Conclusion
Pour conclure, l'étude empirique que nous venons de
réaliser vise à tenter de répondre à une
problématique générale : Est-ce que les stratégies
politico-économiques du football professionnel dépassent celles
des terrains ?
Notre développement analytique nous a permis d'aborder
le sujet sous trois angles : économique, politique et social.
Le premier chapitre visait à comprendre quelles
étaient les stratégies des clubs pour réussir. Les
recherches succinctes ont démontré que les rencontres sportives
ne sont plus les seuls déterminants pour briller dans le football. A
l'heure de la « footballisation », les clubs calquent leurs
techniques de managements autour du modèle entrepreneurial des plus
grandes entreprises internationales. Ce résultat n'est en aucun cas
surprenant. Il n'est plus rare d'entendre dans nos conversations au quotidien,
que le football est devenu un business où l'argent a pris le pas sur le
sport.
Dans ce contexte, il est tout à fait légitime de
formuler quelques inquiétudes quant à l'avenir du football
professionnel. Par exemple, le transfert record de 120 millions d'euros, conclu
entre le club de Manchester United et de la Juventus de Turin pour le retour du
jeune français Paul Pogba, peut laisser dubitatif. La folie des
grandeurs a-t-elle en effet une limite ? Un club peut-il définir la
valeur d'un homme ? En tout état de cause, il peut être
parfaitement pertinent de dire que le football peut aller à l'encontre
des principes moraux, dans un contexte où chaque club cherche à
exposer sa fortune en oubliant ce que peuvent représenter 120 millions
d'euros...
Par ailleurs, l'étude de notre second chapitre nous a
permis de comprendre qu'en dehors d'un business où l'argent est la
pièce maitresse de l'échiquier, le football est aussi devenu en
enjeu géopolitique très important. En effet, il semble être
devenu un moyen pour les nations d'asseoir une certaine domination mondiale.
« Le football c'est la guerre poursuivie par d'autres moyens
», on comprend l'ampleur diplomatique qu'a pris le football.
On se souvient bien évidemment de la victoire du Salvador contre le
Honduras, déclenchant une guerre civile
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sur fond de différends historiques. Le match sous haute
tension en quart de finale de la Coupe du Monde, opposant l'Argentine à
l'Angleterre au lendemain de la guerre des Malouines. La première
rencontre des deux grands ennemis, l'Iran contre les USA lors de la même
compétition en 1998. Enfin, la création par Mohandas Gandhi, en
1908, d'une équipe de football pour lutter contre l'apartheid, en
Afrique du sud, confirment bien nos propos. En tout état de cause, il
est clair que le football est un moyen d'expression d'une appartenance
identitaire mais certains Etats y voient la possibilité d'y
répandre une idéologie et un modèle. Les analyses
succinctes de la Chine et du Qatar nous permettent de concevoir l'idée
suivante : La Chine cherche à devenir une nation du football afin de
donner plus de crédibilité à l'échelle
internationale. C'est la recherche d'une reconnaissance constante qui pousse la
Chine à investir dans le football. Comme le soutenait Pascale Boniface,
directeur de l'institut IRIS « c'est humiliant pour la Chine
de ne pas être compétitive dans le football ».
Le critère géopolitique ne fait donc pas l'ombre
d'un doute sur ses motivations premières.
Nous pouvons conclure dans ce même sens pour le Qatar.
Nos recherches nous amènent à conclure de la manière
suivante : le Qatar utilise le football comme un moyen d'exister sur la
scène diplomatique et permet d'avoir une meilleure visibilité
internationale. Il est légitime de penser que les motivations du Qatar
peuvent s'expliquer de deux façons : en utilisant le soft
power, le Qatar mène un combat géopolitique sans
violence contre l'Arabie Saoudite et toute la région de la
péninsule arabique, pourtant minée par de nombreux conflits
territoriaux. Ce résultat n'est en rien surprenant. Plutôt que de
se battre dans une bataille qu'elle ne gagnera pas en raison d'une force
militaire trop faible, le Qatar utilise de sa propre ressource
financière (le pétrole) pour investir dans d'autres secteurs afin
de diversifier les rentrées d'argents. Pour autant, nos observations
nous poussent à croire que les investissements dans le football
européen sont aussi une porte d'entrée sur le vieux continent.
Investir dans le sport, donne la possibilité au Qatar d'investir dans
d'autres secteurs tels que l'immobilier, les hôtels de luxe ou encore au
sein d'entreprises cotées au CAC40. On est donc bien loin des
stratégies footballistiques que ce sport enseigne...
Enfin, notre investigation nous a permis de comprendre que le
football était également un enjeu géostratégique
mondial, à l'image d'une Afrique souffrante et grande perdante dans la
course aux investissements. Le football a donc un rôle important dans le
rattrapage du continent africain. Nous avons démontré,
grâce à nos propositions de solutions, que le rêve de voir
un jour l'Afrique s'épanouir dans le football reste tout à fait
possible.
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Les nouveaux enjeux politico-économiques du football
moderne poussent indubitablement certains à la dérive. Les
recherches que nous avons menées nous ont permis d'aboutir au
résultat suivant : Le football professionnel tend à se
pervertir.
Trucages des matchs de football, esclavages modernes,
corruption au sein des plus grandes instances du football mondial à
l'image de la FIFA ou de l'UEFA, sont autant de fléaux qui
détruisent les valeurs de ce sport. Hélas, ce constat global
n'est plus une surprise. Bien que certains phénomènes soient
encore peu médiatisés, la situation actuelle nous pousse à
croire qu'une nouvelle forme d'esclavage s'est développée en
marge du football mondial.
En définitive, il ressort de cette étude que le
football connaît aujourd'hui de nombreuses mutations mais à quel
prix ? Il serait dès lors intéressant d'analyser le revers de la
médaille des clubs qui investissent sans compter et dont les
probabilités de faillites sont élevées. Les clubs sont-ils
obligés de sur-dépenser et d'alimenter ainsi une
surenchère sans fin pour rester compétitifs ? Cette question
mérite dans l'intérêt du football, et la survie même
de certains clubs, d'être un jour clairement posée, et
débattue sans fausse pudeur.
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