PARTIE THEORIQUE
Analyse théorique du concept «
développement »
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PREMIER CHAPITRE : généralités sur
le concept de développement.
Ce n'est qu'après la deuxième guerre mondiale
que le développement prend sa place
au sein de la pensée économique. Il est issu de
la prise en conscience de l'écart économique croissant qui
sépare le monde développé du tiers monde. La question du
développement est aujourd'hui complexe. Depuis plus de cinquante ans, un
type de production et de consommation gaspilleur a été
présenté comme la voie unique à suivre par tous les pays
pour accéder au bien-être social. Or, cette approche a
engendré des effets non souhaitables et elle a obligé les
chercheurs et les économistes à faire la différence entre
la croissance et le développement.
SECTION 1 : La notion de développement.
Selon la définition de François Perroux,
économiste français (1903,1987), la croissance économique
correspond à «l'augmentation soutenue pendant une ou plusieurs
périodes longues d'un indicateur de dimension, pour une nation, le
produit global net en termes réels ».Elle mesure la richesse
produite sur un territoire en une année et son évolution d'une
année à l'autre, Elle n'informe donc que peu sur le niveau de vie
et encore moins sur la qualité de vie. La croissance peut contribuer au
développement, mais pas toujours le cas et on parle de croissance sans
développement quand la production de richesse ne s'accompagne pas de
l'amélioration des conditions de vie. Au sens strict, la croissance
décrit un processus d'accroissement de la seule production
économique.
En revanche Perroux définit le développement
par: «la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population
qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et
durablement, son produit réel global. ».
Même si le développement implique la croissance,
il ne peut se réduire à celle-ci. La croissance représente
certes la dimension prédominante du concept, mais ne suffit pas pour
rendre compte des autres dimensions que le développement incorpore. La
croissance est d'ordre quantitatif et se traduit par l'augmentation des
grandeurs économiques, considérée comme l'une des
multiples composantes du phénomène complexe qu'est le
développement. Même si la croissance demeure le préalable
à tout effort de développement dans la mesure où toute
amélioration du niveau de vie ou du bien-être social passe
nécessairement par l'augmentation des quantités produites et
l'accroissement des revenus, il s'avère important de préciser que
le développement est bien plus que la croissance. Le
développement, au delà du concept de croissance qui est d'ordre
quantitatif et mesurable, postule aussi des idées de qualité qui,
d'ailleurs, échappent à toute mesure et débordent le champ
de l'analyse économique. Il implique une hausse du bien-être
social, des changements dans les structures et finalement une mutation de la
société toute entière. Il passe, comme le souligne
Frédéric Teulon (économiste français), par
l'urbanisation, l'industrialisation,
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l'alphabétisation et la formation et produit au
confluent de cette combinaison un système plus efficace (par
accumulation de richesses) où les besoins humains se
révèlent mieux satisfaits »6
La Banque Mondiale définit, de son côté,
le développement comme une combinaison des caractéristiques
suivantes: une croissance auto entretenue et durable, des changements
structurels dans les modes de production, c'est-à-dire la
réduction de la dépendance par rapport aux matières
premières et la production des biens et services, un rattrapage
technologique, une modernisation sociale, politique, institutionnelle et une
amélioration significative de la condition humaine.
En effet, le développement ne peut pas se
réaliser sans la participation des personnes, c'est-à-dire sans
la démocratie. Ainsi, Amartya Sen (économiste indien, prix Nobel
d'économie en 1998) insiste sur la possibilité effective que les
personnes ont ou n'ont pas de définir leur projet de vie et de conduire
ce dernier en fonction des conditions réelles qui leur sont faites. Ces
conditions dépendent, certes, des ressources matérielles, mais
aussi de données propres à chaque individu, par exemple la
santé, et de données relatives à l'organisation sociale et
politique, comme la place dévolue à chacun et la reconnaissance
de son rôle. Amartya Sen affirme que la liberté apparaît
comme la fin ultime du développement, mais aussi comme son principal
moyen pour considérer en conséquence que le développement
peut être appréhendé et les expériences historiques
montrent d'ailleurs que les systèmes autoritaires, dans
l'économie de marché comme dans l'économie
planifiée, ont échoué. Qu'ils aient ou non produit une
croissance forte devront se transformer et s'ouvrir à la
démocratie pour atteindre le développement.
Pour Jacques Brasseul, le développement est la
croissance économique plus l'amélioration de la
répartition du bien-être matériel à
l'intérieur des pays à bas revenu. C'est l'amélioration de
l'alimentation, des services de santé et de l'éducation des
familles, la réduction de la mortalité infantile,
élévation de la dignité de leurs vies,... Il continue en
disant que plus techniquement, «le développement économique
désigne tous les effets complexes de la croissance, voulus ou non,
bénéfiques, préjudiciables ou neutres: les transformations
dans les types de biens produits, les méthodes pour les produire, et la
structure de l'emploi. » On l'utilise aussi pour désigner les
transformations dans le taux de croissance de la population, le commerce
extérieur, et l'urbanisation et dans la répartition du
bien-être matériel. Dans le même sens C. Bialès, nous
définit le développement comme suit: le développement est
l'ensemble des changements observables dans le système économique
et social qui conditionnent la croissance. Le développement est alors,
une action qualitative qui implique des changements des structures
démographiques, sociales et mentales favorisant et accompagnant la
croissance économique. Elle se traduit ainsi par une amélioration
du bien-être de toute la population. « Le développement est
tout ensemble de transformation dans les structures culturelles, permettant non
seulement l'apparition de la
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croissance des produits mais aussi la durabilité de
cette croissance dans la période historique. » (BEZBAKH P. et al,
1981).
Ainsi le programme des nations unies pour le
développement (PNUD) définit le développement humain comme
le fait d'« élargir l'éventail des possibilités
offertes aux hommes », avec une amélioration de la qualité
de vie individuelle et sociale de la personne. Cette définition porte en
elle trois conséquences :
? Tout d'abord il faut élargir la notion de
développement, au delà de croissance du revenu par tête,
à la satisfaction des besoins humains fondamentaux : santé,
emploi, éducation, qualité de vie. Selon cette approche, la
croissance économique et le développement humain, loin
d'être opposés, sont considérés comme
complémentaires : l'une permet de dégager les ressources
financières indispensables à la mise en oeuvre des politiques
sociales, l'autre d'améliorer la qualité du facteur humain
nécessaire à l'expansion économique.
? Ensuite il faut donner au développement un contenu
participatif et démocratique .l'extension des libertés et
l'approfondissement du sens de la responsabilité collective sont
considérés comme des conditions essentielles du
développement humain : libération de l'initiative privée,
mais aussi renforcement des systèmes de protection sociale permettent de
soutenir les individus dans l'incapacité de subvenir à leurs
propres besoins.
? Enfin il s'agit de prendre en compte, non seulement la
satisfaction des besoins individuels immédiats, mais aussi le respect de
l'intérêt collectif, y compris celui des générations
futures, qui ne doit pas être compromis par une surexploitation des
ressources naturelles.
Le PNUD a donc créé en 1990 un indicateur
synthétique, l'indicateur de développement humain(IDH) base sur
l'évaluation de niveau de trois critères: la possibilité
de vivre longtemps et en bonne santé, la possibilité de
s'instruire, et enfin les possibilités d'accès aux ressources
permettant de vivre convenablement.
Pour représenter ces trois dimensions du
développement (santé, éducation, niveau de
vie), l'IDH synthétise trois indicateurs mesurés
de 0 à 1 (plus il est élevé, plus le pays est
développé) :
· un indicateur de longévité et de
santé mesuré par l'espérance de vie à la naissance
;
· un indicateur d'instruction mesuré pour deux
tiers par le taux d'alphabétisation des adultes et pour un tiers par le
taux de scolarisation ;
· un indicateur de niveau de vie mesuré par le
PNB/habitant en PPA (parité de pouvoir d'achat).
L'IDH synthétise ces trois indices en un seul
traduisant le niveau de développement du pays, noté de 0 à
1. Ainsi, en 2005, les pays à développement humain
élevé ont un IDH supérieur à 0,800 ; les pays
à développement humain moyen ont un IDH compris entre 0,500 et
0,799 ; les pays à développement humain faible ont un IDH
inférieur à 0,500
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Donc ce concept a plusieurs définitions, mais toutes
convergent sur la croissance, et le bien être, que ce soit en
quantité ou en qualité (économiquement, socialement,
politiquement ou culturellement...).
Et pourtant une conséquence de développement a
été négligée, c'est celle de la dégradation
que le développement peut faire subir aux équilibres naturels,
dans la mesure où on ne peut imaginer un développement sans
modification des écosystèmes. Le problème a longtemps
été ignoré parce que la nature avait une capacité
de résistance et de récupération suffisante. Mais une
crise des relations société-nature est apparue, qui, par
réaction, a fait naître le concept de développement
durable.
Pour sortir de cette situation contraignante,
l'économiste René Passet (premier président du conseil
scientifique d'ATTAC1) déclarait : « Comme
système, je ne vois rien d'autre que la bioéconomie. Les menaces
qui pèsent aujourd'hui sur la biosphère, c'est-à-dire
l'ensemble des êtres vivants et des milieux où ils vivent,
conditionnent tout le reste. Incluses dans cette biosphère, les
organisations économiques doivent en respecter les lois et les
mécanismes régulateurs, en particulier les rythmes de
reconstitution des ressources renouvelables ».
De cette façon le concept de développement
intègre la dimension écologique en plus des dimensions
précédemment cités.
Avec la publication du rapport de la commission mondiale sur
l'environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies,
présidée par la Norvégienne Gro Harlem Brundtland en 1987
est apparu le concept de développement durable. Selon ce rapport, «
le développement durable répond aux attentes des
générations présentes à satisfaire leurs besoins
sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs ». Le développement durable postule qu'un
développement à long terme n'est viable qu'en conciliant trois
aspects indissociables :
· le respect de l'environnement.
· la rentabilité économique.
· l'équité sociale.
Concrètement, le développement durable met en
lumière la nécessité de maintenir ou d'améliorer la
qualité de l'environnement naturel, d'assurer la pérennité
des ressources, de réduire les différences de niveau de vie des
populations, de favoriser l'autosuffisance des communautés, et de
permettre le transfert des connaissances ou des richesses (y compris les
richesses naturelles) d'une génération à l'autre.
En 2002, le Sommet mondial sur le développement durable
de Johannesburg en Afrique du Sud a été l'occasion pour les
participants de renouveler leur engagement envers
1. ATTAC: Association pour la taxation des
transactions financières et pour l'action citoyenne, est une
organisation altermondialiste créée en France en 1998. Elle est
présente dans 38 pays, le socle idéologique
développé par les membres d'ATTAC réside dans la
dénonciation des "méfaits de la mondialisation
libérale». Elle est Protectionniste, collectiviste (en faveur d'un
"contrôle démocratique" des marchés financiers, et contre
les "paradis fiscaux"), et étatiste (défense des services publics
et du système de protection sociale).
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les principes définis dans la Déclaration de
Rio et les objectifs du programme Action 21, et aussi de progresser dans ce
sens en mettant la priorité sur certaines cibles pour atteindre un
développement durable. Parmi celles-ci, il y a l'élimination de
la pauvreté, la modification des modes de consommation et de production
non viables, la protection et la gestion des ressources naturelles. Les
participants ont également abordé le thème de la
mondialisation et les liens unissant les questions de la santé et du
développement.
On peut retenir en définitive que le
développement durable prend en compte trois dimensions
inséparables : économique, sociale et l'environnementale (voir
fig1). Cela signifie que le développement économique doit
être mis au service des besoins humains, pour favoriser la
création de la richesse pour tous à travers des modes de
production et de consommation durables. La dimension sociale vise la
satisfaction des besoins humains (logement, soins de santé,
éducation, etc.). Le troisième point concerne la
préservation et la valorisation de l'environnement, notamment par
l'utilisation raisonnée des ressources naturelles et par la
prévention des impacts environnementaux.
satisfaire les besoin en santé ,éducation,habitat,
emploi,prévention de
éxclusion,équitéinter-générationnelle.
Société
Vivable
Environnement
péserver la divérsité
des espéces et les ressources naturelles et énergetiques
.
Equitable
durable
Viable
créer des richesse et améliorer les conditions de
vie matérielle.
Figure 1 : les piliers de développement
durable.
La mise en oeuvre du développement durable à
divers niveaux de collectivités constitue
un défi à la fois politique et
technico-économique. Pour répondre à ce défi il y a
plusieurs principes qui doivent être pris en compte par l'ensemble des
intervenants dans le cadre de
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leurs différentes activités. Les principes
constituent des balises qui guident chaque organisation, quelle que soit sa
mission, afin que ses interventions s'inscrivent dans une démarche qui
tienne compte des trois piliers du développement durable.
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