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Soutenabilité des finances publiques dans les pays
exportateurs de pétrole de la zone Cemac : cas du
Tchad
INTRODUCTION GENERALE
La situation des finances publiques des pays producteurs de
pétrole est fortement liée au rythme des chocs et contre chocs
pétroliers. En 1979, le monde venait d'encaisser le deuxième choc
pétrolier après celui de 1973. Et cette grande redistribution des
revenus et de la richesse avait profondément bouleversé et
déstabilisé l'économie mondiale. Tous les pays à
l'époque en avaient fait les frais. Les pays industrialisés,
victimes de leur dépendance énergétique, avaient
durablement ressenti le prélèvement pétrolier. Les pays
exportateurs de pétrole qui ont bénéficié pendant
un temps d'un afflux de pétrodollars sous forme de recettes nettes et
sous forme de prêts massifs ont finalement été pris au
piège de la dette publique avec la baisse des cours et la montée
des taux d'intérêts et d'inflation.
Les pays africains producteurs de pétrole se sont eux
aussi laissés surprendre par cette richesse vertigineuse et instable. Ce
fut alors le début d'un long "purgatoire" marqué par des
années de déficits cumulatifs ayant conduit à un
endettement excessif et remis en cause la soutenabilité à long
terme des finances publiques.
Les différentes stratégies de retour à
l'équilibre des finances publiques mises en oeuvre par les Institutions
financières internationales (IFI) depuis 1982 ont mené vers une
impasse. Les plans Baker (1985), Brady (1989), les accords de Toronto (1988),
les plans de Dakar (1988), de Trinidad (1990) et le Fonds de Libreville (1992)
n'ont eu que des résultats insignifiants. Par conséquent,
l'accumulation des déficits publics, la dette et ses charges
d'intérêts ont continué de décroître au point
de désorganiser tout le système économique des pays
endettés.
Le Tchad certes vient juste de connaitre qu'une
décennie d'exploitation pétrolière mais étant un
pays d'Afrique centrale de plus de 11 millions d'habitants n'a pas
échappé à cette réalité.
Depuis les années 90, la dette publique et les charges
qu'elle induit se trouvent même être le principal point noir de
l'économie tchadienne. En effet, la situation des finances publiques,
s'est particulièrement dégradée au milieu des
années 90 du fait de la dévaluation du franc CFA par rapport au
franc français en 1994. A cette époque le Tchad dépendait
fortement de l'aide internationale pour le financement des investissements car
l'épargne privée était inexistante et les moyens publics
très faibles. Cependant, en raison de la nature des financements
accordés au Tchad constitués en majorité de dons et de
prêts concessionnels, le poids de la dette restait relativement
modéré. Dans le même temps, De 1993 à 1998, les
comptes de l'État se sont largement améliorés
malgré la nature fortement informelle de
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l'économie tchadienne. Le déficit
budgétaire est passé de 8.6% du PIB à seulement 2.5%.
Cette amélioration est due à la fois à un
élargissement de l'assiette fiscale et à la maîtrise des
salaires, par la suite avec les premiers investissements pour la construction
du pipeline et les négociations entre l'état et avec le FMI dans
le cadre d'une facilité pour la réduction de la pauvreté
et pour la croissance (FRPC) ont conduit à avoir des recettes de
l'état à 217.4 milliards de francs CFA, dont. 69.8 Milliards de
recettes pétrolières.
En 2000, en raison d'une gestion du bonus pétrolier
jugée désastreuse, les bailleurs de fonds suspendaient les
décaissements de l'aide (FMI, Union européenne...)
entraînant un tarissement des financements extérieurs. En
conséquence, dès Novembre 2000, l'État tchadien se
remettait à accumuler des arriérés intérieurs et
extérieurs pour la première fois depuis 1995. La reprise des
décaissements en 2001 a permis la résorption d'une partie des
arriérés.
Depuis, dix ans se sont écoulés, quelques
centaines de millions de barils ont été pompés du sous-sol
du pays. Et, à la faveur d'une bonne tenue des cours internationaux de
l'or noir, plus de 10 milliards de dollars ont été
engrangés entre 2004 et 2012, de quoi transformer l'économie du
pays, Le budget de l'État à presque quadruplé entre 2002
et 2012 passant de 390 milliards à 1 500 milliards de F CFA (de 595
millions à 2,3 milliards d'euros)1. Désireux de voir
les revenus pétroliers favoriser un développement rapide du pays,
l'Etat s'est lancé dans le financement des projets ambitieux dont le
coût élevé et la faible rentabilité se sont traduits
par une accumulation des déficits publics, la montée de
l'inflation et la croissance rapide et régulière de la dette,
ainsi le stock de la dette publique du Tchad était estimé, fin
2012, à 1 655 milliards FCFA, dont 1197 milliards FCFA au titre de la
dette extérieure (72 %) et 458 milliards (28 %) de la dette
intérieure. Le service de la dette publique représente 11 % des
recettes budgétaires en 2012. Le gouvernement n'a toutefois pas mis
à profit la hausse des recettes pétrolières intervenue ces
trois dernières années pour accélérer le rythme de
son désendettement au plan intérieur. Au plan extérieur,
le Tchad n'a pas accumulé d'arriérés de paiement.
En dépit de ces avancées, le rapport du FMI de
2011 souligne que « Comparé à d'autres pays d'Afrique
subsaharienne a faible revenu, au Tchad la monétisation est faible et le
crédit au secteur privé réduit. Le secteur financier est
sous-développé avec huit banques commerciales,
1, Selon les chiffres publiés dans le cadre de
l'Initiative pour la transparence des industries extractives 2012 (lire p.
85).
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deux compagnies d'assurance et deux fonds de pension. Les
transactions interbancaires sont réduites au minimum et il n'existe
aucun marché liquide établi pour la dette publique. »
Le dilemme de la gestion des revenus d'origine
pétrolière et le comportement des politiques budgétaires
n'est pas nouveau dans les pays pétroliers de la zone Cemac, car
l'exemple des premiers pays producteurs de la zone (Gabon, et Cameroun)
plusieurs décennies de productions a laissé plus de pessimisme
sur la gestion des finances publiques et de sa soutenabilité. Ce dilemme
se pose aujourd'hui avec plus acuité car le Tchad se trouve à un
stade ou dix (10) contrats de partage de production ont été
signés en 2011 et 2012 avec de nouveaux acteurs internationaux, dont
certains sont assortis du paiement de bonus de signature significatifs. La SHT
(société des hydrocarbures du Tchad) devenant ainsi partenaire
sur chaque contrat et commercialise une partie de la production nationale sur
le marché national mais aussi international. Dès lors, il se pose
aux autorités Tchadiennes le problème de l'intégration de
ces forts revenus dans les politiques budgétaires et son ajustement dans
le temps.
La question principale à se poser : est celle de savoir
si âpres une décennie d'exploitation, et un changement radicale
dans le comportement des politiques budgétaires est ce que la
soutenabilité des finances publiques est-elle empiriquement
vérifiée ? De cette question fondamentale nous pouvons nous
interrogé sur comment a évolué le déficit
structurel de l'économie tchadienne sur la période de
l'étude ? Et comment a aussi évolué la dynamique de la
dette sur cette période ? Pour parvenir à des réponses
appropriées, nous nous sommes fixés des objectifs et formuler des
hypothèses de recherche.
Bien qu'il existe de nombreux travaux ainsi qu'une
littérature abondante sur la soutenabilité des finances publiques
en Afrique et surtout concernant les pays pétroliers de la zone Cemac
(Gabon2 Cameroun3), cette étude présente un
double intérêt d'abord sur le plan de la politique
économique, elle traite la question de l'endettement des pays africains
du point de vue des débiteurs ensuite elle présente une solution
durable à l'endettement du point de vue
2 La soutenabilité des finances publiques
dans les pays africains producteurs de pétrole : le cas du Gabon
Mémoire présenté par M. Léandre E.
BOULOUBOU « 2007 )> Ecole Nationale d'Administration PARIS
3 Thèse sur l'économie politique de la rente
pétrolière dans les états africains par LUC DESIRE
OMGBA « 2009 )> Université d'Auvergne Clermont-Ferrand I
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Centre d'Etudes et de
Recherches sur le Développement International (CERDI)
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Tchad
des pays africains producteurs de pétrole qui ont une
occasion presque inespérée, grâce aux surplus
pétroliers exceptionnels, de résorber par eux-mêmes la
question de l'endettement sans recourir à la charité de la
communauté internationale.
En ce qui concerne le cas précis du Tchad,
l'intérêt de ce travail est de montrer que la tentation forte et
légitime des autorités d'affecter les revenus pétroliers
à plusieurs objectifs à la fois compte tenu de l'ampleur des
maux, mais sans priorisation préalable, peut être contre-productif
à long terme et ne constitue pas une réponse appropriée
à la question de la viabilité des finances publiques. C'est
pourquoi, ce travail a pour vocation de répondre aux questions ci-dessus
évoquées auxquelles sont confrontées actuellement les
autorités Tchadiennes et plus précisément de
répondre aux questions des politiques économiques en donnant la
priorité à celles qui sont susceptibles de placer les finances
publiques sur une trajectoire soutenable en permanence. Mais au delà des
préoccupations urgentes du gouvernement sur la gestion des revenus
pétroliers, ce travail voudrait également orienter son action
vers des politiques économiques de long terme visant à assainir
durablement les finances publiques et accroître le potentiel de
croissance de l'économie. Ainsi, les recommandations et les propositions
formulées dans ce travail seront considérées comme une
contribution au renforcement de la soutenabilité des finances publiques
à moyen terme.
Ce travail est conduit sous l'hypothèse
générale que les finances publiques du pays à travers les
politiques budgétaires menés actuellement ne sont pas
soutenables. Deux hypothèses secondaires sont considérées
: D'une part, nous faisons l'hypothèse que le déficit structurel
du pays n'est pas soutenable malgré les importants flux de revenus qui
sont générés par l'exploitation du pétrole D'autre
part, la dynamique de la dette du pays n'est pas soutenable et ne cesse de
croitre conduisant a un risque d'insoutenabilité a moyen terme. En
effet, il est important de noté que la gestion de la dette du Tchad est
assurée actuellement par la Direction générale du
Trésor, avec l'appui de la Direction des études et de la
prévision, de l'Institut national de la statistique, des études
économiques et démographiques (Inseed) et de la BEAC. Ces
différents organismes forment l'Équipe technique d'analyse de
viabilité de la dette. Elle a pour mission, depuis près de trois
ans, de suivre et d'actualiser l'ensemble des informations et données
relatives à la dette. Elle élabore annuellement, en
coopération avec les autres directions impliquées dans la gestion
des finances publiques, une stratégie nationale d'endettement public. Ce
document est joint à tous les projets de loi de finances
présentés à l'Assemblée nationale.
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Tchad
Le présent mémoire est divisé en 3
chapitres : Dans le chapitre I nous allons parler d'une manière
générale du Tchad et surtout montré comment le processus
de l'exploitation pétrolière a été
réalisé, étant donné que cette exploitation a
permis de gonfler les recettes publiques et amener la problématique de
la soutenabilité des finances publiques à moyen terme.
Dans le chapitre II nous allons présenter les
différentes théories sur la soutenabilité et les
différents tests empiriques déjà
réalisés.
Le chapitre III va nous permettre de faire une analyse
descriptive et économétrique de la soutenabilité des
finances publiques au Tchad mais aussi de suggère la mise en oeuvre des
mesures de long terme, les reformes structurelles, visant à maintenir
les ratios de la dette publique et le déficit structurel à un
niveau soutenable en permanence.
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