Analyse du rôle de l'organisation des nations unies et de l'union africaine dans le règlement du conflit en république centrafricaine.( Télécharger le fichier original )par Hervé BONGISA Université Protestante au Congo (UPC) - Licence 2016 |
SECTION 2. DE L'INTERVENTION DE L'UA EN CENTRAFRIQUEL'Afrique est depuis plusieurs années un continent sous tension, le théâtre de guerre atroce et la source de divers conflits. La paix est devenue une denrée rare, une nourriture précieuse dont-on besoins les Africains pour leur développement. C'est pour cette raison que le rôle de l'UA sévère indispensable pour le règlement des différends. S'agissant particulièrement de la Centrafrique, il est établi que l'UA est intervenue plus d'une fois. A ce stade, il est important que nous parlions d'abord de la MICOPAX (paragraphe 1er), avant d'insister sur la FOMAC et sur la MISCA (paragraphe 2). §1. Mise en place de la MICOPAXPlacée sous l'autorité de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC), la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX) a officiellement remplacé le 12 juillet 2008 la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC), créée le 2 octobre 2002 par la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC).152(*) Elle a été remplacée le 19 décembre 2013 par la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA). La MICOPAX, qui était une mission de la Force Multinationale des États d'Afrique Centrale (FOMAC) s'inscrivant dans l'architecture de paix de la CEEAC, était dirigée par un représentant spécial du Gabon et bénéficiait du soutien financier de l'UE et logistique de la France. Elle avait pour mandat de consolider le climat de paix et de stabilité, d'aider au développement du processus politique de promouvoir le respect des droits de l'homme, de coordonner l'aide humanitaire et de prendre part à la lutte contre le VIH/SIDA. Son mandat a été modifié en 2013 pour inclure la mise en oeuvre des accords de Libreville entre le gouvernement centrafricain et la coalition rebelle du Séléka. La Centrafrique connait depuis le milieu des années 1990 un cycle de soulèvements politico-militaires qui ont profondément déstabilisé l'environnement politique du pays et qui ont grandement contribué à la détérioration des perspectives socio-économiques, déjà compromises, de la population centrafricaine. En 1996, le président élu Ange-Félix Patassé est en effet menacé par une série de trois mutineries au sein des Forces armées centrafricaines (FACA), qui l'amènent à demander l'intervention de l'armée française. À partir de cette crise, l'instabilité devient progressivement chronique dans le pays. C'est dans ce contexte de crises politiques et économiques que l'ancien président André Kolingba (1981- 1993) tente un coup d'État contre le président Patassé le 28 mai 2001; l'intervention de la Libye et des soldats du Mouvement de libération du Congo (MLC) permettent toutefois au président de se maintenir au pouvoir.153(*) En réponse à cette instabilité politique chronique, la Communauté économique et monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC) met en place, en décembre 2002, la Force Multinationale en Centrafrique (FOMUC). La FOMUC, qui a pour mandat initial d'assurer la sécurité du président Ange-Félix Patassé, la restructuration des forces armées et de surveiller le travail des patrouilles mixtes le long de la frontière avec le Tchad, s'implique à partir de 2004 dans des tâches liées au processus électoral. Au plus fort de sa présence, la mission militaire atteint 380 soldats du Gabon, de la République du Congo, du Tchad et du Cameroun. Y voyant une opportunité de renforcer son statut de chef de file régional et de réaffirmer son influence en RCA face à celle de Kadhafi, le Président du Gabon est le fer de lance de cette initiative. Par sa position à la tête du comité ad hoc qui a mis sur pied la mission, le Président gabonais est ainsi en mesure de s'assurer que les deux commandants à la tête de la FOMUC au cours de ses six années de déploiement soient Gabonais.154(*) Le 15 mars 2003, le général François Bozizé, qui avait fui au Tchad le 9 novembre 2001 en raison de son implication dans le coup d'État de mai 2001, prend le pouvoir en Centrafrique grâce au soutien de certains groupes armés tchadiens.155(*) Ce coup d'État a lieu en dépit de la présence des 310 soldats africains de la FOMUC et de 300 militaires français, chargés entre autres choses de protéger le gouvernement et le président. Bozizé est élu président et prend la tête d'une coalition parlementaire majoritaire le 8 mai 2005 lors d'élections législatives et présidentielles simultanées. Sur le plan sécuritaire, les élections sont suivies d'une nouvelle période d'instabilité qui voit apparaitre l'éclosion de plusieurs rébellions armées. De plus, les problèmes récurrents au sein des FACA empêchent le rétablissement de la sécurité en RCA. Les FACA, qui ne comptent que 5 000 employés dont uniquement 1 500 sont prêts au combat, font face à des problèmes majeurs de recrutement, d'équipement et de préparation au combat, une partie importante des effectifs ayant dépassé l'âge de la retraite. La multiplication des factions armées, la prolifération des armes légères, l'ethnicisation progressive des violences, les retards dans les programmes de DDR, la généralisation du banditisme ainsi que du phénomène des « coupeurs de route » et les violations répétées des droits humains commises aussi bien par les groupes armés que par les forces de sécurité gouvernementales sont autant de défis sécuritaires avec lesquels le gouvernement et les missions internationales présentes en Centrafrique doivent composer.156(*) En juin 2008, le gouvernement signe les Accords de paix globaux de Libreville avec l'APRD, l'UFDR, le FDPC et l'Union des forces vives de la Nation (UFVN). Le MLCJ signe pour sa part un accord de paix avec le gouvernement en décembre 2008. Le tout mène à l'adoption d'une loi d'amnistie générale et d'un document-cadre pour le lancement du DDR en RCA. Le CPCJ et le FDPC sont les principaux absents du processus de paix de 2008. Les efforts du président Bozizé pour réamorcer le dialogue politique portent néanmoins fruit en décembre 2008 avec l'ouverture du Dialogue politique inclusif qui se déroule jusqu'en janvier 2009. Ce dialogue réunit une vaste majorité des acteurs politiques et militaires du pays et ses conclusions établissent les principaux objectifs à atteindre et des échéanciers à respecter, notamment pour les élections présidentielles en vue de la normalisation de la situation politique. C'est dans ce contexte qu'au cours de l'été 2008, la CEMAC transfère les responsabilités de la FOMUC à la CEEAC.157(*) Au cours de ses six premiers mois d'existence, alors que le processus de réconciliation politique franchit des étapes importantes, la MICOPAX tente de transformer la mission de paix relativement traditionnelle qu'était la FOMUC en mission intégrée de consolidation de la paix.158(*) L'existence à la fois de la CEEAC et de la CEMAC entraîne une problématique de duplication des mandats en matière de paix et de sécurité, d'autant plus que les deux organisations comptent les mêmes États membres. Afin de rectifier ce problème, deux avenues sont envisagées : soit une division des responsabilités (économiques pour la CEMAC et politiques/sécuritaires pour la CEEAC), soit la fusion des deux organisations afin de former une véritable communauté d'intégration régionale. La transmission au Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique centrale (COPAX) des responsabilités assumées par la mission de la CEMAC s'inscrit donc directement dans le processus d'harmonisation et de coordination des deux organisations régionales. A. Création et bilan de la MICOPAXLa décision de transférer le maintien de la paix est prise en octobre 2007, lors du sommet des chefs d'État de la CEEAC à Brazzaville en République du Congo. Après une période de planification de plus de six mois, la FOMUC se transforme en MICOPAX en juillet 2008. Première mission sous l'autorité de la COPAX, la MICOPAX s'inscrit dans la nouvelle architecture de maintien de la paix de la CEEAC. Bien que déployée dans le cadre de la FOMAC, la mission est dirigée par le Chef d'État gabonais par l'intermédiaire d'un Représentant spécial. Le président gabonais bénéficie de la collaboration de la conférence des chefs d'État de la COPAX, ainsi que du Secrétaire général de la CEEAC qui est responsable de la gestion administrative de la mission. Cet arrangement organisationnel de la mission confirme la primauté de l'influence gabonaise dans le maintien de la paix régional en Centrafrique, en continuité du rôle joué par cet État au sein de la FOMUC. La MICOPAX reste toutefois supervisée et régulièrement évaluée par la CEEAC. Le mandat de la MICOPAX est notablement plus étendu que celui de la FOMUC, qui était initialement limité au domaine sécuritaire classique de protection du gouvernement.159(*) Ce mandat élargi est en fait une tentative de mettre en place une mission de paix régionale intégrée afin de mettre fin à la crise en Centrafrique. Le 12 juin 2008, la CEEAC adopte la « Décision N°02/CEEAC/CCEG/XIII/08 portant sur le mandat de la Mission de Paix du 12 juillet au 31 décembre 2008 et Mission de Consolidation de la Paix du 1er janvier 2009 aux environs de l'année 2013 du Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique centrale en République centrafricaine », qui établit le mandat de la MICOPAX pour une période de six mois renouvelables jusqu'en 2013. La CEEAC confie à la mission les objectifs suivants : · consolider le climat de paix et de stabilité ; notamment à travers l'aide au gouvernement pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) des rebelles, la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et le soutien aux forces nationales en matière d'ordre public, ainsi que la protection du personnel de l'ONU et des civils ; · aider au développement du processus politique ; ceci inclut le soutien aux efforts du gouvernement pour le dialogue et la réconciliation, et à l'organisation des élections ;160(*) · soutenir les efforts des gouvernements et des ONG pour assurer le respect des droits de l'homme ; et · coordonner l'aide humanitaire et prendre part à la lutte contre les maladies, en particulier le VIH/SIDA. La direction de la MICOPAX sur le terrain est assurée par le Représentant spécial du président du Gabon, qui est appuyé par une petite équipe de conseillers civils (moins d'une dizaine de personnes) composée d'experts politiques et juridiques et d'une cellule de communication. Outre sa direction, la MICOPAX est constituée de trois composantes : militaire, policière et civile. À l'image des difficultés rencontrée par l'UA et d'autres organisations régionales africaines dans d'autres missions de paix intégrées, le déploiement de la composante civile de la MICOPAX s'avère problématique, celle-ci se limitant surtout à l'équipe de conseillers entourant le Représentant spécial même si elle est en charge des affaires concernant la justice, les droits humains, la question du genre, la prévention du VIH/SIDA et la protection des enfants. Cette composante doit également se doter de conseillers en RSS, en affaires politiques et économiques.161(*) Les deux autres composantes sont responsables d'assurer la sécurité et la protection des civils, de maintenir l'ordre, d'appuyer les processus de DDR et de RSS, ainsi que de soutenir le processus politique, notamment l'organisation des élections. Initialement, le nombre de troupes déployées est inférieur à 400. En date de décembre 2012, la mission compte un total de 680 troupes La composante policière est déployée dans la capitale afin d'y maintenir l'ordre, et la composante militaire maintient une présence dans trois autres villes en province : Paoua dans le nord-ouest, Kaga Bandoro dans le centre-nord, et Ndélé (depuis 2011) dans le nord-est. Sept pays membres de la CEEAC fournissent des troupes à la mission. Les contributeurs les plus importants sont le Cameroun, avec 144 personnels dont 125 policiers, et le Gabon, avec 143 militaires. La RDC, le Tchad, et la République du Congo fournissent également plus d'une centaine de militaires chacun. Les autres contributeurs sont le Burundi et la Guinée Équatoriale.162(*) Comme son prédécesseur, la MICOPAX bénéficie du soutien de la France dont le détachement Boali déployé depuis 2002 fournit un appui logistique, administratif et technique au volet militaire de la mission. Dans le cadre du programme RECAMP, la France assure également l'instruction opérationnelle des contingents africains engagés dans la MICOPAX préalablement à leur déploiement sur le théâtre d'opérations. Un peu moins de la moitié du budget de la MICOPAX, qui dépassait à peine les 30 millions d'euros en 2010, est financé par l'UE par l'intermédiaire de la Facilité de paix de l'Union européenne accordée à l'Union africaine (APF). Un autre 30 % du budget est assumé par la France à travers la mise à disposition de matériel comme les tenues militaires, les armes, les munitions et les véhicules. La CEEAC est censée couvrir 20 % des coûts de la mission, soit les salaires et les coûts de fonctionnement de la composante civile, tandis que la Centrafrique contribue pour moins de 1% du budget, soit les frais de location, d'eau et d'électricité du camp de Bangui. Bien que la contribution de la MICOPAX à la stabilisation de la RCA reste limitée et se concentre principalement au domaine militaire, la mission a tout de même fourni à la CEEAC un outil pour intervenir en RCA et surtout pour mettre sa nouvelle architecture de paix et sécurité à l'épreuve du terrain. La mission a notamment joué un rôle d'intermédiaire neutre entre les différentes parties aux accords de paix, bien que cette neutralité ait parfois été mise à dure épreuve en raison du mandat d'appui aux forces de l'ordre. La mission a également participé au processus de DDR et a apporté un soutien logistique durant les élections, sans lequel le vote n'aurait pu se dérouler dans certains endroits. Cependant, la plupart des contingents ont fait preuve d'une certaine réticence à risquer leur sécurité et ont ainsi été inactifs sur le terrain. De plus, la force ne dispose toujours pas d'assez de véhicules et de personnel pour assurer la protection des civils dans le Nord. L'incapacité à déployer une réelle composante civile a également grandement limité l'action de la mission. Un énorme fossé sépare encore les capacités de la MICOPAX et l'objectif d'en faire une mission intégrée de consolidation de la paix. La centralité de l'État hôte dans son mandat, le faible engagement des certains États de la CEEAC, son instrumentalisation par d'autres et les discussions concernant un possible retrait anticipé sont autant de défis auxquels la mission doit faire face au cours de sa dernière année de mandat. 163(*) * 152 La paix en République Centrafricaine, in http//www.fugifilm.com, consulté le 10 mars 2016. * 153 La paix en République Centrafricaine, in http//www.fugifilm.com, op.cit * 154 Idem. * 155 SHYAKA A et RUTEMBESA F, op.cit, p.81. * 156 Idem, p. 83 * 157 Lire à cet effet SINDJOUN L, op.cit, p. 169 * 158 Idem, p. 171 * 159 HATEM B-S, op.cit, p. 91 * 160 HATEM B-S, op.cit, p. 93. * 161 Idem * 162 HATEM B-S, op.cit, p. 93. * 163 HATEM B-S, op.cit, p. 93. |
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