1.7- Le cadre de référence
théorique
Dans cette partie, nous exposerons la théorie ou les
théories qui font soutenir notre démarche. En effet, il est
indispensable d'enraciner toute recherche scientifique dans des théories
afin de mieux expliquer le phénomène mais surtout de donner une
légitimité à nos travaux.
D'ores et déjà, il est à noter que notre
sujet s'inscrit dans le domaine de la communication de santé,
appelée aussi communication persuasive de santé publique. La
communication persuasive de santé publique « inscrit son objet
d'étude au sein d'un système d'échanges
socio-économiques et socio-publiques à multiples enjeux, dans
lequel une organisation (i.e., les pouvoirs publics) dotée
d'intentionnalités cherche à orienter les composantes des publics
(i.e., les citoyens) également dotés d'intentionnalités de
manière à ce que cescomportements contribuent à
réaliser les objectifs de l'organisation (i.e., changer les
comportements néfastes pour la santé).»11
(Audrey Marchioli, 2006)
De cette définition, nous disons que la communication
persuasive de santé publique est une forme de communication interactive
entre une organisation et une cible dont la finalité est le changement
de comportement nuisible à la santé de cette cible. Cette
communication utilisait à l'origine plusieurs théories ou
modèles :
- les modèles duaux du traitement de l'information :
les modèles ELM12 et HSM13. (idem) ;
11 Audrey Marchioli, « Marketing social et
efficacité des campagnes de prévention en santé publique :
apports et implications des récents modèles de communication
persuasive », in Communication ? Marketing N?1
12 ELM ou Elaboration Llikelihood Model, traduit
par modèle de probabilité d'élaboration, est un
modèle de traitement de l'information (Petty et Cacioppo, 1986). Ce
modèle développe la théorie selon laquelle au fur et
à mesure que la motivation et la capacité d'un individu
augmentent ou diminuent, les arguments deviennent un déterminant de plus
en plus important pour la formation
21
- les théories de la motivation à la protection
« Protection Motivation Theory » ou PMT14
(Op.cit) ;
- le modèle étendu des ressources
parallèles « Extended Parallel Process Model » ou
EPPM15 (Op.cit).
Ces différents modèles ou théories ont
souvent montré leur insuffisance. Les ELM et HSM fournissent certes des
informations sur les mécanismes psychologiques du changement d'attitude,
mais n' « envisagent pas le changement effectif de comportement
» (Op.cit). Les PMT dans le processus de persuasion sont
plus
de son attitude. Selon ce modèle, il existe deux voies
de traitement de l'information. La voie centrale et la voie
périphérique. La voie centrale consiste à évaluer
soigneusement les arguments persuasifs. Les individus qui utilisent cette voie
se sentent impliqués et possèdent les capacités pour
évaluer les arguments. La voie périphérique consiste
à évaluer les arguments de manières superficielles.
L'individu qui décide d'utiliser cette voie juge superficiellement les
arguments sans le moindre effort cognitif, il ne prête pas attention aux
messages persuasifs, mais plutôt aux éléments
périphériques.
13 Le modèle de traitement heuristique
systématique ou Heuristic-Systematic Model est un modèle de
traitement de l'information comme le ELM. Il a été
développé pour rendre compte des changements d'attitude
consécutive à l'exposition à un message persuasif. (Chen
et Chaiken, 1999). Il développe deux voies : la voie systématique
et la voie heuristique. La voie systématique est identique à la
voie centrale de Petty et Cacioppo. Les individus qui utilisent les arguments
tels que « ce que dit l'expert, est vrai » ou « ce qui est beau,
est bon », utilisent la voie heuristique. Selon ce modèle, les
individus suffisamment motivés et capables réalisent un
traitement soigneux de l'information, et ceux peu motivés et peu
capables, réalisent un traitement superficiel de l'information.
14 Le PMT (Arthur et Quester, 2004, cité par
Audrey Marchioli, 2006) a servi de base à tous les autres modèles
sur les appels à la peur. C'est un modèle qui met l'accent sur la
peur dans les messages persuasifs. Selon le PMT, un individu exposé
à un message d'appel à la peur évalue d'une part la menace
générée par le message. Il examine la gravité des
risques et le dégré à partir duquel la menace
représente un danger. D'autre part, il évalue les moyens
d'échapper à la menace.
15 EPPM (White, 1992 ; 1998, cité Audrey
Marchioli, 2006) distingue deux voies de traitement de l'information : le
contrôle du danger et le contrôle de la peur. Actuellement, c'est
l'un des modèles les plus utilisés dans le champ de la
communication persuasive à la santé publique. Il met l'accent
autant sur les effets des appels à la peur que sur le changement de
comportement et le rôle de l'affect (état d'âme,
disposition) négatif dans le processus de persuasion.
22
pertinents. Cependant, le changement de comportement est
assujetti à ce que le message créé chez le
récepteur la peur.
Quant à l'EPPM « sa principale limite
réside dans le fait qu'il n'est pas très explicite sur une
possible action en parallèle dans le processus de contrôle de la
peur et du danger. » (Op.cit.) Après analyse de ces
théories liées à la communication persuasive de
santé publique, nous allons expliciter la théorie que nous avons
utilisée à savoir la théorie de l'engagement. Cette
théorie a été employée par nous parce qu'elle a un
impact certain dans les campagnes de promotion à la santé. Il
faut comprendre par engagement le lien qui unit un individu à l'acte
qu'il pose, à ses actes comportementaux. Partant de cela, nous disons
que la théorie de l'engagement serait pour nous un moyen de «
comprendre les mécanismes psychologiques sur lesquels repose
l'efficacité des stratégies comportementales » (Kahi
Honoré, 2014)16. La théorie de l'engagement utilise
plusieurs techniques parmi lesquelles, les techniques de :
- le-pied-dans-la-porte ; une technique qui consiste à
demander un acte peu coûteux avant d'en demander un autre plus
coûteux ;
- « vous-êtes-libre-de... », qui consiste
à demander quelque chose à un individu en précisant «
vous êtes libre de... » ;
- la-porte-au-nez, ici, il question de demander à
quelqu'un un acte très coûteux, que l'individu refuserait de
faire, avant de lui demander d'en faire un relativement peu coûteux ;
- l'étiquetage. C'est de solliciter un acte chez
quelqu'un, la réalisation de cet acte va être un prétexte
pour valoriser cette personne. Ainsi, mis en confiance, elle est
disposée à adopter un comportement positif ;
- un-peu-c'est-mieux-que-rien, qui est une technique à
préciser qu'un petit geste est mieux que rien ;
- le Toucher qui consiste à établir un contact
physique en formulant une requête.
16Kahi Honoré, cours de communication
engageante, master 1 sciences de la communication, université Alassane
Ouattara de Bouaké, année universitaire 2013-2014.
23
Les principes de l'engagement se résument à : le
contexte de liberté, le caractère explicite,
l'irrévocabilité, la répétition des actes, les
conséquences ou bénéfices, le coût ; les raisons. En
somme, l'utilisation de cette théorie dans notre recherche vise
l'implication effective des individus aux différentes actions qui vont
être entreprises afin d'augmenter les chances de réussite de cette
lutte.
La mise en oeuvre de cette théorie s'est faite au travers
de plusieurs stratégies et techniques de communication. Pour le compte
des stratégies, nous pouvons citer : - l'IEC. C'est une stratégie
de communication qui consiste à échanger avec un public, des
messages, des informations coordonnées à but éducatif par
l'intermédiaire de canaux appropriés (radio, journaux,
télévision, expositions, conférences, etc.) pour
promouvoir un changement de comportement ;
- la CCC ou communication pour le changement de comportement
« est un ensemble de procédés interactifs d'idées
et d'informations avec un individu ou un public cibleen vue de lui permettre de
prendre conscience de ses propres problèmes ou besoins prioritaires et
être acteurs de la résolution de ces problèmes ou besoins
» (Handicap International et SWAA, 2009)17 ;
- le plaidoyer. C'est la défense d'une cause, d'une
opinion, d'un intérêt ou d'une politique. Le plaidoyer peut
être défini aussi comme un ensemble d'actions cohérentes et
ciblées visant à soutenir une cause, à convaincre ou
influencer un ou des décideurs de manière à obtenir un
changement dans l'intérêt d'une communauté ;
- la mobilisation sociale. Elle est définie comme
« la prise de conscience d'un problème dans la sphère
publique et l'action qui en découle, à savoir
17 Handicap International et SWAA, Manuel sur
l'IEC-CCC en matière de VIH/Sida pour les groupes
vulnérables, juillet 2009, p.18. SWAA ou Society for Women and AIDS
in Africa est une ONG sénégalaise qui lutte contre le VIH/Sida au
sein de la population féminine au Sénégal.
24
l'organisation d'une stratégie afin d'agir face
à ce problème ». (AcDev et Equipop,
2007)18.
Comme techniques de communication, nous pouvons mentionner :
- la causerie qui est un échange entre un agent et un
groupe d'individus. Cet échange d'informations sur un sujet ou un
thème a pour objet le changement de comportement des individus ;
- les entretiens individuels. Ce sont des conversations plus
ou moins dirigées au cours desquelles l'agent recueille des informations
d'un individu et qui lui permettent d'avoir une idée précise du
problème de cet individu ;
- les visites à domicile (VAD) sont un moyen de contact
qui consiste pour un agent à venir au domicile de l'usager pour mieux
connaître ses difficultés et chercher avec lui les solutions
appropriées.
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