De l'autocensure dans le traitement des informations politiques, cas de la radio et télévision héritage( Télécharger le fichier original )par Patient Mbuyi Lukusa Université de Lubumbashi - Graduat en Sciences de l'Information et de la Communication 0000 |
1.1.3. THEORIE DE LA CENSURE20Nous avons préféré parler de la théorie de la censure à la place da l'autocensure parce que c'est la censure qui a créé l'autocensure. Lorsqu'on aborde la notion de la censure dans l'histoire même du terme, à travers ses pratiques dans la culture occidentale ainsi qu'à travers les théorisations que les sciences en ont fait, on est frappé par le caractère à la fois bénéfique et inévitable de la censure d'une part, par les conséquences désastreuses qu'elle peut entrainer de l'autre. Le terme censure (du latin censura) recouvre comme tout comme « censeur » (censor), un sens administratif et un sens figuré. Les fonctionnaires romains désignés comme censeurs étaient chargés de contrôler les bénéfices et les pertes des citoyens, lais veillaient également sur les moeurs et l'éducation des enfants. En tant que peine ecclésiastique, la censure consistait en effet en l'action de reprendre, de critiquer les paroles, les actions des autres. L'histoire de la censure en occident apparait donc d'emblée liée aux régimes politiques des Etats et aux pouvoirs religieux en place. 20Cfr. http://www.google.com/search/théorie de la censure/ (page consultée le 3 février 2015) [26] Or la censure s'est déclinée bien avant l'antiquité à travers des interdits bibliques, consignés dans le livre de Lévitique dès le VIème siècle avant Jésus Christ et visant à protéger les fidèles dans une période de troubles politiques et à rebâtir une solidarité. Synonyme d'interdit et de blâme, le censure s'installe ainsi depuis la nuit de notre judéo-chrétienne comme un facteur d'ordre et de stabilité sociale. Après avoir condamné Anaxagore et Protagoras pour délit d'opinions, la Grèce antique oblige Socrate à se donner la mort en raison de son indépendance d'esprit jugée dangereuse pour la société athénienne de son temps (IVème siècle avant Jésus Christ). Et Platon, dans « la République » prône la censure de la poésie - lieu de mensonges- et des poètes -faiseurs de fables - « qui donnent de mauvais exemples aux jeunes. On ne gardera que la poésie qui imitera le bien ». C'est avec Constantin Ier le Grand que le régime de la censure religieuse s'installe dans l'Empire Romain, renforcé ensuite par Théodose Ier et, surtout, par l'instauration de l'inquisition, à partir du XIIIe siècle de notre ère. Les temps modernes verront dans la censure non plus un moyen de protéger l'ordre social et les bonnes moeurs, mais essentiellement un phénomène de répression donc négatif : L'aliénation des libertés de tous les ordres et l'instrument - l'excroissance monstrueuse - des régimes politiques totalitaires susceptibles d'entrainer les pires abus. Précédant de peu la réforme protestante et la naissance de premiers états-nations, l'invention de l'imprimerie avait permis une plus large diffusion des textes écrits et partant, des idées potentiellement dangereuses pour les régimes politiques en place comme pour les intérêts de l'église. La censure de la presse, des oeuvres littéraires et des arts en général, sera vécue alors comme une usurpation de la liberté d'expression contre laquelle les démocraties contemporaines ne cesseront de combattre. Du contrôle de la parole écrite à celui de la parole dite, et à celui du corps (dans les arts du spectacle, notamment), la censure des productions esthétiques se traduit aujourd'hui également à travers le contrôle des médias et de la publicité. [27] Depuis les événements du 11 septembre 2001, l'actualité foisonne de phénomènes de la censure et de l'autocensure dans les manifestations culturelles (représentations théâtrales supprimées, des fêtes populaires amputées de tout élément susceptible d'engendrer des réactions de violence publique ...). Mais il y a pire, car le blâme et l'interdit peuvent pénétrer le domaine du privé, engendrer des processus de censure et d'autocensure, de « nouvelles machines de l'âme » (Kristeva, 1993) et des troubles de l'identité - les paradigmes du sexe et du genre n'ont pas fini d'être explorés. Or, parallèlement aux combats qu'elle suscite - autant de la part des censeurs que celle des censurés -, la censure - l'interdit, la loi - entraine immanquablement la transgression : en dressent scrupuleusement l'inventaire des péchés, la bible étale par la même occasion la panoplie de nos tentations et de nos désirs. Du meurtre aux pratiques sexuelles non conformes au principe de la reproduction de l'espèce, de l'être humain ne cesse d'enfreindre les codes socioculturels, de créer le désordre, de frôler le chaos. Les sciences humaines et sociales (anthropologie, sociologie, psychanalyse...) se sont depuis toujours intéressées aux processus de censure et de transgression de la loi. Repérable à travers de multiples pratiques, la notion de la censure est au coeur de la théorie freudienne de l'interprétation des rêves et par les mécanismes même qu'elle exploite (condensation, déplacement, symbolisation), elle sous-entend l'activité langagière du sujet parlant. Dans la mesure où tous les savoirs humains - toutes les pensées, toute la mémoire - passent par le langage, la censure comme les divers phénomènes de multiplication et de clichage se situent à la base des processus de transmission. [28] |
|