D) l'Allemagne et la Bundesliga :
Les droits de retransmission du championnat allemand
étaient d'environ 385 millions euros avant 2013. La faible concurrence
des diffuseurs télévisuels des matchs dans ce championnat
explique ce gain moindre par rapport aux autres championnats. Néanmoins,
depuis le nouvel accord Sky Deutschland, les recettes devraient atteindre 628
millions d'euros pour la saison 2015-2016.
15 « Retransmissions sportives : la taxe Buffet
élargie par les députés », Eurosport,
06/12/2013
27
E) l'Italie et la Serie A :
Les recettes du championnat italien ont atteint 950 millions
d'euros par saison.
Force est de constater que les recettes via les droits de
retransmission TV constituent une part très importante pour les clubs.
Dans ce cas de figure on pourrait se demander comment en est-on arrivé
à cette nouvelle forme de dépendance économique ?
Bien que les droits TV soient indissociables du football
professionnel, cette pratique est en réalité très
récente.
Selon les deux économistes Andreff et Staudohar en
2000, cette récente dépendance n'est que la réponse du
football moderne. En effet, en 1967, plusieurs clubs anglais avaient
refusé de signer un contrat d'un million de livre sterling avec la
célèbre chaîne anglaise BBC, de peur que les supporters
cessent de venir au stade pour regarder le match à la
télévision.
En France, les droits de retransmission TV ne
représentaient que 30% des revenus des clubs de Ligue 1 en 1995 et
seulement 0,8% des revenus l'année avant la création de Canal +
en 1984, qui deviendra le diffuseur officiel des matchs de Ligue 1.
La stratégie commerciale de Canal + était simple
: proposer une chaîne payante permettant de retransmettre des films et
des matchs de football. C'est grâce aux retransmissions des matchs de
football que Canal + connaît son essor, engendrant année
après année de plus en plus d'abonnés. Les droits de
retransmissions TV peuvent s'opérer de deux manières distinctes
:
1- Les droits sont mis en vente par un intermédiaire :
la Ligue Professionnelle et pour le compte des clubs (France, Italie,
Angleterre, Allemagne)
2- Les droits sont mis en vente directement par les clubs.
C'est le cas du championnat espagnol et portugais.
Dans le premier cas, les ligues nationales déterminent
la manière dont vont être redistribué les gains. En France
par exemple, 50% des profits sont reversés de façon
égalitaire entre les clubs, 30% basé sur un critère
sportif et 20% sur la notoriété du club.
28
En Angleterre, le schéma est un peu différent :
50% des droits TV sont répartis de manière égalitaire, 25%
sur le critère de notoriété, et 25% sur le critère
sportif.
En Allemagne, c'est un système essentiellement
fondé sur le critère sportif.
L'Italie fait figure de cas particulier. D'abord tenté
par l'expérience basée sur la vente des droits de retransmission
TV par les clubs, les observations faites par les économistes Baroncelli
et Lago en 2006 s'avèrent négatives : les clubs italiens avaient
complétement dissous les principes de solidarité, se basant
exclusivement sur la notoriété de ces derniers.
Conséquence : lors de la saison 2007-2008, les écarts
étaient trop importants. La Juventus de Turin et le Milan AC, deux clubs
emblématiques italiens, ont empochés chacun 110 millions d'euros,
tandis que le club de l'Empoli, moins coté dans ce championnat, n'a
perçu que 10 millions d'euros. Après avoir constaté ce
fait, la délégation italienne a finalement tranchée pour
un mode de fonctionnement basé sur des retransmissions collectives,
comprenant la répartition suivante : 40% réparti de façon
égalitaire entre les clubs, 30% selon le résultat sportif et 30%
en fonction de la masse de supporters des clubs.
En définitive, il s'agit d'un pari gagnant puisque sur
la saison 2012-2013, les écarts ont nettement diminué. Les clubs
récemment promus en Serie A lors de cette saison, ont perçu 24,8
millions d'euros et la Juventus de Turin 103,8 millions d'euros.
Nous pouvons donc conclure de la manière suivante. En
France et en Angleterre, le système de versement des droits TV est
plutôt basé sur un système de solidarité. A titre
d'exemple, l'étude menée par l'agence Deloitte
révèle que le mythique club anglais de Manchester United aurait
reçu près de 60,8 millions de livres sterling via les droits de
retransmission lors de l'exercice 2012-2013 alors que les Queens Park rangers,
le club qui a perçu le moins, a empoché 39,7 millions de livres.
L'écart n'est donc pas si élevé quand on compare le
standing de ces deux clubs.
A contrario, la conclusion est différente pour les
clubs vendant eux-mêmes leurs droits. Seuls les clubs populaires
détenant les plus grands joueurs et les plus chers du marché des
transferts, dégagent des marges de profit conséquentes. Par
exemple, lors de la saison 2008/2009 le FC Barcelone et le Real de Madrid ont
capté à eux seuls près de 51% des droits de retransmission
télévisuels. En d'autres termes, les clubs les plus riches
s'enrichissent encore plus aux dépens des plus démunis, qui
risquent chaque année d'être reléguer en division
inférieure. Il est alors
facile de comprendre qu'il y a un dysfonctionnement dans le
jeu de la compétitivité entre les clubs que l'on peut
aisément comparer aux batailles des grandes entreprises modernes. Les
multinationales qui dégagent des profits rocambolesques restent sur le
marché contrairement aux autres firmes moins compétitives qui
sont poussées à sortir du marché.
En définitive, le principe de retransmission des droits
TV n'est que le reflet d'une concurrence imparfaite. La Ligue se charge de la
vente des droits de retransmission TV qu'elle redistribue aux clubs selon des
règles précises. On se retrouve donc dans une situation de
monopole où il n'y a plus qu'un seul offreur sur le marché. Notre
argument est d'autant plus recevable puisqu'il s'agit d'un service très
peu substituable. La négociation du prix de vente des retransmissions
des droits TV se fera entre l'acheteur (chaîne unique : exemple de Canal
+) et le vendeur (la Ligue).
Néanmoins, le schéma s'est quelque peu
modifié avec l'apparition de nouvelles chaînes qui viennent
concurrencer les précédentes. Exemple : BeinSport. L'augmentation
du nombre de diffuseur aboutis à une nouvelle situation.
La concurrence est d'autant plus importante depuis la
multiplication des supports pour regarder les matchs. Nous rentrons dans
l'ère du Smartphone, tablette et PC portable.
Pour répondre à l'émergence ces nouvelles
technologies de d'information et de la communication (NTIC) les Ligues ont donc
opté pour les enchères de vente des matchs ce qui signifie que
les diffuseurs ont moins de pouvoir de négociation. Les meilleurs
payeurs auront les meilleurs matchs. Cela explique la forte corrélation
entre l'augmentation des droits de retransmission et la diversification des
diffuseurs audiovisuels. Cette situation inédite est apparue il y a
quelques années avec l'apparition de la chaîne Qatari, BeinSport
(cf. Chapitre II partie I).
Aujourd'hui deux chaînes se font concurrence en France
pour les retransmissions des droits TV : Canal + et BeinSport.
Néanmoins, les deux chaînes ont fait couler récemment
beaucoup d'encre dans les médias. Rivaux voire ennemis, les deux
géants ne voient pas d'un si mauvais oeil un possible rapprochement. En
effet, les deux leaders français dans la diffusion des
évènements sportifs ont entamé des négociations
pour constituer une alliance.
29
Quelles sont les sources de motivation d'une telle alliance ?
30
Quatre éléments de réponse sont à
retenir pour comprendre ce nouvel enjeu16 :
1. Les abonnés : selon une étude
réalisée par le centre de droit et d'économie du sport,
relayé par le journal Le Monde « le sport
représente la première motivation d'abonnement pour près
de la moitié des 5,9 millions de clients de canal + en France
». Comme le confirmait Maxime Saada, Directeur
Général adjoint du groupe Canal +, le sport est incontournable
pour la chaine cryptée. Cela constitue la 2e source de
motivation d'abonnement après les films.
2. Aspect économique pour Canal + : Depuis
l'arrivée en France de BeinSport en 2012, Canal + a perdu 218 000
abonnés au cours des 6 derniers mois de 2015. Selon les statistiques,
Canal + perdrait environ 10% de ses clients pour en récupérer
à peu près le même nombre. En novembre dernier, la chaine
perdait ses droits de retransmission des matchs anglais de Premier League pour
les trois prochaines années (2016-2019), ce qui constituait jusqu'ici
l'un de ses principaux atouts. Les rediffusions ont été acquises
au profit de BeinSport. Ceci n'est pas sans conséquence pour Canal +. On
prévoit pour l'année suivante de nombreuses résiliations
d'abonnement au profit de son rival direct.
3. Intérêt économique pour BeinSport : la
nouvelle chaine augmente ses parts de marchés mais l'augmentation du
nombre d'abonnés augmente moins vite que les dépenses globales du
groupe Qatari. Conséquence directe : le groupe devrait perdre entre 250
et 300 millions d'euros en 2016 selon la banque d'investissement Natixis.
Les raisons de son déficit sont multiples. En
dépit d'une solidité financière, le Qatar est très
dépendant de la chute du cours des hydrocarbures, aujourd'hui la
principale source de recette pour les qataris. De surcroît, ils sont
aussi largement dépendants du cours de la bourse où BeinSport a
beaucoup investi. Enfin, l'association directe avec le groupe de Canal +
permettrait de réduire ses pertes et de profiter des équipes
commerciales de la chaîne cryptée pour trouver de nouveaux clients
sur le marché. Par ce jeu d'alliance avec Canal +, la chaîne
pourrait récupérer 8% du capital de cette dernière, ce qui
lui permettrait d'augmenter sa puissance dans le secteur des médias
sachant que Canal + est très présent en Europe et Afrique.
16 « Le possible rapprochement de Canal+ et Bein Sports en
quatre questions », 20minutes, 28/01/2016
31
4. La pratique d'un nouveau prix serait en défaveur du
client puisque ce dernier n'aura aucun choix. Le rapprochement de Canal + et de
BeinSport aura la conséquence suivante : une augmentation du prix de
consommation. Le consommateur devra s'abonner d'abord à Canal + pour
pouvoir regarder les matchs diffusés par BeinSport. Deux abonnements
à payer, élevant le prix aux alentours de 53 euros, soit trois
fois le prix que paye un consommateur aujourd'hui. Cette alliance risque donc
d'alerter l'autorité de la concurrence, tant le consommateur peut se
sentir lésé de la situation.
Après avoir analysé le premier type de
retransmission des droits TV, il est intéressant de voir le second
système de vente des droits par les clubs eux-mêmes.
Prenons le cas de l'Espagne.
Chaque club de Liga Espagnole (division 1) vent ses droits de
retransmission aux chaînes de télévision. Nous sommes donc
dans un cas de concurrence imparfaite puisque les biens de vente sont
très hétérogènes. Un match du FC Barcelone
coûte bien plus cher qu'un match d'une équipe de bas de
classement. Les chaînes de télévision ont besoin d'audimat
leurs permettant de gagner des parts de marchés et se voient dans
l'obligation de payer davantage pour avoir les matchs les plus attractifs,
susceptibles d'attirer beaucoup de téléspectateurs. Il y a donc
une très forte concurrence entre les chaînes de
télévision pour acquérir le droit de rediffuser un match
de football.
Dans ce cas de figure, on imagine bien que les plus grosses
écuries du football européen y voient un intérêt
plus important à revendre leurs propres droits de retransmission. Quoi
qu'il advienne, ces clubs « mythiques » attireront un large public,
leurs garantissant des profits constants. Il n'est donc pas nécessaire
pour ces clubs de faire appel à la Ligue. On se retrouve donc dans une
démarche individuelle plutôt que collective.
A contrario, un club mal classé, qui n'attire pas un
grand public va privilégier plutôt l'aide de la Ligue
professionnelle pour vendre les droits de retransmission des matchs.
Pour conclure, nous venons de voir en quoi les droits de
retransmission sont les nouveaux leitmotiv des grands clubs européens.
Etant la principale source de revenu, chaque club cherche à sortir son
épingle du jeu pour développer au mieux les finances du club.
Nous
32
avons pu constater que certains clubs profitent de leur
notoriété pour accroitre plus encore leur part de marché
en revendant eux-mêmes les droits TV, sans passer par
l'intermédiaire de la Ligue. Bien entendu, les plus riches
s'enrichissent aux dépens des clubs qui n'ont pas la chance d'être
médiatisé en raison de leur manque d'attractivité. C'est
la raison pour laquelle, ces clubs misent sur une stratégie plus
ciblée sur les supporters grâce aux ventes de billets au stade.
Cela nous amène donc à analyser les recettes de billetterie des
clubs.
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