CONCLUSION
La diversité des modes de communication offerte par
l'outil largement répandu qu'est le téléphone mobile est
manifeste. Elle dépasse ainsi, ou plutôt réunit en un seul
appareil, compact et léger, souvent à portée de main,
divers modes de contact entre les individus, divers moyens de diffusion de
l'information. Que ce soit la voie vocale, écrite, que l'on utilise sons
ou images, une certaine forme d'interactivité ou au contraire la
simplicité d'une information statique, chacune de ces manières de
communiquer, d'interagir avec une personne intégrée dans un
projet de formation ou d'insertion, possède des particularités
qui en font un mode de communication adapté à des usages,
à des situations ou des buts spécifiques.
Loin de concurrencer les unes les autres, ces diverses
possibilités d'échange sont à envisager comme
complémentaires, par ce que leur spécificité peut apporter
relativement à leurs consoeurs. La simplicité et la vulgarisation
de son usage, la gratuité de sa réception, ainsi que la gestion
aisée d'envois importants à partir d'un ordinateur, rendent
d'ores et déjà pleinement réalisable, voire souhaitable,
mais les incidences que transmettent ces nouvelles technologies nous laisse
encore perplexe sur l'éventuel risque de la santé humaine.
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Les Congolais évoluant dans l'économie
informelle ont su bien intégrer la technologie de la
téléphonie mobile dans leurs activités
socioéconomiques. A la question de savoir ce que ces acteurs font du
téléphone portable, l'observation des modes d'appropriation de
cet outil portable laisse entrevoir les différentes incidences sur les
aspects de leurs activités quotidiennes. Il se dégage une
ambivalence de l'usage du téléphone portable au niveau de ces
usagers qui se battent, en marge du cadre règlementaire, à la
recherche de leur pitance quotidienne.
D'un côté, cet outil de communication favorise la
fluidité des échanges et accroit l'efficacité ainsi que la
rentabilité au travail ; de l'autre côté, il peut conduire
à une dislocation intime environnementale notamment la pollution.
L'usage de cet outil de communication se prête effectivement à des
techniques d'ajustements particulières aussi bien dans la vie
professionnelle que ménagère car ces utilisateurs, aussi
ordinaires, savent bien ce qu'ils veulent. Les formes d'accommodation du
téléphone portable identifiées par les résultats de
cette étude montrent que les opérateurs des réseaux
cellulaires de la ville de Beni font preuve de tactiques et inventent des
stratagèmes pour éviter de subir la précarité de
leurs conditions sociales et économiques.
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Ainsi, les usages du téléphone portable par ces
usagers s'insèrent réellement dans la perception de la notion
d'usage développée par Michel De Certeau sur la vie des gens
ordinaires. A travers ce panorama sur les usages du téléphone
portable par les Congolais, on dispose à présent d'un certain
nombre de résultats tangibles quant au rôle joué par cet
outil de communication dans la vie quotidienne.
La première évidence est celle qui met fin
à une vision strictement manipulatoire des outils de communication sur
les usagers car ces outils possèdent les sens que les usagers leur
donnent. A ce titre, on ne saurait continuer à raisonner selon un
schéma causal et déterministe de la communication. La seconde
évidence est la prise en compte du contexte particulier dans lequel
opèrent les usagers et cela évite toute forme d'extrapolation
hâtive. Les technologies de communication ne prennent, en effet, leur
sens que dans l'univers symbolique des croyances, des valeurs et des mythes
sinon elles ne sont que un mal nécessaire sur la santé de ces
derniers qui risquerait de dégénérer un de ces jours ; les
utilisateurs ne prennent pas en compte les différentes avertissements
fournis à ce sujet.
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Au Congo et même dans le monde, les ondes
électromagnétiques sont au coeur d'un certain nombre de
conversations et c'est surtout leur possible danger pour la santé qui
fait de ces ondes un sujet plus que d'actualité. A notre époque,
pour des raisons de logistique évidente, on ne peut pas se permettre de
supprimer la téléphonie mobile ou d'autres appareils
électroniques fonctionnant par l'intermédiaire des
radiofréquences. On est donc condamné à ce que les ondes
électromagnétiques soient présentes dans la vie de tous
les jours et dans le futur. Mais c'est en particulier les
téléphones mobiles qui ont suscité une énorme
inquiétude de la part des citoyens, amenant ce problème à
être pris au sérieux. De ce fait, de nombreuses études ont
vu le jour mais suite aux résultats, il existe un véritable
débat sur la possible nocivité des champs
électromagnétiques.
On assiste à un face à face opposant deux camps.
D'un côté, on a des réponses rassurantes et
sécurisantes qui redonnent confiance aux citoyens. Il s'agit des
conclusions apportées par la majorité des études traitant
le sujet et par les agences nationales et internationales. En effet, la plupart
des travaux provenant des études Interphone et des études de
Hardell démontrent que les radiofréquences ne sont pas synonymes
de danger. De son côté, l'OMS affirme, compte tenu des
connaissances actuelles, qu'il n'existe pas de rapport de cause à effet
entre les ondes électromagnétiques utilisées dans la
téléphonie mobile et un risque pour la santé. Le rapport
de l'Afsset reprend les mêmes conclusions.
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De plus, le 2 février 2009, le SCENIHR a retenu un avis
conforme aux analyses de l'OMS et de l'Afsset en garantissant, le tout en
s'appuyant sur les résultats de l'ensemble des études
épidémiologiques, qu'une « augmentation du risque de cancer
due à l'exposition aux radiofréquences est improbable chez
l'homme. ». De l'autre côté, des groupes de chercheurs
internationaux ont publié des rapports fournissant des conclusions
préoccupantes quant aux effets délétères des champs
électromagnétiques sur la santé des citoyens. Ces effets
néfastes ont été retrouvés dans un certain nombre,
même petit, de travaux provenant des études Interphone et de
Hardell.
Néanmoins, à l'heure actuelle, on constate que
la majorité des spécialistes admettent que les ondes
électromagnétiques n'ont pas d'impact sur la santé des
usagers, faisant fortement pencher la balance vers une absence de
nocivité des radiofréquences. Mais ces spécialistes
écartent un danger à court terme. Donc compte tenu du manque de
recul et de travaux concernant des utilisations de téléphones
mobiles sur une très longue période (supérieures au temps
d'incubation des principales tumeurs cérébrales), ainsi que de
certains points d'interrogations encore présents, l'application du
principe de précaution me semble indispensable.
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De ce fait, sans pour autant proscrire les ondes
électromagnétiques, il faut s'en méfier. Il existe des
gestes simples pour minimiser notre exposition et ainsi nous protéger :
utiliser le mobile le moins fréquemment possible et ceci durant une
courte période, appeler sans se déplacer et dans des lieux
dotés d'un bon réseau, ne pas mettre le téléphone
portable sur la table de chevet pendant la nuit, utiliser un kit mains libres,
privilégier l'envoi de SMS, attendre de mettre à son oreille le
mobile tant que le correspondant n'a pas décroché,... En adoptant
ces recommandations, la santé des usagers s'en trouvera
préservée.
D'autant plus que les études relatives aux divers
systèmes de l'organisme sont fondamentalement rassurantes et ne
soulignent aucun effet néfaste cohérent. Cependant, concernant
les enfants et les adolescents, j'ai constaté un certain nombre
d'études révélant un effet négatif des ondes
électromagnétiques sur le développement, donc une
attention particulière chez ces personnes est primordiale, en attendant
avec impatience les résultats de l'étude MOBI-KIDS. De plus, les
études concernant la reproduction ne permettent pas d'écarter
avec certitude un éventuel risque sur ce système, un geste simple
tel que d'éviter de mettre le portable dans la poche du pantalon
permettrait de diminuer fortement la possibilité que ce système
soit atteint.
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Compte tenu du doute qui persiste quant à la possible
nocivité des téléphones portables, les industriels
profitent de la situation et commencent à mettre en place des moyens de
protection censés diminuer la menace des radiofréquences sur la
santé des congolais, mais l'efficacité n'est pas clairement
établie. Seul le futur nous permettra de savoir si ces produits ont
réellement la capacité de nous protéger, ou si la
téléphonie mobile va faire un bond en avant en matière de
sécurité en réduisant son émission d'ondes
électromagnétiques. Je préconise donc une application
totale du principe de précaution en respectant les diverses
recommandations limitant notre exposition, surtout chez les enfants et les
adolescents, plutôt que de faire confiance aux nouveaux produits mis sur
le marché par les industriels.
Nous ne prétendons pas être capables de faire ce
qu'aucun chercheur n'a actuellement fait. Nous ne prétendons pas pouvoir
affirmer que le téléphone portable est ou non néfaste
à long terme. Nous aspirons seulement à vous faire
réfléchir, à vous interpeler. Nous avons constaté
des interactions indéniables entre notre corps et le
téléphone portable. Il en existe sûrement d'autres. Nous
n'apportons aucune preuve, mais nous montrons, au vu des résultats
obtenus, qu'il serait judicieux de prendre en compte les recommandations
simples émises par certains chercheurs, afin de nous protéger
d'effets indésirables qui nous seraient inconnus, ou non reconnus.
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En effet, comme ils le suggèrent, une simple
application du Principe de Précaution par des gestes banals du
quotidien, à notre portée à tous, nous permettrait de nous
prémunir en grande partie des risques potentiels liés au
téléphone portable. Nous ne faisons que nous appuyer sur les
études qui nous mettent raisonnablement en garde, celles-là
même qui semblent inconnues du public. Protéger les jeunes et la
génération suivante est une priorité absolue, car exposer
des enfants, toujours plus jeunes, si fragiles, à un objet dont nous
savons si peu est simplement de l'inconscience ; Chacun est maître de sa
santé, chacun est libre d'agir ou non.
Le téléphone portable est certes une fabuleuse
invention, très pratique, mais le revers de la médaille peut
être lourd. Le bannir de notre vie serait un outrage à la
modernité, mais ruiner notre santé sous couvert d'utilité
serait ridicule. Trouver un juste milieu, qui nous permette d'en profiter sans
nous exposer inutilement, voilà un raisonnement sage. Puisse ce
positionnement toucher un maximum de personnes, seul l'avenir nous donnera
raison ou tort, ce qui resterait une bonne nouvelle. Si ce travail vous a
semblé correct, vous pouvez nous aider en diffusant ces saines
recommandations, et si vous possédez une volonté forte, du
matériel plus performant et suffisamment de temps, tant d'autres
expériences restent à faire.
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