Agrément
N°0040/MINEFOP/SG/DFOP/SDGSF/SACD
PROGRAMME POST-UNIVERSITAIRE DE FORMATION ET DE
PERFECTIONNEMENT EN DROIT DES AFFAIRES
« Can Do Training »
***
Année 2011
LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN DROIT OHADA
:
ESSAI DE SYNTHESE
Par :
TCHOUSSI BAH Emery
Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires
(UCAC)
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 5
Chapitre 1- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN
MATIERE GRACIEUSE 11
I- JURIDICTION PRESIDENTIELLE ET SECURISATION DU PATRIMOINE
12
A- Le contrôle du RCCM et l'administration des
sûretés 12
B- Mesures conservatoires et procédures
simplifiées de recouvrement 14
II- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE D'APPUI AUX SOCIETES
COMMERCIALES ET
COOPERATIVES 15
A- Autorisations et prorogations de délais
16
B- Désignation de mandataires 17
C- Désignation de commissaires 18
III- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE PROCEDURES
COLLECTIVES
D'APUREMENT DU PASSIF 19
A- Le règlement préventif 19
B- Le redressement judiciaire et la liquidation des biens
20
CONCLUSION DU CHAPITRE 23
Chapitre 2 - LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN
MATIERE CONTENTIEUSE 25
I- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE
COMMERCANTS 26
A- Les litiges liés au crédit 26
B- Litiges liés aux opérations commerciales
28
II- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES ENTRE
ASSOCIES 31
A- Litiges liés à la gouvernance des
sociétés 31
B- Litiges liés au fonctionnement des
sociétés 32
III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE DE L'EXECUTION 34
A- Les saisies mobilières 34
B- La saisie immobilière 36
CONCLUSION DU CHAPITRE 38
CONCLUSION GENERALE 39
BIBLIOGRAPHIE 40
2
DEDICACE
A mes parents, TCHOUSSI André et TCHOUSSI Florence.
REMERCIEMENTS
Mes remerciements s'adressent :
- à DIEU, mon guide, dont les
grâces m'inondent tous les jours ;
- à mes parents qui supportent le
poids de mes études et de mon éducation avec une fierté et
un bonheur grandissants au fil du temps ;
- Au Docteur Sadjo OUSMANOU dont
l'encadrement, m'a permis de progresser dans ma quête de savoir et de
savoir-faire.
- à Me Virgile NJIKE NGASSAM, pour
m'avoir accueilli et encadré dans son cabinet au sein duquel j'ai pu
effecteur un stage d'apprentissage, mais aussi pour ses judicieux conseils et
recommandations, et la documentation à laquelle il m'a permis
d'accéder dans le cadre de mes recherches.
- à Me Laurence MOUAFO DJEUTCHOU pour
ses relectures, conseils et sa sollicitude tout au long de mes travaux.
3
Que tous trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.
4
LISTE DES ABREVIATIONS
A.U. : Acte Uniforme
AUA : Acte Uniforme relatif au droit de
l'arbitrage
AUDCG : Acte Uniforme relatif au droit
commercial général
AUDSC : Acte Uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du
groupement d'intérêt économique
AUS : Acte Uniforme portant organisation des
sûretés
AUVE : Acte Uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution
AUPCAP : Acte Uniforme portant organisation des
procédures collectives
d'apurement du passif
CCJA: Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA
Ed.: Edition
OHADA: Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
P.: Page
RCCM : Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier
TPI: Tribunal de Première Instance
TGI : Tribunal de Grande Instance
5
INTRODUCTION GENERALE
L'harmonisation du droit des affaires en Afrique (dans la zone
franc notamment) a connu une grande évolution avec l'avènement de
l'OHADA1 il y a une vingtaine d'années (plus
précisément, le 17 octobre 1993, date de l'adoption du
Traité de Port Louis2, texte fondateur de l'OHADA). Bien plus
qu'une harmonisation, cette « unification progressive et
générale des législations »3 du droit
économique sous la houlette de l'OHADA, a déjà conquis
bien des domaines de l'activité économique, tant sur le plan du
droit substantiel que sur celui des procédures. Aujourd'hui, le corpus
juridique de l'OHADA est composé d'un Traité (Traité de
Port Louis) de cinq Règlements, et de neuf Actes Uniformes.
Le droit uniforme OHADA, bien que s'inspirant des droits
nationaux des Etats parties, a, somme toute, redéfini le système
juridique au sein de ces Etats, et redistribué les rôles dans
l'appareil judiciaire. Aussi, si certains maillons de la chaine judiciaire
(Notaires, Huissiers) ont vu leur rôle accroître, d'autres, les
juges notamment, ont dû se réinventer pour s'adapter à la
nouvelle donne qu'apporte l'OHADA. Car la fonction de jugement a mué
avec l'avènement du droit OHADA, oscillant entre soumission à la
volonté des parties et impératif de service public - de la
justice. De même la juridiction présidentielle dans ce nouvel
ordre juridique révèle de nombreuses subtilités, et ses
contours actuels méritent désormais de faire l'objet d'une
attention particulière, d'un examen en profondeur.
La présente étude se veut un travail
synthétique (comme son titre l'indique) et descriptif, combinant, tout
en les expliquant, l'ensemble des dispositions relatives à la
juridiction présidentielle en droit OHADA.
1/ DEFINITION DES CONCEPTS
De prime abord, l'expression « juridiction
présidentielle » renvoie au Président de la juridiction
considérée. Cette expression procède de l'association de
deux notions essentielles : « juridiction » et «
Président ». Celles-ci peuvent recouvrir plusieurs acceptions selon
le contexte dans lequel elles sont placées. Elles sont aussi souvent
confondues avec d'autres notions voisines. C'est pourquoi il est
1 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires.
2 Révisé à Québec le 17/10/2008.
3 J. ISSA-SAYEGH, J. LOHOUES-OBLE, OHADA. Harmonisation du
droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 93.
6
indispensable de préciser le sens qui sera donné
à ces concepts et à l'expression « juridiction
présidentielle » dans le cadre de cette étude.
Ainsi, d'après le Larousse 2008, le Président
est la personne qui dirige les délibérations d'une
assemblée. Dans le domaine judiciaire, Le - Premier - Président
est le magistrat placé à la tête de la Cour Suprême,
d'une Cour d'Appel, d'un Tribunal de Grande Instance, ou d'un Tribunal de
Première instance. Mais, le Président de la juridiction est
différent du juge qui préside une formation de jugement, seul ou
en collégialité, puisque ce dernier ne le fait que «
ponctuellement » à l'occasion d'un procès dont il a la
charge, d'un litige qu'il doit trancher.
Le mot juridiction4, quant
à lui, est un synonyme un peu vieilli d'autorité, de
souveraineté5 (on dit par exemple qu'une entreprise
relève de la juridiction fiscale de tel ou tel Etat pour justifier que
cet Etat a le pouvoir de l'imposer). En matière judiciaire, «
Juridiction » est le terme utilisé pour, sans avoir égard
à la place qu'il occupe dans l'organisation judiciaire, désigner
une cour ou un tribunal pris en tant que service public de l'Etat ayant pour
fonction de juger les différends qui lui sont
déférés. La juridiction d'une cour ou d'un tribunal
renvoie aussi à son ressort, c'est-à-dire l'étendue de sa
compétence géographique et les matières dont elle peut
connaître. On classe généralement les juridictions
d'après leur nature en juridiction de droit commun et en juridiction
d'exception, et toute juridiction est située par le degré qu'elle
occupe dans la hiérarchie judiciaire.
Au total, dans la présente étude,
nous entendrons par « juridiction présidentielle » les
attributions qui relèvent de la compétence exclusive du
Président de la juridiction, ou du « magistrat
délégué » par lui. S'agissant du
degré de la juridiction étudiée (instance, appel,
cassation), la logique veut que les - Présidents des - juridictions
statuant en premier ressort (Tribunal de Grande Instance et Tribunal de
Première instance) fassent l'objet de l'essentiel de nos
développements, car c'est à eux que sont soumises, en premier
ressort, les demandes des justiciables. Bien évidement, nous
n'éludons pas les domaines qui relèvent - du Président -
de la Cour d'Appel ou des Cours de cassation nationales et communautaire
(CCJA). Ainsi, la juridiction présidentielle, désignera, le cas
échéant :
4 Voir sur l'ensemble de la question : R. GUILLIEN, J. VINCENT
(sous la direction de), Lexique de termes juridiques, 13e
éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 327-328.
5 Dans un sens large, proche de celui du mot anglais
similaire, jurisdiction.
7
le Président du tribunal de Première instance,
le Président du Tribunal de Grande Instance, le Président de la
Cour d'Appel, le Président de la Cour Suprême, ou le
Président de la CCJA.
2/ DELIMITATION DU SUJET
L'étude de la juridiction présidentielle en
droit OHADA peut couvrir plusieurs champs. Ainsi, avant de rentrer dans le fond
de l'étude, il est important d'en préciser le domaine de la
présente étude. Il faut donc circonscrire l'étude
c'est-à-dire faire une délimitation tant territoriale que
matérielle et temporelle. D'entrée de jeu, nous précisons,
si besoin s'en faut, que seules les juridictions de l'ordre judiciaire sont
concernées, et que conséquemment les juridictions
administratives, des comptes et les juridictions militaires sont exclues de
notre champ matériel. De même, bien que le droit OHADA, droit des
affaires et des activités économique, fasse partie de la grande
famille du droit civil, nous nous limiterons à l'étude de
l'activité de la juridiction présidentielle lorsqu'elle doit
connaître de demandes liées à l'application du corpus
juridique de l'OHADA, à l'exclusion des affaires, civiles ou
commerciales, qui n'ont pas été régies par le
législateur communautaire.
Sur le plan matériel, nos travaux se focalisent sur
l'activité juridictionnelle du Président de la juridiction. En
effet, le Président d'une juridiction, magistrat du siège, est
d'abord un juge. En tant que tel, il a pour mission principale de dire le
droit. Pour se faire il pose des actes dits « juridictionnels ». Ces
actes juridictionnels s'opposent aux actes judiciaires non
juridictionnels6, qui sont, pour l'essentiel, des mesures
d'administration judiciaire : attribution des affaires à tel ou tel
juge, déploiement des greffiers, fixation des dates d'audience... Cette
activité ne revêt pas un intérêt significatif dans le
cadre de cette recherche, aussi avons-nous choisi de l'exclure de notre champ
d'étude. Ainsi, il s'agira, tout au long de cette étude, tel que
nous l'avons annoncé plus haut, d'examiner l'activité du
Président de la juridiction en matière juridictionnelle.
Par ailleurs, l'étude étant orientée sur
le Droit OHADA, nous avons estimé qu'elle serait plus abordable si elle
contenait des illustrations basées sur le système
6 La définition de l'acte juridictionnel et la
délimitation du champ qu'il recouvre font l'objet de beaucoup de
débats en doctrine. Nous n'avons pas voulu nous étendre sur cette
question car elle requiert une étude particulière et des
développements conséquents, qui ne sont pas l'objet de la
présente étude qui se doit d'être concise. Sur l'ensemble
de la question voir J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile,
26e éd., Paris, Dalloz, pp. 191-240.
8
judiciaire d'un Etat-partie. Aussi, avons-nous choisi
d'appuyer les références et illustrations de la présente
étude sur le système judiciaire camerounais. Quelques
références au droit comparé (Droit français) nous
permettrons aussi de mieux étayer nos propos.
La délimitation temporelle que nous ferons s'appuie,
évidemment sur l'apparition du droit OHADA. Toutefois,
considérant que nos illustrations s'appuieront essentiellement sur le
système judiciaire camerounais, et sachant que ce dernier a connu une
récente réforme, notamment, par l'adoption d'une série de
lois le 29 décembre 2006 et la promulgation, le 19 avril 2007, de la -
très controversée - loi sur le juge du contentieux de
l'exécution, notre recherche se limitera à l'étude de la
juridiction présidentielle en droit OHADA depuis le 19 avril 2007.
3/ INTERET DE L'ETUDE
L'intérêt de l'étude de la juridiction
présidentielle en droit OHADA se situe sur les plans scientifique et
économique.
Dans le domaine scientifique, la présente étude
pourrait apporter une clarification théorique voire pratique à un
des problèmes les plus récurrents du droit judiciaire
privé : celui de la compétence du Président de la
juridiction. En effet, « le Président de la juridiction
compétente », « la juridiction compétente statuant
à bref délai », sont des expressions abondamment
utilisées par le législateur OHADA. Mais ni les
législateurs nationaux ni la doctrine encore moins les praticiens du
droit ne parviennent à s'accorder sur l'identité du juge auquel
renvoient les dispositions. Aussi, pensons-nous que nos travaux auront une
contribution significative dans la résolution de cet imbroglio.
Sur le plan économique cette recherche et ses
conclusions auront pour intérêt de permettre aux investisseurs de
connaître et comprendre la place et le rôle des Présidents
des Cours et Tribunaux dans le processus d'harmonisation du droit des affaires
et la sécurisation juridique des activités économiques en
Afrique.
Mais, pour que soient produits ces effets, il faut que soit
dégagée la problématique qui sous-tend la présente
étude.
9
4/ PROBLEMATIQUE
Une brève étude du droit positif, voire une
observation superficielle de la pratique judiciaire par un profane, laissent
entrevoir que le Président d'une juridiction est la pièce
maîtresse de celle-ci. De par sa position il semble jouir de bien de
prérogatives, et concentrer certains pouvoirs. Mais lorsqu'on va plus en
profondeur dans l'étude du droit positif, on perçoit le souci
qu'eut le législateur OHADA (et national) d'encadrer ces pouvoirs en
donnant une certaine orientation aux attributions de la juridiction
présidentielle.
Evidemment, la présente étude implique l'examen
croisé du droit substantiel, et du droit judiciaire, du droit uniforme
et du droit national, de sorte que deux questions essentielles s'imposent
à nous, deux questions dont la tentative de réponse constituera
nos prochains développements. Ainsi, nous devons déterminer
l'étendue du pouvoir des Juridictions Présidentielles en
matière d'interprétation et d'application du Droit Uniforme
OHADA. Et, parce que « la procédure assure l'action », il nous
revient de dire comment sont exercées ces attributions.
Il s'agit donc dans la présente
étude de se demander comment et jusqu'où s'exerce la
compétence de la juridiction présidentielle en droit
OHADA.
5/ HYPOTHESE
La juridiction présidentielle statue par ordonnance, et
elle est, à la fois, juge de l'apparence et juge du fond. En effet,
l'exercice de ses compétences par la juridiction présidentielle
peut tendre, soit à lever les obstacles fondés sur la
résistance par une partie aux prétentions de l'autre, soit
à lever l'obstacle que la loi met à la régularisation
d'une situation, en exerçant un contrôle de légalité
et d'opportunité. Ainsi, l'acte juridictionnel posé par le
Président d'une juridiction peut être aussi bien contentieux que
gracieux.
Aussi, les expressions « juridiction compétente
statuant à bref délai », « juridiction
compétente statuant en urgence » et « juridiction
compétente statuant sur requête », utilisées
abondamment par le législateur OHADA, qui s'apparentent tant à
une juridiction gracieuse qu'à un juge du fond, désignent en fait
le Président de la juridiction compétente (ou le magistrat
délégué par lui).
10
6/ CADRE METHODOLOGIQUE
La recherche en droit exige une certaine rigueur
méthodologique. Cette rigueur s'exprime dans le choix du modèle
d'analyse. Dans le cadre de la présente étude, il conviendra
d'employer les méthodes juridique et fonctionnelle.
La méthode juridique, selon Charles
EINSENMANN7, a deux composantes : la dogmatique et la caustique. La
dogmatique consiste à analyser les textes et les conditions de leur
édiction ; il s'agit de l'étude du droit écrit, de la
norme juridique au sens strict, et plus spécifiquement du droit positif
tel qu'il ressort des textes en vigueur. Elle permettra de s'appesantir sur le
sens des lois, les conditions d'exercice du droit à la justice, ou
encore sur le cadre et la compétence des juges fixés par le
législateur. En d'autres termes, il faudra faire ressortir les
cohérences et les incohérences des textes législatifs. La
caustique permettra d'apprécier la démarche du juge lorsqu'il est
confronté à une situation où il doit donner une solution
prévue par la norme juridique. En effet, la norme juridique
nécessite une confrontation aux réalités sociales, car la
fonction essentielle du droit est de régenter l'ordre social. Cette
logique rejoint celle de la méthode fonctionnelle. L'analyse
fonctionnelle (ou fonctionnalisme) est une méthode
développée par MALINOWSKI8 pour qui tous les
éléments sociaux et culturels remplissent une fonction. Cette
méthode consiste en la recherche (dans une conception holistique de la
société) de la fonction que remplit chaque élément.
Suivant cette méthode, pour comprendre le sens d'une loi ou d'une
jurisprudence, il faut rechercher sa fonction dans la société. Il
ne s'agira donc pas de se limiter à faire l'exégèse des
textes, mais d'analyser et d'interpréter les textes afin de
dégager la finalité de telle ou telle autre disposition, de
rechercher le but poursuivi par le législateur lorsqu'il pose une
condition ou en exclut d'autres.
7/ ARTICULATION DU PLAN
Suivant l'hypothèse émise tantôt, nous
examinerons l'activité de la juridiction présidentielle
en matière gracieuse (Chapitre 1), et
en matière contentieuse (Chapitre 2).
7 Ch. EINSENMANN, Cours de Droit administratif,
cité par C. NACH MBACK, Démocratisation et
décentralisation, « genèse et dynamiques comparées
des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne »,
Paris, Karthala-PDM, 2003, p.45.
8 B. MALINOWSKI, J. G. FRAZER, M. PANOFF, Les Argonautes
du Pacifique occidental, Gallimard, 1989, 606 pp.
11
Chapitre 1- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE
GRACIEUSE
La nature juridictionnelle des décisions gracieuses
fait l'objet d'une certaine casuistique9. En effet, tandis que
certains auteurs voudraient opposer à l'acte juridictionnel la
juridiction gracieuse, d'autres tendent à considérer les actes
gracieux comme une véritable juridiction d'une nature spéciale.
Pour trancher le problème, le Doyen CORNU propose une définition
duale et étendue de la matière gracieuse ; il distingue ainsi :
d'une part, les matières qui « relèvent de la
juridiction gracieuse » (en ce qu'elles soumettent au contrôle
d'un juge un acte de volonté privée, matière de sa
juridiction), et d'autre part celles qui « sont instruites et/ou
jugées comme en matière gracieuse » (car elle sont
rattachées à la procédure gracieuse sans pour autant
réunir toutes les composantes de la matière
gracieuse)10. Cette définition peut être
complétée par celle donnée par l'article 25 du - nouveau -
Code de Procédure Civile français dit que « le
juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est
saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou
de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son
contrôle ».
En matière gracieuse, la juridiction
présidentielle est saisie par voie de requête. D'ailleurs, la
procédure sur requête relève de la compétence
exclusive de la juridiction présidentielle. Aussi, lorsque la «
juridiction compétente» est saisie par requête, c'est au
Président de ladite juridiction qu'est adressée cette
requête.
Cette requête peut solliciter du Président de la
juridiction compétente qu'il rende une ordonnance tendant à
garantir le patrimoine du demandeur (A). Le Président de la juridiction
compétente peut aussi être saisi, par voie gracieuse, par les
organes dirigeants d'une société, en sa qualité de juge
d'appui (B). Enfin, le législateur OHADA soumet à la
procédure gracieuse devant la juridiction présidentielle
certaines demandes relatives aux procédures collectives d'apurement du
passif (C).
En dehors de ces cas, la juridiction présidentielle
intervient, de façon exceptionnelle en matière d'arbitrage. En
effet, l'article 5-a de l'Acte Uniforme sur l'arbitrage dispose qu' «
en cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie nomme un
9 Sur l'ensemble de la question voir J. VINCENT, S. GUINCHARD,
Procédure civile, 26e éd., Paris, Dalloz, pp.
205-210.
10 Pour les professeurs J. VINCENT, S. GUINCHARD la confusion
et la difficulté dans la détermination du caractère
juridictionnel des décisions gracieuses proviennent en grande partie
« du fait que des considérations de pure théorie
juridique (...) ont été occultées par des
considérations d'ordre pratique »; ainsi, poursuivent-ils,
« il était commode de confier aux tribunaux créés
par l'Etat pour juger, des tâches, des fonctions non juridictionnelles -
à l'origine - mais pour lesquelles le besoin de l'intervention d'une
autorité publique était nécessaire ». J.
VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile, op. cit., p 192.
12
arbitre et les deux arbitres ainsi nommés
choisissent le troisième arbitre ; si une partie ne nomme pas un arbitre
dans un délai de trente jours à compter de la réception
d'une demande à cette fin émanant de l'autre partie, ou si les
deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans
un délai de trente jours à compter de leur désignation, la
nomination est effectuée, sur la demande d'une partie, par le juge
compétent dans l'Etat-partie » ; on devine aisément que
ce « juge » sera saisi par requête, ce qui renvoie à
dire que cette compétence ressort des attributions de la juridiction
présidentielle opérant par voie gracieuse.
I- JURIDICTION PRESIDENTIELLE ET SECURISATION DU
PATRIMOINE
A la lecture des Actes Uniformes OHADA portant sur le Droit
Commercial Général, sur le Droit des Sûretés (voire,
le projet d'Acte Uniforme sur le droit des contrats), on se rend rapidement
à l'évidence : le législateur OHADA est soucieux, au
premier ordre, de la sécurité - juridique - des affaires et des
investissements. Mais il est aussi conscient qu'aucune disposition
légale ne peut déjouer la malice de l'être humain, ni
anticiper parfaitement les aléas du monde des affaires. C'est pourquoi,
il s'est évertué à prescrire des procédures
simplifiées de recouvrement. Aussi le législateur OHADA a-t-il
confié la mise en oeuvre aux instances judiciaires.
Le pouvoir judiciaire occupe donc une place importante dans la
protection de l'investissement. Ceci se traduit par l'activité de la
juridiction présidentielle qui est chargée du contrôle du
RCCM et de l'administration des sûretés (A), mais aussi de la mise
en oeuvre des mesures conservatoires et des procédures
simplifiées de recouvrement (B).
A- Le contrôle du RCCM et l'administration des
sûretés
L'article 36 de l'AUDCG dispose que « le Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier est tenu par le greffe de la juridiction
compétente ». Ratione materiae, la juridiction
compétente est la juridiction statuant en matière commerciale ou,
en d'autres termes, faisant fonction de tribunal de commerce dans chaque
Etat11 (le Tribunal de Première Instance au Cameroun).
S'agissant de la compétence ratione
11 Cette interprétation est confirmée par
l'article 258 de l'AUDSC qui dispose « la publicité par
dépôt d'actes ou de pièces est effectuée au greffe
du tribunal chargé des affaires commerciales du lieu du siège
social ».
13
loci, la règle est que pour l'immatriculation
et l'inscription des faits et mentions obligatoires, c'est la juridiction du
lieu de l'exploitation du commerce (personnes physiques) ou du lieu du
siège social (sociétés commerciales et autres personnes
morales) qui est compétente12.
L'expression juridiction compétente désigne en
réalité le président ou le juge
délégué. C'est ce qui ressort de l'article 36
précité qui prévoit que le Registre du Commerce et du
Crédit Mobilier est tenu par le greffe de la juridiction
compétente « sous la surveillance du Président de ladite
juridiction ou du juge délégué par lui à cet effet
(...) »13. A ce titre, le Président de la
juridiction compétente, saisi par requête du greffe, autorise ce
dernier à procéder à la radiation d'une inscription au
RCCM dans les cas prévus par la loi14. A ce niveau on peut
faire un parallèle avec l'Acte Uniforme sur le droit des
sociétés coopératives qui, créant un Registre des
Sociétés Coopératives, dispose à son article 84 que
« à défaut de demande de radiation dans le délai
prescrit, l'autorité administrative chargée de la tenue du
Registre des Sociétés Coopératives compétente
procède à la radiation sur décision de la juridiction
compétente saisie à sa requête ou à celle de tout
intéressé ».
En dehors du fonctionnement du RCCM, la juridiction
présidentielle est aussi compétente dans des cas liés au
contrôle des sûretés. Ainsi, lorsqu'un bien objet d'un gage
avec dépossession menace de périr, le créancier gagiste
(ou le tiers convenu) peut faire vendre, sous sa responsabilité, le bien
gagé sur autorisation notifiée au constituant de la juridiction
compétente saisie sur simple requête15. De même,
il est prévu que, toute demande tendant à la résolution
amiable, judiciaire ou de plein droit de la vente du fonds de commerce doit
faire l'objet d'une prénotation au RCCM à l'initiative du vendeur
; et que cette prénotation est autorisée par la juridiction
compétente du lieu où la vente a été inscrite, par
décision sur requête (à charge de lui en
référer)16.
12 A. PEDRO SANTOS, J. YADO TOE, OHADA. Droit commercial
général, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 120
13 Option confirmée par l'article 66 du même Acte
uniforme qui dispose que « le greffier ou le responsable de l'organe
compétent dans l'Etat Partie en charge du Registre du Commerce et du
Crédit Mobilier s'assure, sous sa responsabilité, que la demande
et la déclaration sont complètes et vérifie la
conformité de leurs énonciations aux pièces justificatives
produites comme prévu aux articles 50 et 58 ci-dessus. (...) S'il
constate des inexactitudes ou s'il rencontre des difficultés dans
l'accomplissement de sa mission, il peut convoquer le demandeur ou le
déclarant pour recueillir toutes explications et pièces
complémentaires.
14 Article 55 AUDCG.
15 Article 111 AUS.
16 Article 168 AUS.
14
B- Mesures conservatoires et procédures
simplifiées de recouvrement
Toute personne dont la créance paraît
fondée en son principe, si elle justifie de circonstances de nature
à en menacer le recouvrement, peut, par requête, solliciter de la
juridiction compétente (du domicile ou du lieu où demeure le
débiteur), l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous
les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans
commandement préalable17. Tel est le principe posé
à l'article 54 de l'AUVE. Cet article réaffirme l'option du
législateur OHADA qui, soucieux de l'amélioration de
l'environnement des affaires, fait de la juridiction présidentielle le
garant de la célérité des procédures et de la
sécurisation du patrimoine des investisseurs. A titre de mesure
conservatoire, l'AUVE prévoit aussi que « toute personne
apparemment fondée à requérir la délivrance ou la
restitution d'un bien meuble corporel peut, en attendant sa remise, le rendre
indisponible au moyen d'une saisie-revendication » ; pour ce faire,
la requête est formée auprès de la juridiction du domicile
ou du lieu où demeure la personne tenue de délivrer ou de
restituer le bien18.
Dans la même optique, le législateur a
confié à la juridiction présidentielle, du moins, dans
leur phase gracieuse, les procédures simplifiées de recouvrement
que sont l'injonction de payer et l'injonction de restituer. En effet, le
recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible peut être
demandé suivant la procédure d'injonction de payer. La demande
est formée par requête auprès de la juridiction
compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le
débiteur (ou l'un d'entre eux en cas de pluralité de
débiteurs)19. Si, au vu des documents produits, la demande
lui paraît fondée en tout ou partie, le président de la
juridiction compétente rend une décision portant injonction de
payer pour la somme qu'il fixe20. De même, celui qui se
prétend créancier d'une obligation de délivrance ou de
restitution d'un bien meuble corporel déterminé, peut demander au
président de la juridiction compétente d'ordonner cette
délivrance ou restitution21. La demande de délivrance
ou
17 L'article 62 du même acte précise que «
la juridiction compétente peut, à tout moment, sur la demande du
débiteur, donner mainlevée de la mesure conservatoire si le
saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites sont
réunies ». Il s'agira alors d'une procédure contradictoire,
au fond, initiée par une assignation en mainlevée devant le
Tribunal. D'après Me TEPPI, c'est le juge de l'exécution,
c'est-à-dire, le président de la juridiction statuant en
matière de contentieux de l'exécution (qui rendra uune ordonnance
contentieuse).
18 Article 227 AUVE.
19 Article 3 AUVE.
20 Article 5 AUVE.
21 Article 19 AUVE.
15
de restitution est formée par requête
déposée ou adressée au greffe de la juridiction
compétente22. Si la demande paraît fondée, le
président de la juridiction compétente rend une décision
au pied de la requête portant injonction de délivrer ou de
restituer le bien litigieux23. En cas de rejet, la décision
est insusceptible de recours pour le créancier, sauf à celui-ci
à procéder selon les voies de droit commun.
Dans les deux cas, l'ordonnance rendue est susceptible
d'opposition dans un délai de quinze jours (elle est insusceptible
d'appel) ; l'opposition, formée par acte extrajudiciaire, est
portée devant la juridiction compétente dont le président
a rendu la décision d'injonction de payer24. La juridiction
saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation ;
si celle-ci aboutit, le président dresse un procès verbal de
conciliation signé par les parties, dont une expédition est
revêtue de la formule exécutoire25 (dans le cas
contraire, elle donne lieu à une instance au fond). En l'absence
d'opposition dans le délai prescrit, le requérant peut demander
au Président de la juridiction compétente l'apposition de la
formule exécutoire sur la décision26, dont l'effet
principal est de permettre la mise en oeuvre de mesures d'exécution
forcée.
II- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE D'APPUI AUX
SOCIETES
COMMERCIALES ET COOPERATIVES
Si l'activité commerciale peut être diverse et
variée, elle est bien souvent organisée autour des
sociétés commerciales ou des sociétés
coopératives. Comme toutes les activités économiques la
création, la vie et la mort d'une société ont besoin d'un
certain encadrement juridique qui apporte des garanties de
sécurité et de célérité. Et, on l'a vu plus
haut, le législateur OHADA a institué la juridiction
présidentielle comme garante de ces principes (de sécurité
et de célérité) ; dans le cadre du droit des
sociétés27 il n'y déroge point.
Les fonctions « d'appui » de la juridiction
présidentielle sont celles par lesquelles elle se substitue aux parties
afin d'effectuer un acte, soit parce que les parties n'ont
22 Article 20 AUVE.
23 Article 23 AUVE.
24 Article 9 AUVE.
25 Article 12 AUVE.
26 Articles 16 et 27 AUVE.
27 A noter que, la plupart des dispositions
évoquées dans cette section, en ce qui concerne l'Acte Uniforme
relatif au droit des sociétés commerciales, ont été
reprises dans l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés
coopératives ; aussi, nous ne nous attarderons pas sur ce dernier Acte
uniforme, mais nous mentionnerons toutefois les références des
dispositions qui s'y rapportent.
16
pas réussi à se mettre d'accord, soit parce
qu'elles ont besoin du truchement de cette juridiction pour le faire.
L'activité qui illustre bien cette fonction est
l'homologation des procès verbaux d'assemblées
générales. En effet, l'homologation des actes sous seing
privé est une procédure classique en droit civil, qui donne
généralement lieu à un « jugement de donner acte
» ; en droit OHADA, cette procédure concerne essentiellement les
délibérations des assemblées de sociétés
commerciales. Ainsi, l'Article 458 de l'AUDSC dispose que « les
délibérations du conseil d'administration sont constatées
par des procès-verbaux établis sur un registre spécial
tenu au siège social, coté et paraphé par le
juge28 de la juridiction compétente
»29.
Cette fonction d'appui consiste essentiellement à
accorder des autorisations et des prorogation de délais (A),
désigner des mandataires (B) ou des commissaires (C)
A- Autorisations et prorogations de délais
La juridiction présidentielle est en effet
compétente pour accorder, par voie gracieuse, des autorisations
indispensables à l'accomplissement de certains actes touchant à
la vie d'une société commerciale.
Ainsi, dans le cadre de la constitution d'une
société, et dans l'hypothèse où la
société ne serait pas immatriculée au registre du commerce
et du crédit mobilier dans le délai de six mois à compter
du premier dépôt des fonds en banque ou chez le notaire, les
apporteurs peuvent demander au Président de la juridiction
compétente, l'autorisation de retirer le montant de leurs
apports30. De même, au cours d'une opération
d'augmentation de capital, les souscripteurs peuvent solliciter, du
Président de la juridiction compétente, l'autorisation de retirer
le montant de leurs fonds, si l'augmentation de capital n'a pas
été réalisée dans le délai de six mois
à compter du
28 Comme on l'a vu ci-haut, page 12,
il s'agira du président de la juridiction saisi sur requête.
29 Un autre cas, de même nature est prévu par
l'AUDSC. Il concerne la mise en harmonie, avec cet acte uniforme, des statuts
des sociétés constituées avant sont entrée en
vigueur. Il s'agit de l'article 912 qui dispose que « si, pour une raison
quelconque, l'assemblée des actionnaires ou des associés n'a pu
statuer régulièrement, le projet de mise en harmonie des statuts
sera soumis à l'homologation du président de la juridiction
compétente statuant sur requête des représentants
légaux de la société ». Cet article est aujourd'hui,
en quelque sorte, caduque, étant donné que le délai de
deux ans à compter de l'entrée en vigueur de l'AUDSC, en 1998,
imparti à ces sociétés pour procéder à cette
harmonisation, est aujourd'hui largement dépassé. Idem pour
l'article 214 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés
coopératives.
30 Article 314 AUDSC. Idem pour l'article 393 de l'Acte
Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.
17
premier dépôt des fonds provenant de la
souscription31. Pareillement, le Président de la juridiction
compétente, peut autoriser des personnes étrangères
à une société commerciale à participer aux
assemblées générales de celle-ci 32.
Le Président de la juridiction compétente peut
aussi être saisi afin de proroger le délai d'acquisition par les
associés des parts d'un associé d'une SARL (en cas de cession ou
de rachat de ses parts)33 ; il peut en outre, être saisi sur
requête, d'une demande tendant à la prorogation du délai de
réunion de l'assemblée générale des associés
d'une SARL après la clôture de l'exercice34.
B- Désignation de mandataires
Dans bien des cas, les associés d'une
société (commerciale ou coopérative) peuvent, par
requête, solliciter du président de la juridiction
compétente qu'il désigne un mandataire chargé de les
représenter ou de les substituer dans l'accomplissement de certaines
tâches. Le législateur OHADA désigne tantôt le
président de la juridiction compétente, tantôt celui de la
juridiction compétente statuant à bref délai.
Dans le premier cas, la juridiction présidentielle est
saisie pour la désignation d'un mandataire chargé : de
représenter les copropriétaires d'une action ou d'une part
sociale35 ; de convoquer l'assemblée générale
ordinaire, à l'effet de procéder aux nominations ou de ratifier
la nomination à un siège d'administrateur vacant36.
Concernant le cas particulier des obligataires, la juridiction
présidentielle est saisie pour la désignation d'un mandataire
chargé : de représenter leur groupement37 ; de
procéder à la déclaration au passif de la liquidation des
biens ou du redressement judiciaire de la société du montant des
sommes dues par la société aux obligataires du
groupement38 ; ou encore de convoquer leur assemblée
générale39.
Le second cas sera étudié dans le chapitre 2,
puisqu'il s'agit d'une procédure contentieuse.
31 Article 362 AUDSC.
32 Article 537 AUDSC. Idem pour l'article 362 de l'Acte
Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.
33 Article 319 AUDSC.
34 Article 348 AUDSC.
35 Article 127 AUDSC.
36 Article 429 AUDSC. Idem pour l'article 304 de l'Acte
Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives
37 Article 788 AUDSC.
38 Article 792 AUDSC.
39 Article 796 AUDSC.
18
C- Désignation de commissaires
Dans ce cadre, la juridiction présidentielle est
sollicitée dès la constitution d'une société et
jusqu'à sa transformation. En effet, s'agissant de la SARL, lorsque l'un
des (futurs) associés fait un apport en nature, l'article 312 AUDSC
dispose que « les statuts doivent nécessairement contenir
l'évaluation de chaque apport en nature et des avantages particuliers
stipulés. Cette évaluation est faite par un commissaire aux
apports dès lors que la valeur de l'apport ou de l'avantage
considéré, ou que la valeur de l'ensemble des apports ou
avantages considérés, est supérieure à cinq
millions (5.000.000) de francs CFA ». A défaut de
désignation de ce commissaire à l'unanimité des
associés, ce dernier est désigné par « le
président de la juridiction compétente, à la demande des
fondateurs de la société ou de l'un d'entre eux
»40. En ce qui concerne la S.A., cette procédure
est obligatoire quelque soit la valeur de l'apport en nature41.
S'agissant des opérations de fusion, l'article 672
AUDSC dispose que « un ou plusieurs commissaires à la fusion,
désignés par le président de la juridiction
compétente, établissent, sous leur responsabilité, un
rapport écrit sur les modalités de la fusion ».
En outre, à l'instar de la désignation des
commissaires, la juridiction présidentielle peut être saisie aux
fins de désigner un expert chargé : de déterminer le prix
de cession d'une action42 ; de présenter un
rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion43.
S'il n'était question que de ces fonctions d'appui, on
pourrait croire que le fonctionnement d'une société est un cours
d'eau tranquille. Seulement, la juridiction présidentielle est aussi
appelée à intervenir lorsque des conflits surviennent dans la vie
d'une société.
40 Il en est de même, en cas d'augmentation du capital
d'une SARL réalisée partiellement ou totalement par des apports
en nature (Article 363 AUDSC).
41 Article 400 AUDSC. La désignation d'un commissaire
aux apports, par le président de la juridiction compétente, est
aussi obligatoire, en cas d'augmentation du capital d'une S.A.
réalisée partiellement ou totalement par des apports en nature
(Article 619 AUDSC).
42 Article 770 AUDSC. L'article 771 prévoit aussi la
prorogation, par président de la juridiction qui a désigné
l'expert, du délai d'acquisition des actions.
43 Article 159 AUDSC. Idem pour l'article 120 de l'Acte
Uniforme relatif au Droit des Sociétés coopératives.
19
III- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE
PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF
Une entreprise entretient des relations à la fois avec
ses associés et avec des tiers, fournisseurs ou clients,
débiteurs ou créanciers. La survenance de litiges est logiquement
inévitable dans ce contexte. Aussi, eu égard à la
célérité qui s'impose dans leur traitement, et à la
nature - gracieuse - de certaines demandes, le législateur OHADA a
attribué certains de ces recours à la compétence exclusive
de la juridiction présidentielle. En tant que tel, la juridiction
présidentielle a été désignée comme garante
de la bonne conduite des procédures collectives d'apurement du
passif.
Si dans cette section il sera question d'étudier
l'activité de la juridiction présidentielle lorsqu'elle est
amenée à protéger les cocontractants de la
société, il faut relever que dans les cas qui vont être
évoqués, lorsqu'elle est saisie, la juridiction
présidentielle s'évertue d'avantage à trouver le juste
équilibre entre les intérêts de la société et
ceux de ces créanciers. Et ceci vaut autant pour le règlement
préventif que pour le redressement et la liquidation
judiciaires44.
A- Le règlement préventif
Afin d'initier une procédure de règlement
préventif, le débiteur saisit la juridiction compétente
par une requête exposant sa situation économique et
financière, présentant les perspectives de redressement de
l'entreprise et d'apurement du passif, et indiquant les créances pour
lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites
individuelles. Cette requête est adressée au Président de
la juridiction compétente45 qui rend une décision de
suspension des poursuites individuelles. La décision de suspension des
poursuites individuelles n'est susceptible d'aucune voie de
recours46.
Cette décision suspend ou interdit toutes les
poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des
créances désignées par le débiteur et nées
antérieurement à ladite décision. Elle interdit
également au débiteur, sous peine d'inopposabilité de
droit : de payer, en tout ou en partie, les créances nées
antérieurement à la décision
44 Ces procédures relèvent de relèvent de
la « juridiction compétente en matière commerciale »
(article 3). Il s'agira donc sous cette section, du président de la
juridiction compétente en matière commerciale.
45 Article 5 AUPCAP
46 Article 22 AUPCAP. Les décisions de la juridiction
statuant sur l'opposition ne sont susceptibles d'aucune voie de recours autre
que le pourvoi en cassation.
20
de suspension des poursuites individuelles et visées
par celle-ci ; de faire aucun acte de disposition étranger à
l'exploitation normale de l'entreprise, ni consentir aucune sûreté
; de désintéresser les cautions qui ont acquitté des
créances nées antérieurement à la décision
de suspension des poursuites47. Sur décision motivée,
le Président de la juridiction peut lever ces interdictions faites au
débiteur ; pareille décision ne peut faire l'objet que d'une
opposition devant la dite juridiction dans le délai de huit
jours48.
La décision (de suspension des poursuites) du
Président de la juridiction saisie désigne un expert pour lui
faire rapport sur la situation économique et financière de
l'entreprise49. Le Président de la juridiction saisie peut
autoriser l'expert commis, qui doit déposer son rapport contenant le
concordat préventif au greffe dans les deux mois de sa saisine, à
proroger ce délai d'un mois50. Enfin, dans les huit jours du
dépôt du rapport, le Président saisit la juridiction
compétente et convoque le débiteur à comparaître
devant cette juridiction pour y être entendu en audience non
publique51.
Pour ce qui est des voies de recours, l'article 23 AUPCAP
dispose que les décisions de la juridiction compétente relatives
au règlement préventif sont exécutoires par provision et
ne peuvent être attaquées que par la voie de l'appel qui doit
être interjeté dans le délai de quinze jours à
compter de leur prononcé.
En cas de cessation de paiement constatée par la
juridiction saisie, la procédure de règlement préventif
peut muer en redressement judiciaire ou en liquidation des biens.
B- Le redressement judiciaire et la liquidation des biens
Le débiteur qui est dans l'impossibilité de
faire face à son passif exigible avec son actif disponible, quelle que
soit la nature de ses dettes, peut déposer au greffe de la juridiction
compétente une déclaration de cessation des paiements aux fins
d'obtenir l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des
47 Articles 9 et 11 AUPCAP
48 Article 24 AUPCAP.
49 Article 8 AUPCAP.
50 Article 13 AUPCAP.
51 Article 14 AUPCAP, qui ajoute que le Président de la
juridiction compétente « doit, également convoquer à
cette audience l'expert rapporteur ainsi que tout créancier qu'il juge
utile d'entendre ».
21
biens52. Le Président de la juridiction
compétente joue un rôle important tout au long de cette
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation.
1. L'ouverture de la procédure53
Avant la décision d'ouverture d'une procédure
collective, le Président de la juridiction compétente peut
désigner un juge du siège ou toute personne qu'il estime
qualifiée, à charge de dresser et lui remettre un rapport dans un
délai qu'il détermine, pour recueillir tous renseignements sur la
situation et les agissements du débiteur et la proposition de concordat
faite par lui54.
Si la juridiction compétente constate la cessation de
paiements, elle doit prononcer le redressement judiciaire ou la liquidation des
biens. La décision d'ouverture de la procédure collective nomme
un Juge-commissaire parmi les juges de la juridiction - à l'exclusion de
son Président sauf en cas de juge unique. Elle désigne le ou les
syndics sans que le nombre de ceux-ci puisse excéder trois (le cas
échéant, l'expert désigné pour le règlement
préventif d'un débiteur ne peut être désigné
comme syndic). S'agissant du Groupement d'Intérêt Economique,
l'article 885 AUDSC dispose que « la liquidation s'opère
conformément aux dispositions du contrat (...) à défaut,
un liquidateur est nommé par l'assemblée générale
des membres du groupement d'intérêt économique ou si
l'assemblée n'a pu procéder à cette nomination, par
décision du président de la juridiction compétente
».
2. La conduite de la procédure
Le Président de la juridiction compétente peut
ordonner une enquête par le syndic qui sera chargé de lui rendre
compte55. De même, en cas de disparition du débiteur ou
de détournement de tout ou partie de son actif, le Président de
la
52 Même en cas de liquidation amiable d'une
société, il peut être ordonné par décision de
la juridiction compétente statuant à bref délai que cette
liquidation sera effectuée dans les mêmes conditions que la
liquidation par voie de justice. Article 223 AUDSC
53 En dehors des cas évoqué sous cette section
l'article 60 AUDSC prévoit un autre cas de dissolution d'une
société. Il prévoit que, « dans le cas des
sociétés dont la forme unipersonnelle n'est pas autorisée
par le présent Acte uniforme, la détention par un seul
associé de tous les titres sociaux n'entraîne pas la dissolution
de plein droit de la société ». Le cas
échéant, poursuit cet article, « tout
intéressé peut demander au Président de la juridiction
compétente cette dissolution, si la situation n'a pas été
régularisée dans le délai d'un an ».
54 Article 32 AUPCAP.
55 Article 138 AUPCAP.
22
juridiction saisie peut désigner, parmi les membres de
cette juridiction, soit d'office, soit sur réquisition d'un ou plusieurs
créanciers, un juge qui appose les scellés56.
En vue de l'établissement du concordat de redressement,
le Président de la juridiction compétente, saisi par le
Juge-commissaire, fait convoquer, par avis insérés dans les
journaux et par lettres adressées individuellement par le greffier, les
créanciers dont les créances ont été admises
à titre chirographaire, définitivement ou par provision (dans un
délai de trente jours à compter de l'insertion dans un journal
d'annonces légales de l'avis de dépôt de l'état des
créances par le greffier)57.
De même, l'autorisation de la juridiction
compétente est nécessaire pour pouvoir procéder, en cours
de procédure, à la cession de tout ou partie de l'actif de la
société en liquidation à une personne ayant eu dans cette
société la qualité d'associé en nom, de
commandité, de gérant, de membre du conseil d'administration,
d'administrateur général ou de commissaire aux
comptes58.
3- Faillite personnelle et réhabilitation59
La mise en oeuvre d'une procédure collective
d'apurement du passif peut conduire en la mise en faillite personnelle du
débiteur ou de l'un de ses dirigeants s'il s'agit d'une personne morale.
Lorsqu'il a connaissance des faits susceptibles de justifier la faillite
personnelle, le syndic en informe immédiatement le représentant
du Ministère Public et le Juge-commissaire à qui il fait rapport
dans les trois jours ; lequel rapport est transmis au Président de la
juridiction compétente. Dès qu'il est saisi du rapport du syndic
ou du Juge-commissaire, le Président de la juridiction compétente
fait aussitôt citer à comparaître à jour fixe, le
débiteur ou les dirigeants de la personne morale pour être
entendus par la juridiction compétente siégeant en audience non
publique60.
Le mis en faillite peut bénéficier d'une
réhabilitation si sa probité est reconnue. Toutefois, tout
créancier non intégralement payé peut faire opposition
à la réhabilitation par simple déclaration au greffe
appuyée des pièces justificatives ; le créancier opposant
peut également intervenir dans la procédure de
réhabilitation par
56 Article 59 AUPCAP.
57 Article 122 AUPCAP.
58 Article 213 AUDSC.
59 A noter que, si le Président de la juridiction
compétente intervient dans leur procédure, la mise en faillite
personnelle et la réhabilitation sont prononcées par ladite
juridiction statuant en matière commerciale.
60 Article 200 AUPCAP.
23
requête présentée au Président de
la juridiction compétente et signifiée au
débiteur61.
En ce qui concerne les voies de recours, l'article 216 AUPCAP
dispose que les décisions relatives à la nomination ou au
remplacement du Juge-commissaire, à la nomination ou à la
révocation des syndics, à la nomination ou à la
révocation des contrôleurs ne sont susceptibles ni d'opposition ni
d'appel. Dans l'ensemble, les décisions rendues en matière de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens, sont exécutoires
par provision, nonobstant opposition ou appel, à l'exception de la
décision homologuant le concordat, ainsi que des décisions
prononçant la faillite personnelle62.
CONCLUSION DU CHAPITRE
On a pu constater, dans les développements qui
précèdent, que dans biens des cas, les ordonnances sur
requête rendues par le président de la juridiction
compétente peuvent s'apparenter à des actes non
juridictionnels. Pour les professeurs VINCENT et GUINCHARD63 la
confusion et la difficulté dans la détermination du
caractère juridictionnel des décisions gracieuses proviennent en
grande partie « du fait que des considérations de pure
théorie juridique (...) ont été occultées par des
considérations d'ordre pratique » ; ainsi, disent-ils, il
était commode de confier aux tribunaux créés par l'Etat
pour juger, des tâches, des fonctions non juridictionnelles - à
l'origine - mais pour lesquelles le besoin de l'intervention d'une
autorité publique était nécessaire.
Toutefois, la doctrine considère que, dans l'ensemble,
les ordonnances sur requête sont toujours des décisions
gracieuses64. Elle est confortée dans cette position par
l'article 493 du Code de procédure civile français qui dispose
que « l'ordonnance sur requête est une décision
provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le
requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse
».
Mais, il arrive qu'une procédure sur requête se
situe à la croisée des chemins entre gracieux et contentieux.
Car, même si la requête est introduite par une partie (le plus
souvent le créancier) l'autre n'étant pas appelée,
l'ordonnance qui en procède
61 Article 210 AUPCAP.
62 Article 217 AUPCAP. Les délais d'exercice des voies
de recours et leur computation sont prévus par les articles 218 à
225 AUPCAP.
63 J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile,
op. cit., p 192.
64 J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile,
op. cit. p. 210.
24
peut donner lieu à une opposition de la partie «
adverse » (il s'agit plus souvent d'un référé en
rétractation d'ordonnance) et aboutir à une instance
contradictoire, c'est-à-dire, à une instance contentieuse (c'est
le cas des mesures conservatoires et des procédures simplifiées
de recouvrement). Ainsi, l'acte juridictionnel posé par le
Président d'une juridiction peut être aussi bien gracieux que
contentieux.
Toutes choses qui confirment que la matière gracieuse
n'est qu'une fraction du domaine de la compétence - exclusive - de la
juridiction présidentielle en droit OHADA.
25
Chapitre 2 - LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE
CONTENTIEUSE
Le législateur OHADA attribue à la juridiction
présidentielle, la compétence exclusive en matière
gracieuse. Ce choix est certainement dicté par la
célérité qui s'impose à certaines
procédures. Mais en matière contentieuse, certaines
procédures peuvent nécessiter un traitement rapide par la
juridiction saisie. C'est pourquoi le législateur OHADA a
réservé de nombreuses matières contentieuses à la
connaissance du président de la juridiction compétente statuant
à bref délai ou en urgence. Cette option du législateur
nous amène à nous poser la question de savoir quelle casquette
porte le président de la juridiction compétente lorsqu'il statue
à bref délai ou en urgence ?
Considérant que la juridiction statuant en urgence est
généralement le juge des
référés65, il est loisible de penser que dans
l'esprit du législateur OHADA, lorsque le président de la
juridiction compétente statue à bref délai ou en urgence,
il est saisi en qualité de juge des référés. En
effet, dans certaines - rares - hypothèses66, le
législateur OHADA consacre explicitement la compétence du juge
des référés.
Cependant, on peut - être surpris de - remarquer que le
législateur OHADA confie certaines matières qui semblent relever
de la procédure gracieuse (dans la mesure où elles semblent ne
pas nécessiter de contradiction) non pas à la juridiction
présidentielle saisie sur requête, mais au président de la
juridiction compétente statuant à bref délai (ou en
urgence). On peut clairement conclure que dans certaines situations,
législateur OHADA a voulu que toutes les parties concernées
puissent être entendues avant que le président de la juridiction
compétente ne rende son ordonnance.
Cette recherche du contradictoire amène à penser
que, en droit OHADA, la juridiction présidentielle peut trancher au fond
d'un litige. En effet, force est de constater que nombreux sont les cas dans
lesquels la juridiction présidentielle est amenée à
trancher sur une contestation sérieuse : c'est notamment le cas lorsque
le président de la juridiction compétente, est saisi pour statuer
sur les difficultés d'exécution. Dans ces cas, la
compétence que le législateur attribue à la juridiction
65 Articles 182 et suivants du Code de Procédure Civile
Camerounais. Voir aussi : J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure
civile, op. cit., n° 236s, n°791s.
66 Articles 398, 617, 708 et 732 de l'AUSC.
26
présidentielle dépasse le cadre des ordonnances
de référés, en ce que ces ordonnances ne doivent en
principe faire aucun préjudice au fond.
Aussi, la nature de telles ordonnances contentieuses reste
donc floue du fait de l'imprécision du législateur. Toutefois,
elles peuvent être regroupées selon que le président de la
juridiction compétente est saisi pour connaitre de litiges entre
commerçants (I), entre associés (II), ou des difficultés
d'exécution (III).
I- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES
ENTRE
COMMERCANTS
Les litiges entre commerçants naissent parfois de
l'effectuation de certaines opérations commerciales (II) qui mettent
souvent en jeu le crédit mobilier (II).
A- Les litiges liés au crédit
Dans le chapitre précédent, on a vu que le
contrôle du RCCM est dévolu à la juridiction
présidentielle. Ce contrôle ne se fait pas seulement par voie
gracieuse, mais donne aussi lieu à des procédures
contentieuses67. Ainsi, lorsque le greffier en charge du RCCM refuse
de recevoir la déclaration ou de faire droit à la demande d'un
assujetti, le recours contre cette décision est fait devant la
juridiction compétente statuant à bref délai68.
De même, faute par un assujetti à une formalité prescrite
à l'Acte uniforme (AUDCG) de demander celle-ci dans le délai
prescrit, la juridiction compétente statuant à bref délai,
soit d'office, soit à la requête du greffe en charge du Registre
du Commerce et du Crédit Mobilier ou de tout autre requérant,
peut rendre une décision enjoignant à l'intéressé
de faire procéder à la formalité en cause69.
L'autorité de la juridiction présidentielle sur
le fonctionnement du RCCM s'apprécie particulièrement lorsqu'il
s'agit du contrôle du crédit mobilier. En effet, l'article 35
AUDCG dispose que le RCCM a pour objet : « (...) de recevoir toutes
les demandes d'inscription des sûretés prévues par l'Acte
uniforme portant organisation des sûretés et par toute autre
disposition légale (...) de recevoir toutes les demandes
67 Dans le cadre de ces attributions, le Président de
la juridiction compétente rend des décisions qui revêtent
la forme d'ordonnance susceptible d'appel. A. PEDRO SANTOS, J. YADO TOE,
OHADA. Droit commercial général, Bruxelles, Bruylant, 2002,
p. 121
68 Article 66 AUDCG. Le même article précise que
la décision rendue par cette juridiction est susceptible de recours,
dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de son
prononcé, devant la juridiction de recours compétente statuant de
la même manière.
69 Article 68 AUDCG.
27
d'inscription modificative ou de renouvellement
d'inscription des sûretés prévues par l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés et par toute autre disposition
légale (...) ». De fait, le Président de la juridiction
compétente est souvent sollicité lorsqu'il s'agit de
connaître des demandes liées à l'inscription de
sûretés au RCCM. L'inscription des sûretés
mobilières est faite, par le greffier de la juridiction chargée
de la tenue du RCCM, à la requête du créancier. Cette
inscription ou ce refus d'inscription - par ledit greffier - peut, dans un
délai de huit jours à compter de sa notification, faire l'objet
d'un recours du débiteur ou du constituant selon le cas, devant la
juridiction compétente statuant à bref délai70.
A l'inverse, La personne (physique ou morale) contre laquelle a
été prise une ou plusieurs inscriptions de sûretés
peut, à tout moment, saisir la juridiction compétente d'une
demande visant à obtenir la mainlevée, la modification ou le
cantonnement de l'inscription71 ; celle-ci peut, en tout état
de cause et avant même d'avoir statué au fond, donner
mainlevée totale ou partielle de l'inscription si le requérant
justifie de motifs sérieux et légitimes. L'AUDCG prévoit
aussi que chaque Etat partie peut désigner un RCCM unique pour accomplir
les formalités relatives aux sûretés (et aux contrats de
crédit-bail) ; le cas échéant, chaque RCCM dispose d'un
délai d'un an pour transférer au RCCM désigné
l'ensemble des dossiers relatifs aux sûretés (et aux contrats de
crédit-bail) inscrits dans ses registres ; à défaut de
transfert du dossier concerné par le RCCM dans les délais
prévus ci-dessus, le créancier peut saisir la juridiction
compétente statuant à bref délai, à l'effet d'en
obtenir le transfert par le greffier72.
L'inscription des sûretés au RCCM n'est pas le
seul domaine dans lequel la juridiction présidentielle est saisie par
voie contentieuse en matière de sûretés. Ainsi, l'agent de
sûretés, innovation apportée par la révision de
l'Acte Uniforme portant organisation des sûretés, ressort
essentiellement de la juridiction présidentielle. En effet, l'article 10
AUS dispose que « les créanciers de l'obligation garantie
peuvent (...) demander à la juridiction compétente, statuant
à bref délai, la nomination d'un agent des sûretés
provisoire ou solliciter le remplacement de l'agent des sûretés
».
70 Article 54 AUS.
71 Article 61 AUS.
72 Article 72 AUDCG. Cet article poursuit en disant que «
Le créancier d'une sûreté, l'agent des
sûretés ou le crédit-bailleur, à défaut de
transcription dans le registre chronologique des dépôts et dans le
répertoire alphabétique des données figurant dans le
dossier transmis par le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, dans
un délai de 48 heures à compter de la réception dudit
dossier, peut saisir la juridiction compétente ou l'autorité
compétente dans l'Etat Partie statuant à bref délai
à l'effet d'en obtenir la transcription par le greffier ou le
responsable de l'organe compétent dans l'Etat Partie ».
28
De même, dans le cadre du droit de rétention, le
créancier (tenu de l'obligation de conserver le bien retenu en bon
état) peut solliciter de la juridiction compétente statuant
à bref délai, l'autorisation de faire procéder à la
vente du bien retenu si l'état ou la nature périssable de ce
dernier le justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont hors
de proportion avec sa valeur73. En outre, la juridiction
compétente qui a autorisé une hypothèque peut, statuant
à bref délai, ordonner la mainlevée ou réduction de
cette hypothèque (contre consignation, entre les mains d'un
séquestre, des sommes en principal, intérêts et frais, avec
affectation spéciale à la créance)74.
Ces sûretés sont généralement
prises dans le cadre d'opérations commerciales.
B- Litiges liés aux opérations commerciales
Ces opérations commerciales sont : le bail
professionnel, la vente commerciale et la vente du fonds de commerce.
1- Litiges liés au bail professionnel
Dans un bail professionnel, les relations entre le bailleur et
le preneur sont très souvent conflictuelles, chacun essayant de tirer la
couverture de son coté. C'est notamment le cas, lorsque, l'immeuble
étant endommagé, il faille procéder à des
réparations : l'AUDCG répartit assez clairement la part de chacun
dans ces circonstances (grosse réparations pour le bailleur,
dégâts locatifs pour le preneur), mais, bien des fois,
l'intervention d'un arbitre est nécessaire. L'article 132 attribue
à la juridiction présidentielle, la compétence dans ces
litiges ; il prévoit que (sauf convention contraire des parties) les
contestations découlant de l'application des dispositions sur le bail
professionnel sont portées à la requête de la partie la
plus diligente - sauf dispositions contraires - devant la juridiction
compétente, statuant à bref délai, dans le ressort de
laquelle sont situés les locaux donnés à bail.
Ainsi, l'article 106 de l'AUDCG dispose que « si les
réparations urgentes sont de telle nature qu'elles rendent impossible la
jouissance du bail, le preneur peut en demander la suspension pendant la
durée des travaux à la juridiction compétente statuant
à bref délai ». Il est complété par
l'article 107 du même Acte uniforme d'après lequel, lorsque le
bailleur refuse d'assumer les grosses réparations qui lui
73 Article 70 AUS.
74 Article 218 AUS.
29
incombent, le preneur peut se faire autoriser par la
juridiction compétente, statuant à bref délai, à
les exécuter conformément aux règles de l'art, pour le
compte du bailleur ; et, dans ce cas, la juridiction compétente,
statuant à bref délai, fixe le montant de ces réparations
et les modalités de leur remboursement.
La même juridiction intervient dans d'autres cas :
- en cas de renouvellement d'un contrat de bail professionnel,
et, à défaut d'accord écrit entre les parties sur le
nouveau montant du loyer, la juridiction compétente, statuant à
bref délai, est saisie par la partie la plus diligente75 ;
- en cas de cession du bail, et lorsque cette cession s'impose
au bailleur, celui-ci dispose d'un délai d'un mois à compter de
cette signification ou notification pour s'opposer, le cas
échéant, à celle-ci et saisir la juridiction
compétente statuant à bref délai, en justifiant des motifs
sérieux et légitimes de s'opposer à cette
cession76 ;
- en cas de sous location totale ou partielle, lorsque le
loyer de la sous-location est supérieur au prix du bail principal, le
bailleur a la faculté d'exiger une augmentation correspondante du prix
du bail principal, augmentation qui à défaut d'accord entre les
parties est fixée par la juridiction compétente, statuant
à bref délai (en tenant compte des éléments
visés à l'article 117 AUDCG)77 ;
- en cas de pluralité de demandes des ayants-droit
souhaitant poursuivre le bail d'une personne physique, le bailleur peut saisir
la juridiction compétente, statuant à bref délai, afin de
voir désigner le successeur dans le bail78.
Enfin, le contrat de bail pouvant prévoir une clause
résolutoire de plein droit, en cas d'inexécution d'une clause ou
d'une condition du bail et après une mise en demeure, la juridiction
compétente statuant à bref délai constate la
résiliation du bail et prononce, le cas échéant,
l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef79.
2- Les litiges liés à la vente
commerciale et du fonds de commerce
La vente commerciale fait l'objet de certaines des innovations
majeures de l'AUDCG révisé. Deux dispositions font
désormais intervenir la juridiction présidentielle en
matière de vente commerciale. Dans son registre habituel elle tranche
les difficultés d'exécution de ce contrat qui ne
nécessitent pas de longs
75 Article 117 AUDCG.
76 Article 120 AUDCG.
77 Article 122 AUDCG.
78 Article 111 AUDCG.
79 Article 132 AUDCG.
30
procès. Ainsi, l'article 282 de l'AUDCG prévoit
que, si le vendeur ne paraît pas en mesure d'exécuter dans les
délais convenus l'intégralité de son obligation de
livraison des marchandises - en raison d'une insuffisance de ses
capacités de fabrication ou d'une inadaptation de ses moyens de
production - l'acheteur peut obtenir de la juridiction compétente,
statuant à bref délai, l'autorisation de différer
l'exécution de son obligation de payer ; cette autorisation peut
être assortie de l'obligation de consigner tout ou partie du prix. A
l'inverse si l'acheteur ne paraît pas en mesure de payer
l'intégralité du prix - en raison de son insolvabilité ou
de la cessation de ses paiements ou encore de ses retards dans les
échéances convenues - le vendeur peut obtenir de la juridiction
compétente, statuant à bref délai, l'autorisation de
différer l'exécution de ses obligations de livraison (à
l'instar de la précédente disposition, le législateur
prévoit que cette autorisation peut être assortie de l'obligation
de consigner les marchandises à ses frais
avancés)80.
S'agissant des litiges liés à la vente du fonds
de commerce, l'Acte Uniforme prévoit que, dans un délai de trente
jours à compter de la publication de la vente du fonds, les
créanciers du vendeur peuvent faire opposition à la vente
(laquelle opposition doit être notifiée au séquestre,
à l'acquéreur, et au greffe chargé de la tenue du RCCM).
Le cas échéant, le vendeur peut également obtenir du
créancier opposant la mainlevée amiable de l'opposition. A
défaut, le vendeur peut obtenir de la juridiction compétente
statuant à bref délai la mainlevée de l'opposition et le
versement des fonds entre ses mains ; il doit pour cela fournir, en
contrepartie, un cautionnement, ou une garantie équivalente au montant
de la créance objet de l'opposition81. La juridiction
compétente statuant à bref délai peut aussi, à la
requête de tout intéressé, constater la nullité
d'une telle opposition (lorsque, dans le mois de sa notification, elle n'est
pas levée amiablement ou ne donne pas lieu à saisine du juge) et
en ordonner sa mainlevée (sans préjudice de l'action en
dommages-intérêts pour opposition abusive)82.
Les relations entre commerçants peuvent aussi
s'établir dans le cadre de sociétés. Mais, même sous
cette forme, les activités économiques donnent lieu à des
litiges, lesquels surviennent le plus souvent entre associés.
80 Article 285 AUDCG
81 Article 161 AUDCG.
82 Article 162 AUDCG
31
II- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES
ENTRE
ASSOCIES
Le législateur OHADA a institué la juridiction
présidentielle comme garante de l'égalité entre
associés. Pour ce faire, le président de la juridiction
compétente connait de la plupart des litiges liés à la
gouvernance de la société (I), mais aussi à son
fonctionnement courant (II).
A noter que, l'article 260 de l'AUDSC prévoit que dans
tous les cas où l'AUDSC dispose qu'il est statué par voie
d'ordonnance du président de la juridiction compétente statuant
à bref délai, une copie de ladite ordonnance est
déposée au greffe en annexe au dossier de la
société, ainsi qu'au registre du commerce et du crédit
mobilier.
A- Litiges liés à la gouvernance des
sociétés
Conscient de ce que les organes de gestion des
sociétés, souvent en position de force, peuvent imposer des
décisions partiales ou illégitimes à des associés
minoritaires, le législateur OHADA a prévu, en plus des moyens
internes de contrôle, que les associés, les dirigeants, et
même les créanciers puissent saisir les instances judiciaires afin
d'exercer leurs droits.
Ainsi, pour protéger le droit à l'information
des actionnaires (dans la S.A.), l'article 528 de l'AUS prévoit que si
la société refuse de communiquer tout ou partie des documents
visés par la loi, il est statué sur ce refus, à la demande
de l'actionnaire, par le président de la juridiction compétente
statuant à bref délai ; dans ce cas, celui-ci peut ordonner
à la société, sous astreinte, de communiquer les documents
à l'actionnaire dans les conditions fixées par l'AUDSC (notamment
les articles 525 et 526). Cette disposition est reprise à l'article 353
de l'Acte uniforme sur le droit des sociétés
coopératives83.
Par ailleurs, lorsque l'assemblée
générale d'une SARL décide une réduction de
capital, les créanciers peuvent former opposition à la
réduction du capital. Le président de la juridiction rejette
l'opposition ou ordonne soit le remboursement des
83 Cet article dispose que « si la société
coopérative refuse de communiquer tout ou partie des documents
visés aux articles 351 et 352 ci-dessus, il est statué sur ce
refus, à la demande de l'associé, par le président de la
juridiction compétente statuant à bref délai. Le
président de la juridiction compétente peut ordonner à la
société coopérative avec conseil d'administration, sous
astreinte, de communiquer les documents à l'associé
coopérateur dans les conditions fixées aux articles 351 et 352 du
présent Acte uniforme ».
32
créances, soit la constitution de garanties si la
société en offre et si elles sont jugées
suffisantes84. Dans le cas de la S.A. l'opposition est formée
par acte extrajudiciaire et portée devant la juridiction
compétente statuant à bref délai85. De
même, dans le cadre d'une opération de fusion entre
sociétés, les créanciers non obligataires des
sociétés participant à cette opération peuvent
former opposition à celle-ci devant la juridiction compétente ;
le président de la juridiction compétente rejette l'opposition ou
ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de
garanties si la société en offre et si elles sont jugées
suffisantes86. Dans le même registre, le groupement des
obligataires peut faire opposition à la fusion ou à la scission
auprès du président de la juridiction compétente (lorsque
la société décide de passer outre le refus d'approbation
par l'assemblée générale des obligataires) ; celui-ci
rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des obligations, soit la
constitution de garanties si la société absorbante ou la
société qui se scinde en offre et qu'elles sont jugées
suffisantes87.
De plus, s'agissant des sociétés
coopératives, l'Acte uniforme, dans son article 62 dispose qu'aucune
augmentation des engagements des coopérateurs envers la
société coopérative ne peut être
décidée sans leur consentement, sauf décision contraire
spécialement motivée de la « juridiction compétente
saisie à cet effet et statuant à bref délai ».
B- Litiges liés au fonctionnement des
sociétés
Pour assurer le bon fonctionnement et la
pérennité d'une société, et en cas de
désaccord entre ses associés, la juridiction
présidentielle - statuant à bref délai - sera saisie pour
la désignation d'un mandataire chargé : de procéder
à la régularisation des formalités de
publicité88 ; de convoquer l'assemblée des
actionnaires89 ; de provoquer la consultation à l'effet de
décider si la société doit être
84 Article 370 AUDSC.
85 Article 635 AUDSC.
86 Article 679 AUDSC.
87 Article 810 AUDSC.
88 Article 250 et 259 AUDSC.
89 Article 516 AUDSC ; l'article 420 AUDSC poursuit en disant
que « lorsque l'assemblée est convoquée par un
mandataire de justice, l'ordre du jour est fixé par le président
de la juridiction compétente qui l'a désigné ».
Idem pour l'article 232 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des
Sociétés coopératives ; l'article 346 du même Acte
uniforme précise que « lorsque l'assemblée est
convoquée par un mandataire de justice, l'ordre du jour est fixé
par le président de la juridiction compétente qui l'a
désigné »
33
prorogée90 ; de procéder à la
convocation des associés en fin de liquidation pour statuer sur les
comptes définitifs et le quitus de la gestion du
liquidateur91, voire pour décider de la continuation de
l'exploitation sociale92. Dans de rares hypothèses, la
juridiction présidentielle sera saisie en référé
aux fins de désigner un mandataire. Ces hypothèses sont
prévues à l'article 398 AUDSC qui dispose que « tout
souscripteur, six mois après le versement des fonds, peut demander en
référé au président de la juridiction
compétente, la nomination d'un administrateur chargé de retirer
les fonds pour les restituer aux souscripteurs (...) si, à cette date,
la société n'est pas immatriculée » et à
l'article 617 du même acte qui accorde la même faculté aux
souscripteurs en cas d'augmentation du capital. Par ailleurs, l'AUDSC
prévoit que la rémunération des représentants du
groupement est fixée par l'assemblée générale (ou
par le contrat d'émission) ; à défaut de fixation de cette
rémunération ou si son montant est contesté, elle est
fixée par le président de la juridiction
compétente93.
S'agissant du contrôle des sociétés
anonymes, le législateur OHADA prévoit que « si
l'assemblée omet d'élire un commissaire aux comptes titulaire ou
suppléant tout actionnaire peut demander en
référé au président de la juridiction
compétente, la désignation d'un commissaire aux comptes -
titulaire ou suppléant (...) »94 ; la demande de
récusation ou de révocation du commissaire aux comptes est
portée devant le président de la juridiction compétente
statuant à bref délai95. De même, le
Président de la juridiction compétente statuant à bref
délai, peut accorder au commissaire aux comptes - d'une S.A. -
l'autorisation de se faire communiquer des pièces, contrats et documents
quelconques détenus par des tiers96.
En cas d'émission d'action par appel public à
l'épargne, l'article 837 AUDSC prévoit que c'est le
président de la juridiction compétente statuant à bref
délai qui sera saisi pour désigner un expert chargé de
déterminer le prix d'émission de l'action. La même
juridiction (le président de la juridiction statuant à bref
délai) est saisie pour désigner un expert chargé : de
déterminer la valeur des droits sociaux d'un coopérateur, en cas
de cession ou de remboursement de ces droits97 ; de
déterminer
90 Article 36 AUDSC. Idem pour l'article 29 de l'Acte Uniforme
relatif au Droit des Sociétés coopératives.
91 Article 217 AUDSC.
92 Article 236 AUDSC.
93 Article 794 AUDSC
94 Article 708 AUDSC.
95 Article 732 AUDSC.
96 Article 720 AUDSC.
97 Article 50 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des
Sociétés coopératives.
34
la valeur des droits sociaux d'un associé (en cas de
cession ou de rachat de ses parts)98, ou d'un gérant
associé (en cas révocation/démission, pour le
remboursement de ses parts)99
Dans ce même registre, le président de la
juridiction compétente, statuant à bref délai, peut se
voir saisi pour ordonner la prorogation de certains délais prescrits par
les Actes Uniformes. Ces cas sont prévus par les articles 146
(prorogation du délai de la mise en paiement des dividendes), et 271
(prorogation du délai suspensif des poursuites - en paiement des dettes
sociales - des créanciers de la société contre un
associé d'une société en nom collectif) de l'AUDSC.
Les litiges entre associés mettent parfois en jeu des
sommes d'argent, génèrent des créances (et des dettes)
dont le recouvrement peut nécessiter la mise en oeuvre de mesures
d'exécution.
III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE DE L'EXECUTION
Traditionnellement100, le juge des
référés était compétent pour statuer sur
« les difficultés relatives à l'exécution d'un
titre exécutoire ou d'un jugement », mais l'AUVE, dans son
article 49, confie désormais au « président de la
juridiction statuant en urgence », ès qualité de juge de
l'exécution, « toute demande relative à une mesure
d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire
». A son habitude, le législateur communautaire a
renvoyé les législateurs nationaux à désigner la
« juridiction » en question101. Et, pour donner plus
d'importance aux ordonnances rendues par ce juge de l'exécution, le
législateur précise que « le délai d'appel comme
l'exercice de cette voie de recours n'ont pas un caractère suspensif,
sauf décision contraire spécialement motivée du
président de la juridiction compétente ».
C'est donc devant le « président de la juridiction
statuant en urgence », ès qualité de juge de
l'exécution, que sont portées les demandes relatives aux
mesures d'exécution forcées que sont les saisies
mobilières (A) et la saisie immobilière (B).
98 Article 59 et 319 AUDSC.
99 Article 280 AUDSC.
100 Art 182 du CPCC
101 Au Cameroun, par exemple, le juge de
l'exécution a fait l'objet des lois n° 2006/15 du 29
décembre 2006 portant organisation judiciaire (articles 15-2 et 18-2-a)
et n°2007/001 du 19 avril 2007 (instituant le juge du contentieux de
l'exécution). Aux termes de l'article 3 de cette dernière loi,
« le juge de l'exécution des décisions judiciaires
nationales est le président de la juridiction dont émane la
décision contestée, statuant en matière d'urgence ou le
magistrat qu'il délègue acte effet ».
35
Dans tous les cas, aucune mesure d'exécution ne peut
être effectuée un dimanche ou un jour férié si ce
n'est en cas de nécessité et en vertu d'une autorisation
spéciale du président de la juridiction dans le ressort de
laquelle se poursuit l'exécution102.
A- Les saisies mobilières (ajouter le juge du
contentieux de l'exécution pour les contestations)
L'AUVE organise plusieurs types de saisies mobilières.
Ces différentes saisies renferment des similitudes dans leur
procédure. Ainsi, la juridiction compétente peut ordonner sur
requête, en cas de contestation de la saisie, et pour préserver
les biens qui en sont l'objet, la désignation d'un séquestre :
à qui seront remis un ou plusieurs objets lors d'une
saisie-vente103 ; à qui le tiers saisi versera les sommes
saisies au cours d'une saisie attribution104, à qui sera
remis le bien objet d'une saisie-revendication105 ; entre les mains
de qui seront consignées les sommes retenues (le législateur
précise qu'il s'agira du greffier) dans le cadre d'une saisie et cession
des rémunérations106.
C'est d'ailleurs dans cette dernière forme de saisie
mobilière - saisie et cession des rémunérations - que la
juridiction présidentielle est le plus sollicitée (certainement
en raison du caractère alimentaire des sommes saisies). D'emblée,
l'article 174 AUVE dit que « la saisie des sommes dues à titre
de rémunération, quel qu'en soit le montant, à toutes les
personnes salariées ou travaillant, à quelque titre ou en quelque
lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, ne peut être
pratiquée qu'après une tentative de conciliation devant la
juridiction compétente du domicile du débiteur ». La
demande tendant à la conciliation préalable est formée par
requête adressée à la juridiction compétente par le
créancier107. A l'issue de la comparution des parties, le
président de la juridiction compétente en dresse
procès-verbal : en cas de conciliation, il mentionne au
procès-verbal les conditions de
102 Article 46 AUVE.
103 Article 103 AUVE.
104 Article 166 AUVE.
105 Article 233 AUVE qui dit, in extenso «
à tout moment, le président de la juridiction compétente
peut autoriser sur requête, les parties entendues ou dûment
appelées, la remise du bien à un séquestre qu'il
désigne ».
106 Article 211 AUVE qui dispose que « s'il existe de
fortes présomptions que la cession a été faite en fraude
de ses droits, tout saisissant, exerçant l'action en annulation, peut
obtenir de la juridiction statuant en matière d'urgence la
consignation des retenues entre les mains du greffier jusqu'à la
décision définitive sur le fond ».
107 Article 179 AUVE.
36
l'arrangement qui met fin à la procédure ;
à défaut de conciliation, il est procédé à
la saisie après que le président a vérifié le
montant de la créance en principal, intérêts et frais et,
s'il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le
débiteur108. Une fois la saisie mise en oeuvre, et, en cas de
pluralité de saisies, les créanciers viennent en concours (sous
réserve des causes légitimes de préférence) ; les
greffiers opèrent les retraits pour les besoins des répartitions
en justifiant de l'autorisation du président de la juridiction
compétente109. De même, le président de la
juridiction compétente procède à la répartition des
sommes encaissées chaque trimestre dans la première semaine des
mois de février, mai, août et novembre ; il dresse un
procès-verbal indiquant le montant des frais à prélever,
le montant des créances privilégiées, s'il en existe, et
le montant des sommes attribuées aux autres
créanciers110. Enfin, la mainlevée de la saisie
résulte, soit d'un accord du ou des créanciers, soit de la
constatation, par le président de la juridiction compétente, de
l'extinction de la dette111.
La saisi-vente a aussi ses spécificités.
L'article 143 AUVE dispose que les contestations relatives à la
saisissabilité des biens compris dans la saisie sont portées
devant la juridiction compétente agissant comme en matière de
difficultés d'exécution. A l'inverse, En cas de désaccord
entre le créancier et le débiteur sur le lieu où doit
s'effectuer la vente, l'article 120 AUVE prévoit que « la
juridiction compétente pour statuer en matière d'urgence tranche
ce différend dans les cinq jours de sa saisine par la partie la plus
diligente ».
Lorsque ces saisies mobilières ne sont pas suffisantes
pour apurer le passif d'un débiteur, ses créances peuvent faire
recours à la saisie immobilière pour laquelle la juridiction
présidentielle pourra aussi intervenir.
B- La saisie immobilière
Le législateur OHADA a réglementé la
saisie immobilière de sorte que la réalisation d'un immeuble en
vue du paiement d'une dette ne puisse se faire qu'en dernier ressort et
après une procédure qui préserve au mieux les droits du
débiteur. Cette procédure concerne au premier chef
l'immatriculation de l'immeuble. En effet,
108 Article 182 AUVE.
109 Article 197 AUVE.
110 Article 198 AUVE.
111 Article 201 AUVE.
37
Si les immeubles devant faire l'objet de la poursuite ne sont
pas immatriculés et si la législation nationale prévoit
une telle immatriculation, le créancier est tenu de requérir
l'immatriculation à la conservation foncière. Pour ce faire, le
créancier doit y avoir été autorisé par
décision du président de la juridiction compétente de la
situation des biens, rendue sur requête et non susceptible de
recours112.
En ce qui concerne les opérations de saisie, l'AUVE
dispose que, à peine de nullité, toute poursuite en vente
forcée d'immeubles doit être précédée d'un
commandement aux fins de saisie lequel commandement doit être
signifié au débiteur (et, le cas échéant, au tiers
détenteur de l'immeuble) avec sommation de payer
l'intégralité de la dette en principal et intérêts
(soit de délaisser l'immeuble hypothéqué, soit enfin de
subir la procédure d'expropriation). En cas de paiement dans le
délai, l'inscription du commandement est radiée par le
conservateur ou l'autorité administrative sur mainlevée
donnée par le créancier poursuivant ; à défaut, le
débiteur (ou tout intéressé) peut provoquer la radiation
en justifiant du paiement. A cet effet, il saisit la juridiction
compétente statuant en matière d'urgence113.
Au cours de la procédure, les cas d'intervention de la
juridiction présidentielle se font nombreux. C'est ainsi que le
président de la juridiction compétente du lieu de situation de
l'immeuble peut être saisi :
- en cas de difficultés tenant au sort
réservé les fruits naturels ou industriels, les loyers et
fermages recueillis postérieurement au dépôt du
commandement ou le prix
qui en provient ; le cas échéant, il statue par
une décision non susceptible d'appel114 ; - lorsque le
montant de la mise à prix est contesté : le contestataire peut
demander au président de la juridiction
compétente la désignation d'un expert à ses frais
avancés115. De même, s'il n'est pas porté
d'enchère, la mise à prix peut être diminuée par
décision du président de la juridiction
compétente116.
- en cas de folle enchère, lorsque le titre
d'adjudication n'a pas été délivré, et que
l'adjudicataire s'oppose à la délivrance par le greffier du
certificat attestant que ce dernier n'a pas justifié de
l'exécution des clauses et conditions du cahier des
112 Article 253 AUVE.
113 Article 261 AUVE.
114 Article 263 AUVE.
115 Article 272 AUVE.
116 Article 322 AUVE.
38
charges ; dans ce cas, il sera statué, à la
requête de la partie la plus diligente, par le président de la
juridiction compétente et sans recours117.
Enfin, lorsque l'immeuble saisi à été vendu,
et que, dans le délai d'un mois qui suit le versement du prix de la
vente par l'adjudicataire, les créanciers n'ont pu parvenir à un
accord unanime, le plus diligent d'entre eux saisit le président de la
juridiction du lieu de la vente ou le magistrat délégué
par lui afin de l'entendre statuer sur la répartition du
prix118.
En outre, suivant la nature et la valeur des biens saisis, le
président de la juridiction compétente peut, par décision
non susceptible de recours, rendue sur requête, restreindre ou
accroître la publicité légale de la procédure de
saisie119.
CONCLUSION DU CHAPITRE
Les ordonnances contentieuses de la juridiction
compétente, en droit OHADA, interviennent dans la plupart des domaines
de l'activité économique. Il s'agit en général de
trancher les litiges nés de l'exécution de contrats d'affaire,
qu'il s'agisse de bail professionnel, de contrat de société, ou
de sûretés.
En réservant de telles matières à la
connaissance de la juridiction présidentielle, le législateur a
assurément élargi son champ de compétence. Ce qui, sans
aucun doute bénéficie aux investisseurs qui profitent de la
célérité inhérente au traitement des affaires
contentieuses par la juridiction présidentielle.
Et, comme le relèvent les Pr GUINCHARD et VINCENT, sur
le plan procédural, l'intérêt de poser que, dans certains
cas, la juridiction présidentielle ait une compétence exclusive
c'est que les autres juridictions sont, dans ces domaines, radicalement
incompétentes (le plus souvent, la faculté de signer un compromis
d'arbitrage sera exclue)120, toutes choses qui renforcent le pouvoir
et la place prépondérante du président de la juridiction
compétente, en tant que juridiction présidentielle, au sein de
l'armature judiciaire du système juridique bâti par l'OHADA.
117 Article 316 AUVE.
118 Article 326 AUVE.
119 Article 279 AUVE.
120 J. VINCENT, S. GUINCHARD, Procédure civile,
op. cit., p. 253
39
CONCLUSION GENERALE
Dans notre propos introductif, nous avons défini la
juridiction présidentielle comme l'ensemble des « attributions
qui relèvent de la compétence exclusive du Président de la
juridiction, ou du magistrat délégué par lui »
avant de nous demander « comment et jusqu'où s'exerce la
compétence de la juridiction présidentielle en droit OHADA
». Ce à quoi nous avons répondu dans les
développements qui précèdent en identifiant, pour chacun
des cas répertoriés : le mode de saisine et les modalités
d'intervention du Président de la juridiction.
Seulement, au terme de cette réflexion, quelques
interrogations subsistent. Car, on l'a vu, le législateur OHADA utilise
abondamment les expressions juridiction compétente « statuant en
urgence » et « statuant à bref délai » sans avoir
au préalable précisé si le président de la
juridiction compétente est saisi par requête ou par assignation.
Pour certains, ces expressions désignent le juge du fond, ne statuant ni
sur requête ni en référé, mais, de façon
dérogatoire, en urgence. A l'inverse, comme il a été
relevé plus haut, ces expressions peuvent renvoyer au juge des
requêtes voire au juge des référés.
Au final, la distinction entre les cas d'intervention par
ordonnance sur requête et par ordonnance de référés,
la séparation entre le gracieux et le contentieux, ainsi que la
dissociation entre la juridiction du fond et la juridiction
présidentielle ne sont pas très claires dans la lettre du
législateur OHADA. Peut-être est-ce parce que, dans son esprit, il
a voulu confier cette démarcation aux législateurs nationaux,
seuls maîtres de l'organisation judicaire interne...
40
BIBLIOGRAPHIE
I- Lexiques
- CORNU (G), Vocabulaire juridique, Paris, PUF,
2007, 986 p.
- GUILLIEN (R) et VINCENT (J), (sous la direction de),
Lexique des termes juridiques, 13e éd., Paris,
Dalloz, 2001, 769 p.
II- Ouvrages
- ANOUKAHA (F), CISSE (A), DIOUF (N), NGUEBOU-TOUKAM (J),
POUGOUE (P-G), SAMB (M), OHADA. Droit des sociétés
commerciales et du G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, 589 p.
- ASSI-ESSO (A-M), DIOUF (N), OHADA. Recouvrement des
créances, Bruxelles, Bruylant, 2002, 254 p.
- ISSA-SAYEGH (J), LOHOUES-OBLE (J), OHADA. Harmonisation
du droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2002, 245 p.
- MEYER (P), OHADA. Droit de l'arbitrage, Bruxelles,
Bruylant, 2002, 284 p.
- PEDRO SANTOS (A), YADO TOE (J), OHADA. Droit commercial
général, Bruxelles, Bruylant, 2002, 478 p.
- SAWADOGO (F.M), OHADA. Droit des entreprises en
difficultés, Bruxelles, BRUYLANT, 2002, 444 p.
III- Textes
A- Textes internationaux
- Acte Uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit
commercial général
- Acte uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique
- Acte Uniforme OHADA du 17 avril 1997 portant organisation
des sûretés
- Acte uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant organisation
des procédures collectives d'apurement du passif.
- Acte Uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution - Acte Uniforme OHADA du 11 mars 1999 relatif au droit de
l'arbitrage
B- Textes nationaux
- Code de procédure civile et commerciale du
Cameroun
41
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 1
DEDICACE 2
REMERCIEMENTS 3
LISTE DES ABREVIATIONS 4
INTRODUCTION GENRALE 5
Chapitre 1- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN
MATIERE GRACIEUSE 11
I- JURIDICTION PRESIDENTIELLE ET SECURISATION DU PATRIMOINE 12
A- Le contrôle du RCCM et l'administration des
sûretés 12
B- Mesures conservatoires et procédures
simplifiées de recouvrement 14
II- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE D'APPUI AUX SOCIETES
COMMERCIALES
ET COOPERATIVES 15
A- Autorisations et prorogations de délais 16
B- Désignation de mandataires 17
C- Désignation de commissaires 18
III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE PROCEDURES
COLLECTIVES
D'APUREMENT DU PASSIF 19
A- Le règlement préventif 19
B- Le redressement judiciaire et la liquidation des biens
20
CONCLUSION DU CHAPITRE 23
Chapitre 2 - LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN
MATIERE CONTENTIEUSE 25
I- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES
ENTRE
COMMERCANTS 26
A- Les litiges liés au crédit 26
B- Litiges liés aux opérations commerciales
28
II- LA JURIDICTION PRESIDENTIELLE EN MATIERE DE LITIGES
ENTRE ASSOCIES 31
A- Litiges liés à la gouvernance des
sociétés 31
42
B- Litiges liés au fonctionnement des
sociétés 32
III- JURIDICTION PRESIDENTIELLE, JUGE DE L'EXECUTION 34
A- Les saisies mobilières 34
B- La saisie immobilière 36
CONCLUSION DU CHAPITRE 38
CONCLUSION GENERALE 39
BIBLIOGRAPHIE 40
TABLE DES MATIERES 41
|