Conclusion
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Dans ce mémoire de recherche, nous avions pour but
d'investiguer et de mieux comprendre les processus cognitifs et
émotionnels liés à l'intuition. La littérature
scientifique, à notre connaissance, définissait l'intuition et
l'analyse comme deux processus duels, opposés et fonctionnant en
parallèles. Or, les théories philosophiques,
phénoménologiques et mathématiques, tendraient
plutôt à définir l'intuition comme le socle de la logique
et de l'analyse (Bergson, 1923; Perlovsky, 2007). L'analyse serait plutôt
une fonction héritée de l'intuition, qu'un processus
opposéà cette dernière.
L'intuition permettrait de ressentir le lien existant entre
nos schémas internes et l'environnement externe. Cette
continuitéentre l'interne et l'externe, et les constantes adaptations et
apprentissage, qu'elle entraîne pourrait définir la notion
d'intuition.
Afin de créer cette continuité, nous avons
utiliséd'une part un environnement naturel et un environnement virtuel
(Giannopulu, 2008), et nous avons disposédes indices dans
l'environnement naturel afin de créer un effet de
fami-liaritéface à la situation à résoudre dans
l'environnement virtuel.
Les résultats tendraient à montrer un lien entre
les indices environnementaux, la pré-activation des
représentations et l'émergence de l'intuition. Il y aurait une
augmentation de l'activitédu système nerveux autonome lors de la
présence d'amorces, et un lien entre cette activation et la
capacitéd'insight des individus. Ainsi, les processus intuitifs et
l'émergence d'une représentation non-consciente à la
conscience pourrait être mesurable. Toutefois, des études
mériteraient d'investiguer ce phénomène plus en avant, car
le manque de synchronisation de nos mesures avec l'environnement virtuel nous
empêcha d'interpréter sur la nature de ces réactions
physiologiques et sur le sens de cette quantification. Nous avons
proposédes pistes d'explications dans la discussion afin d'aider
à la résolution de ce problème complexe. Ainsi, il nous
paraît important de concevoir l'intuition comme un processus mouvant
entre l'intérieur (les traces mnésiques) et l'extérieur
(l'environnement, les perceptions). La superposition optimale entre ces deux
interfaces enclencherait alors une émotion liée à la
résolution d'un problème. Nous n'avons pas inves-tiguédans
cette recherche l'idée de décharge et de tension psychique. Mais,
de prochaines études pourraient tenter d'observer s'il y a bien un
relâchement, une détente lorsque la situation est résolue,
et si la prise de conscience de la solution (insight ou non insight) est
modulée par l'intensitéde ce relâchement. De plus, une
question subsiste sur le lien entre l'instinct de connaissance (Perlovsky,
2007), ou encore la pulsion dromique (Jeangirard, 2014), et l'intuition. D'un
point de vue philosophique et psychologique, l'intuition ne serait ni un
instinct, ni une pulsion, mais bien plutôt une sensation. Avoir une bonne
intuition signifierait-il, avoir une grande curiosité, avoir une grande
capacitéà créer des liens ou avoir une grande
capacitéà ressentir les signaux corporels non-conscients? Il se
pourrait que l'intuition comprenne l'ensemble de ces phénomènes
et que les psychologues, philosophes et neuroscientifiques puissent être
intéressés dans leur compréhension.
Ces questionnements amènent aussi au problème du
lien entre intuition et logique qui contribua à l'ouverture de ce
mémoire. Nous ne pouvons dire que nous avons mieux compris ce lien,
même si, nous avons pu observer dans cette expérimentation, que la
plupart des individus qui résolurent consciemment le problème,
n'ont pas étéconscients des indices de l'environnement et n'ont
pas fait, comme nous l'attendions, un lien entre les indices de l'environnement
naturel et la problématique posée. Malgrécette absence de
liens, ils tentèrent d'inférer logiquement leurs prises de
décision. Ainsi il se pourrait que les formes intuitives internes se
matérialisent en fonction des attributs singuliers de l'individu, et que
l'expression consciente de l'intuition prenne forme en fonction de la
personnalitéde chacun.
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Des études sur le lien entre système cortical
(EEG, IRMf) et système nerveux autonome (activitécardiaque,
ac-tivitéélectrodermale, respiration, températion) dans
une situation intuitive avec prise de conscience et sans prise de conscience
des liens pourraient aider à mieux comprendre d'un point de vue
neurologique, l'émergence de la représentation intuitive à
la conscience.
RÉFÉRENCES 109
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