à‰ducation à la santé en milieu carcéral ivoirien. Le cas des infections cutanées au camp pénal de Bouaké.( Télécharger le fichier original )par Amara BAKAYOKO Université Alassane Ouattara de Bouaké - Master 2015 |
1-1-3. Les facteurs environnementauxChaque maison de détention est régie par un ensemble de dispositions qui fondent sa particularité. Le camp pénal de Bouaké est identifié comme la prison qui a les conditions de détention les plus rigides du pays. Il « est réputé pour être l'univers carcéral le plus infernal de la Côte d'Ivoire», selon le site information Linfodrome.com20. Cette réputation même est pour le détenu et leur famille source de stress et de vulnérabilité. Il faut le souligner ici, les conditions de vie et 20 Francis N'Goran, Transfèrement des prisonniers : Abehi, Blé Goudé, Affi... à Bouaké ? - Des confidences du camp pénal, lu sur Linfodrome.com, le 16/03/2013. 36 les règles en application dans une prison peuvent être en elles-mêmes des facteurs de fragilisation de certains détenus. Outre ce fait, l'architecture de la prison (hauteur des murs, barbelés électrifiés, lesmiradors, les caméras...), les conditions de vie, la cellule, la cour de la prison, la nourriture qui est distribuée, la durée de détention sont autant de facteurs environnementaux qui affectent les détenus. En somme, ce sont des éléments que le détenu ne peut ni contrôler, ni influencer. De manière générale, les détenus font l'expérience de leur impuissance face à cet environnement. Devant ces différentes règles (strictes, multiples), le détenu se sent humilié. Lui, un «homme» se voit traiter comme un enfant qui ne peut rien décider de sa vie sans avoir recours aux autres (AEEP, travailleurs sociaux, famille et amis). Se sentant rabaisser, humilier, déshumaniser, le détenu va, dès lors, s'enfermer sur lui-même pour certains et ou se montrer agressifs pour d'autres. Un certain nombre de facteurs confortent la vulnérabilité des détenus. Il s'agit de l'incertitude sur leur avenir, perte de contact avec la famille, le durcissement de la détention, l'impuissance, le sentiment d'être bafoués dans leurs droits. Ces maux d'ordre psychosomatique affectent d'une manière ou d'une autre les détenus. 1-2. De la vulnérabilité psychologique à la détérioration de l'état de santé Comme souligné précédemment, plusieurs facteurs agissent sur l'état physique et psychologique du détenu ; une vulnérabilité qui affecte bien entendu la santé de nombreux détenus. Le corps étant affaibli, naturellement, il ne peut résister aux germes et autres parasites qui attaquent son organisme. C'est pourquoi, de nombreuses personnes qui étaient en bonne santé avant leur détention, déclarent que leur santé s'est dégradée quelque temps après avoir être admis en détention. Cette détérioration se manifeste bien souvent par l'apparition de problèmes cutanés, de perte de poids, de problèmes de digestion, de migraine, de sentiment de fatigue et/ou de grande faiblesse. 37 À ce propos, les échanges avec le personnel médical du camp pénal font ressortir que dans leur grande majorité, la quasi-totalité des détenus qui arrivent d'autres centres pénitentiaires, présentent généralement beaucoup de problèmes au niveau sanitaire. C'est donc dire que l'accès aux soins de santé pour les détenus en provenance de ces maisons d'arrêt n'était pas toujours garanti, voire insuffisant. La réalité est que peu de prisons ivoiriennes ont à leur sein une structure médicale. Selon un rapport de l'unité de l'état de droit de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), « seuls quelques établissements disposent d'infirmeries, mal équipés et sans infirmiers officiant à temps plein.21 » Toutefois, au camp pénal, il existe une infirmerie opérationnelle et dont l'existence est connue de tous les détenus. Elle est ouverte de façon permanente et son accès est garanti à tous les détenus. Les soins de santé sont assurés par une équipe de médecins et d'infirmiers qualifiés dans la prise en charge des détenus. Malgré le fait que tous les détenus savent qu'il existe une infirmerie au sein de la prison et qu'ils sont pris en charge gratuitement, du moins quand la pharmacie dispose des médicaments nécessairesau traitement de la pathologie en question, certains détenus développent à l'égard de l'équipe médicale une méfiance sans fin. Ils pensent pour certains que le personnel médical ne les traiterait pas comme il se devait. Ils ne recevraient pas pour d'autres, les traitements appropriés à leur état de santé, « que tu aies mal au pied, mal à l'oreille, ou mal au ventre, ils nous donnent toujours du paracétamol. »22 Ce sont là quelques-uns des propos que tiennent régulièrement la plupart des détenus du camp pénal de Bouaké pour justifier leur attitude à l'égard du service médical dudit camp. Par ailleurs, d'autres prisonniers n'ont pas aussi l'habitude de fréquenter la médecine moderne, car d'ordinaire, ils ont recours à la médecine traditionnelle, toute chose qui n'est 21Onuci, Situation des établissements pénitentiaires de Côte d'Ivoire, juillet 2005-avril 2006, Rapport de l'unité de l'état de droit, août 2006. 22 Ce sont là quelques-uns des propos tenus par les détenus à l'encontre du service médical du camp pénal. 38 pas possible durant leur séjour en prison. En conséquence, n'ayant plus accès à ces pratiques, leur état se détériore. Tous ces éléments mis les uns en rapport avec les autres, contribuent d'une façon ou d'une autre à nuire à la santé des détenus. |
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