VI.5 Résistance à la compression et
à la flexion
Les normes pour les essais de compression et flexion propre
à la terre crue sont rares. La plupart de tests de résistance
à la compression et à la flexion sont des transpositions d'essais
appliqués pour les bétons de ciment. C'est le cas dans notre
étude. Les propriétés mécaniques de ces deux
matériaux étant complètement différentes, les
valeurs de résistance ne sont donc pas toujours intrinsèques au
matériau terre : la mesure étant en partie influencée par
le dispositif d'essai.
Les courbes de résistance à la flexion et
à la compression obtenues à 28 jours (Rf28 et Rc28) sont
présentées à l'annexe 6. Le tableau VI.11 présente
les valeurs des résistances en flexion et en compression de 4
échantillons. Seuls les échantillons disponibles en plus grande
quantité ont été sélectionnés pour ce
test.
Les valeurs obtenues par essai pour un même
échantillon sont comparables. Ce qui signifie que le test s'est fait
dans les mêmes conditions et que les éprouvettes ont
été bien réalisées.
Par soucis de lisibilité, le tableau VI.12 reprend les
valeurs moyennes de résistance en flexion et compression des
différents échantillons et les compare aux différentes
valeurs trouvées dans la littérature (Moevus et al. 2012 ;
Jiménes et Guerrero, 2007).
51
|
|
Rf
|
Rf moyenne par échantillon
|
|
Résistance compression
|
Rc moyenne par éprouvette
|
Rc moyenne par
échantillon
|
Nsaya 1II*
|
Nsaya 1II* -1
|
0,54
|
0,59
|
Nsaya 1II* -1A
|
2,40
|
2,4
|
2,58
|
Nsaya 1II* -1B
|
2,61
|
Nsaya 1II*-2
|
0,64
|
Nsaya 1II* -2A
|
2,71
|
2,61
|
Nsaya 1II* -2B
|
2,58
|
Nsaya 1II*-M1
|
0,64
|
0,64
|
Nsaya 1II* -M1A
|
2,74
|
2,72
|
2,73
|
Nsaya 1II* -M1B
|
2,70
|
Nsaya 1II*-M2
|
0,64
|
Nsaya 1II* -M2A
|
2,80
|
2,74
|
Nsaya 1II* -M2B
|
2,67
|
C3 Nsaya 1II*
|
C3 Nsaya 1II*-1
|
0,55
|
0,56
|
C3 Nsaya 1II*-1A
|
2,29
|
2,12
|
2,33
|
C3 Nsaya 1II*-1B
|
1,95
|
C3 Nsaya 1II*-2
|
0,57
|
C3 Nsaya 1II*-2A
|
2,65
|
2,55
|
C3 Nsaya 1II*-2B
|
2,44
|
C3 Nsaya 1II*-M1
|
0,42
|
0,40
|
C3 Nsaya 1II*-M1A
|
3,61
|
3,67
|
4,16
|
C3 Nsaya 1II*-M1B
|
3,72
|
C3 Nsaya 1II*-M2
|
0,38
|
C3 Nsaya 1II*-M2A
|
4,37
|
4,66
|
C3 Nsaya 1II*-M2B
|
4,94
|
C3 Nsaya 1II*-Chaux
|
0,52
|
0,52
|
C3 Nsaya 1II*-Chaux-A
|
1,83
|
1,83
|
1,98
|
C3 Nsaya 1II*-Chaux-B
|
2,13
|
2,13
|
Cecomaf*
|
Cecomaf*-1
|
1,01
|
1,01
|
Cecomaf*-1A
|
3,75
|
3,81
|
3,81
|
Cecomaf*-1B
|
3,86
|
Cecomaf*-M1
|
1,04
|
0,97
|
Cecomaf*-M1A
|
3,29
|
3,42
|
3,25
|
Cecomaf*-M1B
|
3,54
|
Cecomaf*-M2
|
0,90
|
Cecomaf*-M2A
|
2,82
|
3,08
|
Cecomaf*-M2B
|
3,34
|
Lutendele2*
|
Lutendele2*-1
|
1,33
|
1,33
|
Lutendele2*-1A
|
4,40
|
4,69
|
4,69
|
Lutendele2*-1B
|
4,97
|
Lutendele2*-M1
|
0,75
|
0,75
|
Lutendele2*-M1A
|
3,22
|
3,17
|
3,14
|
Lutendele2*-M1B
|
3,11
|
Lutendele2*-M2
|
0,75
|
Lutendele2*-M2A
|
3,27
|
3,11
|
Lutendele2*-M2B
|
2,95
|
Tableau VI.11 :
Résistances à la flexion et à la
compression. Pour un même échantillon, les essais en flexion ont
été réalisés sur 1 ou 2 éprouvettes.
D'où le nom de l'échantillon est suivi d'un indice - 1 ou -2
(pour essai 1 et essai 2). Lorsque la lettre M est mise devant le -1 ou le -2,
cela signifie que l'échantillon a été
mélangé à la chaux (6 %) et à la CBR (6 %). La
dénomination C3 Nsaya 1II*-Chaux désigne
l'échantillon avec 6 % de chaux et sans CBR. Pour une même
éprouvette, l'essai en compression a été
réalisé 2 fois, en raison d'un essai par demi-éprouvette
(d'où les lettres A et B).
|
|
Nsaya
1II*
|
C3 Nsaya
1II*
|
Cecomaf*
|
Lutendele2*
|
Normes
|
Terre
comprimée
|
Terre moulée
|
Terre allégée
|
Rf28
|
Sans stabilisation
|
0,59
|
0,56
|
1,01
|
1,33
|
0,1 à 0,5
|
+ 6
CBR % chaux et
|
0,64
|
0,40
|
0,97
|
0,75
|
|
|
|
+ 6 % chaux
|
|
0,52
|
|
|
|
|
|
Rc28
|
Sans stabilisation
|
2,58
|
2,33
|
3,81
|
4,69
|
0,4 à 3,0
|
0,4 à 5,0
|
< 1,0
|
+ 6 % chaux et CBR+
|
2,73
|
4,16
|
3,25
|
3,14
|
|
|
|
6 % chaux
|
|
1,98
|
|
|
|
|
|
Tableau VI.12 : Résistance
à la flexion et à la compression.
52
Pour illustrer un autre effet de la stabilisation sur la
terre, la figure VI.4 donne les masses volumiques des échantillons non
stabilisés et stabilisés à la chaux et à la CBR.
![](Valorisation-des-geo-ressources-argileuses-de-la-region-de-Kinshasa-pour-ameliorer-la-qualite-et38.png)
Fig. VI.4 : Variation de la masse
volumique avec la stabilisation
On observe une diminution de la masse volumique avec la
stabilisation. Celle-ci est d'autant plus marquée que
l'échantillon non stabilisée avait une densité initiale
élevée. La diminution de la masse volumique peut être
justifiée par l'occupation des espaces vides par les particules de chaux
et de CBR.
Résistance à la
compression
La résistance à la compression est la principale
propriété mécanique de la terre qui intéresse les
bâtisseurs (Houben et Guillaud, 1989). Elle est la seule
propriété mécanique qui fait l'objet de fortes exigences
réglementaires. Plus la résistance en compression est
élevée, plus l'épaisseur des murs pourra être faible
pour une hauteur de bâtiment donnée. La résistance à
la compression d'une terre mise en oeuvre pour la construction peut varier
entre 0,4 et 5 MPa. Pour le pisé, les valeurs sont plus faibles : 0,4
à 3 Mpa. Les paramètres qui améliorent la
résistance à la compression de la terre sont : - une
densité élevée (Houben et Guillaud, 1989 ; Olivier, 1994 ;
Morel et al. 2007 Kouakou et Morel, 2009),
- une teneur en eau faible (Olivier, 1994 ; Gelard, 2005),
- une teneur en argile et limon élevée (Olivier,
1994),
- une teneur en montmorillonite élevée (Van Damme,
2001),
- une bonne homogénéité (Maniatidis et
Walker, 2008 ; Bui et al., 2009),
- des grains de petite taille (Heath, 2007).
Plusieurs conclusions et hypothèses peuvent être
faites sur base des résultats obtenus par l'essai de compression (Fig.
VI.5).
(1) Les échantillons non stabilisés Nsaya 1II*
et C3 Nsaya 1II* ont des valeurs de Rc28 plus faible sans doute liées
à la faible teneur en argile (5 et 6 %). Ils sont adaptés
à la construction en terre crue comprimée et moulée selon
les normes citées au tableau VI.4. Les échantillons Cecomaf* et
Lutendele2* ont une Rc28 plus élevée sans doute liée
à une teneur en argile plus importante. Ils sont les mieux
adaptés pour la construction en terre moulée.
![](Valorisation-des-geo-ressources-argileuses-de-la-region-de-Kinshasa-pour-ameliorer-la-qualite-et39.png)
53
Fig. VI.5 : Résistances
à la compression.
(2) La stabilisation à la chaux et à la CBR
augmente légèrement Rc pour l'échantillon Nsaya 1II*,
augmente fortement Rc pour l'échantillon C3 Nsaya 1II*, alors qu'elle
diminue plus ou moins fortement Rc pour les 2 autres échantillons. Les
raisons de ces comportements variés peuvent être multiples :
- Thompson (1966) a montré qu'une kaolinite ou une
montmorillonite étaient plus réactives à la chaux qu'une
illite ou une chlorite. Ceci pourrait expliquer la diminution de Rc28 de
l'échantillon C3 Lutendele2* plus riche en illite (50 %).
- La matière organique interfère aussi en
retardant, voire en empêchant, le déclenchement des
réactions pouzzolaniques ; ce qui diminue la résistance du
mélange très fortement (Thompson 1966 ; Hebib et Farrel, 2003).
La figure VI.6 rend compte de la variation des Rc28 sans et avec stabilisation
à la chaux et à la CBR en fonction de la teneur en matière
organique. On remarque bien que la stabilisation diminue la résistance
en compression des échantillons plus riches en matière
organique.
![](Valorisation-des-geo-ressources-argileuses-de-la-region-de-Kinshasa-pour-ameliorer-la-qualite-et40.png)
Fig. VI.6 : Influence de la
matière organique sur la résistance en compression des
échantillons.
54
- L'augmentation de la résistance des sols traités
à la chaux dépend seulement des réactions entre l'argile
et la chaux (Thompson, 1966). Elles sont lentes comme le montre la figure
VI.7.
![](Valorisation-des-geo-ressources-argileuses-de-la-region-de-Kinshasa-pour-ameliorer-la-qualite-et41.png)
Fig. VI.7 : Processus de
stabilisation à la chaux (CDIT, 2002).
L'effet de la CBR et de la chaux se manifeste donc plus tard.
On peut donc supposer que la vitesse de la réaction pouzzolanique n'est
pas la même pour les différents échantillons. Ce qui se
traduit par une Rc28 avec stabilisation faible pour certains
échantillons. Il aurait été intéressant de tester
la résistance à la compression sur une plus longue période
de l'ordre de 2 ou 3 mois.
- Le durcissement du mélange chaux-CBR-sol se fait en
formant des liaisons C-S-H et en asséchant l'eau de
l'échantillon. Cet asséchement d'eau peut provoquer une
fissuration de l'échantillon et diminuer ainsi sa résistance. Il
peut être d'autant plus marqué que l'échantillon a une
teneur en eau initiale plus élevée. La figure VI.8 montre la
variation de la résistance à la compression en fonction de la
teneur en eau initiale. Les échantillons à forte teneur en eau
initiale voient leur Rc28 diminuer avec la stabilisation.
![](Valorisation-des-geo-ressources-argileuses-de-la-region-de-Kinshasa-pour-ameliorer-la-qualite-et42.png)
Fig. VI.8 : Variation de Rc28 en
fonction de la teneur en eau initiale.
![](Valorisation-des-geo-ressources-argileuses-de-la-region-de-Kinshasa-pour-ameliorer-la-qualite-et43.png)
55
(3) Le test réalisé sur l'échantillon
stabilisé à la chaux uniquement (sans CBR) montre une Rc28 plus
faible. On peut en conclure que la stabilisation à la chaux seule n'a
pas un effet bénéfique.
Résistance à la
flexion
La résistance à la flexion est
considérée comme de faible importance par rapport à la
résistance à la compression dans le domaine de la construction.
Les constructions en terre sont généralement dimensionnées
de manière à ce que le matériau ne soit sollicité
qu'en compression (Moevus et al., 2012). Il n'y a en général pas
d'exigence concernant la résistance à la flexion de la terre
crue. Peu de valeurs fiables ont été trouvées dans la
littérature concernant la résistance à la flexion de la
terre crue (tableau VI.13). Les rares mesures montrent qu'elle est de l'ordre
de 0,1 à 0,5 MPa.
Réf.
|
Technique
|
Commentaire
|
NZS 4298:1998
|
BTC
|
La plus faible résistance à la flexion
mesurée sur 5 échantillons doit être > 0,25 MPa.
|
Tableau VI.13 : Exigences
réglementaires concernant la résistance à la
flexion.
Les mêmes paramètres influant sur la
résistance à la compression (une teneur en argiles importante,
une densité élevée et une teneur en eau faible)
influencent de manière similaire la résistance à la
flexion (P'kla, 2003 ; Hakimi, 1996).
Deux conclusions peuvent être tirées des
résultats d'essai en flexion (Fig. VI.9):
(1) Tous les matériaux analysés ont une valeur
de Rf supérieure aux valeurs imposées par les normes. Ils sont
donc adaptés pour résister aux contraintes de flexion que subit
une construction en terre.
(2) L'effet de la stabilisation sur la résistance
à la flexion n'est pas mis en évidence. Rf augmente
légèrement avec la stabilisation pour l'échantillon Nsaya
1II*, diminue faiblement pour C3 Nsaya 1II* et Cecomaf et diminue fortement
pour C3 Lutendele2. Les mêmes raisons évoquées pour la Rc
justifient ces comportements.
Fig. VI.9 : Résistances
à la flexion.
Les études consultées (Duarte Tiago, 2011 ;
Mtallib et Bankole, 2011) ont montré une augmentation de la
résistance à la compression et à la flexion avec la
stabilisation à la chaux et à la CBR. Mtallib et Bankole (2011)
observent une augmentation de 40 % de la California Bearing Ratio (ratio
mesurant la résistance à l'effort tranchant d'un sol) entre un
sol non stabilisé et un sol stabilisé avec 8 % de
56
chaux et 10 % de cendre de balle de riz. Duarte Tiago (2011)
mesure les résistances en compression et en flexion à 14 jours et
à 28 jours d'une terre stabilisée à la chaux et à
la cendre de balle de riz selon un ratio chaux/CBR de 1 : 2, sur des
éprouvettes 4*4*16 cm et selon la norme NF EN 196-1. Les
résultats obtenus sont présentés au tableau VI.14.
Diamètre de la plus grosse
particule de CBR
|
Rf 14 jours (Mpa)
|
Rc 14 jours
(Mpa)
|
Rf 28 jours (Mpa)
|
Rc 28 jours (Mpa)
|
500 um
|
1
|
2,7
|
1,4
|
3,2
|
250 um
|
1,4
|
3,4
|
1,5
|
3,5
|
125 um
|
1,4
|
3,6
|
1,6
|
3,8
|
75 um
|
1,5
|
3,5
|
2,3
|
5,5
|
Tableau VI.14 :
Caractérisation mécanique des
éprouvettes d'après Duarte Tiago, 2011.
Nous pouvons conclure que la stabilisation dans notre cas n'a pas
fourni les résultats souhaités.
57
|
|