tutelle de l'Etat exprimée à
travers son pouvoir fiscal
La fiscalité locale comprend une part d'impôts
directs, et une part d'impôts indirects. La première est
versée par le contribuable, qui endosse également le rôle
de redevable, tandis que la seconde est versée par deux acteurs
différents : le contribuable, et le redevable.
La fiscalité locale représente une part
déterminante des ressources des collectivités territoriales. En
2019, les recettes fiscales des collectivités territoriales
représentaient 151,6 milliards d'euros, contre 34,5 de compensations
financières (dotations).
Or, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans
sa décision du 29 décembre 200953, les
collectivités territoriales ne disposent pas d'autonomie fiscale : ce
sont les lois de finances qui déterminent les règles qui sont
applicables aux finances locales.
Néanmoins, les collectivités disposent de
certaines marges de manoeuvre puisque la loi du 10 janvier 198054
les autorise à voter le taux des quatre taxes directes. Toutefois, au
gré des réformes du panier fiscal des collectivités
territoriales, celles-ci constatent une perte progressive de leur
faculté. Ainsi, cette dernière est aujourd'hui restreinte aux
seules communes, EPCI, et départements. De cette façon, l'Etat
met en place une sorte de mutualisation des services.
Actuellement, ce sont les directions des services fiscaux qui
fixent les bases d'imposition des quatre taxes directes, et l'Etat qui
décide de la variabilité des prix, à travers les
revalorisations annuelles fixées par lois de finances.
En parallèle, la fiscalité des
collectivités territoriales est très encadrée, notamment
par la mise en place d'impositions partagées. Cela donne des
résultats ambigus avec des assiettes fixées localement, sur
lesquelles s'applique un taux national. C'est le cas de la redevance des mines,
qui est partagée entre la commune et le département. Cette
répartition bipartite souffre d'une distinction supplémentaire
puisque pour les communes, il faut encore partager le produit reçu selon
que le territoire reçoit l'exploitation, ou l'extraction des minerais.
Enfin, une partie est versée à un fonds national de
répartition.
Néanmoins, et comme le démontre la Cour des
comptes, « les produits de la fiscalité
transférée par l'État aux collectivités locales ont
augmenté de 2,1 Md€ en 2017, soit de 6,2 % après 3,9 % en
2016. »55 Cela peut s'expliquer par une volonté de
compensation de la baisse de ses transferts financiers, couplée à
celle d'accorder plus de semblant d'autonomie aux collectivités.
En effet, le diagramme ci-dessous montre que les concours
financiers ont eu tendance à diminuer entre 2010 et 2018, tandis que les
dégrèvements ont connu une évolution annuelle
supérieure au montant de la diminution des concours financiers.
Probablement pour compenser les conséquences de ces diverses
décisions, l'Etat a augmenté la part de fiscalité
transférée dont bénéficient les
collectivités territoriales.
53 Décision n° 2009-599 DC du 29
décembre 2009, Loi de finances pour 2010
54 Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant
aménagement de la fiscalité directe locale.
55 PLF 2019, Jaune budgétaire
25
Pourtant, cette évolution prouve que les
collectivités territoriales restent des majeures sous contrôle de
l'administration. Il faut distinguer le contrôle de la tutelle. Ainsi, la
tutelle de l'Etat sur les collectivités territoriales pourrait
être définie comme le régime juridique visant à
protéger leurs patrimoines lorsqu'elles ne disposent plus de la
capacité de le faire. En ce sens, il s'agirait d'agir en leur nom et
pour leur compte. Le contrôle, lui, permet à l'Etat d'intervenir,
après que les collectivités ont agi comme bon leur semblait.
Toutefois, le tableau permet d'introduire l'idée selon
laquelle l'Etat peut influer les comportements des collectivités
territoriales et ce, à travers deux types d'action. D'abord, il peut
supprimer ou réformer les impôts locaux. Ensuite, il peut
procéder à des dégrèvements, c'est-à-dire
à des réductions totales ou partielles d'impôts. Ces
décisions ont forcément des conséquences sur les budgets
des collectivités locales, et notamment leur partie « recette
».
Par exemple, en juillet 2009, l'Assemblée nationale
écrivait que la réforme de la fiscalité locale des
entreprises entrainerait, pour les collectivités locales, « une
perte considérable de produit fiscal, supérieure à 27
milliards d'euros »56.
Un autre exemple est celui de la taxe d'habitation. En effet,
l'Etat a décidé d'une suppression progressive de cette taxe,
perçue par les communes, pour 80% des contribuables en 2020. La
suppression sera totale pour 2023. Or, elle ne sera remplacée par aucun
impôt. Pour les communes, les conséquences pourraient se faire
ressentir fortement, mais elles devraient disposer de la part
départementale de la taxe foncière. Le risque de
déséquilibre budgétaire est alors supporté par le
département qui, lui, disposera d'une part de la taxe sur la valeur
ajoutée.
Comme le montre ce raisonnement, souvent, pour compenser de
tels dégrèvements, l'Etat tente d'atténuer la perte subie
par les collectivités, par le biais d'autres recettes fiscales. La
décision
56 Rapport d'information déposé en
application de l'article 145 du règlement relatif aux relations
financières entre l'État et les collectivités
territoriales, par la Commission des finances, de l'économie
générale, et du contrôle budgétaire, et
présenté par MM. Jean-Pierre BALLIGAND et Marc LAFFINEUR, 21
juillet 2009
26
d'attribution de ces ressources ne tient qu'à lui.
Parfois, et selon le principe de compensation, il n'a d'autre choix que celui
d'augmenter la part de ses dotations à destination des
collectivités territoriales (II).
II. La tutelle indirecte de l'Etat passant par ses
dotations
Les recettes des collectivités territoriales sont
constituées d'une part de ressources fiscales, mais aussi de concours
financiers de l'Etat. En effet, depuis 1996, il existe une « enveloppe
normée » qui regroupe les différents concours de l'Etat,
dont le principal est la dotation globale de fonctionnement, aussi
appelée DGF.
Généralement, les dotations de l'Etat
s'inscrivent dans une logique de compensation visant à stabiliser les
budgets locaux. Par exemple, elles peuvent être créées pour
donner suite à la suppression d'un impôt local.
Certaines permettent d'influer l'action des
collectivités territoriales en faveur de politiques
déterminées : ce sont des dotations forfaitaires (A). D'autres
ont vocation à réduire les inégalités de ressources
des collectivités : on parle de dotations de péréquation
(B).
A. Un encadrement indirect passant par les dotations
forfaitaires
Les dotations de l'Etat représentent 30% des ressources
des collectivités territoriales. Ce sont des «
prélèvements opérés sur le budget de l'Etat et
distribués aux collectivités »57.
Il existe toute sorte de dotations, comme des dotations de
compensation, qui compensent les transferts de compétences de l'Etat aux
collectivités territoriales, ou encore les exonérations et les
dégrèvements dont il décide. Mais, la contribution la plus
importante de l'Etat est la dotation globale de fonctionnement.
Créée en 1979, son montant n'a cessé de
baisser ces dernières années, reflétant ainsi la nouvelle
politique de l'Etat, à savoir une diminution de ses concours financiers.
Ainsi, elle était de 40 milliards d'euros en 2014, et est passée
à 26 milliards en 201958. Et pourtant, beaucoup s'accordent
à parler d'une stabilité de la DGF.
Si le mouvement de décentralisation ne semble pas
connaitre de ralentissement, les contributions de l'Etat en faveur des
collectivités territoriales se font de plus en plus rares. Or, de telles
décisions ne peuvent qu'avoir des conséquences sur les budgets
des collectivités territoriales, et surtout leurs dépenses.
En effet, en agissant sur leurs ressources, l'Etat pourra
inciter les collectivités à réduire leurs dépenses.
Dès lors, si leurs dépenses augmentent, mais que leurs ressources
baissent, elles vont devoir trouver des solutions, et bien souvent, c'est vers
une restriction de leurs dépenses d'investissement que tendent leurs
choix.
57 Franck WASERMAN, « Contractualisation
financière et libre administration des collectivités
territoriales », Constitutions, 2018, p. 271
58 PLF 2019, Jaune budgétaire
27
Ainsi, comme l'a remarqué la Cour des comptes, «
la réduction des dotations de l'État a eu un effet plus
puissant et immédiat sur les dépenses d'investissement, qui ont
reculé de 11 % entre 2013 et 2017, que sur les dépenses de
fonctionnement qui ont seulement été ralenties. »59
En réalité, et comme elle le souligne
également, « la baisse de la DGF a provoqué une
inflexion sensible de l'évolution des dépenses de fonctionnement
», puisque les collectivités paraissent orienter leurs efforts
vers l'équipement local, perçu comme une véritable
variable d'ajustement.
Par ricochet, et afin de permettre aux collectivités de
se soumettre à leur règle d'or, la réduction de la part
forfaitaire de la DGF a eu pour effet d'augmenter la part des dotations de
péréquation (B).
B. Un encadrement direct passant par les dotations
de péréquation
Selon l'article 72-2 de la Constitution, « la loi
prévoit des dispositifs de péréquation destinés
à favoriser l'égalité entre les collectivités
territoriales. »
La péréquation est donc un principe à
valeur constitutionnelle, qui consiste à atténuer les
disparités de ressources entre les collectivités territoriales.
Pour les communes, l'article L2313-1 du CGCT fixe une liste de onze ratios sur
lesquels doit se fonder l'Etat pour leur garantir une adéquation entre
leurs ressources et leurs charges. Il peut s'agir de contraintes
géographiques, humaines, ou économiques.
Ces dernières années, la part de la DGF
consacrée à la péréquation est en constante
croissance, ce qui peut s'expliquer par la baisse de sa part forfaitaire. En
effet, les communes ont pu bénéficier d'une hausse de la dotation
de solidarité urbaine, tandis que le département a
bénéficié d'une dotation de péréquation
urbaine, et d'une dotation de fonctionnement minimale.
Il convient de distinguer la péréquation
horizontale, grâce à laquelle l'Etat verse une somme à une
collectivité, après l'avoir prélevé à une
autre, de la péréquation verticale, dans laquelle le montant de
la dotation est calculé en fonction de ses potentiels financier et
fiscal.
Le potentiel fiscal est le rapport de l'ensemble des
impositions par habitant, tandis que le potentiel financier est
constitué des ressources propres auxquelles on ajoute la DGF.
Pour la péréquation horizontale, comme l'argent
passe toujours par un fonds national, il n'y a pas de tutelle exercée
par une collectivité territoriale sur une autre. Ce fonds a
été créé par la loi du 28 décembre
201160 qui impose aux communes et EPCI dont le potentiel financier
est nettement supérieur à celui de leur strate de l'alimenter.
Légitimement, la péréquation semble
être une contrainte pour les collectivités les plus riches. Comme
le résume Frédéric LAFARGUE, celles-ci sont «
amenées à être dépossédées d'une
partie de leurs ressources »61 au bénéfice
des autres. Pour ce Professeur, le dispositif va à l'encontre même
du principe d'autonomie financière.
59 Cour des comptes, « Les finances publiques
locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et
la gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019
60 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de
finances pour 2012
61 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
En effet, les libertés locales se retrouvent
entravées en ce qu'il revient à l'Etat de définir les
modalités de la péréquation, ne laissant aucune marge de
manoeuvre aux collectivités territoriales.
La seule limite, apportée par le Conseil
constitutionnel lors d'une QPC en date du 29 juin 201262,
réside dans la restriction des ressources des collectivités au
point de dénaturer leur principe de libre administration.
En réalité, les efforts de
péréquation n'ont pas permis de réduire les écarts
de situation des collectivités territoriales. Pire encore, les espoirs
de réduction des dépenses portés par l'Etat ont
été anéantis. Voilà pourquoi il a dû adopter
des stratégies contraignantes, afin de mieux gérer le budget des
collectivités territoriales (Section 2).
28
62 Conseil constitutionnel, décision
n°2012-255/265 QPC, 29 juin 2012, considérant 7
29
Section 2 : L'odyssée malmenée des
collectivités territoriales face aux stratégies et contraintes
de l'État
Les collectivités territoriales disposent de nombreuses
ressources. Si la plupart sont définitives (les taxes, les concours
financiers de l'Etat, et les ressources propres), d'autres sont au contraire
temporaires. En ce sens, les collectivités doivent les rembourser : il
s'agit des ressources issues de l'emprunt. La spécificité de
l'emprunt tient en ce qu'il ne peut être utilisé que pour des
dépenses d'investissement. Elle permet d'avancer que l'Etat peut limiter
la liberté de dépenses des collectivités, en ce qu'il peut
les obliger à attribuer telle ressource à un type de
dépense donné.
D'ailleurs, si les origines de leurs ressources sont
nombreuses et variées, elles disposent de moins en moins de marges de
manoeuvre, puisque l'Etat souhaite les soumettre à sa politique de
réduction des dépenses publiques.
Pour ce faire, et parce qu'il ne peut pas limiter plus encore
la section investissement, l'Etat a décidé d'inciter les
collectivités territoriales, par le biais d'un mécanisme
financier contraignant, à réduire leurs dépenses de
fonctionnement.
Ainsi, les budgets des collectivités territoriales se
retrouvent entravés par la maitrise de leurs emprunts par l'Etat (I)
d'une part. D'autre part, elles sont également limitées dans
leurs dépenses, notamment avec la contractualisation (II).
I. L'amputation des budgets locaux par la maitrise de
l'emprunt
L'emprunt ne doit couvrir que des dépenses de la
section investissement des collectivités territoriales. Pour s'assurer
de cela, l'Etat exerce un contrôle sur les collectivités
territoriales, notamment par le biais de ses représentants (A). En
parallèle, il régularise les situations des collectivités
territoriales qui en montrent la nécessité et qui n'ont pas su
gérer leur liberté d'emprunter correctement (B).
A. Le contrôle de l'emprunt des collectivités
territoriales par l'Etat
Aux termes des articles L.2337-3, L.3336-1, L.4333-1 et
L.5211-36 du CGCT, les communes, les départements, les régions et
les EPCI peuvent recourir à l'emprunt, sur décision de
l'assemblée délibérante. Ainsi, l'article 32 de la loi du
26 juillet 2013 de séparation et de régulation des
activités bancaires63 dispose qu'ils peuvent être
libellés en euros ou en devises étrangères à
condition de se prémunir contre les risques de change, par un contrat
d'échange de devises contre euros. Enfin, leur taux
d'intérêt peut être fixe ou variable, mais dans ce cas, la
formule d'indexation de ces taux doit répondre à des
critères de simplicité et de prévisibilité.
Comme l'a souligné le juge du Conseil d'Etat dans un
arrêt du 12 février 200364, le contrat d'emprunt est un
contrat de droit privé, qui ne peut pas faire l'objet d'un
contrôle de légalité, et ne nécessite pas de
transmission au préfet pour être exécutoire.
63 Loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de
séparation et de régulation des activités bancaires
64 Conseil d'Etat, 6e et 4e sous-sections
réunies, 12 février 2003, « Ministère de l'Economie,
des Finances, et de l'Industrie », n° 234917
30
Dès lors, le représentant de l'Etat ne peut pas
s'opposer à un contrat d'emprunt qui lui semblerait préjudiciable
à la collectivité. Néanmoins, comme il peut demander la
transmission de tout document annexe nécessaire à
l'appréciation de la légalité des actes pris par les
autorités locales, il lui est possible de contrôler la
délibération autorisant l'emprunt, et de demander le projet de
contrat de prêt65.
Par ailleurs, l'emprunt des collectivités territoriales
est limité par la loi puisqu'il ne doit servir qu'à financer des
investissements.
L'article L1612-4 du CGCT dispose qu'il ne peut en aucun cas
combler un déficit de la section de fonctionnement, ou une insuffisance
des ressources des collectivités territoriales. En ce sens, l'emprunt ne
peut pas amortir le coût de la dette, ni servir aux financements des
dépenses de fonctionnement : on parle de règle d'or. Ce
contrôle est permis grâce au principe d'équilibre
budgétaire.
Comme le souligne le journaliste Pierre CHEMINADE, cette
règle d'or a été « renforcée »
par le Projet de loi de Finances pour 2018 qui, en son article 24 encadre
« le ratio d'endettement »66, c'est-à-dire
le rapport entre l'encours de dette et la capacité d'autofinancement,
qui est désormais décliné par catégorie de
collectivités.
La capacité d'autofinancement correspond à la
différence entre les recettes réelles de fonctionnement et les
dépenses réelles de fonctionnement. En réalité, le
ratio d'endettement vise la capacité de désendettement des
collectivités territoriales, en fixant les années aux termes
desquelles la collectivité doit sortir de la dette. Par exemple, pour
les communes de plus de 10 000 habitants, cela doit avoir lieu dans une
période comprise entre onze et treize ans.
En cas de dépassement de ce plafond, l'ordonnateur de
la collectivité devra présenter un rapport sur ses perspectives
financières qui devra établir une trajectoire précisant le
retour en dessous des seuils, et les ratios attendus pour chaque année.
A défaut, le préfet devra saisir la chambre régionale des
comptes pour avis ou recommandation. Si ces derniers ne sont pas atteints,
alors, en application de l'article L1612-10 du CGCT, le préfet pourra
suspendre l'exécution du budget de la collectivité.
Pour le gouvernement, ce contrôle permet de «
s'assurer de la soutenabilité financière du recours à
l'emprunt par les collectivités ». En revanche, pour certains
élus, comme Philippe LAURENT, « un peu comme les banques qui
contrôlent la solvabilité de leurs clients, [le gouvernement]
entend mettre sous surveillance la capacité de désendettement
»67 de certaines collectivités. De plus, ce
dispositif ne semble pas tenir compte de la spécificité des
territoires.
Cette gestion de l'emprunt des collectivités
territoriales par l'Etat n'est pas la seule preuve de la tutelle qu'il exerce
sur les collectivités. En effet, celui-ci intervient également
afin de régulariser leurs emprunts, notamment les emprunts dits
toxiques, ou à risques (B).
65 Conseil d'Etat, 13 janvier 1988, « Mutuelle
générale des personnels des collectivités locales et de
leurs établissements », n°68166
66 Pierre CHEMINADE, « Projet de loi de
finances pour 2018 : Comment l'Etat veut contraindre les collectivités
à se désendetter », La Gazette des communes, 27
septembre 2017
67 Thomas BEUREY, « Contrôle de
l'endettement des collectivités : ce que prévoit le gouvernement
», Localtis - La Banque des territoires, 9 octobre 2017
31
B. La régulation des emprunts des
collectivités territoriales par l'Etat
Les collectivités territoriales ont contracté
beaucoup de prêts combinant, au sein d'un même contrat, un
prêt bancaire et un ou plusieurs dérivés aux
intérêts évolutifs : on parle d'emprunts structurés.
Comme le définit le Ministère du budget, « un produit
dérivé est un instrument financier, utilisé pour se
couvrir contre des risques financiers (risques de taux d'intérêt,
risque de change, etc.). Sa valeur fluctue en fonction de l'évolution du
taux ou du prix d'un produit appelé sous-jacent. »68
Dans son rapport annuel pour 2009, la Cour des comptes note
que : « ces emprunts sont facilement reconnaissables puisque la clause
qui définit le taux d'intérêt applicable comprend alors
nécessairement un ou plusieurs « si ». Ils offrent à
l'emprunteur, dans les premières années du contrat, un taux
inférieur au marché. »
Ainsi, ce type d'emprunt couvre plusieurs périodes de
taux, dont la première est marquée par un taux faible
bonifié, inférieur au cours du marché, voire nul. C'est
cette phase qui les rend attractifs et explique pourquoi les
collectivités se sont tournées vers eux. Or, les étapes
suivantes comportent des risques conséquents, et certaines
collectivités se sont retrouvées dans l'impossibilité de
rembourser leurs dettes face à des taux d'intérêt
croissants.
En 2009, après la crise des subprimes, l'Etat
français a adopté une Charte de bonne conduite, mettant en place
la classification dite « Gissler ». Cette dernière
permet de ranger les produits proposés aux collectivités
territoriales selon les risques financiers qu'ils impliquent en fonction de la
complexité de l'indice servant au calcul des intérêts de
l'emprunt, et du calcul des intérêts.
Cette Charte a été complétée par
la circulaire du 25 juin 201069, regroupant tous les produits
déconseillés, et mettant fin à la commercialisation des
produits structurés à risques.
Cette dernière rappelle que le comptable public peut
alerter une collectivité d'un risque d'endettement qu'elle n'aurait pas
perçu, et ce, même si son conseil n'est pas sollicité.
Outre l'information qu'il a souhaité apporter aux
élus, l'Etat a mis en place une aide aux collectivités et
établissements publics les plus fortement affectés par ces
emprunts, calculée en référence à
l'indemnité de remboursement anticipé.
Exercée dès 2014, cette intervention
étatique a permis de soutenir les collectivités territoriales les
plus fragilisées, en allégeant le coût de leur dette.
Ainsi, l'Etat les aide à travers son fonds de soutien aux emprunts
toxiques, créé par l'article 92 de la loi de finances pour
201470.
De plus, en vertu de l'article 92 du décret du 29 avril
201471, le comité national d'orientation et de suivi du fonds
doit émettre des recommandations sur les modalités d'intervention
du fonds, de son calcul et de son versement. Or, ce comité est
composé de représentants de l'Etat, de parlementaires et de
représentants des collectivités territoriales.
68 Ministère du budget, des comptes publics,
et de la réforme de l'Etat, « Les produits financiers offerts aux
collectivités locales et à leurs établissements publics
», instruction N° 10-019-M0 du 3 août 2010
69 Circulaire interministérielle n° NOR
IOCB1015077C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux
collectivités territoriales et à leurs établissements
publics
70 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de
finances pour 2014
71 Décret n° 2014-444 du 29 avril 2014
relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales et à
certains établissements publics ayant souscrit des contrats de
prêts ou des contrats financiers structurés à risques
32
Là encore, il est aisé de constater l'influence de
l'Etat et de ses représentants sur les finances des collectivités
territoriales. En effet, si les modalités d'attribution d'une telle aide
sont objectives, il n'en reste pas moins que la décision revient
à l'Etat.
Enfin, il est légitime de penser que l'Etat s'est senti
forcé d'intervenir pour aider ces collectivités exposées
à un risque résultant des emprunts qu'elles ont pu contracter.
Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques pour
les années 2018 à 202272 a introduit un objectif de
désendettement des collectivités territoriales qui, pour la Cour
des comptes,
« apparait incertain, et non explicitement
intégré
|
dans leurs stratégies financières
»73.
|
C'est sûrement face à cette inaction des
collectivités territoriales que l'Etat a décidé de
renforcer ses mesures, et d'influer à la fois les ressources issues de
leurs emprunts et leurs dépenses d'investissement, ainsi que leurs
dépenses de fonctionnement. Pour cela, il a introduit un
mécanisme de contractualisation financière par le biais de la loi
précitée (II).
II. Une liberté de dépenses
entravée par la contractualisation
Les collectivités territoriales ont, comme l'Etat, deux
types de dépenses. Les dépenses de fonctionnement sont toutes les
dépenses nécessaires au fonctionnement des services de la
collectivité, et qui sont récurrentes. Par exemple, il peut
s'agir des charges de personnel, de gestion courante, ou d'achats de
fournitures. Les dépenses d'investissement sont des acquisitions
d'immeubles, des constructions ou des aménagements de bâtiments.
En somme, les dépenses d'investissement concernent les biens
répondant aux critères de durabilité et de consistance.
Il semble évident que lorsque les collectivités
territoriales se voient demander une réduction de leurs dépenses,
elles vont se tourner vers leurs dépenses d'investissement. En effet, si
ces dépenses ne sont pas récurrentes c'est que, d'une certaine
façon, elles peuvent s'en passer.
Or, porté par la volonté de renforcer son
objectif d'évolution de la dépense publique locale (B), l'Etat a
décidé de limiter les dépenses de fonctionnement des
collectivités territoriales, en passant par la contractualisation
financière (A).
A. La limitation des dépenses de fonctionnement par
la contractualisation
Selon Nicolas KADA, « les relations entre l'Etat et
les collectivités territoriales se caractérisent [...]
par leur mise en scène, toujours à l'avantage de l'Etat.
»74 Pour lui, le meilleur exemple appuyant cet argument
est celui de la contractualisation financière.
La contractualisation est un mécanisme financier
introduit par la loi de programmation des finances publiques pour les
années 2018 à 2022, qui prévoit un objectif
d'évolution des dépenses réelles de
72 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de
programmation des finances publiques pour les années 2018 à
2022
73 Cour des comptes, « Les finances publiques
locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et
la gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019, page 12
74 Nicolas KADA, Professeur agrégé de
droit public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE
(GIS université Paris-I, « Etat et collectivités
territoriales : (petite) cuisine et (grandes) dépendances »,
AIDA 2019, p. 2423
33
fonctionnement des collectivités territoriales et de
leurs groupements à fiscalité propre correspondant à un
taux de croissance de 1,2% par an.
Pour ce faire, l'article 29 de la loi75
prévoit que des contrats soient passés entre l'Etat et 322
collectivités territoriales, dont il entend « consolider la
capacité d'autofinancement » en organisant leur «
contribution à la réduction des dépenses publiques et
du déficit public ».
Si certaines collectivités refusent de se soumettre
à de tels contrats, le préfet pourra tout de même leur
imposer unilatéralement un plafond de dépenses de fonctionnement.
En ce sens, et comme le précise Jean-Éric SCHOETTL, le terme
même de contractualisation apparait « hypocrite
»76.
Dans tous les cas, si ce plafond n'est pas respecté,
les collectivités concernées se verront appliquer une sanction
sous forme de reprise financière. Ainsi, Jean-Marc PASTOR estime que
« l'absence de signature peut traduire simplement un refus de principe
de s'engager dans une démarche contraignante avec l'État, alors
que, compte tenu des sanctions prévues en cas de dépassement, les
collectivités concernées s'attacheront à respecter
l'objectif de dépenses qui leur est assigné
»77.
Il est alors aisé de comprendre que les
collectivités territoriales sont placées « sous le sceau
de [la] dépendance »78 de l'Etat, et qu'elles n'ont
d'autres choix que de se soumettre aux réformes qu'il impose «
selon sa propre recette »79.
Et pourtant, pour le Conseil constitutionnel, ce dispositif
n'est pas contraire à la Constitution. En effet, dans une
décision en date du 18 janvier 201880, et en se fondant
notamment sur l'objectif d'équilibre des comptes, il considère
que « le législateur n'a pas porté à la libre
administration des collectivités territoriales une atteinte d'une
gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et
72-
2 de la Constitution. »
Dès lors, il faut entendre qu'un tel dispositif porte
atteinte à la libre administration des collectivités
territoriales, mais pas suffisamment pour que le Conseil ne le censure.
Par ailleurs, en 2018, la Cour des comptes «
soulignait qu'une reprise de l'inflation pourrait compromettre la
pertinence de l'objectif de plafonnement de la dépense locale. En effet,
la loi de programmation pour 2018-2022 s'est appuyée sur une
hypothèse de hausse modérée des prix, les dépenses
de fonctionnement ne baissant en termes réels qu'à partir de 2020
»81. Il faut entendre que la crise sanitaire liée
au développement du Covid-19 va probablement influer la bonne
exécution de ces contrats. Effectivement, si le gouvernement a
d'ores-et-déjà annoncé que les reprises financières
n'auraient pas lieu de s'appliquer durant la période de crise, seule une
inflation peut être envisagée
75 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de
programmation des finances publiques pour les années 2018 à
2022
76 Jean-Éric SCHOETTL, ancien
secrétaire général du Conseil constitutionnel, «
Questions sur l'autonomie financière des collectivités
territoriales : revendication politique ou principe constitutionnel ? »,
Petites affiches (n°144), 2018, p.
3
77 Jean-Marc PASTOR, « La Cour des comptes
pointe les incertitudes autour de la contractualisation sur les dépenses
locales Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
», Dalloz Actualité, 29 juin 2018
78 Nicolas KADA, Professeur agrégé de
droit public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE
(GIS université Paris-I, « Etat et collectivités
territoriales : (petite) cuisine et (grandes) dépendances », AJDA
2019, p. 2423
79 Nicolas KADA, Professeur agrégé de
droit public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE
(GIS université Paris-I, « Etat et collectivités
territoriales : (petite) cuisine et (grandes) dépendances »,
AIDA 2019, p. 2423
80 Conseil constitutionnel, décision n°
2017-760 DC, 18 janvier 2018
81 Cour des comptes, « Les finances publiques
locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et
la gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019, p. 48
à sa sortie. Ainsi, l'avenir montrera comment les
sanctions financières seront infligées ou non aux
collectivités territoriales.
En plus de limiter directement leurs dépenses de
fonctionnement, le mécanisme de contractualisation financière
exerce une incidence indirecte sur les dépenses d'investissement des
collectivités territoriales. En effet, puisque l'objectif est une
réduction de la dépense publique locale, les collectivités
territoriales ne vont pas profiter d'une limitation de leurs dépenses de
fonctionnement pour augmenter celles d'investissement.
Ainsi, l'objectif d'évolution de la dépense
publique locale apparait renforcé par la contractualisation (B).
B. Le renforcement de l'objectif
d'évolution de la dépense publique locale par la
contractualisation
Le budget d'une collectivité territoriale est
composé de deux sections : le fonctionnement et l'investissement. Ces
notions s'insèrent dans celle d'objectif d'évolution de la
dépense publique locale, qui est une sorte de bilan
général du budget d'une collectivité territoriale.
Créé par l'article 11 de la loi de programmation
des finances publiques pour la période 2014-2019, il est
déterminé après consultation du Comité des finances
locales, qui en assure le suivi. Il est exprimé en pourcentage
d'évolution annuelle à périmètre constant.
Selon ce même article, la dépense publique locale
est la somme des dépenses réelles en comptabilité
générale des sections de fonctionnement et d'investissement,
nettes des amortissements d'emprunts. La comptabilité
générale, elle, permet au comptable d'enregistrer, de classer, et
de synthétiser les données financières afin de les
analyser et de renseigner les collectivités.
Néanmoins, il faut noter que l'objectif
d'évolution de la dépense publique locale n'a pas de valeur
contraignante et reste purement indicatif. Ainsi, il ne saurait être
imposé à une collectivité pour l'empêcher de
dépenser.
Dès lors, la dépense de fonctionnement peut
être plus dynamique que la dépense globale, comme le prouve le
tableau ci-dessous, issu de l'article 11 de la loi de programmation des
finances publiques pour les années 2014 à 201982.
34
82 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014
de programmation des finances publiques pour les années 2014 à
2019
35
Ainsi, ce n'est qu'en 2017 que le taux d'évolution de
la dépense de fonctionnement s'est retrouvé inférieur
à celui de l'objectif d'évolution de la dépense publique
locale. Comme cela ne pouvait pas être opposé aux
collectivités territoriales, l'Etat a créé un
mécanisme contraignant relatif à la réduction de
l'évolution de la dépense de fonctionnement des
collectivités territoriales, à savoir la contractualisation.
En effet, il ne pouvait pas imposer de contrainte directe sur
la section d'investissement, car il s'agirait là d'une contrainte sur
l'économie. Sans le mécanisme de contractualisation
financière, c'est sûrement ce vers quoi elles se seraient
tournées. Les collectivités territoriales auraient alors
décidé, au profit des dépenses de fonctionnement, de
réduire leurs dépenses d'investissement.
Pour certains, « la LPFP pour les années 2018
à 2022 a renouvelé les relations financières entre
l'État et les collectivités, ces relations ne se
caractérisant plus par des baisses unilatérales des dotations
mais par une approche partenariale reposant sur une responsabilisation et un
mécanisme de contractualisation. »83
Voilà le coeur de l'enjeu. Les relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales ne
peuvent plus reposer sur un lien de dépendance, notamment parce que les
secondes reçoivent de plus en plus de compétences, au rythme du
train de la décentralisation. Or, elles sont également
enserrées dans les griffes de l'Etat, qui est présent partout, et
maitrise toutes les décisions financières des
collectivités territoriales, de près ou de loin.
Cette situation implique à la fois une situation de
dépendance et de défiance. Pour la Cour des comptes, ces
relations financières doivent changer. Il faut revitaliser l'autonomie
financière des collectivités territoriales. L'Etat doit se faire
moins interventionniste, et les laisser gérer leur budget de
façon effective.
Quoi qu'il en soit, la métamorphose de ces relations
est plus que bienvenue par les différents acteurs des finances publiques
locales.
83 Franck WASERMAN, « Contractualisation
financière et libre administration des collectivités
territoriales », Constitutions, 2018, p. 271
36
Titre 2 - Une métamorphose bienvenue des
relations financières entre l'État et les collectivités
territoriales
Selon le Larousse, une métamorphose est une «
modification complète du caractère, de l'état de
quelqu'un, de l'aspect ou de la forme de quelque chose
»84.
Dès lors, les relations financières entre l'Etat
et les collectivités territoriales, qui sont pour l'heure
caractérisées par un lien de dépendance et de soumission,
devraient se mouvoir vers un état d'indépendance et de
coopération.
Au sein de plusieurs rapports, la Cour des comptes a
émis une vingtaine de recommandations en ce sens. Ainsi, elle
préconise d'approfondir le dialogue, notamment en définissant
conjointement une trajectoire financière pour les collectivités
territoriales. Dès lors, elle a aussi proposé la création
d'une instance dédiée à l'objectif d'évolution de
la dépense locale.
Par ailleurs, le dialogue devrait également permettre
une évolution positive pour les collectivités territoriales en ce
qui concerne le coût des normes de l'Etat sur leurs budgets.
Ainsi, il faudra avant tout repenser les relations
financières des collectivités territoriales (Chapitre 1), afin de
privilégier une coopération avec l'Etat (Chapitre 2).
37
84 Grand Larousse Illustré, édition
2020, 2112 pages
38
Chapitre 1 : La nécessaire restructuration des
relations financières des collectivités territoriales
L'article premier de la Constitution dispose que « la
France est une République indivisible, laïque, démocratique
et sociale. » Le principe d'indivisibilité doit être
entendu comme une indivisibilité de la souveraineté d'abord, qui
empêche l'attribution d'un pouvoir normatif autonome aux autorités
décentralisées. Ensuite, il décrit une unicité du
territoire, impliquant une uniformité du droit applicable.
Pourtant, il existe des dérogations à ce
principe, qui passent notamment par une asymétrie normative. Ainsi, les
collectivités d'Outre-mer, ou à statut particulier, se voient
reconnaitre de plus en plus de droits que les collectivités
territoriales de droit commun n'ont pas.
Puisque certaines doivent assumer des charges qui ne
relèvent pas d'autres, alors même qu'elles sont soumises, dans
l'ensemble, aux mêmes principes budgétaires, cette situation
créé des déséquilibres financiers entre les
collectivités territoriales. Il convient de les abolir dans un souci de
respect des principes constitutionnels afférant aux relations entre
collectivités territoriales (Section 1), comme le principe
d'interdiction de tutelle budgétaire entre deux collectivités.
En parallèle, l'Etat doit également
réduire, voire abolir, le lien de subordination qu'il impose aux
collectivités territoriales, et tenter de les percevoir comme ses
égales, des acteurs financiers avec qui il peut coopérer afin
d'impulser des actions, et non à qui il impose ses choix et visions de
politiques publiques (Section 2). Partant, leurs relations ne pourront s'en
trouver que plus saines, puisque portées par la coopération.
Section 1 : Une tentative de restructuration des
relations financières entre les
collectivités territoriales
Les collectivités territoriales souffrent de nombreux
déséquilibres en ce qui concerne leurs relations
financières. En effet, si l'on prend une collectivité
territoriale donnée, il s'avère que sa situation sera fortement
différente des autres, et ce, même avec une collectivité de
même catégorie.
Par ailleurs, et malgré le principe d'interdiction de
tutelle budgétaire, il existe souvent des chevauchements de l'action
locale. C'est pourquoi la notion de chef-de-file a été introduite
dans les années 2010. Cependant, au lieu de le renforcer, elle semble,
dans les faits, fragiliser le principe d'interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales (I). Dès lors, celles-ci doivent tout
mettre en oeuvre pour renforcer leur coopération (II).
I. Une interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales fragilisée
par le renforcement de la notion de chef-de-file
L'interdiction de tutelle budgétaire entre les
collectivités territoriales semble fragilisée (A). Cela peut
à la fois être le fondement et l'explication de chevauchements
récurrents en matière d'action locale. Quoi qu'il en soit, il
apparait urgent de trouver un équilibre entre la notion de chef-de-file
et celle d'interdiction de tutelle budgétaire (B).
39
A. Une fragilisation du principe d'interdiction de
tutelle budgétaire entre les collectivités territoriales
L'article 72 alinéa 5 de la Constitution dispose qu'
« aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle
sur une autre ». Par conséquent, aucune ne peut exercer de
tutelle financière sur une autre, instaurer un rapport de
dépendance fondé sur le versement d'un concours financier.
Dès lors, si une collectivité verse une aide
financière à une autre, elle ne peut rien exiger de la
collectivité bénéficiaire. Cette aide peut être un
fonds de concours, une subvention, une participation financière etc.
Comme le souligne Frédéric LAFARGUE, «
il s'agit d'éviter ainsi, de manière générale,
qu'une collectivité territoriale ne vienne s'immiscer dans le champ
d'une compétence matérielle attribuée par la loi à
une autre collectivité. »85
En ce sens, l'article L1111-4 du Code général
des collectivités territoriales, renforcé par la loi du 16
décembre 201086, précise que « les
décisions prises par les collectivités territoriales d'accorder
ou de refuser une aide financière à une autre collectivité
territoriale ne peuvent avoir pour effet l'établissement ou l'exercice
d'une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci. »
Par ailleurs, il précise que les conditions d'octroi
d'une aide à une collectivité par une autre ne peuvent se fonder
sur l'appartenance de la bénéficiaire à une association,
un EPCI ou un syndicat mixte. En d'autres termes, la collectivité
territoriale versante ne peut rien imposer à la
bénéficiaire quant à la gestion de ses
compétences.
Selon les mots de Frédéric LAFARGUE, «
la liberté de la collectivité versante doit s'arrêter
là où commence la liberté de décision de la
collectivité bénéficiaire. »87
C'est bien du principe de libre administration dont il s'agit.
Or, c'est au juge de déterminer cette frontière, et il se trouve
que ses multiples décisions ont fragilisé le principe
d'interdiction de tutelle financière entre les collectivités
territoriales. En effet, l'arbitrage entre les principes de libre
administration des collectivités territoriales, et d'interdiction de
tutelle apparait parfois délicat.
Ainsi, dans un arrêt du 12 décembre
200388, le Conseil d'Etat a pu estimer qu'un simple dispositif
financier incitatif d'un département à destination d'une commune
ne constituait pas une tutelle financière puisqu'il ne lui imposait pas
de choix et ne donnait lieu ni à contrôle ni à sanction
financière de la part de la collectivité versante. En
l'espèce, le versement de l'aide publique était modulé en
fonction du mode de gestion adopté par la collectivité
bénéficiaire en matière d'eau potable et
d'assainissement.
Selon le juge, une « modulation des subventions d'une
amplitude égale à 10 % du coût des travaux et en fixant le
taux le plus élevé des aides à 40 % de ce coût
» n'entrave pas la liberté de choix du mode de gestion des
collectivités territoriales.
85 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
86 Loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de
réforme des collectivités territoriales
87 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
88 Conseil d'Etat, Assemblée, 12
décembre 2003, « Département des Landes »,
n°236442
40
Il aura fallu attendre l'intervention du législateur en
200689 pour que les aides publiques aux communes et groupements de
collectivités ne puissent être modulées en fonction du mode
de gestion.
Par ailleurs, en réponse à une QPC du 8 juillet
2011 dite « Département des Landes »90, le
Conseil constitutionnel a donné raison au département qui
décidait d'attribuer ses subventions en fonction des modes de gestion
d'un service public. Pour cela, il s'est appuyé sur le principe de libre
administration des « départements », et non des
collectivités territoriales.
Pour Jacqueline DOMENACH, Professeur à
l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense, cette
différenciation pourrait être « susceptible d'introduire
une relativité du principe en fonction des niveaux de
collectivités »91.
Une telle consécration pourrait avoir de lourdes
conséquences sur le principe d'interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales. Par exemple, depuis la loi NOTRe,
« la région est la collectivité territoriale
responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en
matière de développement économique.
»92 Dès lors, son intervention financière
repose essentiellement sur des subventions aux autres collectivités.
Devrait-on entendre que la région pourra imposer des modes de gestion
aux collectivités qui bénéficieraient de ses aides
financières ?
Cela n'est évidemment pas envisageable, surtout au
regard du principe constitutionnel de libre administration des
collectivités territoriales. Il faut donc renforcer le principe
d'interdiction de tutelle entre elles, notamment dans son volet financier.
Il est également possible d'expliquer cette
fragilisation du principe par le chevauchement des actions locales. Souvent,
les collectivités se retrouvent à exercer des compétences
communes, ce qui créé des doublons inutiles, et un gaspillage
financier évident. Alors, il convient de rechercher un équilibre
entre l'interdiction de tutelle budgétaire entre les
collectivités territoriales, et la notion de chef-de-file (B).
B. Une recherche d'équilibre notion de
chef-de-file et interdiction de tutelle budgétaire entre
collectivités territoriales
Conformément au principe de subsidiarité repris
au sein de l'article 72 de la Constitution, « les collectivités
territoriales ont vocation à prendre les décisions pour
l'ensemble des compétences qui peuvent être le mieux prises
à leur échelon. »
Depuis la loi NOTRe93, les départements et
les régions ont été privés de leur clause
générale de compétence, qui n'est plus qu'accordée
aux communes. Ces dernières peuvent donc intervenir pour toute affaire
relevant de leur territoire, par délibération de
l'Assemblée, et sans que la loi n'énumère leurs
attributions. Elles interviennent principalement dans les domaines de
l'urbanisme, du logement, de l'environnement, et de la gestion des
écoles.
89 Loi n°2006-1772 du 30 décembre
2006(25), et codifiée à l'article L. 2224-11-5 CGCT.
90 Conseil constitutionnel, décision n°
2011-148 QPC, Département des Landes, 8 juillet 2011
91 Jacqueline DOMENACH, Professeur à
l'Université Paris Ouest Nanterre le Défense, « Autonomie
des collectivités territoriales et QPC : une portée très
relative des principes de libre administration et d'autonomie financière
», Le Lamy Collectivités territoriales (n°72), 1er
octobre 2011
92 Ancien article L.4251-12 du CGCT (version en
vigueur en 2016)
93 Loi n 2015-991 du 7 août 2015 portant
nouvelle organisation territoriale de la République
41
A l'inverse, les régions et les départements
disposent de compétences spécialisées organisées en
blocs de compétences. Les départements se sont vu attribuer les
domaines de l'action sociale et la gestion des infrastructures, tandis que les
régions sont concernées par le développement
économique, la gestion des lycées, ou encore l'aménagement
du territoire.
Toutefois, certaines compétences peuvent être
partagées entre différents niveaux de collectivités
territoriales. Dans ce cas, l'une des collectivités devra exercer le
rôle de chef-de-file et coordonner l'action publique sur le territoire
concerné.
C'est le cas en matière de sport, de tourisme, ou
encore de culture. Ainsi, comme le souligne le Ministère des Sports,
« dans ce contexte, l'intervention des collectivités locales en
matière sportive n'est pas uniforme. Chacune d'elles est libre de
s'investir dans ce domaine en fonction des choix politiques de son
exécutif. »
En réalité, les communes supportent l'effort
public le plus important alors que les régions mettent l'accent sur les
sportifs de haut niveau, et que les départements favorisent la pratique
du sport de masse. Les trois niveaux de collectivités s'investissent de
concert dans le financement des équipements sportifs, mais le
chef-de-file en matière sportive apparait tout de même être
la commune.
En ce sens, le rôle de chef-de-file, tel que
renforcé par la loi du 27 janvier 2014, dite MAPTAM94, est un
rôle de coordination de l'action commune des collectivités
territoriales, distinct de tout rôle décisionnaire.
Pour le professeur CHAVRIER, « ce n'est rien d'autre
qu'un nouveau mode de coordination et de concertation. Chacun y voit une
solution miracle en lui prêtant plus de contenu, mais en fait, elle ne va
pas au-delà des modalités préparatoires,
d'exécution matérielle et de suivi. »95
Cela s'explique parce que la Constitution, en son article 72,
donne le droit aux collectivités territoriales d'organiser leurs
modalités d'action commune, et non de les déterminer. Dès
lors, loin de le fragiliser, le rôle de chef-de-file apporte un soutien
au principe d'interdiction de tutelle des collectivités
territoriales.
Le pouvoir qui leur est donné ne peut qu'être un
pouvoir de coordination, et non un pouvoir de décision. Ainsi, aucune
collectivité ne peut imposer de dépense résultant d'une
action à une autre puisqu'en matière de compétences
partagées, leur action se fonde sur le volontariat.
Cependant, cela apparait possible dans de rares cas. En effet,
au sein d'une décision dite « Commune de Maing »,
rendue en 201396, le Conseil constitutionnel a validé la
disposition du CGCT selon laquelle une décision de retrait d'une commune
d'un EPCI existant est soumise à l'approbation de la majorité des
conseils municipaux représentant les deux tiers de la population. La
critique peut donc se porter sur la fragilisation croissante du principe
d'interdiction de tutelle entre les collectivités territoriales.
Selon les faits de l'espèce, il est possible qu'une
commune qui souhaite « récupérer son indépendance
» en se détachant d'un EPCI n'en possède plus le choix. Cela
a forcément des conséquences sur son budget puisqu'elle pourra
alors se voir impliquée dans des projets qui seront communs à
tous les membres de l'EPCI, et auxquels elle devra apporter son concours.
94 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de
modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles
95 Géraldine CHAVRIER, Professeur de droit
public, « Le chef de file n'a absolument aucun pouvoir de contrainte
», La Gazette des communes, 5 juillet 2013
96 Conseil constitutionnel, Décision n°
2013-304 QPC, Commune de Maing, 26 avril 2013
42
En réalité, cela peut s'expliquer parce qu'afin
de réaliser des économies et de réduire ce type de
déséquilibres financiers, les collectivités territoriales
doivent surtout renforcer leur politique de coopération (II).
II. Un lien de coopération entre les
collectivités territoriales à renforcer
Au-delà de l'interdiction de tutelle, les actions des
collectivités territoriales peuvent se fonder sur une action de
coopération, qui aura nécessairement une influence sur leurs
budgets. Ainsi, la coopération peut être institutionnelle (A), ou
décisionnelle (B). Dans ce cas, il s'agit d'une coopération de
projet.
A. Une coopération institutionnelle
affirmée
La coopération institutionnelle n'a eu de cesse de se
développer ces dernières années. Ce mouvement a
trouvé naissance suite à l'émiettement communal
caractéristique de la France, avec la notion
d'intercommunalité.
Celle-ci a trouvé son essor dans la loi du 16
décembre 201097 publiée selon un objectif de
rationalisation de la carte intercommunale. Ainsi, l'intercommunalité
permet à plusieurs communes de mettre en commun la gestion de certains
services publics, ou l'élaboration de politiques publiques, en passant
par la création d'établissements publics de coopération
intercommunale.
Avant la loi du 1er juillet 201398,
cette démarche se fondait sur le volontariat des communes, souvent
convaincues grâce à des incitations financières.
Désormais, toutes les communes doivent avoir intégré un
EPCI. Cette démarche favorise le développement économique
local, ainsi que les politiques d'aménagement du territoire.
Ce système semble présenter de nombreux
avantages financiers pour les communes membres de l'EPCI puisque la
fiscalité de l'EPCI est additionnelle à celle des communes
membres dans la mesure où elle se rajoute aux taux votés par
celles-ci. Par ailleurs, une fois le financement de ses compétences
établi, il peut reverser aux communes membres une dotation de
solidarité communautaire en prenant en compte des critères
objectifs tels que leurs populations et leurs potentiels fiscaux.
En janvier 201499, la carte de
l'intercommunalité a été modifiée une nouvelle
fois, avec l'élargissement des métropoles. Ainsi, l'article
L5217-1 du Code général des collectivités territoriales
fixe leur procédure de création. Les EPCI à
fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants ont
été transformés en métropoles au 1er
janvier 2015. Les autres sont formées selon une démarche
volontaire, pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 250 000
habitants. En ce qui concerne leurs finances, elles sont soumises aux
dispositions applicables aux communes, et profitent d'une part de la DGF.
Sur le même modèle, certains départements
souhaitent également fusionner.
97 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de
réforme des collectivités territoriales
98 Loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant
le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour
accélérer les projets de construction
99 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de
modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles
43
C'est le cas des départements des Yvelines, et des
Hauts-de-Seine, qui ont déposé une requête en ce sens
depuis 2016. Pour eux, l'avantage principal d'une telle fusion repose sur le
bassin d'emplois qu'ils constituent. Par ailleurs, et comme cela a
été expliqué, ils partagent certains de leurs services
publics, dont la gestion de voirie, ou encore la gestion des collèges,
par le biais d'un « établissement public
interdépartemental »100. En janvier 2019, les deux
départements affirmaient déjà que cette démarche
leur avait permis une économie annuelle de 10% équivalent
à quatre millions d'euros.
De même, les départements du Haut-Rhin et du
Bas-Rhin devront fusionner à l'horizon 2021 afin de créer un
département unique : la communauté européenne d'Alsace.
Enfin, la loi du 16 janvier 2015101 a
fusionné les régions de France. Or, si l'objectif initial
était une amélioration des finances locales, et une diminution de
la dépense publique locale, en janvier 2019, la Cour des comptes
dévoilait une hausse des dépenses indemnitaires de près de
12% entre 2017 et 2018 dans les régions fusionnées102.
Elle relève ainsi que « les regroupements de régions ont
occasionné des dépenses supplémentaires liées
à la rémunération des personnels ou aux indemnités
des élus, dont les régimes ont été alignés
sur les dispositions les plus favorables parmi celles des anciennes
régions », et préconise des politiques volontaristes de
réduction des effectifs.
Ainsi, en 2020, la France compte mille deux cents
cinquante-quatre EPCI dont vingt-et-une métropoles, quatorze
communautés urbaines, deux cent vingt-deux communautés
d'agglomération, et neuf cent quatre-vingt-dix-sept communautés
de communes103.
Si le mouvement de coopération institutionnelle a
été conforté par le juge administratif, celui-ci a retenu
une approche plus prudente en matière de coopération de projets,
souvent assimilée à une délégation de
compétences entre collectivités territoriales (B).
B. Une coopération de projets à
renforcer
Le Code général des collectivités
territoriales prévoit nombre d'outils permettant la mutualisation des
moyens de ses sujets, ainsi que la coordination de leur action en vue de
l'élaboration de leurs projets. Ainsi, et en reprenant l'article 67 de
la loi du 16 décembre 2010, l'article L5211-39-1 dispose que les EPCI
peuvent établir un schéma de mutualisation à destination
des communes membres.
Ce schéma s'insère directement dans le budget
des collectivités puisque le législateur précise que
« chaque année, lors du débat d'orientation
budgétaire ou, à défaut, lors du vote du budget,
l'avancement du schéma de mutualisation fait l'objet d'une communication
du président de l'établissement public de coopération
intercommunale à fiscalité propre à son organe
délibérant. »104
100 Matthieu QUIRET, « La fusion entre les Yvelines et les
Hauts-de-Seine fait son chemin », Les Echos, 2019
101 Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la
délimitation des régions, aux élections régionales
et départementales et modifiant le calendrier électoral
102 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019,
Fascicule 1 », Rapport sur la situation financière et la gestion
des collectivités territoriales et de leurs établissements
publics, 24 juin 2019, p. 77
103 Voir Annexe 1, Carte de DGCL - DESL, janvier 2020
104 Article L5211-39-1 du CGCT
44
Si le Code ne la définit pas, les parlementaires
retiennent que la mutualisation est « la mise en place, temporaire ou
pérenne, de moyens communs à deux ou plusieurs personnes morales
»105. Dès lors, elle peut être
conventionnelle ou passer par la création d'un mécanisme de
coopération.
Pour les collectivités qui souhaitent une solution
durable, il est possible d'user du mécanisme de délégation
de compétences. Celui-ci se fonde sur les articles L1111-8 et R1111-1 du
CGCT. Le premier dispose qu'une collectivité peut déléguer
à un EPCI à fiscalité propre, ou à une
collectivité relevant d'une autre catégorie, une
compétence dont elle est attributaire.
En ce sens, la délégation n'est pas possible
entre deux communes, ou entre deux départements, mais elle l'est entre
deux collectivités de catégories différentes.
C'est une délégation et non un transfert de
compétence : cela implique que le délégataire l'exercera
au nom et pour le compte du délégant, pour une durée
déterminée, et par convention. La délégation doit
être totale. Néanmoins, la convention peut prévoir un suivi
et un contrôle de l'autorité délégante sur
l'autorité délégataire. Elle peut aussi envisager les
moyens de fonctionnement, et le cadre financier de la
délégation.
Par exemple, un département peut déléguer
sa compétence de transport à une communauté
d'agglomération pour organiser une ligne de transport scolaire entre la
communauté et une commune extérieure.
Pour le Conseil constitutionnel, ce système n'est pas
contraire au principe d'interdiction de tutelle d'une collectivité sur
une autre parce que la délégation est soumise à l'accord
préalable de la collectivité
délégataire106.
Cependant, se pose tout de même la question de la notion
de « compétences propres », dont l'exercice serait
soumis à l'attribut d'une certaine catégorie de
collectivités. Le Conseil constitutionnel a dégagé cette
notion dans une décision relative au statut de la collectivité
territoriale de Corse qui ne doit pas méconnaitre « les
compétences propres des communes et des départements »
afin d'éviter toute tutelle107.
Outre cette limite, il semble que les collectivités
disposent de plus en plus de moyens pour mettre en oeuvre leur
coopération, en passant par une mutualisation de leurs services, et de
leurs compétences.
Par exemple, les régions se doivent d'établir,
depuis le 1er janvier 2017, des schémas régionaux de
développement économique, d'innovation et d'internationalisation,
comme cadre de référence pour l'action économique en
matière d'aides aux entreprises, de soutien à
l'internationalisation, et d'aides à l'investissement immobilier et
à l'innovation des entreprises. Il est élaboré
conjointement par la région, les métropoles, ou encore les EPCI
à fiscalité propre.
Pour aller plus loin, cette coopération peut même
être décentralisée, en ce que des collectivités
françaises peuvent mener des actions de développement à
l'étranger avec des collectivités locales partenaires.
105 Alain LAMBERT, Yves DÉTRAIGNE, Jacques MÉZARD
et Bruno SIDO, Rapport d'information n° 495 (2009-2010) fait au nom de la
délégation aux collectivités territoriales et à la
décentralisation sur la mutualisation des moyens des
collectivités territoriales
106 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-490 DC
du 12 février 2004, considérant 64
107 Conseil constitutionnel, décision n° 91-290 DC du
9 mai 1991 ; Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC, Loi
relative à la Corse, 17 janvier 2002
45
Si tout est mis en oeuvre pour éviter qu'une
collectivité territoriale ne prenne l'ascendant sur une autre, il est
également important de supprimer le lien de subordination qui
caractérise les relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales (Section 2).
46
Section 2 : Une tentative de suppression du lien de
subordination caractérisant les relations financières entre
l'Etat et les collectivités territoriales
L'Etat impose aux collectivités territoriales
l'exercice de certaines compétences. En effet, les décisions de
décentralisation sont entre ses mains. En ce sens, il se doit de mieux
prendre en compte leurs conséquences sur les collectivités
territoriales, et notamment leurs budgets, à travers leurs
dépenses (I).
En parallèle, les collectivités territoriales
réclament un droit à la différenciation qui semble
être appréhendé par l'Etat. Dès lors, il exerce une
action favorable à la reconnaissance d'un droit à la
différenciation pour les collectivités territoriales (II).
I. Un accompagnement nécessaire des
collectivités par l'Etat pour donner suite à la
décentralisation
Le lien existant entre l'Etat et les collectivités
territoriales est un lien de subordination. Cela s'explique d'abord par le fait
que les politiques sont avant tout nationales. Aussi, quand l'Etat
décide d'un acte de décentralisation, il porte avec lui certaines
exigences liées à des problématiques qui ne sont parfois
pas perçues de la même manière par les collectivités
territoriales. Dès lors, il faut renforcer leur communicabilité
(A). En parallèle, l'Etat doit s'effacer pour laisser aux
collectivités territoriales la possibilité d'agir selon
l'étendue de leurs compétences. En effet, pour l'heure, il garde
un rôle de chef-de-file, qu'il serait préférable
d'abandonner (B).
A. Une communicabilité entre l'Etat et les
collectivités territoriales à renforcer
En décembre 2008, la Fondation internationale de
Finances publiques a publié un rapport au sein duquel elle a mis en
évidence « une forme d'incommunicabilité entre
l'État et les collectivités locales, qui ne s'accordent pas sur
la même grille d'analyse des problématiques, n'aboutissent pas aux
mêmes constats, et divergent sur les interprétations
»108.
En ce sens, les finances publiques nationales et locales
doivent former un tout indissociable, regroupant des acteurs aux mêmes
finalités. Or, le problème évident est que bien souvent
l'Etat, animé par la volonté d'atteindre certains objectifs,
transfère des compétences aux collectivités territoriales,
qui ne vont pas forcément avoir les mêmes objectifs que lui.
Comme le souligne Jean-Luc BOEUF, l'ambiguïté ne
réside pas dans « la qualité des analyses
»109, mais plutôt dans leur objet. En effet, en tant
qu'adjectif, l'incommunicabilité s'entend de ce « qui ne peut
être transmis par un mode d'expression déterminé ou par
n'importe quel mode d'expression ; qui n'est pas accessible à la pleine
compréhension d'autrui en raison de son caractère particulier et
foncièrement individuel. »110
108 FONDAFIP, « Sept questions préalables à la
conception d'un nouvelle gouvernance financière locale »,
décembre 2008
109 Jean-Luc BOEUF, « L'autonomie financière des
collectivités locales existe-t-elle ? », Gestion & Finances
Publiques (n°11), 2009, p. 838
110 Centre national de ressources textuelles et lexicales
47
Dès lors, il est légitime de croire qu'en
l'absence de renforcement de la communication entre l'Etat et les
collectivités territoriales, celles-ci seront toujours soumises à
un lien de dépendance, nécessitant une intervention de l'Etat
régulateur.
Par ailleurs, la Fondation précitée reproche au
système financier local de n'être « ni exclusivement, ni
directement financier ». Il s'agirait, en somme, d'une organisation
de pilotage des politiques publiques à la tête de laquelle se
trouverait l'Etat. Ici, il faudrait toutefois favoriser une concertation des
différents acteurs pour réguler les évolutions des
ressources et des dépenses publiques notamment.
Par exemple, la compétence éducation
relève, selon l'alinéa 13 du Préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946, du domaine d'action de l'Etat. Cependant, en raison de la
charge financière induite, certaines communes assurent le fonctionnement
courant des établissements scolaires. En 2008, la Cour des comptes avait
recommandé à l'Etat de clarifier le périmètre de
dépenses communales obligatoires au titre de l'Ecole, et de mettre en
place des outils méthodologiques et comptables évaluant cette
dépense. En effet, les communes ont en charge la
rémunération supplémentaire des agents qui s'occupent des
enfants durant le temps scolaire, temps déterminé par l'Etat.
Pour faciliter ce partage de compétences, la carte scolaire se construit
dans le cadre d'un dialogue entre l'Etat et les collectivités
territoriales, depuis la circulaire du 8 septembre 2003111.
A l'instar de Jean-Luc BOEUF, il faut noter que « le
débat est moins de savoir s'il faut plus ou moins d'État [...]
mais d'appréhender la question du contenu de la sphère publique
dans son ensemble. »112 Effectivement, les politiques publiques
semblent plutôt devoir être appréhendées dans leur
ensemble. D'ailleurs, n'est-ce pas pour une meilleure réalisation de
leurs objectifs que l'Etat transfère ses compétences aux
collectivités ?
En réalité, nombreux sont les domaines dans
lesquels il ne dispose plus des moyens financiers et humains
nécessaires. Cependant, cela ne l'empêche pas de
persévérer dans son rôle de chef-de-file, qu'il devrait
pourtant affaiblir, ou du moins limiter (B).
B. Un rôle d'Etat interventionniste à
limiter
Selon le professeur KADA, « l'Etat définit une
politique générale et en oriente ensuite les déclinaisons
territoriales en ciblant les financements ou en procédant par la voie
d'appel à projets. »113
Dès lors, il faut entendre que l'Etat décide des
politiques publiques qui seront développées localement, notamment
en usant de son rôle de décideur politique. Ensuite, lorsque le
budget national est voté, et que des crédits sont alloués
à certains domaines, cela influe également l'action locale.
Ainsi, si la part du budget allouée à l'éducation est plus
conséquente que la part relative à l'environnement, alors les
collectivités territoriales n'auront d'autre choix que de se focaliser
sur le développement de la première. En parallèle,
plusieurs exemples viennent au soutien de cet argument.
111 Circulaire n° 2003-134 du 8 septembre 2003
112 Jean-Luc BOEUF, « L'autonomie financière des
collectivités locales existe-t-elle ? », Gestion & Finances
Publiques (n°11), 2009, p. 838
113 Nicolas KADA, Professeur agrégé de droit
public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE (GIS
université Paris-I, « Etat et collectivités territoriales :
(petite) cuisine et (grandes) dépendances », AIDA 2019, p.
2423
48
D'abord, en matière de santé et de protection
sociale, l'Etat pilote les agences régionales de santé depuis la
loi du 21 juillet 2009114, par le biais du Conseil national de
pilotage, qui fournit aux premières les directives nécessaires
à la mise en oeuvre de la politique nationale de santé sur leur
territoire. D'ailleurs, durant la période de crise sanitaire liée
au Covid-19, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre
des ordonnances à destination des collectivités territoriales.
Ainsi, l'ordonnance relative aux mesures de continuité
budgétaire, financière et fiscale des collectivités
territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face
aux conséquences de l'épidémie de Covid-19, du 25 mars
2020115, pose plusieurs dérogations aux délais
initialement imposés en matière budgétaire. De la
même façon, les collectivités se sont vu octroyer des
délais supplémentaires pour la fixation des taux de leurs taxes
locales. En outre, le plafond des dépenses imprévues a
été rehaussé à 15% des dépenses
prévisionnelles de chaque section, au lieu de 7,5% avant la crise.
Cet exemple permet de comprendre comment les budgets locaux
peuvent être façonnés par les décisions nationales,
qui peuvent avoir un effet direct sur les dépenses de fonctionnement des
collectivités territoriales, à l'instar de l'achat de masques en
tissu. Cette dépense conséquente, résultant de la
politique nationale, n'était évidemment pas prévue dans
les budgets locaux.
Outre cet argument résultant d'une situation
exceptionnelle, en matière d'habitat, les préfets retranscrivent
les politiques nationales au niveau local, au sein des documents d'urbanisme
correspondants, ce qui prouve bien que les collectivités territoriales
ne sont pas celles qui décident de l'orientation à donner aux
politiques. Là encore, c'est l'Etat qui, en tant que chef-de-file,
impulse leurs actions.
Son ascendant se retrouve aussi à travers les contrats
de plan Etat-région qui, au service d'une politique transversale,
doivent permettre de relancer l'investissement local, en finançant des
projets d'avenir comme la mobilité multimodale, l'enseignement
supérieur, ou encore le numérique. Dès 1982, le Conseil
d'Etat avait confirmé leur nature contractuelle en estimant qu'aucune
« disposition législative [n'a] entendu conférer
à la stipulation dont s'agit du contrat de plan passé entre
l'Etat et la région Alsace une portée autre que celle d'une
stipulation contractuelle »116.
Or, pour certains auteurs, ces contrats ne sont en fait que
des actes unilatéraux aux objectifs politiques, puisque les
compétences des collectivités territoriales doivent être
limitativement énumérées, et qu'ils doivent se fonder sur
des cadres précisément identifiés.
Ces quelques exemples permettent d'illustrer la place de
l'Etat au sein des politiques locales, dont il est l'instigateur, mais aussi
parfois l'acteur principal. Au-delà de son rôle
prépondérant, il peut aussi limiter celui des
collectivités territoriales, en leur octroyant plus ou moins de
compétences, mais aussi et surtout, plus ou moins de moyens, notamment
financiers.
114 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant
réforme de l'hôpital et relative aux patients
115 Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux
mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale
des collectivités territoriales et des établissements publics
locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie
de covid-19
116 Conseil d'Etat, Assemblée, 8 janvier 1988, Ministre
chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire, requête
n° 74361, Considérant 5
49
En réalité, l'Etat semble intervenir partout, et
chaque fois que cela lui convient, sans considération des revendications
des collectivités territoriales alors même qu'elles appellent
à plus d'autonomie, et à une reconnaissance de leurs
différences par l'Etat (II).
II. Une reconnaissance progressive des
différences des collectivités
territoriales par l'Etat
Une double faculté de différenciation est
proposée aux collectivités territoriales. La première
consiste en une différenciation de compétences (A) ; la seconde,
en une différenciation des normes qui leur sont applicables (B).
A. Une différenciation dérogatoire à
valeur constitutionnelle accordée par l'Etat
Au sein de son rapport public pour l'année 1993, le
Conseil d'Etat a écrit que « la décentralisation n'est
pas un simple habillage, un prêt-à-porter, elle exige des habits
neufs, du sur-mesure (...). » Ce sur-mesure peut potentiellement
être entendu comme la prise en compte des intérêts
particuliers de chacune des collectivités territoriales à travers
le droit à l'expérimentation-dérogation.
Un droit à l'expérimentation-dérogation a
été ouvert aux collectivités territoriales par l'article
72 alinéa 4 de la Constitution, qui dispose que « dans les
conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause
les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un
droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou
leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement
l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un
objet et une durée limités, aux dispositions législatives
ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs
compétences. »
Néanmoins, il faut noter que ce dispositif reste un
dispositif dérogatoire conditionné et limité dans le
temps. A terme, si l'expérimentation rencontre un succès, elle a
vocation à être appliquée à tout le territoire.
Ainsi, un projet de loi constitutionnelle en cours
prévoit, comme le précise Alain-Joseph POULET, de «
faciliter l'expérimentation normative »117. Le
projet de loi "3D", pour décentralisation, différenciation et
déconcentration, a pour ambition de transformer les relations entre
l'État et les collectivités territoriales, en portant plus
d'attention aux attentes des collectivités territoriales, et à
leurs projets, avant de leur imposer quelque décision
unilatérale.
Un tel dispositif dérogatoire pourrait permettre aux
collectivités territoriales de déroger aux dispositions
législatives ou réglementaires d'une loi de finances. Allant
encore plus loin, la Cour des comptes propose depuis 2013, l'élaboration
d'une loi de financement des collectivités territoriales, sur le
modèle de la loi de financement de la sécurité
sociale118. Evidemment, il ne s'agirait pas de rédiger une
loi par collectivité, mais cela permettrait une amélioration de
la gouvernance des
117 Alain-Joseph POULET, Directeur des Etudes, «
Différenciation territoriale : la singularité des territoires
dans l'unité nationale », De la gouvernance territoriale et de
la différenciation, 22 mai 2018
118 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p.
34
50
finances publiques locales, et prendrait en
considération les différences financières exprimées
par les collectivités territoriales.
Cette idée renforce l'autre modification portée
par le projet de loi « 3D » qui est une
différenciation-adaptation, portée au niveau national, et
adaptée à chaque collectivité, dans sa singularité.
La volonté affichée de l'Etat est de permettre à certaines
collectivités territoriales d'exercer des compétences dont ne
disposerait pas l'ensemble des collectivités de la même
catégorie. Cependant, et face aux limites posées par la
Constitution, pour le moment, ce projet ne peut qu'être pensé et
établi par l'Etat (B).
B. Une différenciation
générale des compétences pensée par
l'Etat
Le 23 septembre 2019, la Ministre de la Cohésion des
territoires et des Relations avec les collectivités territoriales,
Jacqueline GOURAULT annonçait que la différenciation «
c'est reconnaître la diversité des territoires et penser
qu'une politique publique ne s'applique pas exactement de la même
manière sur l'ensemble du territoire119».
La différenciation des normes permettrait aux
collectivités de déroger, pour un objet limité, aux
dispositions législatives ou réglementaires qui régissent
l'exercice de leurs compétences.
A priori, il existe une différenciation des
compétences reposant sur la nature des collectivités
territoriales. En effet, les collectivités territoriales à statut
particulier, de même que les collectivités d'Outre-mer, disposent
de compétences qui ne sont pas accordées aux collectivités
de droit commun. Ainsi, les départements et régions d'Outre-mer
bénéficient d'une telle dérogation à l'article 73
de la Constitution, depuis la révision constitutionnelle de 2003.
Effectivement, cet article dispose que les lois et
règlements « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux
caractéristiques et contraintes particulières de ces
collectivités ».
La question porte surtout sur la possibilité d'accorder
des compétences différentes à des collectivités
territoriales de droit commun et de même catégorie.
Le Conseil d'Etat a apporté une réponse avec un
avis du 7 décembre 2017120 dans lequel il commence par
opérer une distinction entre le régime des collectivités
territoriales de droit commun, et celui des collectivités territoriales
à statut particulier, afin de rappeler que la Constitution dote ces
dernières de caractéristiques et contraintes
particulières. Une fois cela rappelé, il considère que les
différentes règles constitutionnelles n'imposent pas un cadre
légal uniforme et figé aux compétences des
collectivités territoriales de droit commun.
D'ailleurs, la coopération intercommunale se traduit
pour lui « par des compétences différenciées
entre communes », qui ont été admises dès 2010
par le Conseil constitutionnel121. Ainsi, certaines communes
disposent de compétences que d'autres ont abandonné au profit
d'un EPCI.
Pour le Conseil d'Etat, dans le douzième point de
l'avis précité, « l'application de règles
différentes à l'exercice des compétences de
collectivités de la même catégorie est largement admise,
sans qu'il
119 Décentralisation : le gouvernement ouvre la voie
à la différenciation des territoires, Public Sénat,
Publié le : 23/09/2019 à 20:19 - Mis à jour le :
27/09/2019 à 16:06
120 Conseil d'Etat, Assemblée, Avis sur la
différenciation des compétences des collectivités
territoriales relevant d'une même catégorie et des règles
relatives à l'exercice de ces compétences, n° 393651, 7
décembre 2017
121 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-618 DC
du 09 décembre 2010
51
soit pour autant porté atteinte au principe
d'égalité ». Cet exercice de compétences
différents s'explique par des différences démographiques,
ou financières.
Comme le souligne le Conseil d'Etat, de telles nuances
permettraient davantage de responsabilisation et de libertés aux
collectivités territoriales qui verraient leurs marges de manoeuvre
croitre, notamment pour innover et s'adapter.
Pour l'heure, elles sont contraintes au respect du principe
d'égalité qui n'autorise ce dispositif que pour des raisons
d'intérêt général ou des écarts de
situations. Par ailleurs, l'article 72 de la Constitution implique que les
collectivités territoriales de droit commun aient un même statut
et disposent des mêmes compétences.
Cependant, l'Etat semble de plus en plus enclin à
accorder, outre une différenciation de compétences des
collectivités territoriales, une différenciation des normes qui
leur sont applicables. Il faudra pourtant attendre de potentielles
révisions constitutionnelles pour voir si cette piste permettra une
réelle transformation des relations financières entre l'Etat et
les collectivités territoriales.
Actuellement, ce qui est surtout préconisé est une
coopération financière entre ces deux acteurs.
Pour que les relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales soient métamorphosées, il faut
avant tout que les singularités des secondes soient reconnues par le
premier. Dès lors, elles pourront plus aisément décider de
monter des projets conjointement, mettant ainsi leurs finances en commun.
En parallèle, le rôle de l'Etat à
l'égard des collectivités territoriales doit être
redéfini. Afin de leur accorder plus d'autonomie, il doit éviter
de tout contrôler, et plutôt se donner un rôle de
coordinateur ou d'incitateur. Il doit ainsi prouver sa confiance aux
collectivités territoriales, et cela ne pourra passer que par
l'instauration d'un dialogue entre les deux.
En effet, une telle communication permettra à chacun de
mieux comprendre l'autre, et d'agir en ce sens, selon une volonté de
coopération.
Chapitre 2 : Une coopération financière
entre l'Etat et les collectivités territoriales
préconisée
La coopération peut être définie comme
l'action de participer avec une ou plusieurs personnes à une oeuvre ou
une action commune. Elle trouve sa source dans les idées du sociologue
et économiste Robert OWEN, et ses arguments en faveur du mouvement
coopératif, relayés par les journaux dans les années
1840.
Selon l'Alliance coopérative internationale, «
une coopérative est une association autonome de personnes
volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins
économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont
la propriété est collective et où le pouvoir est
exercé démocratiquement. »
Par exemple, pour les prises de décision, le principe
est celui des voix équivalentes au nombre de personnes. Ainsi, les
salariés et les cadres sont égaux en droit : aucune voix n'est
prépondérante.
Cette idée a été reprise par le
législateur, au sein d'une loi du 10 septembre 1947122,
consolidée par une version du 17 avril 2020, dans laquelle il est
écrit que l'on « parle de travail coopératif quand deux
ou plusieurs personnes travaillent conjointement dans un même objectif,
chacun ayant à sa charge une part bien définie du travail
à réaliser ».
Appliquée à l'Etat et aux collectivités
territoriales, ce schéma devra avant tout reposer sur une
coopération financière. En effet, depuis toujours, ces deux
acteurs travaillent de concert, mais ce n'est pas toujours évident au
regard de leurs finances, chacun supportant des charges dues par l'autre. En ce
sens, il faut entendre la coopération financière comme la mise en
commun de finances pour la réalisation d'un même objectif, chacun
ayant à sa charge une part bien définie de dépenses
à honorer.
Or, s'ils souhaitent tous les deux agir pour un objectif
différent, leur relation, fondée jusque lors sur de la
coopération, devra nécessairement devenir une collaboration
financière.
Au-delà de cette collaboration financière
(Section 1), les relations entre l'Etat et les collectivités
territoriales doivent mener à une redéfinition de leurs
rôles respectifs (Section 2), notamment par l'instauration d'un dialogue
et l'autonomisation des collectivités territoriales.
52
122 Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la
coopération
53
Section 1 : Une nécessaire collaboration en
matière financière entre l'Etat et les collectivités
territoriales passant par un renforcement de leur coopération
Dans les faits, l'Etat et les collectivités
territoriales coopèrent puisqu'ils mettent en oeuvre les politiques
publiques ensemble. En 1996, le Professeur Pierre DILLENBOURG a proposé
une distinction entre la coopération et la collaboration. Selon lui, la
coopération se définit par une répartition et une
autonomie des tâches, mais aussi des acteurs, tandis que la collaboration
implique un entrelacement des missions, et une demande mutuelle d'implication
des acteurs, ainsi que leur coordination. Elle repose également sur leur
communication123.
Chacune des deux solutions apparait idéale pour fonder
les nouvelles relations financières de l'Etat et des
collectivités territoriales. En réalité, il semble que
l'Etat et les collectivités territoriales coopèrent
déjà puisqu'ils tentent d'agir chacun, indépendamment de
l'autre.
Comme aucun texte ne parait encadrer ces relations, il
convient pour eux de passer d'une coopération de fait à une
collaboration de droit. Toutefois, et malgré leur volonté
partenariale affichée, il faudra d'abord encadrer cette
coopération financière (I), mais aussi la renforcer (II).
I. Une coopération financière voulue par
l'Etat et les collectivités territoriales nécessairement
limitée
La coopération financière entre l'Etat et les
collectivités trouve ses sources dans les faits et les coutumes
berçant leurs relations financières. Si ceux-ci affirment de plus
en plus leur volonté de voir perdurer une coopération
financière nationale (A), elle est souvent limitée par la
coopération internationale de l'Etat (B), et ses différents
engagements.
A. Une volonté de coopérer assumée par
l'Etat et les collectivités territoriales
Comme le remarque le Professeur PONTIER, au cours du XXe
siècle, « nous sommes passés d'une relation de
supérieur à inférieur à une relation qui, si elle
n'est pas d'égal à égal - et elle ne peut sans doute pas
l'être dans un Etat unitaire dont les collectivités territoriales
sont une composante - est cependant moins inégalitaire qu'elle ne le
fut. »124
Dès lors, il est légitime d'affirmer que l'Etat
et les collectivités territoriales partagent une volonté de
partenariat, c'est-à-dire qu'ils veulent agir de concert pour obtenir un
résultat qui fournira un intérêt aux deux parties. En ce
sens, les deux contribueraient, par leur coopération, à la
satisfaction de l'intérêt général.
Cette volonté a plusieurs explications. Pour l'Etat,
elle est sûrement due au fait que son lien avec les citoyens se fait de
plus en plus faible : il doit essuyer de nombreuses défiances de la part
des habitants qui réclament plus de démocratie locale. Par
ailleurs, au regard de la décentralisation, il a
123 Pierre DILLENBOURG, The evolution of research on
collaborative learning, E. Spada & P. Reinman (Eds.), Learning in
Humans and Machine : Towards an interdisciplinary learning science, Oxford :
Elsevier, pp. 189-211
124 Jean-Marie PONTIER, « Le partenariat entre l'Etat et les
collectivités territoriales », AIDA, 2014, p. 1694
54
besoin des collectivités territoriales, qui se sont vu
attribuer nombre de compétences qui ne dépendent plus de
l'Etat.
Ainsi, la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire, du 4 février 1995125,
dispose, en son premier article, que la politique d'aménagement
constitue un objectif d'intérêt général, «
renforce la coopération entre l'État, les collectivités
territoriales », et est conduite par l'Etat et par les
collectivités territoriales dans le respect des principes de la
décentralisation.
De même, la circulaire de 2009, à la suite du
Grenelle de l'environnement, exige que « la démarche des
services de l'Etat vis-à-vis des collectivités territoriales
» soit « résolument partenariale
»126. Il peut alors s'agir d'un rôle d'impulsion ou
de mise à disposition d'outils.
Enfin, depuis l'Ancien Régime, et comme le souligne
encore le Professeur précité, « l'Etat a pris l'habitude
de solliciter, avec plus ou moins de pression à l'appui, les
collectivités territoriales pour le financement d'un certain nombre
d'équipements et d'opérations. » Or, aujourd'hui, les
collectivités disposent du principe de libre administration des
collectivités territoriales, donc l'Etat ne peut plus les contraindre.
Il se doit de coopérer avec elles.
Pour les collectivités territoriales, la raison semble
plus simple : elles disposent à présent de moyens financiers et
humains pour intervenir et mettre en oeuvre des politiques publiques.
Cependant, le besoin exprimé par l'Etat à leur encontre est
réciproque. Effectivement, seul l'Etat dispose de la souveraineté
nécessaire pour intervenir, ne serait-ce qu'au niveau international. Par
ailleurs, il est toujours celui vers qui se tournent les citoyens en
période de crise.
Par exemple, lors de la crise sanitaire du Covid-19, les
citoyens attendaient des mesures prises au niveau national et non local.
Parallèlement, les collectivités territoriales
ont besoin de l'action de l'Etat. En effet, certains postes de dépenses
évoluent, et leur maitrise apparait difficile pour les
collectivités territoriales. C'est notamment le cas de la dépense
relative à la masse salariale, qui est une dépense réelle
de fonctionnement, et qui, si elle varie, peut fortement restreindre les marges
de manoeuvre des collectivités territoriales.
Selon la Cour des comptes, il faut surtout une «
réflexion plus large sur le partage des ressources et des charges
entre l'État et les collectivité territoriales
»127.
En ce sens, les cofinancements paraissent être une
solution adéquate puisqu'ils permettraient à l'Etat et aux
collectivités territoriales de financer ensemble des projets dont ils
retireraient tous les deux un intérêt.
Ainsi, ils le font dans le cadre des conventions de
coopération de soutien au cinéma et à l'audiovisuel par
les collectivités territoriales, l'Etat et le CNC. Ces conventions
encadrent les financements respectifs de ces acteurs selon trois domaines
d'intervention, à savoir la création et la production,
l'éducation artistique, et l'aide aux salles de cinéma. En 2014,
les collectivités territoriales ont investi près de 58 milliards
d'euros, dont 15,2 milliards ont été investis par le CNC.
125 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation
pour l'aménagement et le développement du territoire
126 Circulaire du 23/03/09 relative à la
territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (non
publiée)
127 Cour des comptes, « Les finances publiques locales
2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la
gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019, p. 12
55
Une piste de travail partenarial à améliorer
repose sûrement sur les cofinancements dès que l'Etat sollicite
les collectivités territoriales « pour le développement
de projets, d'actions de politiques publiques ou de financements
».
Pour la Cour des comptes, les collectivités
territoriales doivent pleinement « assumer leurs compétences ce
qui implique qu'elles optimisent leurs systèmes de gestion et se dotent
d'outils de pilotage et de contrôle interne efficients ».
De tels projets partenariaux ne peuvent que se fonder sur des
textes encadrant ces relations. En effet, dans une optique de
coopération, chacun des acteurs est indépendant. Afin
d'éviter les chevauchements d'actions et de dépenses, la
collaboration sera à privilégier et à intégrer
à des conventions partenariales.
Quoi qu'il en soit, que l'Etat et les collectivités
territoriales choisissent une démarche partenariale fondée sur la
coopération, ou sur la collaboration, ils devront forcément
satisfaire aux exigences attendues de l'Etat par ses engagements internationaux
(B). En effet, au-delà d'une coopération nationale, il existe
aussi une coopération internationale.
B. Une limitation de la coopération
nationale entre l'Etat et les collectivités territoriales par la
coopération internationale
Si les collectivités territoriales et l'Etat peuvent
coopérer financièrement pour mettre en oeuvre leurs politiques
publiques, il n'en reste pas moins que cette démarche partenariale est
encadrée, voire limitée.
A titre d'exemple, il y a d'abord les articles 107 et 108 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui instaurent
une interdiction des « aides d'Etat » à destination
des collectivités territoriales. En effet, c'est à la Commission
européenne de juger de la licéité d'une aide et ce,
ponctuellement et de façon casuistique.
»128.
Selon le CGET, une aide d'Etat est une « aide
octroyée à une entreprise (privée ou publique,
exerçant une activité économique : sociétés
privées, collectivités, établissements publics ou
d'associations, par exemple) par l'État au moyen de ressources
publiques, qui fausse ou menace de fausser la concurrence et les
échanges entre États membres
Sa mise en oeuvre nécessite, comme le souligne
l'article L1511-1 du CGCT, une collaboration entre l'Etat et les
collectivités territoriales. Ainsi, les collectivités
territoriales doivent établir un rapport relatif aux projets d'aides ou
de régimes d'aides mis en oeuvre sur leurs territoires au cours de
l'an-née civile, et le transmettre à l'Etat qui, lui, est
chargé de le notifier à la Commission européenne.
Parallèlement, la Commission ou la Cour de justice de
l'Union européenne peuvent enjoindre à une collectivité de
récupérer l'aide versée à une entreprise : il
s'agit d'une décision de récupération. Si
l'exécution de cette décision est incomplète ou tardive,
la collectivité territoriale devra, et par une dépense
obligatoire de fonctionnement, supporter les conséquences
financières de la condamnation dont aura fait l'Etat.
De la même façon, les textes tendent à
responsabiliser les collectivités territoriales en ce qu'ils les
128
https://www.cget.gouv.fr/thematiques/economie-emploi-innovation/aides-d-etat
56
poussent à supporter la charge des corrections et
sanctions financières infligées à l'Etat par les instances
européennes, dès lors que les premières assurent une
fonction d'autorité de gestion des programmes européens, ou
d'autorité nationale dans le cadre des programmes de coopération
nationale.
Cet exemple permet de souligner deux choses. D'une part, la
collaboration entre l'Etat et les collectivités territoriales peut
engendrer des charges pour l'un ou l'autre de ces acteurs, qui se doit de
« supporter » l'autre, et notamment lorsque ses agissements ou
manquements ont pu lui causer un dommage financier. D'autre part, l'Etat reste
« compétent pour tout »129, ou du moins,
c'est le cas au niveau international et européen.
Ainsi, comme le souligne justement Alain LAMBERT, l'Etat et
les collectivités sont « co-responsables des engagements de la
France en matière de dépenses publiques et de
prélèvements obligatoires ».
C'est pourquoi dans le domaine de la santé, «
les normes sont essentiellement définies par les autorités
centrales, même si les collectivités territoriales deviennent
d'importants fournisseurs dans de nombreux pays. »130
L'Etat français doit répondre aux normes qui sont
également fixées aux niveaux européen et international, et
retranscrire les différentes règles afférentes. Par
exemple, il a dû se conformer à la directive sur les produits du
tabac131 (2014/40/UE) entrée en vigueur le 19 mai 2014, et
applicable dans les États membres de l'UE depuis le 20 mai 2016. Or,
celle-ci interdit la vente de certains arômes de tabac à rouler,
ce qui peut avoir des conséquences sur les chiffres d'affaires des
buralistes, qui sont soumis à une taxe spéciale au niveau
national, mais aussi sur les recettes fiscales des collectivités
territoriales et de l'Etat, notamment avec la TVA.
De la même façon, l'action extérieure des
collectivités territoriales est limitée aux relations
qu'entretient l'Etat avec les autres Etats souverains, et notamment aux
règles énoncées au sein des Traités
bilatéraux ou multilatéraux ratifiés par la France.
Néanmoins, depuis 2006, la coopération transnationale en faveur
de la coopération entre collectivités locales européennes
a tendance à se développer, notamment par la création de
groupements européens de coopération territoriale.
Quoi qu'il en soit, ces exemples permettent de mettre en
lumière la nécessité de renforcer la coopération
financière entre l'Etat et les collectivités territoriales,
dès la création des politiques publiques, et tout au long de leur
mise en oeuvre (II).
II. Un renforcement nécessaire de la
coopération financière entre l'Etat et
les collectivités territoriales
Pour renforcer la coopération financière entre
l'Etat et les collectivités territoriales, il faut d'abord
déterminer la responsabilité de chacun. Ainsi, il apparait
légitime qu'ils soient coresponsables des actions qu'ils imaginent et
exécutent ensemble, afin de réaliser un objectif commun. Pour
cela, il est urgent que les collectivités territoriales soient
dotées d'un pouvoir de gestion effectif (A). Dès lors, des
réformes en ce sens permettront plus d'autonomie et de dialogue, ce qui
aura pour finalité d'accorder aux politiques publiques plus de
cohérence (B).
129 Groupe de travail président par Alan LAMBERT, «
Les relations entre l'État et les collectivités locales »,
décembre 2007
130 OCDE, « Relations financières entre l'État
et les collectivités territoriales », 2003, p. 173-193.
131 Directive n°2014/40/UE sur les produits du tabac, 20 mai
2016
57
A. Un renforcement de la co-responsabilisation
passant par un accroissement de l'effectivité du pouvoir de gestion des
collectivités territoriales
Selon le groupe de travail ayant été
présidé par Alain LAMBERT, « il est des politiques
publiques qui exigent une action forte de l'Etat au plan local, pour impulser
ou coordonner. »132
Par exemple, en matière de lutte contre la
délinquance, certaines circonscriptions ont vu des bureaux de politique
de ville s'implanter pour assurer la gestion de cette politique, mais aussi le
paiement de certains fonds interministériels en lien avec celle-ci.
Ainsi, à Bobigny, le bureau agit de concert avec le sous-préfet
d'arrondissement. Cette politique rejoint celles relatives au logement,
à l'éducation, ou à l'action sociale, et se fonde sur le
partenariat en proposant un cadre contractuel entre l'Etat, la
collectivité territoriale, et les acteurs concernés.
Cette impulsion à destination d'une collectivité
territoriale donnée peut être coordonnée sur l'ensemble du
territoire grâce à l'action de l'Etat qui peut imposer des normes,
le prix et l'étendue des services, ou encore les conditions d'admission
à ceux-ci.
Cependant, au vu des disparités exprimées par
les collectivités territoriales, et de leur volonté de gestion
propre, il apparait opportun de les doter de plus fortes marges de manoeuvre en
matière de gestion financière.
La Cour des comptes elle-même le préconise
puisqu'elle estime qu'elles « doivent pleinement assumer leurs
compétences ce qui implique qu'elles optimisent leurs systèmes de
gestion et se dotent d'outils de pilotage et de contrôle interne
efficients »133.
En ce sens, elles doivent renforcer leurs outils de
prévision budgétaire et d'organisation humaine, mais aussi leurs
modes de gestion et les périmètres de leurs politiques. Enfin,
elles doivent mettre en place des instruments d'innovation.
Les collectivités territoriales ont déjà
entrepris des actions tournées vers cet objectif puisqu'elles
gèrent différemment leurs services publics, notamment en passant
par la mutualisation, institutionnelle ou décisionnelle, mais utilisent
aussi de nouvelles politiques d'achat. Par exemple, le Code de la Commande
publique, entré en vigueur au 1er avril 2019, permet
d'intégrer des clauses sociales et environnementales au sein des
marchés publics. De la même façon, le critère du
prix peut toujours être celui qui l'emporte sur les autres.
Par ailleurs, si elles sont soumises à de plus en plus
de contraintes budgétaires, elles tentent de répercuter leurs
conséquences « sur des secteurs moins critiques » tels que les
associations.
En 2007, le groupe de travail précité
considérait que de fait, « les collectivités
territoriales exploitent largement la clause générale pour des
interventions extra légales et sur les compétences dont la loi a
confié la responsabilité à d'autres niveaux.
»134 Or, les départements et les régions ne
disposent
132 Groupe de travail présidé par Alan LAMBERT,
« Les relations entre l'État et les collectivités locales
», décembre 2007
133 Cour des comptes, « Les finances publiques locales
2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la
gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics
134 Groupe de travail présidé par Alan LAMBERT,
« Les relations entre l'État et les collectivités locales
», décembre 2007
58
plus d'une telle clause depuis la loi NOTRe135.
Faut-il en conclure qu'ils n'ont pas la capacité de renforcer leur
autonomie de gestion ? Pas forcément.
En effet, depuis la loi de programmation des finances
publiques pour les années 2018 à 2022, les relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales ne se
caractérisent plus par des baisses unilatérales de dotations,
« mais par une approche partenariale reposant sur une
responsabilisation et le mécanisme de contractualisation
»136.
Dès lors, il faut entendre le mécanisme de
contractualisation comme celui qui renforcera le pouvoir de gestion des
collectivités territoriales : elles sont libres de souscrire au contrat
proposé par l'Etat, de s'y soumettre ou non. Même si elles
encourent des sanctions pécuniaires en cas de non-respect des principes
posés par les contrats par rapport à leurs dépenses de
fonctionnement, elles ont toujours le choix. Elles peuvent décider de
recevoir cette sanction. N'est-ce pas là le propre de la
responsabilité contractuelle ?
En effet, l'article 1101 du Code civil dispose qu'un contrat
est une « convention par laquelle une ou plusieurs personnes
s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou
à ne pas faire quelque chose ». Ainsi, s'engager à
faire quelque chose à travers un contrat est un gage de liberté
de gestion, et d'autonomie, et il est loisible de considérer que le
poids de l'Etat a effectivement reculé puisqu'il ne décide plus
d'imposer ses choix aux collectivités territoriales de manière
unilatérale.
En parallèle, la contractualisation doit permettre une
meilleure communication entre l'Etat et les collectivités territoriales,
afin de donner plus de cohérence aux politiques publiques, notamment
dans leur mise en oeuvre (B).
B. Un partenariat à renforcer selon un objectif de
cohérence des politiques publiques
Selon le professeur PONTIER, la notion de partenariat est
« souvent approximative » et « semble être un
pavillon couvrant toutes sortes de marchandises »137.
Ainsi, elle se confond souvent avec celle de consultation :
des organismes consultatifs sont mis en place, et regroupent toute sorte
d'acteurs, dont des représentants des collectivités
territoriales. Le Conseil national d'évaluation des normes applicables
aux collectivités territoriales et à leurs établissements
publics, dont il a été fait référence
précédemment, en est un exemple.
Pour renforcer la notion de partenariat, il faut que l'Etat et
les collectivités s'entendent sur l'objectif poursuivi. Effectivement,
selon l'Organisation pour l'Economie, la coopération et le
développement, « La décentralisation [...] crée
[...] une inégalité d'information entre les autorités
centrales et les collectivités territoriales investies de pouvoirs
budgétaires, ce qui peut entraîner des difficultés
135 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle
organisation territoriale de la République
136 Annexe au projet de loi de finances pour 2019 - Transferts
financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, Jaune
Budgétaire
137 Jean-Marie PONTIER, « Le partenariat entre l'Etat et les
collectivités territoriales », AIDA, 2014, p. 1694
59
lorsque les objectifs des autorités
diffèrent d'un niveau d'administration à l'autre, comme cela
arrive souvent. »138
Dès lors, chacun doit participer à l'effort
d'assainissement budgétaire exigé. Or, bien souvent, l'Etat a
pour objectif la satisfaction de l'intérêt général,
tandis que les collectivités territoriales souhaitent satisfaire
l'intérêt public local.
Si l'intérêt général est la somme
de tous les intérêts particuliers, l'intérêt public
local ne souffre d'aucune définition juridique explicite. Cependant, le
juge administratif semble l'entendre comme la satisfaction de toutes les
affaires locales, et des besoins de la population locale.
Cette notion a été renforcée par les
alinéas 2 et 3 de l'article 72 de la Constitution qui disposent que
« les collectivités territoriales ont vocation à prendre
les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le
mieux être mises en oeuvre à leur échelon. »
Jacques MOREAU identifie ainsi des «
intérêts locaux spécifiques, distincts des
intérêts nationaux ; la collectivité territoriale [ayant]
vocation à gérer tous ces intérêts qui lui sont
propres, dans la mesure où ils sont communs aux habitants dont la
solidarité est tenue pour légitime »139.
»141.
Le problème tient au fait que, comme le souligne le
professeur PONTIER, « il n'y pas d'égalité entre ces
intérêts »140, puisque l'objectif poursuivi
par l'Etat apparait supérieur à celui des collectivités
territoriales. D'ailleurs, dès 2005, la notion d'intérêt
public local s'est retrouvée limitée par le Conseil
constitutionnel qui a estimé « qu'il résulte de la
généralité des termes retenus par le constituant que le
choix du législateur d'attribuer une compétence à l'Etat
plutôt qu'à une collectivité territoriale ne pourrait
être remis en cause, sur le fondement de cette disposition, que s'il
était manifeste qu'eu égard à ses caractéristiques
et aux intérêts concernés, cette compétence pouvait
être mieux exercée par une collectivité
territoriale
La notion de partenariat et de collaboration entre l'Etat et
les collectivités territoriales souffre donc de cette absence de
consensus sur la nature de l'objectif à atteindre et à
poursuivre. D'après le professeur Jean-Luc BOEUF, il faut
réfléchir à des « « convergences
convergentes » entre une vision nationale et une action locale et
proposons des pistes concrètes d'action, après une
réflexion mûrie à l'ombre des expériences
européennes »142.
A ce titre, il convient de redéfinir les rôles de
l'Etat et des collectivités territoriales en matière
financière, afin de leur permettre d'exercer leur partenariat clairement
et sans ambiguïté. En effet, une transformation de leurs
rôles respectifs pourra également clarifier les compétences
de chacun, et les actions qu'ils doivent entreprendre (Section 2). Une telle
mutation serait l'occasion d'éviter les chevauchements en vue de
réaliser des économies. Elle pourrait potentiellement prendre
exemple sur les modèles européens que forment les autres pays.
138 OCDE, « Relations financières entre l'État
et les collectivités territoriales », 2003, p. 173-193.
139 Jacques MOREAU, Administration régionale,
départementale et municipale, Dalloz, 1999, 150 p.
140 Jean-Marie PONTIER, « Le partenariat entre l'Etat et les
collectivités territoriales », AIDA, 2014, p. 1694
141 Conseil constitutionnel, 7 juill. 2005, n° 2005-516 DC,
Loi de programme fixant les orientations de la politique
énergétique
142 Jean-Luc BOEUF, « L'autonomie financière des
collectivités locales existe-t-elle ? », Gestion & Finances
Publiques (n°11), 2009, p. 838
60
Section 2 : Une nécessaire transformation des
rôles de l'Etat et des collectivités
territoriales en matière
financière
La Cour des comptes l'a recommandé à plusieurs
reprises : les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales
doivent changer.
Pour cela, il faut avant tout écouter les
revendications de chacun de ces acteurs. L'Etat, malgré les nombreux
wagons rattachés au train de la décentralisation, rencontre des
difficultés à transférer totalement ses
compétences, et préfère au contraire de simples
délégations.
Toutefois, et comme ça n'a pas été le
choix réalisé, il doit réussir à instaurer un lien
de confiance envers les collectivités territoriales, pour éviter
toute tutelle budgétaire, et leur permettre de gérer leurs
budgets et leurs finances comme elles l'entendent.
La création de ce lien ne peut pas être
unilatérale : les collectivités territoriales doivent, elles
aussi, gagner la confiance de l'Etat. Pour assurer leur bonne foi, et leur
volonté de bien faire, il apparait indispensable de remplacer le
contrôle omniprésent de l'Etat au sein des territoires
décentralisés par une auto-évaluation des
collectivités territoriales (I). Effectivement, cette solution semble
essentielle pour les doter de plus d'autonomie, dans une démarche de
performance.
A terme, et au regard des solutions adoptées au sein
des autres pays membres de l'Union européenne, il conviendra
d'évaluer l'opportunité de l'attribution d'une autonomie fiscale
aux collectivités territoriales (II).
I. Le passage essentiel d'un contrôle de l'Etat
à une auto-évaluation des collectivités territoriales
Le conflit caractérisant les relations financières
entre l'Etat et les collectivités territoriales est alimenté par
la place prépondérante de l'Etat au sein des territoires
décentralisés. Cela s'explique par la volonté du premier
d'évaluer les secondes, afin d'optimiser leurs politiques publiques,
ainsi que leurs dépenses, selon l'objectif de rationalisation des
dépenses publiques.
A partir de 2006, une notion a éclos au sein de l'action
publique nationale : la notion de performance. Celle-ci a permis à
l'Etat de passer d'une logique de moyens à une logique de
résultats. Dès lors, il peut évaluer ses propres
politiques publiques grâce à des indicateurs et des objectifs
fixés en amont, et évalués en aval et a
posteriori.
Le problème de cette notion est qu'elle n'a pas vocation
à s'appliquer aux collectivités
territoriales, quand bien même elle fait partie
intégrante du new public management. Or, une telle implication
permettrait aux collectivités de s'approprier une logique
d'évaluation, permettant d'ajuster leurs dépenses et leurs
politiques publiques en fonction de leurs résultats. En ce sens, leurs
actions légitimeraient leur émancipation, et l'instauration d'un
dialogue avec l'Etat (B). En réalité, la notion de performance a
connu une intégration subtile au sein des budgets locaux, et des
politiques des collectivités territoriales (A).
61
A. Une intégration subtile de la notion
étatique de performance sur les budgets locaux
La loi organique sur les lois de finances (LOLF) est
adoptée en 2001143 pour servir de norme de
référence aux autres lois de finances. Elle permet deux
évolutions majeures : la première porte sur la
présentation des dépenses par destination (en missions et
programmes), alors qu'elles étaient jusque-là
présentées par type comptable ; la seconde porte sur la notion de
performance, à laquelle elle donne un cadre textuel.
En réalité, cette dernière n'est
suggérée qu'au sein de quelques articles de la loi
précitée. Ainsi, l'article 48 évoque les indicateurs de
performance, et l'article 53 les rapports annuels de performance.
Pourtant, cette notion est importante en ce qu'elle permet de
répondre aux objectifs d'efficacité de la dépense
publique, mais aussi de renforcement du contrôle parlementaire. En termes
de gestion, son aspect économique permet la fixation d'objectifs
déterminés, précis, vérifiables, et
chiffrés, au sein d'un projet annuel de performance. Les rapports
établis l'année suivante permettent de mesurer
l'efficacité de ces objectifs, par le biais d'indicateurs de natures
diverses.
Selon le professeur Philippe LORINO, « entendue comme
jugement économique sur la légitimité sociale d'une
activité, la performance qualifie le rapport existant entre les
ressources consommées par cette activité (son « coût
») et l'importance des besoins sociaux auxquels elle permet de satisfaire
(sa « valeur ») »144.
Ainsi, une politique publique performante est celle qui
satisfait à la fois les besoins du citoyen, de l'usager, et du
contribuable. Cette idée rejoint celle du professeur CATTEAU pour qui
« la performance serait avant tout l'efficacité
socio-économique d'une politique publique du point de vue du citoyen, la
qualité du service rendu, du point de vue de l'usager et l'efficience de
la gestion, la gestion à moindre coût, du point de vue du
contribuable. »145
Or, il convient de préciser que la LOLF ne tient
à s'appliquer qu'aux finances nationales, et ne donne un cadre qu'aux
budgets de l'Etat. Dès lors, faut-il en conclure que la notion de
performance ne tient pas à s'appliquer aux collectivités
territoriales ? Qu'il n'existe pas de performance locale ?
Au regard des textes, rien n'est aussi sûr. Pourtant,
certains, comme le professeur CATTEAU, plaident pour une «
transposition de la LOLF » aux collectivités locales, afin
de renforcer « leur autonomie »146.
Néanmoins, le problème majeur rencontré
par les collectivités territoriales réside dans la
présentation par nature de leurs budgets, et selon une nomenclature
unifiée, qui ne permet pas de développer une présentation
par programmes. Effectivement, les budgets locaux sont divisés en
sections d'investissement, et de fonctionnement, au sein desquelles il existe
des chapitres et des articles. Ils sont également enserrés par
des nomenclatures budgétaires, aussi appelées instructions
budgétaires et comptables, qui imposent différents types de
comptabilités au secteur public local, selon la nature de la
collectivité.
143 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative
aux lois de finances
144 Philippe LORINO, Méthodes et pratiques de la
performance, Edition d'organisation, 3e édition, 2003
145 Damien CATTEAU, Performance et solidarité(s) : les
principes de la LOLF (interview)
146 Damien CATTEAU, Performance et solidarité(s) : les
principes de la LOLF (interview)
62
Dès lors, les instruments budgétaires locaux
sont des instruments de mesure de résultats, ou de
sincérité, mais pas de mesure de la performance.
Toutefois, certaines collectivités territoriales,
exprimant la volonté de passer d'une logique de moyens à une
logique de résultats, agissent par mimétisme sur le modèle
de l'Etat. Ainsi, depuis la M14, c'est-à-dire l'instruction
budgétaire et comptable applicable aux communes et aux
établissements publics communaux et intercommunaux à
caractère administratif, les collectivités territoriales de plus
de 3 500 habitants doivent faire une présentation par fonction au sein
des annexes de leurs budgets.
A l'inverse de l'Etat, le support de la performance se
retrouve dans les annexes, et non dans les instruments budgétaires. En
cela, la performance locale n'a pas de valeur juridique, et les instruments
budgétaires locaux sont des instruments de régularité.
Au niveau local, il convient de parler de bonne gestion.
Celle-ci répond à l'objectif des « Trois E » :
économie, efficience, et efficacité. Elle dépend de la
volonté des collectivités territoriales de s'adapter à la
LOLF, selon une logique de gouvernance et de management public.
Par exemple, à Bordeaux, il existait une
présentation par missions et programmes en 2009, alors que l'Etat n'en a
rien demandé. Toutefois, cette présentation était
introuvable en 2019 : elle dépend donc du bon vouloir des politiques en
place.
Si la budgétisation orientée par la performance
permettrait de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et des
collectivités locales dans leurs actions de coordination, il n'en reste
pas moins que les gouvernements locaux restent à la marge des
systèmes de contrôle et d'évaluation des politiques
publiques.
Dans un souci d'économies, il est urgent de
développer une culture de l'évaluation au sein des
collectivités territoriales. Au-delà d'un contrôle plus
simple de l'Etat sur leurs dépenses, celle-ci permettrait surtout aux
collectivités territoriales de faire des prospections, et de mieux
gérer leurs budgets, selon une démarche d'autonomie.
L'évaluation devrait être bénéfique tant pour le
secteur économique et financier, que pour le secteur organisationnel et
managérial. Par ailleurs, elle légitimera la place des
collectivités territoriales, comme correspondantes
privilégiées de l'Etat (B).
B. Une légitimation du dialogue entre
l'Etat et les collectivités territoriales par l'auto-évaluation
Pour le Sénat, « l'évaluation constitue
une des conditions d'une décentralisation achevée
»147, mais sa mise en oeuvre rencontre des
difficultés, qu'il faut surpasser, en clarifiant la notion
d'évaluation. Dès lors, sa définition est donnée
par le décret du 18 novembre 1998 qui dispose que «
l'évaluation d'une politique publique consiste à comparer ses
résultats aux moyens qu'elle met en oeuvre, qu'ils soient juridiques,
administratifs ou financiers, et aux objectifs initialement fixés. Elle
se distingue du contrôle et du travail d'inspection en ce qu'elle doit
aboutir à un jugement partagé sur l'efficacité de
147 Joël BOURDIN, Pierre ANDRÉ, Jean-Pierre PLANCADE,
fait au nom de la délégation du Sénat pour la
planification, « Placer l'évaluation des politiques publiques au
coeur de la réforme de l'Etat », Rapport d'information n° 392
(20032004), déposé le 30 juin 2004
63
cette politique et non à la simple
vérification du respect de normes administratives ou techniques.
»148
En ce sens, il convient de distinguer l'évaluation
nationale des politiques publiques, de l'évaluation locale. A priori,
ces politiques sont astreintes à la culture de l'évaluation quand
elles intègrent des programmes structurels européens et
bénéficient de cofinancements. C'est ainsi que les contrats de
plan Etat-région font l'objet d'évaluations.
D'ailleurs, la loi du 27 février 2002 relative à
la démocratie de proximité149 autorise la
création de missions d'information et d'évaluation au sein des
assemblées délibérantes des communes de 50.000 habitants
et plus, ainsi que dans les conseils généraux et
régionaux. Ces missions sont chargées de recueillir des
éléments d'information sur une question d'intérêt
local ou de procéder à l'évaluation d'un service public
local. Une solution idéale serait de leur donner le droit de piloter
l'évaluation des politiques publiques locales.
Selon la loi sur les responsabilités locales, «
une plus large décentralisation doit s'accompagner d'une bonne
connaissance et d'une évaluation des politiques publiques locales dans
le double souci de favoriser une utilisation optimale des deniers publics et
d'améliorer le service rendu à la population. »150
Il convient donc de développer une évaluation
des politiques publiques résultant des compétences
décentralisées. Pour Michel BASSET, il faut « adapter
les politiques aux ressources disponibles et 1...] veiller à
l'efficience du service public, mais aussi 1...] développer des
stratégies mieux ancrées dans les réalités, 1...]
anticiper les changements par des approches prospectives, 1...] éclairer
les décisions par des évaluations qui aident à
réinterroger les objectifs et les modes d'intervention de l'action
publique »151.
Dans cet optique, chaque année, la chambre
régionale des comptes établit un rapport annuel d'activité
qui porte sur la régularité des actes de gestion,
l'économie des moyens mis en oeuvre, et l'évaluation des
résultats atteints par rapport aux objectifs fixés. Ces
éléments, posés par l'article L211-8 du Code des
juridictions administratives sont troublants car ils semblent reposer sur la
logique de la LOLF, insérant les notions de « résultats
», et « d'objectifs ».
Toutefois, ils s'en distinguent en ce que la chambre ne rend
que des avis, et n'exerce pas de contrôle juridictionnel relatif à
ces politiques publiques.
Pour que son utilité soit renforcée,
l'évaluation des politiques publiques doit reposer sur un dialogue entre
l'Etat et les collectivités territoriales. Celui-ci permettra
d'interroger la pertinence de certains indicateurs lors de la mise en place de
politiques publiques liées à des décisions de
décentralisation. L'évaluation apparait alors comme un levier de
mobilisation partenariale.
En termes de finances, elle trouve tout à fait à
s'appliquer. Pour l'heure, elle repose surtout sur des prévisions, mais
comme le démontre la Cour des comptes, le dispositif devrait être
stabilisé par une évaluation ex-post. Ainsi, elle
considère que « l'évaluation a posteriori de l'effet des
revalorisations des minimas sociaux, et particulièrement du RSA,
permettrait de fiabiliser les chiffrages des
148 Décret n°98-1048 du 18 novembre 1998 relatif
à l'évaluation des politiques publiques
149 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative
à la démocratie de proximité
150 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales
151 Michel BASSET, président de la
Société française de l'évaluation, consultant en
stratégie publique et professeur associé à l'IEP de Lyon,
« L'évaluation au service du pilotage des politiques publiques
locales », 28 septembre 2017
64
administrations centrales. »152 Une
telle méthode faciliterait donc la fixation du montant de la
compensation financière allouée aux départements.
Selon les recommandations de la Cour, l'évaluation doit
également permettre de se concentrer sur la structuration de la gestion
publique locale, avec les apports de l'intercommunalité et des
démarches de mutualisation, qui permettent une mise en commun des moyens
financiers.
En plus de clarifier les rôles de chacun,
l'évaluation doit permettre d'apaiser les relations financières
entre l'Etat et les collectivités territoriales en se fondant sur les
principes de confiance, d'innovation et de solidarité.
Pour certains auteurs, elle pourra, à terme, permettre
aux collectivités territoriales d'acquérir une réelle
indépendance vis-à-vis de l'Etat qui passera par une
reconnaissance de leur autonomie fiscale. Les rapporteurs du Conseil
constitutionnel eux-mêmes ont pu préconiser l'insertion de cette
notion au sein de la Constitution, aux côtés de l'autonomie
financière153. Une question se pose alors :
l'évolution des relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales tend elle vers une reconnaissance de
l'autonomie fiscale des secondes ?
Pour apprécier l'opportunité d'une telle
reconnaissance aux collectivités territoriales françaises, il
convient d'analyser les conséquences d'un tel choix au sein des autres
pays membres de l'Union européenne (II).
II. L'opportunité de l'attribution d'une
autonomie fiscale aux collectivités
territoriales françaises : analyse comparative
au niveau européen
En France, il n'existe pas d'autonomie fiscale, elle n'est que
financière. Pourtant, certains pays européens ont fait le pari de
doter leurs collectivités locales de la première. Il convient
d'étudier l'apport de ce phénomène (A), pour savoir s'il
est opportun de l'appliquer au système juridique et financier
français (B).
A. Une autonomie fiscale reconnue pour certaines
collectivités locales européennes
Pour le professeur BOUVIER, « l'impôt est
source et symbole du pouvoir (...) c'est pourquoi il n'est pas, d'une
manière générale, de pouvoir politique autonome sans
pouvoir fiscal. »154
En France, le pouvoir politique appartient à l'Etat. De
même, les collectivités territoriales ne disposent pas de pouvoir
fiscal, quand bien même elles détiennent une forme d'autonomie
financière. La situation diffère dans les autres pays
européens.
Effectivement, si la Charte de l'autonomie
locale155 a tenté de créer un cadre juridique commun
de l'autonomie locale, les disparités entre les pays européens
persistent. D'ailleurs, l'Allemagne a exclu
152 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019,
Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la gestion
des collectivités territoriales et de leurs établissements
publics septembre 2019, page 63
153 Pierre DE MONTALIVET, « QPC et droit des
collectivités territoriales », AIDA, 2016, p. 586
154 Michel BOUVIER., Finances locales, LGDJ, 10
éd., 2004, p. 30
155 Charte européenne de l'autonomie locale, 15 octobre
1985
65
son application de ses Länders en retenant sa dimension
locale. De la même façon, l'Espagne a pu estimer qu'elle n'avait
pas vocation à s'appliquer à ses communautés autonomes.
En son deuxième article, cette Charte énonce que
« le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la
législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.
» Elle précise ensuite que cette autonomie doit être
entendue comme « le droit et la capacité effective pour les
collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre
de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs
populations, une part importante des affaires publiques
»156.
Ainsi, elle vise l'autonomie politique, administrative, et
financière des collectivités territoriales. Cependant, elle
n'impose aucun modèle et exige seulement que les collectivités
disposent d'une ressource fiscale dont elles peuvent fixer le taux. Pour
honorer ce volet financier, certains Etats, comme l'Espagne ou la Suède,
ont accordé un pouvoir fiscal à leurs collectivités
locales.
Par exemple, en Suède, il existe « un pouvoir
central très fort, un échelon régional faible et un
pouvoir local très fort »157. Les dotations et
subventions accordées aux collectivités locales ne
représentent que 32% de leurs recettes. La part restante repose sur les
taxes locales, dont un impôt local sur le revenu.
Par ailleurs, en Italie, l'article 119 de la Constitution
prévoit un large pouvoir fiscal des collectivités territoriales
qui « établissent et appliquent des impôts et des
recettes propres, en harmonie avec la Constitution et selon les principes de
coordination des finances publiques et du système fiscal
»158.
Cependant, ce pouvoir est subordonné à
l'adoption des grandes lignes du système fiscal par le
législateur, comme a pu le rappeler le juge constitutionnel. Cette
condition est fixée selon un objectif de coordination des finances
publiques. De la même façon, en Espagne, les communautés
autonomes peuvent créer un impôt « propre »
s'il concerne un domaine qui n'appartient pas à celui de la
fiscalité nationale. De plus, le Pays Basque et le Royaume de Navarre
disposent de la possibilité de collecter tous les impôts sur leurs
territoires, et en reversent une partie à l'Etat.
Comme le démontre le Professeur STANKIEWICZ, dans ces
pays, les régions revendiquent un « PIB régional
» et une « part de fiscalité [...] globale ou
nationale »159. Cela s'explique parce que les impôts
sur le revenu des personnes, et sur les bénéfices des
sociétés y sont d'importantes recettes fiscales.
L'un des bienfaits de cette autonomie fiscale est
rappelé par l'OCDE160. Il s'agit d'une neutralisation des
dépenses publiques, et d'une fiscalité excessive. Ainsi, les
collectivités locales peuvent utiliser leurs recettes fiscales pour
couvrir leurs dépenses. Selon les règles de la
proportionnalité, elles dépendent donc moins des dotations de
l'Etat et disposent de plus amples marges de manoeuvre financière.
Toutefois, l'analyse de ces exemples révèle
également les dysfonctionnements de cette autonomie fiscale. D'abord,
elle peut induire une « érosion de la base d'imposition
», et une complexification du système d'imposition. Ensuite,
le constat est surtout celui d'une absence de « variations
significatives des taux d'imposition entre collectivités territoriales
», ce qui peut s'expliquer par une
156 Article 3 de la Charte de l'autonomie locale
157 Pascale TESSIER, « Finances locales en Europe :
Autonomie financière en Finlande et Suède : le socle, c'est la
confiance », La Gazette des communes, 18 juin 2019
158 Constitution de la République italienne,
Deuxième Partie « Organisation de la République »,
Titre V « Les régions, les provinces et les communes »
159 Lukas STANKIEWICZ, Allocataire de recherche moniteur
Université Jean Moulin Lyon 3, CERFF, « L'autonomie
financière locale en Europe », Le Lamy Collectivités
territoriales (n°11), 2006
160 OCDE, « Relations financières entre l'État
et les collectivités territoriales », 2003, p. 173-193.
66
réduction des concours financiers de l'Etat
parallèlement à une réduction des taux de la
fiscalité propre par les collectivités territoriales.
De plus, les « coparticipations » constituent, pour
certains, comme le professeur STANKIEWICZ, des dotations
déguisées, « une forme de fausse autonomie fiscale
»161.
Parallèlement, les contrôles administratifs sont
remplacés par des règles budgétaires plus contraignantes,
qui peuvent prendre la forme d'un plafonnement du solde budgétaire
général. C'est notamment le cas en Belgique.
Dans les faits, l'autonomie fiscale peut prendre plusieurs
formes. Le professeur ORSONI distingue ainsi « l'autonomie
fiscale-ressources » de « l'autonomie fiscale-pouvoir
»162.
La première correspond à la capacité
donnée aux collectivités locales de fixer le taux et la base
d'imposition des recettes fiscales dont elles bénéficient, tandis
que la seconde correspond au pouvoir normatif qui leur est donné pour
créer des impôts locaux. Elle tend vers le pouvoir politique
évoqué par Michel BOUVIER.
A la lecture de ces exemples, une question se pose :
l'autonomie fiscale-ressources de la France peut-elle tendre vers une autonomie
fiscale-pouvoir ? En d'autres termes, il convient de savoir s'il est
envisageable d'accorder un pouvoir fiscal aux collectivités
territoriales françaises. En réalité, il s'avère
que cette solution parait impossible, au vu de la structure des relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales
(B).
B. L'impossible reconnaissance de l'autonomie
fiscale des collectivités territoriales en France
Le professeur KADA considère que « l'autonomie
fiscale des collectivités [est] très limitée, voire
inexistante. »163 Selon lui, c'est même ce qui
explique qu'elles soient si dépendantes des bons vouloirs de l'Etat,
notamment en matière de calcul de la dotation globale de fonctionnement,
ou d'attribution d'une part de recette fiscale plus dynamique.
En effet, elles peuvent recourir à l'impôt pour
financer leurs dépenses mais leur pouvoir fiscal n'est pas un pouvoir
normatif. En ce sens, elles ne peuvent « ni créer, ni modifier,
ni supprimer un impôt »164.
Ainsi, le Conseil constitutionnel l'a rappelé plusieurs
fois : « il ne résulte ni de l'article 72-2 de la Constitution
ni d'aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités
territoriales bénéficient d'une autonomie fiscale.
»165
Pour certains, pour les doter d'une autonomie fiscale
réelle, il n'y a que deux solutions fondées sur les
modèles européens : des transferts financiers issus du budget de
l'Etat, comme aux Pays-Bas ; ou un partage de divers impôts d'Etat comme
en Italie, en Espagne ou en Pologne. En France, il
161 Revue Le Lamy Collectivités territoriales, N° 11, 1er
mars 2006 - L'autonomie financière locale en Europ
162 Gilbert ORSONI, « Autonomies financières et
fiscales, Brèves réflexions à partir des exemples espagnol
et italien », RFFP (n° 80), décembre 2002, p. 106
163 Nicolas KADA, Professeur agrégé de droit
public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE (GIS
université Paris-I, « Etat et collectivités territoriales :
(petite) cuisine et (grandes) dépendances », AIDA 2019, p.
2423
164 Michel BOUVIER, Professeur à l'Université Paris
I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue Française de Finances
Publiques, « Le Conseil constitutionnel et l'autonomie financière
des collectivités territoriales : du quiproquo à la clarification
», Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel (n°33),
octobre 2013
165 Conseil constitutionnel, décision n°2009-599 DC,
29 décembre 2009
67
semble qu'un mélange des deux modèles ait
été retenu. Par exemple, le Fonds de compensation de la taxe sur
la valeur ajoutée est un prélèvement sur les recettes de
l'Etat constituant la principale aide aux collectivités territoriales en
matière d'investissement, qui grève le budget du premier.
Néanmoins, comme la TVA représente une des recettes fiscales
majeures de l'Etat, il est légitime de considérer qu'il s'agit
là d'un partage entre l'Etat et les collectivités locales.
En 2018, et pour aller plus loin, l'Assemblée nationale
recommandait d'inscrire le principe d'autonomie fiscale dans la Constitution
afin de limiter le processus de « centralisation nationalisation
» de la fiscalité locale166.
De la même façon, la Cour des comptes, au sein de
sa mission flash sur l'autonomie financière des collectivités
territoriales, a proposé de la consacrer « aux
côtés de l'autonomie financière », et «
de prévoir l'adoption d'une loi annuelle de financement des
collectivités territoriales »167. Dès lors,
une loi pourrait déterminer la part minimale des ressources de chaque
catégorie de collectivités qui devra être composée
de recettes fiscales. Les collectivités pourront ensuite en fixer
l'assiette, le taux, et le tarif, mais il existera toujours une limite
législative.
Une telle configuration permettrait aux communes,
désormais seules détentrices de la clause générale
de compétence, d'intervenir réellement dans tout domaine qui
intéresserait leurs territoires. Elle faciliterait également le
lien de la collectivité avec les citoyens locaux, et le
développement de l'idée de démocratie locale.
Selon Michel BOUVIER, il faut surtout s'interroger sur la
« possible dissociation entre autonomie de gestion et autonomie
fiscale », de même qu'il convient de différencier
autonomie de gestion financière et autonomie de décision
fiscale.
D'après ce même auteur, le pouvoir fiscal local a
progressivement disparu à partir des années 1970,
parallèlement aux décisions de dégrèvements ou
d'exonérations prises par l'Etat, qui a alors procédé
à de plus en plus de compensations, devenues petit à petit des
sortes de dotations. Par exemple, la loi de finances pour 2004 a
intégré nombre de compensations fiscales au sein de la dotation
globale de fonctionnement.
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs renforcé ces
mécanismes en n'y apportant que trop peu de limites. Ainsi, au sein
d'une décision de décembre 1998, il a estimé «
qu'en contrepartie de la suppression progressive de la part salariale de
l'assiette de la taxe professionnelle, la loi institue une compensation dont le
montant, égal, en 1999, à la perte de recettes pour chaque
collectivité locale, sera indexé par la suite sur le taux
d'évolution de la dotation globale de fonctionnement, avant d'être
intégré dans cette dernière à partir de 2004
»168. Cela étant posé, il estime que cette
loi n'a pas pour effet de diminuer les ressources globales des
collectivités locales, ni de restreindre leurs ressources fiscales au
point d'entraver leur libre administration.
166 Alain RICHARD, Dominique BUR, « Sur les
conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation
», rapport d'information n° 1258 sur le suivi des travaux de la
mission sur les relations financières État-collectivités
territoriales et la refonte de la fiscalité locale, 9 mai 2018
167 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p.
25
168 Conseil constitutionnel, décision n° 98-405 DC,
Loi de finances initiale pour 1999, 29 décembre 1998
En ce sens, l'Etat a pu paraitre devenir le premier
contribuable local. Pour le professeur BOUVIER, il y a, en
réalité, eu une « substitution progressive du
contribuable national au contribuable local »169.
Aujourd'hui, le système fiscal français repose
sur un partage des recettes fiscales entre collectivités, mais aussi
entre l'Etat et les collectivités territoriales. Celles-ci semblent
dotées d'une autonomie de gestion assortie d'une autonomie fiscale
limitée.
Pourtant, ce modèle peut être rapproché
des modèles européens précités. A terme, les
collectivités territoriales pourraient enfin se voir attribuer une
« autonomie fiscale-pouvoir », mais le chemin semble encore
long, puisqu'il faudra avant tout passer par une révision
constitutionnelle.
Effectivement, les solutions proposées par la Cour des
comptes nécessitent toutes une modification de la Constitution
grâce à laquelle la distinction entre autonomie financière
et autonomie fiscale serait faite.
Ce principe posé, les relations financières
entre l'Etat et les collectivités territoriales
bénéficieraient sûrement d'un apaisement dû à
la clarification et à la redéfinition des risques de chacun. En
effet, les collectivités territoriales, dans ce cadre, pourraient
gérer elles-mêmes les fluctuations de leur déficit
public.
Cependant, comme au sein des autres pays européens, il
est également possible qu'une telle reconnaissance implique des
réductions des concours financiers de l'Etat, ainsi qu'une
érosion de la base d'imposition.
Les relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales doivent être transformées. Pour
cela, plusieurs solutions sont à leur disposition. La plus simple
à mettre en oeuvre sera évidemment l'instauration d'un dialogue
grâce auquel chacun pourra exprimer ses besoins, ainsi que ses attentes.
A partir de celui-ci, ils pourront agir selon un objectif de
coopération, qui pourra, à terme, se transformer en objectif de
collaboration. Pour atteindre ce dernier, il parait nécessaire
d'octroyer un pouvoir fiscal plus conséquent aux collectivités
territoriales. Or, une telle possibilité ne devra se fonder que sur une
révision de la Constitution de 1958.
68
169 Michel BOUVIER, Professeur à l'Université Paris
I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue Française de Finances
Publiques, « Le Conseil constitutionnel et l'autonomie financière
des collectivités territoriales : du quiproquo à la clarification
», Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel (n°33),
octobre 2013
69
Conclusion
Les relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales sont aujourd'hui
déséquilibrées, et cela peut s'expliquer par une
redéfinition constante du fondement de la décentralisation tel
qu'entendu dans les années 1980.
Alors que les collectivités territoriales revendiquent
leur besoin d'autonomie financière ou fiscale, l'Etat apparait de plus
de plus centralisateur, et semble recentrer ses compétences,
parallèlement à l'instauration d'un contrôle de plus en
plus fort sur les collectivités territoriales.
Certains présagent même la fin de la politique de
décentralisation, et une recentralisation des compétences.
D'autres iront plus loin encore en proclamant que la décentralisation
est un mythe, et qu'en réalité, l'Etat n'a jamais totalement
disparu des politiques publiques locales.
En effet, la frontière entre les domaines où il
intervient et ceux où il ne fait rien apparait fragilisée,
puisqu'il est omniprésent. Politiques de nationalisation, de
privatisation, ou encore actionnariat public, sont les nouveaux chevaux de
guerre de l'Etat français.
Outre son caractère de contribuable, certains oseront
même se demander si l'Etat est un actionnaire comme les autres, voire un
redevable comme les autres.
Il faut entendre que la réalité de telles
affirmations remettrait en cause les fondements des relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Aussi, et afin d'éviter tout débordement, l'heure est à la
reconnaissance de droits et de pouvoirs supplémentaires pour les
collectivités territoriales.
70
Bibliographie
Ouvrages
Michel BOUVIER., Finances locales, LGDJ, 10e
édition, 2004, 220 pages Michel BOUVIER, Les finances locales,
LGDJ, 17e édition, 2018, 286 pages
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Presses
Universitaires de France-PUF, 11e édition, 2016, 1101 pages
Philippe LORINO, Méthodes et pratiques de la
performance, Edition d'organisation, 3e édition, 2003, 520 pages
Jacques MOREAU, Administration régionale,
départementale et municipale, Dalloz, 1999, 242 pages
Rapports officiels
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financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, Jaune
Budgétaire
Alain RICHARD, Dominique BUR, « Sur les
conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation
», rapport d'information n° 1258 sur le suivi des travaux de la
mission sur les relations financières État-collectivités
territoriales et la refonte de la fiscalité locale, 9 mai 2018
Jean-Pierre BALLIGAND et Marc LAFFINEUR, membres de la
Commission des finances, de l'économie générale, et du
contrôle budgétaire, Rapport d'information déposé en
application de l'article 145 du règlement relatif aux relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, 21
juillet 2009
Joël BOURDIN, Pierre ANDRÉ, Jean-Pierre PLANCADE,
fait au nom de la délégation du Sénat pour la
planification, « Placer l'évaluation des politiques publiques au
coeur de la réforme de l'Etat », Rapport d'information n° 392
(2003-2004), déposé le 30 juin 2004
Pascal CLEMENT, rapporteur au nom de la commission des Lois
sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République, Rapport n°376, XIIe
législature
Cour des comptes, « L'Etat actionnaire », Rapport
thématique, janvier 2017
Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019,
Fascicule 1 », Rapport sur la situation financière et la gestion
des collectivités territoriales et de leurs établissements
publics, juin 2019
Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019,
Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière
et la gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019
FONDAFIP, « Sept questions préalables à la
conception d'un nouvelle gouvernance financière locale »,
décembre 2008
Groupe de travail président par Alan LAMBERT, «
Les relations entre l'État et les collectivités locales »,
décembre 2007
71
Loïc HERVE, « Relations avec les
collectivités territoriales », Avis au nom de la commission des
lois sur le projet de loi de finances pour 2018, Sénat, session
2017-2018, n° 114, tome XII
Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018
Alain LAMBERT, Yves DÉTRAIGNE, Jacques MÉZARD et
Bruno SIDO, Rapport d'information n° 495 fait au nom de la
délégation aux collectivités territoriales et à la
décentralisation sur la mutualisation des moyens des
collectivités territoriales, 2009 - 2010
Ministère du budget, des comptes publics, et de la
réforme de l'Etat, « Les produits financiers offerts aux
collectivités locales et à leurs établissements publics
», instruction N° 10-019-M0, 3 août 2010
OCDE, « Relations financières entre l'État
et les collectivités territoriales », 2003, p. 173-193.
Alain RICHARD, Dominique BUR, « Sur les
conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation
», rapport d'information n° 1258 sur le suivi des travaux de la
mission sur les relations financières État-collectivités
territoriales et la refonte de la fiscalité locale, 9 mai 2018
Sénat, « Les dispositions relatives aux
collectivités territoriales dans la loi de finances pour 2010 et la loi
de finances rectificative pour 2009 - tome I »
Articles
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française de l'évaluation, consultant en stratégie
publique et professeur associé à l'IEP de Lyon, «
L'évaluation au service du pilotage des politiques publiques locales
», 28 septembre 2017
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collectivités : ce que prévoit le gouvernement »,
Localtis - La Banque des territoires, 9 octobre 2017
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l'IEP Paris, « L'autonomie financière des collectivités
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(n°11), 2009, p. 838
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I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue Française de Finances
Publiques, « Le Conseil constitutionnel et l'autonomie financière
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revendication politique ou principe constitutionnel ? », Petites
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parti socialiste aux nouvelles solidarités, et à l'innovation
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un piège financier », Petites affiches (n°132), 2016,
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Universalis, « Phénix, mythologie »,
Encyclopoedia Universalis
Franck WASERMAN, Professeur de droit public et Doyen du
département de droit à l'Université du Littoral
Côté d'Opale, « Contractualisation financière et libre
administration des collectivités territoriales »,
Constitutions, 2018, p. 271
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1958 Constitution de la République italienne, 27 décembre 1947
Ø Conventions et Traités internationaux
Charte européenne de l'autonomie locale, 15 octobre 1985
Directive n°2014/40/UE sur les produits du tabac, 20 mai 2016
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 25 mars
1957
Ø Textes à valeur législative
Code général des collectivités
territoriales
Code de la commande publique
Code civil
Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la
coopération
74
Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement
de la fiscalité directe locale
Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire
Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux
lois de finance
Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à
la démocratie de proximité
Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative
à l'organisation décentralisée de la
République
Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en
application de l'article 72-2 de la Constitution
relative à l'autonomie financière des
collectivités territoriales (1)
Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme
de l'hôpital et relative aux patients
Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de
réforme des collectivités territoriale
Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011
Loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant le
Gouvernement à adopter des mesures de nature
législative pour accélérer les projets de
construction
Loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et
de régulation des activités bancaires
Loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création
d'un Conseil national d'évaluation des normes
applicables aux collectivités territoriales et à
leurs établissements publics
Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finance pour
2014
Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de
l'action publique territoriale et d'affirmation
des métropoles
Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de
programmation des finances publiques pour les années
2014 à 2019
Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la
délimitation des régions, aux élections régionales
et
départementales et modifiant le calendrier
électoral
Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle
organisation territoriale de la République
Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des
finances publiques pour les années 2018
à 2022
Ø Textes réglementaires
Circulaire n° 2003-134 du 8 septembre 2003
Circulaire interministérielle n° NOR IOCB1015077C
du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux
collectivités territoriales et à leurs établissements
publics
Décret n°98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à
l'évaluation des politiques publiques
Décret n° 2014-444 du 29 avril 2014 relatif au
fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains
établissements publics ayant souscrit des contrats de prêts ou des
contrats financiers structurés à risque
Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la
maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact
Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de
continuité budgétaire, financière et fiscale des
collectivités territoriales et des établissements publics locaux
afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de
covid-19
Sites internet
Alliance coopérative internationale :
https://www.ica.coop/fr
Centre national de ressources textuelles et lexicales :
https://www.cnrtl.fr/
75
Commissariat général à
l'égalité des territoires : https://www.cget.gouv.fr/
Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/
Forum de la performance :
https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/
Page du Conseil constitutionnel :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/
Page du Conseil d'Etat : https://www.conseil-etat.fr/
Portail de l'Etat au service des collectivités :
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/
76
Index des décisions
Arrêts du Conseil d'Etat
Conseil d'Etat, Assemblée, 8 janvier 1988, «
Ministre chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire /
Communauté Urbaine de Strasbourg », n°74361, publié au
recueil Lebon p. 3, conclusions M. DAËL ; AJDA 1988, p. 137 ;
chron. AZIBERT et DE BOISDEFFRE, RFDA 1988, p. 25 ; Rev. adm.
1988, p. 146, note TERNEYRE ; JCP 1988, p. 21084, note Drago
4 V. également :
CE 14 mars 1997, req. N°119055 ; CAA Lyon, 12 juillet 2001, Amaury
Nardone, req. n°00LY02426, RFDA 2002, p.735, conclusions BOURRACHOT ; CE,
sect., 11 juill. 2011, Gilles, req. N°339409, Rev. CMP 2011
(n°300)
Conseil d'Etat, 13 janvier 1988, « Mutuelle
générale des personnels des collectivités locales et de
leurs établissements », n°68166, publié au recueil
Lebon p. 6, conclusions M. Roux, chron. AZIBERT et DE BOISDEFFRE,
1988, p. 142
4 V. également :
CE 25 avr. 1984, Commissaire de la République du Val d'Oise c. Commune
de Sarcelle, Lebon 517. - 30 janvier 1987, Commissaire de la République
d'Ille-et-Vilaine c. Commune de Rheu, Lebon 630
Conseil d'Etat, 27 mai 1994, « Braun - Ortega et Buisson
et autres », n° 112026, publié au recueil Lebon p. 264, AJDA
1994, p. 658 ; RFDA 1994, p. 832
4 V. également :
TA de Papeete, 10 octobre 1989, Braun-Ortega et autres ; TA Marseille 20 oct.
1989, Brun et autres c/ Commune de Carpentras, Lebon T. 670, Rev. Trésor
1991, p. 157 ; CE 9 juillet 1997, req. N°103273, Commune de
Garges-lès-Gonnesse : Rec. Lebon p. 297 ; Ann. coll. loc. 1998, p. 274 ;
D. 1997. IR. 197 ; Dr. adm. 1997, n°351, p. 19 ; CE 16 mars 2001, Cne de
Rennes-les-Bains, n°160257: Rev. Trésor 2001, P.648; Coll. terr.
2001, n°166; RFDA 2001. 759
Conseil d'État, 4e et 1ère
sous-sections réunies, 1er avril 1996, «
Département de la Loire », n°141958, publié au recueil
Lebon p. 110, Laetitia JANICOT, « Le pouvoir normatif des régions
», RFDA 2016, p. 664
Conseil d'Etat, 9e et 8e sous-sections
réunies, 28 mai 1997, « Commune de la Courneuve », n°
163508
Conseil d'Etat, 6e et 4e sous-sections
réunies, 12 février 2003, « Ministère de
l'Economie, des Finances, et de l'Industrie », n° 234917,
publié au recueil Lebon 2004 ; Michel LASCOMBE - Xavier VANDENDRIESSCHE,
« Chronique de droit public financier », RFDA 2004, p.
820
4 V. également :
CE, ass., 11 juill. 2008, req. N°287354, Société Krupp
Hazemag, Lebon 273, concl. DACOSTA, AJDA 2008, p. 1588, chron. GEFFRAY et
LIEBER, BJCP 2008 (n°61), p. 439, concl. DACOSTA, Dr. adm. 2008. Comm.
137, note Melleray, JCP 2008. I. 191, note PLESSIX, RFDA 2008. 951, concl.,
note PACTEAU, RJEP 2008, (n°658)
Conseil d'Etat, Assemblée, 12 décembre 2003,
« Département des Landes », n°236442, publié au
recueil Lebon p. 502, chron. Francis DONNAT et Didier CASAS, AJDA 2004, p.
195
77
4 V. également :
CJEG 2004. 86, concl. SENERS ; Contrats publics, (n°30), févr.
2004. 50, note PINTAT ; RFDA 2004. 518, concl. SENERS ; RFDA 2004. 525
Conseil d'Etat, Assemblée, Avis sur la
différenciation des compétences des collectivités
territoriales relevant d'une même catégorie et des règles
relatives à l'exercice de ces compétences, n° 393651, 7
décembre 2017 ; Marie-Christine DE MONTECLER, «
Différenciation territoriale : le oui mais du Conseil d'Etat »,
Dalloz Actualité, 6 mars 2018 ; Vincent DE BRIANT, « Le
droit à la différenciation territoriale : entre totems et tabous
», AJCT 2018, p. 233, 22 mai 2018 ; Gilles LE CHATELIER, « La
différenciation entre collectivités territoriales : le Conseil
d'Etat définit la marche à suivre par le gouvernement »,
AJCT 2018, p. 207, 17 avril 2018
Décisions du Conseil constitutionnel
Conseil constitutionnel, décision n° 86-223 DC,
Loi de finances rectificative pour 1986, 29 décembre 1986, J.C.P.
1987.II.20903, note critique, N'Guyen Quoc Vinh ; Jean-Eric SCHOETTL, « La
rétroactivité d'une législation fiscale n'est pas
anticonstitutionnelle », AJDA 1997, p. 969
4 V. également :
décision n° 87-228 DC du 26 juin 1987, RJC I-312 ; et
décision n° 88-250 DC du 29 déc. 1988, ibid., p. 267
Conseil constitutionnel, décision n° 90-277 DC
à propos de la révision des bases locatives, du 25 juillet 1990 ;
Révision générale des évaluations, RFDC 1990. 729,
commentaires L. Favoreu et L. Philip ; RFDA 1991. 345, note J.-C.
DOUENCE
4 V. également :
Cons. const. 24 juill. 1991, no 91-298 < DC > , Loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier, RD publ. 1992. 50, chron.
D. Rousseau ; RFDC 1991. 722, comm. L. Philip., formulation
répétitive que l'on retrouve dans l'essentiel des
décisions du Conseil constitutionnel sur ce sujet)
Conseil constitutionnel, décision n° 91-290 DC, Loi
portant statut de la collectivité territoriale de Corse, 9 mai 1991,
RJC, I, 438 ; RFDA 1991. 407, note B. Genevois ; RDP 1991. 943, note F. LUCAIRE
4 V. également : Cons. const. 8 août
1985, n° 85-196 DC , Nouvelle-Calédonie, Rec. Cons. const., p. 31 ;
AIJC 1988. 415, chron. B. Genevois ; RD publ. 1989. 399, chron. L.
FAVOREU
Conseil constitutionnel, décision n° 98-405 DC,
Loi de finances initiale pour 1999, 29 décembre 1998 ; AJDA 1999, p. 84
; AJDA 1999. 14, note J.-E. SCHOETTL; D. 2000. 54, obs. L. Philip
4 V. également :
98-406 DC, Rec. 326 et 340. - 21 décembre 1999, n°99-422 DC , JO 30
déc., p. 19730. - 29 décembre 1999, n°99-426 DC, JO 31
déc.
Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC,
Loi relative à la Corse, 17 janvier 2002, AJDA 2002, p. 100, note J.-E.
SCHOETTL ; AJDA 2002, p. 465, tribune J.-C. DOUENCE ; D. 2003. Somm. 1124, obs.
X. MAGNON ; JCP 2003
4 V. également :
Cons. const. 28 sept. 2006, n°2006-541 DC, Accord de Londres sur les
brevets européens
Conseil constitutionnel, décision n° 2003-474 DC,
Loi de programme pour l'Outre-mer, 17 juillet 2003, JO 22 juill. ; RD publ.
2003. 1789, note LUCHAIRE ; RFDC 2003. 788, note GUILLAUMONT et 796, note
LAMBERT
78
Conseil constitutionnel, décision n° 2004-490 DC,
Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie
française, 12 février 2004, RFDA 2004. 248, note SCHOETTL
4 V. également : Cons.
const. 3 mars 2005, n°2005-198 ; et décisions n° 2007-559 DC
du 6 décembre 2007
Conseil constitutionnel, décision n° 2004-500 DC,
Loi organique relative à l'autonomie financière des
collectivités territoriales, 29 juillet 2004 ; JCP Adm. 2005. I. 192,
chron. MATHIEU et VERPEAUX, nos 24 et 25 ; D. 2005, p. 1132 ; D. 2005. 1125,
obs. V. OGIER-BERNAUD et C. SEVERINO ; RFDC 2004, p. 798, note PHILIP ; JO 30
juill., p. 13562 ; GDCC, 16e éd., (n°30)
4 V. également : décisions
n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, n° 2001-447 DC du 18
juillet 2001 et n° 2004-500 DC du 29 juillet 2005 et, en particulier, la
décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation
pour la cohésion sociale
Conseil constitutionnel, décision n° 2005-516 DC,
Loi de programmation fixant les orientations de la politique
énergétique, 7 juillet 2005 ; AJDA 2005, p. 1487 ; D.
2006. 826, obs. V. OGIER-BERNAUD et C. SEVERINO ; RFDA 2005, p. 930 ;
JO 14 juill. ; Dr. adm. 2005 (n°114), note R. FRAISSE ; RDP
2006, p. 263, chron. D. ROUSSEAU
4 V. également :
décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, loi de programme sur
l'avenir de l'école
Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC,
Loi de finances pour 2010, 29 décembre 2009 ; AJDA 2010, p.
277, note W. MASTOR ; Dr adm. 2010, comm. 44, note M. BAZEX ; JCP Adm.
2010, (n° 2038), note Ph. BILLET ; RFDA 2010, p. 627, chron.
T. RAMBAUD ; V. A. HASTINGS-MARCHADIER, La péréquation
financière horizontale et la Constitution, AJDA 2013, p.
2294
Conseil constitutionnel, décision n° 2010-618 DC,
Loi de réforme des collectivités territoriales, 9 décembre
2010 ; AJDA 2011, p. 99, note M. VERPEAUX ; AJDA 2011, p.
129, note G. MARCOU ; AJCT 2011, p. 25, obs. J.-D. DREYFUS ;
Constitutions 2011, p. 495, chron. M. LE ROUX
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-148 QPC,
Département des Landes, 8 juillet 2011 ; JO 9 juill. ; AJDA 2011,
p. 2067, note VERPEAUX ; RJEP nov. 2011. 11, note TERNEYRE ; CP
Adm. 2011, (n°2279), note H. PAULIAT ; Dr. adm. 2011 (n°91), note
J.-B. AUBY ; RLCT 2011 (n°72), p. 9, note O. CARTRON et 2012,
(n°75), p. 56, chron. M. VERPEAUX et E. LANDOT ; AJCT 2011, p.
561, note J.-D. DREYFUS
Conseil constitutionnel, décision n°2012-255/265
QPC, Départements de la Seine-Saint-Denis, et du Var, 29 juin 2012 ;
AJDA 2012, p. 1310 ; AJCT 2012, p. 569, obs. E. PECHILLON
Conseil constitutionnel, Décision n° 2013-304 QPC,
Commune de Maing, 26 avril 2013, décision publiée au JO du 28
avril 2013, p. 7400 ; AJDA 2013, p. 884, note J. FIALAIRE ; AJCT
2013, p. 344, obs. G. LE CHATELIER ; Constitutions 2013, p. 397,
chron. P. LUTTON
Conseil constitutionnel, décision n° 2017-758 DC,
Loi de finances pour 2018 28 décembre 2017 ; AJDA 2018, p. 4,
obs. J.-M. PASTOR ; ibid. 720, étude X. CABANNES ; AJCT 2018,
p.32, pratique M. HOUSER ; Constitutions 2018, p. 49 ; LPA 2018
(n° 19), p. 7 ; TUROT J., « Trust et imposition de la fortune :
à la recherche de la capacité contributive »
79
Conseil constitutionnel, décision n° 2017-760 DC, 18
janvier 2018 ; AJDA 2018, p. 132 ; AJCT 2018, p. 32, Pratique
M. HOUSER ; ibid. 720, étude X. CABANNES
V. également : Cons.
const. 26 janv. 2017, n° 2016-745 DC, AJDA 2017, p. 198 ; ou
encore Cons. const. 17 janv. 2013, n° 2012-660 DC, AJDA 2013, p.
141
Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-727 QPC,
Commune de Ploudiry, 13 juillet 2018, AJDA 2018, p. 1472
80
Index
Action extérieure des collectivités
territoriales, 55
Auto-évaluation, 59, 61
Autonomie financière, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17,
19, 66, 67, 68
Autonomie fiscale, 8, 10, 16, 17, 18, 24, 59, 63, 64, 65,
66, 67
Charte européenne de l'autonomie locale, 11
Chef-de-file, 38, 40, 41, 45
Circulaire, 23, 31, 46, 53
Clause générale de compétence, 40, 66
Compétences, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 17, 19, 21, 22,
26, 35, 39, 40, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 52, 53,
56, 57, 58, 59, 62, 68
Compensation financière, 12, 13, 14, 19, 62
Conseil National d'Evaluation des normes, 22, 57
Coopération, 23, 37, 38, 41, 42, 43, 44, 47, 49, 50,
51, 52, 53, 54, 55, 57, 67
Constitution, 7, 10, 12,
|
13,
|
14,
|
15,
|
18,
|
22,
|
33,
|
38,
|
39,
|
40,
|
46,
|
49,
|
57, 63, 64,
|
65,
|
66,
|
67
|
Contractualisation, 29,
|
32,
|
33,
|
34,
|
35,
|
56,
|
57
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Décentralisation, 9, 10,
|
12,
|
35,
|
45,
|
47,
|
48,
|
52,
|
57,
|
59,
|
61,
|
62,
|
68
|
|
|
|
|
Délégation de compétences, 43
Dépenses de fonctionnement, 27, 29, 30, 32, 33, 34,
35, 57
Dépenses d'investissement, 26, 32, 34
Dialogue, 37, 46, 50, 51, 55, 59, 61, 62, 67
Dotations, 12, 14, 17, 26, 27, 35, 64, 65
Emprunt, 21, 29, 30, 31
Etablissements publics de coopération intercommunale
(EPCI) 24, 27, 29, 39, 41, 42, 43, 44, 49
Fiscalité locale, 16, 24, 25
Indivisibilité, 38
Intercommunalité, 42, 63
Intérêt général, 49, 57
Intérêt public local, 57, 58
Libre administration des collectivités territoriales,
12, 13, 33
Objectif d'évolution de la dépense publique
locale, 32, 34
Outre-mer, 49
Péréquation, 26, 27, 28
Performance, 59, 60, 61
Politiques publiques, 22, 38, 46, 51, 53, 55, 57, 59, 61,
62, 68
Pouvoir de gestion, 16, 17, 18, 55, 57
Pouvoir réglementaire, 13, 22
Ressources propres, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
27
Souveraineté, 38, 53
Tutelle budgétaire, 8, 10, 38, 39, 40
81
Table des matières
Remerciements 3
Table des abréviations 4
Sommaire 5
Introduction 6
Titre 1 - Un conflit d'interprétation
caractérisant les relations financières entre l'État et
les collectivités
territoriales 8
Chapitre 1 : Un conflit soulevé par le mythe de
l'autonomie financière des collectivités territoriales
9
Section 1 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales enjolivée 9
I. Une ambiguïté conceptuelle de l'autonomie
financière 9
A. L'assimilation de l'autonomie financière
au concept de ressources propres 10
B. La mesure de l'autonomie financière par le
concept de part déterminante 11
II. Une garantie constitutionnelle apparente de
l'autonomie financière 12
A. L'autonomie financière comme corollaire de
la libre administration des collectivités
territoriales 13
B. L'autonomie financière apparemment
garantie par le principe constitutionnel de
compensation financière 14
Section 2 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales désenchantée 15
I. Une substance fragile de l'autonomie financière
des collectivités territoriales 15
A. L'éclatement progressif du concept de
ressources propres 15
B. L'artificialité dévoilée de
l'autonomie financière à travers la fiscalité locale
16
II. Une portée relative du principe d'autonomie
financière des collectivités territoriales 18
A. L'ineffectivité évidente du principe
d'autonomie financière limité à un pouvoir de gestion
18
B. L'ineffectivité de l'autonomie
financière face à son absence de garantie
constitutionnelle
19
Chapitre 2 : Un conflit alimenté par l'illusion
de relations financières équilibrées entre l'État
et les
collectivités territoriales 21
Section 1 : L'utopie balayée d'une absence de
tutelle de l'État sur les collectivités territoriales
22
I. Une tutelle nécessaire de l'Etat «
normateur » 22
A. La tutelle de l'Etat exprimée à
travers son pouvoir réglementaire 22
B. La tutelle de l'Etat exprimée à
travers son pouvoir fiscal 24
II. La tutelle indirecte de l'Etat passant par ses
dotations 26
A. Un encadrement indirect passant par les dotations
forfaitaires 26
B. Un encadrement direct passant par les dotations
de péréquation 27
Section 2 : L'odyssée malmenée des
collectivités territoriales face aux stratégies et contraintes
de
l'État 29
I. L'amputation des budgets locaux par la maitrise de
l'emprunt 29
A. Le contrôle de l'emprunt des
collectivités territoriales par l'Etat 29
B. La régulation des emprunts des
collectivités territoriales par l'Etat 31
82
II. Une liberté de dépenses entravée
par la contractualisation 32
A. La limitation des dépenses de
fonctionnement par la contractualisation 32
B. Le renforcement de l'objectif d'évolution
de la dépense publique locale par la
contractualisation 34
Titre 2 - Une métamorphose bienvenue des
relations financières entre l'État et les
collectivités
territoriales 37
Chapitre 1 : La nécessaire restructuration des
relations financières des collectivités territoriales
38
Section 1 : Une tentative de restructuration des
relations financières entre les collectivités
territoriales 38
I. Une interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales fragilisée par le
renforcement
de la notion de chef-de-file 38
A. Une fragilisation du principe d'interdiction de
tutelle budgétaire entre les collectivités
territoriales 39
B. Une recherche d'équilibre notion de
chef-de-file et interdiction de tutelle budgétaire
entre collectivités territoriales
40
II. Un lien de coopération entre les
collectivités territoriales à renforcer 42
A. Une coopération institutionnelle
affirmée 42
B. Une coopération de projets à
renforcer 43
Section 2 : Une tentative de suppression du lien de
subordination caractérisant les relations
financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales 46
I. Un accompagnement nécessaire des
collectivités par l'Etat pour donner suite à la
décentralisation 46
A. Une communicabilité entre l'Etat et les
collectivités territoriales à renforcer 46
B. Un rôle d'Etat interventionniste à
limiter 47
II. Une reconnaissance progressive des différences
des collectivités territoriales par l'Etat 49
A. Une différenciation dérogatoire
à valeur constitutionnelle accordée par l'Etat
49
B. Une différenciation générale
des compétences pensée par l'Etat 50
Chapitre 2 : Une coopération financière
entre l'Etat et les collectivités territoriales préconisée
52
Section 1 : Une nécessaire collaboration en
matière financière entre l'Etat et les collectivités
territoriales passant par un renforcement de leur
coopération 53
I. Une coopération financière voulue par
l'Etat et les collectivités territoriales
nécessairement limitée 53
A. Une volonté de coopérer
assumée par l'Etat et les collectivités territoriales
53
B. Une limitation de la coopération nationale
entre l'Etat et les collectivités territoriales par
la coopération internationale
55
II. Un renforcement nécessaire de la
coopération financière entre l'Etat et les
collectivités
territoriales 56
A. Un renforcement de la co-responsabilisation
passant par un accroissement de
l'effectivité du pouvoir de gestion des
collectivités territoriales 57
B. Un partenariat à renforcer selon un
objectif de cohérence des politiques publiques 58
Section 2 : Une nécessaire transformation des
rôles de l'Etat et des collectivités territoriales en
matière financière 60
83
I. Le passage essentiel d'un contrôle de l'Etat
à une auto-évaluation des collectivités
territoriales 60
A. Une intégration subtile de la notion
étatique de performance sur les budgets locaux 61
B. Une légitimation du dialogue entre l'Etat
et les collectivités territoriales par l'auto-
évaluation 62
II. L'opportunité de l'attribution d'une
autonomie fiscale aux collectivités territoriales
françaises : analyse comparative au niveau
européen 64
A. Une autonomie fiscale reconnue pour certaines
collectivités locales européennes 64
B. L'impossible reconnaissance de l'autonomie
fiscale des collectivités territoriales en
France 66
Conclusion 69
Bibliographie 70
Index des décisions 76
Index 80
Table des matières 81
Annexes 84
Annexes
84
Annexe 1. Carte de l'intercommunalité à
fiscalité propre au 1er janvier 2020
85
Annexe 1. Carte de l'intercommunalité à
fiscalité propre au 1er janvier 2020
86
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