SECTION III : IMPACT DES PRATIQUES FONCIERES SUR LA
PRODUCTION PAYSANNE
§1 système d'agriculture paysanne :
On distingue dans le Bushi deux types d'exploitations : les
exploitations agricoles familiales et les plantations. A l`intérieur de
l'exploitation agricole familiale, nous distinguons également
contrairement aux plantations qui ne pratiquent que des cultures industrielles
(thé, café, quinquina), deux types de cultures : les cultures
vivrières paysannes et les cultures de rentes paysannes. Parmi ces
dernières cultures, les bananeraies occupe une position
particulière, comme autrefois.
I. exploitation agricole paysanne :
La structure d'exploitation agricole familiale dans le
territoire de walungu/ chefferie de ngweshe reflète une division
sexuelle du travail. L'agriculture vivrière de substance est le fait de
la femme, tandis que les cultures de rente, plus rémunératrices,
sont le privilège de l'homme.
II. L'agriculture de substance
En 1958, l'agronome HECQ constatait déjà que la
superficie des sols à cultures
vivrières permanente décroissait
régulièrement en faveur de celle destinée à la
bananeraie. Cette tendance a continué dans la période qui a
suivi.
Comme autre fois, les champs sont installés en deux
lieux et sous des contrats les plus divers. A partir de l'enclos
résidentiel, pris comme centre, on trouve successivement les types des
champs ci-après :
1. Sur les terres obtenues en Kalinzi : il y a d'abord la
bananeraie des toutes les variétés (variétés des
bananeraies en annexes). En bordure de celle-ci,
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se pratiquent la plus part des cultures ou associations
principales: patate douces, haricots, associations haricots-mais-sorgho et
haricot-mais-manioc.
2. Sur les terres en Bwassa, on trouve les mêmes cultures
qu'en kalinzi. Le Bwassa est devenu un complément spécial
indispensable aux familles, en Raison de la rareté des terres
susceptibles d'être acquise en kalinzi.
En plus des cultures citées ci-dessus, on produit dans
la chefferie de ngweshe : l'igname, les petits pois, la pomme de terre, le soja
et la culture maraichère (amarantes, chou blanc, chou rouge, chou vert,
chou-fleur, le céleri, la carotte, l'é pinard, la salade, le
navet, le radis, l'artichaut, l'aubergine, le poireau etc...). Ces cultures
sont essentiellement destinées à la vente.
Par le passé, ce sont la banane, le haricot et la
patate douce qui fournissaient la base alimentaire. Mais sous la période
coloniale, en vue de combattre la famine et les pénuries de soudure, on
introduisit le manioc et la pomme de terre. Depuis la dernière
décennie coloniale, le manioc prend une très forte extension. Son
rendement est élevé et sa culture est facile. La récolte
peut être établie sur plusieurs mois parce qu'il se conserve
bien.
Parmi les tubercules, la patte douce suit directement le
manioc. On la cultive sur les terres de plateaux comme le manioc. La pomme des
terres ne pas produit à ngweshe, elle est plutôt cultivée
dans la chefferie de Kaziba sur les hautes altitudes, elle a connu une baisse
de production suite à la perturbation climatique par des pluies et
manque des produits phytosanitaires.48
Récemment, vers 1970 le soja a été
introduit et vulgarisé pour combattre la malnutrition. Il est
actuellement cultivé par 3700 ménages agricoles avec une
superficie totale emblavée de 370 ha contre une production totale de
203.50 tonnes. Sa culture est encouragée et progresse grâce
à la vulgarisation des services techniques des ONGs qui interviennent
dans la distribution des semences améliorées auprès des
paysans agricoles. Il est hélas très peu consommé. Il est
devenu très rapidement une culture de rente. Il fait l'objet de
transactions sur les marchés locaux.
En plus, il est acheté aux paysans par l'usine de
transformation qui le torréfie et le transforme en farine et biscuit.
Malgré la diversité des cultures de
proximités géographique des zones très productives telles
que le Nord-Kivu et la plaine de la Ruzizi, la population de Ngweshe est
souvent en proie à de multiples carences périodiques. La
dégradation des routes de dessertes
48 INSPECTION AGRICOLE DU TERRITOIRE DE WALUNGU,
Rapport annuel exercice 2015.
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locales, parfois même leur disparition pure et simple
font que les marchés des produits vivriers soit atomisés. Le
transport des produits se fait à dos de femme sur 30 à 60 km, les
véhicules ne pouvant pas circuler. De plus, les méthodes de
cultures sont rudimentaires.
La recherche coordonnée par H.DUPRIEZ a fait à
propos des cultures de subsistances les observations suivantes :
« Elles régressent sur le plan de leur extension
en superficie. Les terres qui leurs sont consacrées sont de plus en plus
marginales, à l'exception des marais. L'extension des bananeraies et des
cultures industrielles les a refoulés vers les moins bonnes terres.
Elles régressent sur le plan qualitatif. Le manioc
surtout, mais aussi les autres tubercules augmente progressivement au
détriment des légumineuses et des céréales. Le
régime alimentaire se simplifie, les protéines diminuant par
rapport aux féculents.
Le nombre des bouches à nourrir étant en
augmentation constante sur des terres en cours de dégradation, les
rations diminuent quantitativement.
Du point de vue technique, il n'y a eu aucune
amélioration notable dans les techniques de production. Le labour et
l'entretien se fait selon le cas à la houe, à la machette,
à la serpette,... »
III l'agriculture paysanne de rente
A côté des cultures vivrières de rente que
nous venons de citer, les paysans de ngweshe cultivaient des cultures
industrielles jusqu'en 1985. Ils existaient en effet des milliers des petites
exploitations paysannes de quinquina, de thé, de café des
eucalyptus et cyprès. On le rencontrait spécialement à
kabare et à walungu.
Ces exploitations étaient installées, on s'en
doute, sur les terres de kalinzi et de bugule. Elles étaient souvent de
dimension modeste. Elles varient entre quelque are et 2 ou 3 hectares. Pour
l'entretien de son exploitation, les paysans ne comptaient que sur sa force de
travail, contrairement aux plantations qu'ils utilisent une main d'oeuvre
salarié et/ou des locataires des parcelles sur les plantations.
Après la période faste des années 70 ou
la pharmakina incitait par le prix les paysans à produire le quinquina,
la majorité des exploitations familiales ont été
progressivement laissée à l'abandon. Il semble que le cours de
ces produits s'est effondré dès le début de la
deuxième moitié des années 80.
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Il apparait donc qu'actuellement, les seuls cultures de rente
paysannes sont les cultures vivrières pour lesquels il existe une forte
demande urbaine. Parmi ces cultures, la bananeraie occupe jadis une place de
choix.
Bananeraie et habitation sont toujours liées : le Mushi
habite encore au milieu de sa bananeraie. Par le passé, les cultures
saisonnières et l'élevage se faisaient autour du noyau central
constitué par la bannerai, en particulier sur des pentes.
L'accroissement de la population et la diminution des terres
de plateau disponibles a entrainé plusieurs modifications dans
l'organisation de la ferme.
? La bananeraie a progressivement été
étendue sur le piémont, sur les pentes et dans les ravins ;
? La part relative des cultures saisonnières dans
l'ensemble des cultures paysannes a diminué, celle de la bananeraie
s'est accrue ;
? Les parcelles satellites consacrées aux cultures
saisonnières ont été repoussées à des
distances plus grandes, soit sur des pentes encore disponibles, soit sur les
marais.
La structure traditionnelle des fermes a pratiquement disparu
dans les zones denses et paysages s'y est transformé en une
mosaïque continue de parcelles bananières et de parcelles sous
cultures saisonnières. La bananeraie est en effet sources de revenu
privilégié pour les paysans du Bushi. Une bananeraie moyenne
produit, d'après l'enquête de H. DUPRIEZ, 20 régimes par
mois. Outre son importance économique, la bananeraie revêt pour le
paysan une grande importance sociale et psychologique. Dans les circonstances
de la vie (mariage, naissance, deuil, fêtes diverses), la bière de
banane joue un rôle particulier. Tous les amis se joignent à
l'évènement en rapport à la cruche de bière qu'ils
consomment ensembles. La bière aide également a renforcé
les amitiés et les relations de voisinage. Après les travaux de
la journée, les hommes se trouvent pour échanger les nouvelles
chez celui qui a préparé la bière.
La bière de banane sert aussi à témoigner
les reconnaissances envers les autorités coutumières. Le paysan
offre une deux calebasses de bière de banane à celui qui lui a
donné le kalinzi ou au chef coutumier du village. C'est une
manière de renouveler la confiance ; de solliciter la sympathie ou la
protection de son chef politico foncier.
L'extension de la bananeraie sur les meilleurs terres, nous
l'avons déjà mentionné, marginalise les cultures
saisonnière et domestique. Elle témoigne d'une transformation
de
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l'économie agraire qui tend à privilégier
les revenues monétaires par rapport à l'économie
domestique49
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