II. Origine des matériaux argileux de
Kinshasa
L'origine des matériaux argileux de la région de
Kinshasa est liée à la géologie et à la
géomorphologie régionales.
II.1 Géologie régionale
La région de Kinshasa est située dans la
ceinture de l'Ouest Congo (super-groupe de l'Ouest Congo). Cette
dernière s'étend sur environ 1400 km, parallèlement
à la côte Atlantique, du sud-ouest du Gabon au nord-ouest de
l'Angola (Fig. II.1). Elle s'est mise en place à l'orogenèse
panafricaine. Cette dernière correspond à un
événement tectonique dû à la collision entre le
craton de Sao Francisco, ancien craton situé dans la partie est de
l'Amérique australe, et celui du Congo. Cette collision s'est produite
du Néoprotérozoïque au début du
Paléozoïque, avant l'ouverture de l'océan Atlantique (Pedro,
2012). A l'ouest de l'Afrique, elle est à l'origine de la ceinture Ouest
Congo, et au Brésil, elle a causé la formation de la ceinture
Araçuai (Pedrosa-Soares et al., 2001 ; Frimmel et al., 2006).
Le super-groupe Ouest Congo comprend, du plus vieux au plus
jeune, 3 groupes néoprotérozoïques : le Zadinien, le
Mayumbien et l'Ouest-Congolien, qui reposent en discordance sur le craton
archéen (Tack, 2001) (Table II.1).
Table II.1 : Subdivision
lithostratigraphique du groupe Ouest Congo dans le Bas-Congo (Frimmel et al.,
2006, modifié d'après Tack, 2001).
- Le groupe Zadinien comprend à la base des quartzites,
des schistes à biotite avec quelques conglomérats (formation de
Palabala), suivis de roches siliciclastiques continentales et de roches
métasédimentaires. L'ensemble repose sur un sous-sol
polymétamorphique (Super-groupe Kimezien) daté d'environ 2,1 Ga
et entrecoupé d'intrusions granitiques hyperalcalines (Noqui) post-
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panafricaines. Les métasédiments sont recouverts
par une épaisse succession de roches volcaniques mafiques
(métabasaltes de Gangila) (Hoffman, 1999 ; Frimmel et al., 2006).
- Le groupe Mayumbien qui le recouvre comprend des roches
volcaniques felsiques associées à des roches
volcano-sédimentaires et des intercalations sédimentaires qui
sont par endroits recoupées par divers granitoïdes
cogénétiques de composition monzogranitique à
syénogranitique et de granites alcalins feldspathiques. L'âge de
la mise en place obtenu pour deux de ces granitoïdes est de 920 #177; 8 Ma
et 912 #177; 7 Ma (Tack, 2001). Les roches du Mayumbien montrent une forte
déformation suite à l'orogenèse panafricaine (Tack, 2001)
(Fig. II.1).
Fig. II.1 : Principales
unités de la ceinture Ouest Congo et section transversale SW-NE
schématique à travers la ceinture (Frimmel et al., 2006 ;
modifié d'après Tack, 2001, modifié).
Les groupes Zadinien et Mayumbien indiquent une
activité volcanique associée à un début de
sédimentation de type rift, entre 1000 et 910 Ma, liés à
la dislocation du continent Rodinia (Tack, 2001).
- Le groupe de l'Ouest-congolien débute par une
succession siliciclastique, associée à des conglomérats,
suivie des argilites, des quartzarénites et des arkoses (sous-groupe du
Sansikwa). Ce dernier est recouvert par une diamictite (formation de la Mixtite
inférieure), qui est associée à un
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épisode de coulée de laves basaltiques en
coussin (De Paepe et al., 1975 ; Kampunzu et al., 1991 ; Frimmel et al., 2006).
Ensuite viennent une succession variée de conglomérats,
d'argilites, de calc-pélites, quartzarénites, calcarénites
(sous-groupe du Haut Shiloango), et éventuellement une deuxième
diamictite (la formation de la Mixtite supérieure). Celles-ci sont
recouvertes par une séquence de cap-carbonate de rampe et de plate-forme
avec des biohermes de stromatolites et de cyanobactérie filamenteuse
Obruchevella, connue comme le sous-groupe Schisto-calcaire (Alvarez et
al., 1995). La succession sédimentaire allant du sous-groupe de Sansikwa
au sous-groupe schisto-calcaire est une séquence de plate-forme de marge
passive pré-panafricaine (Frimmel et al., 2006).
Le sous-groupe Schisto-Calcaire est suivi d'une succession
siliciclastique avec des conglomérats de quartzarénite, d'arkose,
et d'argilite (sous-groupe du Mpioka). Elle est interprétée comme
un dépôt de molasse fin-orogénique qui se produit tout au
long de la ceinture Ouest Congo, ayant été affectée
localement par la déformation panafricaine (Tack, 2001).
La position stratigraphique des roches sédimentaires
siliciclastiques à grains principalement grossiers sus-jacent
(sous-groupe de l'Inkisi) est mal connue. Auparavant considéré
comme faisant partie du groupe Ouest Congo, il a été
suggéré qu'il n'aurait rien à voir avec l'orogenèse
panafricaine et serait d'âge paléozoïque (Frimmel et al.,
2006). Pour cette raison, certains auteurs séparent le sous-groupe de
l'Inkisi du groupe Ouest-congolien et le considèrent comme une
unité lithostratigraphique individuelle.
Le sous-groupe de l'Inkisi est souvent
interprété comme une molasse tardi-panafricaine
déposée dans un bassin d'avant-pays avec un faciès de
bancs tabulaires rouges (Nicolini, 1959 ; Alvares et al., 1995). Il correspond
à un édifice fluvio-deltaïque mis en place dans un bassin en
extension découpé par une importante série de faille NE-SO
héritées du Panafricain (Alvarez et Maurin, 1991 ;
Alvarez et al. 1995). Il comprend du bas vers le haut (Cosson, 1955 ;
Alvares et al. 1995) : des arkoses à micas blancs et des lits à
galets de grès, argilites, psammites, et quartz ; des grès
siliceux fins, feldspathiques et micacés avec localement des
intercalations d'argilites. Le sous-groupe de l'Inkisi s'étend à
l'Ouest de Brazzaville, à Kinshasa, dans le bassin du Bas-Congo, et
jusqu'au sud en Angola. Il a une épaisseur de 600 à 1000m
(Cosson, 1955 ; Alvarez et al., 1995).
Le sous-groupe de l'Inkisi est recouvert par les
dépôts du Karoo1 d'âge permien en Angola et du
Post Karoo en République Démocratique du Congo. Ces derniers se
sont mis en place à la suite de la dislocation du Gondwana (fin du
Jurassique) et à la transgression marine du sud vers le nord qui s'en
est suivie du Crétacé inférieur à l'Eocène
supérieur (Alvarez et al.1995).
Le super-groupe Post Karoo est caractérisé par
des roches gréseuses et carbonatées (Lanfranchi et Schwartz,
1990). La transgression était associée à une
érosion intense dans le bassin du Congo pendant le Crétacé
et le début du Tertiaire, donnant lieu à des dépôts
lacustres ou alluviaux (série du Kwango). La série débute
par des grès marneux jurassiques, d'une dizaine de mètre
d'épaisseur, surmontés des grès tendres à sables
quartzeux de taille moyenne avec une usure éolienne marquée, et
un ciment argileux peu abondant (Boissezon et Gras, 1970). On peut
également observer un niveau conglomératique à galets et
blocs arrondis de grès quartzite, des blocs de cuirasse contenant des
pseudo-concrétions quartzeuses, et une brèche englobant des
cherts analogues à ceux que l'on trouve dans les formations du
Schisto-calcaire (Boissezon et Gras, 1970) (Table. II.2).
1 Karoo : événement géologique défini
en Afrique du sud qui va du Carbonifère supérieur au Jurassique
inférieur, marqué par l'existence du Gondwana (Delvaux, 2001).
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Table II.2 : Stratigraphie
détaillée de la région de Kinshasa (Lateef et al.,
2010).
Au Cénozoïque, on observe des grès
polymorphes composés des sables éoliens et des lentilles
calcaires ou argileuses, le plus souvent cimentés par la silice
(série de Kalahari inférieur), qui témoignent d'une
période d'aridification. Ces grès sont surmontés par la
série des sables ocres du Néogène, appelés sables
Batéké (série de Kalahari supérieur) qui font suite
à la fin de l'aridification et au début d'un régime de
mousson (Fig. II.2) (Giresse et al., 1990).
L'Holocène se caractérise par des
dépôts d'alluvions. Il s'agit principalement de graviers
surmontés de limon (Giresse, 1990).
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Fig. II.2 : Carte
géologique de Kinshasa (Wetshondo, 2012, modifié d'après
Musée Royal de l'Afrique Centrale, 1963, modifié).
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