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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS Droit -
Économie - Sciences sociales
Les stratégies politico-économiques du
football professionnel dépassent-elles celles des
terrains ?
Mémoire pour le Diplôme de Master 2
Professionnel de Commerce et Management International
Présenté et soutenu par
Monsieur Victor PORCHER le 09/09/2016
Directeur de Recherche
Monsieur le Professeur Jean-François
DAGUZAN
JURY
Monsieur le Professeur Jean-François
DAGUZAN Monsieur le Professeur Bruno JÉRÔME
2
L'Université n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les mémoires ; ces opinions
doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs.
Ce mémoire a obtenu la note de .../20 ; une note
supérieure à 14/20 manifeste qu'il peut éventuellement
être diffusé.
3
Remerciements
Je souhaite adresser mes remerciements à mon Directeur
de mémoire, Monsieur le Professeur Jean-François DAGUZAN, pour le
temps qu'il m'a accordé pour la réalisation de mon mémoire
ainsi que pour ses précieux conseils.
Sa connaissance du sujet que je souhaitais traiter et son
professionnalisme m'ont été d'une grande utilité. De plus,
les deux ouvrages qui m'ont été prêtés par Monsieur
DAGUZAN m'ont permis d'aborder les premières directions à suivre,
afin de structurer correctement mes idées.
D'autre part, je souhaite grandement remercier mes parents, ma
soeur Laura ainsi qu'à mon cher ami Aloua, pour leur grande contribution
dans ce mémoire et pour leur aide à la relecture finale.
Enfin, je remercie l'ensemble de mes collègues de
travail de la COFACE où je réalise mon apprentissage.
Les conseils de Madame Amandine PETIT ainsi que des anciens
étudiants du Master 2 Commerce et Management International de
l'Université Panthéon-Assas Paris II, Evelyne UY, Gabrielle DE
SEZE et Antoine PACHOUD, m'ont permis de suivre une ligne directrice,
facilitant le respect de la méthode de travail demandée.
Résumé
Le mémoire ci-présent vise à analyser
l'évolution du football professionnel face à une
société de plus en plus mondialisée. L'objectif est
d'appréhender sous différents angles les nouveaux enjeux de la
« footballisation » et ce, à l'aide d'une démarche en
trois temps : économique, en observant les principales activités
financières des clubs et qui laisse à supposer que le football
est devenu un business plus qu'un sport ; puis sous une vision purement
géopolitique/géostratégique, qui traduisent le
désir des plus grandes puissances à utiliser le football comme un
moyen d'asseoir une forme de domination mondiale. Il est également
devenu un enjeu important dans le développement des pays en mal
d'investissements à l'image de l'Afrique ; et enfin sous un dernier
aspect exclusivement social, pointant du doigt toutes les nouvelles perversions
et dérives du football professionnel, qui entraine corruptions, trucages
des matchs et esclavages modernes au sein de nos sociétés.
L'objectif de ce travail de recherche est de répondre
à la question suivante : les stratégies
politico-économiques du football professionnel dépassent-elles
celles des terrains ?
Mots clefs : business, argent, perversion, géopolitique,
dérive
The main topic of the Memory is to analyze the evolution of
professional football in a increasingly globalized society. The goal is to
understand the different perspectives of the emerging issues of
"footballisation" and through using a three-step approach: economic, observing
the main financial activities of clubs leaving to assume that football is
become a business more than a sport, then in a purely geopolitical /
geo-strategic vision, reflecting the desire of the great powers to use football
as a way to satisfy a form of world domination. It has also become a major
issue in developing countries in search of investment image of Africa; and
finally in a exclusively social aspect, pointing all new perversions and
excesses of professional football, which leads to corruption, rigging of games
and modern slavery in our societies.
The objective of this research is to answer the question: do
the political and economic strategies of professional football exceed those
lands?
4
Keywords : Business, money, perversion, géopolitical,
slavery.
5
Sommaire
REMERCIEMENTS 3
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
CHAPITRE I : LE FOOTBALL MODERNE EST-IL DEVENU UN
BUSINESS FLORISSANT ? 10
PARTIE I - ANALYSES ECONOMIQUES DES ACTIVITES DES CLUBS.
10
PARTIE II - JOUEURS ET CLUBS : LE RAPPORT
EMPLOYEUR-EMPLOYE PROCHE DU SCHEMA D'ENTREPRISE. 47
CHAPITRE II : LES NOUVEAUX ENJEUX DU FOOTBALL MONDIAL
61
PARTIE I - NOUVELLES STRATEGIES D'INFLUENCES DU QATAR OU
LE FOOTBALL N'EST PAS ROI. 61
PARTIE II - OBJECTIF 2050 : FAIRE DE LA CHINE UNE NATION
DU FOOTBALL 71
PARTIE III - ENTRE REVE ET DESARROI, QUEL EST L'AVENIR DU
FOOTBALL AFRICAIN ? 78
CHAPITRE III : COUPS FRANCS ET COUPS BAS : LES
CONTROVERSES DU FOOTBALL
MODERNE 91
PARTIE I - L'ESCLAVAGE MODERNE DANS LE FOOTBALL 91
PARTIE II - LE TRUCAGE DES MATCHS : LES NOUVELLES DERIVES
DU FOOTBALL MODERNE 104
CONCLUSION 113
TABLE DES MATIERES 116
BIBLIOGRAPHIE 117
6
Introduction
« Les peuples sans sport sont des peuples
tristes » La célèbre maxime byzantine nous
renseigne sur ce que peut représenter le sport pour l'être
humain.
Alors que le processus d'intégration des marchés
pousse l'homme à inventer de nouveaux concepts révolutionnaires,
aux dépens de ceux qui disparaissent, on peut considérer que le
sport est un phénomène universel qui existe depuis la nuit des
temps. Par nature, l'homme est un être disposant de facultés
motrices qui lui ont permis de s'adapter à son environnement. Courir,
nager, pour les besoins de la chasse et de la pêche, constituèrent
les premiers mouvements essentiels de l'homme qui dès le début,
lui ont permis d'assurer sa survie, et l'amélioration progressive de ses
conditions d'existence.
Mais très vite, l'homme a aussi compris que l'effort
physique pouvait devenir une forme de loisir. C'est la raison pour la laquelle
l'étymologie du mot « sport » trouve son origine de l'ancien
français qui fait référence au terme d'amusement et de
divertissement. Le « despote », comme on l'appelait autrefois,
procure à chacun d'entre nous des vertus telles que l'audace, le
dépassement de soi, mais également la sagesse, qui figurent parmi
les indéniables fils conducteurs de notre vie.
Le sport occupait ainsi une place privilégiée
dans le coeur des hommes. Les grands philosophes de l'Antiquité
s'accordaient à dire que l'activité physique participe à
la réussite éducative et spirituelle de l'homme. Le culte du
corps et de l'esprit permettaient de rendre l'homme plus fort.
De nos jours, et pour ces raisons, le sport continue d'occuper
une place importante dans nos sociétés modernes, constituant
à la fois un phénomène culturel et un moyen d'expression
d'appartenance identitaire. Un sport en particulier rassemble tous ces
critères que nous venons de mentionner. Il s'agit du football.
Alors que des recherches scientifiques prouvent que
l'ancêtre du football (le Tsu' Chu) aurait été
inventé par la dynastie des Han au IIIème
siècle av J-C, ce sport trouve néanmoins ses origines en
Grande-Bretagne grâce à la création de la toute
première instance dirigeante en
7
1863, la Football Association (FA). Véritable
succès dans les classes ouvrières anglaises, le football devient
officiellement professionnel à partir de 1885. Pour autant, son
apogée se fera qu'à partir des années 1960, lorsque les
premiers matchs ont pu être retransmis à la
télévision.
Comment expliquer le fait que le football puisse-t-il
être devenu l'un des sports les plus populaires au monde ? Quelle est la
particularité du football que les autres sports n'ont pas ?
D'innombrables réponses pourraient expliquer pourquoi ce sport procure
autant de ferveur.
Toutefois, un argument semble être l'explication la plus
plausible.
Le football rassemble de nombreux adeptes car il s'agit d'un
sport très simple. En effet, il ne requiert qu'une seule condition :
avoir un ballon ou quelque chose qui y ressemble... Pas besoin d'infrastructure
adéquat pour jouer. Une ruelle, un terrain vague, une cour de
récréation, le jardin de la maison familiale, il existe une
multitude de lieux, plus insolites les uns que les autres pour jouer au
football.
En dehors de l'aspect purement sportif, le football est aussi
un moment privilégié que l'on partage entre amis, permettant de
montrer l'étendue de ses talents et de s'échapper, l'espace d'une
partie souvent interminable, où seule la fatigue de l'ensemble des deux
équipes justifie la fin du match.
D'autre part, le football a la faculté de réunir
les peuples de différentes catégories sociales : Que l'on vienne
des Favelas gangrénées par les trafics de drogue de Rio de
Janeiro, ou d'un quartier aisé du centre de Londres, en passant par les
villages désertiques de l'Afrique Sub-Saharienne, le langage football
est toujours le même : solidarité en équipe, respect de
l'adversaire, et fair-play.
De surcroît, le football c'est aussi une histoire qui se
raconte de génération en génération, procurant
à chacun d'entre nous des émotions et des souvenirs qui feront
partie intégrante de notre vie.
La description on ne peut plus élogieuse du football
pourrait laisser à penser que ce sport ne peut être sujet à
de quelconques dérives. Or la réalité semble être
tout autre. En effet, le passage du football amateur au football professionnel,
l'émergence d'internet et de la
8
télévision, des moyens d'information et de
communication et bien entendu la prise de conscience que ce sport puisse se
transformer en un véritable business, marquent aujourd'hui
l'entrée dans une nouvelle ère dans la planète football.
De nos jours, le football est très certainement devenu un
véritable business où se mêlent argent, manipulations, et
stratégies géopolitiques.
Depuis une vingtaine d'années, le football fait couler
beaucoup d'encre et anime de nombreux débats dans nos médias.
Montants de transferts des joueurs professionnels à la
limite de l'indécence, soupçons de corruption au sein des plus
hautes instances mondiales, émergence du trafic de jeunes joueurs
africains, font les grands titres de l'actualité sportive, en
générant une image négative dont le football a bien du mal
à se défaire.
Une partie de l'opinion publique, pense désormais que
le football est entré dans une forme de fatalisme voire de perversion,
où le business aurait définitivement pris le pas sur le sport.
Ce contexte actuel nous amène ainsi à
réaliser une analyse approfondie afin de tenter de répondre
à une question : les stratégies politico-économiques du
football professionnel dépassent-elles celles des terrains ?
Afin d'appréhender au mieux cette problématique
générale, il convient de réaliser notre étude en
trois parties distinctes et complémentaires.
Tout d'abord, notre première approche vise à
analyser les principales activités financières des clubs en
dehors des terrains de football. Ce premier chapitre permettra de
vérifier si le football est réellement entré dans une
forme de sport business où seuls les gains financiers comptent. Cette
partie consistera donc en une analyse exclusivement économique.
Dans un second temps, nous étudierons le football en
tant qu'outil géostratégique. Pour ce faire, nous nous
concentrerons sur deux puissances mondiales, le Qatar et la Chine pour tenter
de comprendre en quoi le football est devenu un réel outil
géopolitique dont certains pays ne peuvent se passer aujourd'hui. Nous
verrons également que le football reflète les enjeux
9
actuels à l'image des maux de l'Afrique, qui peine
à trouver des investissements dans ce secteur.
Enfin, le dernier chapitre vise à observer les
nouvelles dérives du football moderne. Nous verrons en quoi la
capitalisation du football et ses enjeux géopolitiques sont responsables
de cette nouvelle forme de perversion qui pousse certains à des actes
répréhensibles.
Pour ce faire nous nous pencherons lors d'une première
partie, sur le cas du trafic des jeunes joueurs africains, influencés
par des réseaux de passeurs peu scrupuleux des sorts de ces enfants,
suivis d'une analyse de la préparation de la Coupe du Monde 2022 au
Qatar, qui prend parfois des allures que nous pourrions comparer à de
l'esclavage moderne. Enfin, l'analyse des trucages des matchs constituera notre
dernière partie.
10
Chapitre I : Le football moderne est-il devenu un
business florissant ?
Partie I - Analyses économiques des
activités des clubs.
1.1 Statuts juridiques des clubs et introductions en
bourse.
Le football est né en Angleterre au milieu du
19ème siècle. Exporté aux quatre coins du
monde, en partie grâce à l'histoire des colonisations, le football
était alors un sport à but non lucratif et régi par la loi
de 19011. Il deviendra professionnel en 1885 avec la fondation des
premiers clubs. La première ligue professionnelle apparaît aux
Etats-Unis en 1894.
Néanmoins, la ligue disparaît quelque temps
après sa création pour faillite financière. Le football
arrive en France dans les années 1870 et c'est en 1932 qu'apparaît
le premier championnat français. En 1963, le football connaît un
changement important avec l'apparition du Football Association (FA) regroupant
différents clubs. L'objectif premier de l'association était de
définir des règles communes.
En 1975, le football entre dans une nouvelle ère
puisqu'une nouvelle loi permet aux clubs professionnels de créer une
société d'économie mixte locale2 dite SEML.
Dès 1984, on observe déjà certains clubs
ayant dépassés un seuil financier les obligeant à
créer une nouvelle société adaptée aux revenus
qu'ils généraient. On parle alors de société
anonyme à objet sportif, SAOS ou encore de société
d'économie mixte sportive locale SEMSL.
Aujourd'hui, on admet une société sous trois formes
:
1- une société à responsabilité
limitée, comprenant qu'un associé (EUSRL)
2- une société anonyme à objet sportif,
SAOS
3- une société anonyme sportive
(SASP)3
1 «La loi du 1er Juillet 1901 et la
liberté d'association», association.gouv, 2011
2 La SEML permet de mixer l'actionnariat privée
et public.
3 La SASP peut rémunérer les dirigeants et
distribuer des dividendes aux actionnaires.
11
Les sociétés EUSRL et SAOS sont apparues avant
le statut juridique SASP. Cette dernière est fondée en 1999 et
ses caractéristiques se rapprochent très fortement des
sociétés anonymes dans la mesure où, les clubs qui en font
partie ont la possibilité de rémunérer les dirigeants avec
un accès au capital très libre. Les sociétés SASP
sont réputées plus flexibles que les deux
précédentes sociétés.
Qui plus est, le fonctionnement des sociétés
SASP est en faveur des entreprises qui cherchent à s'enrichir. On
comprend alors que les clubs se sont tournés un à un vers ce type
de structure juridique et pour cause, en prenant l'exemple de la Ligue 1 sur la
saison 2011-2012, on constate que tous les clubs ont le statut de SASP sauf
deux exceptions : l'AC Ajaccio et l'AJ Auxerre, respectivement sous le statut
EUSRL et SAOS.
Actuellement, la plupart des grands clubs sont détenus
par des investissements privés. Concernant les clubs français, il
convient d'accepter le fait que bon nombre d'entre eux, si ce n'est la
totalité, aient profité du changement de statut concernant les
associations sportives, pour attirer de nouveaux investisseurs
privés.
Concernant les autres statuts juridiques des championnats
majeurs en Europe, la plupart des clubs anglais ont le statut juridique de
société par action. Même si les clubs anglais furent les
précurseurs d'un système de fonctionnement similaire aux
entreprises commerciales, de nombreuses règles régissent le
football anglais afin d'éviter toute dérive. On peut citer
notamment la règle N°34, limitant le versement de dividendes
à 15% de la valeur faciale des actions.
L'Espagne n'échappe pas la règle. La loi de 1990
« Sociedad Anonima Deportiva » (SAD) tend à rapprocher les
clubs qui adhèrent à ce nouveau statut juridique, à un
mode de fonctionnement proche des entreprises commerciales.
Le voisin italien est soumis au statut juridique de «
Societa Per Azioni » (SPA). On observe ainsi que trois, des cinq grands
championnats majeurs européens se sont tous tournés vers le
statut de société par actions et ce, en l'espace d'une dizaine
d'années.
En revanche, le cas allemand est particulier. Son
évolution s'est faite plus tardivement que les précédents
puisque les premiers clubs allemands ne deviennent professionnels qu'à
partir de 1962.
12
En effet, l'Allemagne prônait un football amateur et
à but non lucratif. Ces raisons ont eu pour conséquence une
adaptation plus tardive pour les clubs, dans leurs droits de constituer des
sociétés par actions.
L'évolution des statuts juridiques de la plupart des
grands clubs européens en faveur des sociétés par actions
suppose une question subsidiaire. Qui sont les investisseurs privés et
quelles sont leurs motivations ?
Les entreprises ont eu un rôle majeur. La plupart des
clubs professionnels se sont développés dans les grandes villes
industrielles et même si les entreprises ne possédaient
juridiquement pas de clubs, elles en contrôlaient une partie. Exemple :
en 1929, le club de Sochaux Montbéliard est fondé par le
concessionnaire automobile français Peugeot. L'objectif premier
était de faire connaître l'entreprise à travers toute la
France. Officiellement pour distraire les salariés, officieusement pour
les empêcher de lancer des mouvements de contestation contre
l'entreprise.
Même exemple4, avec la compagnie
minière qui a pris le contrôle du RC Lens et de l'AS Saint-Etienne
avec Pierre Guichard, fils de Geoffroy Guichard et fondateur du groupe
Casino.
La popularité du mouvement ne s'arrête pas aux
seules frontières des entreprises classiques mais touche aussi le
secteur audiovisuel, très présent dans les années 90. De
nombreuses chaînes TV se sont retrouvées au capital de grands
clubs, à l'image de Canal + qui a investi dans le club du
Paris-Saint-Germain.
Le mythique club du Milan AC fut détenu par la
chaîne italienne Rai.
On peut encore citer l'investissement du groupe M6 dans le club
des Girondins de Bordeaux.
Néanmoins, on constate aujourd'hui que de nombreux
clubs ont tendances à être rachetés par de multiples
milliardaires.
Le magazine FORBES, publia un classement
révélant qu'en 2013, plus de 50 milliardaires possédaient
des parts dans des clubs de football. Cependant, penser que chaque milliardaire
dépense au sein de ces clubs des sommes astronomiques est une erreur.
Alors que la stratégie qatarie se tourne vers une stratégie
d'investissement massive, injectée directement dans le club du PSG, le
club de Rennes, lui aussi détenu par le milliardaire français
François Pinault
4 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repère, 2014, p. 14
13
n'a que très peu investi dans son club qu'il
possède depuis 1998. Les stratégies peuvent donc être
différentes. Néanmoins, nous constaterons que le cas du
Paris-Saint-Germain est particulier puisque l'acquisition du club par le Qatar
Sport Investment (QSI) est en réalité une acquisition sur fond
souverain du Qatar (Qatar Investment Authority) (cf. Chapitre II partie I)
D'une constatation générale, on observe
malgré tout que les stratégies des milliardaires sont souvent
convergentes. En effet, en dépit d'un investissement de « loisir
» pour ces personnes fortunées, bon nombre d'entre elles y voient
un véritable enjeu, à la fois sur le plan sportif et
économique. C'est la raison pour laquelle, ces investisseurs
milliardaires peu regardants sur les sommes qu'ils dépensent,
n'hésitent pas à surpayer les indemnités de transfert des
joueurs « stars » et en leurs proposant des salaires exorbitants.
Notre développement permet de conclure de la
manière suivante : le football est définitivement entré
dans une nouvelle ère, notamment depuis que les clubs de football ont
acquis un statut quasiment identique aux entreprises classiques. L'objectif est
toujours le même : faire du profit.
De toute évidence, les stratégies
entrepreneuriales des clubs sont allées encore plus loin. En effet,
certains d'entre eux ont fait le choix de la cotation en bourse.
Historiquement, la première cotation boursière
d'un club de football professionnel a eu lieu en 1983. Il s'agissait alors du
club anglais de Tottenham. Pourquoi les clubs ont-ils commencé à
être cotés en bourse ?
Au-delà de l'aspect purement financier,
l'intérêt des clubs à être coté en bourse
était de contourner cette fameuse règle N°34, concernant les
redistributions des salaires et des dividendes des dirigeants.
Environ quarante clubs ont tenté l'expérience
pour les mêmes raisons juridiques surtout en Allemagne, au Danemark et en
Turquie.
C'est à l'aube des années 2000 que l'on constate
l'explosion des entrées en bourse des clubs de football. Cette
période correspond bien évidemment à «
l'euphorie financière et boursière ». On
dénombre près de 25 clubs anglais cotés en bourse alors
qu'à partir de la crise des « subprimes » de 2008 jusqu'en
2010, le nombre s'est réduit de 60% pour ne tomber plus
14
qu'à une dizaine de clubs. Le graphique
« nombre de clubs cotés en Bourse, janvier 1983
à septembre 2009 »5 traduit bien cette
tendance à la baisse depuis la crise mondiale.
Un club coté en bourse signifie-t-il qu'il gagnera plus
de matchs ? L'issue d'un match a-t-elle des conséquences sur le
marché boursier ? D'une part, les études sportives
réalisées par Baur et McKeating6 montrent que la
cotation en bourse d'un club de football ne signifie en rien de meilleurs
résultats sur le plan sportif. D'autre part, les études
récentes réalisées en 2009 par l'économiste
Palomino7 ont prouvé une corrélation évidente
entre les victoires d'une équipe et l'évolution positive de son
cours boursier. En revanche, un match perdu ou nul influence
négativement le cours.
Il est prouvé statistiquement dans le championnat
anglais, qu'une victoire est fréquemment suivie en moyenne d'une hausse
de l'action de 0,53% le jour suivant du match gagné. A contrario, une
défaite se traduit généralement par une baisse du cours de
l'action de 0,28% et -1,01% trois jours suivant la défaite.
L'étude montre également que les impacts boursiers sont plus
importants lors des matchs de fin de saison car il en va du statut du club de
football (relégation, promotion dans un championnat supérieur ou
qualification pour une compétition interclubs).
Une seconde étude menée par Edmans8,
montre que l'équipe nationale, vainqueur de la Coupe du Monde, aura un
impact significatif sur le cours boursier national. Dans le cas contraire, la
défaite lors de cette même compétition, engendre
négativement le moral des investisseurs ce
5 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repères, 2014 P.21
6 BAUR D. & McKEATING C. Do football clubs benefit from
an IPO? International Journal of Sports Finance, 2011, vol. 6, n°1,
p. 40-59.
7 PALOMINO F. Information, investor sentiment, and stock
returns: the case of British soccer betting, Journal of Corporate
Finance, vol. 15, N°3, p. 368-387
8 EDMANS A. Sport sentiment and stock returns, Journal
of Finance, vol 62, p. 1967-1998
15
qui a pour conséquence une contraction significative de
l'indice boursier. Bien évidemment, l'impact est d'autant plus important
s'il s'agit d'un pays où la culture du football est très
forte.
L'introduction en bourse d'un club de football permet aussi
à ce dernier de détenir un nouveau financement de projet, souvent
pour des stades ou pour le recrutement de meilleurs joueurs.
Cependant, croire que ces projets de financement sont gages de
réussite serait une erreur. Le sport à une part d'incertitude non
négligeable et la qualité d'une équipe ou d'infrastructure
n'est pas le garant d'une réussite sportive.
Les clubs de football professionnel français ont la
possibilité d'être cotés en bourse depuis la loi du 11
octobre 2006. Pour autant, la loi prévoit que les clubs qui souhaitent
faire un appel public à l'épargne doivent présenter un
projet « d'acquisition d'actifs destinés à
renforcer leur stabilité et leur pérennité, tel que la
détention d'un droit réel sur les équipements sportifs
utilisés »9. En d'autres termes,
pour être coté en bourse il faut un projet d'acquisition d'un
stade. C'est en 2014, que deux clubs sont entrés en bourse. Il s'agit de
l'Olympique Lyonnais et du FC Istres. 94 millions d'euros ont été
déboursés par le club rhodanien pour financer le projet du stade
des lumières. Ceci, dans l'optique d'obtenir des revenus plus
réguliers et plus importants. Nous y reviendrons plus amplement dans une
prochaine partie.
En définitive, le football professionnel semble avoir
tourné la page du simple amateurisme. Le changement de statut juridique
des clubs, en quête de profit comme les plus grandes entreprises,
démontre une stratégie encore inconnue à ce jour dans le
football. Qui plus est, l'introduction en bourse de certains clubs n'est que le
reflet des nouvelles ambitions financières. L'argent semble avoir une
grande importance pour permettre à un club d'accéder à un
meilleur classement et d'accéder aux compétitions les plus
prestigieuses telles que la Champions League ou l'Europa League.
En effet, les compétitions continentales constituent un
bon moyen de faire valoir le prestige d'un club. Beaucoup de grands clubs comme
le Real de Madrid, La Juventus de Turin ou encore Arsenal, utilisent les
retombées des compétitions que nous venons de citer pour
accroître leurs côtes de popularité. La question que l'on
peut se poser est la suivante. Après
9 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repères, 2014 P.26
16
notre première étude, nous avons
démontré que les ressources financières
générées par les clubs professionnels, permettaient
d'accéder plus facilement à ces tournois prestigieux. Peut-on
donc considérer que les compétitions interclubs sont-elles
accélératrices des inégalités entre ceux qui les
jouent et ceux qui n'y ont pas accès ?
1.2 Les gains financiers des coupes européennes pour
les clubs
La ligue des Champions ou Champions League (en anglais) est
considérée en Europe comme le championnat le plus prestigieux.
Fondée en 1993, elle remplace la « Coupe des Clubs Européens
» qui était une coupe où les vainqueurs des championnats
nationaux et le vainqueur en titre de cette coupe de l'édition
précédente pouvaient se rencontrer. La Champions League regroupe
trente-deux des meilleurs clubs européens.
Ce tournoi est très prisé par les
différents clubs car il s'avère être très lucratif
financièrement. En effet, l'Union Européenne des Associations de
Football (UEFA), qui est la haute instance de régulation du football
européen, procède de manière autonome à ses propres
appels d'offre pour la vente des droits de retransmission TV des
compétitions européennes. Elle génère donc une
masse d'argent considérable. De plus, c'est le comité de cette
même instance qui décide de la redistribution des recettes. A
titre d'exemple, sur la saison 2012-2013, 905 millions d'euros ont
été perçus par les 32 clubs ayant disputé la
Champions League, le reste des gains ayant été
redistribués à diverses associations et à l'UEFA pour les
frais administratifs et d'organisations.
Comme le révèle les archives de la haute
instance européenne, la seule participation à une phase de poule
du tournoi assurait un gain de 8,6 millions d'euros par club. Chaque victoire
représentait un million d'euro de gain et 500 000 euros pour des matchs
nuls. A cela s'ajoute une prime variable, appelée « market-pool
», correspondant aux gains perçus par chaque club grâce aux
retransmissions TV, versées par les chaînes de
télévision nationales.
Cela a un impact économique considérable.
Reprenons l'exemple du Paris-Saint-Germain. Avec un budget annuel estimé
à 400 millions d'euros, le PSG est de loin le club français le
plus riche de France. Il existe une corrélation entre la richesse d'un
club et son classement au championnat, lui assurant l'année suivante une
place directe en Champions League et ainsi pouvant profiter des dotations
financières juteuses qui lui sont associées.
Comment sont décomposées les dotations
financières lorsqu'un club participe à cette compétition
?
17
L'équation est simple. Les dotations financières
sont composées de l'addition des primes de participation, des primes de
performance et du fameux « market-pool ».
Lors de l'édition 2013-2014, le PSG et l'Olympique de
Marseille ont perçu respectivement 33,9 et 23,8 millions d'euros de
« market-pool » alors que le total des dotations s'élevait
à 54,4 millions pour le PSG et 32,4 millions pour l'OM. Il est donc
facile de conclure que le « market-pool » constitue la majeure partie
des revenues des clubs. De surcroît, on peut facilement conclure que
seulement quelques clubs captent la majeure partie des dotations
redistribuées par l'UEFA.
Participer à une compétition européenne,
telle que la Champions League, résulte d'un mécanisme dit
« auto-entretenu ». En effet, participer
à ce tournoi permet d'accumuler des gains que d'autres clubs ne peuvent
obtenir. A long terme, l'écart financier se creuse entre les clubs et
plus riches et ceux qui le sont moins. Ce mécanisme donne ainsi moins de
chance aux clubs moins riches de concurrencer les plus forts. C'est pour cette
raison que la Champions League réunit quasiment chaque année les
mêmes clubs. Les dotations financières provenant de cette
compétition sont par la suite reversées aux clubs, permettant
d'acheter de nouveaux joueurs ou d'investir dans de nouveaux projets
d'infrastructures et donc de donner plus de chance à ces clubs de finir
en haut de classement l'année suivante. On peut donc dire que ce
mécanisme laisse de côté ceux qui se retrouvent dans une
spirale qui ne leurs permettent pas d'accéder à ce genre de
compétition. Ces clubs dits de « second plan » sont souvent
ceux que l'on retrouve dans le ventre mou du classement du championnat national
c'est à dire des clubs qui ne gagnent rien mais ne perdent rien non
plus. D'après l'étude menée par l'économiste
Pavlovski en 2010, la probabilité de se qualifier pour la Champions
League est de 0,84 pour les équipes ayant participé la saison
précédente alors qu'elle n'est que de 0,03 pour les clubs n'y
ayant pas participé. Cela crée donc des disparités entre
les championnats nationaux.
Après avoir analysé ce qu'était la
Champions League et son fonctionnement, il semble intéressant de
s'attarder sur la puissance financière de cette compétition.
Comme le révèle les récentes publications
du site de l'UEFA, les recettes de droit de la Champions League et de l'Europa
League se sont accrues de 57 millions d'euros.
Cette hausse considérable doit son explication dans
l'avantage des gains de change. D'un point de vue purement financier,
l'affaiblissement de l'euro face au dollar américain et de la
18
livre sterling sont responsables de cette évolution
positive.
De surcroît, les droits de retransmission et les droits
commerciaux ont également augmentés. Les recettes ont atteint
1,47 milliards d'euros pour la saison 2013/2014, soit une hausse de 3,3% par
rapport à l'édition précédente où les gains
s'élevaient à hauteur de 1,42 milliards d'euros.
L'UEFA met en place chaque année une prévision
des recettes. Il s'avère que pour l'exercice 2014/2015, un
excédent de +83,3 millions était disponible en fin de saison. Ce
surplus de gain a permis à l'UEFA de les redistribuer de la
manière suivante :
- aux clubs ayant participé à la Champions
League.
- aux clubs ayant disputé les matchs de barrages de
cette compétition, soit au total 32 clubs.
- aux clubs ayant participé à la Super Coupe de
l'UEFA.
Ce résultat qui ne laisse personne indifférent,
montre que cette compétition est toujours plus appréciée
du grand public.
Les deux clubs qui disputent la Super Coupe de l'UEFA (le
gagnant de la Champions League contre le gagnant de l'Europa League) sont
également financièrement récompensés par un montant
fixe.
Comment se font les versements aux clubs ayant disputé la
compétition ?
Selon les règles de l'UEFA « les
versements aux clubs de l'UEFA Champions League sont les parts de
marchés proportionnels à la valeur des recettes des droits de
diffusion au sein des territoires respectifs des associations nationales
»10.
Cette règle signifie que chaque club ne recevra pas les
mêmes revenus puisque le système de distribution est variable
selon chaque pays. Ainsi, il est tout à fait possible que deux clubs
ayant atteint le même palier de stade d'une compétition
européenne, ne soient pas forcement rémunéré au
même montant.
Par ce cheminement analytique, il est même fortement
probable que le gagnant de cette compétition ne soit pas celui qui gagne
le plus.
10« Rapport financier 2014/2015 », UEFA,
février 2015
19
Cependant, on observe que les recettes augmentent
continuellement. Le graphique « recette de l'UEFA relative
à la Champions League (en million d'euros)
»11 retranscrit nos propos.
Il est tout aussi intéressant d'analyser
financièrement les gains selon les échelles de la
compétition. Le tableau ci-dessous est tiré du livre
« Economie du Football professionnel » de
Bastien Drut.
Pour ce faire, nous avons retenus deux éditions
(2011/2012 et 2014/2015) pour pouvoir comparer ces évolutions de gains
selon les paliers atteints lors de la compétition.
En millier d'EUR
|
Cycle courant 2014/15
|
Cycle précèdent 2011/2012
|
Matches de barrage
|
2100
|
2100
|
Montant fixe
|
8600
|
7200
|
Prime de résultat - victoire
|
1000
|
800
|
Prime de résultat - match nul
|
500
|
400
|
Huitième de finale
|
3500
|
3000
|
Quart de finale
|
3900
|
3300
|
Demi-finale
|
4900
|
4200
|
Deuxième de la finale
|
6500
|
5600
|
Vainqueur de la finale
|
10500
|
9000
|
L'interprétation du tableau est simple : Elle ne fait
qu'affirmer notre analyse précédente. La compétition de la
Champions League est toujours plus profitable puisque l'on constate qu'à
chaque palier, les gains ont été plus importants. Le vainqueur de
la finale se voit gagner le
11 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repère, 2014, p. 43
20
pactole. En plus de tous les gains déjà
récupérés grâce aux précédents
paliers, ce dernier remporte en plus près de 10,5 millions d'euros. De
quoi réinvestir aisément la saison suivante pour encore plus de
profit.
Pour conclure, l'aspect purement sportif et le challenge que
propose la Champion League sont bien évidemment la principale motivation
des clubs à accéder à ce genre de compétition. De
plus, participer à ce tournoi est une forme de reconnaissance à
l'échelle internationale et permet de faire de la publicité
autour des clubs qui y participent. Néanmoins, il est fort à
parier que les clubs prennent aussi en compte l'aspect purement financier de
cette compétition.
La question que l'on pourrait se poser est la suivante :
Est-il possible pour un club moins prestigieux d'exister sur la scène
européenne ?
La réponse est oui. Il existe pour cela une seconde
compétition européenne, certes moins prestigieuse mais avec des
possibilités de gagner de gros gains. Il s'agit de l'Europa League.
Petite soeur de la Champions League, l'Europa League fut créé en
2009 par l'organisme de régulation du football européen,
l'UEFA.
L'Europa League succède à la coupe UEFA, aussi
connue sous le nom de C3. Le fonctionnement de cette compétition de
« second rang » est très similaire à la Champions
League. La seule différence réside dans le prestige de la
compétition qui accueille des équipes moins connues.
A titre d'exemple, lors de l'édition 2012/2013, c'est
près de 209 millions d'euros qui ont été
redistribués aux cinquante-six clubs qui ont participés à
la phase finale de la compétition.
Le gain financier moyen pour un club qualifié pour la
compétition Europa League est de 3,7 millions d'euro. Pour la Champions
League la moyenne est autour de 28,3 millions d'euros. Contrairement à
la Champions League étudiée précédemment, l'Europa
League ne peut contribuer réellement et efficacement au
développement d'un club, ce qui explique son prestige moindre
comparé à sa grande soeur. Pour autant, la compétition
permet à certaines équipes que l'on connaît peu, de se
mesurer sur la scène européenne. Pour plusieurs grands clubs
européens, se qualifier « que » pour l'Europa League est un
manque à gagner voire même une forme de contre-performance. En
comparant le train de vie des clubs du Real de Madrid ou du Bayern de Munich et
les efforts pour parvenir à gagner cette compétition de
21
prestige moindre, il est parfois moins avantageux de
participer à cette compétition, tant les recettes seront maigres
par rapport à la puissance de ces clubs, habitués à jouer
la Champions League.
Prenons l'exemple suivant : lors de la participation à
l'Europa League pour la saison 2012/2013, le club du Rapid de Vienne avait
touché la dotation la plus faible : 1,9 millions d'euros. Cette somme
dérisoire n'a pas permis à l'équipe de subvenir à
des impératifs financiers tant on connaît la valeur de transfert
et de salaires de certains joueurs de cette équipe.
L'Europa League peut même paradoxalement
détériorer les performances d'une équipe. Chaque
championnat européen dispute en moyenne trente-cinq matchs par saison.
Ajouter ce tournoi dans un calendrier déjà bien chargé
peut engendrer des conséquences néfastes pour l'ensemble du club
: fatigue des effectifs, blessures, suspensions des joueurs clefs. Ces facteurs
peuvent avoir une influence sur les performances en championnat, dont
l'objectif premier est de terminer au meilleur classement pour prétendre
jouer la coupe aux grandes oreilles (Champions League). Dans une moindre
mesure, l'Europa League peut être un frein pour accéder à
cette compétition suprême. L'exemple le plus frappant fut sans
doute celui du Paris-Saint-Germain : le PSG aurait reçu 1,8 millions
d'euros en allant jusqu'en quart de finale de la coupe UEFA 2008/2009
(anciennement Europa League) pour 10 matchs de haute intensité.
L'accumulation de la fatigue et des nombreuses blessures peut expliquer le
relâchement en fin de saison du club, ayant terminé à la
6e place du classement, ne permettant pas de se qualifier pour une
compétition européenne la saison suivante.
Quel est donc l'avantage de cette compétition ?
Certains clubs se retrouvent dans cette compétition par
contre-performance tel que Liverpool ou Tottenham pour l'année
2015/2016, tandis que pour d'autres, participer à cette
compétition est une forme de bonus. On peut citer l'exemple de
l'En-Avant Guingamp, qui a eu la chance de disputer ce tournoi après sa
victoire en finale de la Coupe de France, synonyme de qualification directe
pour la compétition Européenne.
Néanmoins, pour un club plus prestigieux, seule la
victoire finale peut être un réel bénéfice.
Ceci nous amène à la conclusion suivante : le
football professionnel est un mélange de sport et d'argent. La
participation à une compétition européenne telle que la
Champions League ou l'Europa League relève autant d'un enjeu sportif que
d'un enjeu financier. Gagner des titres
22
c'est gagner de l'argent. C'est probablement le nouveau mot
d'ordre des plus grandes écuries européennes.
La juxtaposition des termes de recettes financières et
de résultats sportifs ne faisant plus aucun doute, il serait
intéressant d'en étudier le degré de corrélation.
Le football professionnel est-il devenu une multinationale où seuls les
gains sont gages de réussite à l'image de nos plus grands leaders
d'entreprises ?
Le modèle d'Andreff et Staudohar (2000) permet
d'apporter un premier élément de réponse. Comme
l'affirment les deux économistes, les clubs sont récemment
passés d'un modèle «
spectateurs-subventions-sponsors » à un modèle
«
média-corporate-merchandising-marché-globalisé
»12.
Comparons deux saisons :
- saison 1970/1971 : les revenus des clubs français
étaient composés de 81% de recettes de billetterie, 18% de
subventions municipales et 1% de sponsors.
- saison 2011/2012 : ces mêmes clubs
généraient près de 54% de recettes grâce aux droits
de retransmission télévisuelles, 16% pour les sponsors, 11% pour
les recettes de billetterie et 19% provenant d'autres recettes (exemple :
produits dérivés).
En comparant la saison 1996/1997 et 2011/2012, les chiffres
d'affaires des cinq plus grands championnats européens (Angleterre,
France, Allemagne, Italie et Espagne) sont passés respectivement de 2,5
milliards d'euros à 9,3 milliards d'euros en seulement 16 ans. Cela
représente une croissance annuelle de 10%, signe que ce secteur est en
voie de développement constant.
Comme le souligne le graphique issue des études de
l'agence de consulting Deloitte, le championnat anglais est de loin celui qui
génère le plus de revenus avec une recette d'environ 2,9
milliards d'euros pour la saison 2011-2012.
Graphique : Suprématie du football
anglais13
12 « Partie 2 : évolution du football français
», Institut numérique, 28/02/2013
13 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repères, 2014 P.48
23
Ce graphique suscite plusieurs commentaires.
Premièrement, force est d'admettre que les cinq championnats majeurs
européens écrasent de manière significative la concurrence
par rapport aux autres nations puisqu'ils captent près de 60% des
revenus totaux européens.
Le reste des recettes est partagé entre les
championnats moins attrayants qui sont la Russie, la Turquie, les Pays-Bas, le
Portugal, l'Ukraine et enfin la Belgique. De plus, il est important de
mentionner que la majeure partie des recettes ces cinq cadors sont
essentiellement dues aux recettes de droits TV. Cependant, il serait imprudent
de dire que tous les clubs d'un même championnat attirent les mêmes
revenus.
En réalité, seulement 25 clubs contribuent aux
recettes faramineuses dont six clubs anglais, quatre italiens, quatre
allemands, trois espagnols et un français : le Paris-Saint-Germain.
Le graphique de la page suivante représente la
répartition des revenus des clubs professionnels, saison 2012/2013.
24
En s'attardant ce sur ce graphique on peut constater une large
carence économique des clubs français. Comment expliquer ce
déficit des clubs de l'hexagone, comparé aux autres championnats
majeurs ?
Selon les analyses de Deloitte, le deuxième club
français « phare » en termes de recettes lors de la saison
2012/2013 est l'Olympique de Marseille. Néanmoins, le club
phocéen ne se classe que 30e avec 104 millions d'euros de
budget annuel. Le club classé à la 29ème place
est celui de West Ham, club beaucoup moins en vue dans le championnat anglais.
L'Olympique Lyonnais, présent dans ce classement durant sept
années consécutives entre 2005 et 2012, correspondant à la
période de gloire du club rhodanien, ne figure désormais plus
dans ce classement.
Le tableau ci-dessous14 confirme les
déséquilibres financiers des clubs au sein de la Ligue 1. Il est
possible d'interpréter ce graphique en 3 catégories :
14 ALYCE ANTHONY « Quelle est la répartition des
droits TV de Ligue 1 à l'issue de la saison 2014-15 ? »,
Ecofoot, 19 juin 2015
25
- la suprématie du PSG qui fait cavalier seul dans
cette catégorie. Les ressources financières du club parisien sont
incomparables avec ses concurrents français. Sa dimension
stratosphérique est semblable aux plus grands clubs européens
tels que le FC Barcelone, le Bayern de Munich ou encore le Real de Madrid.
- La seconde catégorie concentre quelques clubs qui se
concurrencent : Marseille, Lyon, Lille, Monaco et Saint-Etienne.
- La dernière catégorie rassemble tous les
autres clubs, dont les revenus sont parfois équivalents au salaire d'un
seul joueur du Paris Saint Germain...
1.3 Droits de retransmission TV, recettes de billetterie et
contrats sponsoring
A) les droits de retransmission
télévisuels
L'évolution du football professionnel s'est fait de
concert avec l'essor des droits de retransmission
télévisées. Bien que les recettes de billetterie ou les
contrats de sponsors représentent des profits considérables,
l'essentiel des recettes trouve son point d'ancrage dans les retransmissions
TV.
Contrairement aux championnats anglais, allemands et
espagnols, où les trois principales recettes s'équilibrent, les
championnats français et italien dépendent étroitement des
droits de retransmission TV. Selon l'étude menée par
l'économiste sportif Bastien Drut, ces droits représentent 55
à 60% des budgets des clubs.
Ils dépendent fortement de ce secteur car le moindre
affaiblissement de ce dernier pourrait avoir des conséquences
importantes pour ces deux championnats.
Voici en quelques chiffres les montants des recettes des
droits de retransmission télévisuelles :
B) La France et la ligue 1 :
La Ligue de Football Professionnelle (LFP) se charge des
retransmissions de droit TV. On constate une augmentation du chiffre d'affaire
sur ces vingt dernières années (31% lors de la saison 1995-1996
à 54% lors de l'exercice 2011-2012).
26
Lors de la saison 2016/2017 les ventes des droits de
retransmission se sont élevées à hauteur de 726 millions
d'euros.
Sur ce même exercice, le montant des recettes pour la
Ligue 2 (division inférieure) s'est élevé à 22
millions d'euros.
Sur la saison 2012/2013, 490 millions d'euros ont
été versés aux clubs de Ligue 1 contre 88 millions d'euros
aux clubs de ligue 2. On constate cependant une baisse des redistributions
envers les clubs de Ligue 2 pour favoriser les clubs de Ligue 1 et compenser le
retard accumulé par rapport aux autres championnats majeurs
européens.
Sur la totalité des droits, 5% sont prélevés
pour l'Etat. Il s'agit de la taxe « Buffet »15.
Enfin, le profit restant est redistribué au football
amateur, la rémunération des arbitres, le fonctionnement interne
de la LFP, aux frais d'organisation des matchs et aux organisations syndicales
du football professionnel.
C) l'Angleterre et la Premier League:
L'atout principal de la Premier League est bien
évidemment sa notoriété dans le monde entier.
L'attractivité de ce championnat, réunissant les plus grandes
équipes européennes comme par exemple Arsenal, Manchester United,
Manchester City, Chelsea ou encore Liverpool est très
apprécié à l'étranger et plus
précisément en Chine, ce qui engendre des hausses de droit de
retransmission. Grâce à la reconnaissance interplanétaire
du championnat anglais, chaque club a perçu un montant
agrégé de 2,2 milliards d'euros de droit de retransmission pour
les saisons 2013-2014 et 2015-2016, dont le tiers de ce montant provient des
droits de retransmission asiatiques.
D) l'Allemagne et la Bundesliga :
Les droits de retransmission du championnat allemand
étaient d'environ 385 millions euros avant 2013. La faible concurrence
des diffuseurs télévisuels des matchs dans ce championnat
explique ce gain moindre par rapport aux autres championnats. Néanmoins,
depuis le nouvel accord Sky Deutschland, les recettes devraient atteindre 628
millions d'euros pour la saison 2015-2016.
15 « Retransmissions sportives : la taxe Buffet
élargie par les députés », Eurosport,
06/12/2013
27
E) l'Italie et la Serie A :
Les recettes du championnat italien ont atteint 950 millions
d'euros par saison.
Force est de constater que les recettes via les droits de
retransmission TV constituent une part très importante pour les clubs.
Dans ce cas de figure on pourrait se demander comment en est-on arrivé
à cette nouvelle forme de dépendance économique ?
Bien que les droits TV soient indissociables du football
professionnel, cette pratique est en réalité très
récente.
Selon les deux économistes Andreff et Staudohar en
2000, cette récente dépendance n'est que la réponse du
football moderne. En effet, en 1967, plusieurs clubs anglais avaient
refusé de signer un contrat d'un million de livre sterling avec la
célèbre chaîne anglaise BBC, de peur que les supporters
cessent de venir au stade pour regarder le match à la
télévision.
En France, les droits de retransmission TV ne
représentaient que 30% des revenus des clubs de Ligue 1 en 1995 et
seulement 0,8% des revenus l'année avant la création de Canal +
en 1984, qui deviendra le diffuseur officiel des matchs de Ligue 1.
La stratégie commerciale de Canal + était simple
: proposer une chaîne payante permettant de retransmettre des films et
des matchs de football. C'est grâce aux retransmissions des matchs de
football que Canal + connaît son essor, engendrant année
après année de plus en plus d'abonnés. Les droits de
retransmissions TV peuvent s'opérer de deux manières distinctes
:
1- Les droits sont mis en vente par un intermédiaire :
la Ligue Professionnelle et pour le compte des clubs (France, Italie,
Angleterre, Allemagne)
2- Les droits sont mis en vente directement par les clubs.
C'est le cas du championnat espagnol et portugais.
Dans le premier cas, les ligues nationales déterminent
la manière dont vont être redistribué les gains. En France
par exemple, 50% des profits sont reversés de façon
égalitaire entre les clubs, 30% basé sur un critère
sportif et 20% sur la notoriété du club.
28
En Angleterre, le schéma est un peu différent :
50% des droits TV sont répartis de manière égalitaire, 25%
sur le critère de notoriété, et 25% sur le critère
sportif.
En Allemagne, c'est un système essentiellement
fondé sur le critère sportif.
L'Italie fait figure de cas particulier. D'abord tenté
par l'expérience basée sur la vente des droits de retransmission
TV par les clubs, les observations faites par les économistes Baroncelli
et Lago en 2006 s'avèrent négatives : les clubs italiens avaient
complétement dissous les principes de solidarité, se basant
exclusivement sur la notoriété de ces derniers.
Conséquence : lors de la saison 2007-2008, les écarts
étaient trop importants. La Juventus de Turin et le Milan AC, deux clubs
emblématiques italiens, ont empochés chacun 110 millions d'euros,
tandis que le club de l'Empoli, moins coté dans ce championnat, n'a
perçu que 10 millions d'euros. Après avoir constaté ce
fait, la délégation italienne a finalement tranchée pour
un mode de fonctionnement basé sur des retransmissions collectives,
comprenant la répartition suivante : 40% réparti de façon
égalitaire entre les clubs, 30% selon le résultat sportif et 30%
en fonction de la masse de supporters des clubs.
En définitive, il s'agit d'un pari gagnant puisque sur
la saison 2012-2013, les écarts ont nettement diminué. Les clubs
récemment promus en Serie A lors de cette saison, ont perçu 24,8
millions d'euros et la Juventus de Turin 103,8 millions d'euros.
Nous pouvons donc conclure de la manière suivante. En
France et en Angleterre, le système de versement des droits TV est
plutôt basé sur un système de solidarité. A titre
d'exemple, l'étude menée par l'agence Deloitte
révèle que le mythique club anglais de Manchester United aurait
reçu près de 60,8 millions de livres sterling via les droits de
retransmission lors de l'exercice 2012-2013 alors que les Queens Park rangers,
le club qui a perçu le moins, a empoché 39,7 millions de livres.
L'écart n'est donc pas si élevé quand on compare le
standing de ces deux clubs.
A contrario, la conclusion est différente pour les
clubs vendant eux-mêmes leurs droits. Seuls les clubs populaires
détenant les plus grands joueurs et les plus chers du marché des
transferts, dégagent des marges de profit conséquentes. Par
exemple, lors de la saison 2008/2009 le FC Barcelone et le Real de Madrid ont
capté à eux seuls près de 51% des droits de retransmission
télévisuels. En d'autres termes, les clubs les plus riches
s'enrichissent encore plus aux dépens des plus démunis, qui
risquent chaque année d'être reléguer en division
inférieure. Il est alors
facile de comprendre qu'il y a un dysfonctionnement dans le
jeu de la compétitivité entre les clubs que l'on peut
aisément comparer aux batailles des grandes entreprises modernes. Les
multinationales qui dégagent des profits rocambolesques restent sur le
marché contrairement aux autres firmes moins compétitives qui
sont poussées à sortir du marché.
En définitive, le principe de retransmission des droits
TV n'est que le reflet d'une concurrence imparfaite. La Ligue se charge de la
vente des droits de retransmission TV qu'elle redistribue aux clubs selon des
règles précises. On se retrouve donc dans une situation de
monopole où il n'y a plus qu'un seul offreur sur le marché. Notre
argument est d'autant plus recevable puisqu'il s'agit d'un service très
peu substituable. La négociation du prix de vente des retransmissions
des droits TV se fera entre l'acheteur (chaîne unique : exemple de Canal
+) et le vendeur (la Ligue).
Néanmoins, le schéma s'est quelque peu
modifié avec l'apparition de nouvelles chaînes qui viennent
concurrencer les précédentes. Exemple : BeinSport. L'augmentation
du nombre de diffuseur aboutis à une nouvelle situation.
La concurrence est d'autant plus importante depuis la
multiplication des supports pour regarder les matchs. Nous rentrons dans
l'ère du Smartphone, tablette et PC portable.
Pour répondre à l'émergence ces nouvelles
technologies de d'information et de la communication (NTIC) les Ligues ont donc
opté pour les enchères de vente des matchs ce qui signifie que
les diffuseurs ont moins de pouvoir de négociation. Les meilleurs
payeurs auront les meilleurs matchs. Cela explique la forte corrélation
entre l'augmentation des droits de retransmission et la diversification des
diffuseurs audiovisuels. Cette situation inédite est apparue il y a
quelques années avec l'apparition de la chaîne Qatari, BeinSport
(cf. Chapitre II partie I).
Aujourd'hui deux chaînes se font concurrence en France
pour les retransmissions des droits TV : Canal + et BeinSport.
Néanmoins, les deux chaînes ont fait couler récemment
beaucoup d'encre dans les médias. Rivaux voire ennemis, les deux
géants ne voient pas d'un si mauvais oeil un possible rapprochement. En
effet, les deux leaders français dans la diffusion des
évènements sportifs ont entamé des négociations
pour constituer une alliance.
29
Quelles sont les sources de motivation d'une telle alliance ?
30
Quatre éléments de réponse sont à
retenir pour comprendre ce nouvel enjeu16 :
1. Les abonnés : selon une étude
réalisée par le centre de droit et d'économie du sport,
relayé par le journal Le Monde « le sport
représente la première motivation d'abonnement pour près
de la moitié des 5,9 millions de clients de canal + en France
». Comme le confirmait Maxime Saada, Directeur
Général adjoint du groupe Canal +, le sport est incontournable
pour la chaine cryptée. Cela constitue la 2e source de
motivation d'abonnement après les films.
2. Aspect économique pour Canal + : Depuis
l'arrivée en France de BeinSport en 2012, Canal + a perdu 218 000
abonnés au cours des 6 derniers mois de 2015. Selon les statistiques,
Canal + perdrait environ 10% de ses clients pour en récupérer
à peu près le même nombre. En novembre dernier, la chaine
perdait ses droits de retransmission des matchs anglais de Premier League pour
les trois prochaines années (2016-2019), ce qui constituait jusqu'ici
l'un de ses principaux atouts. Les rediffusions ont été acquises
au profit de BeinSport. Ceci n'est pas sans conséquence pour Canal +. On
prévoit pour l'année suivante de nombreuses résiliations
d'abonnement au profit de son rival direct.
3. Intérêt économique pour BeinSport : la
nouvelle chaine augmente ses parts de marchés mais l'augmentation du
nombre d'abonnés augmente moins vite que les dépenses globales du
groupe Qatari. Conséquence directe : le groupe devrait perdre entre 250
et 300 millions d'euros en 2016 selon la banque d'investissement Natixis.
Les raisons de son déficit sont multiples. En
dépit d'une solidité financière, le Qatar est très
dépendant de la chute du cours des hydrocarbures, aujourd'hui la
principale source de recette pour les qataris. De surcroît, ils sont
aussi largement dépendants du cours de la bourse où BeinSport a
beaucoup investi. Enfin, l'association directe avec le groupe de Canal +
permettrait de réduire ses pertes et de profiter des équipes
commerciales de la chaîne cryptée pour trouver de nouveaux clients
sur le marché. Par ce jeu d'alliance avec Canal +, la chaîne
pourrait récupérer 8% du capital de cette dernière, ce qui
lui permettrait d'augmenter sa puissance dans le secteur des médias
sachant que Canal + est très présent en Europe et Afrique.
16 « Le possible rapprochement de Canal+ et Bein Sports en
quatre questions », 20minutes, 28/01/2016
31
4. La pratique d'un nouveau prix serait en défaveur du
client puisque ce dernier n'aura aucun choix. Le rapprochement de Canal + et de
BeinSport aura la conséquence suivante : une augmentation du prix de
consommation. Le consommateur devra s'abonner d'abord à Canal + pour
pouvoir regarder les matchs diffusés par BeinSport. Deux abonnements
à payer, élevant le prix aux alentours de 53 euros, soit trois
fois le prix que paye un consommateur aujourd'hui. Cette alliance risque donc
d'alerter l'autorité de la concurrence, tant le consommateur peut se
sentir lésé de la situation.
Après avoir analysé le premier type de
retransmission des droits TV, il est intéressant de voir le second
système de vente des droits par les clubs eux-mêmes.
Prenons le cas de l'Espagne.
Chaque club de Liga Espagnole (division 1) vent ses droits de
retransmission aux chaînes de télévision. Nous sommes donc
dans un cas de concurrence imparfaite puisque les biens de vente sont
très hétérogènes. Un match du FC Barcelone
coûte bien plus cher qu'un match d'une équipe de bas de
classement. Les chaînes de télévision ont besoin d'audimat
leurs permettant de gagner des parts de marchés et se voient dans
l'obligation de payer davantage pour avoir les matchs les plus attractifs,
susceptibles d'attirer beaucoup de téléspectateurs. Il y a donc
une très forte concurrence entre les chaînes de
télévision pour acquérir le droit de rediffuser un match
de football.
Dans ce cas de figure, on imagine bien que les plus grosses
écuries du football européen y voient un intérêt
plus important à revendre leurs propres droits de retransmission. Quoi
qu'il advienne, ces clubs « mythiques » attireront un large public,
leurs garantissant des profits constants. Il n'est donc pas nécessaire
pour ces clubs de faire appel à la Ligue. On se retrouve donc dans une
démarche individuelle plutôt que collective.
A contrario, un club mal classé, qui n'attire pas un
grand public va privilégier plutôt l'aide de la Ligue
professionnelle pour vendre les droits de retransmission des matchs.
Pour conclure, nous venons de voir en quoi les droits de
retransmission sont les nouveaux leitmotiv des grands clubs européens.
Etant la principale source de revenu, chaque club cherche à sortir son
épingle du jeu pour développer au mieux les finances du club.
Nous
32
avons pu constater que certains clubs profitent de leur
notoriété pour accroitre plus encore leur part de marché
en revendant eux-mêmes les droits TV, sans passer par
l'intermédiaire de la Ligue. Bien entendu, les plus riches
s'enrichissent aux dépens des clubs qui n'ont pas la chance d'être
médiatisé en raison de leur manque d'attractivité. C'est
la raison pour laquelle, ces clubs misent sur une stratégie plus
ciblée sur les supporters grâce aux ventes de billets au stade.
Cela nous amène donc à analyser les recettes de billetterie des
clubs.
F) Les recettes de billetterie
Jadis, le football était un moyen pour les ouvriers
anglais de se divertir. Le football créé rapidement des adeptes
et de plus en plus de monde vient assister à des matchs amateurs.
Comprenant l'effervescence de ce sport, certains d'entre eux ont
décidés de faire payer les entrées pour assister aux
matchs. C'est donc à partir de ce moment que les ventes en billetteries
sont apparues.
Aujourd'hui, les ventes de billets ne représentent plus
la même part de recette que l'on pouvait constater dans les années
1990, même si ces dernières restent une partie de gain non
négligeable pour les clubs.
Les ventes de billet ne sont que la résultante d'un
effet volume. En d'autres termes, l'effet prix d'un billet va dépendre
du nombre de spectateurs.
D'après les études microéconomiques,
réalisées par l'économiste Simmons17 en 2006,
il existe six facteurs déterminant une demande de billet.
- Le prix des billets.
- Les revenus réels des spectateurs.
- Le prix des autres biens substituables.
- La taille de marché du club.
- L'enjeu du match en question.
- L'incertitude face aux résultats.
Les ventes de billetterie proposés par les clubs vont
trouver preneurs chez les supporters de l'équipe en question. Cependant
il est très important de faire une distinction entre un
17 SIMMONS R. the demand for spectator Sports, in
handbook of the Economics of sports, 2009
2èmeédition
33
spectateur et un supporter. Selon les études
menées par Hourcade18 en 2010 : « le
spectateur recherche avant tout un spectacle footballistique de qualité,
quand la priorité du supporter est la victoire de ses favoris
»
On peut caractériser un supporter de la manière
suivante : il aime son équipe, idolâtre les joueurs et
attiré par une forme de partisannerie, d'une fidélité
à son équipe sans faille, qu'importent les résultats
sportifs.
Une fois n'est pas coutume, on constate une évolution des
supporters.
Avant 1970, on se situait dans une phase plutôt «
spectateur ». Depuis que le football est devenu mondial en touchant toutes
les catégories sociales notamment grâce au rôle de la
télévision qui permet de rediffuser les premiers matchs sur
écran, nous sommes passés dans la phase dite de « supporter
».
D'après l'étude menée par Dobson et
Goddard19 en 1995 « les spectateurs sont moins
nombreux quand les prix des places augmentent mais
l'élasticité-prix, c'est à dire le rapport de la variation
relative du nombre de places achetées sur la variation relative de prix,
est très inférieur à un en valeur absolue
».
A contrario, la loi de la demande de billet des supporters des
clubs est quasiment inélastique au prix. Qu'importe le prix d'un billet,
la ferveur des supporters est inébranlable pour soutenir leur
équipe de coeur. Le proverbe « quand on aime on ne
compte pas » prend ici tout son sens. Le facteur
fidélité rend donc la demande de place inélastique au
prix.
Les travaux économétriques effectués par
Czarnitski et Stadtmann en 2002 pour le championnat allemand, de Forrest et
Simmons en 2006 pour le championnat anglais, de Madalozzo et Berber Villar en
2009 pour le championnat brésilien, ou encore Garcia et Rodriguez en
2002 pour le championnat espagnol convergent tous vers un même argument
:
« L'incertitude mesurée par la
différence de place entre les deux équipes n'a pas d'influence
significative sur les ventes de billets ».20
18 HOURCADE N. Etat des lieux et propositions d'actions pour
le développement du volet préventif de la politique de gestion du
supportérisme, Livre vert du supportérisme P. 23-26
19 DOBSON S. ET GODDARD J. The demand for professional league
football in England and Wales, the statistician, n°44, 1995 p.
259-277.
20 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repère, 2014, p. 59
34
En revanche, lorsqu'il s'agit des matchs à fort enjeux
(Champions League, promotion-relégation, Copa Libertadores
etc), on constate une demande plus importante avec l'apparition des
reventes des billets à prix d'or sur le marché noir.
Une étude réalisée par la Britanish
Broadcasting Corporation BBC21 montre quel est le prix moyen par
championnat et par équipe pour assister à un match. Il faut
différencier les abonnements (à la saison) des billets de match.
Voici les tarifs pratiqués par les principaux clubs européens
:
Les deux graphiques22 ci-dessus permettent de faire
plusieurs commentaires.
Premièrement, on observe une répartition
très étendue entre les principaux clubs européens. Comme
nous pouvions nous en douter grâce aux développements
antérieurs, le championnat anglais est de loin le plus cher d'Europe.
Les dix-sept premiers clubs du classement pour les tarifs de billetterie les
plus chers sont tous anglais. Les clubs d'Arsenal, de Tottenham et de Chelsea
nécessitent un « droit d'entrée » dont le montant est
d'environ 1 000 euros, afin de
21 Société de production et de diffusion de
programmes de radio-télévision britannique.
22 LATTA JEROME, « Le football au prix fort pour les
spectateurs », Le Monde, 29/10/2015
35
pouvoir faire partie des abonnés. Il faut donc casser
la tirelire pour assister à un match de Premier League.
Concernant les abonnements les plus chers, on note quelques
clubs italiens (la Juventus de Turin à 1 500 euros, et l'Inter de Milan
à 2 220 euros).
En France, les abonnements au PSG sont les plus couteux. Voir
Angel Di Maria, Javier Pastore ou Thiago Silva fouler la pelouse du Parc des
Princes à un prix : 2 832 euros en moyenne.
A titre de comparaison, les abonnements les plus chers pour
voir une rencontre de l'AS Monaco ou de l'Olympique de Marseille, deux clubs
emblématiques du championnat français, correspondent aux
abonnements les moins chers pour le club anglais de West Ham. En d'autres
termes, lorsqu'un supporter de West Ham achète un abonnement «
premier prix » pour assister aux matchs de son équipe, il aurait
assez d'argent pour se payer les places les plus chères et les mieux
placées pour assister à des matchs du FC Barcelone, du Borussia
Dortmund ou de Shalke 04 en Allemagne, ô combien plus attractifs que les
matchs du club londonien...
En comparant les deux tableaux, on peut s'apercevoir que les
politiques de prix des clubs sont complétements différentes entre
les tarifs « abonnements » et ceux de « billets de
match». En reprenant l'exemple du FC Barcelone, dont les prix des
abonnements sont relativement bas, un billet à l'unité pour
assister à un match coûte très cher.
Autre constat : Un billet de match pour une rencontre anglaise
est à prix relativement raisonnable.
Les prix vont d'une trentaine d'euros pour les moins chers
à quarante voire cinquante euros pour les plus chers. Sachant que le
consommateur cherche à maximiser son utilité et son
intérêt personnel, on pourrait se demander s'il n'est pas plus
intéressant, dans certains championnats de prendre des billets à
l'unité plutôt qu'un abonnement. L'abonnement nécessite
d'aller au stade chaque week-end pour rentabiliser son investissement.
Certaines affiches de matchs sont moins alléchantes, d'autres peuvent se
dérouler en semaine (beaucoup plus contraignant pour le supporter). Le
billet unique permet de sélectionner ses matchs
préférés et comparativement à l'abonnement à
la saison est moins coûteux.
Enfin, il est tout à fait acceptable de dire que
l'Allemagne est l'eldorado pour un fan de football, qui souhaite assister
à des matchs de championnat sans se ruiner. Le billet le plus cher pour
voir un match du Bayern de Munich à l'Allianz Arena est
équivalent au moins cher pour voir un match de Chelsea à Stamford
Bridge.
Le tableau23 ci-dessous représente les
recettes de billetterie des principaux championnats européens.
Ce tableau témoigne (encore une fois) de la
suprématie de l'Angleterre : les recettes de billetterie rapportent
environ 700 millions d'euros, soit plus que le total des recettes de
billetterie réunies pour les pays classés de la 5e
à la 15e place (660 millions d'euros en tout). La France
totalise des recettes de billetterie d'environ 158 millions d'euros.
Existe-t-il une corrélation évidente entre les
recettes de billetterie et les capacités des stades ?
36
23 LATTA JEROME, « Le football au prix fort pour les
spectateurs », Le Monde, 29/10/2015
37
Comme le souligne le graphique « recettes de billetterie
et capacité des stades » 24 ci-dessus, on constate que les clubs
qui réalisent le plus de recette en billetterie sont ceux qui
possèdent les stades les plus grands. Le facteur déterminant est
le suivant : quatre des cinq plus grandes recettes de billetterie sont la
conséquence de stades pouvant accueillir au moins 75 000 spectateurs.
Bien que les stades de Chelsea, Manchester City et Liverpool soient
plutôt à capacité moindre comparé aux autres clubs
similaires, l'application de tarifs aussi élevés explique leurs
positions dans ce classement.
En définitive, il force est d'admettre que
l'évolution du football professionnel et des ventes de billetterie pour
assister aux matchs sont la preuve que chaque club tend à se comporter
comme les plus grandes entreprises. Nous avons pu constater que la vente des
billets est devenue un business dont les clubs ne peuvent se passer, tant les
retombées financières sont importantes. Dans un constat
général, les prix des billets ont plutôt tendance à
augmenter qu'à baisser, excluant ceux qui ne peuvent pas se payer des
billets très coûteux. Il est ainsi légitime de croire que
nous assistons désormais à une forme de « gentrification
» des accès aux stades où seuls les plus riches ont le
privilège d'assister à des rencontres footballistiques.
Comme le révèle les études menées
par Garcia et Rodriguez25 en 2002, l'affluence dans les stades de
football est plus importante pour les clubs situés dans les
régions où les revenus sont plus élevés. Les
statistiques mises en avant par la chaîne britannique BBC ne sont que le
reflet des des clubs, qui cherchent délibérément à
attirer une clientèle riche. Pour le club d'Arsenal, dont les prix
frôlent l'indécence, il s'agit pour le club de la première
source de revenu avant les droits de retransmission et les contrats de
sponsoring.
24 LATTA JEROME, « Le football au prix fort pour les
spectateurs », Le Monde, 29/10/2015
25 GARCIA J. et RODRIGUEZ P, the determinants of football
match attendance revisited: empirical evidence from the spanish football
league, Journal of Sport Economics, vol. 3, n°1, p. 13-38
38
Ce business juteux et cette volonté d'exclure la «
classe moyenne » ne sont pas le fruit du hasard. Les statistiques
établies par Euronext ont montré que la région du centre
de Londres - où se situe le club d'Arsenal - est de très loin la
région la plus riche, avec un PIB par habitant le plus
élevé. Il est donc facile de faire le lien entre football et le
désir de reconnaissance sociale. Pouvoir avoir le privilège
d'accéder au stade peut être un moyen de prouver que l'on
appartient à une certaine catégorie sociale.
Après avoir abordé le principe des droits de
retransmission TV, suivi d'une analyse sur les recettes de billetterie pour les
clubs et des bénéfices qu'ils en tirent, il serait
intéressant d'étudier le dernier facteur générant
des ressources pour les clubs de football professionnel. Il s'agit des contrats
de sponsoring sportif.
D'après la définition du site internet «
définition-marketing »26 : « Le
sponsoring sportif est un soutien financier ou matériel apporté
à un événement, une fédération, une
équipe sportive ou un sportif par un partenaire annonceur en
échange de différentes formes de visibilité.
»
L'objectif de la marque via l'utilisation du sponsoring
sportif est de profiter d'un évènement sportif ou de la
notoriété d'une équipe sportive afin d'être
médiatisé. Lors d'un évènement sportif,
l'utilisation des multiples supports publicitaires est la stratégie la
plus efficace pour donner de la visibilité à une marque. Le
sponsoring sportif, sert aussi à l'annonceur de valoriser sa marque via
les valeurs associées au sport ou à l'équipe.
Pour autant, une stratégie de sponsoring n'est pas sans
risque. En s'associant à l'image du sportif ou de l'équipe, le
sponsor peut indirectement être mis à mal via le ou les
comportement(s) négatif(s) des représentants de cette marque
(sportifs ou équipes).
Le risque est aussi sportif. Les retombées
médiatiques peuvent ne pas avoir l'effet escompté via les mauvais
résultats de l'équipe qui représentent l'image de la
marque.
Grâce à la rediffusion sur satellite des matchs
de football à partir des années 1980, les clubs professionnels
ont été attirés par ces fameux annonceurs. Le processus
d'achat d'une marque est simple. Avec l'accroissement de la concurrence, il
faut tirer son épingle du jeu et se faire connaître. La
popularité du football et l'ampleur médiatique autour de ce sport
ne peut être
26
http://www.definitions-marketing.com/definition/sponsoring-sportif/
39
que bénéfique pour les marques. Conscient de
cela, beaucoup de contrats ont été réalisés entre
les grandes entreprises et les clubs professionnels. En signant un contrat, les
entreprises ont le privilège de voir le nom et le logo de l'entreprise
sur le maillot, visible par tous les spectateurs et
téléspectateurs du match. C'est également le moyen
d'être visible grâce aux nombreuses photos et vidéos prisent
pendant le match et relayées par les médias et réseaux
sociaux.
En quête d'un gain toujours plus important, ces firmes
n'hésitent pas sponsoriser de multiples clubs dans différents
pays, afin de maximiser l'impact médiatique à échelle
internationale. On pense bien entendu en premier lieu, à la compagnie
aérienne Fly Emirates, présent sur les maillots de l'AC Milan, du
Real de Madrid, d'Arsenal, du Paris-Saint-Germain, d'Hambourg SV ou de
l'Olympiakos, pour ne citer que les plus importants.
Le risque est aussi partagé du côté des
équipes de football car la plupart des contrats de sponsoring sportif
sont de courte durée. La raison est simple : en raison d'une peur
constante de contre-performance, synonyme de mauvaise image pour la marque, les
contrats sont établis sur des courtes périodes. Il y a donc une
difficulté de fidélisation entre les sponsors et les clubs. Pour
les petits clubs moins médiatisés, les contrats de sponsoring
sont souvent conclus avec des marques locales.
D'après l'étude réalisée par
KantarSport27 en 2012, le profit moyen en sponsoring « maillot
» pour un club important de Ligue 1 rapporterait 6 millions d'euros par an
et 1 million d'euros pour un club médian.
En moyenne pour les clubs de ligue 2 (division
inférieure), le sponsoring « maillot » rapporterait environ
500 000 euros.
En comparant avec notre voisin anglais, le rapport est encore
une fois assez déséquilibré. En prenant l'exemple du
partenariat entre le club de Manchester United et du constructeur automobile
américain Chevrolet, le sponsoring « maillot » aurait
rapporté 55 millions28 d'euros pour la saison 2014-2015.
27 1er réseau d'analyses et d'études en relation
avec les acteurs directs du sport.
28 JUQUIN ROMAIN, « Manchester United et Chevrolet : le
sponsor de la discorde », sportmarketing, 11/11/2014
40
Le club de Chelsea a également frappé un grand
coup cet été puisqu'un nouveau contrat sponsoring avec le
géant fabricant japonais de pneumatique Yokohama Rubber rapporterait au
club la même somme, soit 55 millions29 d'euros (40 millions de
livre Sterling)
Seul le club du Paris-Saint-Germain rehausse le niveau
français, confirmant la nouvelle dimension que prend ce club au fil des
années. Le contrat réalisé entre le club parisien et
l'entité du Qatar faisant la promotion du tourisme au Qatar, (QTA :
Qatar Tourism Authority) rapporterait entre 150 et 200 millions d'euros par an.
De quoi pouvoir investir ce surplus financier dans de nouveaux joueurs et
concurrencer les plus grandes écuries européennes. D'après
Deloitte, sur la saison 2012-2013, le club de la capitale française
était le club professionnel avec les recettes les plus
élevées du monde.
Le développement ci-dessus laisse donc à penser
que seuls les clubs investissant dans des contrats de sponsoring peuvent
réellement rivaliser et faire du profit. La réussite passe-t-elle
inévitablement par le recours à une stratégie de
sponsoring ?
La démonstration du contraire est envisageable. Bien
que le sponsoring soit indéniablement moteur de dynamisme pour les clubs
de football, certains ont longtemps fait le choix de ne pas privilégier
cette pratique. L'exemple le plus probant est celui du FC Barcelone.
Vainqueur à quatre reprises de la prestigieuse
compétition européenne - la Champions League - la politique
commerciale des Blaugranas ne l'a pas empêché de conserver sa
suprématie dans le monde du football. Ce n'est qu'à partir de la
saison 2011-2012 que le club espagnol décide d'utiliser un sponsor.
A noter que pour la saison à venir 2016-2017, la club a
décidé de retirer une nouvelle fois, tout sponsor du maillot ne
laissant apparaître que l'écusson et la marque de
l'équipementier du club. Néanmoins, notre exemple est à
relativiser. Les clubs n'ayant pas recours aux sponsors sont très peu
nombreux et l'exemple du FC Barcelone est particulier. Avec ou sans sponsor, le
club catalan est un « cador » du football depuis des siècles
et jouit donc d'une autosuffisance.
29 «Le maillot de Chelsea vaut désormais 55 millions
par an», Eurosport,
41
D'autre part, il est important de noter que le sponsoring
sportif est étroitement dépendant de la conjoncture
économique globale. Lors des périodes de creux, certains
partenariats ne sont pas reconduits d'une année à l'autre.
L'exemple encore une fois du club anglais de Manchester United avec son
ex-sponsor, l'assureur américain AIG. Lors de la crise des «
subprimes » de 2008, l'entreprise a perdu près de 99,3 milliards
d'euros en raison de la dépréciation de son portefeuille de CDS
(Credit Default Swap). Il a fallu l'intervention du gouvernement
américain pour sauver la multinationale. C'est donc le trésor
public américain qui à repris le contrôle de cette
dernière afin d'éviter la faillite économique, qui aurait
eu de multiples conséquences désastreuses pour le club
mancunien.
En toute somme, les stratégies footballistiques
semblent avoir une importance sur le terrain mais aussi en dehors. Jusqu'ici
nous n'avons en aucun cas énoncé quelconques stratégies en
relation avec ce sport. Seules les stratégies économiques et
financières des clubs ont été abordées dans cette
partie, montrant la nouvelle ère dans laquelle le football professionnel
est entré. Les spectateurs ont une vision restreinte du football,
s'arrêtant aux simples rencontres sportives entre deux équipes.
Or, la réalité est tout autre. Les coulisses du football
professionnel regorgent de nombreux enjeux économiques qui font l'objet
de nos analyses.
Plus encore, un nouvel enjeu prend de plus en plus d'ampleur
depuis quelques décennies. Véritable poumon économique du
football, les stades sont au coeur des stratégies des dirigeants de club
de football. Depuis peu, la stratégie de « naming » des stades
s'est accrue.
1.4 Le naming des stades de football professionnels
Premièrement, il est important de donner une
définition claire du naming. D'après Bertrand Bathelot,
professeur en marketing, le naming se définit comme étant
« une pratique consistant à donner à une
enceinte sportive (le plus souvent un stade) ou à une compétition
le nom d'une marque ou d'une société sponsor
».30
30
http://www.definitions-marketing.com/definition/naming-en-marketing-sportif/
42
L'intérêt du naming est avant tout financier.
Associer le nom d'une entreprise à un stade permet essentiellement de
disposer de nouvelles ressources financières, notamment dans la
construction de celui-ci.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le naming
n'est pas un phénomène complètement nouveau. Il trouve son
origine aux Etats-Unis. Les hôpitaux et certaines écoles de
quartier reprenaient le nom de celui ou celle qui finançait les locaux.
Le naming est une stratégie peu développée par les
dirigeants des clubs jusqu'à la construction du stade de l'Emirates
Stadium du club anglais d'Arsenal. Le club londonien cède à
l'époque les droits de son nouveau stade, Ashburton Grove, à la
fameuse compagnie aérienne - Emirates - pour un montant avoisinant les
100 millions de livres sterling sur 15 ans. Aujourd'hui, beaucoup de clubs ont
recours au naming, notamment de nombreux clubs allemands dont l'objectif
était de construire et/ou rénover des stades allemands lorsque
l'Allemagne fut choisie pour organiser de la Coupe du Monde 2006. A l'heure
actuelle, 18 clubs allemands ont déjà eu recours au naming des
stades. L'Allianz Arena pour le Bayern de Munich, le stade Veltins pour
Schalke04 ou encore le Coface Arena, représentant la Compagnie
Française d'Assurance pour le Commerce Extérieur, ont leurs noms
apposés à l'entrée des stades.
Le tableau ci-joint montre les profits annuels des clubs
allemands grâce au naming31.
31 ALYCE ANTHONY «La Bundesliga est adepte du naming des
stades», Ecofoot, 02/09/2014
43
D'après l'article tiré de la revue
footballistique Ecofoot, le profit des clubs de la Bundesliga
s'élève à 41 millions d'euros par an, grâce au
naming. En se référant au graphique ci-dessus, l'assureur
allemand Allianz Arena verse au club bavarois près de six millions
d'euros. Le contrat est prévu jusqu'en 2021 mais l'assureur
prévoit déjà d'étendre ce contrat à horizon
2041, confirmant la pérennité de cette pratique sur le long
terme. S'ensuit de près le club du Schalke04, avec un profit de cinq
millions d'euros par an. Enfin le club du Borussia Dortmund ferme la marche du
top 3 des plus gros gains grâce au naming, avec un profit annuel de
quatre millions d'euros par an, versé par son partenaire, l'assureur
Signal Iduna.
Au total, les quatre premiers clubs de ce classement
concentrent près de 50% des revenus de la Bundesliga. La pratique semble
bien se portée du côté allemand mais qu'en est-il en France
?
A l'exception de quelques stades, notamment celui du Mans avec
un partenariat d'un million d'euro par an pendant dix ans, l'Allianz Riviera et
le nouveau stade de l'OGC Nice ou encore du Matmut Atlantique de Bordeaux, le
naming n'est pas encore très développé en France. Selon
Vincent Chaudel, expert au cabinet de conseil Kurt Salmon, le retard
français comparé à ses pays voisins aurait une explication
singulièrement culturelle et financière 32 .
Premièrement, les clubs français attachent une importance
primordiale à leurs stades, appartenant pour la plupart à la
municipalité de la ville. C'est la raison pour laquelle le club de
Rennes, ayant trouvé un partenaire commercial, s'était vu
bloqué toute démarche par la ville. L'exemple du nouveau stade de
Lille est aussi à l'image de l'échec du naming en France. En
dépit de nombreuses tentatives de rapprochement avec le groupe casino
Partouche, l'opération séduction n'a pas eu l'effet
escompté puisque finalement le stade n'a pas eu recours à un
partenariat. D'autre part, l'argent reste un sujet tabou en France. Mais comme
le rappelle Bertrand Avril, consultant en marketing chez Uniteam Sports dans
les colonnes du journal le Figaro : « le naming est source
d'argent et assure le spectacle avec des joueurs plus cotés sur le
terrain ».33
Il serait fort à parier que la tendance puisse
s'inverser d'ici quelques années. Pour preuve, cet été
2016, le club de l'Olympique de Marseille a officialisé un accord entre
le club phocéen et
32 BRIGAND MAXIME «Infrastructure: la lente percée du
naming en France», Le Figaro, 26/09/2015
33 BRIGAND MAXIME «Infrastructure: la lente percée du
naming en France», Le Figaro, 26/09/2015
44
la société de télécommunication
française Orange pour une période de 10 ans. Les gains de ce
contrat sont estimés à trois millions d'euros par an, rapporte le
quotidien « La Provence »34
Toutefois, le naming est une stratégie multiforme et
n'a pas pour seule limite l'attribution d'un nouveau nom pour un stade. En
effet, le naming d'une entreprise peut aussi apparaître dans la
dénomination d'un championnat. L'exemple le plus concret est celui du
championnat anglais, la Barclays Premier League, du nom de la
célèbre banque internationale ou encore de la Liga
BBVA35
Une seconde pratique tend à se démocratiser. Celle
d'acquérir son propre stade.
D'après les chiffres de 2010 de l'UEFA, relayé
dans l'ouvrage « économie du football professionnel » de
Bastien Drut : « 65% des clubs de 1e division en
Europe louent leur stade aux autorités municipales ou nationales et 18%
le louent à des tiers. Seul les 17% restants en sont directement
propriétaires et disposent par ce biais de revenus
décorrélés de leurs performances sportives
».
C'est en Angleterre, en Espagne et en Ecosse que l'on trouve
le plus de stades détenus directement par leurs clubs respectifs.
Comme pour le naming, la France est plutôt en retard
dans ce domaine. A l'exception de l'AC Ajaccio, de l'AJ Auxerre et depuis 2016
de l'Olympique Lyonnais, tous les clubs français sont locataires du
stade dans lequel ils jouent. On parle alors de « concession
d'occupation privative du domaine public » qui permet
« d'occuper de façon temporaire une parcelle du domaine
public moyennant le paiement d'une redevance »36
Acquérir son propre stade est une stratégie
très ambitieuse puisqu'en premier lieu, cela permet de diversifier les
activités du club grâce à des recettes liées
directement aux évènements sportifs mais aussi grâce aux
spectacles en tout genre. (Exemple : concert.)
Cela permet également de réduire l'incertitude
quant aux revenus du club, bien moins aléatoire, permettant
également de disposer directement d'actifs tangibles à son
bilan.
34 BONET IVAN «Marseille, tout savoir sur le passage de
l'Orange Vélodrome», La Provence, 04/06/2016
35 BBVA España : banque en ligne pour les particuliers.
36 DRUT B. Economie du football professionnel,
collection repère, 2014, p. 63
45
Cependant, le projet d'acquisition d'un stade est un
investissement très long et coûteux. En regardant les bilans
comptables de certains clubs de ligue 1, il est très difficile voire
impossible de réaliser de tels investissements.
Il est donc assez rare de voir de tels changements sauf si un
évènement particulier l'y oblige. L'euro 2016 en est le meilleur
exemple. La France étant le pays organisateur, le besoin de
rénovation et/ou reconstruction de certaines infrastructures
étaient nécessaires. Fin 2013, la commission européenne
avait alors conclue que les aides publiques étaient «
bien conformes aux règles de l'Union Européenne et n'induisaient
pas de distorsions de la concurrence sur le marché interne de l'UE
». 1,05 milliards d'euros étaient alors
alloués pour la rénovation des cinq principaux stades accueillant
les matchs de l'euro (Lens, Marseille, Paris, Saint-Etienne et Toulouse) et la
construction de quatre nouveaux stades (Bordeaux, Lille, Lyon, Nice).
Le recours à ce type de financement est basé sur
le principe de Partenariat Public Privé (PPP). L'économiste
Bastien Drut montre que « dans le PPP, la personne publique
confie la construction et l'exploitation d'un bâtiment assurant ou
contribuant au service public à un tiers qui en assure partiellement le
financement. La collectivité le rembourse à
échéance donnée ».37
Ce type de financement à par exemple permit la
réalisation du nouveau stade de Lille, nommé
Pierre-Mauroy, avec un coût total de 324 millions d'euros,
décomposé de la manière
suivante :
- Elisa, filiale de la société de construction
Eiffage : 60M d'euros.
- La région Nord-Pas-de-Calais : 45M d'euros.
- L'Etat : 30M d'euros.
- Le reste : emprunté à un « pool bancaire
»38.
Pour le moment le stade appartient à la
société Elisa mais le club en deviendra le propriétaire
à 100% en 2043.
Le second exemple du nouveau stade de Lyon.
37 DRUT B. Economie du football professionnel,
collection repère, 2014, p. 66
38 pool-bancaire : plusieurs banques se réunissent pour
financer un même projet.
46
Introduit précédemment dans la partie
consacrée aux cotations boursières des clubs de football, le
projet de financement du nouveau stade « Parc OL » était
assuré à 100% par le secteur privé. L'ambition du club
rhodanien était de suivre les grands clubs anglais notamment d'Arsenal
avec le stade de l'Emirates Stadium. Livré à la fin de la saison
20152016, le stade peut accueillir jusqu'à 58 000 spectateurs.
Sa construction fut semée d'embûches puisque le
club fut confronté à une bataille juridique avec les riverains,
largement opposés à ce projet de construction. S'en est suivi des
difficultés de financement du projet. Après l'introduction en
bourse de l'OL Group (cf. Chapitre I partie I), une partie des fonds
collectés devaient servir à financer projet, or des aléas
(achats de nouveaux joueurs suivi d'un déficit du club) ont
compliqués sérieusement la tâche du club pour trouver ces
précieux fonds. Le club a dû renforcer ses fonds propres en
émettant près de 78,1 millions d'euros d'obligations de type
OSRANE (obligations subordonnées remboursables en actions nouvelles ou
existantes).
Le projet a été financé de la manière
suivante :
- 135M d'euros de fonds propres comprenant 20M d'euros de
subvention de l'Etat.
- 112M d'euros en endettement obligataire.
- 136,5M d'euros d'endettement bancaire
- 8M d'euros dans la location financière de système
d'information.
- 13,5M d'euros de résultats d'exploitation d'OL
groupe.
D'après les estimations réalisées par le
club, la construction de ce nouveau stade devrait rapporter au club environ 70
millions d'euros par an.
Pour résumer, nous nous sommes demandé quelles
étaient les activités relatives aux clubs dans un cadre
extra-sportif. Nous avons pu constater que les clubs usent de stratégies
novatrices afin de donner une impulsion financière, ô combien,
importante pour la survie d'un club. Le passage du football amateur au football
professionnel a bouleversé les structures organisationnelles des clubs
tant sur le plan sportif qu'économique. L'attribution d'un nouveau
statut juridique, l'introduction de certaines équipes en bourse, les
bénéfices économiques des compétitions
européennes, les stratégies de vente des droit TV, les
recettes
47
de billetterie et des sponsors et enfin, l'accroissement de la
pratique du naming des stades, traduisent bien cette tendance des clubs
à se comporter comme des entreprises internationales. Il est alors
légitime de penser que les rencontres de football ne sont que la partie
immergée de l'iceberg, laissant chacun d'entre nous avec l'idée
que le football est un sport simple. Or l'analyse que nous venons de faire nous
prouve le contraire. Le football se développe dans une complexité
économique où le seul critère sportif ne suffit plus. Or,
les acteurs du football tels que les joueurs restent les pièces
maitresses de l'échiquier. En effet les clubs s'arrachent, parfois
à prix d'or, les joueurs les mieux côté du marché.
L'objectif est toujours le même : gagner avec les meilleurs joueurs de
nouveaux trophées, synonymes d'enrichissement du club.
Cela nous amène donc à étudier les
marchés des transferts des joueurs de football professionnel et des
nouvelles relations joueur-club.
Pour ce faire, nous observerons dans un premier temps les
rémunérations salariales des joueurs, puis nous nous demanderons
si les masses salariales des joueurs garantissent-elles de meilleurs
résultats. Enfin, dans un dernier temps, nous analyserons en
détails des rouages des marchés de transfert.
Partie II - Joueurs et clubs : le rapport
employeur-employé proche du schéma d'entreprise.
2.1 Les rémunérations salariales.
Dans notre précédente analyse, nous avons
émis l'hypothèse que l'expansion du football moderne et des
droits de retransmission TV, poussent ce sport à évoluer et
à adopter de nouvelles stratégies efficaces pour élever
ses ressources financières et pérenniser, dans une certaine
mesure, l'entreprise.
Le football amateur semble bel et bien révolu. De
même, il s'est incontestablement développé dans une optique
de business où seul le gain financier est gage de durabilité.
Le passage du football amateur au football professionnel
amène de nouveaux enjeux. Les clubs sont aujourd'hui confrontés
aux dépenses liées au marché des joueurs. Comme pour une
entreprise classique, les clubs font face au même dilemme :
« Combien cela me coûte et combien cela me rapporte ?
». Les stratégies managériales des clubs sont
plus ou moins similaires : l'enjeu premier est d'attirer les plus grands
talents, de les faire grandir et de les
48
conserver le plus longtemps possible. Depuis l'abaissement des
frontières, les clubs ont la possibilité d'attirer des joueurs du
monde entier. Comme dans un schéma classique d'offre et de demande, il
existe sur le marché du football beaucoup de joueurs mais peu de grands
talents. Attirer ses potentiels demande des ressources financières
considérables.
Comme le souligne les travaux empiriques de la Direction
Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), l'essentiel des charges des
clubs de Ligue 1 sont les rémunérations du personnel (47%), les
frais généraux (19%), les charges sociales (15%). Il est alors
facile de constater que les salaires des employés (joueurs) est le poste
de dépense le plus important pour un club de football.
Certains salaires exorbitants, à l'image de celui du
grandiose Lionel Messi, du sulfureux Cristiano Ronaldo ou de la nouvelle
pépite brésilienne Neymar, font souvent l'objet de débats
voire d'une incompréhension globale de la part de l'opinion public.
Quelles sont les raisons qui expliqueraient des salaires aussi
élevés ?
Deux études menées succinctement par les
économistes Bourg et Gouget en 2001 puis par Poli en 2006 permettent de
répondre à cette question.
Dans la première étude, J-F Bourg et J-J
Gouget39 mettent en lumière deux catégories distinctes
de joueurs :
- Les joueurs d'excellent niveau : très rare, capable de
faire gagner des titres aux clubs.
- Les joueurs de niveau moyen : très abondant, dont le
niveau est irrégulier avec une efficacité moindre.
Contrairement aux joueurs de niveaux plus faibles, les joueurs
les plus talentueux ne souffrent pas de chômage puisqu'ils sont
constamment convoités par les plus grands clubs.
La concurrence étant de plus en plus rude, seuls les
clubs les plus fortunés peuvent se permettre d'acheter les meilleurs
joueurs avec des salaires très élevés. Cette situation
fait figure de quasi-monopole pour ces clubs.
39 BOURG J-F et GOUGET J-J (2007), Economie politique du
sport professionnel : l'éthique à l'épreuve du
marché, Vuibert, Paris.
49
La seconde analyse de Poli40 réalisé
en 2010, met en avant le constat suivant : 85 des 100 plus grosses
déclarations de revenus en Italie pour l'année 2000 provenaient
de joueurs de football professionnel.
Une autre raison permettant de comprendre pourquoi les
salaires peuvent grimper très rapidement provient des recherches de S.
Rosen en 1981. Selon lui, les différences de salaires entre les plus
faibles et les plus élevés s'expliquent par la «
non-substituabilité des joueurs de grands talents
»41. Cette théorie sera par la suite
validée par Lucifora et Simmons42 en 2003, qui ajoutent
l'idée que le développement des moyens de communication a
engendré une explosion des salaires, notamment par des jeux de
spéculation. Les salaires de certaines « légende du football
professionnel » sont même encore plus élevés
grâce aux contrats publicitaires et autres activités
extra-sportives.
D'ailleurs, les statistiques réalisées par
l'institut National de la Statistique et des Etudes Economique (INSEE) en 2010
vont en ce sens. L'organisme a démontré que les sportifs de haut
niveau disposaient des salaires bruts supérieurs en moyenne à
ceux des grands dirigeants d'entreprises ou des cadres de la finance. Depuis
peu, les salaires moyens versés par les grands clubs ont même
devancés ceux versés par les franchises nord-américaines
de la NBA (National Basketball Association) et de la MLB (Major League
Baseball).
Alors que les salaires sont très élevés
dans le football professionnel, conclure uniquement que les salaires des
footballeurs seraient homogènes est une fausse idée. Au
contraire, c'est dans ce secteur que l'on observe le plus
d'inégalités.
Chaque année, l'Union Nationale des Footballeurs
Professionnels (UNFP) publie à la fin de la saison les joueurs libres,
pouvant signer dans un autre club. En retenant les 40 clubs que composent la
Ligue 1 et la Ligue 2, prenant en compte environ 25 joueurs professionnels sous
contrat, le taux de chômage s'élève aux environs de 20% ce
qui est excessivement élevé et bien supérieur à la
moyenne nationale française. Les masses salariales sont donc
réparties de manières très inégalitaires et se
concentrent seulement sur quelques joueurs très bien payés.
40 POLI R. (2010), Marché de footballeurs,
réseaux et circuits dans l'économie globale, Peter Lang,
Berne.
41 ROSEN S. (1981) The economics of superstars, American
Economic Review, vol. 71, n°5, p. 845-858.
42 LUCIFORA C. ET SIMMONS R. (2003) Superstar effects in
sport: evidence from Italian soccer, Journal of Sports Economics, vol 4,
n°1, p. 35-55.
50
D'après l'article paru dans le « Nouvel
observateur »43 en 2013, un joueur de Ligue 1 gagnait en
moyenne 47 000 euros bruts par mois sans compter les primes additionnelles.
Pour La Ligue 2, la moyenne était estimée à 10 500 euros.
L'écart entre les deux championnats est important ce qui nous conforte
dans l'idée que seuls les meilleurs championnats sont ceux qui reversent
les salaires les plus importants.
La revue met également en avant un second facteur
déterminant : la carrière d'un joueur est relativement courte.
D'après les études de John Goddard et John Wilson44,
« environ 20% des joueurs présents une année
donnée dans un des 92 clubs professionnels n'y jouent plus
l'année suivante et environ 20% d'entre eux n'y jouaient pas
l'année précédente ».
En tenant compte de ses résultats, on constate par
exemple qu'un joueur sur cinq est remplacé dans le championnat anglais
d'une saison à l'autre.
Enfin, il est important de retenir que les salaires des
joueurs ne sont pas si élevés que ce que l'on pourrait croire. En
effet, le marché des « stars » ne concerne finalement que
très peu de joueurs (entre 5 et 10%) avec des salaires faramineux et une
stabilité de l'emploi.
A contrario, le marché secondaire, comprenant les
joueurs dont les qualités sportives sont moindres, concentre en
réalité la majorité des footballeurs. Ces derniers ont des
revenus beaucoup plus faibles. Leurs mobilités sont dites « subies
» c'est à dire que le joueur signe dans un club qui l'accepte. Il
n'y a donc pas réellement le choix du coeur de la part du joueur. Bien
entendu, ceci est synonyme de fragilité de l'emploi.
En tout état de cause, seul les salaires des plus
grands talents ont décollé ces dernières décennies,
donnant l'impression d'une augmentation salariale globale de tous les sportifs
de ce secteur. Or, nous venons de démontrer le contraire.
Il semble pertinent de s'attarder sur le tableau de la page
suivante, représentant les parts des revenus en fonction des
différents championnats européens.
43 «Messi, Ronaldo, Ibra...le salaire des stars du
football augmente? Les inégalités aussi» le Nouvel
Observateur, 13/04/2016
44 Goddard J. et Wilson J. (2004), Free agency and employment
transitions in professional football, mimeo, in Frick B., Pietzner G. et
Prinz J. (2007)
51
Une fois n'est pas coutume, la Premier League anglaise est le
championnat où les salaires sont les plus élevés. En
moyenne 2,850 millions d'euros. Ce montant est plus élevé de 56%
du salaire moyen en Bundesliga (championnat allemand), situé
2e du classement avec 1,822 millions d'euros. Bien entendu, ce
résultat - aussi élevé soit-il - s'explique en majeure
partie par les recettes générées par ces deux
championnats, essentiellement dues aux droits de retransmission (cf. Chapitre I
partie III).
En revanche, le classement du championnat espagnol est une
surprise. Le salaire moyen étant de 1,5 millions d'euros.
Ceci peut trouver son explication par le fait que la Liga
espagnole concentre beaucoup de disparités financières.
Malgré les deux grosses écuries (FC Barcelone et Real de Madrid),
le reste du championnat est en dessous des autres compétitions telles
que notre championnat national, la Ligue 1. De plus, nous avons vu
précédemment que les droits de retransmission TV espagnols
étaient vendus individuellement par les clubs. De ce fait, le Real de
Madrid et le FC Barcelone concentrent 50% des recettes TV, laissant le reste
aux dix-huit autres clubs de la Liga BBVA.
En tout état de cause, les clubs les plus riches
n'hésitent pas à aligner les zéros sur les chèques
pour attirer les plus grandes stars. Mais qu'en est-il du retour sur
investissement ? Les clubs qui achètent les joueurs les plus chers
sont-ils assurés de meilleures performances sportives ?
52
Il est évident que pour gagner des titres, chaque club
doit miser sur des talents qui feront la différence et qui seront un
réel atout pour l'équipe. Dans l'hypothèse que chaque club
possède chacun des joueurs de talents similaires, alors nous serions
dans une situation d'équilibre compétitif maximal, ce qui
signifierait que chacune des équipes auraient sensiblement les
mêmes chances de gagner le championnat.
Or, nous nous trouvons plutôt dans une situation de
« jeu sur le marché du talent
»45 c'est à dire que chaque équipe
doit prendre en considération une contrainte budgétaire tout en
cherchant à acquérir la perle rare pour constituer un groupe
homogène supérieur aux autres équipes.
Cependant, Kuypers et Szymanski démontrent en 1999
qu'il existe une corrélation étroite entre la masse salariale des
clubs anglais et leurs positions en championnat. En effet, plus les salaires
sont élevés, plus la probabilité d'un meilleur classement
pour l'équipe en question est forte. Cela valide donc la théorie
« d'efficience des salaires » qui implique que la productivité
collective des joueurs va de surcroît avec les salaires qui leurs sont
versés.
Méthodologie Kuypers et Szymanski (1999) :
corrélation masse salariale et résultat sportif.
Le graphique ci-joint est tiré de la Ligue de Football
Professionnelle (LFP). Dans un premier temps, l'intérêt de cette
étude est d'analyser l'étroitesse de la corrélation entre
salaire et résultat sportif, puis dans un second temps comprendre si
cela justifie tous ces investissements colossaux.
Graphique corrélation entre masse salariale et
résultat sportif.
45 CAVAGNAC M. ET GOUGUET J-J (2008) Droits de
retransmission, équilibre compétitif et profits des clubs,
revue d'économie politique, n°118, p. 229-253.
53
- L'axe des ordonnées représente le classement en
fin de saison de chaque club.
- L'axe des abscisses représente le rapport
logarithmique entre la moyenne des salaires du club sur les moyennes des
salaires de tous les clubs du championnat.
D'après le graphique, la relation (salaires -
résultats sportifs) est clairement identifiable. Les clubs qui
dépensent le plus en salaire sont souvent ceux en tête du
championnat. Deux hypothèses peuvent être retenues :
1. Le club détient des ressources financières
considérables : le budget permet au club d'investir dans de nouveaux
joueurs talentueux, ce qui lui donne de la crédibilité
supplémentaire pour gagner des titres européens. L'exemple du
rachat du Paris-Saint-Germain par le Qatar est le symbole de la nouvelle
offensive stratégique du pays (cf. chapitre II partie I).
2. Le club n'est pas forcément le plus riche mais
réalise des bons résultats sportifs ce qui lui permet
d'améliorer ses recettes annuelles. Ainsi, il sera possible pour le club
d'acheter des joueurs de qualité afin d'aspirer encore à de
meilleures résultats la saison suivante.
En définitive, être un club riche est un avantage
pour gagner des titres. Le football moderne se développe sous une forte
concurrence où les meilleurs joueurs rejoignent les clubs qui peuvent
assumer des salaires aussi élevés. Néanmoins, il serait
imprudent de conclure que seules les grandes écuries peuvent gagner.
L'exemple du Leicester City Football Club est sans conteste le contre-exemple
parfait, prouvant que l'argent ne fait pas tout. Il y a près de 7 ans,
le club jouait en troisième division anglaise, la League One. Avec des
résultats impressionnants, le club remonte en 2014 en premier League
(1ère division anglaise) et évite de peu cette même
année la relégation en division inférieure. La plupart de
l'effectif étant inconnu du monde du ballon rond, le club
créé la surprise lors de la saison 2015/2016 en terminant premier
du classement, devant les plus grandes équipes anglaises,
possédant des joueurs de renommée internationale.
Comment peut-on expliquer ce fait exceptionnel ?
Premièrement, par la détermination. L'argent permet d'acheter les
meilleurs joueurs au monde mais n'achète pas la motivation de ces
derniers. Deuxièmement, l'esprit d'équipe et la cohésion
d'un groupe, sont les maitres
54
mots qui dictent ce sport. Enfin, le succès de ce club
comprenant une population totale de 330 000 habitants, trouve sa source dans sa
capacité à trouver des talents avant même qu'ils ne soient
révélés au grand public. Le club à misé sur
des joueurs comme le franco-algérien Riyad Mahrez, l'anglais Jamie Vardy
(évoluant en 8ème division il y a 7 ans..) ou encore
le français N'golo Kante, tous inconnus de la planète football et
aujourd'hui convoités par les plus grands clubs internationaux. La
revente de ces joueurs sera une plus-value certaine pour le club.
Ceci nous amène à la conclusion suivante :
l'efficience salariale n'est pas parfaite. En observant le graphique
précédent, certains points s'écartent de la relation
linéaire entre le classement dans le championnat et les salaires des
joueurs.
Cela correspond aux cas suivant : les résultats au
football sont parfois imprévus par rapport aux moyens financiers.
Certains font mieux (cas du Leicester City Club Football : 1er du
classement de Premier League - saison 2015/2016), d'autres font moins bien que
ce qui était prévu. Les raisons pouvant expliquer ces
écarts sont souvent liés à des erreurs de recrutements, de
politiques salariales inadaptées, de mauvaises ententes entre les
joueurs, ou simplement un problème de gouvernance du club...
Le critère financier n'est pas donc la seule
stratégie permettant aux clubs de football de réussir. Certains
jouent même la carte purement sportive, laissant de côté
l'argent. Quelle est donc la meilleure stratégie pour un club ? Surpayer
un joueur ? Parier sur le prochain talent d'un joueur ? Spéculer sur la
valeur de ces derniers ? Autant de question qui suggère une étude
plus approfondie. C'est donc l'objet de notre seconde sous-partie qui vise
à analyser les différentes stratégies
opérées par les clubs sur le marché des transferts.
2.2 Les stratégies des clubs sur le marché
des transferts
En vingt ans, les stratégies des clubs concernant le
marché des transferts des joueurs de football ont significativement
évoluées.
Comme le précise l'article d'Eurosport46,
l'arrêt Bosman est l'expression utilisée pour définir le
football moderne et justifier la fuite des talents vers l'étranger.
Véritable révolution dans le
46MORIN CYRIL « l'arrêt Bosman a 20 ans, on
vous explique tout en une image », Eurosport, 15/12/2015
55
système de transfert des joueurs sur le marché
Mercato, il est donc important de s'y attarder un instant.
Remontons 20 ans en arrière. Avant l'arrêt
Bosman, le règlement des ligues de football autorisait tout au plus
trois joueurs étrangers sur le terrain. A cela s'ajoutait une seconde
règle : le club pouvait demander une indemnité financière
pour chaque joueur en fin de contrat, si ce dernier souhaitait rejoindre un
autre club.
En 1990, Jean-Marc Bosman (plus célèbre par son
nom que par ses talents de footballeur) jouait pour le club du RFC
Liège. Son contrat arrivant à terme, ce dernier souhaite
rejoindre le club de Dunkerque en D2 française. Son club refuse cette
demande mais soumet une contre-proposition. Le club français doit verser
une compensation financière au club belge. Mécontent de sa
situation en raison de l'abus de pouvoir de son ancien club, Jean-Marc Bosman
saisit alors la Cours de Justice des Communautés Européennes. Le
15 Décembre 1995, la justice lui donne raison. Après son action
en justice, l'arrêt Bosman a révolutionné le football
moderne, permettant d'abandonner le principe reposant sur trois joueurs
étrangers sur le terrain. Les équipes anglaises, à l'image
du club d'Arsenal, ont profité de cette nouvelle règle pour
attirer des joueurs de toute l'Europe, ce qui a bien évidemment eu de
nombreuses conséquences sur le marché des transferts, aussi
appelé « Mercato ».
Il est important de rappeler une règle fondamentale. Si
la libre circulation entre les clubs est rendue possible pour les joueurs
européens, la règle est cependant différente pour les
joueurs extra-communautaires. En effet, les clubs sont toujours soumis à
des quotas par équipe pour les joueurs non européens, sauf ceux
qui sont rattaché à l'Espace Economique Européen (Suisse,
Russie) et ceux ayant ratifié « l'accord Cotonou
». 47 Par exemple en France, le nombre est
limité à quatre joueurs extra-communautaires.
C'est donc à partir de cette période que les
transferts de joueurs ont explosé avec une augmentation significative de
la mobilité de ces derniers.
Comme l'atteste l'étude réalisée par
l'Observatoire des footballeurs professionnels (PFPO) en 2009, les attaquants
sont les joueurs les plus mobiles. Environ 4,15 transferts en moyenne sur une
période de 10 ans. A contrario, la mobilité est plus
réduite pour les gardiens : 3,42 ou les défenseurs : 3,14.
47 L'accord rassemble les Etats d'Afrique, Caraïbes et du
Pacifique.
56
L'arrêt Bosman est ainsi un bouleversement
économique dans le monde du football, notamment via des hausses des
salaires des joueurs « stars », permettant de les attirer aux
dépens des autres équipes. Cela a par ailleurs permit de
réorganiser les structures organisationnelles des clubs de football.
Comme le soulève le rapport mensuel de l'observatoire du football du
CIES48, les clubs les plus fortunés ne se soucient plus des
centres de formation, avec la relève des nouvelles
générations de footballeurs puisqu'il est possible aujourd'hui
d'acheter des joueurs venus de l'étranger.
Une autre conséquence économique de l'arrêt
Bosman : l'essor d'un marché noir des joueurs. En effet, la
possibilité de recrutement des joueurs n'ayant plus une limite spatiale,
certains clubs européens ont saisi cette opportunité pour
récupérer des joueurs dans des conditions plus que douteuses
notamment dans les pays en voie de développement (Afrique et
Amérique latine par exemple). Ceci étant, nous y reviendrons plus
amplement prochainement.
Les clubs n'hésitent donc plus à acheter des
joueurs qui seront « économiquement rentables » c'est à
dire avec un prix d'achat très faible et des salaires différents
selon les joueurs africains et européens. L'Afrique et l'Amérique
latine possèdent de nombreux talents. La formule pour les clubs est donc
simple : l'objectif est d'acheter un joueur sur ces continents à un prix
dérisoire et si ce dernier devient une « superstar », le
revendre à prix d'or. Cela permettra au club de dégager une
plus-value non négligeable.
2.3 Les différentes stratégies de recrutement
des clubs.
Au préalable, il est important de noter que les
stratégies de recrutement des joueurs sont différentes d'un club
à un autre. Comme le montre Kuper et Szymanski49 en 2009,
chaque club exerce sa propre politique de transfert à l'image du club
londonien d'Arsenal, dont la stratégie est de parier sur des jeunes
encore peu connus sur la scène internationale pour les faire grandir,
les conserver ou les revendre à prix d'or. Dans le cas contraire, si le
jeune joueur
48
http://www.football-observatory.com/Rapport-mensuel-no13-L-utilisation-de-jeunes
49 KUPER S. et SZYNANSKI S. Why England Lose & Other
Curious Football Phenomena Explained, HarperCollins Publishers, 2009,
Londres.
57
ne se révèle pas, les pertes du club seront
minimes. Cette politique de recrutement est très proche des
stratégies optionnelles sur les marchés
financiers50.
L'objectif de chaque club est de réaliser une
plus-value : acheter un joueur sous-évalué et le revendre avec
une valeur surcotée.
C'est le cas de nombreuses superstars du football
professionnel. Franck et Nüesch51 ont simultanément
montré en 2008 que la spéculation de la valeur d'un joueur est
monnaie courante sur le marché des transferts. Le jeune joueur
prometteur, Anthony Martial, récemment transféré de l' AS
Monaco en direction de Manchester United pour 100 millions d'euros alors que ce
dernier ne totalisait qu'une seule sélection en équipe de France
ne manquera pas de faire débat sur sa valeur réelle...En dehors
de ces clubs exploitant les inefficiences du marché, d'autres clubs ont
une politique totalement différente. Ces clubs achètent les
meilleurs joueurs au monde à prix fort. L'exemple du Real de Madrid
confirme ces propos. En observant le tableau « les vingt-cinq transferts
de joueurs les plus coûteux après le mercato d'hiver 2014
»52 ci-dessous, l'institution madrilène a
opéré quatre des cinq plus gros transferts européens.
50 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repères, 2014 P.86
51 FRANCK E. et NÜESCH S. Mechanisms of superstar
formation in German soccer: empirical evidence, European Sport management
Quartely, 2008, vol. 8, n°2, p. 145-164
52 DRUT BASTIEN, Economie du football professionnel,
collection repères, 2014 P.88
58
Il est évident que seuls les clubs dont la
renommée est internationale, peuvent se permettre ce genre
d'acquisition. On peut rappeler à titre d'exemple la nouvelle politique
de recrutement du milliardaire russe Roman Abramovitch53, qui
après avoir retiré Chelsea de la bourse, a investi aux alentours
de 700 millions d'euros en politique de transfert. L'objectif était de
faire du club londonien, l'un des plus grands d'Europe. Bien évidemment,
l'homme d'affaire peut aujourd'hui se vanter de son succès.
Toutefois, la vente d'un joueur peut être aussi un motif
d'assainissement des comptes du club dans le cas d'une dégradation
financière. Bien que l'arrêt Bosman ait permis la mobilité
des joueurs à travers toute l'Europe, il n'existe que deux
périodes de transfert en hiver et en été, ce qui en toute
somme est assez court. A contrario, les procédures de négociation
entre le joueur, le club et l'agent sportif sont souvent longues. Or, une
situation financière instable pousse souvent les clubs à vendre
à un prix décoté, tant l'exposition est forte. Le club
peut donc perdre un joueur efficace et régulier à prix
dérisoire. Cette perte est synonyme d'échec . il est donc
nécessaire que le club revoit tout son système
managérial.
En définitive, le football n'est que le reflet d'une
mondialisation où la spéculation est le nouveau métronome
financier qui poussent les clubs à adopter de nouvelles
stratégies de recrutement. L'intérêt de ce premier chapitre
était donc de comprendre les nouveaux mécanismes
économiques du football moderne et des enjeux auxquels il faisait face.
A cela beaucoup de questions sont relatives à la nouvelle
interprétation des enjeux réels du football professionnel. En
effet, il est tout à fait légitime de se demander si le
fonctionnement d'un club de football est similaire à une entreprise
classique. Le football est-il encore un sport à part entière ou
au contraire un business ? Le football est-il « le » sport,
voué à la perversion économique ?
En réponse à notre développement, tout
laisse à penser que le jeu du ballon rond évolue en ce sens.
« L'argent est le nerf de la guerre » :
cette expression est la définition même de ce qu'il est devenu.
Réussir dans le football c'est avoir de l'argent, beaucoup d'argent. Le
passage du football amateur au football professionnel et l'évolution du
statut juridique des clubs nous conforte dans notre idée que les clubs
cherchent à se rapprocher des plus grandes sociétés
53 Propriétaire du Chelsea Football Club depuis juin
2003
59
commerciales. Il en va de même pour ces grands clubs qui
ont opté pour l'introduction en bourse afin de garantir des profits
financiers. De surcroît, les activités annexes des clubs de
football vont également en ce sens. La guerre des droits de
retransmission TV, le branle-bas de combat des contrats de sponsoring,
l'émergence du « naming » et la « gentrification »
des stades, les stratégies recrutement des joueurs sur le marché
des transferts nous prouve que les stratégies des clubs sont aussi en
dehors des terrains de football.
Pour autant, conclure de cette manière serait une
maladresse. Le football est une histoire d'argent, mais c'est avant tout un
véhiculeur d'émotion, de valeur et de joie. Echappatoire pour
certains ou simple divertissement pour d'autres, ce sport, qui en fait l'un des
plus populaires au monde, à la faculté de réunir les
peuples. Chaque acteur du football professionnel est avant tout un
passionné. Propriétaires, dirigeants, staffs ou joueurs sont
mû par le même rêve : celui de soulever des trophées,
d'être reconnu et respecté sur la scène internationale, de
procurer des sensations aux supporters et pour tout une population. Le
critère sportif est subséquemment un moteur de motivation pour
chaque club.
En revanche, force est de constater que le football
relève également d'autres aspects qu'il semble pertinent
d'étudier. En effet, le critère économique étant
une partie importante de la « footballisation » dans laquelle nous
évoluons, le football est également un enjeu géopolitique
irrécusable. Le football est un moyen de mettre au-devant de la
scène sa puissance politique et économique. Tout est bon pour se
montrer et diffuser son propre modèle. C'est le cas notamment du Qatar
et de la Chine, qui ont décidé de faire du football un outil
efficace pour répandre une forme de domination aux quatre coins du
monde. Depuis quelques années, le Qatar investi sans compter dans le
football professionnel dans l'unique but d'exister sur la scène
internationale. L'enjeu est plus ou moins similaire pour la Chine, qui cherche
à assouvir un peu plus sa domination mondiale. Le football, c'est aussi
le reflet des enjeux mondiaux dans lequel l'homme se développe. Comme
dans beaucoup de domaines, le continent africain souffre d'un retard de
développement global. Malheureusement, le football africain
n'échappe pas à la règle. L'Afrique, mère de
nombreux jeunes talents, où le football occupe une place importante dans
la vie des populations, est encore tiraillée par de d'innombrables
difficultés, tant sur le plan économique que social. Toutefois
l'Afrique est une terre qui pourrait accueillir un football moderne, attractif,
avec des infrastructures adaptées. C'est la raison pour laquelle il
s'agit d'un enjeu géostratégique important qu'il semble
nécessaire d'aborder dans ce nouveau chapitre. Pour ce faire, nous
analyserons dans un
60
premier temps, la nouvelle stratégie d'influence du
Qatar dans le milieu du football. Puis nous verrons dans une seconde
sous-partie le nouvel amour de la Chine pour le football afin d'en faire une
nation compétitive. Enfin, notre chapitre se terminera par l'un des
enjeux géostratégiques les plus importants du 21ème
siècle : l'avenir du football africain.
61
Chapitre II : Les nouveaux enjeux du football
mondial
Partie I - Nouvelles stratégies d'influences du
Qatar où le football n'est pas roi.
Le Qatar est devenu, en l'espace de cinq années, un
pôle incontournable du football mondial. Ce petit pays d'une superficie
à peine plus grande que l'Ile-de-France fait couler beaucoup d'encre,
tant pour sa richesse pétrolière que ses investissements soudains
dans le football. De surcroît, les débats se sont largement
intensifiés depuis que le pays ait été choisi pour
organiser la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Injustice, pots-de-vin ou pouvoir
d'influence ? Quoi qu'il en soit, force est d'admettre que ce pays touche du
doigt son nouvel objectif : devenir une nouvelle terre du football.
Pour comprendre comment opère le Qatar dans sa nouvelle
stratégie, il est important d'appréhender notre étude en
trois parties. Dans un premier temps, nous analyserons l'entretien
réalisé par Jérôme Champagne, grand
spécialiste des relations internationales dans le domaine du football.
Son expérience sur le terrain et sa connaissance du sujet nous
permettront d'introduire notre seconde sous-partie, qui vise à cibler
les stratégies offensives du Qatar. Pour finir, nous nous attarderons
sur la puissance du Qatar via son média de diffusion : Al-Jazeera.
1.1 Entretien de Jérôme Champagne sur les
stratégies du Qatar.
Conseiller diplomatique et chef du comité
français d'organisation de la Coupe du Monde 1998, conseiller
international du président de la FIFA en 1999, secrétaire
général adjoint (2002-2005) puis délégué de
l'ancien président de la FIFA Sepp Blatter (2005-2007) et directeur des
relations internationales (2007-2010), Jérôme Champagne quitte la
haute instance de régulation du football international pour se consacrer
aux enjeux géopolitiques en relation avec le football. En 2010, il est
alors nommé commissaire football du festival mondial des arts
nègres à Dakar pour ensuite devenir le conseiller de la
Fédération
62
Palestinienne de Football (PFA), celle du Kosovo et enfin
conseiller de la fédération Chypre-Turc.
L'entretien de Monsieur Jérôme Champagne
intitulé « la diplomatie sportive du Qatar : instrument
d'une nouvelle notoriété internationale »
relayé par la revue géoéconomique
« Qatar, l'offensive stratégique »54,
nous donnes ses impressions quant aux investissements soudain de
ce petit pays dans le sport et plus particulièrement dans le
football.
L'entretien débute par un discours clair : le Qatar est
« une diplomatie par le sport »55.
L'ancien directeur de la FIFA affirme que cette forme de
diplomatie n'est pas nouvelle et est basée sur trois types d'objectifs
:
- Premièrement, « il s'agit de
défendre la justesse de choix politiques et /ou de modèles
sociétaux ». le sport est un moyen pour les nations
de montrer leur supériorité.
- Le sport est un moyen permettant de défendre une
cause. C'est également une forme de reconnaissance nationale à
laquelle chacun s'identifie. L'exemple donné lors de cette interview fut
celui du Front de Libération National (FLN) de 1958 à 1962 durant
la guerre d'Algérie ou encore celui des USA dans l'organisation des Jeux
Olympiques de 1904 en marquant le centenaire du « Louisiana Purchase
», ville française et laissée aux américains par
Napoléon en 1804.
- Enfin « la diplomatie par le sport »
est un élément de pouvoir d'influence dans un
objectif suprême d'étendre celle-ci dans le monde.
Le Qatar répond aujourd'hui à tous ces
objectifs, grâce à son dynamisme dans la région du Golfe.
Le sport et plus particulièrement le football, est aujourd'hui le nouvel
«or noir » du Qatar, conscient des opportunités de faire de
nouveaux profits.
Sa puissance financière lui permet d'être un
acteur important dans le monde du sport comme par exemple le tennis,
l'athlétisme, le cyclisme ou encore les courses de moto GP. En raison de
sa forte renommée dans la région de la péninsule arabique,
le Qatar organise fréquemment des évènements sportifs,
à la seule exception du football... On ne retient que l'organisation
d'une Coupe du Monde de la FIFA des moins de 20 ans en 1995, dû à
l'abandon de
54 LOROT P. ET DAGUZAN J-F. Qatar, l'offensive
stratégique, Géoéconomie, revue
trimestrielle - été 2012 n°62. P. 69 - 80
55 LOROT P. ET DAGUZAN J-F. Qatar, l'offensive
stratégique, Géoéconomie, revue trimestrielle -
été 2012 n°62. P. 69
63
l'organisation de cette dernière par le Nigeria pour
cause d'une épidémie d'Ebola. Aujourd'hui la tendance tend
à s'inverser. Le Qatar tient sa revanche puisqu'en l'espace de cinq ans,
le football occupe une place privilégiée dans sa nouvelle
stratégie.
L'organisation de la Coupe du Monde en 2022, des championnats
du monde de Handball en 2015, l'espoir de pouvoir organiser un jour les jeux
Olympiques, le lancement de la chaîne de retransmission
d'évènements sportifs Al-Jazeera Sports, démontrent les
aspirations de cet Etat à devenir durablement une nation du sport.
Le Qatar mise sur une seule stratégie globale :
Développer toutes les activités liées au sport pour
répandre son influence à l'échelle internationale. L'achat
de chaînes télévisuelles, le rachat des clubs de football
professionnels, la création de l'équipementier sportif Burda ou
l'élection d'un qatari au sein de l'instance FIFA (M. Mohamed bin Hammam
en 2011) ne sont plus de simples rêves, ils sont devenus
réalité. De plus, le Qatar peut se vanter d'un avantage en
matière de décision. En effet, il est beaucoup plus simple
d'entreprendre de nouvelles stratégies lorsque le pouvoir est
concentré dans les mains de quelques dirigeants.
Les mots employés par Jérôme CHAMPAGNE
sont à l'image des motivations réelles du Qatar. Selon lui,
« la méthode globale peut apparaître comme une
forme de domination. Et surtout la possibilité de repousser les
contraintes de la rentabilité économique en raison de la richesse
qatarie, peut de son côté fausser la concurrence avec les autres
acteurs sportifs ou industriels »56
Le sport est un moyen pour le Qatar d'ouvrir ses
frontières et de dynamiser l'attractivité de son territoire.
Trois objectifs sont à énumérer :
- Premièrement, l'investissement massif dans le sport
permet au pays d'exposer son « modèle politique et
social qui combinerait la tradition et la modernité, un paternalisme
généreux mais sans démocratie, une ouverture sur le monde
».
- Le second objectif est d'affirmer sa puissance dans la
région du Golfe et pour cause, la région est sujette à de
nombreux conflits territoriaux, tant sur le plan politique que
56 LOROT P. ET DAGUZAN J-F. Qatar, l'offensive
stratégique, Géoéconomie, revue
trimestrielle - été 2012 n°62. P. 73
64
religieux. Bien entendu, le sport et plus
particulièrement le football est un moyen de concurrencer efficacement
le rival de toujours : l'Arabie-Saoudite.
- Enfin, le dernier objectif mais non des moindres : Investir
dans le football c'est investir dans l'un des sport les plus populaires au
monde permettant au pays de jouer dans la cours des grands. Le football est
donc un moyen de donner de la crédibilité à
l'échelle internationale. Alors que l'origine du football n'était
qu'un divertissement consistant à marquer des buts pour gagner un match,
on n'était loin d'imaginer que le football puisse être un jour
utilisé à des fins géostratégiques...
Pour autant, dans le pays où les rêves deviennent
réalités, il existe quelques limites qu'il semble pertinent
d'énumérer :
La première des limites est la taille du pays (1,8
millions d'habitants recensés en 2010) avec seulement 20% de nationaux
et beaucoup d'expatriés. Cela constitue donc une barrière non
négligeable, empêchant très certainement le Qatar
d'être considéré comme une réelle nation du
football. En dépit d'investissements conséquents, la «
culture football » n'est pas encore ancrée dans ce pays où
règne oisiveté et démesure en tout genre. Le
désintérêt commun de la population qatarie pour le football
engendre des stades quasiment vides et une équipe nationale peut
attrayante, oscillant dans le classement FIFA entre la 80ème
et la 100ème place.
Ce désintérêt pour le jeu du ballon rond
peut trouver son explication dans le fait que le climat ne prête pas
à jouer, sous des chaleurs pouvant atteindre 50 degrés Celsius
contrairement au handball ou au basketball par exemple, qui se joue en
intérieur.
D'autre part, le manque de compétitivité
à l'échelle nationale pousse le Qatar à user de
stratégies à la limite de la légalité. L'argent
étant l'argument le plus péremptoire, les acteurs qataris
n'hésitent pas à inciter de plus en plus de jeunes joueurs
talentueux d'un autre Etat, à acquérir la nationalité
qatarie en contrepartie d'une rémunération. Par ce processus, ces
jeunes talents intégreront l'équipe nationale afin que celle-ci
réalise de meilleurs résultats, aptes à l'élever au
sein de la hiérarchie du football.
De plus, la création en 2004 de l'académie
sportive Aspire à Doha, recrutant les nouveaux talents qataris de
demain, est sujette à de nombreux débats et contestations. En
effet, l'infrastructure digne des plus grands clubs, attire des jeunes de toute
la planète et plus
65
particulièrement de l'Afrique, avec la mise en place de
recruteurs dépêchés sur l'ensemble du continent, pour
trouver les perles rares et les attirer au Qatar. Ces agissements se font aux
dépens des clubs africains qui peinent à conserver leurs jeunes
talents en raison de leur manque d'investissement en infrastructures. (cf.
chapitre II, partie III).
En définitive, les investissements qataris dans le
football comportent bon nombre de mauvaises pratiques et de limites. A l'heure
actuelle, beaucoup d'entre elles restent impunies ou de facto.
A la question : « pensez-vous que le Qatar
puisse incarner l'avenir du sport international ? Ou au contraire que son
activisme dans ce domaine peut contribuer à modifier l'équilibre
géopolitique du sport de façon négative ?
»57, La réponse de Jérôme
Champagne semble sans équivoque. La durabilité des
stratégies offensives du Qatar dans le sport semble instable. Bien que
le pays ait été récemment choisi pour organiser de la
coupe du monde 2022, de nombreuses limites nous amènent à penser
que les ambitions sportives de cette « micro-monarchie » ne soient,
à long terme, plus soutenables.
Comme en atteste l'interviewé, si son influence dans le
monde ne fait pas l'ombre d'un doute, le Qatar fait néanmoins face
à de nombreux échecs. On peut citer l'exemple des championnats du
monde d'athlétisme 2017, attribués finalement à Londres ou
les jeux Olympiques de 2020 où le Qatar n'a pas fait l'objet d'une
retenue de candidature en présélection.
A cela s'ajoute l'échec quant à l'appel d'offres
dans le rachat de l'entreprise internationale de marketing sportif :
Infront.
En dépit d'une détermination sans faille, le
Qatar n'est certainement pas encore devenu une nation du football. Les propos
de Jérôme Champagne vont en ce sens puisque selon lui il est
encore trop tôt pour tirer quelque conclusion que ce soit, même si
beaucoup de signes laissent à penser qu'il est difficile d'acheter la
passion du sport...
Notre première sous-partie fut réalisée
grâce aux apports de l'ex-directeur des relations internationales de la
FIFA, ce qui nous a permis d'appréhender une première
réflexion quant
57 LOROT P. ET DAGUZAN J-F. Qatar, l'offensive
stratégique, Géoéconomie, revue trimestrielle -
été 2012 n°62. P. 76
66
aux nouvelles ambitions sportives d'un pays à taille
minime mais à la puissance financière colossale.
L'enjeu de cette seconde sous-partie vise à mettre en
lumière tous les champs d'actions des investisseurs qataris. L'objectif
est de comprendre dans quelle mesure le Qatar cherche à assouvir son
pouvoir de domination.
1.2 Les investissements dans le football : le nouvel «
or noir » du Qatar.
Contrairement à de nombreux acteurs de la
péninsule arabique, le Qatar ne peut jouir d'une puissance par son
territoire, qui n'est que de 11 437km2 ainsi que d'une population
totale avoisinant 1,5 millions d'habitants58. L'envergure de ce
pays, pas plus grand que la région Ile-de-France, s `explique en raison
de ses ressources pétrolières qui lui assurent des profits
conséquents. Ceci justifie en grande partie le niveau
élevé du revenu national brut (RNB) avec 92 200
dollars59 par an et par habitant. Il s'agit Bien entendu du niveau
le plus élevé au monde. C'est d'ailleurs cette richesse qui
incite le Qatar à investir autant dans le sport et plus
particulièrement dans le football. Pour exister et se
différencier de ses voisins Iraniens et Saoudiens, le Qatar mise sur la
diplomatie sportive et joue aujourd'hui un rôle très important
dans le sport. Troisième réserve de gaz au monde mais sans
réel poids dans le domaine militaire, le Qatar use de la
stratégie dite du « soft power60 »
afin de rendre le territoire plus attractif et d'étaler sa
puissance financière à travers le monde.
De par sa position géographique (proche de l'Irak et de
l'Iran et voisin transfrontalier de l'Arabie Saoudite), le Qatar se doit
d'être actif et compétitif, tant la région de la
péninsule arabique est minée par de nombreux conflits politiques,
militaires, ethniques et religieux.
Nouvel investisseur dans le domaine du football, l'objectif
premier de ce pays encore méconnu du grand public est de promouvoir
à travers le sport, l'image du Qatar. Comme le soulève Nabil
Ennasri, doctorant et auteur de l'ouvrage « l'énigme du Qatar
», une feuille de route constitue le fer de lance de la famille royale :
« le Qatar National Vision 2030 »61,
le programme vise à développer le pays pour y
donner de la crédibilité. Afin d'être placé sous
58
http://www.statistiques-mondiales.com/qatar.htm
59
http://fr.actualitix.com/pays/qat/qatar-revenu-national-brut-par-habitant.php
Aout 2016
60
http://www.diploweb.com/Qatar-2008-2014-du-soft-au-smart.html
61 ENNASRI NABIL, « Le Qatar et le football : un
investissement stratégique en 5 axes », le Nouvel Observateur,
22/12/2012
67
les feux des projecteurs et d'exister en tant que «
puissance mondiale », le Qatar use parfaitement bien la stratégie
du « Sport power »62 pour
diffuser sa culture et ses idées, via sa grande influence dans les
médias sportifs.
Selon le spécialiste, le football serait gage de
stabilité dans nos sociétés. A titre d'exemple, un jour
férié est dédié chaque année au Qatar
à la pratique d'un exercice physique. Le sport est
considéré comme moteur de croissance et d'attractivité.
Très dépendant de ses ressources pétrolières, le
pays cherche impérativement à trouver de nouvelles ressources.
Cette nouvelle démarche vise à réduire la surexploitation
d'hydrocarbure, disponible en quantité limitée. Les dirigeants
commencent à comprendre que l'avenir se fera sans hydrocarbure. Pour
amorcer cette prochaine pénurie signifiant une baisse des ressources
financières, un plan stratégique a été mis en place
pour diversifier les recettes du pays.
- développer « l'économie de la connaissance
». - développer le tourisme.
- développer l'industrie du sport.
Pour développer l'industrie du sport, le pays peut
compter sur le Qatar Sports Investment : crée en 2005, QSI a pour
vocation de répandre l'influence du Qatar aux quatre coins du monde. Les
investissements astronomiques dans le football professionnel sont à
l'image du pays où prédomine la démesure
financière. En s'emparant en 2011 du club du Paris-Saint-Germain
(football et handball) et du sponsoring du FC Barcelone, le Qatar est
entré dans une nouvelle ère. D'après l'étude
menée par l'agence Repucom (aujourd'hui acquis par Nielsen), le montant
des investissements dans les clubs de football professionnel européen
s'élevait à 1,5 milliards d'euros depuis 2007. Depuis, le constat
est sans appel. En 2014, les plus gros investisseurs dans les cinq championnats
majeurs européens provenaient des Emirats Arabes Unis et du Qatar.
Hormis le club du PSG et du FC Barcelone, les Emirats Arabes
Unis se sont aussi installés dans le pays où le football est une
institution : l'Angleterre. Manchester City ayant été acquis en
2008 par Abu Dhabi Holding pour 330 millions de dollars.
62 BOUAZZA NADERA, « Le Qatar a besoin de s'afficher pour
exister », l'Express, 16/05/2013
68
En Espagne : le club espagnol de Malaga est détenu
quant à lui en totalité par le richissime qatari Cheick Abdullah
Ben Nasser Al Thani depuis 2010.
On constate donc que les ambitions du Qatar sont aussi
convoitées par d'autres grandes puissances de la région. En
définitive, cette stratégie du sport power pourrait
s'étendre dans le futur sur beaucoup plus de nations, tant on
connaît les puissances financières du Koweït, de l'Arabie
Saoudite ou du Bahreïn. Il est ainsi légitime de s'inquiéter
quant à l'avenir du football sur le vieux contient.
En effet, ce nouvel élan signifie bien
évidemment un redynamise du football européen mais à quel
prix ? On peut se demander si ces stratégies venues du golfe arabique et
de l'Asie du sud ne sont-elles pas préjudiciables pour notre football
« Made in Europe » ? Les traditions de notre football doivent-elle
être transgressées par des investissements de pays qui ne
connaissent rien au football ? Beaucoup de questions qui sous-entendent
plusieurs inquiétudes quant à la perte d'identité de notre
football européen.
De plus, le doute est permis quant aux réelles
volontés des dirigeants qatariens à investir dans le football.
Comme l'atteste Vincent Chaudel, directeur de la communication et du marketing
de l'agence Kurt Salmon « le phénomène nouveau,
en France comme en Europe, avec la reprise du PSG, c'est la dimension
étatique. Le sport est une vitrine à dimension domestique et
internationale »63.
Comment le Qatar s'est-il affirmé en quelques
années comme un acteur incontournable du football européen ? Une
partie de la réponse se trouve dans le média de diffusion
d'évènements sportifs qatari : Al-Jazeera. Véritable
révolution technologique et symbole de la globalisation, la chaîne
arabe a restructurée le paysage médiatique de la région.
Ce nouvel élan permet à la péninsule de jouer un
rôle clef dans les nouvelles technologies d'information et de
communication (NTIC). Ce facteur de développement nous pousse à
réaliser une étude approfondie sur le sujet.
1.3 Du désert qatari au coeur de Paris : l'ascension
d'Al-Jazeera en France.
La force d'un pays est la capacité de ce dernier
à s'adapter aux multiples enjeux de la mondialisation. Comprendre les
mécanismes toujours plus complexes de la mondialisation est
63 PALIERSE CHISTOPHE, « Pourquoi le Qatar mise tant sur le
PSG », les Echos, 25/11/2011
69
l'assurance d'une pérennité économique.
C'est dans les années 90 que ce bouleversement sème un vent de
véritable révolution technologique et médiatique dans la
zone du Moyen-Orient puisqu'apparaissent les chaînes par satellite.
Concurrence ardue (on dénombre près de deux cents chaînes
de télévision dans la région), c'est en 1996 que voit le
jour la chaîne qatarie, aujourd'hui acteur incontestable dans le secteur
de l'audiovisuel, Al-Jazeera64. La création de cette
chaîne de télévision que l'on pourrait traduire par «
île » ou « presqu'île », chamboule alors le jeu de
la concurrence dans la région du Golfe, tiraillée par un jeu de
rivalité avec l'ennemi de toujours : l'Arabie Saoudite.
La création de la chaîne fait figure de
révolution du droit d'accès à l'information, le « CNN
arabe » comme on peut le retrouver dans beaucoup d'écrits a su
adopter une stratégie, ô combien gagnante, en s'attaquant au
marché du sport. Renommée depuis 2014 BeinSport afin de mieux
appréhender le marché français, la chaîne qatarie
remporte aujourd'hui un franc succès puisqu'elle détient les
rediffusions des principaux évènements sportifs dont le
football.
Les résultats sont à l'image des ambitions
qataries. Après seulement trois ans d'activités, la chaîne
s'est imposée en France et jouit aujourd'hui d'une reconnaissance
nationale. BeinSport enregistre actuellement près de 2,5 millions
d'abonnés65. L'objectif est donc atteint : conforter la
présence du pays en Europe.
Les ambitions de la chaîne venue tout droit du
désert, dont les locaux sont aujourd'hui à Paris, sont fortes et
adaptées afin de tirer toujours plus de profit. Comme le soutient
l'article du monde66, BeinSport peut se vanter de diffuser quasiment
tous les sports (Près d'un vingtaine de disciplines, du football, au
tennis en passant par la NBA).
BeinSport connaît alors un tournant en acquérant
l'intégralité des rediffusions des matchs de la Coupe du Monde
2014 au Brésil. Le rachat des droits de retransmission de la
chaîne arabe à TF1 pour cinquante millions d'euros fut une aubaine
pour la chaîne, qui s'est en outre retrouvée seule en course dans
cette procédure d'acquisition puisque son concurrent numéro un,
Canal +, s'est soudainement retiré de la bataille.
64 Chaîne de télévision arabe diffusant des
rencontres sportives.
65 FIFE FRANCK, « Cinq chiffres pour comprendre le
rapprochement entre BeinSport et Canal + » , europe1, 2016
66 KESSOUS MUSTAPHA, « BeIN Sports, droit au but »,
Le Monde, 2015
70
Inévitablement, BeinSport a su profiter de cet avantage
pour se faire connaître en France puisque beaucoup de
téléspectateurs se sont vus obligés de souscrire à
la chaîne pour regarder l'intégralité des matchs de cette
compétition qui n'a lieu qu'une fois tous les quatre ans.
L'offensive stratégique de la chaîne étant
à échelle internationale, le lancement en août 2012 de
BeinSport en Amérique, en Asie (Juillet 2013), en Australie (octobre
2014) ou encore plus récemment en Espagne (2015), mettent en
lumière les investissements colossaux engagés par les qataris
ayant vocation à se traduire en un réel rayonnement
planétaire.
Pour conclure, il est évident de dire que les
stratégies du Qatar s'avèrent payantes puisque le pays est de
plus en plus présent dans nos média. Les rachats successifs des
clubs à travers l'Europe et la diffusion de la chaîne qatarie
Al-Jazeera (BeinSport) sont à la hauteur des espérances du pays.
De surcroît, l'attribution de la Coupe du Monde 2022 (certes houleuse)
mais officiellement légale, confirme les ambitions du Qatar de devenir
une super puissance dans le monde du football. Néanmoins, le pays ne
fait pas l'unanimité. Rongé par les guerres et les nombreuses
tensions ethniques et religieuses dans la région du Golfe arabique, le
pays pétrolier cherche à trouver de nouvelles ressources
post-hydrocarbures, sous peine d'un recul de compétitivité
engendrant probablement des conséquences dévastatrice pour le
pays, tant on connaît les différends avec son voisin l'Arabie
Saoudite. Pour y parvenir, le Qatar jouit d'un avantage en technologie
contrairement au retard archaïque saoudien, l'ennemi de toujours
malgré l'adhérence commune au wahhabisme. Il y a donc fort
à parier que la création de cette chaîne ne fait que
raviver les tensions entre les deux pays. Pour autant, le Qatar peut se vanter
d'avoir usé de la stratégie du soft power, pour affaiblir
l'Arabie Saoudite. Aujourd'hui Al-Jazeera rencontre un franc succès sur
la scène internationale. Malgré des chiffres difficiles à
vérifier en raison de l'opacité et de la discrétion des
autorités qataries à divulguer les statistiques, on estime
environ 35 à 50 millions de téléspectateurs par jour. Il
est donc clair que la chaîne arabe, issue des stratégies de
l'émir cheikh Hamad, est le moyen le plus efficace dont dispose le Qatar
pour propager son influence dans la région et dans le monde entier.
Contrairement, aux autres puissances de la région, le Qatar ne peut
mettre a profit une stratégie basée sur le «
Hard power », notamment en raison d'une présence
militaire faible. Ceci explique en partie la raison pour laquelle Al-Jazeera
est la représentation d'un « soft power »
(par extension un « sport power
»), qui fonctionne.
Ceci nous amène à étudier un second cas.
Il s'agit des nouvelles ambitions gargantuesques du pays qui ne cesse de parler
de lui par son modèle économique : La Chine. Empire aux mille
et
71
une richesse, la Chine déclare depuis peu sa flamme au
football. La stratégie engagée par le gouvernement chinois est
simple : Faire de la Chine une nation du football d'ici 2050.
Partie II - Objectif 2050 : Faire de la Chine une
Nation du football
2.1 Existe-t-il une culture du football en Chine ?
Acteur majeur de la mondialisation, la Chine ne cesse
d'impressionner sur la scène internationale. Sa puissance
économique lui permet de jouer dans la cours des grands et de
concurrencer efficacement le géant Américain. Avec une population
avoisinant les 1,375 milliards d'habitants et une superficie de 9 561 000 km2
67, la Chine figure parmi les pays les plus attractifs de la
planète. Première puissance manufacturière et premier pays
exportateur au monde, le « céleste empire » est un partenaire
privilégié avec l'Union Européenne et l'Amérique.
La suprématie chinoise lui permet aujourd'hui d'être le
métronome de l'économie mondiale. Il est à l'heure
actuelle impossible de se passer des chinois tant leurs apports dans les
secteurs industriels et bancaires sont conséquents. En bon
élève, la Chine poursuit ses ambitions de grande nation dans le
but d'être considéré un jour comme le seul pays de
référence sur tous les plans. Et elle ne manque pas
d'idées. Depuis quelques années, le pays s'est attaqué
à la conquête des terrains de football. Sport peu connu et peu
pratiqué par les chinois, à l'instar de nombreux autres sports
phares comme les arts martiaux ou le tennis de table, le football ne fait pas
partie de la culture chinoise. L'intérêt pour ce sport ne
connaît donc pas la même envergure que l'on pourrait avoir en
Amérique du Sud ou en Afrique, où le football représente
une ferveur incommensurable voire une religion. Toutefois, l'heure est à
l'offensive stratégique pour la Chine car depuis quelques temps, de
nombreuses entreprises investissent sans compter dans le sport du ballon rond.
L'objet de cette partie est de comprendre pourquoi la Chine ressent
soudainement ce besoin d'investir massivement dans le football. Comment ce
sport, très peu développé en Chine (on recense seulement
137 000 licenciés en 2014, soit près de 0,01% de la
population)68, où le championnat national est très peu
attractif et peu regardé par l'ensemble de la population chinoise,
peut-il attiser subitement
67
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/chine/presentation-de-la-chine/
juillet 2016
68 GODON PIERRE, « Le plan de la Chine pour devenir une
superpuissance du football », France info TV, 26/03/2015
72
la convoitise de ces derniers ? Le
graphique69 « pourcentage de la population
intéressée par le football en 2014 » issue
d'une étude Repucom en 2014, traduit bien ce
désintérêt total. Seulement 30% de la population chinoise
semble être intéressée par le football.
En dépit d'un désintérêt flagrant
de la population chinoise pour ce port, le football chinois est apparu
récemment sous les feux des projecteurs. Pour autant, affirmer qu'il
s'agit d'une nation du football serait faux.
Néanmoins, les ambitions d'un seul homme insuffle un
nouvel espoir, de voir la Chine en tant que nation du football. Cet homme n'est
autre que le président et leader du parti communiste chinois
Xi-Jiping.
A ce stade de l'analyse on peut se demander si la Chine
utilise-t-elle le football comme un moyen de répandre sa domination ?
La Chine déclare-t-elle un nouvel amour pour le
football ou est-ce simplement une stratégie, soigneusement
étudiée afin d'être encore plus présent sur le
marché mondial ?
2.2 Le plan global de la réforme et du
développement du football chinois
Pour ce faire, un plan fut présenté le 16 Mars
2015 par le Conseil des Affaires Etrangères de l'Etat, nommé
« le plan global de la réforme et du
développement du Football Chinois »70
69
http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sporteco_fiche1_marchesemergentsfoot_m9.pdf
p6.
73
prenant en compte près de cinquante mesures afin de
rendre le football chinois plus compétitif. Actuellement,
l'équipe nationale est modestement classée à la
81ème place du classement de la FIFA. L'objectif est donc
fixé à 2050 pour faire de la Chine une nation du football
à part entière. Le plan de réforme vise principalement
à réaliser trois objectifs : « organiser, se
qualifier et enfin remporter une coupe du monde71 »
sont les propos tenus par le président lui-même lors
de la présentation du projet. Le plan est scindé en 3 parties
:
- Un objectif de court terme pour 2020
- Un objectif de moyen terme pour 2030 - Un objectif de long
terme pour 2050
Le football chinois représente environ 400 milliards de
dollars et devrait d'ici 2025, représenter 850 milliards de dollars.
Selon le gouvernement chinois, l'allocation d'une telle somme est
nécessaire au développement intensif du football. Afin de
répondre à cet objectif ambitieux, le plan prévoit sur
quatre ans, la mise en place de 20 000 académies de
football72, avec environ 30 millions d'élèves chinois
qui pratiqueront ce sport dès l'école primaire. La
République Populaire de Chine vise donc non seulement à devenir
une nation du football mais aussi en amont à former toute une
société dès le plus jeune âge.
L'objectif est de s'inscrire dans la durée et de
préparer les générations à venir. De
surcroît, le gouvernement chinois prévoit de débloquer des
fonds afin de construire près de 70 000 stades sur tout le territoire.
Une formation de 10 000 entraineurs est prévue à l'horizon 2020.
Cette phase vise essentiellement à améliorer l'environnement et
l'atmosphère globale du football et de construire un modèle de
gestion du football innovant afin d'incorporer ce sport dans la vie quotidienne
de la population chinoise.
Une fois ces objectifs préliminaires atteints, la
seconde étape vise à faire de la Chine, la nation de football de
référence dans la région asiatique. Il est donc primordial
d'encadrer les jeunes joueurs afin de les préparer à devenir les
champions de demain. En Effet, pour 2030, le football devra être
ancré dans la culture chinoise afin que les entreprises puissent
investir
70 BOUGON FRANCOIS, « Le nouveau rêve chinois de Xi
Jiping : organiser la Coupe du Monde de football », le Monde,
16/03/2015
71 « La Chine veut devenir une des meilleures nations du
football d'ici 2050 », l'Equipe, 11/04/2016
72 GODON PIERRE, « Le plan de la Chine pour devenir une
superpuissance du football », Francetvinfo, 17/02/2016
74
massivement dans ce sport et en faire un business juteux. On
prend ainsi conscience des agissements de certains dirigeants à
convaincre la population d'aimer un sport en seulement quelques
années.
Enfin, l'aspect économique contribue aux nouvelles
stratégies établies par le président Xi-Jiping puisque ce
dernier, souhaite à moyen terme que le football représente
environ 1% du PIB du pays. L'objectif selon Chris Atkins 73 ,
spécialiste de l'économie chinoise au « Telegraph »,
est de réduire considérablement la dépendance aux revenus
issus du secteur industriel. Le football doit pouvoir
rééquilibrer l'économie chinoise, afin qu'il puisse
être un réel facteur d'investissement.
Afin de booster la popularité du football en Chine, la
bataille des droits de retransmission TV est primordiale. Encore une fois, la
Chine peut se satisfaire d'un confort financier, lui permettant d'investir
à foison dans ce secteur. D'après l'article publié par Le
Monde74 le 29 Janvier 2016, la Super League Chinoise va connaitre
une ascension fulgurante puisque les droits de retransmission vont être
multipliés par 25...
Alors que ces droits s'élevaient aux alentours de 11,2
millions d'euros en 2015, ils seront de 280 millions d'euros d'ici 2018.
2.3 Une stratégie d'investissement
interplanétaire
La stratégie d'investissement des chinois ne se limite
pas aux seules frontières de la Chine. « L'empire du milieu »
tel que l'on surnomme ce pays aux ambitions effrénées, s'est
attaqué au marché européen et sud-américain. En
effet, avoir un pied à terre sur deux continents du football permet
d'une part, d'opérer un transfert de compétence en Chine qui
rapatrie le savoir-faire à l'européenne et sud-américaine,
puis d'autre part, de lui donner de la crédibilité quant à
son « nouveau » penchant pour le football. Pour ce faire, nombreuses
sont les entreprises chinoises qui investissent dans les clubs de football
professionnels.
Aujourd'hui, on dénombre deux équipes
appartenant à 100% à un groupe chinois. Il s'agit du FC Sochaux
détenu par le groupe Ledus et du Salvia Prague en République
Tchèque.
73 GODON PIERRE, « Le plan de la Chine pour devenir une
superpuissance du football », Francetvinfo, 17/02/2016
74 « Quand le football chinois s'éveillera »,
Le Monde, 29 janvier 2016
75
De plus, la revue Ecofoot75 soutient dans son
édition du 22 Décembre 2015 que le groupe chinoise CMC/Citic
Capital a récemment acquis 13% de la maison mère de Manchester
City, un des cadors du football anglais. On note également que le
célèbre fabricant de jouet Rasta Group, détenu par le
richissime Chen Yansheng, à pris une part importante dans l'actionnariat
du club de l'Espanyol Barcelone. Enfin, il semble nécessaire de
mentionner l'acquisition en partie du groupe chinois Wanda Group à
hauteur de 20% du prestigieux club de l'Atlético Madrid, finaliste de la
Champions League lors de la saison 2015-2016.
Hormis les investissements au sein des plus grandes
écuries européennes, les clubs chinois investissent
également massivement dans le recrutement de joueurs issues des cinq
championnats majeurs du vieux continent. Alex Teixeira et Ramires ont
été transféré respectivement du Shakhtar Donetsk et
de Chelsea à Jiangsu pour la somme exorbitante de 50 millions d'euros et
28 millions d'euros selon le site Footmercato76. On note
également le transfert de l'attaquant Lavezzi en provenance du PSG pour
le club de Heibei China Fortune ou encore Martinez, transféré de
l'Atlético Madrid au Guangzhou Evergrande. Les transferts de ces joueurs
aux talents incontestables sont à l'image des prétentions de la
Chine à concurrencer les autres acteurs majeurs du football mondial. On
constate par ailleurs que la pratique s'est étendue jusqu'à
l'autre bout de la planète puisqu'au dernier Mercato hivernal, le
championnat brésilien s'est vu dépossédé des plus
grandes stars brésiliennes, à l'image du club des Coranthians,
où quatre titulaires de l'équipe ont fait leurs valises pour la
Chine.
Le bilan prête à donner des sueurs froides quant
à l'espoir des clubs européens et sud-américains de garder
leurs plus grandes stars. En effet, au cours du dernier Mercato, la China Super
League (CSL) a dépensé près de 360 millions de dollars,
soit 100 millions de plus que la Premier League anglaise, pourtant acteur
essentiel du Mercato.
Il en va donc de soi que la stratégie
géopolitique de la Chine s'étend aux quatre coins de la
planète. Il ne s'agit plus d'un enjeux purement national mais bien
interplanétaire.
75 ALYCE ANTHONY, « Pourquoi les entreprises chinoises
investissent-elles massivement dans le football ? », Ecofoot, 22
décembre 2015.
76 KAROURI KHALED, « Officiel : Le Jiangsu Suning explose
les compteurs pour Alex Teixeira, », Footmercato, 2016
76
En réunissant de nombreux articles et études
s'intéressant aux motivations chinoises qui les poussent à
investir dans le football, il en ressort l'idée principale que la Chine
cherche avant tout à assouvir une forme de domination mondiale.
Les propos de Simon Chadwick77 et relayés
par la revue Ecofoot78 vont en ce sens. Le recours aux
investissements dans le football chinois ne se justifierait que par une
volonté d'être reconnu comme une nation gagnante dans tout ce
qu'elle entreprend. Le football serait donc un moyen d'affirmer ou de
réaffirmer sa suprématie à travers le monde. La
célèbre citation « le football n'est que la
poursuite de la guerre par d'autres moyens » prend ici tout
son sens.
Conformément à l'interview donné par
Pascal Boniface, directeur de l'Instituts des Relations Internationale et
Stratégiques (IRIS), au quotidien sportif de l'Equipe :
« c'est humiliant pour la Chine de ne pas être
compétitive dans le football »
Il y a donc fort à parier qu'aujourd'hui nos plus
grands dirigeants utilisent le football comme un outil diplomatique.
La Chine semble avoir compris le caractère politique du
football et des enjeux qui s'ensuivent. Néanmoins, force est d'admettre
que le football asiatique est encore assez peu développé dans la
région. Seulement deux pays peuvent se vanter de posséder une
équipe compétitive. Il s'agit de la Corée du Sud,
organisatrice de la Coupe du Monde 2002 ainsi que du frère ennemi
numéro un de la Chine : le Japon. Alors que le baseball est le sport de
référence au pays du soleil levant, le football japonais ne cesse
de progresser. Il n'est plus rare de voir évoluer quelques joueurs
japonais au sein des plus grandes équipes européennes. En prenant
en compte les nombreuses tensions historiques entre la Chine et le japon,
notamment par le combat que mène ces derniers dans la reconnaissance des
îles Kouriles et Senkakus (îles japonaises que la Chine cherche
à conquérir depuis plusieurs années). On peut donc
supposer que le football chinois est un moyen efficace concurrencer son ennemi
japonais.
De surcroît, l'enjeu géopolitique n'est pas
restreint à la seule région asiatique. La Chine investit
massivement dans le championnat chinois et cherche à constituer une
équipe nationale compétitive en vue de jouir un jour d'un
rayonnement planétaire. La médiatisation et
77 Enseignant-chercheur en sport business à la Coventry
University Business School.
78 ALYCE ANTHONY, « Pourquoi les entreprises chinoises
investissent-elles massivement dans le football ? », Ecofoot, 22
décembre 2015.
77
l'engouement que génère le football semble
être un bon moyen de diffuser le modèle chinois à travers
ce sport. Le rêve du président Xi-Jiping d'organiser un jour la
coupe du monde dans son propre pays n'est pas anodin. L'euphorie d'une telle
compétition à échelle mondiale aurait des retombées
positives non négligeables, tant sur le plan économique que
politique. Le modèle chinois faisant actuellement l'objet de nombreux
débats (dumping social ou l'entrave des droits de l'homme pour ne citer
qu'eux), la médiatisation d'un tel évènement serait, sans
nul doute, le moyen de pallier cette image négative dont la Chine peine
à se défaire.
En tout état de cause, la Chine cherche à
s'immiscer durablement dans le football professionnel quoi qu'en pense
l'opinion publique. Cependant, il serait intéressant de se demander si
cette bulle spéculative liée aux investissements soudains des
chinois ne risque-t-elle pas un jour d'éclater ? Le football chinois
est-il soutenable à long terme ?
Dans ce pays où le football est loin d'être
culturel, les stades chinois peinent à faire venir des spectateurs. Les
recettes de billetterie sont très maigres et ne permettent pas aux clubs
de rééquilibrer leurs dépenses avec les achats de joueurs
européens et sud-américains, souvent transférés
à prix d'or.
Le risque serait de voir les investisseurs chinois se retirer
du marché pour cause de désintéressement face à un
sport qui est encore peu populaire en Chine. Ce scénario, fortement
probable, serait un second échec de la Chine. Rappelons que la Chine a
connu un premier échec en investissant une première fois dans le
football. Or à l'époque, les effets escomptés
n'étaient pas à la hauteur des espérances du gouvernement
chinois.
Nous avons tenté de démontrer que le football
est devenu une forme d'enjeu géopolitique pour les dirigeants des
grandes nations. Analyser succinctement le cas du Qatar et de la Chine nous a
permis de comprendre pourquoi le football est considéré comme un
moyen d'exister sur la scène internationale.
Pour autant, le football est aussi le reflet d'un enjeu plus
criant puisqu'il a la faculté de mettre en lumière certaines
misères du monde et notamment de l'Afrique. Cela constitue l'objet de
notre dernière étude.
78
Partie III - Entre rêve et désarroi, quel
est l'avenir du football africain ?
3.1 Le bilan du football africain.
« On dit parfois que le football est un sport
né en Europe dont l'Amérique du Sud a fait un art et l'Afrique
une religion »79
Cette phrase pleine de sens tire sa source de l'article
d'Ufolep, dédié à l'histoire du football Africain et de
son évolution. Sport inventé par les britanniques et
exporté au cours du 18ème siècles en Afrique,
le football reflétait en premier lieu un désir d'affiliation
à un mode de vie à l'européenne puis donna lieu à
de nombreuses ségrégations raciales entre colonisateurs et
colonisés. C'est en partie la raison pour laquelle, le football est
devenu un moyen d'affirmation d'identité nationale.
Aujourd'hui, le football occupe une place importante dans le
coeur des Africains puisqu'il représente un symbole fort pour la lutte
en faveur l'indépendance. Comme l'observait Paul Dietschy80,
auteur du livre - le Football et l'Afrique - « les histoires
de la décolonisation négligent le fait que le sport ait pu
être un instrument de diffusion de la conscience nationale. Or c'est un
lieu où un combat symbolique peut être livré, alors
même que la domination coloniale empêche toute autre forme de lutte
dans le reste de la société ».
Actuellement constituée de 54 Etats souverains et d'une
superficie totale de 30 415 873 km2, l'Afrique est incontestablement
une terre du football. En dépit d'une ferveur sans
précédent pour ce sport, qui a marqué l'histoire du
continent Africain, le continent souffre d'un retard dans presque tous les
domaines, excepté celui de la production de matière
première. Malheureusement, le football africain n'échappe
guère à cette règle.
Le continent est en mal d'investissement et manque cruellement
de ressources. Ces carences en infrastructures et en équipements
empêchent le football africain d'évoluer durablement. Ce fait que
l'on ne peut nier explique en partie l'exil de nombreux jeunes africains vers
l'Europe où l'enseignement du football est de meilleure
qualité
79 GRAVILLON Isabelle, « Le football, une histoire africaine
», En jeu une autre idée du sport, n° 437, Juin 2010,
p. 10
80 Historien français, spécialisé dans le
domaine du football.
79
Malgré un amour infaillible envers le football, le
sport de haut niveau nécessite des capacités de financement que
le continent peine à trouver, hormis quelques efforts financiers de la
part de certains Etats (nous pouvons citer par exemple l'Afrique du Sud). En
tout état de cause, les clubs ne peuvent subvenir à leurs besoins
tant les « recettes de billetterie » sont faibles voire inexistantes
pour certains pays.
En tout et pour tout, les ventes de billet constituent au
maximum 25% des recettes des « grands clubs » du continent. Cette
insuffisance financière combinée à un manque
évident de management implique de nombreuses conséquences
désastreuses. Parmi les plus importantes, on note :
- Une insécurité globale dans lors des
rencontres sportives 81 . L'exemple le plus marquant est sans doute
la mésaventure vécue par la sélection nationale du Togo
lors de la préparation à la Coupe d'Afrique des Nations lorsque
le bus fut pris d'assaut par des assaillants à main armée.
L'insécurité pourrait en partie s'expliquer par le manque
d'investissement dans les modes de transports. D'après la revue de
l'Union française des oeuvres laïques d'éducation sportive
(Ufolep)82, le continent Africain est celui qui enregistre le plus
d'incidents aux stades et aux abords dû à des rencontres de
football. Entre 1991 et 2001 plus des 3/4 des incidents se sont
déroulés en Afrique. En 2007 en Zambie, une rencontre a fait
près de douze morts. On dénombre treize morts en 2008 au Congo et
dix-neuf morts en 2009 en Côte d'ivoire. La première cause de ces
évènements tragiques provient du fait que la plupart des stades
sont non conformes aux règles de sécurité, mal entretenus,
un service d'ordre inadapté ou en sous-effectif face à l'ampleur
des certains évènements. Dans un constat général,
les stades africains n'ont pas été construits et pensés
pour des matchs de football. Ils se rapprochent plutôt des stades
omnisports. A titre d'exemple, le stade du Cameroun, construit pour la
dernière CAN en 1972, n'est aujourd'hui plus du tout adapté pour
accueillir des rencontres footballistiques.
81 LOROT PASCAL et DAGUZAN JEAN-FRANCOIS,
« Football, puissance, influence »,
Géoéconomie, vol n°54, été 2010, P. 27
82 GRAVILLON ISABELLE, « Le football, une
histoire africaine », Union française des oeuvres laïques
d'éducation sportive, vol n° 437 P. 11- 12.
80
Les autres conséquences importantes sont les suivantes
:
- Le fléau de la corruption83 (voir chapitre
3, partie III). La corruption est monnaie courante dans la plupart des pays du
continent : matchs truqués, volatilisation de subventions, fausses
factures, trafic de jeunes joueurs de football sont les pratiques que l'on
retrouve très souvent dans la plupart des pays africains,
empêchant le continent d'y développer un football sain. De
surcroît, nombreux sont les dirigeants des Etats d'Afrique qui semblent
réfractaires à tout effort dans ce domaine, minimisant pour
quelques-uns d'entre eux, certains évènements tragiques qui se
déroulent au sein de ces stades. En dépit d'actions visant
à inverser la tendance, beaucoup de délégations africaines
ferment les yeux sur des pratiques on ne peut plus calamiteuses.
- Le non-professionnalisme des équipes nationales et
des clubs. En effet, « la tutelle politique » au sein des
équipes est un fléau incessant dans le football africain. Le
football est devenu « une arme de contrôle sociale et de
mobilisation nationales ». Pour preuve, nombreuses sont les
fédérations africaines où les dirigeants sont issus du
pouvoir politique. Le football est donc devenu un moyen d'instrumentaliser un
régime autoritaire. On se souvient bien évidemment du sort de la
sélection nationale ivoirienne en 2000, lors d'une mauvaise prestation
des joueurs, condamnés par le sulfureux président Robert Guei,
à effectuer un séjour de quatre jours dans une caserne militaire.
Cette peine disproportionnée, n'était que la sanction des
contre-performances de l'équipe.
- Enfin, on dénote en Afrique très peu d'agents
sportifs. Ceci trouve son explication dans la « quasi » non existence
de cadres juridiques solides. De surcroît, les championnats africains ne
permettent pas aux joueurs de se doter d'une protection, ce qui
décourage bien évidemment les investisseurs et impacte sur le
long terme la santé financière des clubs.
Ces conséquences aussi déplorables soient-elles,
impliquent un phénomène récent et récurrent qui met
en péril le football en Afrique. Il s'agit du « muscle drain
», autrement dit l'exode des nouveaux talents africains.
83 LOROT PASCAL et DAGUZAN JEAN-FRANCOIS,
« Football, puissance, influence »,
Géoéconomie, vol n°54, été 2010, P.
27
81
3.2 Le pillage des jeunes talents africains : le «
muscle drain »
En raison d'un manque de développement du football
africain et des nombreuses conséquences que cela engendre, ce sport voit
apparaître au grand jour un nouveau type d'exode similaire au «
brain drain » que l'on qualifie de fuite des cerveaux à
l'étranger, attirés par les entreprises qui cherchent à se
démarquer de leurs concurrents en captant les meilleurs talents.
L'objectif premier est bien entendu d'améliorer la productivité
globale de l'entreprise grâce aux qualités intrinsèques de
ces talents
Le « muscle drain »84 est donc le terme
utilisé pour évoquer l'exode des sportifs africains vers Europe
avec l'espoir d'un avenir meilleur. Cette pratique est particulièrement
monnaie courante en Afrique Subsaharienne. La principale raison de cet exode
est essentiellement économique. Comme en témoignent les
statistiques de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et repris dans la revue
« Géoéconomie : Football, puissance, influence
», sur les 20 derniers pays au classement de l'indice de
développement humain (IDH), 17 proviennent des pays de l'Afrique
subsaharienne.
Dans ce contexte peu avantageux pour le développement
du football en Afrique, bon nombre de jeunes ayant le rêve de fouler un
jour les plus belles pelouses européennes et de jouer pour leurs
sélections nationales, se voient dans l'obligation de quitter leurs pays
d'origines.
L'étude menée par Afrique Football en 2004 montre
que 555 joueurs issus d'Afrique évoluaient dans les championnats majeurs
d'Europe. On comptait exactement à cette période : - 105
nigérians (de loin la nation d'Afrique la plus représenté
dans le football européen).
- 84 camerounais.
- 59 ivoiriens.
- 58 sénégalais.
- 52 ghanéens.
Le pays accueillant le plus de joueurs issus du continent
africain sont dans l'ordre :
84 LOROT Pascal et DAGUZAN Jean-François,
Football, puissance, influence, Géoéconomie n°54,
Choiseul, revue trimestrielle été 2010, p.22 - 30
82
- La France avec près de 130 joueurs en 2004.
- La Belgique, accueillant 80 joueurs africains.
- L'Angleterre avec 37 joueurs évoluant dans les
différentes divisions.
- La Turquie, considérée sur le plan
footballistique comme faisant partie de l'Europe
avec près de 35 joueurs.
- Les Pays-Bas avec 31 joueurs.
Le sous-développement du continent africain et l'exode
de ces milliers de jeunes, conduits par un mélange de rêve et
d'insouciance provoquent de nombreuses dérives notamment de la part des
clubs européens qui n'hésitent pas à dénicher de
nouveaux talents à prix dérisoire. En réalité,
l'Europe profite indirectement du manque de moyens des ligues nationales
africaines pour récupérer ses jeunes pépites. Les
championnats nationaux n'ayant pas la possibilité d'offrir une formation
de qualité aux jeunes joueurs (contrairement aux formations
européennes), le choix semble simple pour ces adolescents. En tout
état de cause, L'Afrique et l'Europe ne battent pas à armes
égales, puisqu'il est très difficile, voire impossible, de
retenir ces jeunes talents qui connaissent par coeur les différents
championnats européens. Néanmoins, Henri Depireux85
attire l'attention sur le fait que « dans le monde du
football, il y a beaucoup d'appelés pour très peu d'élus
»86. Les jeunes voient l'Europe comme un eldorado
où les chances de réussite sont élevées. Or, la
réalité les rattrape tôt ou tard car la concurrence est
très forte. Beaucoup croient en leurs rêves et bon nombre d'entre
eux sont finalement déçus d'avoir échoué.
Pour autant, l'Afrique fut insufflé d'un nouvel
élan grâce à l'organisation de la Coupe du Monde 2010 en
Afrique du Sud. Cet événement exceptionnel a permis au continent
d'être médiatisé tout au long de la compétition.
Cependant, il serait intéressant d'analyser l'après Coupe du
Monde et les retombées économiques et sociales sur le football
africain. L'attribution de ce tournoi international pour la première
fois sur le continent africain aurait dû être l'aubaine du
développement du football en Afrique. Or, l'effet escompté d'un
tel évènement n'a pas eu le succès qu'on lui
prédisait. En effet, le printemps arabe et les nombreux conflits
territoriaux ont entaché en partie les espoirs d'un avenir meilleur
puisque le football africain stagne encore à l'heure actuelle. Comme
l'atteste François Hilbrandt, expert Sport, dans les colonnes de
l'Equipe : « la tendance est négative depuis le
Mondial.
85 Ancien football et entraineur belge.
86 SAUSSEZ Isabelle, « L'Afrique sur la touche du
football mondial », le courrier ACP-UE, Juillet-Aout 2002
83
Le printemps arabe a interrompu le
décollage des clubs ». Les tensions ethniques et
politiques ont sans doute refroidi les investisseurs notamment chinois et
américains qui semblaient pourtant intéressés par des
projets d'investissement. Il est donc évident que le lien entre le
développement du football et la stabilité économique et
politique est très étroit.
On pourrait donc se demander si l'Afrique n'est-elle pas
condamnée à une forme de fatalisme qui l'empêcherait toute
évolution positive tant sur le plan sportif, politique,
économique et social. Doit-t-on considérer l'Afrique comme une
cause perdue ? Le reste du monde a-t-il un rôle dans le
développement du football africain ? Dans quelle mesure pouvons-nous
agir pour aider le continent ? Doit-on privilégier en premier lieu une
aide purement financière ou aider socialement les pays à se
tourner vers un modernisme qui leur permettraient d'établir de nouvelles
bases saines, propices au bon développement du football ?
Pour répondre à ces nombreuses interrogations, il
est nécessaire de trouver des solutions.
3.3 Quelles solutions sont envisageables ?
Dans cette troisième sous-partie, il convient
d'apporter des solutions réalistes, applicables et durables afin de
donner à l'Afrique les armes nécessaires pour y développer
son football sur son territoire.
Pour ce faire, plusieurs organisations ont un rôle clef
à jouer, notamment la plus haute instance du football mondiale, la
FIFA.
Comme le rappelle l'instance, son objectif premier est de
« renforcer les compétences et à
professionnaliser les acteurs du football ». Pour
autant, les actions de la FIFA ne visent pas seulement les acteurs directs du
ballon rond tels que les formateurs, les directeurs techniques ou les arbitres
mais visent aussi à la création de séminaires et de
nouvelles formations pour tous les métiers en lien avec le football
comme par exemple la presse écrite, les commentateurs sportifs ou les
photographes. Il y a donc une volonté de supervision au-delà des
simples frontières du football. Le premier objectif est
d'améliorer efficacement la qualité de couverture des grands
événements afin d'en donner un rayonnement planétaire.
84
Enfin, la FIFA met un point d'honneur dans la transmission du
savoir-faire et des connaissances au profit du football africain grâce
à la mise en place en Afrique d'un centre international d'étude
du sport (CIES).
Un programme mis en place par la FIFA en 1999 attire tout
particulièrement notre attention. Il s'agit du projet « GOAL »
qui vise essentiellement à développer le football dans les pays
en voie de développement, dépourvus d'infrastructures et
d'équipements. Le programme GOAL est décomposé de la
manière suivante:
- Le premier objectif est d'assurer l'autonomie des
fédérations nationales africaines puis d'apporter un soutien
financier aux différentes associations. Depuis sa création, le
programme a permis la création de 700 installations. Le projet fut
élevé à 100 millions de franc suisses permettant de
couvrir entre 80 et 120 projets de développement.
- La Fédération Internationale Football
Association (FIFA) redistribue ses fonds aux ligues nationales pour y
développer essentiellement :
? Les stades (rénovation et/ou construction).
? Les pelouses.
? Les centres de formations.
? Amélioration de la médecine sportive.
? Apporter une aide d'urgence aux associations touchées
par des catastrophes
naturelles (séismes, tsunamis, sécheresses) ou
humanitaires
De surcroît, un second programme fut
développé à l'initiative de la FIFA. Il s'agit du projet
nommé « Gagner en Afrique avec l'Afrique87 ». Mis
en place en 2006, un fond de 70 millions de dollars ayant été
débloqué par l'instance, afin de développer le football en
Afrique. Ce budget pharaonique a permis entre autre de :
- Réaliser 52 terrains en gazon artificiel pour tous
les membres de la Confédération Africaine de Football (CAF).
87
http://fr.fifa.com/mm/goalproject/WinAF_F.pdf
85
- Professionnaliser en partie le football africain à
l'aide des fonds financier redistribués aux ligues nationales.
- Soutenir le pays organisateur en 2010 de la Coupe du Monde :
l'Afrique du Sud.
- D'offrir des formations de qualité en management sportif
afin de préparer au mieux
les acteurs directs du football, grâce au centre
international d'étude du sport (CIES).
- Mettre en place un réel programme de recherche et de
sensibilisation dans le domaine
médical.
On peut donc considérer que la FIFA met un poing
d'honneur quant à l'avenir de l'Afrique, qui de toute évidence ne
peut s'auto-entretenir. En dépit de bonnes volontés, nous pouvons
néanmoins apporter la critique suivante : Les actions menées par
la FIFA peuvent paraître parfois obsolètes. A l'image du projet
GOAL datant de 1999, il est certain que les problèmes en Afrique ont
évolué. A titre d'exemple, aucun des deux programmes ne mentionne
des solutions liées aux nombreux problèmes de corruption qui
gangrènent le football africain (cf. Chapitre III partie III). Au
même titre, les tensions religieuses et les problèmes de
terrorisme dans plupart des pays qui composent l'Afrique, semblent être
un enjeu majeur auquel il faut trouver de nouvelles solutions. Il est donc
nécessaire que la FIFA réadapte ses programmes en prenant en
compte ces nouveaux paramètres.
En dehors des multiples actions conduites par la FIFA,
d'autres organismes se sont penchés sur la question afin de trouver des
solutions en adéquation avec les maux dont souffre le continent
africain.
L'étude menée en collaboration par l'agence Kurt
Salmon et Euromed Management, intitulé « Finances &
Perspectives » vise à émettre des propositions pour
améliorer le football local.
Kurt Salmon est un cabinet de conseil visant à
élaborer des stratégies et des solutions pertinentes. Membre du
Management Consulting Group, le cabinet est spécialisé dans le
conseil en management et stratégie des organisations. L'organisation
opère aujourd'hui sur cinq continents.
Euromed Management est une grande école en management
et entreprenariat. Elle est également un pôle de recherche dans
les métiers en management des spectacles sportifs, des loisirs et des
média.
86
La contribution de ces deux organes pourrait permettre de
régler beaucoup de problèmes et pallier de nombreuses
carences.
Dans un premier temps, les travaux empiriques mettent en avant
l'importance d'une organisation rigoureuse au sein des championnats africains.
Cela passe par une cohérence dans l'organisation et la programmation des
matchs. Le développement économique du continent passe
inévitablement par la mise en place d'un calendrier à respecter
rigoureusement. En effet, comme l'atteste Henri Stambouli, ex-entraineur de la
sélection nationale du Togo, du Mali et de la Guinée,
« en matière de gestion des calendriers des
compétitions, il arrive trop souvent que les intérêts
privés l'emportent sur l'intérêt général, ce
qui nuit au développement des championnats locaux. »
88
Le second axe de réflexion et qui peut être
considéré comme une solution au développement du football
africain est le passage des clubs au professionnalisme. Pour ce faire, une
importance capitale doit être accordée à la structuration
des Ligues. Actuellement, le statut d'un joueur est très imprécis
en Afrique, tout comme le marché des transferts des joueurs entre clubs.
L'objectif via le programme « GOAL » et « Gagner en Afrique avec
l'Afrique » vise à l'homogénéisation des
structurations des ligues afin de passer de l'amateurisme au
professionnalisme.
Les ligues professionnelles ont donc un rôle important
à jouer dans le développement du football africain, notamment en
mutualisant les activités des clubs. Comme le souligne les propos de
Jean-Luc Gripond, président de SportVision et instructeur à la
FIFA, « je crois aux vertus de la mutualisation sur tout ce
qui touche le commercial, par exemple en matière de sponsoring au niveau
d'une ligue ». Trouver de nouveaux partenariats afin de
coopérer avec les clubs permettra sans nul doute le développement
du football. La mutualisation peut être aussi au niveau de la
communication avec la mise en place, par exemple, d'un site internet afin de
diffuser l'image du club via le web et les réseaux sociaux.
Une autre solution retenue par les deux agences est de mettre
en place une stratégie de « win-win »
(gagnant-gagnant) grâce à une collaboration entre
les clubs et les diffuseurs.
88 CHAUDEL Vincent et MALTESE Lionel, «
Finance & perspectives », Football Professionnel, Juin 2010
p.57
87
Le développement durable du football africain passe
indubitablement par la création d'un partenariat entre les clubs et les
diffuseurs TV, permettant de créer des revenus. Ces nouveaux profits
pourront être ensuite réinvestis dans la formation des joueurs
pour les conserver mais aussi dans le déploiement de nouvelles
structures du club (infrastructures ou renouvellement de l'effectif par
exemple).
Bien évidemment, les revenus football dépendant
essentiellement des diffusions de droit TV (cf. Chapitre I, partie I). L'impact
serait sans nul doute positif ce qui permettrait de booster les recettes de
sponsoring et de publicité.
Pour qu'un partenariat soit conclu entre les clubs et les
diffuseurs, il est nécessaire que ce dernier y voit aussi son propre
intérêt. Cela signifie que les détenteurs des droits
(clubs) doivent prouver leur professionnalisme et la bonne image de leur club.
Comme le soutenait Gabriel Bartolini, directeur de l'agence de marketing
African Football Factory, « un travail de pédagogie
doit être réalisé pour expliquer aux parties prenantes que
le succès d'un partenariat repose sur le détenteur de droits qui
s'engage à faire un certain nombre d'opérations au profit de
l'acquéreur de droits ».
Enfin le dernier axe de réflexion et non des moindres,
concerne l'effort de chaque pays à investir dans de nouvelles
infrastructures. Pour répondre à cette exigence, qui semble
être le moteur du prochain décollage du football africain, il est
important de l'analyser sous trois angles :
- Le premier enjeu est de convaincre les Etats à
investir dans de nouvelles infrastructures. Le football étant une «
religion » en Afrique, beaucoup de dirigeants souhaitent voir des
résultats sur le court terme et se soucient peu d'investir dans de
nouvelles infrastructures qui supposent des investissements sur le long terme.
De toute évidence, ils semblent ne pas faire de lien entre
résultats sportifs et les conditions nécessaires pour y parvenir.
Or, « les bons outils font les bons ouvriers ».
L'objectif est donc de convaincre l'opinion publique que seuls
les investissements profonds seront facteurs de développement du
football.
- Le second enjeu est de réadapter les stades
construits lors des compétitions internationales. Beaucoup de stades,
trop grands et mal conçus sont souvent
88
inadéquats aux championnats nationaux. Leurs
coûts d'entretien sont très chers et leurs positions
géographiques, loin des villes, dissuadent les supporters à se
déplacer aux stades pour y soutenir leur équipe.
- Enfin une dernière possibilité serait de
mutualiser les stades et les équipements. Dans un constat
général, beaucoup de clubs évoluent dans la même
agglomération. Utiliser le même stade pour plusieurs
équipes serait une solution économique et logistique.
Afin de procéder au développement d'un club,
tous les acteurs du football doivent intervenir ensemble. C'est d'ailleurs un
des rôles premier de la Confédération Africaine de Football
(CAF) ou de la Fédération International Football Association
(FIFA) qui ont un rôle majeur dans la professionnalisation des clubs
africains. Les pouvoirs de ces deux instances permettraient de mettre en place
des fonctions administratives et des statuts juridiques adaptés. Par le
biais de l'imposition de « standards administratifs » au sein des
clubs, cela poussera ces derniers à se professionnaliser. D'autre part,
les clubs eux-mêmes ont un rôle primordial dans leurs propres
réussites. En tout état de cause, chaque club doit imposer une
rigoureuse politique marketing.
La politique marketing d'un club doit en premier lieu
répondre à un objectif : créer et développer une
fidélité au club via ses supporters. Ces derniers sont des
moteurs de croissance indispensables. Considérés comme le
douzième homme d'une équipe, les supporters
génèrent beaucoup de profits pour les clubs tels que les recettes
de billetteries et les ventes des droits de retransmission TV (cf. Chapitre I
partie I).
A l'heure où la digitalisation est l'essence même
de notre avenir, chaque club doit développer un outil internet
intégrant les activités du club, les dernières infos sur
l'équipe, un portail d'accès pour acheter des billets sur
internet et même une boutique en ligne permettant d'acheter des produits
dérivés. Le but est simple : promouvoir le club. Internet est
donc un des outils les plus efficaces pour développer du marketing. Se
résoudre à ne pas utiliser ces nouvelles technologies qui
révolutionnent un peu plus chaque jour notre monde, serait certainement
une grave erreur, tant les manques à gagner seraient importants pour le
club. A ce jour le constat est on ne peut plus clair : le nombre de clubs ayant
un site internet est très faible en Afrique. D'après la
même étude menée par Kurt Salmon et Euromed
Management89,
89 CHAUDEL Vincent et MALTESE Lionel, «
Finance & perspectives », Football Professionnel, Juin 2010
p.67
89
sur les 24 pays africains, seulement 27% des clubs disposaient
d'un site internet. Force est de constater qu'un site internet assure des
retombées positives pour un club. En effet, la corrélation semble
forte puisque les championnats africains les plus développés sont
ceux qui possèdent un site internet. Les clubs du championnat
sud-africain, ayant investi massivement dans le e-marketing sont les plus
attractifs du continent.
En définitive, le retard de développement du
football africain n'est une surprise pour personne. Le continent peine à
investir, miné par d'innombrables problèmes dont la famine, le
sida, le faible indice de développement humain, le taux
élevé de mortalité ou encore les maladies infantiles. Pour
autant, les perspectives d'un avenir meilleur ne font pas l'ombre d'un doute.
Le football africain est vécu avec une véritable ferveur.
Toutefois, le branle-bas de combat que doivent mener les clubs et toutes les
instances du football, ainsi que les Etat, doivent rendre le football africain
compétitif et attractif. Grâce à l'appui de poids de «
Football For Hope » mis en place à l'initiative de la FIFA, 93
programmes aident le football africain à se développer. Le chemin
est encore long mais comme l'assure le secrétaire général
des Nations Unies, Monsieur Ban Ki-moon, lors d'une rencontre annuelle avec
l'ex-président de la FIFA Monsieur Sepp Blatter, « le
football est un sport tout en simplicité et en finesse. Il touche tout
le monde, hommes et femmes, et se joue pratiquement partout. Qu'il s'agisse
d'un événement sportif à grande échelle comme la
coupe du monde de la FIFA ou d'un match de rue improvisé, le football a
le pouvoir d'instiller la confiance, l'espoir et la fierté chez les
personnes les moins favorisées, et d'encourager le travail en
équipe ainsi que l'aide envers autrui ».
Ces paroles pleines de bons sens et d'humilité
raisonnent comme un appel à un renouveau pour le continent africain dont
les perspectives d'un avenir meilleur ne font nul doute.
Pour conclure ce chapitre on peut admettre que le football est
également devenu un enjeu géostratégique très
important. Nos dirigeants s'empressent d'utiliser ce sport pour diffuser leur
propre modèle et jouir d'un rayonnement international. Les
intérêts politiques et économiques ont-ils pris le pas sur
le sport ? Le football est-il victime de son succès entrainant de
nombreux vices ? Les hommes politiques utiliseraient-ils le football pour
répandre un peu plus leur soif de domination ? Le football est-il le
moyen le plus efficace de diffuser son idéologie et son modèle ?
L'analyse succincte du Qatar et de la Chine nous pousse à croire que le
football est un outil purement géopolitique.
90
D'autre part, le football est devenu une forme de
retranscription de la misère du monde. Le développement tardif de
l'Afrique était l'exemple parfait. Le continent souffre toujours d'un
manque d'investissement criant, ne lui laissant aucune chance de se
développer. Pour autant, les opportunités de réussite en
Afrique ne manquent pas. C'est pour cette raison que le football est devenu un
enjeu géostratégique de poids, visant à développer
durablement le continent. Au même titre que les aides humanitaires des
grandes organisations mondiales tel que l'ONU, le football peut apporter sa
pierre à l'édifice dans le développement de l'Afrique.
S'armer de patience et d'espoir sont les maitres mots qui rendront ce que
l'Afrique a toujours prétendue être : une terre du football.
L'analyse de cette dernière sous-partie avec
l'instabilité générale qui y règne en Afrique,
incite certains à profiter de cette situation pour enfreindre les
règles et créer un véritable business.
En effet, depuis peu une véritable économie
souterraine s'est développée autour du football. On note alors
divers réseaux criminels. Corruption, trucages des matchs et esclavage
moderne sont malheureusement affilié au monde du football.
L'objet de ce chapitre est de comprendre quelles sont les
nouvelles pratiques dont le football se serait bien passé. Dans une
première partie, nous retournerons en Afrique puis au Qatar pour
analyser une pratique que l'on pourrait parfaitement l'assimiler à de
l'esclavage moderne : la traite d'être humain.
Pour ce faire, nous analyserons dans un premier temps le
destin tragique de ces jeunes talents africains, pour la plupart
abandonnés par la société et influencés par des
malfrats peu scrupuleux.
D'autre part, nous ferons le point sur les dessous de la
prochaine Coupe du Monde 2022 au Qatar, qui exploite des immigrés venus
pour la plupart d'Asie et dont les rêves d'un avenir meilleur sont
détruits par ces entreprises qui les sous-exploitent.
91
Chapitre III : Coups francs et coups bas : les
controverses du football moderne
Partie I - L'esclavage moderne dans le football
1.1 Les dérives du football à travers le
trafic des joueurs africains
« Le foot est un jeu avant un produit, un
spectacle avant un business et un sport avant un marché »
tel sont les propos lancé par Michel Platini,
ex-président de la plus haute instance du football européen,
l'UEFA, et soupçonné depuis peu de corruption. Cette vision
idyllique du football reflète-t-elle vraiment la réalité ?
Tout laisse à penser que non. En effet, un nouveau fléau
bouleverse au plus haut point le football mondial. Pratique répandue en
Amérique du Sud et en Afrique, le trafic de jeunes joueurs de football
ne surprend plus personne. Elle est même devenue monnaie courante
à tel point que bon nombre de joueurs professionnels, évoluant
dans les clubs les plus prestigieux d'Europe, sont issus de ce
phénomène. A qui profite le crime ? Comment s'organise ce trafic
? Quelles sont les solutions pour éradiquer cette tendance qui
gangrène de ce sport ?
L'objet de cette partie est d'apporter une réflexion
analytique afin de comprendre comment le football business peut pousser aux
vices allant jusqu'au trafic d'humains.
Dans un premier temps, il est important de comprendre pourquoi
les jeunes footballeurs africains cherchent à rejoindre l'Europe.
Les raisons de la migration internationale des footballeurs
africains sont économiques mais aussi culturelles (nous l'avons
développé précédemment). Comme le souligne les
travaux réalisés par l'organisation « We are
football », le lien entre réussite scolaire et
insertion professionnelle n'est pas évident en Afrique. Par
conséquent, voir des joueurs africains, ayant grandi en Afrique et
évoluant aujourd'hui dans les plus grands clubs européens, pousse
la société locale à considérer le football comme un
métier à part entière. Nombreuses sont les familles qui
poussent leurs enfants à devenir footballeur, au détriment des
études. Dans ces pays, le football est considéré comme
étant un moyen de départ pour l'Europe avec l'espoir d'un avenir
meilleur. D'après Raffaele Poli, géographe
spécialisé dans les mouvements migratoires africains, ce facteur
expliquerait le nombre rocambolesque de centres de
92
formation en Afrique, afin de faire partir ses jeunes
prodiges. A cela s'ajoute, bien évidemment, les medias africains, qui ne
relatent que les succès des joueurs ayant réussi en Europe,
laissant de côté tous ceux qui ont échoué et donnant
l'impression que le rêve d'atteindre le « saint graal »
européen est bel et bien possible.
Le football n'est donc pas interprété de la
même manière dans les différentes sociétés du
monde. Simple divertissement pour certaines personnes, échappatoire pour
d'autres, le football peut être assimilé à un moyen
d'ascension sociale, une perspective d'amélioration du niveau de vie.
Ces raisons poussent bien évidemment certaines personnes
malhonnêtes au vice, utilisant le football comme un business lucratif aux
dépens des jeunes. Le trafic de mineurs footballeurs peut être
assimilé à une forme d'esclavage tant le traitement
infligé à ces enfants est déplorable.
Pour comprendre les enjeux de ce nouveau
phénomène, il est primordial de pouvoir le caractériser
à l'aide d'une définition rigoureuse afin d'éviter toute
mauvaise interprétation.
D'après le site internet Humanium90,
« Le trafic ou la traite des enfants se caractérise par
le recrutement, le transport, le transfert et l'hébergement de toute
personne par différents procédés. Il peut notamment s'agir
de recourir à la force ou à toutes autres formes de contrainte,
par l'enlèvement, la tromperie, la fraude, ainsi que l'abus
d'autorité».
Les enfants sont détenus par des organisations
criminelles, qui agissent dans la plupart du temps, via un réseau
international. Ces groupes profitent souvent des instabilités
économiques et politiques du pays caractérisés par la
pauvreté, les crises humanitaires, le manque d'éducation, les
défauts d'enregistrement à la naissance ou encore les
législations inadaptées pour agir en toute impunité.
Bien qu'aujourd'hui le phénomène soit universel,
le constat est édifiant : les pays du sud sont plus durement
touchés par cette tendance que les pays du nord. Nul doute que le
rapprochement entre les pays du nord riches et les pays du sud plus pauvres,
peut expliquer en partie les droits bafoués des enfants.
90
http://www.humanium.org/fr/focus/exploitation/trafic-enfants/
93
La cartographie, ci-dessous, reflète largement ce
constat.
L'Afrique bat donc un triste record. Le continent concentre
à lui seul les plus graves situations de trafic d'enfants. Le trafic de
jeunes joueurs africains est un problème récurrent.
D'après les statistiques réalisées par l'association de
lutte pour la protection des jeunes joueurs de football « foot solidaire
»91, on estime que 15 000 mineurs africains quittent chaque
année le continent pour tenter de rejoindre l'Europe. Près de 1,5
millions d'entre eux, s'entrainent dans des académies sans moyens, dans
l'unique but de se préparer pour immigrer. Le rêve tourne d'autant
plus très souvent à la désillusion puisque environ 70%
d'entre eux échouent en Europe.
Il existe trois facteurs pouvant expliquer pourquoi les jeunes
talents sont contraints à immigrer vers Europe et donc à
être influencés par les réseaux criminels qui tentent de
les faire passer. Nous pouvons constater qu'il y a un facteur
économique, culturel, moral et médiatique.
- Le premier facteur expliquant le trafic des joueurs africains
vers l'Europe et qui fut l'objet d'une étude antérieure (cf.
chapitre II partie III) est sans doute le manque de
91 ALBERS MARIE LOUISE, « Fighting for the lost football
kids », play the game, 2014
94
moyen en infrastructure et équipement. Ce facteur
déterminant pousse les jeunes à vouloir partir pour des pays
mieux équipés. Or la majorité de ces jeunes n'ont aucune
ressource pour atteindre leur rêve. Ils se retournent donc auprès
d'un réseau de passeur, qui prétend garantir l'Eldorado.
- Les disparités de richesse entre les pays du nord et
les pays du sud avec d'un côté l'Europe industrialisée et
moderne qui offre un enseignement de qualité et de l'autre
côté l'Afrique et l'Amérique du sud, à l'origine des
flux migratoires vers les pays plus riches. Mais ces mouvements, dont l'aspect
économique ne fait aucun doute, s'expliquent aussi pour des raisons
culturelles. En effet la migration des footballeurs est corrélée
à l'histoire coloniale. C'est donc la raison pour laquelle les
footballeurs africains sont présents dans la plupart des championnats
Européen en fonction de la culture. Le tableau «
surreprésentation par rapport à l'indépendance » issu
de l'article We are football 92 publié par Raffaele Poli,
reflète bien nos propos : il y a plus de joueurs d'Afrique francophone
en France et en Belgique et plus de joueurs d'Afrique occidentale ( qui parlent
donc anglais) dans les championnats anglais et écossais.
Nous pouvons donc penser que les réseaux prennent en
compte ce passé historique entre les pays colonisés et les pays
colonisateurs pour influencer ces jeunes à passer les frontières
pour atteindre l'Europe.
- Hormis l'importance du trafic de jeunes enfants en Afrique,
la pratique est de plus en plus répandue en raison de l'accueil «
chaleureux » des clubs Européens envers ces prodiges. Le
marché des joueurs est assimilable au marché classique. La
quantité offerte (joueurs) n'est que la résultante de la
quantité demandée (clubs). Si le
92 POLI. R, « Migration et commerce de footballeurs
africains : aspects historique, géographiques et culturels »,
We are football, p. 9
95
phénomène s'est intensifié, c'est en
raison de certains clubs peu regardants sur la provenance du joueur. Il est
important de distinguer les différentes pratiques : celle d'un mineur,
arrivant légalement dans le centre de formation d'un club professionnel
et ceux qui sont en marge de la société, manipulés par des
agents aux compétences douteuses, qui n'hésitent pas à
faire de nombreuses promesses sportives. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle de nombreux scandales ont éclaté dans divers clubs et
même au sein de très grandes institutions du football
européen à l'image du FC Barcelone, empêchée durant
deux années consécutives d'acheter des joueurs sur le mercato
hivernal et estival pour cause d'affaires de transferts d'enfants mineurs.
- Le football est lui-même victime de son succès.
La mondialisation, la sur médiatisation, la dérégulation
aggrave le trafic d'enfant footballeur.
- La propagation de cette « gangrène » qui
compromet significativement la beauté du football, s'explique bien
évidemment par la non prise de conscience d'un tel
phénomène. Alors que les plus hautes instances cherchent des
solutions adéquates, le trafic de mineurs africains est encore mal connu
du grand public.
- Enfin, un facteur indirect mais aux conséquences
certaines : La faible représentation des délégations
africaines au sein de la FIFA se traduit par un déséquilibre
entre la position hégémonique de l'Europe, d'une part et
l'impuissance de l'Afrique, d'autre part. Comme le prouve le rapport
établi par l'agence Foot solidaire « L'UEFA1 avec 53
fédérations disposait de 8 membres au comité
exécutif de la FIFA2 sur 24 lorsque la CAF3 avec 54
fédérations n'en avait que 4, une situation anormale.
»93
1.2 Les solutions pour stopper le trafic d'enfants
footballeurs africains.
Aux grands maux les grands remèdes, les solutions
à mettre en place par les plus grandes instances du football ne manquent
pas. En dépit d'un trafic provenant incontestablement d'un football
business où l'argent coule à flot, l'organisation parfois
précaire de ce dernier est propice à de nombreuses solutions.
Premièrement, sensibiliser les jeunes africains semble
être l'action la plus importante. Il est nécessaire d'exposer la
réalité de ce phénomène au grand public par des
moyens de prévention. Un enfant est une proie facile pour les agents.
Faire prendre conscience à ces
93
http://www.footsolidaire.org/actions-foot-solidaire/conference-2015
96
jeunes du sort que leurs réservent ces faussaires mal
intentionnés, permettrait de réduire ce phénomène.
Le but n'est pas de briser les rêves de ces jeunes, mais de leurs ouvrir
les yeux sur les réels dangers qu'ils peuvent subir.
L'Afrique est sans aucun doute le « continent d'avenir
», tant les opportunités de réussite sont grandes. Pour
autant, elle souffre d'un manque d'institutions, expliquant par exemple des
difficultés à obtenir des analyses, des prévisions ou des
statistiques fiables. Créer un observatoire permettant d'étudier
le problème des trafics des jeunes joueurs de football serait une
solution à privilégier. Ce projet, en somme réaliste,
permettrait de comprendre plus précisément l'ampleur du
problème afin de trouver les solutions les plus adéquates.
La raison évidente expliquant l'ampleur du trafic de
jeunes enfants s'explique par la flexibilité du cadre juridique des pays
où s'intensifie la pratique. Hormis des actions sportives et
préventives, instaurer un cadre juridique adapté dans tous les
Etats d'Afrique permettrait de vaincre la pratique. Cette solution repose donc
principalement sur la coopération des Etats et des efforts à
réaliser pour parvenir à cet objectif commun. Pour ce faire, les
différents gouvernements africains ne doivent plus fermer les yeux sur
le phénomène.
L'anéantissement du trafic des jeunes joueurs
nécessite en amont, l'encadrement des académies dites «
privées ». A défaut de posséder des stades salubres
et conformes aux règles de sécurité, il existe à
chaque coin de rue, des pseudos « académies privées »
n'ayant pour la plupart, aucun lien direct avec les clubs ni même les
fédérations des pays concernés. Ces académies
agissent très souvent contre la loi mais sont rarement
sanctionnées. Par ailleurs, à l'heure actuelle, aucune
procédure n'a été prise pour contrôler leur
fonctionnement. La FIFA étant alertée sur ce nouveau
phénomène, la démarche de suppression de ces
académies est à prévoir en urgence.
La FIFA, dont le rôle premier est de mettre en place des
règlements afin de garantir un développement sain du football,
est la pièce maitresse contre la lutte du trafic en Afrique. Celle-ci
doit donc mettre en place des règles plus restrictives concernant les
transferts des jeunes de moins de 18 ans. Ayant déjà mis au point
un règlement sur le marché des transferts en 2001 concernant les
jeunes, trois exceptions permettaient de transférer des mineurs selon
ces conditions :
97
- Si les parents du mineur s'installent dans le pays du club
pour des raisons étrangères au football.
- Si le transfert du mineur a eu lieu à
l'intérieur de l'Union Européenne ou au sein de l'Espace
Economique Européen.
- Si le joueur vit à 50 km au plus d'une
frontière nationale et si le club où l'enfant sera
intégré est situé à une distance maximum de 50 km
de la frontière.
En raison de l'ampleur grandissante du phénomène
de trafic des joueurs et de la facilité avec laquelle les «
passeurs » transfèrent les mineurs en Europe, le règlement
de la FIFA est probablement obsolète. L'instance devrait ainsi revoir le
règlement et l'adapter afin que ce dernier soit plus restrictif.
De surcroît, un moyen de contrôle efficace doit
être mis en place. La solution retenue est d'appliquer un système
de traçabilité des joueurs pour contrôler les flux. Cette
solution est en partie réalisée puisque l'association Foot
Solidaire a mis en place depuis le 1er Mars 2015 l'opération
« Ballon au pied, passeport en main » afin
de régulariser la situation des jeunes joueurs.
Enfin un certain nombre de mesures en aval permettraient de
réguler plus efficacement le football comme par exemple un programme
d'insertion pour les jeunes joueurs africains arrivant dans les clubs
européens ou encore que la mise en place d'un moyen de contrôle
lors de l'homologation des contrats.
En définitive, l'analyse du trafic de jeunes mineurs
africains montre l'évolution du football moderne et des dérives
dont il peut être victime. Le football cache d'innombrables
méfaits et pratiques qui attisent la colère et l'indignation de
l'opinion publique. Les termes assimilés fréquemment à ce
sport tel que « argent » « corruption » « trafic
» « business » décrédibilisent le football qui
pourtant diffuse des valeurs telles que la solidarité, le fair-play et
le respect d'autrui. Force est d'admettre que le football que l'on regarde
à la télévision ou au stade, entre amis, collègues
ou famille n'est que la partie visible de l'iceberg. Assurément victime
de son succès, le football est propice à de nombreuses
dérives. Faire une étude sur le trafic des joueurs mineurs
prenant en compte les raisons expliquant son développement et les
solutions qui peuvent être retenues pour éradiquer ce
phénomène, permet d'attirer l'attention sur cette pratique trop
peu médiatisée, sans doute cachée par la
sur-médiatisation des soupçons de
98
corruption aux seins des grandes instances du football.
Néanmoins, l'objectif n'en est pas moins actuel. Le football a un
rôle fondamental dans le développement social de notre
planète, qu'il soit sur le terrain ou en dehors.
1.3 La face cachée de la Coupe du Monde 2022 au
Qatar.
Depuis la création de la Coupe du Monde, le football
fait l'objet de nouveaux débats médiatiques. Premièrement,
de nombreuses enquêtes soupçonnent que l'organisation de cette
compétition internationale soit au coeur de plusieurs scandales comme
par exemple la corruption, les pots-de-vin et des abus de pouvoir. Le nouveau
terme de FIFAGATE ne surprend plus personne. Récemment, le Qatar a
été choisi pour organiser la prochaine édition en 2022.
Bien évidemment, tout laisse à penser que le
procédé d'attribution des voix ne s'est pas fait dans les
règles de l'art. L'étrange issue de ce vote a provoqué de
nombreuses réactions de contestations et d'indignations de la part des
plus grands experts du football. Ceci étant, nous exclurons de notre
analyse le problème des conditions d'attribution de la Coupe du Monde et
des suspicions de corruption en tout genre, tant les informations disponibles
sont maigres en raison des enquêtes encore en cours. En revanche, nous
analyserons les dessous de l'organisation de la compétition. Comment le
Qatar va-t-il relever le défi ? Quels sont les moyens mis en oeuvre ? Le
tournoi cacherait-il une réalité que l'on connaît peu ?
Après avoir pointé du doigt l'émergence
des trafics d'enfants africains comme nouveau fléau du football moderne,
cette seconde sous-partie vise à analyser des nouvelles dérives
encore peu connues mais, ô combien déplorables : il s'agit de la
traite des travailleurs immigrés au Qatar.
Depuis l'annonce de la nomination du Qatar pour organiser
cette prestigieuse compétition, réunissant la planète
entière, le Qatar s'est fixé un nouveau un défi
gargantuesque : rassembler toutes les conditions nécessaires pour
accueillir la compétition.
Nouveaux stades, plus grands et conformes aux règles de
sécurité, nouveaux camps d'entrainements pour accueillir les
différentes équipes de la compétition, nouveaux
hôtels pour réceptionner les supporters étrangers, sont
donc les nouveaux objectifs que doivent atteindre le pays en seulement six ans.
Ce pari fou, ne fait cependant pas peur au royaume où,
99
comme nous l'indiquions précédemment, tous les
rêves les plus inimaginables sont possibles. Mais à quel prix ?
Un rapport d'enquête mené par l'organisme
militant des droits de l'homme, Amnesty International, nous laisse dubitatifs
quant à la bonne préparation de la Coupe du Monde.
En effet, l'étude réalisée rapporte les
conditions dans lesquelles les travailleurs immigrés sont
confrontés au quotidien. Lors de cette investigation, près d'une
centaine de personnes ont été (et sont encore) victimes de
violation des droits de l'homme de la part des entreprises qui les emploient,
notamment sur les chantiers de rénovation de stades comme celui du stade
Khalifa par exemple.
Le rapport révèle que la plupart des
travailleurs viennent d'Asie du Sud et vivent illégalement sur le
territoire qatari.
Beaucoup d'entre eux ont décidé de quitter leur
pays, dans l'espoir d'un avenir meilleur au Qatar. Mais en
réalité, la plupart d'entre eux déchantent en
découvrant la réalité qui les attend. Et pour preuve, les
conditions de détentions sont déplorable, tant le traitement se
révèle inhumain.
En premier lieu, il est nécessaire d'évoquer un
phénomène que l'on croyait disparu depuis des années : le
système de Kafala94, plus connu sous le nom de «
parrainage ».
Lorsqu'un immigré arrive au Qatar pour trouver du
travail, ce dernier est soumis à un système de surveillance. Cela
signifie que l'employé migrant non qualifié dépendra de
son employeur. En d'autres termes, le travailleur se retrouve sous la tutelle
de son employeur. Pour que le travailleur immigré puisse changer
d'emploi, il doit en faire demande auprès de son « parrain »,
qui bien évidemment refuse la plupart du temps. Un employé qui
n'est plus parrainé par son employeur, risque d'être
expulsé du territoire.
Le travailleur immigré se retrouve ainsi dans une
situation de « non-choix ».
Dans ce contexte, employer le mot « d'esclavage »
pour qualifier de tels agissements semble être adéquat
étant donné la situation.
94 BARBANCEY PIERRE, « Kafala, ou comment les
salariés deviennent esclaves de leur compagnie »,
l'Humanité, 14 octobre 2013
100
D'après l'enquête menée sur place,
plusieurs problèmes sont à énumérer. Tout d'abord,
lors du recrutement des immigrés dans leurs pays d'origine, beaucoup
sont victimes de tromperies quant au travail que l'on leurs proposent.
L'escroquerie étant minutieusement élaborée, les
immigrés acceptent de partir travailler au Qatar. Sur place, bon nombre
d'entre eux gagnent des salaires dérisoires ou ne sont finalement pas
payés. Certains d'entre eux ont accumulé des retards de paiement
sur six mois. A cela s'ajoute la confiscation systématique des
passeports à l'arrivée des nouveaux employés afin
d'être certains que ces derniers ne tentent pas de quitter le pays
précipitamment.
Les recherches se sont surtout concentrées sur le
chantier de rénovation du stade Khalifa et de l'espace urbain autour du
stade, appelé l'Aspire Zone.
Sur 234 personnes interviewées, 228 ont
été informées à l'arrivée au Qatar que le
salaire qui leur était promis n'est en réalité pas celui
qu'elles espéraient. N'ayant plus la possibilité de faire marche
arrière, les travailleurs ont été contraints d'accepter un
salaire revu à la baisse. Lors de la première rencontre entre les
militants d'Amnesty International et des ouvriers du chantier du stade Khalifa
et des espace verts de l'Aspire Zone, tous vivaient dans des camps insalubres
sans installations sanitaires. A cela, s'ajoute des problèmes
d'évacuations des eaux usées, dégageant une forte odeur
d'égout, le tout exposé sous des chaleurs maximales. Il est clair
que le comité suprême, nommé par le gouvernement qatari et
en charge du bon déroulement de l'organisation de la coupe du monde,
ferme les yeux sur les conditions de vie de ces clandestins.
Les entreprises responsables du mauvais traitement des
employés sont pour la plupart qataries : Il s'agit de la
société Eversendai et Nakheel landscapes.
Les deux sociétés sont largement pointées
du doigt pour avoir manifestement introduit au sein des sites de la Coupe du
Monde des entreprises sous-traitantes qui ne respectaient les normes
imposées par le comité suprême, notamment concernant les
conditions de travail des employés ainsi que de leurs logements.
Pour preuve, une statistique publiée par la
Confédération Syndicale Internationale confirme nos propos.
D'après l'agence, 1 200 ouvriers ont perdu la vie lors de leur
activité sur les
101
chantiers des stades. Ce chiffre dépasse largement la
moyenne, comme le révèle le graphique ci-dessous.
D'après les chiffres du gouvernement népalais,
191 travailleurs népalais seraient décédés durant
l'exercice de leurs fonctions au Qatar en 2013 et 169 en 2012. Depuis que le
Qatar ait été élu pour organiser la compétition
c'est près de 400 décès népalais.
On dénombre aussi 218 décès indiens en
2013 au Qatar. Ils étaient 237 en 2012 et 239 en 2011. Selon les
statistiques, la moyenne des décès indiens par mois était
de 20 travailleurs, pouvant atteindre un pic de 27 décès par
mois.
Il est important de mentionner que la plupart des
décès sont des migrants népalais et indiens ce qui
constituent 50% de la force de travail au Qatar.
La traite d'humain est un cataclysme au Qatar, renforcé
par les enjeux qu'implique l'organisation de la coupe du monde. Les supporters,
qui se réuniront lors de la compétition n'auront sûrement
pas conscience des conditions et des mauvais traitements de ceux qui ont
oeuvré pour que le tournoi puisse avoir lieu dans les meilleures
conditions.
A l'heure actuelle, le branle-bas de combat d'Amnesty
International est de mettre chaque acteur face à ses
responsabilités. Le premier responsable est bien entendu le gouvernement
du Qatar, largement responsable du non-respect des droits de l'homme sur son
territoire. Comme évoqué précédemment, le
système de parrainage (Kafala) établi au Qatar est un abus,
ô combien déplorable, qui n'est autre que l'esclavage des temps
modernes. En Octobre 2015, l'Emir du Qatar a approuvé la loi n°21
permettant de remplacer en partie la loi de 2009 sur le système de
parrainage, permettant à un travailleur de faire appel de la
décision du « parrain » lui refusant de sortir du
territoire.
102
Cette loi devrait être mise en place d'ici fin 2016.
Néanmoins, il est parfaitement légitime de
douter de l'efficacité de cette nouvelle loi tant les moyens de
contrôle sont opaques.
Le second responsable et non des moindres, est la
Fédération Internationale Football Association (la FIFA) pour son
manque d'implication à ce sujet. Premièrement, en acceptant que
le Qatar soit le pays organisateur de la Coupe du Monde 2022 et sachant les
nombreux travaux que nécessite un tel événement, la FIFA
devait se douter que le Qatar utiliserait de la main d'oeuvre bon marché
et immigrée et qui plus est, que la main d'oeuvre fasse l'objet de
surexploitation grave et endémique. Ceci étant, la FIFA n'a pas
certainement pris de mesures efficaces visant à protéger les
travailleurs.
Amnesty International a tenté à plusieurs
reprises de faire part de ce problème aux dirigeants de la haute
instance mais en vain. Seule nouveauté de 2015 : la FIFA promet
d'entreprendre une procédure de diligence requise en matière des
droits humains au Qatar. Sachant que l'attribution au Qatar de l'organisation
de la Coupe du Monde s'est faite en 2010, il a donc fallu attendre cinq ans
pour que la FIFA amorce enfin une procédure juridique.
Quelles sont les autres solutions que nous pouvons envisager ?
Comment nous venons de le voir, le gouvernement du Qatar est
largement responsable des agissements des sociétés qui emploient
ces immigrés. S'attaquer aux entreprises ne dissuadera sûrement
pas ces dernières d'agir comme elles le font. En revanche, s'attaquer
à l'échelle nationale aurait des répercussions bien
meilleures. Les nombreux contrats commerciaux sont engagés entre le
Qatar et l'Europe. Menacer le pays par le moyen d'un embargo commercial serait
judicieux et efficace pour que le Qatar puisse régler ces
problèmes.
Deuxièmement, il semble nécessaire que le Qatar
adopte des lois en adéquation avec les intérêts des
immigrés. Tout d'abord, le gouvernement doit entreprendre des
démarches pour supprimer le système Kafala, donnant donc le droit
aux immigrés de circuler librement. D'après le quotidien la
Tribune95, le ministre du travail qatari, Abdallah Saleh Moubarak
al-
95 JANOVIC PIERRE, « Le Qatar veut conserver la Kafala pour
les travailleurs immigrés », La Tribune, 2015
103
Khlifi, proposait une solution en ce sens mais le 23 juin
dernier, le président du principal conseil consultatif de
l'émirat avait indiqué que les démarches n'étaient
pas d'actualité. C'est donc la raison pour laquelle la FIFA doit imposer
sa force de persuasion, quitte à renoncer finalement à
l'attribution de la compétition au Qatar.
Il est primordial que les travailleurs immigrés soient
rémunérés à la hauteur de leurs efforts. Pour ce
faire, le Qatar doit mettre en place un système de paiement des salaires
efficace, pour éviter tout retard de paiement voire de non-paiement.
Enfin, il est aussi primordial de mettre en place un
système de traçabilité des migrants. Comme le soutient le
journal Libération96, le pays est composé de 1,5
millions d'immigrés pour une population totale de 1,9 millions
d'habitants. Pour ce faire, il serait judicieux de mettre en place directement
sur le territoire qatari, un organisme dédié aux immigrés
via une collaboration entre la FIFA et le gouvernement,.
Cette institut permettra d'aider et de rapporter directement
à la FIFA toutes les entreprises qui agiraient à l'encontre des
principes des droits de l'homme.
Nous venons donc de voir en quoi ce sport est sujet à
de nombreuses dérives en dehors des terrains de football. La traite
d'être humain est une réalité dont le football a bien du
mal à se défaire. Pour autant, les solutions que nous venons de
proposer permettraient sans doute de réduire ces pratiques qui sont le
cancer du football mondial.
Néanmoins, une seconde pratique peut faire l'objet
d'une analyse plus approfondie. Il s'agit des trucages des matchs de football.
Véritable fléaux du football moderne, les trucages des matchs
développe une réelle économie souterraine et un enjeu
qu'il faut à tout prix stopper.
96 MOUILLARD SYLVAIN, « Au Qatar, ces travailleurs
étrangers sous le joug des patrons », Liberation, aout
2013
104
Partie II - Le trucage des matchs : les nouvelles
dérives du football moderne
2.1 Quels constats peut-on faire ?
« Les lois morales sont les règles
d'un jeu auquel chacun triche et cela depuis que le monde est monde »
Cette célèbre citation du poète
surréaliste et romancier français, Max Jacob, s'apparente bel et
bien à notre prochain cas.
L'évolution du football et l'ascension de la «
footballisation » de nos sociétés ont inévitablement
transformé ce sport qui véhicule pourtant des valeurs de
solidarité, de loyauté et de sens de la justice. Les joueurs,
véritables héros pour les plus jeunes et modèles à
suivre, sont désormais au coeur d'un fléau mondial : les matchs
truqués.
Bien plus qu'un sport, le football est le miroir de notre
société où prospèrent tricheries, mensonges et
malhonnêtetés. Le football est sans doute depuis quelques
années en perte de sa propre identité et des valeurs qu'il est
censé transmettre. La corruption, l'escroquerie et les paris
illégaux sont aujourd'hui monnaies courantes et ne cessent de prendre de
l'ampleur. Bien que la FIFA prenne toutes les dispositions pour tenter
d'éradiquer les trucages des matchs, le démantèlement d'un
réseau est très difficile.
Bien évidemment, une seule motivation pousse les
acteurs du football à truquer les matchs de football : l'argent. Le
monde dans lequel se développe l'homme est fondé sur le besoin
constant de gagner de l'argent. L'argent c'est une sécurité
économique. Il est légitime de se demander dans ce cas de figure
si l'argent n'est-elle pas le facteur responsable de la perversion du football
? Peut-on parler aujourd'hui de football sans trucage ? Sans argent en jeu ?
Etudier le phénomène des matchs truqués,
c'est appréhender la partie sombre du football.
D'après l'organisation internationale de police
Interpol, le trucage de matchs de football peut se définir comme
étant « la manipulation du déroulement ou du
résultat d'une manifestation sportive en vue d'en tirer un
bénéfice ».
Il existe différentes motivations poussant les acteurs
du football à truquer un match. Réaliser des profits en pariant
sur le résultat final d'une compétition, avoir un avantage dans
la compétition, éviter une relégation dans une division
inférieure à la fin d'une saison, obtenir un
105
tirage favorable dans un tournoi. L'objectif est toujours le
même : détourner l'issue d'un match pour en tirer ses propres
bénéfices.
Bien que les enjeux footballistiques aient
évolué récemment, notamment depuis le passage de l'amateur
au professionnel, le phénomène de trucage des matchs n'est pas un
phénomène nouveau. Cependant, il est possible de faire le lien
entre la « démocratisation » de ce sport à
échelle mondiale et l'intensification de la pratique. Un second facteur
est aussi à l'origine de l'accélération de ce fléau
: l'essor des paris sportifs. Comme le révèle le premier rapport
trimestriel 2016, réalisé par l'Autorité de
Régulation des Jeux en Ligne, l'ARJEL97, le football est de
loin le sport qui engage le plus de paris sportifs. Le graphique «
répartition des mises du T1 2016 par sport » montre la
suprématie du football dans les jeux en ligne. En effet, il
génère aujourd'hui près de 58% des paris, devant le
basketball et le tennis qui concentrent respectivement 18% et 13% des paris
sportifs.
Concernant le volume des mises pour cette période (voir
graphique page suivante), on constate qu'elles augmentent de manières
significatives puisque l'on enregistre près de 297 millions d'euros soit
une progression de 45% par rapport au même trimestre de l'année
précédente (2015). En comparant les cinq championnats
européens, c'est la Ligue 1 qui draine une mise globale la plus
élevée (53M d'euros) suivi de la Liga espagnole (33,7M
d'euros).
97
http://www.arjel.fr/IMG/pdf/2016T1.pdf
Le marché des paris sportifs ne s'est jamais aussi bien
porté. La bataille fait rage entre les différents sites (Betclic,
Bewin, Winamax, Unibet etc.), proposant tous des offres plus attractives les
uns que les autres. C'est dans ce contexte que les paris illégaux se
sont intensifiés aux dépens de ceux qui jouent en toute
légalité.
Le trucage des matchs était auparavant local. Les
malfaiteurs passaient par leurs connaissances pour corrompre les joueurs ou les
officiels. La mondialisation de ce sport, suivi d'un boom de la technologie et
des moyens de communication ont supprimé les barrières spatiales
de la corruption. La pratique est maintenant très peu identifiable tant
le phénomène est mondial. Les malfaiteurs profitent donc de cet
avantage pour organiser un réel réseau criminel international. Le
trucage n'est donc plus limité à une seule zone
géographique. Bien qu'il soit globalisé, notamment dans les
régions où le football occupe une part importante, l'Asie est la
plaque tournante en matière de matchs truqués. La majorité
des plus grandes organisations criminelles proviennent d'Asie.
La cartographie 98 de la page suivante, issue du
rapport annuel de corruption sportive d'Interpol, met en lumière les
régions touchées par des problèmes de matchs
truqués. Les zones en rouge correspondent aux pays touchés par
les trucages de matchs.
106
98 « Trucage des matchs de football », rapport
annuel Interpol, 2013, P. 12
107
Le constat est très inquiétant puisque le
phénomène prend une ampleur déconcertante. L'Europe semble
être le continent le plus touché par les matchs truqués.
Cependant, force est de constater que beaucoup de pays, notamment en
Amérique du sud et en Afrique ne possèdent aucune information
à ce sujet. Or, il est tout à fait légitime de penser que
l'absence d'information et de statistique proviennent essentiellement de
l'ampleur de la corruption qui gangrène ces deux continents.
Entre 2008 et 2011, près de 420 joueurs, arbitres et
dirigeants de clubs ont été impliqué dans des affaires de
corruption dans le monde, comprenant au total le trucage de 680 matchs dont
plus de la moitié (380) ont eu lieu en Europe. L'Allemagne concentre
à elle seule 70 affaires de matchs truqués, selon le directeur
d'Europol, Rob Wainwright. Sur cette période, à peine quatorze
malfaiteurs ont été incarcérés pour corruption
sportive.
Entre le 1er Juin 2012 et le 31 Mai 2013, au moins
soixante-dix pays ont fait l'objet de trucages de matchs durant cette
période et aucun continent n'est épargné.
D'après les propos tenus par le directeur de la
sécurité de la FIFA, Ralf Mutschke, le trucage des matchs de
football via des organisations criminelles, concerne environ cinquante
divisions nationales en dehors de l'Europe.
Selon les sources d'Europol, un réseau criminel,
basé à Singapour, serait l'acteur principal des plus grandes
affaires de trucages de matchs de football.
108
En raison de l'ampleur du phénomène et de la
difficulté de les cibler, le bilan des arrestations est plutôt
médiocre. Seulement 50 personnes ont été
arrêtées sur un total de 425 suspects identifiés avec
l'émission de 80 mandats d'arrêt internationaux sur une quinzaine
de pays. D'après l'enquête menée par Europol, près
de 13 000 courriels ont fait l'objet d'analyses poussées.
Quelles sont les difficultés pour mettre un terme à
cette fraude ?
- Premièrement, il est très difficile de
chiffrer le nombre d'individus qui exercent des activités illicites en
lien avec le football. Les précédentes enquêtes ont
révélé qu'une seule affaire pouvait concerner une centaine
d'individus.
- Deuxièmement, on constate une difficulté
à chiffrer le montant des recettes des paris sportifs. La World Lottery
Association, une association regroupant 140 loteries gouvernementales dans plus
de 70 pays, estime que le football draine 90 milliards d'euros en paris
sportifs légaux. Or, on constate que la majeure partie des paris
sportifs sont réalisés en toute illégalité, ce qui
laisse à supposer que le total des recettes pourrait être
multiplié par deux voire par trois.
Afin de contrer la prolifération des matchs
truqués et des paris illégaux, Interpol a mis en place en 2007
une opération, nommée SOGA (Soccer GAmbling). L'objectif vise
à comprendre les actions des malfrats pour démanteler le
réseau. Un travail d'enquête est le principal rôle de
l'opération, permettant dans un second temps de procéder aux
séries d'arrestations des auteurs.
A titre d'exemple, sur la période de l'Euro 2016,
l'opération SOGA99 a permis d'arrêter 4 100 personnes
dans le cadre de paris illégaux.
Lors de sa mise en place, le champ d'action de
l'opération SOGA visait les activités des phases de poules des
deux compétitions européennes : la Champions League et l'Europa
League. Alors que l'on pourrait croire que les deux tournois de prestiges
puissent être épargnés par la corruption, la
réalité est tout autre. Dans un entretien accordé au
quotidien néerlandais « Het Algemeen Dagblad », Karl Dhont,
commissaire à la corruption de l'organisme européen, affirme
détenir des preuves de matchs truqués sur une quarantaine de
matchs de Champions League et d'Europa League. Alors que la plupart des
suspicions sont
99 « More than 4,000 arrested over illegal gambling on euro
2016 », The Guardian, juillet 2016.
109
des matchs de l'Europe de l'est, beaucoup de clubs d'Europe de
l'ouest et du sud sont concernés par cette enquête.
Néanmoins, on constate toujours un point commun entre ces rencontres :
les montants inhabituels joués durant ces matchs provenaient tous
d'Asie.
Cependant, le constat pourrait être encore plus
inquiétant puisque la corruption aurait aussi atteint les matchs de la
Coupe du Monde. Declan Hill, journaliste et consultant spécialisé
dans le trucage des matchs de football, affirme qu'il connaissait l'issue de
quatre matchs de la Coupe du Monde 2006, avant même que ces derniers
n'aient eu lieu.
2.2 Une méthode de plus en plus infaillible.
Le football professionnel est hiérarchisé en
différent championnat. Du professionnel, réunissant les plus
grandes stars dans un même championnat, jusqu'aux divisions amateurs.
Afin de ne pas éveiller le moindre soupçon, les malfaiteurs
privilégient les championnats moins populaires. Truquer un match dans un
championnat moins côté permet de réduire le risque
d'être contrôlé, contrairement aux championnats
appréciés par le grand public, où le moindre écart
de mise peut être perçu comme une tentative de détournement
du jeu. Néanmoins, le trucage des matchs dans les championnats reconnus
tend à se développer, en raison de la possibilité
d'obtenir des gains très élevés. Les malfrats utilisent
constamment la force des médias, seuls diffuseurs des affaires de
corruptions, pour mettre en place des leurres. En effet, les fraudeurs attirent
l'attention des médias sur des matchs ne faisant pas l'objet de trucage,
ce qui permet de détourner l'attention de ces derniers pour exercer avec
moins de risque, leurs activités illicites.
Les matchs internationaux sont aussi la cible des escrocs
puisqu'ils sont moins contrôlés par la FIFA en raison du
caractère moins officiel qu'une compétition continentale ou
mondiale.
Pour truquer un match de football, les malfaiteurs usent de
leurs talents de persuasion pour convaincre les joueurs, staffs, ou officiels
à modifier l'issue du match. Il est important de noter, qu'en
règle générale, le succès d'un trucage de match ne
provient pas d'une équipe entière, il s'agit souvent d'une action
d'un seul ou de deux joueurs ayant été contactés pour
modifier l'issue du match. Les joueurs ciblés par les malfrats sont
très souvent ceux qui ont un rôle clef dans le match. Une faute
grave du gardien entrainant un penalty à la dernière minute du
temps règlementaire, une main officiellement involontaire mais
officieusement volontaire d'un joueur dans la surface de réparation, un
arbitre plutôt laxiste sur certaines
110
actions, sont autant de faits qui peuvent être
interprétés comme les aléas du football mais qui sont en
réalité largement anticipés.
En tout état de cause, le comportement de ces acteurs
peuvent influencer sur le résultat final du match.
Au second plan, on retrouve les entraîneurs ou les
agents, qui peuvent avoir un rôle dans la corruption des matchs. Les
agents sportifs possèdent en général plusieurs joueurs
dans différents clubs. Ils ont un réseau très
étendu et sont une cible stratégique pour les corrupteurs. Un
agent sportif accorde une grande importance à l'argent dont il va
pouvoir bénéficier grâce aux transferts de ses joueurs, des
victoires et titres gagnés par ces derniers, ce qui est bien
évidemment un bon point aux yeux du truqueur, qui cherche lui aussi
à gagner un maximum d'argent.
2.3 Les effets d'internet sur la corruption sportive.
La mondialisation des matchs truqués est possible
grâce au rôle clef d'internet. Véritable paradis pour le
grand banditisme, cauchemar pour les autorités de contrôle et de
régulation, internet ne cesse d'alimenter spéculation,
désinformation et trafic en tout genre, ce qui s'avère être
une aubaine pour les corrupteurs.
Véritable révolution technologique, la
corruption via internet rend le contrôle très complexe et minimise
le risque d'être démasqué par les autorités
internationales.
En revanche, internet permet de cerner plus facilement les
mouvements d'argents importants, inhabituels, étranges et permettent aux
spécialistes de déceler plus rapidement une tentative de trucage
de match. Parier des millions sur la victoire d'une équipe très
mal classée au classement général et affrontant le leader
du championnat laisse souvent présumer d'un comportement douteux. Il y a
donc un moyen d'action.
Comment pourrait-on éradiquer la corruption sportive ? Par
la prévention.
Prendre des mesures à la hauteur de l'ampleur du
phénomène semble inévitable. Conscient que le football est
menacé par ces activités illicites, plusieurs organisations
réfléchissent conjointement afin d'affaiblir les réseaux
criminels et in fine les dissoudre.
la FIFA et l'UEFA sont au coeur des initiatives mais une autre
organisation s'est penchée sur le problème. Il s'agit du centre
d'expertise néerlandais, dans le secteur du droit international
111
public, la TMC Asser instituut100. L'organisation a
présentée récemment un panel de propositions à la
commission européenne pour adapter les comportements face à la
corruption dans le football.
Elle aborde cinq axes de réflexion pour lutter contre le
trucage des matchs de football :
1- L'éducation des acteurs : C'est un axe
privilégié. Le but est d'aviser le joueur de football ainsi que
l'ensemble du staff et du centre de formation, afin qu'ils ne se laissent pas
convaincre par des malfaiteurs. Pour ce faire, ces derniers doivent être
pleinement conscients de la gravité et des conséquences de leurs
actes. Ils doivent être également conscients des sanctions si un
cas de corruption est avéré.
2- La réglementation : l'intérêt est de
prendre les mesures juridiques nécessaires afin que le règlement
des organisations sportives soit universel. Les corrupteurs profitent largement
des différents systèmes juridiques pour agir en toute
impunité. L'objectif est donc de rendre la fraude complexe. Pour ce
faire, créer des contrats-types, interdire les joueurs de parier dans
leur discipline, définir des protocoles avec les sites de paris sportifs
en ligne sont autant de solutions qui permettraient de réduire la
fraude.
3- S'assurer que les organisations sportives respectent les
règles mis en place. L'objectif est aussi de mettre en oeuvre un moyen
répressif en cas de non-respect du règlement. Les sanctions
doivent être sévères afin d'attirer l'attention et
dissuader ceux qui chercheraient à enfreindre la loi.
4- Enfin, il est grand temps que les autorités
reconnaissent que la corruption dans le football et le sport en
général, prend une ampleur de plus en plus dramatique. Pouvoirs
publics, services de polices, mouvements sportifs, doivent entamer une
collaboration efficace et durable.
De plus, les organisations sportives peuvent également
lutter contre la corruption et le gouvernement peut avoir un rôle de
coordinateur. Son influence et son pouvoir de sensibilisation,
d'éducation et d'information se révèlerait très
efficace pour lutter contre ce fléau.
Dans le cas de manipulation des résultats sportifs, le
gouvernement pourrait insérer dans son arsenal législatif une loi
visant à punir sévèrement toute personne ayant eu recours
à de la corruption à des fins personnelles.
100
http://www.asser.nl
112
Pour ce faire, le champ d'intervention de l'Etat peut être
considérable :
- Premièrement, il aurait le pouvoir d'ériger en
infractions pénales toute tentative de trucage de match.
- Eriger également en infraction pénale tout
acte de complicité dans le cadre d'un match truqué.
- Le gouvernement pourrait investir dans des formations de
qualité des services de polices afin de traquer efficacement les
malfaiteurs.
- Le gouvernement pourrait mettre en place des moyens de
stockage d'information des paris sportifs, accessible 24h/24 7j/7 pour soutenir
les investigations en cours.
- Comme nous l'évoquions précédemment, la
corruption sportive est devenue internationale. Le parieur peut être
asiatique, parier sur un site argentin, pour un match en Belgique. Les
gouvernements devraient mettre en place une plateforme de partage de
l'information, connectée directement avec les organisations sportives et
les autres gouvernements afin d'agir rapidement à l'échelle
nationale et internationale.
- Une collaboration entre les gouvernements et les
opérateurs de paris en ligne pourrait être envisagée,
permettant notamment le transfert de données, dans le cadre d'une
enquête.
Pour conclure, il convient de noter que la profusion d'argent
attire inévitablement l'escroquerie et la corruption. Comme le soutenais
Henri Roemer, ex commissaire juridique de la FIFA, « il n'y a
pas de mafias du sport, mais les mafias investissent dans le sport ».
Ces paroles, ne font que confirmer l'objet même de ce
travail de recherche. Le football est devenu un business qui attire vices et
malfaiteurs, où seul le gain financier est gage de victoire.
113
Conclusion
Pour conclure, l'étude empirique que nous venons de
réaliser vise à tenter de répondre à une
problématique générale : Est-ce que les stratégies
politico-économiques du football professionnel dépassent celles
des terrains ?
Notre développement analytique nous a permis d'aborder
le sujet sous trois angles : économique, politique et social.
Le premier chapitre visait à comprendre quelles
étaient les stratégies des clubs pour réussir. Les
recherches succinctes ont démontré que les rencontres sportives
ne sont plus les seuls déterminants pour briller dans le football. A
l'heure de la « footballisation », les clubs calquent leurs
techniques de managements autour du modèle entrepreneurial des plus
grandes entreprises internationales. Ce résultat n'est en aucun cas
surprenant. Il n'est plus rare d'entendre dans nos conversations au quotidien,
que le football est devenu un business où l'argent a pris le pas sur le
sport.
Dans ce contexte, il est tout à fait légitime de
formuler quelques inquiétudes quant à l'avenir du football
professionnel. Par exemple, le transfert record de 120 millions d'euros, conclu
entre le club de Manchester United et de la Juventus de Turin pour le retour du
jeune français Paul Pogba, peut laisser dubitatif. La folie des
grandeurs a-t-elle en effet une limite ? Un club peut-il définir la
valeur d'un homme ? En tout état de cause, il peut être
parfaitement pertinent de dire que le football peut aller à l'encontre
des principes moraux, dans un contexte où chaque club cherche à
exposer sa fortune en oubliant ce que peuvent représenter 120 millions
d'euros...
Par ailleurs, l'étude de notre second chapitre nous a
permis de comprendre qu'en dehors d'un business où l'argent est la
pièce maitresse de l'échiquier, le football est aussi devenu en
enjeu géopolitique très important. En effet, il semble être
devenu un moyen pour les nations d'asseoir une certaine domination mondiale.
« Le football c'est la guerre poursuivie par d'autres moyens
», on comprend l'ampleur diplomatique qu'a pris le football.
On se souvient bien évidemment de la victoire du Salvador contre le
Honduras, déclenchant une guerre civile
114
sur fond de différends historiques. Le match sous haute
tension en quart de finale de la Coupe du Monde, opposant l'Argentine à
l'Angleterre au lendemain de la guerre des Malouines. La première
rencontre des deux grands ennemis, l'Iran contre les USA lors de la même
compétition en 1998. Enfin, la création par Mohandas Gandhi, en
1908, d'une équipe de football pour lutter contre l'apartheid, en
Afrique du sud, confirment bien nos propos. En tout état de cause, il
est clair que le football est un moyen d'expression d'une appartenance
identitaire mais certains Etats y voient la possibilité d'y
répandre une idéologie et un modèle. Les analyses
succinctes de la Chine et du Qatar nous permettent de concevoir l'idée
suivante : La Chine cherche à devenir une nation du football afin de
donner plus de crédibilité à l'échelle
internationale. C'est la recherche d'une reconnaissance constante qui pousse la
Chine à investir dans le football. Comme le soutenait Pascale Boniface,
directeur de l'institut IRIS « c'est humiliant pour la Chine
de ne pas être compétitive dans le football ».
Le critère géopolitique ne fait donc pas l'ombre
d'un doute sur ses motivations premières.
Nous pouvons conclure dans ce même sens pour le Qatar.
Nos recherches nous amènent à conclure de la manière
suivante : le Qatar utilise le football comme un moyen d'exister sur la
scène diplomatique et permet d'avoir une meilleure visibilité
internationale. Il est légitime de penser que les motivations du Qatar
peuvent s'expliquer de deux façons : en utilisant le soft
power, le Qatar mène un combat géopolitique sans
violence contre l'Arabie Saoudite et toute la région de la
péninsule arabique, pourtant minée par de nombreux conflits
territoriaux. Ce résultat n'est en rien surprenant. Plutôt que de
se battre dans une bataille qu'elle ne gagnera pas en raison d'une force
militaire trop faible, le Qatar utilise de sa propre ressource
financière (le pétrole) pour investir dans d'autres secteurs afin
de diversifier les rentrées d'argents. Pour autant, nos observations
nous poussent à croire que les investissements dans le football
européen sont aussi une porte d'entrée sur le vieux continent.
Investir dans le sport, donne la possibilité au Qatar d'investir dans
d'autres secteurs tels que l'immobilier, les hôtels de luxe ou encore au
sein d'entreprises cotées au CAC40. On est donc bien loin des
stratégies footballistiques que ce sport enseigne...
Enfin, notre investigation nous a permis de comprendre que le
football était également un enjeu géostratégique
mondial, à l'image d'une Afrique souffrante et grande perdante dans la
course aux investissements. Le football a donc un rôle important dans le
rattrapage du continent africain. Nous avons démontré,
grâce à nos propositions de solutions, que le rêve de voir
un jour l'Afrique s'épanouir dans le football reste tout à fait
possible.
115
Les nouveaux enjeux politico-économiques du football
moderne poussent indubitablement certains à la dérive. Les
recherches que nous avons menées nous ont permis d'aboutir au
résultat suivant : Le football professionnel tend à se
pervertir.
Trucages des matchs de football, esclavages modernes,
corruption au sein des plus grandes instances du football mondial à
l'image de la FIFA ou de l'UEFA, sont autant de fléaux qui
détruisent les valeurs de ce sport. Hélas, ce constat global
n'est plus une surprise. Bien que certains phénomènes soient
encore peu médiatisés, la situation actuelle nous pousse à
croire qu'une nouvelle forme d'esclavage s'est développée en
marge du football mondial.
En définitive, il ressort de cette étude que le
football connaît aujourd'hui de nombreuses mutations mais à quel
prix ? Il serait dès lors intéressant d'analyser le revers de la
médaille des clubs qui investissent sans compter et dont les
probabilités de faillites sont élevées. Les clubs sont-ils
obligés de sur-dépenser et d'alimenter ainsi une
surenchère sans fin pour rester compétitifs ? Cette question
mérite dans l'intérêt du football, et la survie même
de certains clubs, d'être un jour clairement posée, et
débattue sans fausse pudeur.
116
Table des matières
REMERCIEMENTS 3
RESUME 3
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
CHAPITRE I : LE FOOTBALL MODERNE EST-IL DEVENU UN
BUSINESS FLORISSANT ? 10
PARTIE I - ANALYSES ECONOMIQUES DES ACTIVITES DES CLUBS.
10
1.1 Statuts juridiques des clubs et introductions en bourse.
10
1.2 Les gains financiers des coupes européennes pour
les clubs 16
1.3 Droits de retransmission TV, recettes de billetterie et
contrats sponsoring 25
1.4 Le naming des stades de football professionnels
41
PARTIE II - JOUEURS ET CLUBS : LE RAPPORT EMPLOYEUR-EMPLOYE
PROCHE DU SCHEMA D'ENTREPRISE. 47
2.1 Les rémunérations salariales. 47
2.2 Les stratégies des clubs sur le marché des
transferts 54
2.3 Les différentes stratégies de recrutement
des clubs. 56
CHAPITRE II : LES NOUVEAUX ENJEUX DU FOOTBALL MONDIAL
61
PARTIE I - NOUVELLES STRATEGIES D'INFLUENCES DU QATAR OU LE
FOOTBALL N'EST PAS ROI. 61
1.1 Entretien de Jérôme Champagne sur les
stratégies du Qatar. 61
1.2 Les investissements dans le football : le nouvel «
or noir » du Qatar. 66
1.3 Du désert qatari au coeur de Paris : l'ascension
d'Al-Jazeera en France. 68
PARTIE II - OBJECTIF 2050 : FAIRE DE LA CHINE UNE NATION DU
FOOTBALL 71
2.1 Existe-t-il une culture du football en Chine ? 71
2.2 Le plan global de la réforme et du
développement du football chinois 72
2.3 Une stratégie d'investissement
interplanétaire 74
PARTIE III - ENTRE REVE ET DESARROI, QUEL EST L'AVENIR DU
FOOTBALL AFRICAIN ? 78
3.1 Le bilan du football africain. 78
3.2 Le pillage des jeunes talents africains : le «
muscle drain » 81
3.3 Quelles solutions sont envisageables ? 83
CHAPITRE III : COUPS FRANCS ET COUPS BAS : LES
CONTROVERSES DU FOOTBALL
MODERNE 91
PARTIE I - L'ESCLAVAGE MODERNE DANS LE FOOTBALL 91
1.1 Les dérives du football à travers le trafic
des joueurs africains 91
1.2 Les solutions pour stopper le trafic d'enfants
footballeurs africains. 95
117
1.3 La face cachée de la Coupe du Monde 2022 au Qatar.
98
PARTIE II - LE TRUCAGE DES MATCHS : LES NOUVELLES DERIVES DU
FOOTBALL MODERNE 104
2.1 Quels constats peut-on faire ? 104
2.2 Une méthode de plus en plus infaillible.
109
2.3 Les effets d'internet sur la corruption sportive.
110
CONCLUSION 113
TABLE DES MATIERES 116
BIBLIOGRAPHIE 118
118
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