1.5- La revue de littérature
Pour mener une recherche scientifique rigoureuse, il faut une
exploration et une exploitation judicieuse de la littérature existante
et relative au thème qu'on a choisi.
De nombreux auteurs se sont penchés sur
l'éducation à la santé et les infections cutanées,
en témoigne les nombreux écrits relatifs à chacun de ces
sujets.
Dans le cadre des infections cutanées ou dermatoses par
exemple, il existe une multitude d'ouvrages qui est essentiellement
composée de thèses et de travaux de recherches effectués
par les UFR ou facultés de médecine ou de pharmacie.
C'est dans le cadre de l'une de ces recherches universitaire
qu'une étude a été menée sur la dermatieatopique.
Elle consiste à mener une éducation pour améliorer cette
infection.
Dans sa thèse, François Launay (2013),
après avoir défini ce qu'est la dermatite atopique
(physiopathologie, aspects cliniques), met un accent sur l'éducation
thérapeutique et les thérapeutiques alternatives
particulièrement dans la prise en charge de la dermatite atopique.
Nous retenons deux choses importantes de cette thèse :
les problèmes de dermatose et la question de l'éducation dans la
lutte contre cette infection cutanée. Cependant, le milieu social auquel
notre étude fait référence, n'est pas mentionné :
le milieu carcéral, tout comme sa thèse, ne développe
qu'un seul type de dermatose : la dermatite atopique.
En dehors de cette thèse, bien d'autres thèses
de doctorat se sont penchées sur les infections cutanées. Parmi
elles, Benjamin Davido (2010). Dans la thèse celui-ci, un rappel
définitionnel des différentes infections cutanées
communautaires, particulièrement celles à staphylococcus
aurens est fait dans une première partie.
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Dans une deuxième, une étude des patients
atteints de furonculose récidivante est expliquée. Il ressort de
ses recherches que les infections cutanées communautaires à
staphylococcus aureus sont fréquentes, banalisées et la
prise en charge mal codifiée. Ce qui fait que les potentielles
complications peuvent être graves notamment dans la forme
récidivante. On note dans sa thèse que ces infections sont
liées au portage nasal de staphylocoque, présent sous forme
d'impétigo, folliculite ou furonculoses.
Cette thèse nous rapproche plus de notre sujet de
recherche en sens qu'elle donne plus d'informations sur les différentes
pathologies de la peau, les causes de leur prolifération et propose
aussi les mesures pour les éradiquer. Comme dans la thèse de
François Launay, ici aussi, il n'est pas fait cas des problèmes
de peau en milieu carcéral.
En dehors de ces écrits qui ne traitent que des
problèmes de la peau dans la vie ordinaire, certains se sont
penchés sur les problèmes en milieu carcéral.
Il existe beaucoup de travaux ou d'écrits sur ce
milieu, des écrits aussi bien journalistiques qu'universitaires.
Parmi les études et publications auxquelles nous avions
eu accès, il y a celle d'Evodé Hariyongabo (2010). Dans son
travail de recherche de Licence en sciences infirmières à
l'Institut universitaire des sciences de la santé de Ngozi (Cameroun),
Evodé fait une étude descriptive des conditions d'hygiène
en milieu carcéral, particulièrement dans la prison centrale pour
hommes de Ngozi au Cameroun. Cette étude menée du 22 juin au 7
août 2009 sur 142 condamnés, avait pour objectif principal de
contribuer à l'amélioration de l'hygiène en milieu
pénitentiaire en faisant une revue de tous les facteurs qui participent
à l'hygiène : l'hygiène des bâtiments, la collecte
des déchets et des eaux usées, l'hygiène de l'eau,
l'hygiène environnementale, l'hygiène alimentaire,
l'hygiène corporelle et vestimentaire et les sanitaires.
Il ressort de l'analyse du chercheur que les mauvaises
conditions relatives aux facteurs sur-cités sont sources de
dégradation de la salubrité des prisons et par
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ricochet de prolifération des pathologies, sans oublier
les facteurs liés à l'instruction et à la culture.
Le mémoire d'Evodé Hariyongado se rapproche
davantage de notre thème d'étude car il fournit des
éléments qui permettront de comprendre aussi la persistance des
infections cutanées dans les prisons. Même s'il ne mentionne pas
spécifiquement cette pathologie, nous comprenons que ces facteurs
peuvent en être des causes.
C'est dans cette même voie que s'inscrit le travail de
Guy Roger Voufo (2009). Son mémoire de master 2 traite de la
santé des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum
(Cameroun). Sachant que la configuration de l'état sanitaire est
similaire en général dans la plupart des établissements
pénitentiaires et de façon particulière en Afrique, nous
nous sommes intéressés à cette recherche. Voufo commence
par un examen de l'architecture des prisons de Dschang et de Mantoum, il
identifie les différents instruments juridiques camerounais et
internationaux de la préservation de la santé des détenus
puis les pathologies carcérales et leurs conséquences sur la vie
des détenus. Il nous fait savoir que les pathologies cutanées
sont les plus récurrentes dans ces prisons en compagnie du paludisme et
des IST.
Nos investigations documentaires ne se sont pas
arrêtées seulement aux oeuvres étrangères. Nous
avons mené des recherches sur les écrits se rapportant aux
pathologies en milieucarcéral ivoirien. Il ressort de cette recherche
que c'est l'hygiène qui est le sujet principal abordé sur la
problématique sanitaire en prison. Certains journaux, notamment
Fraternité Matin et Ivoir'Soir ont publié plusieurs articles sur
ce sujet parmi lesquels nous avons retenu celui relatif à l'humanisation
des prisons ivoiriennes de Douh L. Patrice (2000), celui sur une
épidémie de choléra publié dans
Ivoir'Soir5 du 11 septembre 1991 de Amédée
5Ivoir'Soir était une publication du groupe
Fraternité Matin des années 90. Elle paraissait chaque
après-midi du lundi au vendredi.
15
Assi, l'interview du directeur de l'administration
pénitentiaire le 15 juillet 1995 suite à une autre
épidémie de choléra. Thierry Perret6
(MFI)7 a publié aussi un article dans Ivoir'Soir le24
août 1993dans lequel il dénonce les conditions de vie des
prisonniers en Afrique. Sous le titre de «Prisons africaines, l'autre
monde des réprouvés», il fustige le
désintérêt de la population et des autorités
à l'égard des détenus pour des raisons plus ou moins
économiques. Et c'est dans cette même ligne que s'inscrivent les
articles de Jean Baptiste Akrou (Fraternité Matin des 12 et 13 janvier
1991 et celui du 17 janvier 1991). Il dénonce les « difficiles
conditions de vie, d'alimentation et de soins. » Le manque de
médicaments, le surpeuplement, la mauvaise nutrition et de soins
précaires constituent pour l'auteur les problèmes
véritables des prisons ivoiriennes en général.
Les étudiants ivoiriens ne sont pas restés en
marge de cette réflexion sur la vie carcérale. Ceux qui s'y sont
essayés, le plus, sont ceux de l'Institut national de formation sociale
(Infs). Les mémoires de fin de formation qui ont eu pour centre
d'intérêt le milieu carcéral, ont abordé dans la
quasi-totalité le thème de l'hygiène.
Le paludisme est l'une des maladies les plus mortelles. En
prison, il l'est davantage à cause de l'environnement. Sylla Nazan
(2013) avait prévenu les dangers du paludisme en milieu carcéral.
Aussi, il a mené une étude qui l'a amenée à
conclure que l'hygiène environnementale est à la base de la
prolifération de plusieurs maladies dont le paludisme. L'insuffisance
des produits d'hygiène que sont les savons et les autres produits de
désinfection, le
6 Prisons d'Afrique, L'autre monde des
réprouvé In Ivoir'Soir du 24 mars 1993, page 4. Dans cet
article, Thierry Perret (journaliste et écrivain à Radio France
Internationale) fait une analyse critique du milieu carcéral africain.
Selon lui, malgré les changements politiques opérés dans
de nombreux pays africains, aucune réforme véritable n'a
été engagée pour améliorer les conditions de vie
des détenus sur le continent.
7 MFI ou Médias France Inter-continents fut
une agence de presse d'informations internationales dans plusieurs domaines :
politique, société, droit, économie, santé,
éducation, sport...
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manque d'entretien (eaux de javel) des locaux provoquent la
multiplication des germes responsables du paludisme dans les cellules, sans
oublier que les détenus ignorent l'importance des règles
d'hygiène environnementale et les modes de transmission du paludisme.
Pour remédier à cet état de fait, il a, à travers
trois (03) activités principales, à savoir les
micro-enseignements sur l'importance de l'hygiène environnementale, les
exposés sur les modes de transmission du paludisme et le nettoyage des
alentours du bâtiment et des cellules, tenté d'impacter
positivement sur la santé des détenus qui ont participé
à ses activités.
Le même thème de l'hygiène a
été le sujet de recherche d'un autre étudiant. Mais les
investigations cette fois ce sont concentrées sur le bâtiment A de
la Maca. Kouamé Kouakou Antoine (2002) a mené une étude
sur 170 détenus du bâtiment A de la Maca pour faire la promotion
de l'hygiène du milieu dans ce bâtiment. Il a fait ressortir au
cours de cette recherche, que la majorité des détenus ne
reçoit pas de visite (70%), ce qui signifie qu'ils n'ont pas l'aide des
siens pour s'assurer un complément alimentaire des repas qui leur sont
distribués. Parmi les autres problèmes identifiés par
Kouamé Kouakou Antoine, il y a des problèmes sociaux, notamment
l'insuffisance de l'état de santé, l'alimentation
déséquilibrée et insuffisante et l'insalubrité. Il
dresse un tableau sombre sur la situation sanitaire des détenus, avec
seulement 15.3% qui déclarent ne jamais avoir contracté une
maladie. Et parmi ceux qui l'ont été, 18.24% souffrent de
problème de dermatoses, deuxième pathologie recensée dans
ce bâtiment. Pour améliorer le cadre de vie des détenus, il
fait des propositions comme l'a fait Sylla Nazan.
Ohouochi Anin Serge (2007), un autre étudiant de l'Infs
a abordé ce même thème de l'éducation à
l'hygiène en milieu carcéral. Il a axé son travail sur
cinq (05) détenus de la Maca. Dans son travail d'investigation, il fait
ressortir les conséquences de l'insalubrité en milieu
carcéral. En effet selon O. Serge, le surpeuplement, la
promiscuité des cellules augmentent les risques de maladies
17
contagieuses. Ses observations montrent que « les
plaies purulentes, la gale, les teignes, les dermatoses couvrent le corps de la
plupart des détenus. Ce qui est signe de l'insalubrité »
dans laquelle ceux-ci vivent. Ohouochi Anin Serge met l'accent sur un
élément important : le manque d'hygiène corporelle qui
accentue la marginalisation du détenu. Comme solution, il a
proposé la fabrication du savon liquide en plus de l'éducation
à l'hygiène corporelle, vestimentaire et environnementale
l'hygiène de ces cinq (05) détenus.
Dans notre investigation, un seul travail de recherche a
été entrepris sur notre champ sociologique, à savoir le
camp pénal de Bouaké. Aphi Angéla (1999) a entrepris dans
son projet de sensibiliser sur l'hygiène pour prévenir les
maladies en milieu carcéral. Elle a observé que les
détenus du camp pénal au niveau sanitaire, avaient une certaine
défaillance. Les affections cutanées (gale, plaie, boutons,
teigne, herpès), l'insuffisance de l'hygiène corporelle,
vestimentaire et environnementale étaient la chose la mieux
partagée parmi les détenus du camp pénal. Aussi, dans son
projet de prévention des maladies en milieu carcéral, elle a
axé essentiellement la sensibilisation sur l'hygiène corporelle
et vestimentaire, le nettoyage de l'environnement et maraîchage pour
améliorer la qualité et la quantité de la ration
alimentaire quotidienne.
Que retenir de notre revue de littérature ? Il y a de
nombreux écrits sur les l'éducation à la santé, les
pathologies cutanées et sur le milieu carcéral. Mais rares sont
les ouvrages qui ont traité ces trois (03) notions à la fois.
L'éducation à la santé a été toujours
axée sur l'hygiène ; les infections cutanées n'ont jamais
fait l'objet d'une étude en milieu carcéral ivoirien.
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