Année universitaire 2015/2016
Université Paul-Valéry
Montpellier
Département des Sciences de l'Éducation
UFR6
Impact de l'introduction de l'ETP
sur
les
transformations des systèmes d'activités
et
les
transformations identitaires des infirmières
devenant aussi «
éducatrices »
Malika Salhi-Bouyagoub
Sous la direction de
Souâd Denoux
Mémoire de Master 2
Analyse et Conception en Éducation et
Formation
Date de soutenance : 11 juillet 2016
Composition du jury :
- Guy Noël Pasquet - Souâd Denoux
2
Université Paul-Valéry
Montpellier
Département des Sciences de l'Éducation
UFR6
Impact de l'introduction de l'ETP
sur
les
transformations des systèmes d'activités
et
les
transformations identitaires des infirmières
devenant aussi «
éducatrices »
Malika Salhi-Bouyagoub
Sous la direction de
Souâd Denoux
Mémoire de Master 2
Analyse et Conception en Éducation et
Formation
Date de soutenance : 11 juillet 2016
Composition du jury :
- Guy Noël Pasquet - Souâd Denoux
3
Année universitaire 2015/2016
4
5
Précaution anti plagiat
Je soussignée, Salhi Bouyagoub Malika,
Certifie qu'il s'agit d'un travail original et que toutes les
sources utilisées ont été indiquées dans leur
totalité. Les citations tirées du présent mémoire
ne sont permises que dans la mesure où elles servent de commentaires,
référence ou démonstration à son utilisateur. Je
certifie, de surcroît, que je n'ai ni recopié ni utilisé
des idées ou des formulations tirées d'un ouvrage, article, site
Internet ou mémoire, en version imprimée ou électronique,
sans mentionner précisément leur origine et que les citations
intégrales sont signalées entre guillemets. La loi sur le droit
d'auteur est applicable.
Date et signature : le 21/06/2016 Salhi Malika Bouyagoub
6
Résumé
Je rejoins tous les écrits qui ont abordé la
thématique de l'éducation thérapeutique du patient (ETP),
pour dire que personne ne peut douter qu'elle devient une
nécessité dans les pratiques de l'infirmière1.
Il s'agit d'un changement de pratique découlant de la loi 2009. La
notion « d'éduquer » le patient exige de l'infirmière
à devenir éducatrice, imposant des changements paradigmatiques
pour ses pratiques au sein de son système d'activités de soins,
avec des représentations et des attitudes nouvelles. Nous sommes partis
de l'idée que ces nouveautés allaient impacter son
identité professionnelle et, solliciter un engagement dans la
transformation de ses pratiques, en adoptant une nouvelle posture d'«
infirmière éducatrice ». Pour tenter d'identifier les
changements identitaires résultant de l'introduction de
l'activité ETP aux tâches quotidiennes de l'infirmière,
nous avons recueilli les propos de trois d'entre elles, impliquées dans
des activités éducatives et, les avons analysés en nous
basant sur le concept du processus des mutations identitaires et socialisation
professionnelle de Claude Dubar (1998,1992). Nous verrons à travers
cette étude, comment l'activité éducative transformerait
la posture infirmière en s'appuyant principalement sur des logiques
d'accompagnement dans l'apprentissage. Ces changements ont pour impact des
transformations à la fois vis-à-vis des représentations de
l'éducation thérapeutique, du soin, de la relation
infirmière/patient, des pratiques mais aussi, de l'identité
professionnelle pour ces infirmières.
Mots-clés : Education
thérapeutique du patient - la pratique infirmière - changement de
pratique - activité éducative - système d'activité
- accompagnement dans l'apprentissage - identité professionnelle -
posture - infirmière éducatrice.
7
1 Lire infirmier- infirmière
8
Summary
I joined all the writings that addressed the theme of
therapeutic education of the patient (ETP), to say that nobody can doubt that
it becomes a necessity in the nurse practices. It is a change of practice under
the 2009 law. The notion of "educating" the patient requires the nurse to
become an educator, imposing paradigmatic changes to its practices within its
system of care, with performances and new attitudes activities. We started from
the idea that these developments would affect his professional identity; seek a
commitment in the transformation of its practices by adopting a new posture of
"nurse educator. To try to identify the identity changes resulting from the
introduction of activity ETP in the daily tasks of the nurse, we have collected
the words of three of them, involved in educational activities and analyzed
based on the concept of the process of identity mutations and professional
socialization of Claude Dubar (1998, 1992). We will see through this study; how
educational activity would transform nursing posture in relying primarily on
logic of accompaniment in learning. These changes have for impact of the
transformations both representations of therapeutic education, care, the
nurse-patient relationship, practices but also, of professional identity for
these nurses.
Keywords: Therapeutic patient
education - nursing practice - practice change - educational activity -
activity system - support in learning - professional identity - posture - nurse
educator.
9
Remerciements
Malika remercie
précieusement toutes les personnes ayant contribué de près
ou de loin à la réalisation de ce mémoire, en particulier
: Ma directrice de mémoire S. Denoux pour son
accompagnement et ses recommandations pour la réalisation de cet
écrit. Monsieur Guy-Noël Pasquet d'avoir
accepté d'évaluer ce travail de mémoire.
Mon collègue et
conseillé A.Matsimouna pour sa participation à l'aboutissement de
ce
mémoire.
Mon précieux époux
pour son soutien et sa confiance immuable. Ma soeur Lamia pour
sa disponibilité auprès de mes enfants. Mes deux
petits coeurs Amin et Imen pour leurs encouragements et leurs
patiences.
10
11
Sommaire
Résumé 7
Summary 8
Remerciements 9
1- Introduction 16
2- Présentation du projet de formation de Master
2 17
3- Méthodologie de travail 19
PREMIERE PARTIE : Cadre conceptuel 22
I- Présentation de l'éducation
thérapeutique du patient 23
1- Les définitions de l'ETP 23
2- Les fondements et les contextes d'émergence de l'ETP
25
a) Le facteur social 25
b) Le facteur philosophique 26
c) Le facteur économique 27
d) Le facteur épistémologique 27
3- La validation de la pratique de l'ETP 28
4- Les compétences requises pour dispenser l'ETP 28
5- La démarche pédagogique de l'ETP 29
5.1- Les étapes de la démarche éducative
30
a) Le diagnostic éducatif 30
b) La négociation des objectifs 31
c) La planification et la mise en oeuvre des séances
éducatives 31
d) La phase d'évaluation 32
5.2- Les ressources et les techniques éducatives de l'ETP
32
II- Présentation du métier de
l'infirmière 34
1- Définition du métier de l'infirmière
34
2- La compétence infirmière en lien avec l'ETP
34
3- La notion de l'« activité » dans les
pratiques de l'infirmière 35
3.1- Les différentes activités de
l'infirmière 36
a)
12
Le rôle propre de l'infirmière 36
b) La définition législative du rôle propre
infirmier 37
c) Les caractéristiques du rôle propre infirmier
38
3.2- Les définitions des soins infirmiers 39
4- Le système d'organisation du travail infirmier 39
4.1- Définition de l'organisation du travail 39
4.2- Définition du système d'organisation 40
4.3- Organisation du travail de l'infirmière 40
III- Présentation de l'identité
professionnelle de l'infirmière 43
Synthèse de la première partie 45
DEUXIEME PARTIE : Cadre théorique 48
I- Présentation des théories de soins
infirmiers 49
1- Présentation de la théorie de Peplau (1952)
50
2- Le rôle de l'infirmière selon la théorie
de Peplau 51
II- présentation des caractéristiques de
l'accompagnement professionnel 53
1- Les définitions de l'accompagnement 53
2- Les postures de l'accompagnement professionnel
proposées par Paul (2004) 54
2.1- Une posture éthique 54
2.2- Une posture de non-savoir 54
2.3- Une posture de dialogue 54
2.4- Une posture d'écoute 54
2.5- Une posture émancipatrice 55
III- La notion de l'identité et les
différentes formes identitaires 56
1- Définitions de l'identité 56
2- Identité professionnelle et socialisation 57
3- Formes identitaires et identités au travail 57
4- Les dynamiques identitaires et la double transaction 58
Synthèse de la deuxième partie 60
TROISIEME PARTIE : Problématique et
hypothèses de travail 62
I- Problématique 63
13
Question centrale 64
II- Hypothèses de travail 65
Première hypothèse 65
Deuxième hypothèse 65
QUATRIEME PARTIE : La phase pratique 66
I- Objectifs du stage pratique 68
II- Méthodologie de l'enquête 69
1- L'observation ethnographique 69
2- L'entretien semi directif 70
III- Déroulement du stage 71
1- Phase de collecte des données 71
1.1- Présentation des lieux de stage 72
1.1.1- L'Hôpital de Jour 72
1.1.2-L'unité de Diabétologie 74
1.1.3-Le service de Cardiologie 75
1.2- Le diagnostic éducatif 76
2- Phase d'observation ethnographique 77
3- Phase de réalisation des entretiens 78
3.1- Portrait des interviewées 78
IV- Traitement des scripts recueillis 80
1- Synthèse des verbatims 80
1) Présentation, représentation et organisation de
l'activité ETP par les infirmières
interviewées 80
2) Distinction entre une activité ETP et une autre
activité 87
3) Différences et similitudes entre la posture de
soignante et la posture d'éducatrice 89
4) Relation et interaction entre infirmière et patient
90
5) Changement personnel et professionnel 91
6) Description de l'identité actuelle en lien avec
l'intégration de l'activité ETP 94
7) Communication entre pairs sur l'ETP 95
2- Analyse qualitative des données 99
3- Discussion 106
14
4- Conclusion 111
1- Résumé de la recherche 111
2- Cheminement de la recherche 112
3- Résultat de la recherche 113
4- Prolongation de la recherche 113
Table des abréviations 116
Bibliographie 118
Partie Annexes 124
Annexe n°1 : Le cadre législatif de l'ETP 126
Annexe n°2 : Les compétences requises pour dispenser
l'ETP 127
Annexe n°3 : Les grands modèles pédagogiques
de l'ETP 128
a) Le modèle de la pédagogie classique 128
b) Le modèle de la pédagogie behavioriste 128
c) Le modèle de la pédagogie constructiviste
129
d) Le modèle de la pédagogie allostérique
129
Annexe n°4 : Questionnaire adressé aux
infirmières éducatrices 131
Annexe n°5 : 132
Script de l'entretien avec Infirmière à
l'Hôpital de Jour 132
Script de l'entretien avec Infirmière en unité de
Diabétologie 145
Script de l'entretien avec Infirmière en service de
Cardiologie 157
15
16
1- Introduction
La pratique de l'éducation thérapeutique du
patient est actuellement actée dans les textes de loi de la formation
initiale, définissant un positionnement professionnel attendu, et
concerne l'ensemble des professionnels de la santé. Aussi, la question
de cette pratique éducative est particulièrement investie dans
les recherches en sciences de l'éducation ces dernières
années. L'article R.4311-3 du code de la santé publique stipule
qu'en plus de l'éducation pour la santé, l'ETP fait partie
intégrante des actes infirmières exercés
particulièrement dans le cadre de leur rôle propre. Cette nouvelle
pratique éducative pour ces infirmières va-t-elle
générer des transformations vis-à-vis de leurs
représentations de l'éducation, du soin, et de la relation
infirmière/patient dans leurs pratiques quotidiennes ? Ce qui
nécessite que toute infirmière devrait actualiser et
développer des apprentissages, pour pouvoir « éduquer
», « accompagner » et « aider » le malade à
acquérir des compétences cognitives et physiques, pour maintenir
et préserver sa qualité de vie.
Ce travail de mémoire aura pour objectif de mieux
comprendre comment la mise en oeuvre de l'activité ETP dans les services
de soins, provoquerait des transformations dans les pratiques de
l'infirmière aux quotidiens, le fait de son implication dans la
production de nouvelles pratiques à visée formative. Et comment
cette nouvelle pratique impacterait son identité
professionnelle2 et sa professionnalité.
2 Les individus ne se posent que rarement des
questions sur leur identité, il nous semble donc judicieux de
considérer que les données recueillies abordent plutôt les
activités, les rôles, les places... c'est-à-dire ce que
l'on pourrait appeler la professionnalité ; aux chercheurs d'en
inférer une dimension identitaire...
17
2- Présentation du projet de formation de Master
2
Dans le cadre de ma préparation du diplôme
universitaire Master 2 « Analyse et Conception en Education et Formation
» à l'Université Paul Valéry de Montpellier, mon
cursus dans le domaine des Sciences de l'Education prévoit un travail de
recherche sur un thème choisi, en s'appuyant sur mes expériences
professionnelles, celles-ci relevant de deux domaines différents
notamment : la santé et la formation. Mon choix s'est alors porté
sur un thème abordant l'approche de l'introduction de l'éducation
thérapeutique au soin du patient, qui me parait constituer actuellement
un véritable enjeu de société.
J'ai choisi ce thème de recherche pour deux raisons,
qui découlent de mes expériences professionnelles acquises : dans
le domaine de la formation en tant que chargé d'études de la
formation professionnelle et continue au Ministère de l'Agriculture en
Algérie et actuellement, dans le domaine de la santé, en tant
qu'aide-soignante en milieu hospitalier en France.
Ces deux expériences professionnelles ont
suscité en moi une curiosité et un intérêt pour
l'enseignement et l'apprentissage en lien avec la pratique éducative en
milieu hospitalier, dont l'importance me passionne depuis que j'ai
commencé à travailler dans les différents services de
soins en poste fixe et/ou en remplacement dans les services de :
réanimation, chirurgie digestive, médecine et de psychiatrie.
Au début de ma fonction d'aide-soignante, mon but
était de découvrir les différentes activités en
lien avec les différentes pathologies. Ce qui explique mon exercice dans
les différents services cités plus haut. En passant d'un service
à un autre, je découvris les tâches multiples
confiées à mon binôme infirmière, qui devait
articuler des notions parfois contradictoires. Certains services lui exigent,
une technicité croissante où les soins requièrent des
compétences de plus en plus spécialisées tels que les
services de réanimations et de soins intensifs. D'autres services, lui
demandent de faire preuve de plus d'humanité et donc d'être plus
performante dans le domaine des relations humaines comme les services de
psychiatrie. En plus de son rôle d'évaluation de l'état du
malade, elle devait initier des mesures d'éducation
thérapeutique. Ce dernier rôle d'éducatrice, j'avoue que je
ne l'ai pas vraiment rencontré lors de mon passage dans les services de
soins somatiques. C'est ainsi, que j'ai vu naître en moi une
curiosité déclenchée par cette pratique éducative.
C'est au cours de mon travail en service de chirurgie viscérale que j'ai
découvert l'aspect « éducatif ». En effet, j'ai
assisté l'infirmière qui apprenait à un patient, à
prendre en charge tout seul la gestion de son « auto soin ». A ce
moment-là, j'avais remarqué que le patient n'était pas
vraiment intéressé
18
par l'apprentissage du soin et, que l'infirmière
disposait de très peu de temps pour l'éduquer, vu la charge de
travail qui l'attendait. Suite à la réaction du patient et
à sa réticence, j'ai demandé à l'infirmière
si c'était nécessaire qu'il apprenne à faire
lui-même son soin. L'infirmière m'avait répondu, qu'elle
devait l'éduquer pour le rendre plus autonome avant son retour au
domicile. Et elle avait rajouté, très embarrassée,
« il faut l'éduquer à l'auto soin, pour qu'il puisse se
prendre en charge une fois chez lui. Mais s'il ne veut pas apprendre, on ne
peut le forcer, il aura une infirmière à domicile qui s'occupera
de son éducation ». C'est à ce moment-là, que le
mot « éduquer » m'a vraiment interpellé. Je me suis
alors dit : « pourquoi éduquer et pas apprendre à faire
». A ce stade, je me suis juste rendu compte que l'éducation
du patient s'avérait à priori nécessaire pour le
patient, mais sans trop savoir des outils qui devaient être
mobilisés pour rendre cette forme d'éducation efficace. En fait,
j'étais comme la plupart de mes collègues soignantes pensant que,
la représentation de l'éducation du patient était
principalement centrée sur le soin et la simple information.
C'est à partir de ce constat que j'ai commencé
à m'interroger sérieusement sur la pratique éducative. Je
me suis donc questionnée sur le « rôle éducatif
». Faudrait-il à l'infirmière de joindre son rôle
éducatif à son rôle de soignante ? Ou bien, cela
nécessite-t-il de transformer catégoriquement sa
représentation relative à la prise en charge du patient, et
à son mode d'organisation vis-à-vis de son activité
habituelle dans son service de soins, pour qu'elle puisse accomplir son
rôle d'«infirmière éducatrice » ? Dans ces
conditions, comment ce rôle d'éducatrice va-t-il influencer son
identité d'infirmière ? Jusqu'au là, ces
différentes interrogations m'ont permis en effet de développer ma
question principale et de la centrer sur la fonction éducative de
l'infirmière.
19
3- Méthodologie de travail
Nous avons procédé par une recherche
documentaire auprès des ouvrages, d'articles, de recommandations
officielles et de sites Internet, dans le but d'identifier les
caractéristiques des pratiques professionnelles de l'éducation
thérapeutique du patient. Ensuite, afin de dégager des
indicateurs pour l'observation et l'analyse de l'activité de
l'infirmière, il nous a paru essentiel d'analyser les textes
législatifs, les articles de la presse spécialisée et les
rapports d'études qui lui sont consacrés. Par ailleurs, nous
avons étudié les référentiels du métier, des
compétences et de la formation initiale des infirmières, afin de
mettre en perspective les orientations définies pour l'ETP.
Pour un travail rigoureux, nous avions l'intention
d'étudié les domaines de compétences définis dans
les référentiels et l'architecture initiale des
différentes formations des professionnels3 de la
santé, impliqués dans l'activité ETP, afin
d'étudier les implications des uns et des autres par rapport à la
réalisation de cette activité éducative et, de
repérer l'intérêt du travail en équipe
pluridisciplinaire pour la prise en charge de cette activité. Cependant,
par manque de disponibilité de ces professionnels, nous n'avons pas pu
réaliser cette partie.
Nous avons élaboré notre travail en quatre parties
distinctes :
La première partie, portant un
éclairage sur les concepts et la pédagogie de la pratique de
l'ETP, donne une vue d'ensemble de cette activité thérapeutique
et précise ce que recouvre aujourd'hui cette mission d'éducation.
Nous avons choisi de décrire et d'analyser la démarche
éducative et de dégager les principales activités de
l'infirmière dans cette perspective. Ensuite, nous avons
présenté le système d'organisation du travail de
l'infirmière et son identité professionnelle, afin de pouvoir
répondre à la question de savoir : « Si l'introduction
de l'ETP aux soins, transformerait le système d'activité actuel
et l'identité de l'infirmière en devenant éducatrice
».
La deuxième partie développe
les modèles théoriques de soins et de l'identité, en lien
avec la pratique éducative, afin de déterminer les
différentes représentations que les infirmières ont sur
leur rôle propre et sur leur identité, devant cet autre volet de
l'activité d'infirmière qui la
3 Médecins, Kinésithérapeutes, Psychologues,
Diététiciens, Ergothérapeutes...
20
transforme en « rôle d'éducatrice »
devant le patient. Aussi, dans cette partie, nous avons jugé utile de
présenter les caractéristiques de l'accompagnement professionnel,
afin de pouvoir interpréter le rôle de l'infirmière dans la
pratique éducative.
La troisième partie traite la
problématique et les hypothèses de travail.
La quatrième partie nous l'avons
élaboré suite à notre enquête sur le terrain. Elle
précise les options méthodologiques que nous avons choisi pour
élaborer la phase de collecte de données et d'acculturation. Il
s'agit pour nous d'apprécier les déplacements
opérés sur les pratiques (soin- éducation) du fait de la
mise en oeuvre de l'ETP et, ce que ceci impacterait du sentiment
d'identité professionnelle. Il s'agissait au cours des
différentes phases de travail empirique de pouvoir identifier le travail
réel des infirmières éducatrices ainsi que les
significations qu'elles attribuent à leurs conduites, à leurs
postures, à leurs gestes, à leur identité...
21
PREMIERE PARTIE
22
Cadre conceptuel
23
I- Présentation de l'éducation
thérapeutique du patient
Quelle signification et quelle définition peut-on
donner à l'éducation thérapeutique du patient ? Que se
cache-t-il exactement sous cette expression ?
1- Les définitions de l'ETP
D'après J. Foucaud (2006), lorsqu'on aborde le terme de
l'éducation dans le champ de la maladie ou du handicap, Deccache et
Lavendhomme (1989) ont relevé plusieurs définitions utilisant des
terminaisons différentes. Les plus fréquentes sont : «
éducation du patient4 », « éducation
thérapeutique5 » et « éducation
thérapeutique du patient ». Ces termes ont été
opposés durant plusieurs années, ils sont aujourd'hui
considérés comme des synonymes dans la plupart des écrits
(p. 19).
a) La définition étymologique de
l'« éducation thérapeutique »
Pour nous éclairer davantage sur la signification de
« l'éducation thérapeutique », nous nous sommes
intéressé à l'étymologie des deux mots qui la
composent.
Pour le terme « éduquer », tous les
écrits que nous avons consultés évoquent deux origines :
« educare et ex ducere ». Le premier mot « educare
» traduit littéralement par « nourrir, élever,
instruire par » : sa signification vise à inculquer chez un
individu un ensemble de connaissances. Le deuxième, « ex ducere
» traduit littéralement par « guider, conduire hors de,
développer, épanouir, faire sortir de soi » : sa
signification a pour but d'aider la personne à se découvrir et
à utiliser au mieux ses potentialités. Dans ce sens,
l'éducation thérapeutique « conduit la personne à
grandir et à se dépasser. Elle implique également, un
conseil et un soutien lesquels, selon les circonstances, peuvent être de
nature psychologique ou sociale » (d'Ivernois et Gagnayre, 2011, p.
5).
Les deux origines de l'éducation semblent fondamentales
et indissociables dans le cadre de l'ETP.
Le terme « thérapeutique » existe depuis le
XVIIè siècle, il tient son origine étymologique du grec
ancien « therapeia » traduit littéralement par «
cure » : c'est le dérivé du terme «
therapévô » qui signifie « servir, prendre soin
de, soigner, traiter ». Il est aussi originaire du mot «
thràpôn » qui veut dire « serviteur » et
qui signifie « qui prend soin de ».
4 Cette notion est très proche de
l'éducation thérapeutique du patient qui lui est
postérieure.
5 Cette notion est répondue dans les
écrits, renvoie à la partie de l'éducation liée au
traitement, à l'apprentissage de techniques de soins et de
surveillance.
24
Le dictionnaire Larousse définit le mot «
Thérapie » comme « une partie de la médecine qui
s'occupe des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres, propres à
guérir ou à soulager les maladies ». Il est
défini aussi, comme « une manière choisie de traiter une
maladie ».
A travers ces différentes significations, nous retenons
que la notion de la thérapie est liée à l'éducation
grâce à son action d'accompagner le patient à prendre soin
de sa personne et à connaître son propre corps. Pour d'Ivernois et
Gagnayre (2011), « cette éducation est thérapeutique,
non seulement parce qu'elle accompagne la thérapeutique mais parce
qu'elle est thérapeutique en soi par les effets positifs
qu'entraîne tout apprentissage » (p. 5), du fait qu'elle
rassure le patient par une meilleure compréhension de la maladie et du
traitement en le mettant en confiance par les moyens d'apprentissage.
b) Les autres définitions de l'ETP
De nombreuses définitions de l'ETP ont
été proposées dans les écrits. Celle que nous
proposons émane du travail mené par un groupe d'experts de l'OMS-
Europe. Cette définition a été publiée en
19966, traduite en langue française en 1998 et, reprise par
la Haute Autorité de Santé :
« Elle vise à aider les patients à
acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour
gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle fait partie
intégrante et de façon permanente de la prise en charge du
patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un
soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et
informés de leur maladie, des soins, de l'organisation et des
procédures hospitalières, et des comportements liés
à la santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider
(ainsi que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement,
collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre
prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et
améliorer leur qualité de vie » (guide
méthodologique de l'ETP, 2007, p. 10).
C'est la définition qui revient souvent dans les
écrits. Nous avons joint à cette définition de
l'OMS-Europe quelques interprétations formulées par d'autres
auteurs.
L'éducation thérapeutique du patient
représente pour C. Bouchet (2000, p. 6) le moyen de mieux
écouter, informer les personnes afin de leur apporter de l'aide selon
leur besoin et leur degré de savoir et de savoir-faire afin qu'il puisse
gérer au mieux leur santé, grâce aux démarches
éducatives. Pour A. Deccache (1989), il s'agit d'un « processus
par étapes,
6 Therapeutic Patient Education - Continuing Education Programmes
for Health Care Providers in the field of Chronic Disease, 1996.
25
comprenant un ensemble d'activités
organisées de sensibilisation, d'information, d'apprentissage et d'aide
psychologique et sociale... » (p. 45). Gagnayre et d'Ivernois (2011)
considèrent l'ETP comme une pratique singulière qui suscite
quelques interrogations sur la participation du patient à la gestion de
sa maladie, pour devenir le médecin de lui-même (p. 1). C'est
aussi le moyen de considérer le patient comme un sujet et non plus comme
un individu (p. 36). Le fait que sa visée est de faire acquérir
au patient les compétences nécessaires qui lui permettent de se
prendre en charge et « concilier projet de vie avec les exigences de
la gestion de la maladie et du traitement » (Gagnayre, 2002, p. 129).
Elle favorise aussi « l'expression d'une norme thérapeutique
nouvelle, redéfinie par le patient et le soignant, gage de la rencontre
du projet médical de l'un et du projet de vie de l'autre »
(Barrier, 2010, p. 214).
Si l'on reprend les différentes définitions,
celle de l'OMS-Europe représente une référence
fondamentale. Elle clarifie l'activité ETP et lui donne un cadre. Elle
centre sa réalisation dans les établissements hospitaliers. Il
s'agit d'une priorité de soins centrée sur le patient atteint
d'une maladie chronique, le considérant comme un individu qui peut
participer à la gestion de sa maladie. Toutes les autres
définitions se rejoignent sur le but principal de l'ETP, dont la
visée est l'accompagnement par une démarche éducative afin
de promouvoir l'autonomie du patient et d'améliorer d'avantage sa
qualité de vie. Donc, à travers toutes ces
interprétations, nous retenons que l'ETP représente un outil
incontournable pour la prise en charge des maladies de longue durée,
nécessitant plus d'écoute et d'information de la part des
soignants, en incitant une motivation à l'acquisition de connaissances,
de compétences et d'attitudes appropriées par le patient. Les
apports de ces connaissances doivent s'inscrire dans une démarche
éducative. Ces définitions ont poussé notre
curiosité à s'intéresser à l'émergence de
l'ETP et dans quel contexte elle a été imposée aux
professionnels de la santé.
2- Les fondements et les contextes d'émergence de
l'ETP
L'étude de R. Gagnayre (2002) cité par
d'Ivernois et Gagnayre (2011, p. 3) et l'écrit de J. Foucaud (2006, pp.
19-20) engagent des enjeux sociaux, philosophiques, économiques et
épistémologiques comme quatre principaux facteurs pouvant
être considérés à l'origine de l'émergence de
l'ETP.
a) Le facteur social
Pour J. Foucaud (2006), l'ETP a émergé dans les
pays industrialisés à partir du milieu du siècle
précédent grâce à l'accomplissement de certains
progrès dans le domaine médical. Des
26
traitements complexes et de longue durée ont
été proposés pour ces maladies qui ne se «
guérissent » pas mais se « gèrent
», nécessitant de la part du malade une participation active.
Dans ces pays, l'ETP est historiquement liée au diabète (p. 19).
Gagnayre et d'Ivernois (2011, p. 38) témoignent de l'étude de
Miller et Golstein (1972), qui a démontré que l'utilisation de
l'insuline dans le diabète représente un très bon exemple
pour les chercheurs. Sa manipulation demande au patient la mobilisation de
connaissance, de savoirs pratiques et d'aptitudes personnelles. D'après
ces auteurs, l'ETP s'est, ensuite transposée et adaptée à
d'autres maladies chroniques7.
En France, l'ETP est au coeur des débats des politiques
et des professionnels de la santé depuis déjà plusieurs
années. Le nombre de personnes vivant avec une maladie chronique est en
augmentation constante. En 2007, le Ministère de la santé et de
la solidarité a déclaré 15 millions de personnes atteintes
de maladies chroniques8, soit près de 20% de la population
française. Selon le rapport de l'OMS (1998), ce chiffre étant en
progression continue dans un contexte de vieillissement de la population. Ce
phénomène est lié aux comportements de santé en
lien avec la mauvaise alimentation, la sédentarité, le tabagisme
et autres addictions... qui semblent être à l'origine de
nombreuses affections chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le
diabète, le cancer et les maladies transmissibles (HAS, 2007).
La pratique de cette activité thérapeutique a
été reconnue officiellement par la France en 2009, suite au
constat de la Société Française de Santé Publique
(SFSP) qui avait publié en 2008 : « La plus part des malades
chroniques ne [bénéficient] d'aucun programme d'ETP... »
(rapport HCSP, 2009, p. 2).
Le facteur social concerne alors les progrès de la
médecine qui permettent aux patients de participer à la prise en
charge de leur maladie, afin de vivre au mieux avec une pathologie
chronique.
b) Le facteur philosophique
Pour J. Foucaud (2006), le facteur philosophique de
l'émergence de l'ETP est lié au mouvement de la philosophie
existentialiste et à son cortège de revendication de droit
à l'égalité et à l'autodétermination, paru
dès la fin des années 1950. Ces mouvements se développent
et se concrétisent aussi dans le domaine de la santé, par la
demande des malades à la participation aux décisions en
matière de traitement. Emerge alors l'idée que tout être
humain est capable d'autonomie, a des droits en tant que personne malade et, a
des
7 Comme l'asthme bronchique (Gagnayre et al. ,1998),
la broncho-pneumopathie chronique obstructive (Bourbeau, 2003), le syndrome
d'apnée du sommeil (Engleman, 2003), les maladies cardiovasculaires
(strömberg, 2005).
8 Plan d'amélioration de la qualité de vie des
patients atteints de maladies chroniques (2007-2011).
27
compétences en matière de décision. Il
s'agit d'une nouvelle relation médecin/malade basée sur
l'observance (p. 20). Pour d'Ivernois et Gagnayre (2011), « cette
position philosophique du sujet rend à chacun sa possibilité
d'être dans sa singularité » (p. 3). C'est-à-dire
qu'elle octroie à la personne malade des droits et lui confère
des capacités de décision. En France, cette apparition
philosophique entreprend un changement de statut du patient, renforcée
par la loi du 4 mars 2002, qui stipule le droit des malades à
l'autodétermination et à l'information.
c) Le facteur économique
D'après d'Ivernois et Gagnayre (2011), l'étude
de Tarquinio et al, (2007) témoigne que le plan
économique français avait énoncé des effets
« désastreux » liés à la non observance
des maladies chroniques qui ont souvent pour conséquences : «
de prolonger la durée des maladies, d'augmenter le nombre d'arrêts
de travail, la fréquence de visite chez le médecin et la
durée des hospitalisations des malades » (p. 25). Pour ces
auteurs cette situation se traduit par l'insuffisance des réseaux de
soutien pour les maladies chroniques en milieu urbain et rural menaçant
le maintien à domicile des personnes isolées. Ce qui explique le
retour massif de ces malades aux urgences hospitalières. Ce constat a
obligé les organisations de santé à mettre en avant les
pratiques de l'ETP.
Pour J. Foucaud (2006, p. 20), l'augmentation de la
prévalence des maladies chroniques et l'évolution technologique
de la médecine ont contribuer à l'augmentation des coûts de
santé. D'après cet auteur, dès les années 1970,
« l'ETP va se montrer efficace pour réduire le nombre et la
durée des hospitalisations ». Pour lui, l'étude de
Miller et Golstein (1972) témoigne de l'efficacité de
l'éducation thérapeutique par rapport à la
réduction du nombre et de la durée des hospitalisations des
personnes atteints de maladies chroniques.
d) Le facteur épistémologique
Pour J. Foucaud (2006), le facteur
épistémologique est en lien avec le développement des
comportements dans le domaine de la santé paru dès le
début des années 1960 : « les théories
développées dans le champ de la psychologie, de la psychologie
sociale, de la santé publique et des sciences de l'éducation
notamment, vont permettre de mieux connaître les variables en lien avec
le développement de comportements protecteurs de la santé »
(p. 20). Progressivement, les apports de ces différentes
théories seront intégrés dans le cadre de démarches
d'éducation thérapeutique du patient. Tous les écrits
témoignent de l'influence des sciences de l'éducation par ces
différentes théories. Cette influence représente pour
Giordan (2010, p. 2) la source des fondements théoriques de l'ETP. Elle
justifie la diversité de ses modèles d'enseignement et
d'apprentissage, actuellement, regroupés en quatre modèles
28
pédagogiques, à savoir : le modèle
classique, le modèle béhavioriste, le modèle
constructiviste et le modèle systémique, que nous avons
développé et présenté en annexe 3.
3- La validation de la pratique de l'ETP
Le concept de l'ETP a été reconnu par
l'OMS-Europe, décrivant l'éducation thérapeutique du
patient comme une continuité indispensable à l'éducation
à la santé (Charte d'Ottawa, 1998). En France, l'ETP a
été reconnu officiellement en 2009, et commence à
s'inscrire dans le parcours de soins du patient (Loi CSP, art. L. 1161-1
à L. 1161-4). Ses modalités de mise en oeuvre sont
décrites dans l'article 84 de cette loi. Dans ce sens, la loi HPST
(2009) a conçu des Programmes d'Education Thérapeutique du
Patient (PETP), des Actions d'Accompagnement (AA) et, des Programmes
d'Apprentissage (PA) pour les patients atteints de maladies chroniques. Ces
actions thérapeutiques s'appuient sur un cadre
législatif.9 La mise en oeuvre de ces actions a
été confiée aux professionnels de la santé (HAS,
2007).
4- Les compétences requises pour dispenser
l'ETP
Le décret n°2010-906 du 02 Août 2010,
représente la première référence
réglementaire qui décrit les compétences fondamentales
pour pratiquer l'ETP. Il s'agit des formations continues10
destinées aux professionnels de la santé. Ces formations
permettent aux soignants d'acquérir les compétences
relationnelles, pédagogiques, organisationnelles et
méthodologiques. Elles s'appuient sur les contenus et les objectifs
pédagogiques définis par l'OMS (1998, p. 21), permettant la
conduite de la séance éducative de l'ETP (HAS, 2007). La
formation initiale doit préparer les soignants à mieux prendre en
charge l'activité thérapeutique, elle aborde la psychologie, les
méthodes pédagogiques, les modèles théoriques et
les finalités de l'ETP. Dans ce cadre, suite à une enquête
réalisée en collaboration avec un groupe d'expert international
et la participation de nombreux acteurs de l'éducation
thérapeutique,11 un référentiel12 de
compétences pour pratiquer l'ETP a été initié par
l'INPES en 2013. Les compétences recueillies regroupent trois domaines
techniques (relationnelles, pédagogiques et
organisationnelles).13Elles peuvent être reformulées
selon les contextes, les
9 Joint en annexe n°1.
10 de sensibilisation de 8 à 15 h et des
formations dites fondamentales de niveau 1, d'une durée de 40 heures
d'enseignements théoriques et pratiques (OMS, p. 21).
11 Le pilotage du projet a été
réalisé par Jérôme Foucaud (chargé
d'expertise scientifique en promotion de la santé à l'Inpes).
12 Décret n°2013-449 du 31 mai 2013.
13 Joints en annexe 2.
29
situations, et les acteurs concernés. Elles ne
correspondent ni à un seul métier de la santé, ni à
un seul professionnel, elles concernent une équipe
pluridisciplinaire.14 Parmi tous ces professionnels de la
santé impliqués dans la pratique de l'ETP, nous avons voulu
consacrer notre étude à l'implication de l'infirmière dans
la réalisation de cette pratique éducative, étant
donné que l'éducation pour la santé et l'ETP font partie
intégrante de ses actes professionnels stipulés par l'article R.
4311-3 du code de la santé publique. Elle les exerce
particulièrement dans le cadre de son rôle propre, auprès
des personnes, à tous les âges de la vie. Que celles-ci soient en
établissement de santé, au domicile, en entreprise, à
l'école, au collège, au lycée...etc.
Dans ce cadre, l'ETP va-t-elle concourir à une nouvelle
pratique infirmière ? Puisque cette pratique exige une démarche
éducative. Sur quelle approche pédagogique se fonde-t-elle ? Afin
de pouvoir répondre à ces interrogations, nous
présenterons au chapitre suivant, la démarche pédagogique
de l'ETP.
5- La démarche pédagogique de
l'ETP
Avant d'aborder la démarche pédagogique de
l'ETP, nous souhaitons citer l'étude réalisée par A.
Giordan (2010), 15qui explique que le modèle de
référence de l'enseignement en ETP était axé sur
l'apprentissage de notions et de gestes thérapeutiques centré sur
le biomédical, du fait qu'une maladie est supposée avoir une
cause organique ou biologique (microbe, génétique, stress, etc.)
L'acteur principal de l'action éducative serait le soignant. Celui-ci
avait comme rôle principal d'intervenir sur la maladie et dispenser
l'enseignement approprié aux soins. Le patient dans la situation avait
plutôt un rôle passif, il appliquait et exécutait les
conseils et les recommandations du soignant. Pour ces enseignements
éducatifs, deux types de pratique étaient envisagés. La
première approche reproduisait le modèle universitaire comportant
des cours magistraux, accompagnés de travaux pratiques. La
deuxième est moins en usage dans les pays francophone, elle repose sur
un entraînement basé sur les principes. (Golay, Laggar et Giordan,
2010, pp. 1-2).
Progressivement, face à des maladies de plus en plus
chroniques, s'est mise en place l'idée que le soignant ne peut plus se
substituer au patient (faire à sa place ou penser pour lui). Et les
idées de « faire faire » au lieu de faire, «
faire dire » au lieu de dire et « faire construire
» au
14 Médecins, diététiciens,
kinésithérapeutes, ergothérapeutes, pharmaciens, ...
15 Etude faite par le laboratoire de didactique et
épistémologie des sciences à l'université de
Genève, pour le service d'enseignement thérapeutique des maladies
chroniques, dirigé par le Professeur A. Golay, Hôpitaux
universitaires de Genève, Suisse.
30
lieu de construire pour l'autre, ont incité la
préoccupation des politiques publiques qui, ont commencé à
encourager les professionnels de la santé à
réfléchir comment accompagner le patient à assumer ses
propres soins, en prenant des décisions concernant sa santé. Dans
ce cadre, l'HAS a proposé aux professionnels de la santé une
méthode pédagogique pour construire des programmes d'ETP. Ces
programmes doivent s'adapter à l'âge de la personne, à sa
fragilité et à ses besoins (HAS, 2007).
5.1- Les étapes de la démarche
éducative
Selon les recommandations de la HAS (2007), la mise en oeuvre
de la démarche éducative comprend principalement 4 étapes
à mettre en oeuvre par les professionnels de la santé. Il s'agit
d'élaborer un diagnostic éducatif, de définir un programme
personnalisé d'ETP, de planifier et mettre en oeuvre des séances
éducatives et enfin, de réaliser une évaluation des
résultats.
a) Le diagnostic éducatif
Appelé aussi « anamnèse
éducative », définit par l'OMS (1998) comme la
première étape du processus pédagogique. Pour d'Ivernois
et Gagnayre (2011), « il permet d'appréhender différents
aspects de la vie et de la personnalité du patient, d'identifier ses
besoins, d'évaluer ses potentialités, de prendre en compte ses
demandes et son projet dans le but de proposer un programme d'éducation
personnalisé » (p. 71). Il s'agit d'un recueil
détaillé et itératif d'informations,
réalisé par un soignant, « il est au mieux le fruit de
la collaboration d'une équipe multi professionnelle... »
(HAS/INPES, 2007, p. 27).
Le diagnostic éducatif doit représenter un temps
d'apprentissage pour le patient. Au cours de l'entretien, le soignant peut
s'aider d'un questionnaire préétabli. Il s'agit d'un guide
d'entretien et non d'un formulaire d'enquête, afin de permettre une
discussion ouverte basée sur la confiance. Dans ce cadre, d'Ivernois et
Gagnayre (2011), ont proposé un guide, aux professionnels de la
santé sous forme d'une trame de questions.16 Ce guide doit
être utilisé par le soignant comme un support structuré
pour l'entretien avec le patient. Il doit être adapté
également, aux spécificités de la maladie chronique et
à la population concernée. Le soignant durant le diagnostic
éducatif doit adopter une attitude d'écoute active favorisant
l'expression du patient et l'encourageant à poser des questions à
son tour, afin de pouvoir prendre des
16Qu'est-ce qu'il (elle) a ? Qu'est-ce qu'il (elle)
fait ? Que vit-il (elle) ? Que sait-il (elle) et que croit-il (elle) ? Que
peut-il (elle) faire ? Qui est-il (elle) ? Quels sont ses projets ? Dans quel
environnement est-il (elle) ?
31
décisions en commun et d'assurer la
compréhension mutuelle du but du diagnostic éducatif. Aussi,
à chaque entretien, le soignant doit transcrire l'ensemble des
informations recueillies dans le dossier éducatif du patient, afin
d'éviter d'éventuelles omissions ou répétitions. Le
diagnostic éducatif n'est pas définitif, il est évolutif
et progressif, il doit être réévalué par le soignant
à chaque rencontre avec le patient. Il peut être établie en
plusieurs séances car il requiert l'investissement d'un temps
nécessaire à l'instauration d'un climat de confiance entre
soignant/soigné (pp. 72-75).
b) La négociation des objectifs
Le soignant à travers le diagnostic éducatif
doit identifier avec le patient les compétences à mobiliser,
à maintenir ou à acquérir comme les compétences
d'auto soins, de sécurité et les compétences à
pouvoir gérer la maladie. Ces différentes compétences
doivent aboutir à la constitution et à la réalisation du
programme individuel de l'ETP. Le patient a toute la liberté de
s'engager dans le parcours éducatif ou pas, il peut aussi
redéfinir avec le soignant à tout moment les objectifs et les
modalités du suivi thérapeutique. C'est pour cela qu'on parle de
négociation des objectifs (HAS, 2007, encadré 4).
c) La planification et la mise en oeuvre des
séances éducatives
A ce stade, le soignant propose aux patients une planification
de séances éducatives, sous forme d'un contrat éducatif.
La réalisation de ces séances se fait soit dans des structures
dédiées aux soins (hôpitaux, réseaux de
santé, cabinet libéral médical ou paramédical...) ;
soit au domicile du patient ; elle peut être organisé aussi dans
le milieu carcéral. La détermination de la nature des
séances individuelles ou collectives dépendra de la
disponibilité des locaux et des professionnels de santé (HAS,
2007, encadré 5).
- Les séances individuelles : sont
destinées en priorité aux patients qui ont des difficultés
à se retrouver en groupe, et qui ont une dépendance physique,
sensorielle ou cognitive. La séance se déroule en
face-à-face entre le soignant et le patient seul, ou accompagné
de sa famille. Le soignant doit choisir le thème de la séance en
fonction du projet du patient et des compétences à faire
acquérir. La séance personnalisée doit se structurer en
trois temps : La préparation avant la séance, la conduite de la
séance et, l'analyse après la séance. La durée
moyenne d'une séance est de 30 à 45 minutes (HAS, 2007,
encadré 7).
- Les séances collectives : se
caractérisent par la présence d'un groupe de patients au
même moment, dans un même lieu. Ces patients ont en commun les
mêmes objectifs éducatifs. L'avantage de ces séances, c'est
le partage d'expériences entre patients. La séance doit
être animée par plusieurs soignants, leur rôle est de
favoriser les échanges entre les participants. La taille de chaque
groupe est de 8 à 10 personnes y compris les accompagnants. Le nombre
32
de participants varie selon le thème de
l'activité éducative et la compétence à
acquérir. La séance collective se structure aussi en 3 temps
comme la séance individuelle. Sa durée est de 45 minutes à
1 heure, entrecoupée de pauses. Eventuellement, les soignants peuvent
programmer plusieurs séances collectives au cours d'une
demi-journée sans dépasser une durée de 3heures (AHS,
2007, encadré 7).
- Les séances en alternance : une
alternance de séances individuelles et collectives peut être
proposée à un patient par les soignants, selon la
compétence à vouloir acquérir. Par exemple, pour
l'acquisition de compétences d'auto soins complexes, une alternance de
séances peut avoir un intérêt pour l'apprentissage. Cette
alternance doit être planifiée dans le programme
personnalisé du patient. (HAS, 2007).
d) La phase d'évaluation
Cette phase aborde l'évaluation des objectifs
thérapeutiques définis dans le contrat éducatif. Par
exemple, durant la phase d'évaluation, le soignant demande à un
patient diabétique, d'expliquer sa maladie, les traitements qu'il prend,
la réalisation d'un auto soin, ou vérifier la lecture d'une
glycémie. C'est grâce à l'évaluation des objectifs
que les soignants peuvent s'interroger sur l'adéquation des
méthodes pédagogiques et sur les outils mobilisés pour
l'activité thérapeutique. L'évaluation de l'ETP doit
être utilisée de manière formative ne portant aucun
jugement sur le patient. A travers un dialogue structuré, le soignant
doit faire le point avec le patient pour l'aider à développer des
compétences d'auto- évaluation. La visée de cette
rencontre est l'actualisation du diagnostic éducatif, qui conduit les
soignants à proposer au patient ; soit une offre de suivi de «
reprise » pour approfondir et compléter l'éducation initiale
; ou bien, de nouvelles séances éducatives sous forme de «
suivi régulier » ou de « renforcement », afin de
maintenir les compétences ou de les actualiser. (HAS, 2007).
5.2- Les ressources et les techniques
éducatives de l'ETP
Comme nous l'avons spécifié, la pratique de
l'ETP mobilise des moyens humains comme les professionnels de la
santé17 travaillant dans les établissements de soins
formés spécialement à cette activité (HAS,
2007).
La pratique de l'ETP mobilise également des moyens
techniques et des outils pédagogiques, facilitant les interactions et
les médiations avec le patient et sa famille. L'ETP s'appuie sur les
ateliers, les exposés interactifs, les tables rondes, les jeux de
rôle, les stimulations de gestes et
17 Aux côtés de ces professionnels de
santé travaillant dans les établissements de soins, il y a les
personnels de secrétariat, administratifs et techniques, il y a
également ceux qui interviennent dans les secteurs mutualiste,
assurantiel et industriel aussi concernés par l'action de l'ETP (HAS,
2007).
33
de techniques. Ces pédagogies s'appuient sur le
vécu et l'expérience antérieure du patient. D'autres
outils pédagogiques peuvent être sollicités (affiches,
brochures, bande audio ou vidéo, matériel de soins, ...) Ces
outils doivent compléter la séance éducative, mais pas
l'interaction soignant/soigné. Le choix des ressources
pédagogiques doit se faire en concertation avec toute l'équipe
soignante qui met en oeuvre le programme de l'ETP. Ces ressources doivent
être disponibles, accessibles et adaptées aux objectifs des
séances éducatives (HAS, 2007). Puisque l'infirmière est
impliquée dans la pratique de l'ETP, nous allons développer son
métier pour le mettre en lien avec cette activité
éducative.
34
II- Présentation du métier de
l'infirmière
L'infirmière exerce son métier dans le respect
des articles R.4311-1 à R.4311-15 et R.4312-1 à 4312-49 du code
de la santé publique.
1- Définition du métier de
l'infirmière
L'infirmière prévoit, prodigue et évalue
des soins de nature préventive, curative ou palliative, visant à
promouvoir, maintenir et restaurer la santé de la personne, elle
contribue à l'éducation, à la santé et à
l'accompagnement d'une personne ou d'un groupe dans leur parcours de soins,
elle intervient de manière autonome et en collaboration avec une
équipe pluridisciplinaire. C'est la définition donnée par
le référentiel du métier de l'infirmière (2009),
que nous avons résumée. Ce référentiel
décrit les activités du métier de l'infirmière et
les compétences requises pour l'exercer. Ces dernières doivent
être maîtrisées et attestées par l'obtention du
diplôme d'état (IDE), décrit et inscrit dans la
réglementation figurant au code de la santé publique.
L'infirmière est soumise au respect des règles professionnelles
et notamment, au respect du secret professionnel, dans l'ensemble de ses
activités.
En effet, ce métier d'infirmière s'exerce en
clinique, à l'hôpital public ou privé, dans des services de
courts séjours, de longs séjours avec des patients jeunes,
âgés, dialysés...ou dans des services très technique
(service de réanimation...), ou très relationnel (service de
psychiatrie...). L'infirmière travaille seule (soins à domicile),
en binôme (infirmière/aide-soignante pour un secteur de 10
à12 patients) ou en équipe (dans un service hospitalier). En plus
de son travaille, elle peut s'inscrire dans la « réserve sanitaire
» ou elle peut apporter les premiers soins d'urgences aux personnes
touchés par des catastrophes. Le métier de l'infirmière
est extrêmement varié, sans oublier les aléas d'être
amené à travailler de tout temps : la nuit, le week-end et les
jours fériés.
De cette présentation du métier de
l'infirmière, nous tentons de développer la compétence de
l'infirmière en lien avec la pratique de l'ETP et les principales
activités en lien avec la pratique infirmière.
2- La compétence infirmière en lien avec
l'ETP
Parmi les dix compétences de l'infirmière
décrites par le référentiel de son métier (2009),
la compétence 5 intitulée « Initier et mettre en oeuvre
des oeuvres éducatifs et préventifs » incite
l'infirmière à éduquer le patient. Ce qui explique
l'intégration de l'ETP dans le cursus de la formation initiale, en
application de l'arrêté du 31 juillet 2009, relatif au
Diplôme d'Etat des Infirmières. Cette compétence doit
initier l'infirmière à « concevoir et mettre en oeuvre
une
35
démarche d'éducation thérapeutique
». Elle repose sur quatre unités d'enseignement, soit plus de
150 heures théoriques et pratiques, réparties sur les trois
années de formation. Ainsi, l'infirmière peut assurer pleinement
son rôle d'éducatrice (Bulletin officiel santé/ n°7,
2009, p. 276).
Selon l'Ordre National des Infirmiers (ONI, 2010), bien que
l'activité ETP soit très investie par la profession, elle reste
très mal connue étant « le contenu des pratiques peu
étudié par la recherche en soins, elle reste souvent
occultée, dans une perspective organisationnelle et financière
médico- centrée, [...j » (p. 3).
En effet, si les différentes compétences de
l'activité de l'infirmière l'incitent à réaliser
des soins somatiques et thérapeutiques. Quelle définition peut-on
donner à l'activité infirmière ? C'est dans cette
perspective que nous voulons définir la notion de l'activité.
3- La notion de l'« activité » dans
les pratiques de l'infirmière
Nous avons choisi une entrée par la notion d'«
activité » car elle représente pour nous la tâche
« réelle » souvent distincte de la tâche «
prescrite », assignée par le référentiel des
compétences. L'infirmière réalise différentes
tâches dans le cadre de son activité de soignante. C'est dans ce
sens, que nous voulons définir les termes « tâche et
activité » séparément. Etymologiquement, le mot
« activité » vient du latin « activitas »
dérivé de « activus » (actif, relatif
à l'action), de « actus » (action), et de «
agere » (agir). Et, le mot « tâche » vient du latin
médiéval « tasca » qui signifie : redevable,
travail donné à accomplir. Ce terme est défini aussi par
le dictionnaire Larousse comme un « travail, ouvrage à faire
dans un temps déterminé et à certaines conditions
», c'est aussi « une conduite dont on se fait une obligation
». Ici, c'est l'activité représentée en «
tâche réelle » relevant du rôle propre de
l'infirmière qui nous intéresse, étant donné que la
« tâche prescrite » relève du rôle prescrit, le
fait qu'elle répond à une exécution hiérarchique
(médicale). Dans ce cadre, nous nous appuyons sur la théorie de
l'analyse du travail de Ombredane et Faverge (1955, p. 2), qui distingue le
« quoi » et le « comment » du travail.
Donc, le « qu'est-ce qu'il y a à faire »
répond à la tâche prescrite pour l'infirmière,
et le « comment les travailleurs le font-ils ? »
répond à comment cette infirmière s'organisera pour
le faire et dans quelle condition (rôle propre). J. Leplat (1997, pp.
16-17) explique que quelques années plus tard, cette distinction a
été retravaillée par Leplat et Hoc (1983), qui parlent de
tâche et de l'activité séparément : «la
tâche indique ce qui est à faire, l'activité, ce qui se
fait ». Selon Leplat, ces chercheurs ont démonté que la
notion de tâche et différente de celle de l'activité : la
notion de tâche véhicule l'idée de prescription, voire
d'obligation ; tandis que la notion d'activité renvoie aux
tâches
36
réalisées par l'agent pour la réalisation
du prescrit, ainsi, il remplit ses obligations. L'activité
représente aussi une construction singulière qui «
exprime en même temps la tâche prescrite et l'agent qui
l'exécute [...]. Elle traduit notamment ses compétences, ses
motivations, son système de valeurs... » (Leplat, 1997, p.
33). Alors qu'elle renvoie pour Dubet (1994) à la notion d'«
acteur », pour lui, l'expérience est définie comme
une combinaison de logiques d'action, qui lie l'acteur à chacune des
dimensions d'un système. Dans cette vision « l'acteur est tenu
d'articuler des logiques d'action différentes, et c'est la dynamique
engendrée par cette activité qui constitue la subjectivité
de l'acteur et sa réflexivité » (p. 105).
Au travers de ces interprétations, nous retenons que
l'activité (ce qui se fait) désigne une ou plusieurs
missions (initiatives) exécutées par l'infirmière dans le
cadre de son rôle propre. Alors que la tâche (ce qui est
à faire) indique ce qui relève du prescrit pour
l'infirmière, que celle-ci réalise seule ou en équipe, en
exécutant un processus de soins. Donc, l'activité attribue une
place centrale à l'infirmière, la désignant comme acteur
dans son service de soins. Nous pouvons alors, dire que l'«
activité » pour l'infirmière désigne un ensemble
distinct d'actions identifiées, organisées selon un processus
logique, observable en tant que tel. Cela peut être le cas aussi de
l'« activité ETP » qui doit être exécuté
par l'infirmière, ou par une équipe pluridisciplinaire. La
réalisation de cette activité ETP requière la mobilisation
de certaines compétences éducatives préalablement
identifiées. Dans ce sens, la notion de l'activité renvoie notre
curiosité à développer les différentes
activités de l'infirmière pour distinguer les tâches qui
lui ont été attribuées.
3.1- Les différentes activités de
l'infirmière
L'activité de l'infirmière est définie et
couplée par deux rôles dominants : le rôle prescrit et le
rôle propre (code de la santé publique mentionné en page 26
de ce travail).
? Le rôle prescrit est induit par la prescription
médicale ;
? Le rôle propre découle de la fonction de
l'infirmière.
Parmi ces deux rôles, nous allons développer le
rôle propre, par lequel l'infirmière se voit reconnaître
l'autonomie, la capacité de jugement et d'initiative. Elle en assume la
responsabilité.
a) Le rôle propre de
l'infirmière
Avant de définir le « rôle propre de
l'infirmière », nous jugeons utile de présenter d'abord la
signification du « rôle propre ». Pour le dictionnaire
Larousse, c'est un ensemble de normes et d'attentes qui régissent le
comportement d'un individu, du fait de son statut social ou de sa fonction dans
un groupe. Hesbeen (1997, p. 36), s'est intéressé aux actions
relevant de ce rôle
37
propre pour l'identifier à une manière de faire,
qui est toujours différente d'une personne à une autre. Il s'agit
« des petits gestes, des petits détails, au caractère
anodin, peu mesurable, non spectaculaire nécessitant une analyse et une
adaptation constante » (gestion hospitalière n°323, p.
23). C'est aussi une façon dont se joue une activité
d'après Collière (1982), « il est constitué d'une
infinie de [variables] qui interfèrent, qui sont en interaction, et vont
créer des différences dans la façon de faire, la
façon de procéder » (p. 235).
Pour ces définitions, la notion du rôle propre
sur le plan professionnel désigne une ligne de conduite, un ensemble
d'attitudes requises pour agir en autonomie dans son métier.
-La notion du « rôle propre infirmière
» est décrite dans la terminologie des soins infirmiers comme une
expression « employée pour désigner le domaine
spécifique de la fonction infirmière dans lequel lui sont
reconnues une autonomie et la capacité de jugement et d'initiative...
» (p. 41). M. Formarier (1990), le considère comme un «
rôle toujours nouveau » le fait que chaque patient porte en
lui l'originalité de son application ; un « rôle riche
» fondé sur la relation ; un « rôle
multidimensionnel » car il ne s'agit pas d'un rôle, mais une
pluralité. Pour Formarier, bien que ce rôle soit
codifié et décrit, il reste identifié comme un «
rôle difficile et exigeant » car « il se joue dans
une mouvance existentielle ». L'auteur explique que, la
complexité de ce rôle propre n'est pas dans le geste en soi, mais
en grande partie dans la finalité qui doit intégrer à ce
geste toute une dimension unique et humaine. Pour cet auteur, ce rôle ne
peut être que « porteur d'avenir », car «
bien qu'il étaye son présent sur les étapes de son
histoire, il forge son avenir en s'enracinant de plus en plus dans une
véritable science infirmière » (p. 52).
b) La définition législative du
rôle propre infirmier
Le décret du 15 mars 1993, précise les
différentes tâches relevant du rôle propre de
l'infirmière et, lui attribut « les soins liés aux
fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visent à
compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie
d'une personne ou d'un groupe de personnes ». L'infirmière au
début de l'exercice de sa profession, elle n'avait comme rôle que
celui « d'exécutante du médecin ». Il a fallu
attendre le 31 mai 1978, pour qu'une loi vienne modifier l'article L. 473 du
Code de la Santé Publique et instituer le rôle propre. Dans ce
cadre, l'infirmière a la compétence pour prendre les initiatives
et accomplir les soins qu'elle juge nécessaires conformément aux
dispositions des articles R.4311-5 et R.4311-6. Où elle identifie les
besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de
soins, met en oeuvre les actions appropriées et les évalue. Elle
peut aussi élaborer, avec la participation des membres de
l'équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son
initiative. Elle est chargée aussi de la
38
conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de
soins infirmiers. Cette définition législative du rôle
propre infirmier renvoie à deux champs d'action : un champ centré
directement sur la personne ; et un champ plus administratif centré sur
la gestion du dossier de soins.
c) Les caractéristiques du rôle propre
infirmier
Les différentes définitions citées plus
haut font apparaître deux mots clé que nous voulons
développer : la notion d'autonomie et celle de la responsabilité,
en lien avec le rôle propre infirmier :
- La notion d'« autonomie » : selon
le dictionnaire des Soins Infirmiers (1995), l'autonomie représente la
capacité qu'à l'infirmière pour prendre des initiatives et
des décisions dans le cadre de son travail. Pour Hesbeen (1997), c'est
aussi « la capacité de gérer ses propres limites, de se
gouverner à partir de ses propres normes,... » (gestion
hospitalière N°323, pp. 123-124). Donc, l'autonomie pour ce
rôle propre se représente dans la prise des initiatives d'agir
dans et pour l'activité, il s'agit de structurer un savoir être et
un savoir-faire qui permettront à l'infirmière d'être
reconnue comme une professionnelle à part entière.
- La notion de « responsabilité »
: selon le dictionnaire des Soins Infirmiers (1995), la
responsabilité est « l'obligation faite à
l'infirmière de répondre de ses actes et de ceux qui ont
été confiés aux auxiliaires et aux étudiants
qu'elle encadre ; elle découle de son habilitation à dispenser
des soins infirmiers ». Donc, l'infirmière est responsable de
la totalité du processus du soin et des tâches qui l'entourent :
elle analyse la situation que vit le patient ; détermine les
interventions adaptées pour atteindre les objectifs du soin à
réaliser ; supervisionne la tâche de ses collègues
aides-soignantes ; encadre les étudiantes infirmières et
décide de ce qui est à faire (du comment et du pourquoi le
faire), pour enfin pouvoir le réaliser. C'est ce qu'on appelle
«la démarche de soins » (gestion hospitalière
N°323, p. 169).
Nous tenons à préciser que les écrits qui
ont abordé le rôle propre de l'infirmière, ont souvent
associé à ce rôle des caractéristiques
spécifiques comme l'écoute, l'observation, l'aide... En effet,
c'est par la valorisation de ce rôle propre que cette infirmière a
pu retrouver une zone d'autonomie et de responsabilité pour exercer
pleinement ses différentes activités.
Maintenant que nous savons que l'activité ETP doit
faire partie des activités de l'infirmière. Peut-on
dégager de ce repère que cette pratique est réellement
appliquée par toutes les infirmières ? Si c'est le cas, l'ETP
représente-elle un soin au regard de ces infirmières ? Ou bien
s'agit-il d'un nouveau rôle qu'elles doivent adopter pour l'exercer ?
C'est dans ce cadre, que nous voulons aborder la notion des soins infirmiers
afin de dégager le lien avec l'activité ETP.
39
3.2- Les définitions des soins
infirmiers
Le dictionnaire Larousse donne une définition globale
au « soin infirmier » le caractérisant par « une
attention, une application envers quelqu'un ou quelque chose ». Dans
ce contexte, le mot « soin » prend la signification de «
moyens par lesquels on s'efforce de rendre la santé à un malade
». Le soin infirmier représente pour le Conseil International
des Infirmiers « tous les soins prodigués, de manière
autonome ou en collaboration, aux individus de tous âges, aux familles,
[...] quel que soit le cadre » (CII, 2015). Selon la
théoricienne V. Henderson (1969, p. 65), il s'agit d'« assister
l'individu, malade ou bien portant, dans l'accomplissement des actes [...]...
» C'est aussi une mission d'aide pour les infirmières, qui
doivent accompagner les patients « à réaliser leur
potentiel physique, mental et social et à y parvenir dans le contexte de
l'environnement dans lequel ils vivent et travaillent » (OMS, 1998).
Ce qui explique que l'action du « soin » englobe la notion d'aide
mental et social envers les malades. Elle convoque deux questions fondamentales
: celle de l'attitude que l'infirmière doit adopter pour soutenir le
patient et, celle de la relation infirmière/patient.
Au regard de ces définitions, nous retenons que les
soins représentent la « base » de l'activité de
l'infirmière, intégrant à la fois la qualité
technique, relationnelle et éducative avec le malade. A ce stade,
plusieurs points nous ont poussés en effet, à s'interroger sur
l'organisation du système d'activités des soins infirmiers. C'est
dans ce cadre que nous nous demandons : si dans le système de soins
actuel, les infirmières peuvent pratiquer l'activité ETP ? Si ce
n'est pas le cas. Ces infirmières doivent-elles réorganiser leur
système d'activités pour qu'elles puissent pratiquer l'ETP ? Dans
ce cas, cette pratique éducative bouleversera-t-elle l'organisation des
soins infirmiers ? Ces différentes interrogations nous ont
guidées vers la nécessité de présenter le
système d'activités des soins infirmiers actuel, afin de savoir
s'il répond aux exigences de l'activité ETP recommandées
par la loi HPST, à moins que les infirmières ne pensent à
de nouveaux modes d'organisation pour intégrer cette activité
éducative aux soins.
4- Le système d'organisation du travail
infirmier
Pour comprendre le système d'organisation des soins
infirmiers, nous tenons à définir d'abord les notions de «
l'organisation du travail » et du « système d'organisation
».
4.1- Définition de l'organisation du
travail
L'organisation du travail comme concept donne lieu à de
multiples définitions. La définition de St-Onge & al.
(2009) la présente comme étant « les moyens
utilisés pour diviser le travail en tâches distinctes et le
coordonner » (p.16). Pour ces auteurs, elle doit faciliter la
réalisation
40
des objectifs organisationnels, identifier et
reconnaître les capacités et les besoins des employés. Elle
ne peut s'accomplir que par l'analyse d'un poste de travail. C'est par
l'analyse de celui-ci que l'employeur peut déterminer les
activités, les tâches et les responsabilités liées
à l'emploi, aux décisions, aux procédures, à la
charge de travail, aux équipements nécessaires, aux
différents traitements de l'information ainsi qu'aux conditions de
travail favorables (pp. 7-11). Les auteurs Fried et Fottler (2010)
désignent l'organisation du travail comme un processus qui vise à
modifier, enrichir, élargir les fonctions et les tâches des
employés (p.162).
Ces deux définitions nous conduisent à
interpréter que l'une des premières missions de l'organisation du
travail est de mettre en place un mode de répartition des tâches
et, de coordonner le travail qui permet d'obtenir la meilleure
efficacité possible. Cette organisation doit être
réfléchie pour pouvoir modifier et enrichir les tâches
identifiées. Et tout cela grâce à un système
d'organisation spécifique à chaque domaine.
4.2- Définition du système
d'organisation
Pour comprendre le système d'organisation du travail de
l'infirmière, nous développons d'abord les significations que
sous-entendent les termes « système » et « organisation
». Le dictionnaire Larousse définit le mot « système
» par « un ensemble cohérant de notions, de principes
liés logiquement ; un ensemble organisé de règles, de
moyens tendant à une même fin... » Le mot «
organisation » est défini par une « coordination des
activités et des tâches en vue d'améliorer les conditions
de travail ». Donc pour le travail de l'infirmière,
l'organisation du système d'activités représente la
répartition des différentes activités d'un service de
soins entre les infirmières. Chaque infirmière doit donc
réaliser un ensemble de tâches, en vue de la continuité des
soins, dans un système ou les différentes tâches sont
organisées en fonction des priorités et du but de chaque
tâche. Etant le but d'un service de soins est d'assurer des soins de la
meilleure qualité possible.
4.3- Organisation du travail de
l'infirmière
La prise en charge d'un groupe de malades au sein d'un service
de soins, demande la mobilisation d'une équipe soignante engageant une
organisation spécifique par rapport à la charge de travail.
Chaque service de soins a son propre système de répartition des
tâches ayant des caractéristiques différentes permettant
une prise en charge globale ou personnalisée des patients. C. Mordacq
(1972, pp. 86-94), nous présente quatre modèles d'organisation du
système de soins infirmiers complètement distincts :
41
? Le système de type familial : demande peu
d'infirmières pour un nombre déterminé de patients
hospitalisés pour une longue durée (exemple : les maisons de
retraite). Ce modèle n'exige pas une organisation spécifique,
l'infirmière s'organise selon ses priorités ;
? Le système des soins en séries : chaque
infirmière effectue des tâches en série dont la
technicité correspondant à son niveau de formation. La relation
infirmière /patient est limitée à la catégorie des
soins. L'interaction entre les différents soignants du même
service est horizontale (les infirmières entres-elles, les
aides-soignantes entres-elles, les agents entres eux...) Les transmissions
écrites et orales sont d'ordres informels. La responsabilité est
d'ordre technique dans l'exécution précise des tâches.
L'organisation du travail est hiérarchisée, seul le
médecin chef est le cadre de santé (responsables du service)
seraient en mesure d'avoir la totalité des informations permettant de
faire la synthèse de la situation de chaque malade et d'effectuer un
contrôle ;
? Le système d'attribution individuelle : chaque
infirmière prend en charge un certain nombre de malades selon sa
formation et la gravité de l'état du malade. Ce modèle
présente peu d'interaction entre les infirmières du même
service pendant le travail, à moins que l'infirmière ait besoin
d'une aide ou d'un conseil. Ce qui peut provoquer un risque d'isolement pour
elle. Les transmissions écrites et orales, inter équipe sont
indispensables pour la continuité des soins (système de la
relève). Chaque infirmière est responsable de son organisation en
fonction de ses capacités. Les responsables supervisionnent
l'infirmière et interviennent en cas de besoin ;
? Le système des soins en équipe :
l'équipe est composée de soignants de niveau de formation et de
capacité différentes, affectés à un même
service de soins. Le nombre de l'équipe est délimité
chaque jour en fonction de la charge de travail estimé par le cadre de
service. Chaque soignant rend compte des résultats de son action. Il est
informé et organisateur de l'information. Les transmissions
écrites sont individuelles à chaque malade et archivées
dans son dossier de soins. Les transmissions orales, inter équipe sont
indispensable pour assurer le suivi et la continuité des soins. Des
réunions d'équipe sont organisées
régulièrement pour discuter de la répartition des
tâches et s'informer entre soignants sur des sujets précis. Les
relations médecin/infirmière/patient et familles sont directes.
Chaque professionnel à la parole pour la prise en charge des malades qui
lui sont confiés. L'organisation du travail se
42
fait par délégation de responsabilité
selon la capacité de chaque soignant. Ce modèle est le plus
reconnu dans les établissements hospitaliers de France.
Pour Mordacq (1972), repérer le système de soins
dans un service et en connaître les limites peut permettre à
l'infirmière de comprendre son fonctionnement et d'adapter la
stratégie qui convient pour travailler selon ses capacités, ses
valeurs et en trouver de la satisfaction. Nous rajoutons à cette
interprétation que l'infirmière travaillant dans un service
hospitalier ne peut éviter l'existence de certains
éléments, qui peuvent concourir à un remaniement de
l'organisation de son système d'activités, à savoir : la
loi HPST du 21 juillet 2009, qui organise les services de soins en pôle
dans un système de gouvernance hospitalière, en plus de
l'intégration de l'ETP aux soins quotidiens de l'infirmière. Ce
rajoute à cela, les contraintes budgétaires actuelles subies dans
un contexte de crise économique qu'a vu le système de
santé ces dernières années (OCDE, 2013). Nous supposons
que ces éléments vont sûrement contribuer à de
profondes transformations dans le système d'organisation des soins
infirmiers. Force est de constater que cette nouvelle situation va certainement
emmener les infirmières à s'interroger sur leur identité
professionnelle. C'est dans ce cadre que nous voulons aborder dans le chapitre
suivant l'identité professionnelle de l'infirmière, afin de
comprendre son évolution et sa construction.
43
III- Présentation de l'identité
professionnelle de l'infirmière
L'identité professionnelle de l'infirmière est
étroitement liée à son histoire. Il s'agit de la
reconnaissance d'une profession. L'identité professionnelle pour la
majorité des infirmières est déjà construite
dès son entrée à l'Institut de Formation des Soins
Infirmiers (IFSI). Selon Dubar (2002, p.142), « on quitte la formation
initiale avec une identité professionnelle reconnue ». La
population des étudiantes infirmières est très
hétérogène durant la période de formation. Celle-ci
regroupe différentes tranches d'âges (entre 17 et 50 ans), de
diverses origines et majoritairement féminines. Ces personnes justifient
soit du baccalauréat, ou d'autres niveaux d'études
équivalent. Ces futures infirmières peuvent être aussi des
professionnels de la santé en promotion ( comme le cas des
aides-soignantes et des auxiliaires de puériculture) et autres
professionnels en reconversion ayant exercés dans d'autres secteurs. Si
on se réfère à la socialisation de Dubar (1998, p.135),
ces infirmières en formation possèdent déjà une
identité personnelle et une conception de la profession en lien avec
leur identité, leur culture, leurs expériences, et leur histoire
de vie. Ce qui signifie que toute personne qui arrive en formation
paramédicale dispose de représentations, de conceptions et de
connaissances préalables qui auront forcement, une influence sur les
acquisitions ultérieures. Ces étudiantes infirmières vont
donc évoluer individuellement de façon différente au cours
de la même formation. Elles possèdent déjà une
identité personnelle reconnue par les autres et elles construisent une
nouvelle identité dont elles revendiquent la reconnaissance (Dubar,
1998, p.139).
De par la législation qui réglemente la
profession des infirmières, celles-ci travaillent en équipe et
partagent un ensemble commun de pratiques et de valeurs dans leurs diverses
activités quotidiennes, constituant ainsi une part importante de leur
identité professionnelle. Une sorte d'identité transmise et
partagée dès l'apprentissage par alternance pendant les stages
pratiques exigés par la formation initiale (théorie/pratique), et
tout au long du parcours professionnel (Dubar, 2002, p.142). Donc,
l'infirmière s'identifie et se construit face à cet ensemble
commun, qui définit toutefois le rôle attendu de ces
professionnelles, c'est-à-dire en quelque sorte leur
professionnalité. Cette professionnalité, organisée par
les connaissances, les capacités, les compétences et les savoirs,
est propre à une profession (Wittorski, 2005, p. 9). En effet,
l'identité professionnelle pour l'infirmière ne peut être
que le résultat d'un processus collectif comme nous l'a
précisé Dubar (2002, p.141). Celle-ci en s'identifiant à
un groupe de professionnel dans son service de soins, vit une sorte d'«
identification » toute particulière, à
44
savoir : sa personne avec son vécu, ses valeurs, ses
expériences qui ont forgé son caractère et son
identité personnelle. Si cette infirmière se retrouve face
à des interactions nouvelles avec un mode méconnu comme la
pratique d'une nouvelle activité ETP, alors qu'elle a déjà
une activité bien définie, elle-même marquée d'une
identité d'infirmière reconnue par des patients et des
professionnels (multidisciplinaire). Elle doit donc s'identifier face à
ces mutations dans son activité d'infirmière. Elle doit aussi se
sentir reconnu par ses pairs et par les patients dans son nouveau rôle
d'éducatrice, pour acquérir une identité
d'infirmière éducatrice. Nous supposons que tout changement dans
les habitudes de travail de cette infirmière, entraînera des
transformations identitaires profondes et une réorganisation de la
hiérarchie des activités et des priorités. Selon P. Tap
(1998, p. 66), « cette identité constitue un effort constant
pour gérer la continuité dans le changement, ce qui n'est pas
toujours facile ». L'identité ne devient alors « une
préoccupation et un objet d'analyse que lorsque les acteurs n'arrivent
plus à s'accorder sur la signification de la situation et les
rôles qu'ils sont censés tenir » (Pollak, 1990, p.
10).
45
Synthèse de la première
partie
Nous venons de constater au travers de la première
partie de notre travail, que le nombre alarmant des personnes vivant avec une
maladie chronique déclaré par le Ministère de la
santé et de la solidarité en 2007, représente un
problème de santé pour la population et un véritable souci
pour notre société, plaçant l'ETP au coeur des
débats des politiques et des professionnels de la santé, une des
priorités en matière de santé publique. Suite à ce
constat, l'activité ETP devient une nécessité, reconnue
par l'OMS-Europe en 1998, la décrivant comme une continuité
indispensable à l'éducation à l'auto soin. Plusieurs
études engagent des enjeux sociaux, théoriques et
épistémologiques comme principaux facteurs pouvant être
considérés à l'origine de son émergence. La
pratique de cette activité éducative a été reconnue
officiellement par la France en 2009. Elle s'inscrit dans le parcours des soins
du patient atteint d'une pathologie chronique. Les modalités de sa mise
en oeuvre sont décrites dans des articles de loi. Dans ce sens, des
programmes éducatifs sont conçus pour les patients. Leurs actions
s'appuient sur un cadre législatif et, leur mise en oeuvre a
été confiée aux professionnels de la santé.
Cette pratique éducative nécessite une
combinaison des modèles de la santé avec ceux de
différentes disciplines comme la psychologie, la sociologie, la
psychologie sociale, l'anthropologie et les sciences de l'éducation.
Elle apparaît comme une activité à part entière
qu'on peut assimiler aux autres soins curatifs. Son action d'accompagnement ne
peut se réduire à l'information sur des notions de savoirs ou de
savoir-faire (information sur une pathologie, ou technique d'auto soin), elle
nécessite un accompagnement pédagogique, le fait qu'elle vise
l'appropriation des savoirs et savoirs- faire par les patients.
Nous venons de voir aussi au travers de cette partie, la
très grande diversité que revêt l'activité
infirmière avec toute sa complexité et sa richesse. En effet,
l'activité de l'infirmière, et l'organisation de son
système d'activités ne dépendent pas forcément que
de l'application des prescriptions médicales, c'est aussi un rôle
propre, ou l'infirmière a la capacité de prendre des
décisions et des responsabilités pour les différentes
tâches qu'elle décide d'entreprendre. L'infirmière donne
des soins dans le cadre de ses deux rôles (prescrit et propre), assure la
prévention, la sensibilisation, l'information et l'accompagnement, pour
une prise en charge du patient. Avec l'intégration de l'ETP à ses
activités de soins, il ne s'agit plus, pour elle, de s'en tenir au seul
traitement de la maladie, mais aussi de prendre en compte la
répercussion de cette maladie sur l'ensemble des besoins de l'individu,
afin de maintenir, restaurer et promouvoir la santé du malade. Il s'agit
donc de demander à cette infirmière d'effectuer des changements
par rapport à : ses pratiques quotidiennes, ses représentations
et sa posture
46
d'infirmière. L'ETP considère aussi le patient
comme un usager qui sollicite les soignants pour l'aider à opérer
ses propres choix. Dans ce cas de figure, cette activité
éducative engagera éventuellement un transfert de
compétences de l'infirmière vers ce patient. Ce transfert de
compétence va sûrement engendrer un changement de statut que ce
soit pour l'infirmière ou pour le patient. Ce changement de statut va
modifier les rôles de chacun. L'infirmière deviendra une «
infirmière éducatrice », et le patient deviendra un «
apprenant particulier ». Face à cette situation et à ce
nouveau modèle de patient, l'infirmière éducatrice doit
avoir recours à de nouvelles compétences dites «
pédagogiques » pour intégrer l'activité ETP dans ses
pratiques.
47
DEUXIEME PARTIE
48
Cadre théorique
49
Dans cette partie nous proposons la théorie des soins
infirmiers de H. Peplau (1952), que nous jugeons qu'elle aborde la pratique
éducative. Ensuite, nous présenterons les modes d'accompagnement
professionnel proposés par M. Paul (2004) et, en dernier nous aborderons
les concepts de l'identité en lien avec la construction et la
transformation de l'identité professionnelle.
I- Présentation des théories de soins
infirmiers
L'activité de l'infirmière nécessite
savoir et réflexion, son impact sur la vie des personnes peut être
extrêmement grand. Différentes théories de soins ont
été proposés par plusieurs théoriciennes de soins.
Nous nous basons sur le travail de Kérouac et ses consoeurs (1996), pour
présenter les théories de soins, que nous estimons en lien avec
la pratique éducative. Ces auteurs ont répertorié dans un
livre intitulé « La pensée infirmière
conceptions et stratégies », vingt-trois théories
relatives aux soins. Ces théories ont été regroupé
en six grandes écoles : école des besoins18,
école de l'interaction19, école des effets
souhaités20, école de la promotion de la
santé21, école de l'être humain
unitaire22 et en dernier école du caring23. Pour
Kérouac, ces théories de soins consistent à expliquer,
décrire, prédire, diriger, contrôler et faire
18 Centre le soin sur l'indépendance de la
personne de satisfaire ses besoins fondamentaux et sa capacité
d'effectuer ses auto-soins. Le rôle de l'infirmière est d'aider
cette personne à retrouver son autonomie. Les principales
théoriciennes de cette école sont : Virginia Henderson, Dorothea
Orem et Faye Abdellah.
19 Voit le soin comme un processus interactif entre
une personne ayant besoin d'aide et une autre capable de lui offrir cette aide.
Les théoriciennes de cette école sont : Hildegarde Peplau,
Joséphine Paterson, Loretta Zderad, Ida Orlando, Joyce Travelbee,
Ernestine Widenbach et Imogene King ; elles ont réintroduit l'intuition
et la subjectivité dans le soin infirmier.
20 Les théoriciennes de cette école
sont Dorothy Johnson, Lydia Hall, Myra Levine, Callista Roy et Betty Neuman),
elles considèrent que le but des soins infirmiers consiste à
rétablir un équilibre, une stabilité, une
homéostasie (préserver l'énergie).
21 Est représenté par la
théoricienne Moyra Allen, qui s'est inspirée de la philosophie
des soins de santé primaires et la théorie de l'apprentissage
social de Bandura pour fonder son modèle intitulé «
modèle de McGill ». Ce modèle est orienté vers la
promotion de la santé de la famille.
22 Sa vision se situe dans le contexte de
l'orientation de l'ouverture sur le monde et du paradigme de la transformation.
Les théoriciennes de cette école sont Martha Rogers, Margaret
Newman et Rosemarie Rizzo Parse. Leurs théories découlent de
travaux philosophiques et de théories de la physique.
23 Elle s'intéresse à l'orientation
de l'ouverture sur le monde et le paradigme de la transformation. Les
théoricienns de cette école sont : Benner, Wrubel, Watson et
Leininger. Pour eux, le caring est formé par l'ensemble des actions qui
permettent à l'infirmière, de déceler de façon
subtile les signes d'amélioration ou de détérioration chez
la personne, en respectant les valeurs, les croyances, le mode de vie et la
culture des personnes.
50
comprendre le soin (c'est la fonction de l'infirmière).
Elles reposent sur quatre concepts fondamentaux qui sont : la personne, la
santé, l'environnement et les soins infirmiers. Parmi ces
théories, celle de Florence Nightingale (1859) représentant la
première théorie qui a défini les soins infirmiers. Cette
théorie consiste à placer la personne malade ou en santé
dans les meilleures conditions possibles pour que la nature puisse
préserver ou restaurer sa santé. D'après Kérouac,
elle définit les soins comme un service à l'humanité
basé sur « l'observation et l'expérience ». La
théorie des soins représente pour Nightingale, l'observation
intellectuelle apportée aux activités en lien avec les soins. Si
on se réfère à la signification étymologique du
terme « théorie » qui vient du latin « theoria
» emprunté au grec « theôrein », qui
désigne littéralement « observer ». Les théories
en soins infirmiers seraient donc des modèles de soins basés sur
l'observation intellectuelle et l'expérience comme le précise la
définition de Nightingale.
Nous tenons à préciser que le modèle de
soins infirmiers enseigné dans les IFSI et pratiqué par les
infirmières françaises, n'aborde pas la pratique
éducative. Son approche du soin se base sur les modèles
conceptuels de « l'école des besoins » plus influencée
par la théorie de Virginia Henderson (1994). Cette théorie
définit les soins infirmiers comme une aide apportée au patient,
une assistance dans les activités qu'il ne peut faire lui-même :
soit par manque de force, de volonté ou de connaissances, afin de
conserver ou de rétablir son indépendance dans la satisfaction de
ses 14 besoins fondamentaux24. Donc la théorie
enseignée dans nos IFSI, centre le soin sur l'indépendance de la
personne malade dans la satisfaction de ses besoins fondamentaux. C'est suite
à ce constat, que nous avons décidé de présenter la
théorie de Peplau (1952), issue de l'école de l'interaction, pour
nous, en plus de prendre soin, elle illustre l'importance de la dimension
relationnelle par rapport à l'activité de l'infirmière.
1- Présentation de la théorie de Peplau
(1952)
Pour présenter cette théorie et le rôle
qu'elle donne à l'infirmière, nous avons effectué une
synthèse des cours enseigné aux IFSI, il s'agit de l'unité
d'enseignement (UE 3.1), intitulée « Raisonnement et
démarche clinique ».
24 Respirer, boire et manger, éliminer, se
mouvoir, dormir et se reposer, se vêtir et se dévêtir,
maintenir la température du corps dans la limite de la normal,
être propre et protéger ses téguments, éviter les
dangers, communiquer, pratiquer sa religion et agir selon ses croyances,
s'occuper et se réaliser, se récréer et en dernier le
besoin d'apprendre.
51
Les soins infirmiers représentent pour Peplau
« un instrument éducatif, une force aidant à la
maturité, qui a pour but de promouvoir le développement de la
personnalité vers une vie créative, constructive, productive pour
l'individu et pour la communauté ». Peplau considère
qu'il apparaît essentiel de se poser un certain nombre de
questions25 avant d'accueillir un patient dans son unité de
soins. Le soin représente pour lui, une action « humaine »
et « non mécanique ». L'infirmière doit
posséder des connaissances systémiques, afin d'évaluer les
besoins d'aide de la personne, de poser un diagnostic, et de planifier une
intervention. Le patient doit être capable de reconnaître ses
besoins. Selon cette théorie, le soin est un « processus
interactif » entre une personne ayant besoin d'aide et une autre
personne capable de lui offrir cette aide. Donc, l'intérêt du soin
est centré sur le processus d'interaction entre l'infirmière et
le patient. Où, l'infirmière doit clarifier ses propres valeurs,
utiliser sa propre personne de façon thérapeutique et s'engager
dans la globalité du soin, qu'il soit curatif ou éducatif. Cette
théorie incite l'infirmière et le patient à se
connaître et à travailler en coopération pour
résoudre les difficultés. Dans cette perspective, la
théorie de Peplau questionne et s'intéresse au vrai rôle de
l'infirmière, à comment « une infirmière peut
aider le patient à prendre conscience de ce qui lui arrive pour mieux
développer un comportement coopératif... » A propos de
ce rôle, la théorie de Peplau propose différents
rôles indispensables à la pratique infirmière.
2- Le rôle de l'infirmière selon la
théorie de Peplau
Peplau (1952) dans sa théorie propose pour
l'infirmière six rôles fondamentaux :
? Le rôle de personne étrangère («
stranger role ») : l'infirmière accueille le patient comme
une personne à part entière avec son expérience et son
histoire de vie, elle tient compte des différents aspects pour
établir un climat de communication et de confiance mutuelle ;
? Le rôle de personne ressource (« ressource
role ») : l'infirmière donne les informations utiles et
pertinentes (répond aux questions, donne des explications, des
interprétations des données médicales) ;
? Le rôle éducatif (« teaching role
») : l'infirmière donne des instructions et participe à
l'éducation du patient, elle analyse le degré de
compréhension de la personne et adapte le processus éducatif ;
25Ccomment réagissent les individus
lorsqu'ils commencent à se sentir malades ? A quel moment
recherchent-ils une aide professionnelle, et quelles attitudes adoptent-ils ?
Savent-ils utiliser cette aide professionnelle ? ...etc.
52
? Le rôle de leader en soins infirmiers («
active leadership role ») : l'infirmière aide le patient
à s'impliquer activement dans les soins qui lui sont prodigués,
elle veille aussi à ce que la personne soit satisfaite du soin
donné ;
? Le rôle de substitut maternel (« surrogate
role ») : l'infirmière agit pour pallier les besoins du
patient, elle l'aide à clarifier la nature de cette relation en lui
donnant des repères ;
? Le rôle de conseillère, d'assistante
psychosociale (« counseling role ») : l'infirmière
guide le patient à comprendre et à accepter les changements de
son état de santé, elle l'accompagne et l'encourage à
faire face aux changements pour améliorer son mode de vie.
Ces rôles illustrent un schéma au
caractère dynamique et typique à la pratique de
l'infirmière. Pour nous, cette théorie questionne la posture
éducative de l'infirmière et son comportement avec le nouveau
modèle de patients (partenaire de soin), le fait qu'il s'agit de les
accompagner à l'apprentissage.
53
II- présentation des caractéristiques de
l'accompagnement professionnel
Comme nous l'avons précisé dans la
première partie de ce travail, parmi les missions de l'ETP
attribués à l'infirmière, relèvent les actions
d'accompagnement qui ont pour objectif d'apporter une assistance et un soutien
aux malades souffrant d'une pathologie chronique et/ou à leur entourage.
Dans ce cadre, l'infirmière doit accomplir des actions d'accompagnement
éducative comme : l'accueil et l'écoute du patient et son
entourage ; l'information, le conseil et la transmission de connaissances aux
patients sur leur maladie ; l'organisation et l'animation de séances
éducatives pour l'éducation de ces personnes. C'est dans ce cadre
que nous voulons développer la notion de l'accompagnement professionnel
dans ce chapitre.
1- Les définitions de
l'accompagnement
Le dictionnaire Larousse définit l'«
accompagnement » comme une action d'accompagner, dont la signification
« être avec quelqu'un, lui tenir compagnie, se joindre à
quelqu'un pour aller où il va, en même temps que lui ».
Le terme « accompagner » est définit par « mener,
conduire, soutenir, servir de guide à quelqu'un ou à un groupe
». Donc, l'accompagnement représente l'action et la
façon d'accompagner.
La revue Cahiers Pédagogiques (2001), propose deux
types de lecture pour comprendre le concept d'accompagnement :
? Une lecture symptomatique : l'accompagnement permet de
relier de façon dynamique des pratiques d'aide. Ces pratiques sont
connues dans la formation permanente et la formation professionnelle ;
? Une lecture anthropologique : l'accompagnement est
lié à la relation d'aide et au conseil. Ce terme partage la
même signification que le compagnonnage (le partage du pain et des
activités). La pratique d'accompagnement relève souvent de la
relation duelle d'aide pratiquée dans cinq domaines distincts
à dominante pédagogique, faisant appel aux théories
psychologiques et psychosociologiques :
1. La formation initiale (relation
maître/élève dans le parcours de formation) ;
2. La formation continue (accompagnement d'un professionnel par
un coach) ;
3. Thérapeutique (accompagnement d'un patient par un
soignant) ;
4. Social (accompagnement d'une personne menacée de
marginalisation...) ;
5. Existentiel (prise en charge d'un soutien psychologique).
54
2- Les postures de l'accompagnement professionnel
proposées par Paul (2004)
L'accompagnement professionnel pour M. Paul (2004, pp.13-20),
représente un choix politique, une commande sociale, qui s'adresse
à des professionnels (à qui est confiée la mission
d'accompagnement), et à des publics (qui reçoivent
l'accompagnement). Pour l'auteur, cette mise en oeuvre de l'action
d'accompagnement par les institutions, ne garantit rien sur la posture de
l'accompagnateur. Le fait que l'accompagnement n'est pas un métier et ne
réfère à aucun cursus de formation identifié comme
tel. Paul nous propose cinq postures d'accompagnement :
2.1- Une posture éthique
Une posture de non-violence, étant la relation
éthique définit comme un rapport non-violent avec autrui. Elle
nécessite réflexion et critique. Elle résulte d'un
questionnement intransigeant avec soi : « Pour qui je me prends ? Pour
quoi je le prends ? A quel type de relation je collabore ? Pour quel monde je
travaille ? » Cette posture exclut les attitudes de la domination
telles que : la manipulation, l'infantilisation, la réduction, la
séduction, la peur, etc. Pour Paul, le principe de cette posture est de
ne pas se substituer à autrui (penser, dire, faire à sa place).
Cette substitution représente un acte d'ingérence et de
négation pour l'autre. 2.2- Une posture de
non-savoir
Selon Paul, cette posture privilégie l'intelligence qui
naît des échanges et du dialogue avec l'autre. Pour elle, le
professionnel ne doit pas se positionner dans la place de toute-puissance
(c'est moi qui sais). Cette posture sollicite le questionnement plutôt
que l'affirmation. La mission du professionnel ne consiste plus à donner
des recommandations et des interprétations, mais à s'ouvrir au
dialogique encourageant une conversation mutuelle ayant du sens. Pour Paul,
adopter une posture de « non- savoir » ne demande pas aux
professionnels de prétendre l'ignorance ou rester neutre, mais de «
rentrer dans le jeu » pour découvrir les connaissances de
l'autre.
2.3- Une posture de dialogue
Paul explique que c'est dans l'échange et dans des
situations de dialogue (de personne à personne) que s'exerce la place de
chacun, et non pas de professionnel à usager. Pour l'auteur, la relation
de dialogue dépasse la dimension « instituée » qui
définit les rôles de chacun (par exemple
soignant/soigné).
2.4- Une posture d'écoute
Pour Paul, cette posture n'exige pas que d'être
attentif. Elle désigne un processus de négociation des
compréhensions, de délibération interactive et de
conception de partage du sens. Cette posture représente pour l'auteur,
une posture et une technique à la fois. C'est elle
qui soutient la démarche éducative et nourrit
son cheminement. Elle s'accomplit tant dans le silence réceptif qui
approuve et valide la parole de l'autre que dans l'interpellation.
2.5- Une posture émancipatrice
Cette posture vise à recréer un environnement
relationnel. Celui-ci doit représenter une opportunité pour l'un
et pour l'autre de « grandir en humanité ». Paul explique que
si on se met à deux, ce n'est pas parce que l'un serait incapable, mais
le fait que personne ne peut apprendre seul, ni grandir ou se construire seul,
c'est toujours un travail en interaction avec les autres.
En complément à ces différentes postures
décrites par Paul, la notion de « posture » selon le
dictionnaire de l'académie française,26 comprend celle
de « l'attitude », c'est-à-dire la manière dont on
tient son corps, sa tête, ses bras, ses jambes. Cette attitude peut aussi
refléter l'état d'une personne par rapport à sa situation
professionnelle, morale ou sociale. Il est vrai que dans certaines
situations, la personne ne sait plus dans quelle posture se mettre. Ces
postures illustrent pour nous l'attitude qu'une infirmière
éducatrice doit adopter dans ses pratiques de soins et
d'éducation. Si ces différentes postures doivent être
assimilées à l'activité ETP, nous pouvons dire alors que
la posture d'accompagnement dans ce cadre peut être
caractérisée comme une posture mixte en constante
redéfinition et ajustement. Donc, l'accompagnement dans l'ETP fait appel
au changement de posture dans la relation
infirmière/patient.
55
26 8ème édition version informatisée
56
III- La notion de l'identité et les
différentes formes identitaires
Ce chapitre nous servira de vérifier notre
deuxième hypothèse qui s'appuie sur les travaux de Dubar (1998,
1992, 2015).
1- Définitions de l'identité
La nature du concept d'identité est très
variée puisqu'il existe plusieurs types d'identités :
identité personnelle, sociale, groupale, ethnique, sexuelle, nationale,
professionnelle (à laquelle nous nous attarderons davantage dans le
cadre de ce travail de mémoire). L'identité « C'est une
espèce de mot valise dans lequel chacun met son propre contenu
». (Kaufmann, 2009, p.55). D'après C. Dubar (1998), les
identités sont d'abord des « noms » servant à
désigner des choses ou des personnes, des noms propres, des noms de
pays, mais aussi des noms communs (métiers, techniques, groupes,
profession...) Dire « qui je suis » ou « qui est
l'autre », c'est souvent donner une « valeur au sujet
», le « qualifier » (p.135). Les identités
ne sont pas seulement une catégorie, ce sont des « valeurs
produites » par des jugements. Chaque personne adulte a plusieurs
identités. Elle a un statut principal relatif à sa profession, et
à son origine ethnique... L'identité sociale n'est pas
innée, elle résulte de la socialisation des individus, et
dépend du jugement des autres. C'est donc par le regard et la parole des
autres que se construisent les identités. J'hérite d'un nom et
d'un prénom, j'appartiens à un milieu social et à une
culture familiale (p.136). C'est aussi, « un système de
sentiments et de représentations de soi, [...] Ce qui me rend semblable
à moi-même et différent des autres, c'est ce par quoi je me
sens exister en tant que personne et en tant que personnage social
(rôles et fonctions), ce par quoi je me définis et me
connais, me sens accepté et reconnu comme tel par autrui, mes groupes et
ma culture d'appartenance » (Tap, 1986, p.8). Pour M. Pollak (1990),
« l'identité ne devient une préoccupation et un objet
d'analyse que là où elle ne va plus de soi, lorsque le sens
commun n'est plus donné d'avance et que des acteurs en place n'arrivent
plus à s'accorder sur la signification des situations et des rôles
qu'ils sont censés y tenir » (p.10).
A travers ces quelques définitions, nous notons que
l'identité est à la fois individuelle et collective, personnelle
et sociale. Elle exprime en même temps la singularité et
l'appartenance à un groupe. Elle traduit un mouvement réflexif
par lequel je cherche à me connaître, « qui suis-je ?
», à coïncider avec ce que je voudrais être ou
devenir.
2- 57
Identité professionnelle et
socialisation
Selon Dubar (1992, p. 523), la socialisation professionnelle
consiste pour les individus à construire leur identité sociale et
professionnelle à travers le jeu des transactions biographiques et
relationnelles. L'identité professionnelle ne se confond pas avec
l'identité sociale même si elles ont un rapport étroit : la
première renvoie au domaine de l'emploi et des activités
économiques ; la seconde concerne le statut social. Dubar (1998,
pp.135-136) a écrit : « Chacun dans le cours de sa vie, apprend
qui il est, par le biais du regard puis des paroles des autres ». Il
explique que « l'identité des individus est sans cesse
réajustée et renégociée ». Dans la «
socialisation », Dubar spécifie deux types d'identité : une
identité par et pour soi « ce que je pense que je suis » et
une identité par et pour les autres « ce que je pense que les
autres pensent que je suis ». Il affirme que « l'identité
est le produit de socialisations successives ». Par contre, il
différencie la socialisation primaire (famille, école...) de la
socialisation secondaire (travail, formation, ...). Pour lui, les deux
socialisations ensembles constituent la biographie de l'individu. Si cette
socialisation dépend de l'évaluation et du jugement d'autrui,
elle résulte aussi de la capacité à régir, à
s'adapter, à inventer des solutions, à rebondir aux
échecs, à se frayer sa propre voie du sujet. Pour l'auteur, ce
processus de socialisation suppose des transactions entre l'individu et la
société, qui s'apparentent à l'équilibration de
Jean Piaget (1967) : par « assimilation », le sujet tend à
modifier son environnement pour le rendre plus conforme à ses
désirs ; par « accommodation », le sujet tend à se
modifier pour répondre aux contraintes de son environnement.
3- Formes identitaires et identités au
travail
Pour Dubar (2015, p. 231), les formes identitaires «
s'enracinent dans la sphère socioprofessionnelle mais ne se
réduisent pas à des identités aux travail ».
Elles correspondent à des « trajectoires sociales
différentes », mais ne se limitent pas à des «
catégories sociales ». Elles représentent le
vécu de la personne et la représentation de soi, et non pas ce
que pense autrui. Ces formes identitaires s'articulent entre «
transaction objective » et « transaction subjective
». C'est le résultat d'un arrangement «
intérieur » entre « identité
hérité » et « identité visée
», c'est aussi le résultat d'une négociation «
extérieure » entre l'« identité
attribuée » et l' « identité incorporée
par soi ». Les identités dans le champ professionnel, Dubar
(1998, pp.138-139) les qualifie de « Formes identitaires ».
D'après lui, elles
58
s'apparentent aux « Identités au travail
» de R. Sainseaulieu27 (1977), il s'agit d'une
manière « d'être acteur » dans les relations de
travail. Dubar reprend la théorie de Sainseaulieu pour expliquer la
construction de l'identité au travail qui se fait en quatre
modèles :
- Le modèle des identités de
type « retrait » ou « hors travail » : le
travail est considéré comme instrumental, la carrière
comme linéaire, la formation comme uniquement « sur le tas »
(acteur ailleurs) ;
- Le modèle de la négociation :
« les identités négociatrices » tendent vers
la promotion et implique un fort engagement au travail et une participation
intense à la formation continue proposée par l'entreprise. Ce
modèle intervient quand les situations de travail permettent un
accès aux positions stratégiques (acteur stratégique) ;
- Le modèle des «
identités fusionnelles » ou « catégorielles »
: forte identification au groupe qui partage le même métier,
la même formation...Ce modèle apparaît dans les contextes
marqués par des tâches répétitives et peut
qualifier. L'acteur pour se valoriser n'a pas d'autres ressources que le
collectif (acteur de masse) ;
- Le modèle des «
identités affinitaires » ou de « réseau
», implique un réseau d'amis, de collègues, sur lesquels la
personne peut compter pour réaliser son projet professionnel (acteur de
soi).
Ce qui explique que l'identité professionnelle
diffère de l'identité au travail, elle est une manière de
se situer dans le champ professionnel et, au-delà, dans la vie sociale,
elle continue à influencer toute l'existence hors travail.
4- Les dynamiques identitaires et la double
transaction
D'après C. Dubar (1998, pp 139-141), les formes
identitaires se construisent et se reconstruisent tout au long de la vie. Pour
qu'elles existent pleinement, elles doivent être négocier et
reconnues par les autres (« faire reconnaître ces
compétences est une condition pour s'inscrire sur le marché de
travail »). Cette reconnaissance exige des transactions avec des
employeurs, des collègues, des clients. C'est la « transaction
relationnelle » 28 (qui ne se limite pas à une
interaction entre l'individu et un seul partenaire, elle engage toute une
institution à travers les marchandages). Dans ce cas, un travail sur soi
est nécessaire, on ne peut pas convaincre autrui si l'on n'est pas
convaincu soi-même des compétences acquises :
27 L'identité au travail, Presses de la FNSP,
1977.
28 Vise à se faire reconnaître ou non,
par les partenaires institutionnels la légitimité de ses
prétentions, compte
tenu des moyens « politiques » de l'institution.
59
c'est la « transaction biographique »29
(qui se présente comme une sorte de négociation avec
soi-même). L'interaction des deux transactions constitue un processus de
« double transaction », c'est le mécanisme de base de
la dynamique identitaire. D'après l'auteur, on peut se construire des
identités, soit en continuité, soit en rupture avec son
passé. Ces modes de construction peuvent être valorisés ou
pas par les autres. Dubar décrit quatre formes identitaires
émanant du processus de double transaction :
? Les identités d'entreprises et les identités
catégorielles sont construites sur la continuité biographique.
Elles ont des difficultés à se faire reconnaître par les
institutions de travail ;
? Les identités de réseau et les
identités hors travail sont construites sur la rupture. Elles sont
reconnues par les institutions de travail.
Pour Dubar (1992, 505-529), la complexité entre «
projet d'entreprise » et « projections individuelles
» suppose à la fois pour l'individu une construction sociale
et mentale de sa situation en termes de « saisie d'opportunités
» et, pour l'entreprise, une sélection des individus en termes
de « compétences utilisables », de «
potentiels mobilisables » ou de « qualifications
souhaitables ». La double transaction est donc pour Dubar, au coeur
de la mutation des politiques de gestion, passant du simple «
donnant-donnant » à l'exigence d'un « toujours
plus », en échange d'un avenir présumé moins
incertain. Cette mutation modifie en profondeur les mécanismes de
socialisation professionnelle. Pour l'auteur, il n'est plus possible de
concevoir les relations entre formation (des compétences et
identités professionnelles) et emploi (des individus pourvus de ces
compétences et identités) comme le rapport entre deux processus
distincts dans l'espace et successifs dans le temps. La socialisation
professionnelle devient un processus unique, de plus en plus
intégré et concernant potentiellement l'ensemble du cycle de vie
des individus. La mobilité sociale devient constitutive de
l'identité sociale des individus. Elle n'est plus acquise, elle se
construit, se déconstruit et se reconstruit. Les formes identitaires
pour Dubar, ne constituent donc pas des identités sociales
établies.
29 Consiste à projeter des avenirs possibles en
continuité ou en rupture avec un passé reconstitué «
trajectoire ».
60
Synthèse de la deuxième
partie
Au travers de ces trois chapitres, si on considère que
les différents rôles proposés à l'infirmière,
par la théorie de Peplau, rejoignent les exigences de la pratique
éducative défini par l'OMS (1998) et, que les différentes
postures dans l'accompagnement professionnel décrites par Paul,
représentent la posture éducative que l'infirmière doit
intégrer à sa posture d'infirmière. On peut déduire
alors, que cette nouvelle activité éducative va forcément
transformer ou modifier le comportement de cette infirmière en devenant
aussi « éducatrice ». Cette nouvelle mission va certainement
influencer son identité professionnelle actuelle. C'est dans cette
perspective que nous nous basons sur la socialisation et le processus de
construction identitaire professionnelle de Dubar pour identifier les
différentes transformations identitaires décrites par les
interviewés au moment des entretiens.
C'est dans ce cadre, que nous nous basons sur cette partie
théorique pour vérifier nos deux hypothèses dans la partie
analyse de ce mémoire. Ce choix est basé sur son avantage de
permettre aux infirmières de penser la relation avec le patient en
adoptant d'autres rôles, et d'autres postures d'accompagnement. Ce qui,
en ETP n'est pas rien face à l'importance de la dimension du prendre
soin.
61
62
TROISIEME PARTIE
Problématique et hypothèses de
travail
63
I- Problématique
En effet, l'infirmière dans le cadre de son
activité réalise des soins dans un système d'organisation
spécifique. Nous venons de voir dans la première partie de ce
travail, la très grande diversité de l'activité de
l'infirmière. Dans les faits, l'infirmière réalise des
tâches dans le cadre de ses deux rôles (prescrit et propre). L'ETP
fait partie du rôle propre dont elle doit définir l'organisation
selon les recommandations de la HAS (2007).
La nécessité de l'ETP suppose des changements
fondamentaux de représentations et de postures tant du côté
des patients que du côté de l'infirmière et plus
fondamentalement de repenser le système de soins. Ainsi, «
éduquer les patients consiste à sortir de la relation duelle
soignant-patient pour exercer une action pédagogique »
(d'Ivernois et Gagnayre, 2011, p. 33). L'infirmière doit
alors s'adapter à son nouveau système de soins et aux conditions
de travail dont lesquelles elle est contrainte pour se ressourcer et
réaliser ses activités de soin et d'éducation. Il s'agit
d'un « travail réflexif » (Dubet, 1994, p.105).
La pratique de l'ETP demande à l'infirmière
d'adopter une posture d'accompagnement éducatif. Il s'agit alors pour
elle, de devenir une « infirmière éducatrice » c'est
à dire, un « praticien réflexif » selon le
concept de Donald Schön (1983), développant des capacités
à réfléchir sur sa propre pratique éducative, sur
son mode d'organisation, et sur la façon d'intégrer cette
nouvelle activité à ses tâches quotidiennes. Dans ce cas de
figure, l'ETP va-elle opérée à un véritable
changement de conceptions de soins ? Mais, si la représentation des
soins pour l'infirmière se synthétise qu'aux actes somatiques,
comment va-elle alors intégrer la dimension éducative à
ses démarches de soins ? Nous sommes donc amenés à nous
interroger sur la représentation que l'infirmière a de son «
rôle propre » et de « son identité professionnelle
» devant cette activité éducative qui la transforme en
« éducatrice ». Sachant que dans son lieu de travail, cette
infirmière partage avec ses pairs un ensemble de pratiques et de valeurs
dans ses diverses activités quotidiennes. Ces éléments
constituent une part importante de son identité professionnelle. Une
sorte d'identité transmise et partagée dès l'apprentissage
en formation initiale, et tout au long du parcours professionnel comme nous
l'avons déjà précisé. L'infirmière
s'identifie et se construit face à cet ensemble commun, qui
définit toutefois le rôle attendu de cette professionnelle,
c'est-à-dire en quelque sorte sa professionnalité. Cette
professionnalité est organisée par les connaissances, les
capacités, les compétences et les savoirs propres à la
profession de l'infirmière. Comment va-elle alors intégrer cette
dimension éducative à son activité quotidienne. C'est
autour de ce constat que nous avons formulé notre question centrale.
64
Question centrale
Quel est l'impact de l'introduction de l'ETP sur les
transformations des systèmes d'activités et les transformations
identitaires des infirmières devenant aussi « éducatrices
» ?
De cette question centrale découlent les trois
questions suivantes qui seront particulièrement travaillées :
1) Comment les infirmières vivent-elles les rapports
entre l'activité de soin et l'activité ETP ?
2) Ces activités sont-elles vécues comme
formant un ensemble homogène, ou sont-elles perçues comme
dissociées et relevant de logiques différentes ?
3) Le développement de ces pratiques dites «
éducatives » conduit-il les infirmières à
redéfinir leur posture actuelle ?
Pour nous permettre d'avancer dans notre problématique
et de répondre à ces questions de départ, voici quelques
questions sous-jacentes qui vont nous servir de guide pour nos deux
hypothèses.
1) Comment les infirmières perçoivent le
rapport entre l'ETP et le soin ? S'il s'agit de deux activités
distinctes ? Comment ces infirmières arrivent à intégrer
l'ETP aux soins ? Y-a-il besoin de changer leur système
d'activités pour intégrer l'ETP aux soins? Les infirmières
ont-elles besoins d'une nouvelle démarche de soins regroupant les deux
activités ? Dans ce cas, l'intégration de l'ETP serait-elle
déstabilisante pour leur organisation quotidienne ? Sont-elles
obligées de redéfinir le sens de leur activité et
d'adopter d'autres postures ? Dans quelle mesure le rôle de
l'infirmière dans cette dimension du soin est nouveau ?
2) Comment les infirmières se positionnent dans la
relation soignant/soigné ? Comment se sentent-elles dans leur posture
d'« éducatrice » ? S'il s'agit du changement des pratiques de
l'infirmière, cette soignante est-elle préparée à
assumer ce changement ? Sa conception du service infirmier va -t- elle changer
? Que pense telle de son identité professionnelle ?
65
II- Hypothèses de travail
Nous proposons deux hypothèses qui visent à
éclairer nos questions de recherche. Première
hypothèse
La reconnaissance et l'acceptation du rôle
d'« éducatrice » par l'infirmière et son implication
dans ce rôle lui permettent de mieux se situer dans ses
activités.
Cette nouvelle posture d'éducatrice va permettre
à l'infirmière d'agir, de penser autrement le soin et la relation
infirmière/patient. En effet, la pratique de l'ETP, nécessite de
la part de l'infirmière un autre mode de prise en charge par rapport au
patient. Il s'agit : de modifier tout un système d'activités
déjà développé et, d'adopter de nouveaux savoirs
pédagogiques en lien avec la l'activité ETP.
Deuxième hypothèse
L'identité professionnelle de
l'infirmière est dans un mouvement de mutation, suite à la
transformation de son système d'activités qui inscrit l'ETP dans
son rôle propre.
Cette transformation du système d'activités de
l'infirmière, lui exige des modifications dans ses habitudes
personnelles et professionnelles, dans sa posture d'infirmière et dans
sa relation infirmière/patient. Il s'agit d'une évolution de son
métier d'infirmière. Cette évolution génère
des besoins d'acquisition à de nouvelles compétences pendant le
parcours professionnel, et engendre des transformations identitaires.
Pour vérifier ces deux hypothèses sur le
terrain, nous pensons recourir à deux outils méthodologiques :
l'observation ethnographique et les entretiens semi directifs.
66
QUATRIEME PARTIE
La phase pratique
67
La réalisation de la phase pratique au sein de mon
travail de recherche m'a paru difficile à réaliser, par rapport
à la difficulté de trouver un lieu de stage répondant
à notre problématique. Ayant postulé auprès d'une
dizaine de structures hospitalières en Iles de France, j'ai tout de
suite été confrontée à des réticences voire
des refus relatifs à mon investigation.
Il faut dire que si on n'accède pas à
l'hôpital en tant qu'élève infirmière ou
aide-soignante pour effectuer un stage, l'entrée dans le milieu
hospitalier s'avère irréalisable pour les stagiaires hors cursus
paramédical ou médical. Quel que soit la méthode choisie
pour enquêter il faut négocier le droit d'y accéder, cette
négociation se déroule à plusieurs niveaux : au service du
personnel, au service de la formation, à la direction des soins,
auprès des cadres de santés...etc. Et en dernier, après un
mois voire deux mois d'attente, les quelques réponses reçues
étaient négatives. Les raisons évoquées
étaient multiples (non disponibilité pour accueillir un stagiaire
en Master, manque de personnel soignants, l'hôpital ne pratique pas
l'ETP, trop de charge de travail...). Ces réponses rendaient presque
impossible la réalisation d'un tel projet de recherche. J'ai donc fait
le choix d'une autre stratégie : élargir mon terrain de recherche
et changer la présentation du projet en ciblant les patients et non plus
les soignants car, j'ai remarqué que les professionnels de soins ne
veulent pas trop parler de leur activité, l'associant au secret
professionnel et au faite qu'elle traite de l'humain. Ils peuvent même
craindre que l'intrusion d'une personne n'appartenant pas au statut des
soignantes perturbe leur fonctionnement, sans oublier l'impression qu'ils
peuvent avoir d'être évalué dans leur façon de
faire. Il faut dire que ces appréhensions peuvent conduire à une
opposition active à la recherche.
Durant ma présence au dernier regroupement de
présentiel à l'université de Montpellier, j'avais
pu échanger chaleureusement, avec une cadre de l'IFSI à Blois,
qui prépare un master sur l'identité, qui m'a informé de
la pratique de l'ETP à l'Hôpital de Blois. J'ai
décidé de prendre contact avec la directrice des soins de cet
hôpital, qui se situe à 200 km de chez moi. A travers une
conversation téléphonique, j'ai brièvement
présenté mon thème de recherche et mon souhait d'effectuer
des entretiens avec les infirmières qui pratiquent le soin
éducatif dans leurs activités quotidiennes.
Intéressé par mon projet, la directrice des soins me fixera un
rendez-vous dans son bureau. Le jour de l'entretien, j'ai précisé
dès le début que la recherche que j'allais mener ne concerne pas
la personnalité des soignants mais, que j'allais m'occuper des
activités et non des individus. La réponse de la directrice des
soins fut immédiatement positive car elle porte un grand
intérêt pour la recherche et les sciences de l'éducation,
elle m'a même révélé qu'elle menait une recherche
sur l'éthique soignante.
68
I- Objectifs du stage pratique
Une fois sur le terrain de stage pratique, j'ai ressenti la
nécessité de poser des objectifs d'investigation afin de donner
une intentionnalité et un cadre pratique de réflexion à
mon travail. Donc, j'ai pu mettre en évidence trois objectifs
principaux.
1- Être capable de situer la pratique de l'ETP dans un
contexte de pratiques infirmières au niveau de l'environnement du
travail quotidien et, de l'organisation des activités dans le service.
Il s'agit : d'identifier l'organisation des soins infirmiers effectuée
par l'infirmière et, d'identifier l'existence de ressources et/ ou de
contraintes environnementales pour la réalisation de l'ETP.
2- Analyser chez l'infirmière les
éléments théoriques et pratiques lui servant de
référence dans la réalisation de l'ETP (comme les
représentations, les concepts théoriques de
référence, la méthodologie éducative ou encore des
outils pédagogiques employés).
3- Recueillir le vécu de l'infirmière
concernant la réalisation de l'activité éducative dans sa
dimension quotidienne.
69
II- Méthodologie de l'enquête
J'ai décidé avec l'accord et l'orientation de ma
directrice de mémoire, d'être présente dans les services de
soins et ne pas se contenter que des entretiens avec les infirmières
concernées par l'activité ETP. Afin d'explorer d'avantage tous
les éléments pertinents pour mon enquête, nous avons
opté pour deux méthodes : l'observation ethnographique et les
entretiens semi directifs. Nous avons jugé que l'observation directe
allait nous permettre de distinguer l'écart, entre ce que les
infirmières disent de leurs pratiques et, ce qu'elles font
réellement. Tandis que l'entretien allait dévoiler la
façon dont ces infirmières se représentent une
pratique.
1- L'observation ethnographique
L'observation ethnographique relève de l'observation
directe ; il s'agit de « regarder ». Ce verbe est issu du francique
wardôn « garder », qui signifie « prendre garde
à, prêter attention à... ». C'est à dire, si
l'on se réfère aux propositions de F. Laplantine (1996) «
[...] c'est être attentif, mais aussi et surtout être
inattentif, se laisser approcher par l'inattendu et l'imprévu »
(cité par Affergan, 1987, p.143). On comprend de cette citation que
les manières d'être ne peuvent être anticipées ou
programmées. Cependant, pour nous « observer », c'est
d'être proche des activités que l'on veut comprendre. Ceci a pour
conséquence de créer une dynamique de décentration de
l'analyse « habituelle » des études de cas ou de situation
pour accéder à l'analyse de la pratique professionnelle
réelle. C'est aussi regarder de près et de s'exposer. G. Devereux
(1980), affirme qu'inconsciemment, « nous sommes face aux pratiques
des personnes observées que nous tentons de copier. Nous ne sommes pas
tenus de faire exactement comme eux, nous ne maîtrisons pas l'ensemble
des repères, nous pouvons réaliser les mêmes actions
qu'eux, avec une autre intensité, sans que cela ne soit
préjudiciable... [...] Autrement dit, l'ethnologue peut
être maladroit, d'autant plus qu'il est identifié comme un
étranger » (pp. 147-153).
Cette méthode va me permettre de décrire chaque
étape de l'activité de l'infirmière éducatrice dans
ses domaines d'expériences. Il s'agit, d'une méthode qualitative
de collecte de données observables comme les gestes (manière de
préparer les soins, les séances éducatives...),
l'organisation, gestion du temps et de l'espace par les infirmières, les
conditions d'accueil des patients, les formes d'interactions entre
infirmières et patients, le nombre de malades dans les services..., etc.
Ce qui est préférentiellement visé, c'est la focalisation
sur l'agir professionnel en s'intéressant plutôt à la
question du « comment » qu'à celle du « pourquoi
».
70
2- L'entretien semi directif
L'entretien semi directif nous a semblé l'instrument
adéquat. Il s'agit d'entretien compréhensif. Selon
Kaufmann (1996), « l'enquêteur s'engage activement dans les
questions, pour provoquer l'engagement de l'enquêté »
(p.17). C'est un entretien orienté puisque nous cherchons à
recueillir des informations sur des thèmes particuliers qui constituent
nos hypothèses. Selon le manuel de recherche en sciences sociales de
Quivy & Campenhoudt (2006), dans ce modèle d'entretien, la
formulation des questions n'est pas prédéterminée en
détail. Une question de départ doit être posé,
celle-ci permet à la personne interviewée de s'exprimer
librement. L'enquêteur intervient juste pour assurer d'une bonne
compréhension. « L'objectif n'est pas de valider les
idées préconçues du chercheur mais d'en imaginer de
nouvelles » (p.3). L'enquêteur n'intervient que lorsque
l'interviewé s'éloigne du sujet abordé. Des questions
supplémentaires peuvent être posé dans un second temps pour
explorer des thématiques qui n'avaient pas été
évoqués au cours de l'entretien, et pour en approfondir certains
éléments. Ce modèle d'entretien respecte le cadre de
pensés de la personne interviewée. Cette démarche m'a
semblé la mieux adaptée pour réaliser mes entretiens, le
fait qu'elle donne un accès au vécu et aux représentations
spontanées des personnes interrogées et facilite l'étape
d'exploitation des données.
71
III- Déroulement du stage
Mon stage pratique, s'est déroulé au Centre
Hospitalier de Blois (CHB)30 dans le département de Loir et
Cher. Nous l'avons réalisé en trois phases : une phase de
collecte de données, une phase d'observation ethnographique et, une
phase de réalisation des entretiens.
1- Phase de collecte des données
Avant de commencer la phase d'observation, j'ai
été accueilli par la Cadre de Santé responsable de la
Coordination de l'activité ETP. Cette rencontre a eu lieu le premier
jour de mon stage, au sein de l'Hôpital de Blois. La Coordinatrice de
l'ETP m'a présentée les huit programmes31 de l'ETP
validés par l'HAS.32 Ces programmes sont
réalisés dans quatre services de soins (l'Hôpital de Jour,
l'Unité de Diabétologie, le Service de Cardiologie, et le Service
de Chirurgie Viscérale),33 intégrant tous l'ETP dans
leurs pratiques quotidiennes.
Suite à ces explications données par la
coordinatrice de l'ETP, j'ai choisi d'effectuer mon stage pratique que dans les
trois premiers services34 pour des raisons de non
disponibilité des infirmières prenant en charge dans leur
activité quotidienne l'éducation du patient. Car l'ETP n'est
pratiquée que par des infirmières éducatrices,
nommées aussi « référentes35 ».
Celles-ci sont en nombre limité (voire une référente par
service). Cependant, la condition d'être
30 Lire CHB, nommé aussi « Mail Pierre
Charlot », il a vu le jour le 4 mai 1963. C'est un Centre Hospitalier
Général à taille humaine parmi les plus importants en
région Centre Val de Loire. Il est situé à mi-distance des
villes de Tours et d'Orléans (50km) et à environ 200km de Paris.
D'une capacité de 1324 lits et places, il dispose d'un plateau technique
complet (Médecine, Chirurgie, Obstétrique, Soins de Suite et de
Réadaptation, Psychiatrie, Gériatrie. Les activités du CHB
sont regroupées en 6 pôles30. Le CHB dispose aussi d'un
Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) qui accueille des promotions
de 120 élèves et d'une Ecole d'Aides-soignantes pour des
promotions de 80 élèves.
31 Ces programmes concernent : Les patients
diabétiques, les patients présentant un diabète
gestationnel, les enfants de 6 à 15 ans présentant un surpoids ou
une obésité, les patients atteints de rhumatismes inflammatoires
chroniques, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, les patients
atteints de troubles du rythme ou de maladies thromboemboliques
nécessitant un traitement anti vitamine k, les patients atteints du
syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) et
les patients atteints de pathologies intestinales nécessitant une
stomie. Le modèle pédagogique préconisé pour ces
programmes est fondé sur une approche systémique qui centre les
interventions des soignants sur l'apprentissage du patient et place ce dernier
comme sujet de la démarche d'éducation thérapeutique.
32 Les recommandations de la HAS et de l'INPES
(2007) définissent le cadre des programmes d'ETP structurés dans
le champ des maladies chroniques.
33 L'Hôpital de Jour et l'unité de
Diabétologie relèvent du Pôle2 (qui regroupe les services
de médecine - urgence - prévention) et les Services de
Cardiologie et de Chirurgie Viscérale relèvent du Pôle 1
(intitulé Technique Médical et Chirurgical).
34 Hôpital de Jour, Unité de
Diabétologie et Service de Cardiologie.
35Étymologiquement, ce mot se situe dans le
registre du repérage : se reporter à quelque chose, rapporter
à quelqu'un. Dans ce contexte, le référent est
repéré parmi les autres soignant. C'est lui qui détient
l'information, c'est le médiateur et le porte parole selon, Paul Mengal
(professeur en philosophie à l'Université de Paris XII-Val de
Marne. Séminaire au CH les Murets, 1996).
72
infirmière éducatrice, est de justifier d'une
formation continue de 40heures.36Cette condition est exigée
par l'ASH, et proposée, selon la Coordinatrice, par l'Hôpital dans
le cadre de la réalisation des différents programmes d'ETP.
1.1- Présentation des lieux de
stage
Dans cette partie, je vais présenter les trois
différents services dans lesquels, j'ai pu réaliser mon stage
pratique, il s'agit de : l'Hôpital de Jour, l'Unité de
Diabétologie et le Service de Cardiologie.
1.1.1- L'Hôpital de Jour
L'équipe de soins à l'Hôpital de Jour
(HDJ)37 est constituée d'un cadre de santé, de
médecins spécialistes pour chaque pathologie38, de
sept infirmières et un agent de service. La structure dispose de seize
lits. Les patients y sont admis en journée de 9h à 18h30,
après un rendezvous de consultation.
A l'HDJ, l'équipe soignante adhère à la
dynamique de promotion de l'ETP au Centre Hospitalier de Blois. Son ambition
est de devenir un service de référence pour la prise en charge
des patients atteints de « Rhumatismes Inflammatoires Chroniques »
dans le département de Loir et Cher, en proposant aux patients une offre
d'ETP de qualité.
L'éducation thérapeutique pour cette maladie
s'avère indispensable dans l'éducation des règles
d'asepsie et du traitement qui est généralement administré
à domicile par les patients eux-mêmes ou par leurs entourages. Les
gestes respectant les règles de protection articulaire et la
connaissance des signes de poussées de rhumatisme supposent une bonne
appropriation, par le patient et ses proches. Les compétences acquises
par l'éducation thérapeutique permettent au patient d'être
plus autonome dans la gestion de sa maladie, ce qui peut contribuer à
améliorer sa qualité de vie au quotidien.
36 A noté que même si le soignant
dispose d'un (DU) Diplôme Universitaire en éducation
thérapeutique, celui-ci doit être complété par les
40h proposées par l'Hôpital. Voir en annexe le programme de 40h de
formation en ETP.
37 Nommé aussi l'HDJ accueil à la
journée des patients nécessitant une surveillance médicale
pour des traitements, examens et actes médicaux. La
spécificité de ce service est la prise en charge et le suivi des
patients dans différentes pathologies37 parmi lesquelles la
Rhumatologie, qui bénéficie d'un programme d'ETP (thème de
notre période de stage à l'HDJ).
38 Les Rhumatismes Inflammatoires Chroniques (RIC)
Ce sont des maladies gravement invalidantes (douleur physique, douleur morale,
déformations). L'impact de la douleur et du handicap, sur la
qualité de vie des malades et leur entourage sont majeurs pour ces
maladies. La prise en charge médicale de cette maladie chronique
consiste en des traitements réguliers à administrer au patient.
La prise en charge thérapeutique pour cette maladie a pour objectif
principal le soulagement des symptômes.
73
a) Présentation de l'équipe
éducative : administrativement l'équipe est
composée :
· D'un médecin39 Rhumatologue
coordinateur du programme ETP ;
· D'une infirmière40qui assure l'ETP en
plus des soins médicaux.
A l'HDJ, l'infirmière exerce tous les jeudis pour
mettre en oeuvre le programme éducatif41. C'est
l'équivalent de 20% de son temps de travail mensuel. Le reste du temps
est consacré à la prise en charge du soin curatif. Le
médecin dispose d'un demi temps consacré aux programmes ETP
(c'est l'équivalent de 50% de son temps de travail mensuel). Les
professionnels hospitaliers pluridisciplinaires tels que : la
diététicienne, le kinésithérapeute,
l'ergothérapeute, le psychologue n'interviennent que pour animer les
ateliers ETP, ou sur prescription du médecin. Ces professionnels, par
manque de temps par rapport à leur charge de travail, ils doivent
assurer aussi la prise en charge des autres services de soins dans tout
l'hôpital. Dans le cadre de l'ETP, l'HDJ travaille aussi avec des
personnels de santé libéraux et formalise également la
collaboration avec les associations de patients atteints de maladies
chroniques.
b) L'activité de l'infirmière
éducatrice à l'Hôpital de Jour : le rôle de
l'infirmière éducatrice dans le cadre de l'ETP est d'aider le
patient à :
· Acquérir des compétences cognitives
comme la connaissance de la maladie et du traitement ;
· Acquérir des compétences des techniques
d'auto-injection de l'anti-TNF alpha42 pour la prévention des
complications ;
· Acquérir des compétences d'adaptation :
le patient apprend à gérer les poussées et à
adapter son mode de vie (activité physique,
diététique).
Aussi, l'infirmière éducatrice doit programmer,
préparer et animer des groupes de 5 à 7 patients par groupe, pour
trois ateliers distincts :
· L'atelier « Parlons-en » en
collaboration avec le rhumatologue et un pharmacien ;
· L'atelier « Comment adapter votre alimentation
» avec la diététicienne ;
· L'atelier « Des outils pour votre quotidien
» avec un kinésithérapeute et un
ergothérapeute.
39 Il dispose du Diplôme Universitaire (DU)
d'ETP.
40 A bénéficiée de 40 heures de
formation continue en ETP.
41 Destiné aux patients atteints de
rhumatismes inflammatoires chroniques. Ce programme concerne les patients pris
en charge à l'hôpital de Blois ou en consultations externes, et
leur entourage. A la fin de la consultation ou de l'hospitalisation, et suivant
leurs désirs, les patients sont orientés vers trois ateliers de
formations. La période d'hospitalisation est de 9h à 18h 30
maximum.
42 Médicament injectable prescrit pour les
maladies des rhumatismes chroniques.
74
1.1.2-L'unité de
Diabétologie
Cette unité relève du Service de la
Médecine Interne43. L'équipe de soins est
constituée de : deux médecins spécialistes du
diabète,44 un cadre de santé, seize infirmières
dont six éducatrices référentes en ETP, huit
aides-soignantes, deux agents de services et une secrétaire. Le service
dispose de vingt-quatre lits. Les patients sont admis soit en entrée
directe après consultation, soit par le biais des urgences.
a) Présentation de l'équipe
éducative : administrativement l'équipe est
composée de :
? Deux médecins diabétologues dont un
coordinateur45 des programmes ETP ;
? Six infirmières46qui assurent l'ETP en
plus des soins curatifs ;
? Une diététicienne.47
Les six infirmières éducatrices disposent de 20%
de leur temps plein dédié à la réalisation de trois
programmes éducatifs48. Le reste du temps étant
consacré à la prise en charge du soin médical. La
diététicienne et les médecins disposent d'un demi temps
consacré aux programmes ETP (un équivalent de 50% de leur temps
de travail mensuel). Le kinésithérapeute et la psychologue
n'interviennent que sur prescription du médecin. Nous avons
constaté l'absence de secrétaire pour assurer les tâches
administratives en lien avec l'activité ETP. C'est l'infirmière
chargé de l'activité ETP qui doit assurer l'accueil des patients,
la réception des appels téléphoniques, la prise en charge
du courrier et la gestion des dossiers médicaux ainsi que la prise des
rendez-vous.
43 A orientation Diabétologie et
Endocrinologie qui est composé de trois unités (unité de
pathologie endocriniennes et vasculaires, unité de la maladie de la
nutrition et unité de diabétologie dans laquelle j'ai
réalisé une partie de mon stage.
44 Une affection caractérisée par une
glycémie à jeun supérieure à 1,26g/l. Reconnu comme
une Affection de longue durée par l'OMS. Le diabète est un
véritable problème de santé publique. Sa gravité
provient essentiellement des complications à long terme, source de
handicap, d'incapacités et d'une altération de la qualité
de vie. La prise en charge médicale de cette maladie chronique consiste
en des traitements à administrer « à la demande » en
cas d'hyper ou d'hypoglycémie, et « en préventif » par
des injections régulières. Grâce au traitement
préventif, ou prophylaxie, par le moyen le d'ETP cette
maladie sera mieux prise en charge.
45 Il dispose du Diplôme Universitaire en ETP
et anime le comité de prévention d'éducation à la
santé (COPES).
46 Tous ont bénéficiés de 40
heures de formation continue en ETP.
47 A bénéficiée d'une formation
de DU en ETP.
48 Le programme dédié aux patients
diabétiques de type II et I, le programme consacré aux patients
présentant un diabète gestationnel et, le programme
destiné aux enfants de 6 à 15 ans présentant un surpoids
ou une obésité. Ces trois programmes se déroulent en intra
au sein de l'unité de diabétologie. Ils sont destinés aux
patients hospitalisés, aux patients des consultations externes et
à leur entourage. La prise en charge thérapeutique de cette
pathologie chronique a pour objectifs principaux : le contrôle
glycémique et le contrôle des facteurs de risque associés.
Les patients sont éduqués durant leur hospitalisation. A leur
sortie, suivant leurs désirs, ils sont soit orientés vers le
Réseau Santé Nutrition Diabète de la région (41),
soit intégrés dans les programmes éducatifs en fonction
des rendez-vous médicaux.
75
b) L'activité de l'infirmière
éducatrice en Unité de Diabétologie :
administrativement, dans l'unité de diabétologie le rôle de
l'infirmière dans le cadre de l'ETP, est d'accompagner le malade pour
qu'il puisse acquérir un savoir-faire adéquat, afin d'arriver
à un équilibre entre sa vie et le contrôle optimal de sa
maladie. L'infirmière éducatrice doit aider le patient à
:
? Acquérir des compétences cognitives comme la
connaissance de la maladie ;
? Acquérir des compétences d'auto-injection de
l'insuline ;
? Acquérir des compétences d'adaptation comme
apprendre à vivre avec la maladie.
1.1.3-Le service de Cardiologie
Ce service a pour mission d'assurer la prise en charge des
patients adultes souffrant d'une insuffisance cardiaque.49
L'équipe de soins est constituée de : deux médecins
cardiologues, un cadre de santé, 20 infirmières dont 1
déférente en ETP, des aides-soignantes, des agents de services et
une secrétaire. Le service dispose de vingt-quatre lits, et de huit
boxes pour les soins intensifs. Dans ce service, les patients viennent en
consultation externe, ou admis en entrée directe après
consultation, ou par le biais des urgences.
a) Présentation de l'équipe
éducative : l'équipe éducative est
composée de :
? Un médecin coordinateur du programme ETP,
? Une infirmière50qui assure l'ETP.
Dans le cadre de l'ETP, l'infirmière éducatrice
prend en charge les patients souffrant d'une pathologie cardiaque, tous les
jeudis (c'est l'équivalent de 20%51 de son temps de travail
mensuel, le reste du temps est consacré à la prise en charge des
soins médicaux). Les médecins disposent d'un demi temps
consacré aux programmes ETP (équivalent à 50% de temps
plein du travail mensuel). Le kinésithérapeute et la psychologue
n'interviennent que sur prescription du médecin.
b) L'activité de l'infirmière
éducatrice en service de Cardiologie : dans le cadre de la
réalisation des deux programmes éducatifs52.
L'infirmière éducatrice, son rôle est d'aider le
49 Définie comme l'incapacité du
coeur à assumer le débit sanguin nécessaire aux besoins
métaboliques et fonctionnels des différents organes. Reconnu
comme Affection de Longue Durée par l'OMS et représente un
problème de santé publique. Ses symptômes sont fortement
invalidants (dyspnée, fatigue) et son pronostic est vital (risque de
mort subite). La prise en charge médicale de cette maladie chronique
consiste en des traitements médicamenteux (traitement anticoagulant).
50 A bénéficiée de 40 heures de
formation continue en ETP.
51 A signaler que ce temps était de 50% en
2011, est en baisse depuis 2015, à cause de la file active réelle
du service qui ne répond plus aux exigences des recommandations de la
HAS et de l'INPES (2007).
52Le programme destiné aux patients
souffrant d'insuffisance cardiaque, et le programme destiné aux patients
atteints de troubles du rythme ou de maladies thromboemboliques. Ces programmes
sont destinés aux patients
76
patient à acquérir les compétences
nécessaires pour mieux gérer sa pathologie : en maîtrisant
le traitement, en prévenant les complications thrombotiques ou
hémorragiques, en stabilisant la progression de l'insuffisance cardiaque
(limiter les décompensations cardiaques) afin de préserver sa
qualité de vie.
Dans cette perspective, l'infirmière éducatrice
doit aider le patient à :
? Acquérir des compétences cognitives comme la
connaissance de la surveillance des complications, l'importance des mesures
diététiques ;
? Acquérir des compétences d'auto-soin comme la
prise des médicaments, la mesure du pouls, surveillance des
oedèmes, ...
? Acquérir des compétences d'adaptation comme
avoir le réflexe d'appeler les
personnes ressources en cas d'aggravation, s'avoir
anticipé les ordonnances, ...
1.2- Le diagnostic éducatif
Théoriquement, pour les trois services, le diagnostic
éducatif doit être réalisé par le médecin
spécialiste de la pathologie chronique, l'infirmière
éducatrice référente en ETP et les autres professionnels
de santé (diététicienne, kinésithérapeute,
pharmacien, ergothérapeute...) C'est ce diagnostic qui initiera la
démarche éducative. L'infirmière éducatrice doit
enregistrée les données formulées par le patient durant
l'entretien éducatif, suite à un questionnaire ouvert
informatisé. Ce questionnaire permet à l'infirmière
éducatrice d'appréhender la vie et la personnalité du
patient, d'identifier ses connaissances et ses croyances, d'identifier ses
besoins en éducation et d'évaluer ses potentialités
d'apprentissages pour lui proposer un programme éducatif adapté.
Ce diagnostic éducatif est établi avec chaque patient dès
la 1ère consultation. Suite à cette étape, un contrat
éducatif est proposé au patient. Si le patient est d'accord, il
doit définir avec l'infirmière éducatrice les objectifs
souhaités. A savoir que le consentement du patient est obligatoire. Pour
les patients qui ont accepté le suivi éducatif,
l'infirmière éducatrice programme et prépare des
séances éducatives individuelles ou collectives (pour des groupes
de 7 à 8 personnes par groupe). La durée d'une séance
individuelle est d'environ une heure. La séance collective dure environ
3 heures. C'est à partir du contrat éducatif, que le nombre de
séances d'entretien, de suivi, ou de renforcement
hospitalisés à l'Hôpital de Blois, aux
patients des consultations externes et à leur entourage. Les patients
sont éduqués durant la période d'hospitalisation selon les
recommandations de l'HAS pour cette pathologie. La prise en charge
thérapeutique, a pour objectif principal l'éducation du patient.
Celui-ci doit être informé de ses contraintes alimentaires, des
circonstances susceptibles de déstabiliser son état cardiaque,
des modalités de surveillance (poids, quantification de
l'essoufflement...), des bienfaits des pratiques d'exercices physiques
adaptés et des modalités de la prise des traitements
médicamenteux.
77
est déterminé. Ce nombre est très
variable et dépend des facteurs cognitifs, psychologiques et sociaux des
patients, ainsi que des disponibilités de l'équipe
pluridisciplinaire.
Dans ce cadre, l'infirmière éducatrice
référente en ETP mobilise des outils éducatifs comme :
· Le guide d'entretien pour l'élaboration du
diagnostic éducatif ;
· Le dossier éducatif informatisé du patient
;
· Le carnet du patient ;
· Les plaquettes d'information et le matériel pour
les apprentissages techniques ;
· Les dessins, les schémas, de la documentation ;
· Des jeux thématiques, des tables rondes ;
· La grille d'évaluation des compétences.
En fin de chaque séance éducative et à
l'issu de l'éducation du groupe, l'infirmière éducatrice
évalue les acquisitions du patient à l'aide d'un questionnaire de
satisfaction. L'atteinte des objectifs de chaque patient est
évaluée lors de la consultation de suivi externe ou lors d'une
éventuelle ré-hospitalisation. La démarche
éducative est alors reprise grâce au dossier éducatif
informatisé personnalisé.
Pour les trois services, les programmes ETP prévoient
un volet dossier patient informatisé. Ce dossier n'est pas classé
dans le dossier médical du patient. Il s'agit d'un dossier à
part, il permet de structurer la prise en charge, le suivi et d'en
évaluer le processus éducatif. Les objectifs de la
création de ce dossier éducatif informatisé sont :
l'amélioration de la prise en charge du patient, l'instauration d'une
éducation thérapeutique de qualité et, le suivi de ce
dossier par tous les soignants.
2- Phase d'observation ethnographique
J'ai opté pour une même méthode de travail
pour les trois services (Hôpital de Jour, Unité de
Diabétologie et Service de Cardiologie). D'abord, j'ai observé
les locaux et leurs aménagements, l'organisation de chaque service, les
équipes soignantes, la répartition des tâches, et la mise
au travail des uns et des autres. Ensuite, j'ai suivi l'infirmière
éducatrice du service. J'ai regardé sa façon d'organiser
son activité, j'ai énuméré les différentes
tâches réalisées, j'ai observé son attitude et son
comportement avec les patients au moment du soin médical, et au moment
des séances éducatives. Il s'agissait pour moi de suivre le
déroulement de plusieurs consultations53 Donc, j'ai
passé plusieurs journées dans les trois services de soins. C'est
à la suite de cette phase que j'ai pu réaliser des entretiens
semi directifs avec les
53 Ceci suite à l'obtention de leur accord, et
celui de l'administration.
78
trois infirmières éducatrices. J'avoue que ma
présence dans les services de soins m'a permis d'être connu et
reconnu dans le milieu des soins et de faire connaissance avec les
infirmières éducatrices, les patients et, de me familiariser avec
leur environnement.
3- Phase de réalisation des
entretiens
J'ai choisi, de mener des entretiens semi directifs avec les
infirmières éducatrices que j'avais déjà
observé dans leur poste de travail. Les infirmières
éducatrices des trois services ont été contactés et
informés de mon arrivée sur leur lieu de travail. Le sujet du
stage a été précisé ainsi que les conditions de
l'entretien et plus précisément son enregistrement. Les trois
professionnelles étaient d'accord pour la méthode et n'y voyaient
aucun inconvénient. Au contraire, elles se sont montrées
très intéressés par le sujet, expliquant que depuis la
mise en place de l'activité ETP aucun stagiaire ou autre professionnel
ne s'est manifesté pour observer et parler de leurs pratiques. Cette
première prise de contact a instauré un climat de confiance entre
nous, rendant possible un recueil de données subjectif. Mes entretiens
sont appuyés par un questionnaire ouvert54. Chaque entretien
a été enregistré, restitué et analysé. Le
premier entretien a été concluant car très riche dans les
apports sur les différentes notions. Mon guide d'entretien n'a donc pas
été modifié. Chaque entretien a duré environ
quarante-cinq minutes. Tous se sont faits dans de bonnes conditions et
notamment, dans un lieu calme. Des interruptions par le téléphone
ou par une personne venant frappée à la porte n'ont pas
engendré de difficultés particulières.
3.1- Portrait des interviewées
Dans cette partie du travail, l'anonymat est respecté pour
les trois infirmières éducatrices.
Pour faciliter le traitement des données recueillies, j'ai
choisi trois prénoms différents pour
nommer les entretiens restitués :
« Marie » pour le premier entretien avec
l'infirmière de l'Hôpital de Jour,
« Laura » pour le second entretien avec
l'infirmière de l'Unité de Diabétologie,
« Sophie » pour le troisième entretien avec
l'infirmière du Service de la Cardiologie.
Les mêmes prénoms seront retrouvés dans
toutes les interprétations effectuées.
Dans toutes les parties qui suivent nous avons choisi d'utiliser
le terme « éducatrice » à la
place de référente en ETP, le fait que les
infirmières se nomment éducatrices pendant
l'activité ETP.
54 Voir en annexe n°4 le support de
l'entretien
79
- Marie, 36 ans, 8 années d'expérience en
qualité d'infirmière en médecine interne,
cancérologie, dialyse et 5 années comme infirmière
éducatrice en ETP à l'Hôpital de Jour.
- Laura, 38 ans, 15 années d'expérience comme
infirmière en service de médecine interne, aide médicale,
diabétologie et éducatrice en ETP depuis 4 ans.
- Sophie, 35 ans, 13 années d'expérience en
qualité d'infirmière en médecine polyvalente de nuit et de
jour (en gériatrie, aux urgences, en cardiologie), et infirmière
éducatrice en cardiologie depuis 4 ans.
Les trois infirmières ont suivi une formation de 40
heures pour pouvoir pratiquer l'activité ETP. Elles exercent dans des
services différents. Les entretiens ont donc eu lieu dans leur service
d'affectation. Les trois infirmières éducatrices déclarent
: être engagé dans des programmes ETP, exercer dans leur travail
quotidien l'activité éducative, travailler dans des services de
soin où les patients souffrant d'une pathologie chronique.
80
IV- Traitement des scripts recueillis
Dans cette partie nous nous sommes intéressé aux
idées formulées par les interviewées, afin de
présenté un panel le plus représentatif possible des
pratiques, convictions, opinions et représentions de ces
infirmières éducatrices par rapport à leurs
activités et leur identité, de manière à
présenter fidèlement les caractéristiques d'une
réalité. Dans ce cadre, pour explorer les données obtenues
par les entretiens semi directifs, nous avons opté par une
méthodologie d'analyse de données selon trois étapes : la
phase de catégorisation, la phase descriptive et interprétative
et enfin, la phase d'analyse (Quivy & Campenhoudt, 2006). Dans ce sens,
nous avons retranscrit intégralement les scripts de chaque entretien et
les avons répertoriés dans des tableaux55, ensuite
nous avons procédé par un « codage chronométré
» des idées qui apparaissent au fil de l'écoute pour chaque
enregistrement. En deuxième phase, nous avons effectué le tri
à plat des scripts de chaque entretien, pour faciliter
l'interprétation des données et, pour faire émerger des
convergences ou des divergences dans la pratique de l'ETP par les
interviewées. Notre but est de chercher à produire du sens
à partir de ces données recueillies, qui ont fait l'objet d'une
analyse de contenu, que nous avons élaboré dans cette
quatrième partie de ce mémoire. Nous procéderons donc par
une méthode d'analyse thématique qui, selon Blanchet et Gotman,
est la plus « cohérente avec la mise en oeuvre de
modèles explicatifs de pratiques ou de représentations... »
(2001, p. 98). En effet, dans la partie qui suit, nous nous contenterons
de présenter que la phase descriptive et interprétative, suivi de
la phase d'analyse.
1- Synthèse des verbatims
Suite à la phase des tris à plat pour chaque
entretien, j'exposerai dans cette partie une synthèse des contenus
recueillis. J'ai choisi donc, de regrouper les sujets abordés durant les
entretiens en 07 thématiques, pour faciliter l'analyse et
l'interprétation des données et, pour faire émerger des
convergences ou des divergences dans la pratique de l'ETP par les
interviewées.
1) Présentation, représentation et
organisation de l'activité ETP par les infirmières
interviewées (moyens mobilisés, justification du choix,
...)
a) Présentation et organisation de l'ETP par les
interviewées
55 Joints en annexe n°5
81
L'enquête révèle des intentions
différentes par rapport à l'instauration de l'ETP dans les trois
services et une organisation distincte d'un service à un autre avec
quelques procédés semblables.
A l'Hôpital de Jour :
l'initiative de l'élaboration des programmes ETP répond au projet
de l'établissement. C'est le fruit du travail d'une équipe
pluridisciplinaire. Marie témoigne : « On a eu une
réunion de travail avec la coordinatrice de l'ETP, médecins,
diète, kiné, cadre... on a fait une fiche pédagogique avec
les déroulements de tous les thèmes. On nous a installé un
logiciel pour entrer les infos des patients et créer le dossier
éducatif » (00'37).
Dans ce cadre, la mise en place de ces programmes
éducatifs a été confiée au médecin
coordinateur de l'ETP et à une infirmière justifiant d'un Master
en éducation thérapeutique qui occupait le poste
d'éducatrice. Un an plus tard, l'infirmière éducatrice
quitte le service pour une promotion. L'HDJ s'est retrouvé alors sans
éducatrice. Ces circonstances ont eu un impact important sur la
poursuite de l'activité ETP dans le service. C'est à ce moment
que Marie une des infirmières du service postule pour le poste
d'éducatrice est l'occupe à ce jour, elle est la seule
infirmière éducatrice dans son service. Donc, être
éducatrice relève d'un choix personnel pour Marie :
« oui c'est un choix. En fait, j'avais une collègue DU qui
occupait ce poste. Et éduquait les patients. Et quand elle est partie,
j'ai demandé d'occuper son poste de référente...et
voilà 3 ans déjà. En 2011, j'ai en fait repris les
programmes, les ateliers qui n'avaient pas encore était fait
(00'10).
-Marie n'organise que les séances collectives :
elle les réalise dans une salle appartenant à
l'hôpital, qu'elle réserve tous les jeudis. Elle a mis en oeuvre
un prospectus qu'elle propose aux patients pour les initier à la
pathologie et aux séances proposées : « j'ai fait un
p'tit flayer pour représenter un p'tit peu ce que l'éducation
thérapeutique » (01'48).
-Marie propose aux patients trois programmes
éducatifs le jour du diagnostic éducatif : chaque
programme représente un atelier éducatif. L'atelier dure environ
3 à 4h, concentré sur une journée dans la semaine (le
jeudi) soit le matin, ou l'après-midi. Les trois ateliers sont
programmés successivement deux mois plus tard. Le premier atelier, Marie
le réalise avec un rhumatologue et un pharmacien. Le nombre de
participant est de 5 à 6 personnes. Le deuxième atelier, elle
l'accomplit avec une diététicienne. Le nombre de participants est
limité à 8 personnes. Le troisième atelier, Marie
l'effectue avec un kinésithérapeute et un ergothérapeute.
Le nombre des participants est aléatoire, jusqu'à 10 personnes
réparties souvent en deux groupes. Marie a réalisé en
2015, 31 diagnostics éducatifs et 12 ateliers.
82
En Unité de Diabétologie
: avant l'année 2011, la diabétologie relevait du
Service de la Médecine Interne. Laura et les autres infirmières
prenaient en charge tous les patients y compris les patients diabétiques
pendant 12 ans. Ensuite, les responsables et les médecins du service ont
voulu créer une unité indépendante, prenant en charge que
les patients diabétiques, cette unité a été
intitulée « l'aide médicale ». Le but était de
commencer des éducations informelles (une initiative des médecins
du service). C'est dans ce cadre que l'infirmière Laura s'est
retrouvée dans cette unité, pour elle, il s'agissait de
séparer les différentes pathologies traitées dans son
service. Ensuite, il y eu l'introduction de la pratique de l'ETP.
L'unité de « l'aide médicale » prend donc l'appellation
de « l'unité de diabétologie » depuis 2011. Dans cette
perspective, des programmes ont été établis par les
professionnels de cette unité.
Laura exprime que la pratique de l'ETP ne
relève pas d'un choix personnel pour elle, mais d'une réponse
à une volonté de changement de pratiques dans le service
: « on n'avait pas vraiment le choix. Au départ, on
était l'aide médicale...puis on a parlé de
l'éducation thérapeutique dans tout l'hôpital et, on a
changé de contenus. Et on a établi des programmes »
(00'24).
-Pour la prise en charge de l'ETP, Laura partage
l'exercice de cette activité avec 5 autres infirmières
éducatrices. Elles se succèdent selon un planning de
travail. Chaque éducatrice prend en charge l'activité ETP pour
une durée de 2 mois consécutifs dans l'année. Les autres
mois de l'année Laura ne s'occupe que des soins curatifs : «
...on ne travaille pas en même temps. C'est un planning... je suis
éducatrice que deux mois dans l'année... » (05'59).
-Pour la réalisation des séances
éducatives, Laura propose aux patients des séances de
groupe et des séances individuelles.
En séances de groupe, Laura
réalise deux programmes d'ateliers : le premier est adressé aux
patients diabétiques type I et II : Il comporte un parcours de trois
séances éducatives pour chaque patient. Le mercredi matin :
l'atelier avec un psychologue, le jeudi matin : l'atelier alimentation avec la
diététicienne et le jeudi après-midi : l'atelier pieds
avec une aide-soignante. Chaque atelier dure environ 3h30. Le deuxième
programme concerne les patientes atteintes du Diabète Gestationnelle
(DG). Sa durée est de 2h30. Par manque de temps (en lien avec la date de
l'accouchement des patientes), Laura n'a pas choisi de méthode pour ce
programme. Elle réalise le diagnostic éducatif en séances
collectives pour toutes les patientes ensembles. Ensuite, elle personnalise si
besoin. Ces patientes sont adressées de la maternité en groupe de
4 à 5 patientes à la fois. Cette mission ne semble pas facile
pour Laura : « on n'a pas choisi de méthode, ...il y en a...je
prends pas de p'tit déj, il y en a que des boissons
83
sucrées. On a une dame qui mange en continu...
Quand on a ce genre de situation...on ne va pas détailler... l'acide
essentiel...nanana. On s'adapte, c'est dur de commencer par un diagnostic pour
tout le groupe en même temps, ... En fait l'éducation
thérapeutique c'est aussi avoir la capacité de
s'adapter...voilà » (08'25).
En séances individuelles : A chaque
patient, Laura propose un parcours éducatif de trois séances,
(l'initial, le suivi et le renforcement). Elle fixe les rendez-vous, convoque
et rappelle les patients. Le suivi est proposé pour revoir les
objectifs. Les patients ont le choix de l'effectuer au niveau du
réseau. Le renforcement est proposé qu'aux patients qui
ont besoin de plus de séances éducatives. Les séances
individuelles se déroulent tous les lundis, mardis et vendredis de la
semaine. Elles durent environ 1h.
En Service de Cardiologie :
l'initiative de la mise en place de l'ETP dans ce service est naît d'un
manque de l'effectif médical et d'une volonté d'aménager
la charge du travail des cardiologues aux urgences, le fait que la
journée de présence du médecin est partagée entre
ce service et le service des urgences. D'après Sophie : «
l'idée de l'ETP, c'était de désengorger un p'tit peu les
urgences et puis prendre ce qui était spécifique à la
cardiologie » (00'34).
-Pour la prise en charge de l'ETP, le poste
d'éducatrice a été proposé à
l'infirmière Sophie par son cadre de service : « On
m'a proposé le poste d'éducatrice...j'ai accepté
» (00'34). Sophie devient la seule infirmière
éducatrice dans son service. Depuis l'instauration de l'ETP dans le
service, Sophie consacrait deux jours (le mardi et le jeudi) de chaque semaine
dédiée à l'activité éducative. Depuis 2015,
elle ne pratique qu'une journée par semaine (le jeudi), cette baisse de
l'activité ETP est expliquée par la diminution de la file active
: « il n'y a pas assez de patients » (00'59).
-Pour la réalisation des séances
éducatives, Sophie ne procède que par des séances
individuelles, elle propose un programme de trois jours
d'éducation aux patients pendant leur hospitalisation. Un mois
après la sortie du patient, Sophie le convoque pour le suivi, et lui
propose deux séances d'apprentissage. Chaque séance se concentre
sur une journée dans la semaine (le jeudi), dans un bureau. La
séance dure environ 3heures.
Les procédures identiques aux trois services
-Pour les trois services, la proposition de l'ETP aux
patients relève, soit d'une prescription médicale, soit d'une
initiative de l'infirmière éducatrice dans le cadre de
son rôle propre. Les éducatrices disposent d'un dossier
éducatif indépendant du dossier médical,
spécialement conçu pour le suivi du parcours éducatif de
chaque patient.
84
-Les trois infirmières éducatrices
« recrutent » les patients sur l'ordinateur, elles
élaborent le diagnostic éducatif (appelé aussi l'initial)
et définissent les objectifs avec le patient. A l'HDJ et en service de
Cardiologie, Marie et Sophie n'établissent le diagnostic éducatif
que si le patient est d'accord pour un suivi éducatif. Alors qu'en
service de Diabétologie, Laura élabore systématiquement le
diagnostic éducatif pour tous les patients atteints du diabète
type I et II, ayant fait un séjour dans l'unité. Les
éducatrices organisent soit des séances individuelles, soit des
séances collectives. Les autres professionnelles
(diététiciens, kinésithérapeutes, ...) collaborent
aux séances collectives selon leurs disponibilités. Dans les
trois services, les infirmières éducatrices réalisent
seules le diagnostic éducatif et les séances individuelles avec
les patients.
-Les activités éducatives reposent sur
des méthodes pédagogiques comme la discussion,
l'échange, la répétition des termes médicaux, la
reformulation, et le partage des informations entre les participants et les
différents intervenants. La répétition des termes
médicaux représente un des outils éducatifs pour Laura :
« Il ne va pas tout retenir d'emblée. Ça va être
répété...répété, pendant trois jours
» (10'23).
-Les thèmes abordés sont choisis par les
patients, et dépendent des objectifs fixés. Le
témoignage de Marie révèle que les patients apportent
leurs connaissances sur les thèmes choisis et, les intervenants
(l'éducatrice seule ou accompagnée d'un professionnel de
santé) contrôlent les acquisitions des patients et interviennent
pour plus d'explications : « on leur demande de choisir deux cartes :
soit parce que ça les interpelle, soit parce qu'ils connaissent et ils
veulent en parler. Soit par ce qu'ils ne connaissent pas du tout, et ils
aimeraient en s'avoir. Voilà...par exemple le thème de la
douleur, tout le monde est intéressé... et tout le monde peut
intervenir pas que la personne qui a choisi cette carte » (13'02).
-Pendant les séances éducatives, les
trois éducatrices mobilisent des moyens humains et matériels
comme : les professionnels de santé (diète, kiné,
pharmacien,), les patients, les compagnons, les ateliers, le support
informatique, le diagnostic éducatif, la programmation, le suivi,
l'évaluation, les transmissions, les outils visuels tels que, les
cartes, les prospectus, le matériel utilisé par les patients
(appareil à glycémie, tensiomètre, ...). Les trois
éducatrices réalisent les séances individuelles soit dans
la chambre du malade, soit dans un bureau appartenant à leur service, si
celui-ci est disponible.
-Pour l'évaluation des séances
collectives, Marie et Laura proposent aux patients un questionnaire de
satisfaction en fin de chaque séance. Pour le suivi, les patients ont le
choix entre l'Hôpital et le réseau. Laura témoigne :
« Il y a le suivi des patients mais c'est nous qui
85
le faisons, c'est le questionnaire de satisfaction pour le
groupe et...pour le suivi ils ont le choix. Soit ici soit au réseau...
» (34'45).
-Pour l'évaluation des séances
individuelles, les trois éducatrices doivent reprendre le
diagnostic éducatif pour évaluer les compétences du
patient. Le manque de temps ne leur permet pas de réaliser cette
procédure, aussi, les patients ne semblent pas motivés pour
revenir à l'Hôpital, Marie témoigne : «
...normalement on devrait refaire un diagnostic. Au niveau timing c'est un peu
difficile. Ça prend du temps...moi je passerai trois quarts d'heure
sur...mine de rien...et j'essaie de ne pas dépasser une heure avec
chaque patient. Et après on a les retranscriptions. Je ne veux pas
utiliser l'informatique devant les patients. C'est vrai que...faire revenir les
gens pour discuter ce n'est pas évident. Les gens ne sont pas
forcément disponibles... Il y a des gens qui viennent de loin »
(33'00).
-Pour l'évaluation de l'activité ETP
en tant que telle, le témoignage des trois infirmières
éducatrices confirme qu'aucun suivi professionnel n'a été
effectué depuis l'intégration de cette activité
éducative à leur quotidien. L'analyse des pratiques
professionnelles éducatives ne fait pas encore partie des
priorités de ces services. Marie et Sophie expliquent que cela est
dû au manque d'outil d'évaluation : « ...on n'a pas
d'outil d'évaluation de l'activité je pense...notre travail, je
ne sais pas, on n'a jamais été évaluer »
(43'25). « L'activité
thérapeutique en tant que telle, je dirai qu'on n'a
pas d'outil pour l'évaluer... » (35'41).
Laura
précise qu'il n'y a pas de suivi professionnel pour les
infirmières éducatrices : « Il n'y a pas le suivi d'un
professionnel. Qui nous dirait si c'est ça ce qu'on fait. L'analyse des
pratiques qu'est ce qui la fait. ...l'analyse de l'activité...il faut
justifier de nos formations d'éducation thérapeutique. Mais qui
vient nous évaluer sur le terrain, pour nous dire que finalement, on ne
fait pas juste ce qu'on fait, ...qu'on prend pas juste un thé avec le
patient...et ben personne...On remplit des dossiers sur l'ordi...qui regarde et
remarque ce que je marque en compte rendu...qui...pas du tout. Personne, il n'y
a personne qui regarde ce qu'on fait... je pense... » (35'04).
b) Les représentations de l'ETP par les
interviewées
Le témoignage de ces trois infirmières
éducatrices va nous éclairer davantage sur leur
représentation de l'ETP. Pour cela, j'ai demandé à ces
infirmières de me décrire leur signification de
l'éducation par rapport à l'information et la
persuasion, le fait que ces trois vocables sont souvent
employés dans la terminologie des soins infirmiers.
Chaque infirmière a répondu selon sa
représentation influencée par sa propre expérience
éducative. La représentation de l'éducation
est semblable pour les trois interviewées. Elle
86
est représentée par la discussion,
l'échange, et le partage des informations entre les participants et les
intervenants. Elle privilégie l'effet de groupe, l'intervention des
éducatrices est au second plan. C'est un moment d'apprentissage.
- Laura définit l'éducation comme un
apport d'information donné en réponse à un besoin
éducatif, n'ayant aucun lien avec l'information en
réponse à une demande. L'éducation pour Laura donne un
sens au métier de l'infirmière. Elle décrit avec une
grande intelligence intuitive sa représentation de l'ETP : «
...c'est un soin qu'on va mettre au même niveau qu'un autre... pour moi
l'éducation ça aller de soi...c'est comme ça que je vois
mon métier. Je ne le vois pas sans. Sinon c'est un métier qui est
dénué de sens...c'est inclus dans la prise en charge... »
(16'48). « C'est vrai qu'il a un apport d'information dans le but
ensuite de pouvoir réfléchir à quelque chose et pouvoir
prendre conscience de se qu'on fait...pourquoi on le fait et qu'est ce qu'on
peut en tirer. Parce que pouvoir faire des glycémies ce n'est pas
facile...et si on ne fait rien derrière...ça ne sert pas à
grand-chose. Le conseil, on peut le faire sans éducation, à moins
qu'il réponde à un besoin éducatif, oui,
donner...donner...ce n'est pas faire de l'éducation. Donc
automatiquement l'éducation vient après l'information »
(01'29).
- Marie différencie l'éducation
thérapeutique de l'action thérapeutique : « on
parle de la pathologie...le débat reste ouvert... On n'est pas
là...pour faire une thérapie de groupe ...et ce n'est pas juste
des infos qu'on donne » (21'39).
-L'éducation pour Sophie aborde la
qualité de vie : « c'est une autre prise en charge de
la maladie dans sa globalité...ce n'est pas un moment de compassion,
...mais d'apprentissage, ...pour nous ou pour les patients, ... » (02
'44).
La persuasion en ETP ne fait pas partie des outils de
travail des trois éducatrices : par exemple le
témoignage de Sophie confirme que le patient a le droit de refuser les
soins : « si cette dame n'est pas convaincue et ne réalise pas,
moi je ne peux pas être persuasif » (02'44). Les trois
interviewées expriment des représentations différentes par
rapport aux deux rôles (soignant et éducatif) : Marie
n'exprime aucun choix par rapport aux deux rôles. Elle les met au
même niveau, malgré leur différence de pratique :
« ...je ne sais pas si je voudrai faire que de l'ETP. Parce que j'aime
aussi ce que je fais ...en cancérologie. En fait se sont deux
activités différentes que j'aime ...mais si je devais faire un
choix entre les deux. Je serais bien embêtée »
(36'43).
- Pour Laura, les deux activités se complètent :
« c'est un soin qu'on va mettre au même niveau qu'un autre. Pour
moi c'est évident... pour moi l'éducation ça aller de soi.
Pour moi c'est comme ça que je vois mon métier. Je ne le vois pas
sans. Sinon c'est un métier qui est
87
dénué de sens... pour moi c'est inclus dans la
prise en charge... Je ne peux pas
travailler sans éducation... »
(16'48).
-Sophie reconnaît que le rôle d'éducatrice
a renforcé son comportement de soignante. Elle remarque qu'elle commence
à se lasser du rôle soignant au regard des compétences de
l'ETP qui la valorisent plus : « ...l'éducation a
renforcé mon côté soignant. J'aime les deux...j'aime bien
le curatif mais l'éducation c'est un autre moment. Mais je commence
à me lasser du curatif parce que c'est superficiel. Il n'y a pas de
communication véritable mise à part le geste technique. On n'va
pas connaître les patients, on est satisfait de bien faire le soin, on
n'a pas de retour du patient. La communication ne va pas s'approfondir. On
essaie de connaître la maladie mais pour le malade s'il n'y a pas
d'éducation...pas d'échange. J'ai l'impression qu'on apporte
peu...normalement on doit pratiquer les deux » (25'07).
2) Distinction entre une activité ETP et une
autre activité (description, notion du temps...)
Description de l'activité d'infirmière
par les interviewées : Les trois éducatrices travaillent
chacune dans son service d'affectation comme infirmière. Elles
réalisent à la fois des tâches propres et des actes
délégués. Ces infirmières ont une charge de travail
différente et intense, qui leur demande une grande technicité.
A l'Hôpital de Jour,
Marie, en dehors de la journée consacrée à
l'éducation (le jeudi) ne réalise que les soins techniques. Son
planning est de journée (9h-18h), elle ne fait pas de transmissions
orales entre équipes, car elle n'a pas de relève, elle prend en
charge des patients qui souffrent de pathologie cancéreuse, ou autres
pathologies chroniques : « ...il y a des gens qui viennent pour la
chimio...les gens qui ont des scléroses en plaques pour un traitement en
IV, des gens qui souffrent de polyarthrites, des maladies de crohn, et certains
examens qui doivent se faire dans la journée...voilà. Ensuite on
fait la chimiothérapie des cancers gastro, ORL, hématologie qui
viennent faire leur chimio...en fin le suivi de tout ça... »
(36'17).
A l'unité de Diabétologie et en
service de Cardiologie, Laura et Sophie travaillent selon
un planning réparti en deux temps, soit un roulement du matin ou du
soir. Chacune a une représentation de l'ensemble des malades
présents dans son service, des soins qui doivent être
prodigués, suivant les transmissions entre équipes et les
prescriptions médicales. Laura et Sophie planifient les
différentes tâches selon une logique de priorité. Elles
réalisent aussi les tâches administratives et travail en
binôme avec l'aide-soignante si besoin. Le témoignage de Sophie
confirme de l'intensité de la charge de travail et de la
diversité des tâches de l'activité infirmière :
« Quand je ne fais pas l'ETP les autres jours, j'arrive dans le service
à 6h30 et je
88
finis à 14h30, il y a des moments de transmissions.
Le temps passé dans les chambres, les traitements, les prises de sang,
faire les pansements, faire le tour avec le médecin... Il est
déjà midi et, il faut donner de nouveau les traitements, il faut
expliquer, il faut faire les transmissions entre équipe. Si je suis
d'après-midi, c'est de 14h15 à 21h15, généralement
c'est la même chose au niveau des traitements, des soins, sauf qu'on fait
en plus les retours de bloc, les surveillances...les préparations des
dossiers...les imprévus, les entrées, les sorties, les staffs,
les réunions du service, les trans écrites... »
(19'44).
Les trois interviewées différencient
l'activité ETP de l'activité des soins curatifs par
rapport au temps, à l'organisation, à l'approche du patient et
à la posture. Le « face à face » et
l'échange représentent une posture communicative pendant l'ETP
pour Marie et Laura. Les deux activités se complètent pour
Sophie.
-Le moment du soin est décrit comme pratico
pratique, le peu de communication est centré sur le soin pour Marie
: « Quand on fait les éducations pour les auto injections, on
reste plus dans le soin... Je vais parler de la technique d'injection, du
matériel... Et quand on fait une éducation, c'est des
séances qui demandent des techniques, des préparations..., En
ETP, l'approche du patient n'est pas la même, on se regarde dans les
yeux. Dans le soin...je suis plus concentré sur l'acte. ... je ne
discute pas avec le patient sur sa vie, je le réassure, je fais mon
soin, ... » (21'39). « ...On voit bien qu'on n'est pas du
tout dans la même posture. On voit bien que c'est complètement
différent de faire de l'éducation au soin et l'éducation
thérapeutique... » (28'05).
Les interviewées expriment les mêmes
représentations sur la notion du temps par rapport aux deux
activités : l'activité du soin médical leur exige
une gestion du temps épuisante. Les infirmières
éducatrices mettent en avant le manque de temps et sa gestion difficile,
qui peuvent engendrer un stress en lien avec la charge de travail, comme le
confirme le témoignage de Marie : « en soins, le temps est
partagé entre les patients et les autres tâches...et si une
tâche non prévue se rajoute, ça déborde et on sera
obligé de rester plus dans le service, ce qui peut engendrer le
stress... » (28'57). Sophie rajoute à ce témoignage :
« il faut tout faire et finir à temps, c'est super stressant,
on court tout le temps après le temps... On n'a pas le temps pour le
patient... » (28'44).
- Pendant l'activité ETP, le temps est mieux
géré, même s'il reste aussi fatigant psychologiquement pour
les infirmières éducatrices. Il leurs exige beaucoup
d'écoute et de concentration. Le temps pour Marie représente un
temps d'apprentissage et de partage : « il faut prendre du temps... il
faut laisser le temps aux patients...on n'est pas pressés...
»
(28'57).
89
-Laura exprime qu'il faut consacrer beaucoup de temps aux
patients souffrant de pathologie chronique, pour elle : « sur la
chronicité...on a le temps de travailler l'ETP... Ce n'est pas en 15
jours qu'il va mettre sa vie en péril » (12'11) « Moi
je suis là en consultation. On a le temps de recevoir les patients. On
ne fait pas d'autres soins...qui nous rappellent en timing... Si un peu mais
pas de stress comme en soin... » (06'16).
3) Différences et similitudes entre la posture
de soignante et la posture d'éducatrice (rôle éducatif,
bascule entre soin et éducation, ...)
-Les interviewées perçoivent les
mêmes différences entre le rôle d'éducatrice et le
rôle de soignante : un qualifiée de technique et l'autre
de relationnelle pour Sophie (25'05). La différence est dans l'attitude
de l'infirmière et du patient au moment des deux activités. Les
trois infirmières éducatrices avouent qu'elles n'adoptent pas les
mêmes attitudes en soin et en ETP. Chaque activité a sa propre
posture d'après ces infirmières.
- Pendant le soin, les interviewées
témoignent d'une posture de soignante et un rôle d'acteur. Le
rôle du patient est de recevoir le soin, Sophie révèle :
« je suis plus dans les attentes médicales » (14'05).
« Il n'y a pas de véritable communication... à part le
geste technique » (25'07).
- Pendant l'ETP, les infirmières
éducatrices s'octroient le second rôle. Elles apportent de l'aide,
assurent l'accompagnement, le soutient et l'écoute. Le patient est
acteur, il apporte les connaissances et les informations. Marie témoigne
: « ce n'est pas la même chose. Le patient apporte
l'information. Nous on a le second rôle » (24'45). Elle rajoute
« ...Je me considère plus dans l'aide, dans l'accompagnement
que dans le soin » (43'46). « Nous on a le second rôle
» (24'45). Laura se décrit dans une posture de « non
savoir » : « Nous on répond sans ce côté
pouvoir ou savoir » (06'36).
Les interviewées perçoivent
différemment leur rôle en séance éducative :
Marie prépare seule les ateliers de groupe. C'est elle la
régulatrice de son activité. En présence d'un
professionnel de santé, elle apporte sa partie « pratico
pratique », note les scripts et intervient si besoin. C'est un
rôle « interchangeable » :« on est le fil rouge, on
fait tous les ateliers avec les patients d'a à z, ...les autres sont
là en épisode.... C'est vrai qu'on est les
référentes.... C'est nous qui sommes...les régulateurs...
» (12'16) « ...quand je suis avec le pharmacien, c'est plus
son rôle d'intervenir, moi je note le script...des fois j'interviens...
» (17'59) « ...le pharmacien apporte sa partie, moi
j'apporte ma partie plus pratico pratique...c'est aussi le rôle qu'on
s'est donné...En fait on est complémentaire »
(18'17).
90
-Laura s'octroie le rôle d'organisatrice de
l'activité ETP, et d'accompagnatrice dans l'apprentissage du patient. En
séances collectives, elle partage le rôle d'animatrice avec un
professionnel de santé : « En individuel, ...je lui apporte les
connaissances, je l'accompagne dans son apprentissage...c'est moi qui
gère. En groupe si c'est avec la diète, elle apporte sa partie,
moi je note si besoin, j'interviens si ça à un lien avec la
physiologie...si avec le médecin, pareil...après moi je rajoute
des explications si besoins... chacun son rôle » (08'60).
-Sophie organise, gère et réalise son activité d'ETP toute
seule, elle n'exprime aucun rôle : « ...je suis toute seule
pendant la séance éducative...j'organise et je réalise la
séance... j'accompagne le patient dans son apprentissage... »
(24'34).
-Les trois interviewées expriment que la pratique de
l'ETP leur exige la maîtrise de certaines compétences
éducatives, d'être dans une posture d'accompagnement, de
solliciter des attitudes et des capacités tels que : l'écoute, la
reformulation, l'accueil, les techniques de la communication et de
l'échange (savoir se mettre face à la personne, ...) Ces
différentes compétences sont enseignées pendant la
formation continue de 40h en ETP. Laura témoigne : « la
formation nous aide à prendre conscience de ces
compétences...nécessaires à l'éducation comme
l'écoute, la reformulation... » (14'57).
La bascule entre les deux activités et le
changement de casquette sont perçus par les interviewées
comme un moment difficile. Elles expriment la nécessité d'un
temps d'adaptation pour pouvoir accomplir chaque activité.
-Marie assimile le changement de posture à la tenue de
travail. Pendant l'ETP, elle ôte la blouse : « ...c'est
difficile, il faut bien être au claire...parce que là...allez
up...j'enfile ma blouse et je change de casquette...ce n'est pas évident
» (31'39).
-Pour Sophie, cette bascule lui évite la routine
quotidienne, malgré que le changement de casquette, lui octroi plusieurs
activités à gérer : « ...en termes de
casquette...ça tourne. Je fais les soins intensifs, les soins de
médecine, l'ETP et les consultations externes... les étudiants,
il faut les encadrer. Ça fait beaucoup de casquettes je veux dire...vous
êtes obligé de vous y adapter. Il y a des jours où on n'est
pas dedans, dans la casquette qu'il faut. ...moi je me pose pour faire le point
et revoir les attentes de chaque activité. ...c'est bien de ne pas faire
la routine » (25'16).
4) Relation et interaction entre infirmière et
patient (comportement des uns et autres par rapport au soin, pendant l'ETP et
d'éventuels changements...)
91
- La représentation de la relation
infirmière/patient au regard des interviewées est
différente au moment du soin qu'au moment de
l'éducation. Elles la qualifient de relation à sens
unique pendant le soin, et d'échange en ETP. La relation se distingue
par rapport au rôle de chacun.
- Pour Marie, la relation infirmière/patient varie en
fonction de l'activité, du lieu, du temps et du contexte de la
rencontre. Elle exprime qu'elle ne peut être disponible à l'ETP
qu'au moment dédié à cette activité. Pour
répondre aux sollicitations des patients, en dehors de l'ETP, elle les
renvoie vers ses collègues. Le patient ne fait pas forcément la
différence entre les deux missions de l'infirmière
éducatrice. Il agit par mode relationnel, il l'identifie par rapport
à son rôle d'éducatrice. Cette relation représente
aussi pour Marie un moment intense, une forme de complicité et de
confiance qui se crée autour du soin éducatif. Pour elle, le port
de la tenue de travail bloque cette relation harmonieuse : « ...il y a
une complicité, le patient se sent plus proche de moi et c'est
réceptif ...il m'a vu dans cette posture d'écoute... il vient me
solliciter plus par rapport à mes collègues. Mais je comprends
aussi. C'est aussi mon rôle... » (38'07). « En fait la
blouse met la barrière. ...ça crée tout de suite une
différence...le soignant...le soignant » (11'34).
-Pour Laura, la relation en séance éducative est
différente de la relation pendant le soin. Elle se distingue par rapport
au rôle de chacun. Chacun reconnaît son rôle. C'est aussi une
relation d'échange et d'émotion entre infirmière et
patients : « ...en soin, c'est nous qui sommes acteurs
déjà. Lui il consent le soin...sans trop de questions. ... le
patient quand il voit que le soignant est centré sur le soin, il ne
dérange pas trop on va dire comme si qu'il connaît son rôle
à ce moment... » (32'24). « ...en ETP, la relation
est une sorte d'entretien, de dialogue,
c'est plein d'émotion... » (31'45).
-Pour Sophie, le patient ne change pas d'attitude, c'est elle
qui le met en posture passive ou d'échange selon la situation :
« Le rôle du patient je veux dire c'est moi qui change... le
patient c'est moi qui lui dit, qui lui laisse la parole ou pas pendant le soin.
En éducation il est acteur donc c'est lui qui parle »
(19'24).
5) Changement personnel et professionnel (au niveau de
la pratique au quotidien, de l'organisation du système
d'activités, ...)
- Les interviewées expriment des changements
différents influencés par des compétences
pratiquées en séances éducatives et, acquises en formation
ETP.
-Marie perçoit des changements par rapport
à l'éducation à l'auto-soins influencés
par sa posture d'éducatrice. Elle s'inspire des compétences de la
pratique éducative pour développer
92
ses pratiques d'infirmière : «
forcément...je m'inspire... sur ce que je fais en
éducation... c'est de la formation quand même. On n'est pas au
même niveau. On n'a pas la même posture quand même »
(40'55). « ...C'est des capacités qui se
développent... qui évoluent » (40'47). -Sophie
perçoit des changements dans ses actions et dans l'organisation de ses
tâches d'infirmière influencés par les
compétences éducatives. Elle ne procède plus de la
même manière. Elle favorise le dialogue, l'écoute et la
communication. Elle prend plus de temps avec le patient pour instaurer le
relationnel dans son travail au quotidien : « Oui forcement, pour la
chimio, je ne commence pas par prendre les constantes, installer le
patient...j'essaie toujours...de discuter. ...je prends le temps pour mettre le
patient alaise...je laisse parler le patient... Avant, je ne pratiquer pas
pareil, j'installé le patient, ...la chimio c'est dur donc
j'évite de trop parler...et là je comprends que la communication,
l'échange, l'écoute active c'est des choses qui nous rapprochent
plus du patient et ça grâce à l'éducation et
à la formation... » (19'21).
-Pour Laura, le changement est dans la prise de
conscience pour certaines compétences éducatives
pratiquées inconsciemment par le fait de sa posture d'infirmière
: « le changement c'est dans la conscience de
l'écoute... Peut être que je faisais naturellement. Mais, je n'en
avais pas forcement conscience...la conscience de l'écoute et d'autres
outils... » (23'48).
- Les trois interviewées dévoilent un
changement dans leurs comportements personnel et professionnel, par rapport
à l'approche du patient et à la posture d'infirmière
:
-Marie reconnaît des modifications de certaines
habitudes personnelles et professionnelles, elle essaie de rendre
l'autre (son enfant ou son patient) plus actif, plus autonome. Elle a
adopté les techniques de la communication dans son travail et dans sa
relation avec l'autre. Avant, elle dictait au patient ce qu'il devait faire.
Maintenant, elle le fait participer : « ... forcément, il y a
eu un changement dans ma pratique en tant qu'infirmière.
Après...il y a quelque chose que je mets en pratique tout le temps
même dans ma vie personnelle » (39'16). « J'essaie de
le rendre plus actif. Il participe plus. Il communique plus. Il parle de sa
maladie. Moi je mets plus d'écoute... » (39'28).
-Laura n'impose plus le soin au patient. Elle
discute, elle négocie et, parfois elle revoie ses pratiques. Elle
témoigne que la technique d'imposer le soin marchait avant
d'intégrer l'ETP, parce qu'elle n'avait pas d'autre alternative. Pour
elle, ce changement est en lien avec la pratique de l'ETP car l'acquisition de
nouveaux outils d'apprentissage lui a permis de voir autrement la pratique du
soin : « On ne savait pas faire autrement... » (30'23).
« ...on change de comportement personnel, même dans la vie
quotidienne on change, on est plus attentif, on
93
est plus dans la dictée...On écoute, on
essaie de comprendre les habitudes de chaque patient, on analyse, on discute
avec lui, on revient en arrière... » (30'45).
-Sophie perçoit un changement de comportement
par rapport à celui de ses collègues. Elle ne se situe
plus dans l'attente, elle est dans l'écoute. Elle ne cherche plus
à convaincre le patient, ni à le materner. Il s'agit d'une prise
de conscience par rapport à ses habitudes personnelles et
professionnelles : « ...j'ai perçu un changement par rapport
à mes collègues.
Je suis plus dans l'écoute que dans l'attente...
dans cette posture de convaincre. Je ne suis
plus dans qu'est-ce qui vous
empêche de... Mais j'essaie de comprendre... » (17'36).
« ...on va faire beaucoup de reproches auprès des patients.
...on materne les patients... » (14'42). « ...ma posture
était la même à la maison qu'au travail. Cette prise de
conscience...je me suis posé plein de questions... »
(16'43).
- Les trois interviewées ont des repères
différents par rapport aux changements de l'organisation de leurs
systèmes d'activités, suite à
l'intégration de l'activité ETP.
-Marie identifie des changements progressifs au niveau
de l'organisation des tâches, depuis l'intégration de
l'ETP dans son service. Avant, la pratique de la chimiothérapie se
pratiquait dans les services de la médecine et de la
cancérologie. Les soignantes tournaient dans les deux services.
Actuellement, cette pratique est réalisée à
l'Hôpital de Jour. Dans ce service, Marie témoigne d'une
organisation « assez autonome », dans la prise en charge des
patients, et du rôle propre infirmier : « depuis qu'on pratique
l'éducation on a changé d'organisation, maintenant, sur la
journée on est échelonné. On est 5 à 6
infirmières dont une infirmière en programmation qui gère
que la paperasse...les coups de fil.... Ce n'est pas évident...on est au
top de l'organisation ici » (41'21). « Ça tourne...et
puis après dans la journée on arrive à des heures un peu
différentes... Mais en éducation on est seul... »
(41'41). « La nouvelle organisation s'est faite au fur et
à mesure... » (33'52).
-Laura reconnaît des changements dans les outils
de travail, et dans leurs méthodes d'utilisation dans le
service. Avant l'intégration de l'ETP, la prise en charge des patients
diabétiques relevait des missions attribuées au service de la
médecine. Les outils d'évaluation et d'identification des besoins
des patients étaient basés sur un questionnaire fermé. Ces
méthodes ne sont plus d'actualité. Actuellement, la pratique de
la diabétologie a été transférée dans une
unité autonome du service de la médecine. L'approche du soin est
centrée sur les capacités du patient à l'apprentissage
grâce au diagnostic éducatif. Aussi, l'évolution de la
technologie (lecteur de glycémie, ...) a contribué à
l'allègement des tâches relevant des actes infirmiers.
L'intégration de l'ETP a participé à ce changement
d'organisation. Laura témoigne : « avant, c'est vraiment,
faites 3... faites 6 glycémies..., Maintenant, ...On a
94
changé de formulation des questions. Ce n'est pas
des questions fermées : oui, non, ... Ce sont plutôt des questions
ouvertes » (00'51). « ...avant, on le voyait une demi-heure
avant le médecin...on dépatouillait, la consultation
médecin...maintenant il y a des outils qui vont nous aider à
pouvoir évaluer l'apprentissage de quelqu'un... » (30'23).
« ...les lecteurs de glycémie, avant, on faisait les moyennes
tout seul, on faisait les tests...Tout ça, on n'avait pas besoin de le
faire. Maintenant c'est la machine, et, même le patient peut le faire,
... » (05'15). -Sophie ne témoigne d'aucune
transformation par rapport à l'organisation de son système
d'activité, le changement c'est dans ses habitudes de travail
depuis l'intégration de l'activité ETP : «
L'éducation passe au second plan. Ce n'est pas une priorité. Le
curatif est prioritaire dans le service » (19'44). « Les
changements, c'est dans mon organisation... » (19'24).
6) Description de l'identité actuelle en lien
avec l'intégration de l'activité ETP (transformation identitaire
ou pas, ...)
- Les interviewées décrivent une
identité d'infirmière à forte qualité
éducative :
-Marie décrit une identité
d'infirmière qui a développé des qualités
éducatives. Cette transformation identitaire, elle l'identifie
à l'amélioration de sa pratique de soignante influencée
par les compétences éducatives acquises en formation continue
dédiée à l'ETP : Marie exprime aussi un sentiment de
valorisation par rapport à la pratique de l'éducation,
grâce à la reconnaissance verbale et expressive des patients.
Cette valorisation n'est pas aussi perçue en soin. Pour elle, la
pratique de l'ETP, apporte un équilibre à la pratique du soin :
« une identité de soignante...avant tout...de base oui, c'est
sur...Après j'ai développé des qualités
d'éducatrice... » (37'00) « J'ai...acquis des choses
de part cette formation d'éducatrice... c'est sûr que ça
modifie certains domaines dans ma pratique. Je dirais de
l'influence...ça questionne quand même mon identité. Quand
on fait cette formation et quand on la met en pratique on développe
vraiment cette capacité d'écoute... » (38'45).
L'éducation pour moi c'est valorisant en tant que soignante...
» (37'26).
-Laura se questionne sur sa professionnalité,
elle reconnaît que chaque nouvelle pratique influence son identité
d'infirmière. Pour elle, c'est une question d'adaptation. Toute
nouvelle pratique (l'entretien éducatif, séance de groupe, ...)
requiert l'acquisition de nouvelles compétences et la questionne sur ses
habitudes de travail et sur ses expériences acquises : «
ça perturbe forcément mon identité de soignante à
chaque fois qu'il y a quelque chose de nouveau. Je pense que l'adaptation, elle
est aussi pour nous. Ce n'est pas si facile de faire l'entretien
éducatif...je veux dire. Ça nécessite des
compétences...plein de choses...
95
C'est quand même l'expérience qui fait
parfois les choses. Si on n'a pas le regard incarné et on n'a pas
l'expérience sur l'insuline...sur les petites choses. Je pense que
...c'est l'expérience ...de toute situation vécue, en disant on
s'était mal pris...et on revoit nos façons de travailler c'est
important » (33'06).
-Sophie se questionne sur son comportement et sur ses
habitudes de travail en lien avec sa nouvelle identité :
l'éducation a renforcé son identité
d'infirmière. Elle exprime un sentiment de transformation identitaire
personnel en évolution sur le plan professionnel. Elle réalise
que cette transformation va lui permettre d'évoluer « grandir
» dans son comportement, dans sa façon d'être, dans son
regard pour l'autre. Elle se qualifie dans une posture d'écoute. Elle
reconnaît, que la formation continue à l'ETP, l'a aidée
à prendre conscience et, à revoir ses pratiques
d'infirmière. Elle exprime que le changement dans les habitudes de
travail pourrait faire peur si on ne lui favorise pas les moyens
nécessaires pour l'accomplir : « l'éducation a
renforcé...oui ça a changé mon identité. Ça
bouscule dans mes habitudes. Mais c'est bien. On a tous des choses
cachées. ...Je ressens une transformation identitaire. Elle s'est faite
déjà sur le plan personnel...Elle continue sur l'axe
professionnel. Je sais ça me permet de grandir...dans mon comportement,
dans ma façon d'être avec l'autre, de mon regard envers l'autre.
... je me questionne plus sur mon comportement... Je ne suis plus dans la
même posture qu'avant. ...je remets en question mes pratiques. Je ne me
positionne plus de la même façon... » (21'03) «
Quand on est dans la routine on ne se remet pas en question. On ne prend pas du
recul sur ce qu'on fait, ...c'est la formation qui m'a aidé à
changer... » (25'16).
7) Communication entre pairs sur l'ETP (formation,
faisabilité, freins, propositions d'amélioration,
...)
- La discussion entre éducatrices «
référentes » sur la pratique éducative n'est pas
abordée entre pairs. Marie témoigne que certaines
éducatrices n'adoptent pas les mêmes méthodes de travail
qu'elles, mais elle ne peut avancer la discussion sur le sujet avec ses
collègues éducatrices, le fait que l'analyse des pratiques
éducatives soit méconnue pour ces professionnelles : «
...parfois je discute avec d'autres collègues qui font de l'ETP, je vois
bien qu'ils ne sont pas au second rôle...je ne peux pas leur dire...ce
n'est pas mon rôle à moi... » (28'25).
-Pas de discussion dans l'Unité de Diabétologie
sur l'efficacité des outils de l'ETP comme le diagnostic éducatif
informatisé. Laura témoigne : « ...non il n'y a pas eu
de réunion disant on
96
va parler des problèmes de la gestion de
l'éducation. Pour l'outil chacun fait comme il sait... »
(39'07) « ...chacun fait comme il peut... » (39'01)
-Pas de discussion sur les compétences de l'ETP entre
les soignants du service de la Cardiologie, Sophie verbalise un
sentiment d'isolement, le fait qu'elle ne partage pas ses connaissances
éducatives avec ses collègues : « par exemple je vois ma
collègue, il lui parle, elle fait autre chose en même temps. Elle
répond à côté...c'est normal, elle est
centrée sur le soin. Elle n'a pas du tout la posture d'écoute
à ce moment. ...moi j'observe ça reste moi. Mais je ne peux pas
dire...que c'est comme ça qu'on doit faire...moi...j'ai fait la
formation en plus, j'ai plus de connaissance ça reste là...
» (24'42)
- Les interviewées recommandent la formation
continue à l'ETP pour les pairs : elles reconnaissent que cette
formation ne peut pas être proposée à toutes les
infirmières pour des raisons de moyens budgétaires. Mais, elles
la recommandent à leurs pairs. Elles expriment que l'exercice dans les
services à pathologies chroniques, leur permet d'acquérir
certaines capacités (l'écoute, le respect du silence,
l'adaptation au patient...) de fait de leurs pratiques d'infirmière,
mais la formation a renforcé ses capacités et les a
amélioré par l'intégration d'autres compétences
comme la posture communicative, l'écoute active, la reformulation, la
valorisation, l'importance du « face à face » dans
l'échange...
-Marie révèle que ce n'est pas toutes les
infirmières qui pourraient répondre aux exigences de la formation
à l'ETP, en matière de l'acquisition de certaines
compétences. Le fait que toutes les infirmières ne disposent pas
des mêmes capacités, certaines sont prédisposées
à être éducatrices que d'autres. Elle témoigne aussi
que certaines élèves infirmières ne sont pas
attirées par cette pratique éducative : « ... J'ai
présenté ...un peu ce que je fais à l'IFSI. Et à la
fin ...j'ai posé la question, c'était des 2ème
années...j'ai dit : est-ce que ça vous intéresse, est ce
que vous vous voyez faire ce genre de chose. Et plus d'un quart, qui, a
répondu...pas du tout. Et ...ça ne m'étonne pas. Il faut
quand même un côté relationnel, une approche... »
(25'51). « ...on a tous comme même des capacités
différentes...certains soignants peuvent être en
difficultés par rapport à ça... » (26'39).
- Les interviewées expriment des avis
différents sur la généralisation de la pratique ETP dans
les services de soins :
-Marie exprime que l'ETP ne doit pas être imposer
à toutes les infirmières, et que sa pratique doit demeurer un
choix personnel : « moi je vois bien qu'il y a des collègues
qui ne seraient pas à l'aise de faire l'éducation
thérapeutique. Et je trouve que c'est dommage de les mettre en
difficultés... » (27'18). Pour elle, la pratique de l'ETP
exige des qualités
97
personnelles spécifiques : « je serai
étonné que des personnes s'orientent à faire la formation
si déjà d'emblée n'ont pas ces capacités
d'écoute » (26'39).
-Pour Laura, tous les soignants peuvent éduquer
à l'auto soins, mais l'activité ETP pourrait passer « au
second plan » pour les infirmières qui exercent dans des
services à pathologies aiguës. Le fait que ce type de pathologie ne
leur exige pas une maîtrise des compétences éducatives
« le relationnel et l'écoute du patient sont un peu
négligés », du fait de la charge de travail.
L'activité ETP s'avère irréalisable dans ces services,
elle est mieux adaptée dans les services à pathologies
chroniques, car elle requière une prise en charge de qualité
à longue durée. Chaque infirmière développe des
compétences dans le champ de sa pratique : « ...ils peuvent
éduquer à l'auto sondage par exemple. Mais ça passe au
second plan. Dans les services où il y a une pathologie chronique, on se
rend compte en fait qu'on n'est pas dans l'urgence. On est dans la
qualité et dans une prise en charge à longue durée et du
coup l'éducation thérapeutique est mieux adaptée. Mais en
chir c'est de l'aigu, on développe beaucoup plus des compétences
de soins d'urgences on va dire, le relationnel et l'écoute du patient
sont un peu négligés. On ne peut pas il y a beaucoup de soins
à faire dans ces services... je ne sais pas si ces soignants veulent
vraiment intégrer l'ETP ou pas...c'est une question de personne, de
caractère, et...de savoir-faire et être avec le patient... »
(16'09).
-Sophie se demande si les autres infirmières voudraient
de cette pratique, du fait qu'elles ne soient pas formées pour. Aussi,
changer d'habitude de travail pourrait représenter un frein pour la mise
en place de l'activité ETP. Pour Sophie, toutes les infirmières
éduquent les patients à l'apprentissage de l'auto- soin.
Certaines infirmières proposent mêmes l'ETP, mais elles ne la
pratiquent pas, car cette pratique leur exige un autre mode d'organisation et
plus de disponibilité : « ... je ne sais pas si elles veulent
pratiquer l'ETP et changer d'habitude de travail...déjà, ...elles
ne sont pas formés pour, ...Mais elles ont à leur disposition
l'outil informatique farma pour expliquer les médocs et pourquoi on les
donne. Donc, elles proposent l'ETP, sauf après, qu'elles ne
gèrent pas. Mais pour faire de l'éducation il faut plus de temps
pour chaque patient, après au moment des soins on ne peut pas faire
l'éduc, je ne sais pas, il faudrait une autre organisation peut
être » (06'31).
- Les interviewées expriment de possibles
freins à l'activité éducative et des propositions pour son
amélioration : les interviewées racontent des
difficultés aperçues par rapport à la réalisation
des séances collectives et du suivi éducatif des patients
liées à la coordination, au manque de temps, à
l'environnement et à la démotivation des patients.
- La non disponibilité des professionnels et, de salle
pour la réalisation des séances collectives freine la
réalisation des séances collectives pour Marie et Laura.
98
- Les trois infirmières éducatrices racontent
que les patients ne sont pas pris en charge par la sécurité
sociale pour le transport et le temps de présence. Ce qui explique la
non-participation active des patients aux séances éducatives.
-L'inexistante de secrétaire demande à
l'éducatrice de gérer toute seule la partie administrative de
l'activité éducative. Cette tâche est
considérée comme une perte de temps pour Marie.
-Le manque de temps empêche les éducatrices
à réaliser correctement le suivi des patients, le fait qu'il
s'agit de refaire à chaque fois le diagnostic éducatif.
- L'existence de deux dossiers différents
(médical et éducatif) pour le même patient rend
l'accès à l'information difficile pour les éducatrices, et
désagréable pour le patient. Pour Laura, l'outil de recueil de
données n'est pas assez polyvalent : « et ben à chaque
fois on fait entrer les données de nouveau, parce que notre dossier
d'éducation thérapeutique n'est pas relié au dossier de
l'hôspi... » (37'49). « C'est hyper
désagréable pour le patient. Et quand il revient pour une autre
éducation, il répond à chaque fois aux mêmes
questions...lui...tu vois...il faut à chaque fois
redire...redire...enfin...tu vois pour lui ce n'est pas pris au sérieux
(38'38) ».
- Les interviewées ont exprimées
quelques propositions d'amélioration pour la pratique éducative
:
- Sophie et Marie proposent des améliorations comme
faire sortir l'activité ETP à l'extérieur de
l'Hôpital. Pour elles, cette initiative changerait la
représentation sur l'éducation et sur sa pratique à
l'hôpital.
-Marie propose le suivi téléphonique des
patients : « ...j'ai trouvé que c'est assez pratique le suivi
au téléphone pour tout le monde, ... » (33'00).
-Laura propose d'améliorer l'outil informatisé
et de joindre le dossier éducatif au dossier médical pour chaque
patient, pour un gain de temps et un suivi rigoureux.
99
2- Analyse qualitative des données
Cette partie d'analyse consiste à affronter la
synthèse des données recueillies précédemment avec
nos deux hypothèses de travail. Il s'agit de faire le lien et de
s'interroger sur ce que nous apprennent les données obtenues par rapport
à notre problématique. Notre visée est de valider, ou
d'infirmer nos deux hypothèses de travail.
Rappelons que notre première hypothèse consiste
à vérifier la reconnaissance et l'acceptation du rôle
d'« éducatrice » par l'infirmière : son implication
dans ce rôle, va lui permettre de mieux se situer dans son
activité d'infirmière éducatrice. Cette hypothèse
nous l'avons vérifié à partir de trois points
différents : la posture, la relation infirmière/patient et le
système d'activités de l'infirmière éducatrice. Ces
trois repères, dévoilent des changements aux niveaux des
habitudes de pratiques, des attitudes et des comportements personnel et
professionnel exprimés par les interviewées. Ces
témoignages nous ont aidé à aborder notre deuxième
hypothèse, à travers laquelle, nous avons voulu vérifier
si les transformations décrites par les infirmières engendraient
des évolutions identitaires pour ces professionnelles, après
avoir intégré l'ETP à leurs pratiques
infirmières.
- L'infirmière entre deux postures : une
reconnaissance pour l'ETP
Suite aux témoignages des interviewées, nous
avons relevé deux postures distinctes dans le statut de
l'infirmière éducatrice. Pour ces professionnelles, chaque
activité a sa propre posture : une éducative et l'autre curative.
La posture éducative est envisagée dans les différentes
activités de l'ETP (diagnostic éducatif, séances de groupe
ou individuelle, les temps de parole passés en chambre par manque de
salle aménagée pour cette activité...). Elle est
planifiée dans le planning de l'infirmière qui l'exerce. Alors
que la posture curative est envisagée dans les soins infirmiers.
Les témoignages nous ont révélé
plusieurs représentations pour la posture éducative. Elles ont
décrit une « posture d'accompagnement et d'échange ».
Dans cette posture, elles s'attribuent le second rôle : elles apportent
de l'aide, assurent le soutient et l'écoute. Elles ont décrit
aussi une « posture de non-savoir ». Cette posture privilégie
l'intelligence qui naît des échanges, du dialogue avec l'autre, et
non des savoirs que détiennent les infirmières. Il s'agit pour
elles, d'accepter le fait qu'elles ne détiennent pas la
vérité et, que cela nécessite l'échange pour
connaître le patient et pouvoir répondre à ses besoins. La
posture communicative est représentée par le « face
à face », qui doit être privilégié en
séance éducative pour ces infirmières. Ce qui
représente une posture de « dialogue ». La posture en ETP
sollicite donc le questionnement plutôt que l'affirmation pour ces
infirmières. En effet, la posture éducative pour les
interviewées, a influencé leur posture d'infirmière
adoptée habituellement dans le
100
soin. Bien que, la bascule entre les deux activités est
décrite comme un moment difficile, leur demandant un temps d'adaptation,
pour accomplir chaque activité.
-La relation infirmière/patient entre deux : le
soin et l'éducation
Les trois infirmières éducatrices ont
témoigné qu'elles n'adoptent pas les mêmes attitudes avec
les patients, en ETP qu'en soin. Elles ont exprimé deux modes de
relation perçues différemment : une qualifiée de relation
à sens unique et, l'autre de communicative.
-La relation à sens unique est identifiée au
moment du soin. Elle est décrite comme « pratico pratique
», le peu de communication est centré sur la technique de
l'acte. C'est aussi une relation courte et limitée, justifiée par
le statut d'infirmière. Les interviewées se décrivent
« dans les attentes médicales » au moment du soin, le
fait qu'elles prodiguent le soin. A ce moment, elles s'octroient le rôle
d'acteur, d'émetteur. Le patient dans cette relation reste passif, il
reçoit les soins.
- La relation communicative est identifiée dans l'ETP :
elle représente un moment d'échange intense, une forme de
complicité et de confiance qui se crée autour du soin
éducatif. Les interviewées expriment qu'elles se positionnent au
« second rôle » et adoptent la posture
éducative. Ce mode de relation leur sollicite une concentration sur le
patient (l'individu), en le positionnant dans une posture d'échange (il
devient acteur, il apporte les connaissances et les informations).
D'après les témoignages, le changement de comportement dans la
relation infirmière/patient ne se limite pas qu'à l'attitude de
l'infirmière, on voit bien qu'il est aussi confirmé par celui du
patient au moment des deux activités. Ce qui explique que cette relation
duelle est perçue différemment, elle demande une
réflexion par l'infirmière vis-à-vis de son attitude
envers le patient au moment de telle ou telle activité. En effet, les
trois témoignages dévoilent que le mode de la relation et sa
qualité dépendent de l'infirmière : de sa
personnalité, de sa disponibilité et de sa représentation
du malade au moment d'une activité. En soin, le patient est
considéré comme un « objet de soin », il s'agit d'une
conception du malade encrée dans les représentations des
infirmières dès leur entrée en formation initiale.
Le port de la tenue de travail en ETP est
considéré par les interviewées comme un blocage à
la relation harmonieuse d'échange, qui se crée au moment de cette
activité. Celle-ci est vue comme une barrière pour la relation
d'échange de personne à personne qui représente la base de
la communication et, renvoie à l'image du pouvoir et du savoir dans les
milieux des soins. Sophie en témoigne : « ... là je
porte une blouse...ça peut être une barrière. Ici c'est
compliquer de retirer la blouse au moment de l'ETP...parce qu'on est dans le
même service. Je veux dire en service de soins » (18'43).
101
D'après les témoignages des interviewées,
le patient dans cette relation, agit par mode relationnel, il identifie
l'infirmière par rapport à son rôle d'éducatrice.
Marie raconte qu'en dehors de l'ETP, les patients la sollicitent plus que ses
collègues : « ...dès qu'ils me voient en dehors de
l'éduc, ils ne se disent pas là...elle est en soin. ...quand ils
me croisent dans le couloir, ils ne savent pas forcément que je suis en
train de passer une chimio juste à côté. Si je ne suis pas
disponible. Je leur dis voilà... » (34'20).
- L'ETP : une organisation dans un système
d'activités spécifique
Au travers de l'analyse des matériaux recueillis dans
les entretiens. Il apparaît que l'organisation du système
d'activités des soins infirmiers est liée à la nature des
activités de chaque service de soins et, aux missions qui lui sont
attribuées. La pratique de l'ETP a été instaurée de
manière formelle dans les trois services depuis 4 ans (2011), en
réponse soit à un projet de l'Hôpital, soit à des
objectifs de réaménagement entre les différentes
activités menées dans les services, comme le cas des services de
Diabétologie et de Cardiologie. Bien que l'ETP a été
intégrée dans le planning des infirmières
éducatrices, sa planification est gérée
différemment dans les trois services. Nous notons deux modes
d'organisations complètement différents : L'HDJ et le service de
Cardiologie ont opté pour une pratique à temps partiel, cette
mission a été confié à une seule infirmière
dans chaque service, qui doit consacrer 20% de son temps plein de travail
mensuel à cette activité (tous les jeudis de chaque mois), les
autres jours de la semaine, l'infirmière éducatrice prend en
charge les activités de soins curatifs. En unité de
Diabétologie, l'ETP est pratiqué à temps plein. Sa
pratique est confiée à 6 infirmières qui se
succèdent selon un planning de travail annuel. Chaque éducatrice
prend en charge l'activité ETP pour une durée de 2 mois
consécutifs dans l'année. Les autres mois sont consacrés
aux autres activités de soins. Les autres professionnels de santé
(diététiciennes, médecins,
kinésithérapeutes...) ne participent qu'à temps partiel
aux séances de groupe et selon leur disponibilité, à l'HDJ
et en unité de Diabétologie. Par contre, les séances
individuelles et les diagnostics éducatifs ne sont
réalisés que par l'infirmière éducatrice. Bien que
l'ETP soit pratiqué différemment dans les trois services. Ces
modes d'organisation séparent l'ETP des autres activités
menées dans ces services de soins et, isole l'infirmière
éducatrice de ses collègues, le fait qu'elles ne partagent pas
ensemble l'activité ETP. Ces différentes organisations
spécifiques à l'ETP, ont provoqué chez les
infirmières éducatrices des changements perçus dans leurs
habitudes de travail, et au niveau de l'organisation et de la
répartition des tâches, par rapport à la gestion de leurs
différentes activités aux quotidiens, dans le but de mieux
prendre en charge les patients souffrants d'une pathologie chronique.
102
Les verbatims de mes trois interviewées ont bien
démontré une reconnaissance pour le rôle d'«
éducatrice » de la part des infirmières éducatrices.
Leur implication dans ce rôle, leur a permis de mieux se situer dans
leurs activités quotidiennes, de mieux aborder la relation
infirmière/patient pour mieux situer les besoins du patient en termes
curatifs et éducatifs. Ce qui leur a permis d'agir et de penser
autrement le soin et d'apercevoir le changement dans : leur posture, leurs
habitudes de travail et dans, leur système d'activités comme une
amélioration de leurs pratiques d'infirmière. Cette
première hypothèse est ainsi vérifiée grâce
à tous les outils de notre étude.
-Processus de transformations identitaires des
infirmières éducatrices
Dans cette deuxième partie de l'analyse, nous allons
vérifier si les changements de pratiques et de comportements
exprimés par les trois infirmières éducatrices
provoqueraient un processus de transformation identitaires chez ces
professionnelles, suite à l'introduction de l'activité ETP
à leur activité d'infirmière. Dans cette perspective, nous
allons tenter de suivre Dubar (1998, 1992) concernant l'articulation entre la
socialisation biographique (identité pour soi) et la socialisation
relationnelle (identité pour autrui), le fait que les identités
professionnelles, pour Dubar, ne sont pas des catégories acquises une
fois pour toutes, comme les autres, elles se construisent dans et par les
interactions, tout au long de la vie.
Les propos des trois interviewées, traduisent un
processus de transformation identitaire. Avant de pratiquer l'ETP, elles
associaient à leur rôle d'infirmière l'image d'une
professionnelle qui materne le patient et qui sait ce qui est bon pour lui,
avec des attitudes qu'elles qualifient de jugement et de reproche sans le
désirer. Sophie raconte : « ...on est souvent dans...on va
faire beaucoup de reproches auprès des patients. ...on va leur reprocher
d'apprendre leurs médicaments correctement, on ne supporte plus de leur
expliquer des choses. Et puis...on pense qu'ils ne comprennent rien...Donc
souvent le soignant va se retrouver en train de dire...mais je perds du
temps...On les juge en fait...oui oui on les juge sans le vouloir en fait.
Peut-être parce qu'on a essayé de faire en sorte à tout
bien faire. Moi j'ai eu l'information qu'on materne les patients. On les dirige
au lieu de vouloir savoir qu'est ce qu'ils attendaient de nous... »
(14'42). Laura témoigne qu'avant, elle dictait au patient ce qu'il
devait faire au lieu de rentrée en communication avec lui : «
avant, c'est vraiment : faites 3...faites 6 glycémies par jour.
Maintenant, on a changé de formulation des questions. Ce sont
plutôt des questions ouvertes. On s'est plus adapté aux besoins du
patient que l'on lui impose de faire... Mais ça...on l'a
travaillé avec la formation en éducation » (00'51).
Pareillement, Marie révèle des changements dans sa pratique
d'infirmière : « ...avant, je dictais au patient ce
qu'il
103
devait faire...maintenant, je le fais participer... »
(23'30). Les trois éducatrices ont raconté, qu'avec le
temps, leur attitude a commencé à changer au moment du soin. Pour
elles, ce changement est influencé par leur posture d'éducatrice.
Sophie révèle : « quoique mon attitude à changer
un peu, j'essaie d'être à l'écoute même en soin, je
ne fais plus à la place du patient pour ce qu'il peut faire. Et tout
ça, ...ça s'apprend, forcément » (33'40). Si on
se réfère à Dubar, au niveau « transaction
biographique », il y a une rupture avec l'identité
d'infirmière, qui détient les connaissances, et qui
prend la décision pour le patient. Toutefois, pour ces trois
infirmières, il y a production d'une nouvelle
identité, associée à la pratique de
l'ETP, adoptant un rôle d'accompagnement dans l'apprentissage
pour le patient. Les compétences éducatives acquises en formation
continue à l'ETP, ont permis à ces professionnelles de se situer
différemment. Elles témoignent qu'elles ont vécu une
évolution progressive dans leur comportement personnel et professionnel
avec l'autre. Elles se sont alors investi dans leur relation avec le patient au
moment du soin. Elles ont avoué dans leur témoignage, que
l'ETP a changé leur manière d'être et de faire.
Aussi, leur vision de ce qu'est le rôle d'infirmière
avait changé. Sophie a verbalisé qu'elle se questionne sur ses
attitudes personnelles et professionnelles depuis qu'elle pratique l'ETP :
« Ça arrive une période où je me suis posé
beaucoup de questions. Mais aussi dans ma vie personnelle avec mes enfants...Je
m'aperçois que ma façon d'aborder mes enfants et là
même qu'avec mes patients. Je ne les rendais pas autonome. ... j'ai
réalisé que ma posture, elle était la même à
la maison qu'au travail... » (16'43). Il s'agit d'une prise de
conscience pour ces infirmières : elles revendiquent une
identité d'infirmière éducatrice pour la prise en
charge globale du patient, centrée sur l'individu et non pas sur le soin
; elles confirment que l'ETP a provoqué un changement
identitaire professionnel et personnel profond dans leur attitude et
comportement avec l'autre. Au niveau du « processus
biographique », ces infirmières s'identifient
à la manière de prendre en charge l'ETP : l'entretien
avec Sophie a exprimé un sentiment de transformation identitaire
personnel en évolution sur le plan professionnel. Elle a
réalisé que cette transformation va lui permettre
d'évoluer : « de grandir...grandir dans mes habitudes... dans
ma façon d'être, dans mon regard... ». L'entretien avec
Laura a exprimé une reconnaissance d'une identité de
soignante influencée par chaque nouvelle pratique «
Ça perturbe forcément à chaque fois qu'il y a quelque
chose de nouveau. Je pense que l'adaptation, elle est aussi pour nous. Ce n'est
pas si facile de faire l'entretien éducatif... Ça
nécessite des compétences... » (33'06). Toute nouvelle
pratique génère des changements identitaires et, requiert un
temps d'adaptation pour l'acquisition de ses compétences.
104
En ce qui concerne le « processus relationnel
», les trois témoignages affirment qu'au niveau
organisationnel dans le service, l'infirmière éducatrice reste
isolée dans sa pratique ETP. Il y a « conflit de
non-reconnaissance » du statut d'éducatrice, par
les autres collègues de travail. Ces infirmières
éducatrices vivent un processus de forme identitaire «
relationnel pour soi » : selon Dubar, il s'agit d'une
forme réflexive qui se caractérise par une « conscience
réflexive » engageant les infirmières éducatrices
dans un projet ETP ayant un sens subjectif. Ces infirmières,
s'identifient au même statut de « référente en
éducation », elles partagent le même projet même si
elles ne travaillent pas dans le même service. Donc, au «
Nous » correspond un « Je » réflexif désirant de
se faire reconnaître par « des autrui significatifs »
exerçant le même métier d'infirmière (les
collègues du service). En service de Cardiologie, Sophie raconte que
l'activité ETP ne fait pas partie des priorités du service, elle
ne témoigne d'aucune transformation par rapport à l'organisation
du système d'activités des soins, depuis l'intégration de
l'ETP : « L'éducation passe au second plan. Ce n'est pas une
priorité. Le curatif est prioritaire dans le service ».
(19'44). Les objectifs du service ne coïncident pas avec l'avenir de
Sophie. Donc, elle doit défendre son identité d'infirmière
éducatrice au sein du service. A l'HDJ et en unité de
Diabétologie, Marie et Laura réalisent les séances
éducatives de groupe avec d'autres professionnels. Il y a «
coopération - reconnaissance » pour
l'activité ETP, et une reconnaissance par des «
autrui significatifs » pour l'identité professionnelle de
ces deux infirmières éducatrices. Les patients
représentent aussi des « autrui significatifs » pour ces
infirmières éducatrices, le fait qu'ils participent aux
séances éducatives et qu'ils adhèrent à la
démarche de l'ETP. Ces patients ont permis aux éducatrices : de
se sentir reconnu dans cette identité professionnelle et, valoriser par
rapport à la pratique de l'éducation. L'interviewé Marie a
dévoilé une reconnaissance verbale et expressive de la part des
patients en séance éducative : « l'éducation pour
moi, c'est valorisant en tant que soignante. Parce que, soignante ...dans un
service classique ...on n'a pas toujours le retour. Quand on fait de
l'éducation, moi je trouve qu'on a beaucoup de retour...on demande aux
patients s'ils sont contents. » Cette valorisation n'est pas aussi
perçue en soin. « ...je fais la chimio...je ne vais pas lui
demander s'il est content... » (33'51). La pratique de l'ETP apporte
un équilibre à la pratique du soin pour les infirmières
éducatrices.
La formation continue à l'ETP, a aidé les
infirmières éducatrices à prendre conscience et à
revoir leurs pratiques d'infirmière. Grâce cette formation et
à la pratique de l'ETP, ces infirmières ont acquis un nouveau
« savoir professionnel » impliquant des
articulations entre savoirs technique du soin et savoirs relationnel de l'ETP,
qui sont au centre de l'identité
105
structurée par le rôle de l'infirmière
éducatrice. Ce rôle est bloqué dans sa consolidation. Selon
Dubar (2015), ce savoir est associé à une logique de la
qualification dans le travail (faire). L'identité de ces
infirmières éducatrices « est appelée aujourd'hui
à se reconvertir ou à se restructurer en fonction de ces
normes nouvelles de compétences » (p. 234). Afin de partager
ce nouveau savoir professionnel avec les autres infirmières du
service.
Les interviewées recommandent vivement la formation ETP
à leurs pairs. Elles reconnaissent que l'exercice dans les services
à pathologies aiguës ne permet pas d'acquérir certaines
capacités nécessaires à la pratique de l'éducation.
Pour ces infirmières éducatrices, la formation à l'ETP est
nécessaire dans les services à pathologie chronique. Toutes les
infirmières auront les mêmes habitudes et techniques de travail.
Elles reconnaissent aussi que cette formation ne peut pas être
imposé ou proposé à toutes les infirmières pour des
raisons liées aux moyens financiers. Laura témoigne : «
...la formation nous aide à prendre conscience de ces
compétences. ...pour moi un soignant qui va exercer...d'une
manière ponctuelle, je dis pour des pathologies aiguës...il ne va
pas avoir développé au cours de son expérience une
expertise en éducation thérapeutique... » (14'57)
« en diabéto je dirai oui, c'est très important du
moment qu'on traite une pathologie chronique, aussi tout le monde sera sur le
même fil pour la continuité, pour l'organisation, c'est important,
en plus si tout le monde pratique l'éduc, on aura les mêmes
visions, regard, ...Les mêmes compétences, le même
langage... Peut-être là moi je procède autrement , j'ai
plus d'écoute, ...oui ça serait bien si tout le monde est
formé...Mais, il parait que c'est une question de budget... »
(39'42). La formation à l'ETP pourrait offrir une «
coopération-reconnaissance » des
infirmières aux infirmières éducatrices. Cette
reconnaissance va résoudre leur conflit identitaire professionnel. La
formation des pairs permettrait aussi d'éviter l'isolement de
l'éducatrice dans son activité ETP.
En effet, les changements décrits par les
interviewées, ont impacté leur identité professionnelle
d'infirmière. Celle-ci se retrouve dans un mouvement de construction, de
déconstruction et de reconstruction suite à l'intégration
de l'activité ETP au rôle propre de l'infirmière. Il faut
admettre que les différentes pratiques sollicitées par
l'activité ETP, exigent une évolution du métier de
l'infirmière et génèrent des besoins d'acquisition
à de nouvelles compétences pendant le parcours professionnel.
Tous ces outils nous ont permis de valider notre
deuxième hypothèse.
106
3- Discussion
Cette partie représente pour nous l'occasion de
rapprocher les différentes clés théoriques, aux
résultats de notre étude après vérification des
hypothèses de travail dans la partie précédente. Notre
étude ne peut représenter que les trois les infirmières
éducatrices exerçant dans les services à pathologie
chronique. Les autres professionnels de santé ont probablement un regard
différent sur la pratique éducative, étant donné
les recommandations de l'HAS qui précisent bien que, l'ETP doit
être pratiqué par une équipe pluridisciplinaire. Cela
pourrait constituer un autre biais de représentativité. Les
réponses obtenues de notre enquête ne peuvent prétendre
absolument à l'exhaustivité car, les données recueillies
auprès des interviewées sont des réponses orales non
accompagnées d'aucun document écrit (synthèse sur
l'activité ETP, compte rendu de réunions, bilan de
réalisation, ...) et le fait aussi que, la pratique éducative
soit récente à l'hôpital de Blois (depuis 4 ans).
L'infirmière au coeur de la pratique
éducative : au travers de cette enquête, je constate que
le professionnel au coeur de l'activité ETP est l'infirmière.
Elle participe davantage à l'élaboration des programmes
éducatifs que les autres professionnels de santé (médecin,
diététicienne, kinésithérapeute...), comme le
stipule les recommandations de l'HAS (2007). Bien que ces professionnels de
santé aient un rôle important dans l'élaboration et
l'initiation des programmes d'ETP, ces derniers ne collaborent qu'aux
séances collectives, selon les disponibilités de chacun. Par
exemple, les kinésithérapeutes n'ont pas de temps
dédié à l'activité éducative, et ne
participent pas au diagnostic éducatif, alors que celui-ci «
... est au mieux le fruit de la collaboration d'une équipe
multi-professionnelle... » (HAS/INPES, 2007, p. 27). Je pense pour ma
part que, la réalité n'est pas si simple pour l'infirmière
éducatrice, puisqu'en plus du diagnostic éducatif, elle doit
aussi assumer seule la prise en charge des séances individuelles. C'est
vrai que les interviewées ont avoué que ces séances
offrent une meilleure écoute des patients et permettent une prise en
charge plus personnalisée. Mais d'un autre côté, elles
s'avèrent chronophages pour les éducatrices et ne permettent pas
le partage entre patients, puisqu'elles se réalisent dans le cadre d'un
« tête à tête » avec l'éducatrice et
nécessitent un temps de 45mn à 1h, pour chaque patient. Ces
difficultés liées à la coordination et au manque de temps
peuvent représenter un frein majeur à l'essor de l'ETP.
L'interviewé Sophie a même révélé qu'elle
n'avait pas d'autres choix que d'opter pour la méthode individuelle,
parce qu'elle ne peut réaliser seule les séances collectives
(autres professionnels non disponibles, temps de préparation et de
réalisation important, manque de local pour recevoir le groupe...) Ce
qui peut diminuer la pertinence de l'activité ETP, qui normalement,
107
se base sur l'échange et l'expérience entre
patients et professionnels. D'autant plus que, ces séances individuelles
doivent être destinées en priorité aux patients qui ont des
difficultés à se retrouver en groupe et, qui ont une
dépendance physique, sensorielle ou cognitive (HAS/INPES, 2007).
L'infirmière entre le soin et
l'éducation : deux rôles distincts qui se complètent :
l'affirmation de ma première hypothèse me laisse penser
que les interviewées se sont bien identifiées dans les six
rôles infirmiers (accueil, aide, guide, accompagnement...)
proposés par la théorie de Peplau (1952). A travers le statut de
« référente en éducation », ces
infirmières adoptent d'autres postures pendant l'activité ETP,
que la posture habituelle d'infirmière. Il s'agit bien des postures de
l'accompagnement professionnel (d'écoute, de non-savoir,
d'échange, ...) décrites par Paul (2004). En effet, pour les
infirmières éducatrices, l'ETP ne se réduit pas à
la simple information mais elle la complète. Cela m'emmène
à confirmer ce qu'à écrit Chantal Eymard (2010) :
« l'ETP ne peut se réduire à l'information de savoirs ou
de savoir-faire, car elle vise l'appropriation des savoirs... »
(p.42), par le patient demandant un accompagnement de la part du soignant.
Pour mes interviewées, cet accompagnement représente un choix
politique, une commande de l'institution hospitalière. Mais cette mise
en oeuvre de l'action d'accompagnement, ne garantit rien sur la posture de
l'accompagnateur. Le fait que « l'accompagnement n'est pas un
métier, il ne réfère à aucun cursus de formation
identifié comme tel », comme l'a précisé Paul
(2004). Le changement de posture n'est pas si simple pour les
infirmières, il s'agit d'une posture d'accompagnement
spécifique à l'ETP. Cette mission a été
confiée aux infirmières, qui ont reconquis et adopté autre
manière d'être et de faire dans le cadre de leur rôle propre
considéré par Formarier (1990) comme un « rôle
toujours nouveau, riche, multidimensionnel, difficile et exigeant, »
(p.52). Cette nouvelle posture a provoqué un changement dans
l'organisation du système d'activités des soins pour ces
infirmières. Ce changement est vu par les auteurs Fried et Fottler
(2010), comme « un processus qui vise à modifier, enrichir,
élargir les fonctions et les tâches des employés, [...]
améliorer leur satisfaction au travail et la performance de
l'organisation » (p.162). Ce changement est aussi aperçu au
niveau des habitudes de travail et par rapport à la relation
infirmière/patient. Mais, d'après l'enquête,
l'activité éducative ne semble pas être imposée
à tous les professionnelles exerçant dans les services de soins,
les infirmières ont le choix de ne pas être éducatrices. Je
me suis aperçue aussi, d'après les verbatims des
interviewées, que la pratique de l'ETP peut ne pas être «
désirée » par toutes les infirmières, surtout par
celles qui exercent en services à pathologie aiguë, la charge et
les
108
conditions de travail ne leur permettent pas d'assurer la
prise en charge globale du patient. Pareillement, je pense que l'ETP en tant
qu'activité n'est pas assez vulgarisée par les responsables pour
que les infirmières puissent se familiariser avec les compétences
de sa pratique et l'adopter à leurs pratiques quotidiennes. Dans ces
conditions l'ETP risque d'être défavorisée par rapport
à l'activité de soins.
Des compétences et des modèles
pédagogiques mobilisés pour la pratique éducative :
cependant être infirmière éducatrice ne peut
s'exercer sans la formation continue à l'ETP. Cette formation est
proposée par l'hôpital qu'à une seule infirmière par
service sauf pour le service de diabétologie, qui cite six
infirmières formées sur 24. Ce chiffre représente le 1/4
de l'effectif infirmier dans ce service. D'après l'enquête, cette
démarche est justifiée par le manque de moyens financiers ne
permettant pas à l'activité ETP d'être pratiqué par
toutes les infirmières. Il faut reconnaître que c'est par le biais
de la formation continue, que les infirmières éducatrices ont
acquis d'autres compétences que les soins curatifs. Sans oublier que les
compétences de l'ETP sont considérées par l'OMS «
non comme un état, mais comme un processus qui permet de mettre en
synergie des ressources multiples dans une situation professionnelle
» (HAS, 2007). Les éducatrices mobilisent donc des ressources
à dimension normative comme les attitudes, l'écoute, les normes,
l'identité, ... Ainsi, la compétence éducative a permis
aux infirmières de mettre en oeuvre un ensemble diversifié de
pratiques éducatives (diagnostic éducatif, séances,
écoute, échange, reformulation, valorisation...), et coordonner
des ressources éducatives aux soins qui leur a permis une meilleure
prise en charge du patient. Selon l'INPES (2013), « cette
compétence est à appréhender comme un savoir agir reconnu
dans un environnement et dans le cadre d'une méthodologie définie
». Ce qui explique le sentiment d'implication dans le rôle
éducatif exprimé par mes interviewées. D'un autre point,
au travers de l'analyse des matériaux recueillis, il apparaît que
les éducatrices se servent des trois modèles pédagogiques
pour l'accompagnement en ETP: elles se servent de la « pédagogie
traditionnelle », pour pratiquer les séances individuelles ; elles
s'appuient sur la « pédagogie béhavioriste » pour
l'apprentissage de gestes techniques ou de réflexe de santé (auto
soin, choix habitudes alimentaires...) ; et sur la « pédagogie
constructiviste », pour réaliser les séances de groupe
(l'échange et le partage de connaissances). Le premier modèle
reproduit le modèle universitaire, qualifié par A. Giordan,
(2010) comme une pédagogie empirique qui suppose « qu'apprendre
est un simple processus de communication, comportant un décodage, puis
une mémorisation » (p. 2). C'est un modèle
pédagogique qui n'apparaît pas totalement dépassé.
Il peut se révéler très efficaces en ETP,
109
« si le soignant et le patient se posent le
même type de question ,
· s'ils possèdent le même
cadre de référence, à commencer par le même
vocabulaire ,
· ... » (p. 3) Le deuxième modèle
(béhavioriste) demeure très limité pour Giordan du fait
qu'il intervient peu sur la motivation du patient, les désirs et les
intentions de celui-ci étant peu pris en compte. Le troisième
porte un intérêt pour les expériences d'entraînement
en groupe, se contentant de valoriser un apprentissage coopératif et des
réunions entre patients.
L'ETP, une pratique réflexive qui transforme
l'activité quotidienne de l'infirmière : il est vrai que
ces infirmières avouent que dans certaines situations, elles ne savent
plus dans quelle posture se mettre. Le changement de posture ne parait pas si
simple, il faut un temps d'adaptation. L'infirmière éducatrice
doit s'adapter à son nouveau système et aux conditions de travail
dont lesquelles elle est contrainte pour se ressourcer et réaliser son
activité. Il s'agit de devenir un « praticien réflexif
» selon le concept de Donald Schön (1983), et de
réalisé un « travail réflexif »,
considéré par Dubet (1994), « [...] d'autant plus
intense que les individus se trouvent dans des situations qui ne sont pas
entièrement codifiées et prévisible, ... » (pp.
103-104). Ce qui explique les situations qui ne relèvent pas du
prescrit.
Pour le suivi des patients et de leur apprentissage,
l'éducatrice doit refaire le diagnostic éducatif, une tâche
qui n'est pas toujours réalisable, elle voudrait se servir alors des
moyens dont elle dispose dans son environnement comme le suivi
téléphonique pour réaliser le but qu'elle avait
fixé.
L'identité de soignante éducatrice : une
nouvelle façon d'être et de se comporter.
L'identité professionnelle de l'infirmière est dans un
mouvement permanent de construction, de déconstruction et de
reconstruction suite à la mutation de son système
d'activité qui inscrit l'ETP dans son rôle propre. Comme je l'ai
déjà précisé, ce changement lui exige des
modifications dans ses habitudes personnelles et professionnelles, dans sa
posture d'infirmière, dans sa relation avec le patient. Il s'agit d'une
évolution de son métier d'infirmière. Cette
évolution engendre des transformations identitaires. Cette seconde
hypothèse a, elle aussi, été vérifié selon
plusieurs axes, grâce à la richesse des données au sujet de
l'identité professionnelle. Je pense que la référente en
éducation a commencé à se distinguer des autres
infirmières, depuis l'intégration de l'ETP à ses
pratiques. Elle réalise aussi que, les patients l'identifient plus par
rapport à son rôle éducatif : « C'est un
système de sentiments et de représentations de soi, [...] C'est
aussi, ce qui me rend semblable à moi-même et différent des
autres, ... ce par quoi je me définis et me connais, me sens
accepté et
110
reconnu comme tel par autrui, mes groupes et ma culture
d'appartenance », il s'agit de la « connaissance et
reconnaissance de ce que l'on est ». (Tap, 1986, p.8).
J'ai déjà noté que les éducatrices
ont pris conscience que la nouvelle façon d'être et de se
comporter avec le patient représente pour elles autant d'importance que
le soin. Ainsi, l'identité de l'éducatrice se construit à
travers la posture éducative par l'acquisition de certaines
compétences comme la posture communicative, l'écoute active, ...
Ceci n'est pas sans rappeler l'identité au travail que Dubar (1992),
considère comme le produit d'une socialisation. Aussi, si je
considère le service de soins (curatif et éducatif) comme un lieu
de construction identitaire, par voie de socialisation, comme le souligne
Dubar, l'organisation dans laquelle s'inscrit l'expérience
professionnelle de l'infirmière éducatrice constitue un lieu
fondamental pour la reconstruction de son identité professionnelle. Dans
ce sens, l'identité d'infirmière peut être rapproché
de l'identité d'éducatrice, au sens de l'apprentissage formant
ainsi une nouvelle identité d'infirmière, complétée
par celle de l'éducatrice. Les infirmières éducatrices
considèrent l'éducation comme un moyens efficace de se
réaliser, de s'épanouir, de se sentir valoriser. La pratique de
l'ETP confère ainsi une identité professionnelle à ces
infirmières éducatrices, et contribue également à
la construction d'une identité collective, représentée par
les infirmières référentes en éducation.
111
4- Conclusion
1- Résumé de la recherche
Je suis partie de l'idée que l'ETP devient une
nécessité dans la pratique infirmière. Que la loi 2009
allait inciter les professionnels de la santé à changer leurs
façons de faire et d'être dans leur travail au quotidien. Que
cette activité thérapeutique s'accomplit par une équipe
pluridisciplinaire. Que ces nouveautés de pratiques éducatives
allaient solliciter un engagement des infirmières dans la transformation
de leurs pratiques en adoptant une nouvelle posture d « infirmière
éducatrice » et, que ces transformations allaient impacter leur
identité professionnelle. Devant ce constat, j'ai centré ma
problématique sur l'impact de l'introduction de l'activité ETP
sur les transformations à la fois vis-à-vis des pratiques
infirmières mais aussi, de l'identité professionnelle pour ces
professionnels de santé. Afin de vérifier ces idées, j'ai
d'abord procédé par une recherche documentaire dans le but
d'identifier les caractéristiques des pratiques professionnelles de
l'ETP. Ensuite, j'ai développé deux hypothèses : la
première s'appuie sur la théorie de l'interaction de la
théoricienne H. Peplau (1952) et, sur les méthodes de
l'accompagnement professionnel démontré par M. Paul (2004), pour
traiter la question de la reconnaissance et l'acceptation du rôle
d'éducatrice par l'infirmière. Afin de vérifier si son
implication dans ce rôle lui permet de mieux se situer dans son
activité de soins et de mieux situer les besoins du patient en termes
éducatifs et curatifs ; La seconde hypothèse, s'appuie sur la
socialisation et la construction identitaire professionnelle de C. Dubar (1998
; 1992). Elle aborde l'identité professionnelle de l'infirmière
qui s'est retrouvé dans un mouvement permanent de construction, de
déconstruction et de reconstruction suite à la mutation de son
système d'activités qui inscrit l'ETP dans son rôle
propre.
Pour vérifier ces deux hypothèses sur le
terrain, je me suis appuyé sur deux outils méthodologiques :
l'observation ethnographique, et les entretiens semi directifs. Pour tenter
d'identifier les changements des pratiques infirmières résultant
de l'introduction de l'activité ETP à celle de soignante, j'ai
effectué un stage pratique auprès d'un hôpital public
prenant en charge les pathologies chroniques. J'ai recueilli des propos de
trois infirmières impliquées dans des activités
éducatives et, je les ai analysés au regard de leurs propos
vis-à-vis de leurs activités, leurs rôles et leurs
attitudes avec le patient pendant les deux activités (soin et
éducation).
112
2- Cheminement de la recherche
L'idée de concevoir un travail sur l'impact de
l'introduction d'une activité éducative à
l'activité de soins infirmiers découle de mes expériences
professionnelles, qui relèvent de deux domaines différents
notamment, la santé et la formation. Ces deux expériences
professionnelles (aide-soignante et chargé de la formation continue) ont
suscité en moi une curiosité et un intérêt pour
l'enseignement et l'apprentissage en lien avec la pratique éducative en
milieu hospitalier. Le terme « éduquer » m'a
interpellé, je me suis posé des questions sur le degré de
connaissance de l'infirmière des modèles éducatifs, elle
qui ne connaît que le curatif, aussi sur sa capacité à
intégrer la dimension éducative au soin, elle que je vois
constamment « dépasser » par les différentes
tâches de soins liés aux conditions de travail. Pour
répondre à cette curiosité, j'ai décidé
d'orienter mon thème de recherche vers l'intégration de
l'activité ETP aux soins. Je sais que je ne vais pas être une
future éducatrice, mais cette expérience m'aurait
rapproché du vécu des infirmières en situation de
changement professionnel et identitaire, le fait que je voudrais
réintégrer la formation continue et concevoir des formations
d'accompagnement et d'analyse de pratiques professionnelles. Pour
concrétiser ma recherche, il me fallait donc trouver des réponses
à mes hypothèses et, trouver un lieu de stage pour les
vérifier. J'avoue que c'était la tâche la plus difficile,
j'ai tout de suite été confrontée à des
réticences voire des refus relatifs à mon investigation. Je
savais que l'entrée dans le milieu hospitalier était presque
irréalisable pour les stagiaires hors cursus médical ou
paramédical. Mon statut de soignante m'a encouragé à
rester positive. Mais, au contraire je n'étais pas vu comme une
aide-soignante en réorientation professionnelle, mais comme un intrus
qui vient « espionner » les soignants dans leur travail, c'est ce que
j'avais compris à travers les refus successifs. J'ai donc fait le choix
d'une autre stratégie : élargir mon terrain de recherche et
changer la présentation du projet en ciblant les patients et non plus
les soignants, et en me présentant entant qu'étudiante en science
de l'éducation. J'avoue que durant toute ma période de stage, je
n'ai jamais évoqué mon statut de soignante pour mettre les
infirmières en confiance. J'avais raisons, mon stage s'est
déroulé dans les bonnes conditions. J'avoue qu'au départ
mon intention était d'enquêter auprès d'une équipe
pluridisciplinaire, pour bien répondre à ma problématique,
mais la non disponibilités des professionnels de santé
(médecins, kinésithérapeutes, diététiciens,
...) m'a emmené à consacré mon enquête au travail de
l'infirmière.
Mon expérience de chercheur, m'a permis de me
rapprocher du ressenti et du vécu des infirmières, d'apercevoir
dans leur regard des étincelles de joie d'être les
référentes en
113
éducation, d'entendre des expressions de valorisation
pour la pratique éducative, et en même temps, j'ai aperçu
des inquiétudes quant au devenir de cette pratique. A l'issue de ce
travail de mémoire, je prends conscience de la chance que j'ai, d'avoir
découvert une nouvelle vision du travail de l'infirmière et de ce
fait aussi, une nouvelle posture d'accompagnement, dont je m'inspirerai
éventuellement lorsque je serai en poste de coache.
3- Résultat de la recherche
En réponse à mes hypothèses, je sais
aujourd'hui que l'introduction d'une nouvelle pratique aux pratiques
quotidiennes d'un professionnel transformerait tout autant la pratique
habituelle que l'identité des acteurs. Je sais également, que
l'activité ETP complète l'activité de soins chez les
infirmières éducatrices. Je suis déçu de
découvrir que les compétences de l'activité ETP ne soient
pas partagées par une équipe pluridisciplinaire : contrairement
aux volontés législatives, l'infirmière se retrouve seule
dans une nouvelle fonction de soin éducatif, elle réalise seule
le diagnostic éducatif et les séances individuelles, à la
différence du soin qui mobilise des compétences collectives,
formelles et partagées. L'éducation semble ainsi
représentée un moment unique séparé du parcours de
soin. J'ai compris à travers les propos des interviewés que la
pratique éducative les isole de leurs pairs, étant celle-ci non
partagée par tous les soignants. Ce qui peut représenter un frein
majeur pour l'ETP étant le nombre de détendeurs de la
compétence éducative limité dans un service de soin.
Enfin, je constate qu'au travers de la pratique éducative apparaît
une compétence réflexive commune aux trois infirmières
éducatrices. Cette capacité réflexive représente
une prise de conscience par rapport aux activités du métier
d'infirmière. Les infirmières se sentent connues et reconnues
dans ce nouveau statut d'infirmière référente en
éducation. Cette activité ETP malgré qu'elle les isole de
leurs pairs, elle s'accompagne d'un renforcement identitaire qui a conduit les
infirmières interviewées à se sentir valoriser de part
cette pratique, malgré qu'elle demeure pratiquée de très
peu d'infirmières.
4- Prolongation de la recherche
Au travers de l'analyse des données recueillies dans
les entretiens, je me suis aperçue que l'activité ETP en tant que
telle n'a jamais été évaluée. Les trois
éducatrices témoignent qu'aucun suivi professionnel n'a
été effectué depuis l'intégration de cette
activité à leur
114
quotidien. Néanmoins lorsque j'ai demandé
à Laura de me décrire le mode d'évaluation de sa pratique
éducative, celle-ci répond qu'il n'y a pas le suivi d'un
professionnel : « Qui nous dirait si c'est ça ce qu'on fait.
L'analyse des pratiques qu'est ce qui la fait. ...l'analyse de
l'activité...il faut justifier de nos formations d'éducation
thérapeutique. Mais qui vient nous évaluer sur le terrain pour
nous dire que finalement, on ne fait pas juste ce qu'on fait, ...on prend pas
juste un thé avec le patient...et...ben personne...on remplit des
dossiers sur l'ordi...qui regarde et remarque ce que je marque en compte
rendu...qui...pas du tout. Personne, il n'y a personne qui regarde ce qu'on
fait... je pense. Il n'y a pas de continuité pour le suivi, rien pour
l'instant » (35'04). Ces propos m'ont conduit à
réaliser que la question de l'analyse et l'évaluation de la
pratique ETP mériterait un prolongement de recherche.
L'infirmière a exprimé le besoin de remettre en question son
action éducative, les exigences professionnelles l'obligent à
jeter un regard critique sur son agir afin d'améliorer continuellement
ses savoirs et ses savoirs faire, afin de parvenir à un
savoir-être accompli. Il s'agit de devenir un « praticien
réflexif » selon le concept de Donald Schön (1983). C'est vrai
que, l'HAS/INPES (2007) avait proposé dans le guide
méthodologique de l'ETP une grille d'évaluation pour l'ETP, mais
celle-ci nécessite que les professionnels de santé aient
déjà une expérience en ETP suffisante. A mon avis
l'analyse des pratiques professionnelles répondrait bien aux
préoccupations des infirmières éducatrices, elle
représenterait un moyen informel de procéder à
l'évaluation de la qualité des pratiques éducatives. Je me
pose alors la question sur l'outil qui répondrait à la question
suivante : Quel outil d'analyse de pratiques professionnelles pour
évaluer la pratique éducative des infirmières
éducatrices ?
115
116
Table des abréviations
B.O : bulletin officiel.
CII : conseil international des infirmiers.
ETP : éducation thérapeutique du patient.
HAS : haute autorité de la santé.
HCSP : haut conseil de santé publique.
HDJ : hôpital de jour.
HPST : hôpital, patients, santé et territoire.
IDE : infirmier diplômé d'état.
INPES : institut national de prévention et
d'éducation pour la santé.
OMS : organisation mondiale de la santé.
ONI : ordre national des infirmiers.
SFSP : société française de santé
publique.
117
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122
123
Partie Annexes
124
Annexe n°1 : Le cadre législatif de l'ETP 126
Annexe n°2 : Les compétences requises pour
dispenser l'ETP 127
Annexe n°3 : Les grands modèles
pédagogiques de l'ETP 128
a) Le modèle de la pédagogie classique 128
b) Le modèle de la pédagogie behavioriste
128
c) Le modèle de la pédagogie constructiviste
129
d) Le modèle de la pédagogie
allostérique 129
Annexe n°4 : Questionnaire adressé aux
infirmières éducatrices 131
Annexe n°5 : 132
Script de l'entretien avec Infirmière à
l'Hôpital de Jour 132
Script de l'entretien avec Infirmière en unité
de Diabétologie 145
Script de l'entretien avec Infirmière en service de
Cardiologie 157
125
126
Annexe n°1 : Le cadre législatif de
l'ETP
Une succession de textes officiels ont fait l'objet d'une
volonté politique de faire de l'ETP l'une des priorités en
matière de santé publique.
· En 1980, le Comité des ministères
réuni au conseil de l'Europe déclare que toute personne a le
droit de connaître l'information recueillie sur sa santé et
recommande les programmes privilégiant la participation active des
maladies à leur traitement.
· En 1998, l'OMS rédige les compétences
attendues des soignants dans ce domaine. Ils doivent alors être en mesure
d'organiser, mettre en oeuvre et évaluer des programmes et des
activités d'éducation thérapeutique, en prenant en compte
les singularités des patients (expérience,
représentation), et en se centrant sur leurs apprentissages à
"gérer leur maladie" dans le quotidien.
· En février 1999, le Manuel d'accompagnement des
établissements de santé prévoit que le patient
bénéficie "des actions d'éducation concernant sa maladie
et son traitement et des actions d'éducation pour la santé,
adaptées à ses besoins".
· En 2000, la conférence nationale de
santé souligne l'intérêt de développer la
prévention et l'éducation, dans une approche de promotion de la
santé. Le souhait de voir se renforcer l'éducation
thérapeutique du patient et de diffusion des pratiques professionnelles
éducatives à l'ensemble des futurs intervenants du domaine de la
santé est mentionné (proposition n°8).
· En avril 2007, un plan d'amélioration de la
qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques
énonce quatre objectifs : aider chaque patient à mieux
connaître sa maladie pour mieux la gérer, élargir la
pratique médicale vers la prévention, faciliter la vie
quotidienne des malades, mieux connaître les conséquences de la
maladie sur leur qualité de vie.
· En juin 2007, un guide méthodologique
présente les éléments fondamentaux de "structuration d'un
programme d'éducation thérapeutique du patient dans le champ des
maladies chroniques".
· En juillet 2009, la loi portant réforme de
l'Hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires est consacrée à l'éducation
thérapeutique du patient. Elle est pour la première fois reconnue
comme thérapeutique à part entière avec son cadre, ses
finalités et ses modes de financement dans une loi de santé
publique.
· La loi du 4 mars 2002, affirme le droit de toute
personne d'accéder aux informations relatives à sa situation de
santé [...] et d'être reconnue comme un acteur partenaire de sa
santé avec les professionnels.
127
Annexe n°2 : Les compétences requises
pour dispenser l'ETP Ces compétences sont émises par
l'INPES (2013).
1- L'accueil de la personne soignée et son
entourage :
- Entretien d'accueil de la personne en institution de soins,
d'éducation, ou en entreprise,
- Prise de contact et entretien avec la (ou les) personne (s)
pour la réalisation de soins au domicile,
- Présentation des personnes, des rythmes, des
installations et des services mis à disposition pour soigner,
- Recueil de l'adhésion ou de la non- adhésion de
la personne à ses soins,
- Vérification des connaissances de la personne ou du
groupe sur la maladie, le traitement ou la prévention.
2- Ecoute de la personne et de son entourage
:
- Relation d'aide et soutien psychologique,
- Entretien d'accompagnement et de soutien,
- Médiation entre des personnes et des groupes,
- Accompagnement de la personne dans une information
progressive,
- Entretiens de suivi auprès de la personne, de sa
famille et de son entourage.
3- Information et conseils sur la santé en
direction d'une personne ou d'un groupe : - Vérification de la
compréhension des informations et recueil du consentement aux soins, -
Information sur les soins techniques, les examens, les interventions et les
thérapies..., - Informations et conseils éducatifs et
préventifs en matière de santé,
- Conseils à l'entourage de la personne ou du groupe :
famille, amis, personnes ressources dans l'environnement (milieu du travail,
milieu scolaire...),
- Informations sur les droits de la personne, l'organisation des
soins et les moyens mobilisés,
- Entretien d'éducation et conseils visant à
renforcer ou promouvoir des comportements adéquats pour la santé,
ou modifier des comportements non adéquats,
- Entretien d'aide visant à la réalisation de
choix de santé par la personne.
4- Information et éducation d'un groupe de
personnes : - Création et organisation de conditions
nécessaires à la dynamique du groupe,
- Animation de séances éducatives et d'actions de
prévention,
- Transmission de connaissances aux personnes à propos de
leur santé.
128
Annexe n°3 : Les grands modèles
pédagogiques de l'ETP
Sur quels courants théoriques reposent les diverses
pratiques pédagogiques de l'ETP ? Tous les écrits que nous avons
consultés, affirment que la notion de l'éducation
thérapeutique s'est fondée en combinant les modèles des
sciences de la psychologie, de la sociologie, de la psychologie sociale, de
l'anthropologie et les modèles de science de l'éducation avec
ceux de la médecine (modèle biomédical).
Nous nous basons sur le travail de C. Eymard (2003, 2010) et
sur l'étude de A. Giordan (2010), pour présenter une
synthèse des grands modèles pédagogiques, que ces auteurs
estiment en lien avec la pratique de l'ETP.
Comme nous l'avons déjà précisé
dans la première partie de ce travail, l'ETP ne peut se réduire
qu'à la simple information de savoirs ou de savoir-faire, celle-ci vise
l'appropriation de ces savoirs et savoirs faire par les malades. Elle exige un
modèle d'apprentissage spécifique. D'après Eymard (2003),
malgré la tentation de nombreuses disciplines à faire sortir
l'ETP de la seule logique de l'information « Toutefois, les notions et
concepts ne sont pas toujours explicités et
référés, ce qui rend difficile leur appropriation par les
professionnels » (p. 42). En effet, l'ETP se décline suivant
les lieux d'enseignement, selon quatre grands modèles
pédagogiques (classique, behavioriste et constructiviste), que nous
tentons de présenter.
a) Le modèle de la pédagogie
classique
Nommé aussi « pédagogie traditionnelle,
frontale ou transmissive ». La pédagogie classique présente
deux caractéristiques à savoir : le guidage par l'enseignant et
la mémorisation par l'apprenant. Cette forme classique d'enseignement,
nous l'avons tous connue à un moment donné de notre cursus
scolaire. L'enseignant transmet des connaissances (fait le cours, expose et
explique). L'apprenant écoute, prend des notes et mémorise. Sans
l'intervention de l'enseignant par le guidage, ce modèle ne peut
être en pratique. Il sollicite la mémoire de l'apprenant par
l'assimilation du message transmis par l'enseignant. D'après Giordan
(2010, p. 2), la transmission des connaissances de ce modèle serait donc
à sens unique, l'enseignant détient le savoir, l'apprenant se
contente de le recevoir. Il s'agit d'un rapport unilatéral
selon Giordan. Pour lui, si on applique ce modèle
pédagogique pour ETP, le soignant serait considéré comme
le détenteur du savoir, il a le rôle « d'émetteur
», et le patient serait le « récepteur », il enregistre
et mémorise les messages transmis par le soignant. En plus du rôle
de transmetteur, le soignant peut éduquer en s'appuyant sur des
illustrations (photos, schémas...). Giordan rajoute que ce modèle
pédagogique n'apparaît pas totalement dépassé. Il
peut se révéler très efficaces pour ETP : « si le
soignant et le patient se posent le même type de question ; s'ils
possèdent le même cadre de référence à
commencer par le même vocabulaire ; s'ils ont une façon identique
de raisonner ; s'ils produisent du sens de la même façon »
(p. 3). Par contre, les limites de ce modèle pour Giordan, peuvent
s'identifier dans : le décalage entre le patient et le savoir
médical ; la grande distance entre le soignant et le soigné ; le
mode de raisonnement et la culture de chacun ; leur préoccupation et
attentes qui peuvent être très diverses (p. 3).
b) Le modèle de la pédagogie
behavioriste
D'après C. Eymard (2010, p. 42), les fondements
théoriques du behavioriste remontent jusqu'à Aristote. Le terme
béhavioriste a été introduit aux sciences de la
psychologie par le psychologue américain John Watson au XXe
siècle, qui avait repris les travaux du physiologiste russe Pavlov, en
élaborant la théorie psychologique du stimulus-réponse
par rapport au comportement humain. Selon Eymard, Watson suppose que les
humains naissent avec des réflexes et des réactions
émotionnelles (l'amour, la rage...) et tout autre comportement est le
résultat des associations stimulus-réponse crées
par le conditionnement.
129
Donc, l'apprentissage est expliqué par une modification
du comportement et cette modification est la conséquence d'une
réponse à des stimuli externes d'après Giordan (2010, p.
2). Pour lui, en ce qui concerne l'ETP, cette approche a été
appliqué dans des exercices « autoprogrammés »
sur papier ou sur ordinateur comme : les enseignements assistés par
ordinateur (EAO) et les exercices de pratiques thérapeutiques
(Gestalt the-rapy, thérapie familiale) qui sont surtout
développé dans les pays anglo-saxons. L'auteur rajoute que le
seul avantage de cette pédagogie béhavioriste par rapport
à la pratique de l'ETP, repose sur l'apprentissage de gestes techniques
(dosage de glycémie), et sur l'apprentissage de réflexe de
santé (savoir renoncer à un aliment). Mais, cette approche
demeure très limitée pour Giordan, le fait qu'elle intervient peu
sur la motivation du patient, étant les désirs et les intentions
du patient peu pris en compte. Pour l'auteur, ce modèle
pédagogique renonce à comprendre le moral du patient.
Pour Chantal Eymard (2010), l'ETP s'inscrit dans cette
approche behavioriste lorsqu'elle privilégie la transmission des savoirs
pour éviter les complications de la maladie d'un patient, étant
ce dernier considéré comme ignorant des savoirs en lien avec la
santé. Cette méthode apporte des réponses types à
mettre en oeuvre par le soignant. Dans ce cadre, l'éducation
thérapeutique s'inscrit dans un rapport expert/novice, ne prenant pas en
compte l'apprenant dans ses dimensions cognitives, émotionnelles. Pour
l'auteur, les compétences de l'éducateur s'évaluent sur
son niveau de maîtrise des savoirs à enseigner et sur sa
capacité à les transmettre (p. 45).
c) Le modèle de la pédagogie
constructiviste
Pour C. Eymard (2010, p. 42), le modèle de la
pédagogie constructiviste est fondé de la théorie de
Piaget qui explique que : « tout est l'affaire d'assimilation et
d'accommodation dans l'apprentissage ». L'auteur explique que la
théorie de Piaget consiste à rattacher la nouvelle information
à ce qui est déjà connu, de la greffer sur des notions en
prenant en considération les « schèmes » dont
dispose au préalable le sujet. Ces derniers sont
réorganisés par les nouvelles données. Donc, l'apprenant
fait entrer dans sa propre organisation cognitive les données du monde
extérieur, les informations nouvelles sont traitées en fonction
des acquis antérieurs, le sujet les « assimile ». En
retour, il y a « accommodation », c'est-à-dire
modification des pensées en place en fonction des circonstances
nouvelles. Dans ce cas, Eymard explique que l'ETP devient « un
processus personnel » centré sur l'apprenant. Par contre pour
Giordan (p. 2), l'apprenant en ETP construit progressivement son savoir en
travaillant avec d'autres personnes (le groupe) par le biais d'expressions et
d'activités. Il s'agit de faire exprimer le patient, de le confronter en
s'appuyant sur un conflit cognitif. L'auteur exprime qu'il est possible aussi
de confronter le patient à la réalité par des exercices
qui le conduisent à reformuler les idées ou les questions. Pour
Giordan, cette méthode pédagogique constructiviste aborde le
vécu du patient, son avantage porte sur le pouvoir de l'apprentissage
à enrichir ou à modifier légèrement une croyance en
lien avec la santé. D'après Giordan, l'ETP s'inscrit dans cette
approche constructiviste lorsqu'elle vise la connaissance de soi du patient
dans un environnement social. L'intérêt de cette approche, c'est
les expériences d'entraînement en groupe, en valorisant un
apprentissage coopératif des réunions entre patients. Le soignant
éducateur a le rôle de l'organisateur. Pour l'auteur, ce
modèle pédagogique employé en ETP favorise le
développement des compétences psychosociales en tant qu'aptitude
d'une personne à maintenir un état de bien-être mental, par
rapport à sa propre culture, à son environnement et grâce
aux relations entretenues avec le groupe.
d) Le modèle de la pédagogie
allostérique
130
Ce modèle pédagogique est présenté
par A. Giordan (2010, p. 5). Il s'agit d'un nouveau modèle
pédagogique proposé pour l'ETP. D'après l'auteur, les
limites des trois approches pédagogiques, que nous avons
synthétisé ci-dessus, ont conduit les experts de l'ETP à
réfléchir sur un nouveau modèle connu sous le nom de
« pédagogie allostérique », sans exclure les autres
pratiques pédagogiques dans les limites de leurs possibilités.
Cette nouvelle méthode, dirigée par le Professeur Alain Golay,
est en cours de test et de développement au niveau du service
d'Enseignement Thérapeutique pour Maladies Chroniques, auprès des
Hôpitaux Universitaires de Genève.
L'approche de cette « pédagogie
allostérique » repose sur trois hypothèses
complémentaires, à savoir : (1) l'importance des
différentes interactions entre le patient, son corps, sa pathologie, son
traitement, son environnement, son entourage, les soignants et le
système de soins ; (2) la prise en charge de la personne dans ses cinq
dimensions (émotionnelle, cognitif, sensoriel, méta cognitif et
inter cognitif) ; (3) l'introduction d'une « pédagogie
systémique » basée sur la transformation des conceptions,
par le biais d'un « environnement didactique ». D'après
Giordan, le but de l'introduction de la pédagogie systémique est
d'emmener le patient à décoder un message, à comprendre sa
situation et à changer de comportement. Le fait que le patient apprend
à partir de ses conceptions (de ce qu'il est et de ce qu'il
sait), il va transformer son savoir dans un processus de
construction/déconstruction. Le soignant l'accompagne, le sensibilise et
met en place l'environnement didactique nécessaire pour l'apprentissage
en mobilisant les outils et les ressources éducatives.
131
Annexe n°4 : Questionnaire adressé aux
infirmières éducatrices
Sexe
|
Age
|
type de diplôme
|
Ancienneté globale?
|
Ancienneté dans le service?
|
Quel est votre parcours professionnel ?
|
L'activité ETP représente-elle un choix pour vous
?
|
Que représente pour vous l'ETP ?
|
Quelle distinction faites-vous entre les termes : Information,
Éducation et persuasion ?
|
Comment percevez-vous le rôle éducatif dans votre
activité ?
|
Percevez-une différence entre le rôle
éducatif et le rôle infirmier ?
|
Pouvez-vous me décrire la réalisation d'une
activité éducative ?
|
Dans votre exercice quotidien, mettez-vous en pratique ces
mesures éducatives de l'ETP ? Si oui, de quelle manière et quel
intérêt y trouvez-vous ?
|
Avez-vous suivi une formation spécifique concernant l'ETP
?
|
Quels sont les éléments qui vous paraissent
favorables et défavorables à sa réalisation ?
|
La pratique d'ETP influence-elle la relation
infirmière/patient ?
|
Si vous serez contraint de pratiquer l'ETP :
Pensez-vous que cette pratique transformerait votre
système d'activité actuel ?
|
Si vous pratiquez l'ETP :
Quelle est la place de l'ETP dans les soins quotidiens ?
Quelle est la place et le rôle de l'infirmier dans une équipe
pluridisciplinaire ? Le rôle propre légitime à
l'infirmière ne sera t- il pas dissous dans cette équipe ?
|
A votre avis quelles sont les qualités professionnelles
à adopter pour avoir une posture éducative ?
Les soignants ont -ils besoin d'une formation pour être
éducateurs ?
|
Avez-vous des observations à apporter sur le thème
évoqué lors de cet entretien ?
|
132
Annexe n°5 :
Script de l'entretien avec Infirmière à
l'Hôpital de Jour
Hôpital de Blois
Entretien réalisé le 29/05/2015
Nous allons faire un entretien d'une quarantaine de minutes,
si vous êtes d'accord, cet entretien concerne votre activité
d'éducatrice. Je vais donc vous poser quelques questions pour orienter
le discours. Notre objectif n'est pas de juger votre façon de
travailler. La majorité des questions sont ouvertes volontairement pour
vous laisser répondre le plus spontanément possible, sans vous
influencer.
0'00
|
Malika
|
C'est quand vous voulez!
|
0'01
|
Marie
|
Ça enregistre?
|
0'02
|
Malika
|
Oui.
|
0'03
|
Marie
|
Ben, je suis infirmière depuis 8 ans et
référente en éducation thérapeutique depuis 3 ans
à l'HDJ. Euh...on dit HDG. C'est l'hôpital de jour...Avant
j'étais en médecine interne puis en cancérologie, je suis
resté 5 ans.
|
0'08
|
Malika
|
Le poste d'éducatrice thérapeutique est-il un choix
pour vous ?
|
0'10
|
Marie
|
Oui, oui c'est un choix. En fait, j'avais une collègue
qui occupait ce poste. En fait ce n'est pas vraiment de l'éducation
thérapeutique, mais elle éduquait les patients aux soins. Et
quand elle est partie, j'ai demandé d'occuper son poste de
référente...et voilà 3 ans déjà. Donc, suite
au départ de ma collègue... alors, qu'il n'avait pas encore
était fait...euh...donc, en 2011, j'ai en fait repris le premier atelier
qui n'avait pas encore était fait.
|
0'34
|
Malika
|
Comment vous avez commencé la pratique d'ETP dans votre
service ?
|
0'37
|
Marie
|
Alors, en fait en 2011, on a commencé comme ça.
On a eu une réunion de travail avec la coordinatrice de l'ETP,
médecins, diète, kiné, cadre. Donc, on a bien sûr
fait une fiche pédagogique avec les déroulements de tous les
thèmes. On nous a installé un logiciel pour entrer les infos des
patients et créer le dossier éducatif. Euh...donc, il y a
déjà toute la partie administrative à faire, ensuite le
patient est recruté.
|
0'58
|
Malika
|
Comment se déroule le recrutement du patient ?
|
0'60
|
Marie
|
A l'HDJ on fait le recrutement sur l'ordi...on a dossier patient
éducatif, on fait l'admission et on propose les ateliers après
l'entretien éducatif.
|
1'05
|
Malika
|
A qui proposez-vous le recrutement ?
|
1'07
|
Marie
|
En fait au début ça a commencé comme
ça. Donc, le recrutement des patients se fait directement à
l'hôpital de jour. On recevait les patients qui venaient pour avoir leur
injection, ou bien pour avoir une éducation sur les sous cutanés,
et qui repartaient. On leur proposait de participer aux ateliers.
|
1'25
|
Malika
|
D'accord, donc ils ne peuvent participer que s'ils sont
recrutés ?
|
1'27
|
Marie
|
A oui, il faut faire le dossier éducatif d'abord, le
diagnostic éducatif.
|
1'30
|
Malika
|
Le recrutement des patients relève-il d'une prescription
médicale ?
|
1'33
|
Marie
|
Au début c'était la rhumatologue de l'HDJ.
Maintenant on n'est plus à ce niveau. C'est à dire que la rhumato
nous les adressait et nous on faisait le diagnostic, on leur présentait
les ateliers...euh...mais maintenant on propose aussi
l'éducation...voilà.
|
1'46
|
Malika
|
Et ça se passe comment ?
|
1'48
|
Marie
|
Maintenant...d'ailleurs récemment, j'ai fait un p'tit
flayer pour représenter un p'tit peu ce que l'éducation
thérapeutique et présenter un p'tit peu tout...euh...les
ateliers. Donc, on leur présente en fait à quoi sert un atelier,
comment améliorer la qualité de vie, devenir acteur, mieux
gérer sa pathologie chronique ... euh ... éviter les
complications et les hospitalisations...En gros, c'est ça...créer
un lien aussi, de rencontrer d'autres patients atteints de la même
pathologie...voila ...mais qui ont des objectifs différents.
|
2'17
|
Malika
|
La participation aux ateliers thérapeutiques est - elle
obligatoire ?
|
133
2'20
|
Marie
|
Non, non. Ils valident ou pas. On ne peut obliger les patients
à participer. En gros...c'est comme ils veulent...
|
2'25
|
Malika
|
Dans ces conditions. Vous les attirez comment ?
|
2'28
|
Marie
|
En fait, durant la première rencontre du diagnostic
éducatif qui dure à peu près entre une demi-heure et une
heure même...euh...ça dépend. Et ensuite, on propose les
trois ateliers.
|
2'42
|
Malika
|
Comment se fait le déroulement de ces trois ateliers ?
|
2'45
|
Marie
|
Donc, le premier atelier intitulé « parlons-on
» c'est avec moi-même et le rhumatologue...euh...et un pharmacien.
Donc, à chaque fois, soit polyarthrite, soit spondyno-arthrite.
|
2'56
|
Malika
|
D'accord.
|
2'57
|
Marie
|
Le deuxième atelier avec une
diététicienne. C'est sur comment adapter l'alimentation. Et le
troisième atelier avec un kiné et un ergo...euh...un
ergothérapeute. C'est sur les outils...enfin, les appareils, le
matériel utilisé par les patients...son nom c'est pour votre
quotidien.
|
3'14
|
Malika
|
Vous proposez les ateliers qu'aux patients de l'hôpital
?
|
3'17
|
Marie
|
Dans un premier temps le recrutement se passait qu'à
l'hôpital de jour avec les patients du suivi. Ensuite on a essayé
de s'ouvrir euh... on a présenté notre programme aux
rhumatologues de ville. Pour qu'eux même puissent nous adresser des
patients. Euh...on a aussi présenté le programme aux
médecins traitants. Et en fait, on s'est retrouvé avec...voir des
gens qui nous appellent. Voilà, on s'est retrouvé avec des gens
qui sont suivi déjà même à Tours. Qui n'sont pas du
tout suivi ici et qui ont leurs rhumatologues à Tours, et qui ont
entendu parler de nos ateliers et qui prennent contact avec nous.
|
3'56
|
Malika
|
Et vous les recrutez ces gens ?
|
3'58
|
Marie
|
Oui, oui, moi je fais un premier contact...je fais un
diagnostic éducatif et ils participent aux ateliers.
Voilà...là c'est varié que depuis des années...et
maintenant, on s'est vraiment ouvert.
|
4'12
|
Malika
|
Comment procédez-vous pour la réalisation d'un
atelier éducatif ?
|
4'48
|
Marie
|
En fait le premier atelier...euh...en fait, moi j'ai
déjà rencontré les patients lors d'un diagnostic
éducatif. On fixe des dates. Je fais un planning sur l'année avec
des dates pour les ateliers. Ben...et on bloque les dates et on convoque les
patients. Généralement moi, la semaine d'avant je les rappelle
deux mois avant pour confirmer les dates. Et je réserve la salle.
Ah...je n'arrête pas de demander une collègue qui m'aide à
faire l'éduc avec moi...euh...à deux c'est mieux.
|
4'45
|
Malika
|
Combien d'atelier réalisez-vous par an ?
|
4'48
|
Marie
|
Euh...ça nous fait 10 à 12 ateliers à peu
près dans l'année.
|
4'51
|
Malika
|
Le nombre de patient est-il limité par rapport aux
ateliers ?
|
4'55
|
Marie
|
Euh...alors...par exemple l'année dernière, j'ai
fait 31 diagnostics éducatifs...et...on a fait si ma mémoire est
bonne 12 ateliers. Alors...les ateliers...Enfin le premier atelier c'est
toujours un choix de notre part qu'il y ait 5-6 patients pas plus. Parce que
c'est vraiment ...euh...déjà la découverte et il faut
vraiment un temps de parole...euh...c'est le premier...le fait d'accorder un
temps de parole c'est vraiment important à chacun.
|
5'22
|
Malika
|
Et pour les autres ateliers ?
|
5'24
|
Marie
|
Et ben...le deuxième atelier et le
troisième...enfin l'atelier diététique jusqu'à 8
personnes et le kiné on peut aller à 10. Parce que les
kinés on a deux. Il y a des moments où on se sépare en
deux groupes...voilà. Donc, le nombre euh...c'est un p'tit peu ...c'est
aléatoire. Par contre des fois les gens ils n'viennent pas...euh
voilà.
|
5'45
|
Malika
|
Procédez-vous de l'éducation en individuel ?
|
5'47
|
Marie
|
Alors...euh...je propose toujours les éducations
à l'auto injection en individuel. Après...euh...les ateliers sont
collectifs. Oui des fois ça nous arrive de faire un...En fait, moi je
participe aux trois ateliers depuis maintenant 3 ans. C'est vrai que je
commence un p'tit peu à maîtriser le sujet. Et par exemple au
fait, on est arrivé à condenser les trois pour une dame qui est
en fait assistante maternelle et qui ne pouvait pas du tout se libérer.
Et l'atelier a duré à peu près deux heures. On s'est vu
que toute les deux voilà. Elle avait le diagnostic éducatif, mais
elle ne pouvait pas venir aux ateliers...
|
134
6'32
|
Malika
|
Avez-vous un jour programmé pour les ateliers ?
|
6'34
|
Marie
|
Oui, c'est tous les jeudis. Voilà, et cette dame ne
pouvait pas venir en semaine. Aussi, pour les jeunes qui ont des polyarthrites
et qui travaillent. Ce n'est pas du tout pris en charge sur leur temps de
travail. C'est sur leur temps personnel...Et pareil les bons de transport ne
sont pas pris en charge. Donc...notamment pour ces gens qui ont des
polyarthrites, c'est difficile pour eux par fois de pouvoir venir par leurs
propres moyens. Et ça crée malheureusement des difficultés
à les suivre et les patients ne viennent pas...
|
7'11
|
Malika
|
Comment vous gérez dans ces conditions ?
|
7'13
|
Marie
|
Et ben...on ne fait rien, on propose d'autres dates et on
attend...En fait c'est pour ça qu'on pense...euh...qu'à l'avenir
de sortir carrément de l'hôpital et d'aller vers les gens. Par
exemple, il y a des gens qui habitent à plusieurs kilomètres, ils
ne peuvent pas se déplacer... Nous, on aimerait trouver un
lieu...euh...au hasard...un lieu, un local, une pièce, où on
pourrait prendre en charge les patients.
|
7'42
|
Malika
|
Et c'est réalisable ?
|
7'43
|
Marie
|
Non pour l'instant ce n'est pas réalisable... non c'est
juste un souhait... ou un projet on va dire. Il n'y a pas le budget pour.
|
7'47
|
Malika
|
Comment vous vous organisez pendant l'atelier ?
|
7'50
|
Marie
|
En fait, maintenant... Je disais que l'éducation
thérapeutique c'est le jeudi. Normalement c'est tous les jeudis. Ce qui
n'est pas forcément réalisable. Notamment au niveau des vacances,
des disponibilités du médecin...euh...kiné...et tout
ça. On s'organise...en fait les ateliers sont toujours les jeudis matin
de 9h30 à 12h30, ou l'après-midi de 14h à 16h30.
|
8'18
|
Malika
|
Pratiquez-vous la même organisation pour les autres
ateliers ?
|
8'21
|
Marie
|
Oui, les trois ateliers c'est les programmes. On fait un
atelier en 4h enfin 3h et demi... C'est vrai que ça déborde
parfois. On fait l'atelier de traitement. Le deuxième atelier, c'est de
deux mois plus tard et le troisième aussi.
|
8'33
|
Malika
|
C'est votre propre organisation ?
|
8'35
|
Marie
|
Oui, oui ....à Tours par exemple il fonctionne
différemment. Ils font tout sur la matinée. Par contre le moment
est restreint. Nous...on a choisi de prendre 3h pour chaque
thème...euh...voilà. Alors, il y a certains endroits qui font
tout sur la journée. Les gens mangent sur place...euh...voilà.
Nous...on a choisi ça parce qu'on a trouvé...déjà
qu'une dense comme même car c'est beaucoup d'informations, en plus ce
n'est pas tout le monde qui peut payer le manger sur place.
|
9'02
|
Malika
|
Assez dense par rapport à quoi ?
|
9'04
|
Marie
|
C'est trop d'information pour les patients voilà. Trop
d'info tue l'info. C'est un moment ...aussi un temps sur beaucoup
d'émotions, beaucoup d'échanges...voilà.
|
9'17
|
Malika
|
Sollicitez-vous des outils spécifiques pour
réaliser un atelier ?
|
9'20
|
Marie
|
Le premier atelier c'est sur les maladies et les traitements.
On fait on utilise des cartes symptomatiques comme cela. Par exemple cette
carte représente assez bien...euh...donc, c'est mes santés, vie
affective, santé physique, vie sociale, vie sexuelle, équilibre
psychologique. Ça c'est un p'tit peu pour la définition.
|
9'46
|
Malika
|
Et comment se déroule un atelier éducatif ?
|
9'48
|
Marie
|
En fait le premier atelier...euh...comment ça se
déroule ? En fait moi, j'ai rencontré les patients lors d'un
diagnostic éducatif. On fixe des dates. Je fais un planning sur
l'année avec des dates pour les ateliers. Ça fait 10 à 12
ateliers à peu près dans l'année.
|
10'09
|
Malika
|
Vous arrivez à réaliser un atelier par mois ?
|
10'11
|
Marie
|
A peu près. On essaie de rester dans les normes à 1
par mois. Dès fois on fait deux ateliers par mois. Et puis
après...euh...il n'y n'en a pas, voilà.
|
10'20
|
Malika
|
Cette programmation est-elle liée à des contraintes
?
|
10'22
|
Marie
|
En fait, la réalisation d'un atelier, c'est en fonction
des disponibilités de chacun. Il y a des pharmaciens, des
médecins, des rhumatologues, des kinés. Il faut que tout le monde
soit disponible...euh... voilà.
|
135
10'33
|
Malika
|
Que tout le monde soit disponible c'est ça ?
|
10'35
|
Marie
|
Oui, par exemple les kinés eux ils n'ont pas de temps
....eux c'est sur leur temps.
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10'40
|
Malika
|
De quel temps s'agit-il ?
|
10'42
|
Marie
|
En fait les kinés n'ont pas de temps
dédié à l'éducation. Autant moi, j'ai le jeudi
à 20% dédié à l'éducation. Eux, ce n'est pas
le cas. C'est sur leur temps de travail. C'est vrai qu'on fonctionne selon
l'emploi du temps de chacun voilà.
|
10'56
|
Malika
|
Pouvez-vous me décrire une journée d'atelier ?
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10'58
|
Marie
|
Ben...on bloque les dates, on convoque les patients.
Généralement moi, la semaine d'avant je les rappelle pour les
dates qu'on a pris deux mois avant. On se donne rendez-vous à 9h30 dans
le hall de l'hôpital. Donc, moi avant....j'ai réservé la
salle....on prépare un p'tit café, un p'tit peu
d'accueil...euh....pour que ce soit plus convivial.
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11'22
|
Malika
|
Vous faites l'accueil en tenue de travail ?
|
11'24
|
Marie
|
Justement là on est en civile. Nos badges avec nos noms
c'est tout.
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11'27
|
Malika
|
C'est un choix ou une obligation ?
|
11'29
|
Marie
|
Oui, oui c'est un choix. Ça me semble logique. C'est
important...
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11'32
|
Malika
|
Qu'est ce qui est important ?
|
11'34
|
Marie
|
Ben, oui c'est important pour le patient, on n'est pas dans un
cours...dans un ...euh... En fait la blouse met la barrière. Oui, oui,
exactement ça crée tout de suite une différence
...euh...le soignant...le soigné. Et on n'est pas trop dans le mode
soignant soigné. On est plutôt éducateur et pas
soignant.
|
11'51
|
Malika
|
Et les autres professionnels sont-ils de même avis que vous
?
|
11'53
|
Marie
|
A oui. Le médecin déjà vient sans. Le
kiné...euh...tout le monde. Aucun souci. Au contraire tout le monde est
content et tout le monde est bien conscient...euh...de ce que ça
représente pour le patient. Et tout le monde et bien content de
l'ôter. On en a discuté d'ailleurs et tout le monde est
d'accord.
|
12'14
|
Malika
|
Et après l'accueil vous faites quoi ?
|
12'16
|
Marie
|
Euh...j'ouvre la salle, je fais des photocopies, je
prépare la paperasse. Ensuite je vais chercher les patients dans le hall
de l'hôpital... on se retrouve...on discute 5 mn dans le hall en
attendant les autres. Ensuite on va s'installer dans la salle. On fait une
présentation...de...en fait je...on est le fil rouge, on fait tous les
ateliers avec les patients d'a à z, voilà. En fait les autres
sont là en épisode. En fait c'est vrai qu'on est les
référentes. Donc, c'est nous qui sommes un peu...le...comment
dire? ...les régulateurs...voilà. Après les
présentations, on instaure un peu les règles pour qu'on
s'écoute et que ça ne déborde pas. Après ...c'est
vrai qu'en groupe...voilà.
|
12'54
|
Malika
|
Vous utilisez les mêmes outils pour les trois ateliers ?
|
12'57
|
Marie
|
Pour le premier atelier avec les rhumatologues et moi-même,
on dispose les cartes sur la table.
|
12'60
|
Malika
|
Qui choisit les thèmes?
|
13'02
|
Marie
|
A oui, oui, on leur demande de choisir deux cartes : soit
parce que ça les interpelle, soit parce qu'ils connaissent et ils
veulent en parler. Soit par ce qu'ils ne connaissent pas du tout, et ils
aimeraient s'avoir. Voilà...par exemple le thème de la douleur,
tout le monde est intéressé...euh... et tout le monde peut
intervenir pas que la personne qui a choisi cette carte.
|
13'27
|
Malika
|
Et ensuite?
|
13'28
|
Marie
|
Ensuite, une fois chaque patient a choisi deux cartes, on
essaye d'aborder ces thèmes un p'tit peu dans la logique comme
même. On essaie de commencer par les définitions, qu'est-ce que
l'inflammation, tout de suite on va partir sur la douleur, tout de suite on va
partir sur la fatigue, tout de suite on va partir sur ce qui est d'ordre
psychologique...voilà.
|
13'52
|
Malika
|
Vous préparez les thèmes avant la séance
?
|
13'54
|
Marie
|
Ça suit naturellement en fait. Nous on essaie de suivre
un acheminement. Quand on connaît bien le sujet, en fait...je ne dis pas
que la première fois c'était aussi bien
présenté...mais...là quand on connaît le sujet...en
fait naturellement les patients nous guident. Nous...on est comment dire...on
est régulateurs de
|
136
|
|
l'atelier...le fond de l'atelier c'est les patients qui parlent
90% du temps.
|
14'18
|
Malika
|
Vous intervenez comment?
|
14'20
|
Marie
|
Donc la personne qui a choisi une carte. Nous, on lui demande
pourquoi ce choix. De nous parler un peu plus du choix. Donc pour la douleur le
patient dit...moi ça se passe comme si...comme ça...euh...et
voilà. Très bien...et ensuite on demande...et qu'est-ce que vous
faites pour la douleur, des trucs, des techniques...euh...Et pour vous madame
untel... ça se passe comment. En fait on fait un tour de table pour
chaque carte. Ça se passe comme ça.
|
14'46
|
Malika
|
D'accord?
|
14'47
|
Marie
|
On arrive en dernier...euh...alors avec le médecin,
soit le médecin qui intervient, soit moi ça dépend...donc
le syndrome sexe, c'est moi qui anime et le médecin qui note. Et ...la
douleur ça peut être...euh...voilà. On a des rôles
interchangeables. Donc, pendant que les patients parlent, on note les mots
clés. Bien sûr on arrive un p'tit peu en fin de parcours sur ce
thème. Et on va dire...euh...ben...par exemple madame untel nous a
dit...ceci cela...qu'est-ce que vous en pensez. Et si quelque chose n'a pas
été dit en rajoute.
|
15'18
|
Malika
|
Et vous passez toutes les cartes ?
|
15'20
|
Marie
|
On a fait le deuil au début. C'est vrai qu'il y a
certaines cartes importantes pour les patients que d'autres et qu'il faut
passer ce jour. Et on laisse les autres cartes et on fait le deuil. Parce qu'il
faut prendre plus de temps pour certaines et ben et les autres...
|
15'34
|
Malika
|
Le deuil par rapport à quoi ?
|
15'36
|
Marie
|
Le deuil de ne pas faire ce qu'on a envie de faire. On a
toujours envie de faire le maximum. Quand on sait qu'on a des objectifs
à atteindre. Et euh...parfois...en atelier on a pas le temps de parler
de tout, mais on a compris rapidement ...ben parfois on ne peut pas et il faut
s'adapter. Il faut s'adapter aux patients qu'on a en face de nous. Ils n'ont
pas tous les mêmes besoins et souvent on va plus accès sur la
douleur. Un autre jour ça va être autre chose et puis on va moins
parler de certaines choses. Ce n'est pas grave, par contre on n'a quand
même un temps donné, on ne peut pas passer 6h ...voilà. On
essaie de répondre au besoin du groupe, du patient qu'on a en face de
nous, de s'adapter. Et ben...c'est tout n'est pas dit...tout n'est pas dit. Au
moins ce qui est important ce jour là pour les patients est dit.
|
16'32
|
Malika
|
Comment procédez-vous pour finir l'atelier ?
|
16'34
|
Marie
|
Euh...on finit par un quiz...donc, c'est des p'tites questions
vrai ou faux... en fin bref...vite...voilà. Et ensuite un quiz, un
questionnaire de satisfaction...la séance...l'ambiance...voilà.
Aussi s'ils ont des remarques.
|
16'49
|
Malika
|
Les patients vous proposent des améliorations ?
|
16'51
|
Marie
|
Oui...oui...oui, les patients proposent des idées,
notamment...d'autres sujets...ou parfois des idées. Pour l'atelier
diététique on a souvent. Oh...ça serait bien qu'on mange
ensemble, qu'on fasse un repas ensemble, notamment... dans ce genre
voilà. Ensuite on fait une pose...euh...pose café...pose toilette
pour ce qui ont besoin. Ça permet aussi...euh...là c'est des
patients qui ont des rhumatismes inflammatoires et la position statique aurait
prolongé leur déficit...ça permet aux gens de...de bouger
un p'tit peu voilà. Donc on prend un p'tit café, on se pose
quoi...
|
17'22
|
Malika
|
L'après-midi se passe comment ?
|
17'24
|
Marie
|
En fait c'est là que le pharmacien arrive. Donc,
l'après-midi le pharmacien arrive avec une grande valise pleine de
médicaments. On met tous les médicaments au milieu et on leur
demande de choisir pareil deux des médicaments. Alors un des
thèmes important de cette deuxième partie c'est de faire la
différence entre le traitement de fond et le traitement de
symptomatique. On leur demande déjà s'ils savent prendre un
traitement de fond. Ce qu'ils considèrent par traitement de fond et un
traitement symptomatique et puis on parle là-dessus. On fait pareil...on
fait un tour de table, donc il y a des traitements qui sont commun.
|
17'57
|
Malika
|
Quel est votre rôle en ce moment ?
|
17'59
|
Marie
|
Ben...là quand je suis avec le pharmacien, c'est plus
son rôle d'intervenir, moi je note le script, les
connaissances...euh...bien sûr des fois j'interviens mais...et...à
force de connaître le sujet, quand je vois qu'il y a quelque chose qui
ressort pas ou qui est oublié...up... je... j'interviens.
|
18'15
|
Malika
|
Vous éduquez aux traitements?
|
137
18'17
|
Marie
|
Tout à fait c'est mon rôle aussi d'éduquer
aux traitements, mais par exemple tout ce qui est injection notamment des
traitements c'est moi qui...plus...enfin... le pharmacien apporte sa partie,
moi j'apporte ma partie plus pratico pratique...euh...il y a certains
médicaments...euh...et puis voilà c'est aussi le rôle qu'on
s'est donné. En fait on est complémentaire. Par exemple moi je
dis à un patient : Quand vous prenez le traitement et euh...est ce que
vous connaissez les effets secondaires, qu'est-ce que vous faites. Pourquoi
vous regardez votre prise de sang, est ce que vous regardez... là je dis
ça comme ça. Ça paraît euh...des questions...mais en
fait les patients ils parlent seuls. On s'adapte aussi au type de patient. Il y
en a qui ne parle pas forcément beaucoup. Ils sont là, ils
écoutent, il faut s'adapter à ça. On n'est pas non plus
...euh...on n'est pas là pour forcer les gens...euh...voilà,
c'est une participation volontaire. Là on est dans l'éducation,
je n'impose pas le soin, ni la méthode.
|
19'15
|
Malika
|
Ils maîtrisent tous la gestion de leur traitement ?
|
19'18
|
Marie
|
Pas du tout. La majorité des patients ne maîtrise
pas leurs traitements. Heureusement qu'il y a ces ateliers. Il y a des gens qui
apprennent des choses...énormément...Et donc après, on
finit par un quiz aussi et un questionnaire de satisfaction. Et
généralement sont tous ravis parce que c'est aussi un temps pour
eux, ils parlent de leurs difficultés, ils parlent beaucoup des aidons,
parfois les conjoints, les familles... voilà. Il y en a qui pleure. Ce
n'est pas très souvent mais ça arrive. Il y a des moments
où on se lâche.
|
19'44
|
Malika
|
Les familles assistent aux ateliers ?
|
19'46
|
Marie
|
Oui. Il y a des accompagnons des patients. Ces derniers temps
ça arrive de plus en plus d'ailleurs. C'est souvent les maris ou les
femmes. Euh...et c'est intéressant. Notamment je pense à un
atelier qu'on a fait il n'y a pas très longtemps ou il y avait un
monsieur qui avait accompagné sa femme qui a une polyarthrite et une
dame qui a accompagné son mari. Donc c'était vraiment super
intéressant, ils intervenaient beaucoup. Voilà...et...l'atelier
se termine en leur proposant de participer à d'autres ateliers avec la
diététicienne et avec le kiné et l'ergo.
|
20'15
|
Malika
|
Tous les patients acceptent de revenir ?
|
20'17
|
Marie
|
Il y en a qui ont déjà un suivi
diététique donc qui ne souhaitent pas participer. Enfin,
dès qu'ils font le premier atelier ils adhèrent. C'est
très rare que quelqu'un fasse un atelier et qui ne fasse pas le
deuxième. C'est un vrai moment de partage, d'échange, sans
jugement...sans...voilà. Ils rencontrent d'autres patients qui ont les
mêmes problèmes. Mais, tout ça sans aide. Moi, une dame m'a
dit je n'ai pas envie de pleurer sur mon sort entre guillemets. Et on n'est pas
là pour ça pas du tout. Le but n'est pas du tout...ah...c'est
dur...ben...oui c'est dur. On essaie d'être à leur place pour les
comprendre. Et les patients se rendent compte rapidement que ce n'est pas
ça du tout. On ne fait pas du tout de choix dans nos patients.
|
20'59
|
Malika
|
Comment vous vous voyez dans ce rôle ?
|
21'01
|
Marie
|
Je me considère plus comment dire dans...dans l'aide, dans
l'accompagnement que dans le soin. C'est plutôt un accompagnement
là. On soutient, on
propose, on a un rôle d'écoute. Je dirai qu'on
passe énormément de temps à
écouter...écouter... reformuler. Et souvent on se rend compte que
les solutions viennent des patients eux-mêmes.
|
21'21
|
Malika
|
Comment vous vous définissez pendant le moment
éducatif ?
|
21'24
|
Marie
|
A partir du moment où les patients participent aux
ateliers...même au diagnostic éducatif...moi...je change de
casquette...je passe vraiment plutôt à un autre style, au
rôle d'éducateur ...euh... d'éducatrice voilà.
|
21'36
|
Malika
|
Comment vous différenciez l'éducation au soin de
l'éducation thérapeutique ?
|
21'39
|
Marie
|
Quand on fait les éducations pour les auto injections,
on reste plus dans le soin...Déjà on n'a pas de technique. Quand
on fait l'éducation à l'auto injection. Je vais parler
du...de...la technique d'injection, du matériel voilà. Et quand
on fait une éducation dans l'atelier on se regarde dans les yeux.
Ben...dans le soin...je suis plus concentré sur l'acte. c'est hyper
prônant même au niveau fatigue et tout. Moi quand je fais un
atelier je sens bien que c'est...vraiment...on est à cent pour cent
quoi. Et quand on fait une éducation thérapeutique dans l'atelier
c'est des séances qui demandent des techniques, des
préparations...En ETP, l'approche du patient n'est pas la même, on
se regarde dans les yeux. Ben...dans le soin...je suis plus concentré
sur l'acte. Quand je fais le diagnostic éducatif c'est un choix, on a un
support informatique. Le choix ce n'est pas de prendre l'ordinateur et de taper
en même temps. Non...je me mets face à la personne,
j'écoute, je reformule...si j'ai besoin je prends des notes... En soin,
je fais par exemple la prise de sang, je ne discute
|
138
|
|
pas avec le patient sur sa vie, je le réassure, je fais
mon soin, il y a d'autres tâches qui m'attendent...
|
22'26
|
Malika
|
Dans quelle posture vous êtes au moment de l'ETP ?
|
22'29
|
Marie
|
Au niveau de l'écoute, au niveau de
...voilà...on est vraiment dans une posture ouverte au moment de
l'éduc. On est...c'est différent...beaucoup d'attention, il faut
vraiment être-là quoi. Il ne faut pas passer à
côté de quelque chose. Du fait d'avoir le diagnostic
éducatif, d'avoir rencontré le patient à deux. Souvent les
gens se confient, on se retrouve avec des histoires de famille jusqu'au grand
père parfois. Et c'est hyper intense...
|
22'54
|
Malika
|
Quelle distinction faites-vous entre l'information, la persuasion
et l'éducation ?
|
22'56
|
Marie
|
On se rend compte que les gens...en fin...on parle de la
pathologie et ça ouvre des portes énormes. Donc on a
aussi...ben...le débat reste ouvert. C'est la base pour qu'on parle de
tout ça. Il ne faut pas oublier qu'on est quand même là
pour ça. Parfois au moment des ateliers. On est obligé de
recentrer un p'tit peu voilà. Il ne faut pas non plus trop
s'écarter du sujet. On n'est pas là...non plus...pour faire une
thérapie de groupe...et ce n'est pas juste des infos qu'on donne. Alors
que l'information, c'est sur la maladie, ou des réponses à des
questions précises, par rapport aux traitements, prises en
charges...voilà. Je dirai que l'éduc commence par l'information
d'abord à mon. Par contre la persuasion, pour moi ce n'est plus
d'actualité, je ne pense pas que ça marche pour la maladie
chronique, c'est dure pour le patient d'obéir à la lettre en plus
il a le droit de refuser le soin... Je peux lui proposer le soin ou
l'éduc mais s'il n'est pas convaincu ça ne sert à rien de
le forcer. Il vaut mieux de lui expliquer, discuter, connaître ses
appréhensions pour trouver la bonne méthode et ça
ça peut se faire avec l'éducation.
|
23'27
|
Malika
|
Comment percevez-vous la relation soignant/soigné par
rapport aux deux activités ?
|
23'30
|
Marie
|
Et ben...déjà au niveau du dialogue, au niveau
du temps ça change. Un patient qui vient faire une injection notamment
ici en traitement IV. C'est sûr. Comment ça va. Je prends la
température, je prends la tension. Au niveau douleur, est ce que
ça va...machin. Enfin ça reste très...euh...pratico
pratique quoi...Je dirais je veux savoir s'il a eu une infection ou pas. Pour
pouvoir lui faire son traitement, s'il a eu des problèmes...par exemple
il ne va pas me confier ...ben...tiens, l'autre jour je suis allé
à Auchan, j'ai pas pu...et puis on voit que je suis une personne
handicapée, on me dit...euh...et ben dit donc...vous marchez bien. On ne
va pas loin. On ne va pas jusqu'au là. On n'a pas le temps. Le lieu
n'est pas propice. Il y a d'autres patients qui
attendent...voilà...c'est complètement différent.
|
24'15
|
Malika
|
Qu'est ce qui est différent ?
|
24'17
|
Marie
|
C'est là la différence...euh...en
hospitalisation je n'vais pas dire qu'ils subissent. Ce n'est pas le bon terme
je pense. Ils ne sont pas du tout acteurs. C'est moi qui perfuse, c'est moi qui
leur prend la tension, je leur pose des questions...c'est vraiment...on essaie
que ce ne soit pas un interrogatoire...voilà...ils nous donnent des
renseignements que nous transmettons aux médecins et tout ça.
Mais la participation on va dire c'est de notre côté.
|
24'44
|
Malika
|
Et pendant l'atelier?
|
24'45
|
Marie
|
Et pendant l'atelier on va dire même un diagnostic
éducatif c'est un échange. Ce n'est pas la même chose. Le
patient est acteur. Nous on a le second rôle. Moi je trouve qu'on a un
rôle d'accompagnement, de guide un p'tit peu. Même je dis souvent
c'est passer un cours...voilà. En essaie de guider pour qu'ils trouvent
des solutions...des solutions eux-mêmes.
|
25'03
|
Malika
|
Avez-vous suivi une formation d'ETP ?
|
25'05
|
Marie
|
Oui, de 40 heures, proposée par l'Hôpital.
|
25'07
|
Malika
|
Recommanderiez-vous cette formation à vos pairs ?
|
25'10
|
Marie
|
Oui, il y a quand même des clés qui nous sont
données, qui sont vraiment important. Des compétences comme la
posture...la posture éducative n'est pas du tout la même que
...par exemple ben...déjà l'écoute, la reformulation, la
valorisation. Savoir que des fois ce n'est pas évident dans notre
profession. On va dire...infirmière classique...ben...des fois il y a
des temps de pose, des temps de silence à respecter aussi
voilà...c'est nous quand même on fait de la chimiothérapie,
on fait déjà l'accueil, il y a des clés qui sont
déjà là. Mais quand on fait la formation, on fait beaucoup
de jeux de rôle et c'est hyper intéressant moi je trouve.
|
25'48
|
Malika
|
Comment percevez-vous votre activité avant et après
la formation d'ETP ?
|
139
25'51
|
Marie
|
Quand on fait la formation, on se rend vite compte qu'il y a
quand même...que tout le monde ne peut pas faire de l'éducation et
j'ai insisté là-dessus. J'ai présenté il n'y a pas
longtemps...j'ai présenté un peu ce que je fais à l'IFSI.
Et à la fin j'ai posé comme question : est-ce vous...vous voyez
comme éducateur. Est-ce que s'est donné à tout le monde.
Je ne suis pas convaincu, et d'ailleurs quand j'ai posé la question
c'était des 2ème années...et
voilà...j'ai dit : est-ce que ça vous intéresse, est ce
que vous vous voyez faire ce genre de chose. Et plus d'un quart qui a
répondu...ben...pas du tout. Et je...euh...ça ne m'étonne
pas. Il faut quand même un côté relationnel, une
approche...je pense que ceux qui travaillent en psychiatrie ont
déjà ça encore plus naturellement.
|
26'36
|
Malika
|
Pour vous le soignant peut-il choisir de faire ou pas l'ETP ?
|
26'39
|
Marie
|
Ben...on est tous différent moi je pense. J'ai
travaillé dans d'autres services avec plusieurs collègues, on a
tous comme même des capacités différentes...des...je ne
dirai pas de don...mais si...un p'tit peu quand même. On a des choses sur
lesquelles on accède plus que d'autres. Par exemple, il y a des patients
qui ont une capacité d'écoute plus que d'autres. Donc, certains
soignants peuvent être en difficultés par rapport à
ça...et...ça...ça veut pour les médecins, ça
veut pour...en tant que personne...euh...c'est personnel...après c'est
mal se connaître...je serai étonné que des personnes
s'orientent à faire la formation si déjà d'emblée
n'ont pas ces capacités d'écoute.
|
27'16
|
Malika
|
Pour vous. La pratique d'ETP relève d'un choix ?
|
27'18
|
Marie
|
On choisi ce métier au début. Les études
puis on plonge dedans les premières années. Après on prend
du recule. Je serai étonné si on s'oriente à faire de
l'éducation et on s'aperçoit qu'on n'a pas cette capacité
d'écoute...euh...mais après c'est personnel la vision des choses.
Je ne sais pas si j'ai raison d'ailleurs. Après, moi ce que j'ai pu
observé c'est...c'est une impression. Moi je vois bien qu'il y a des
collègues qui ne seraient pas à l'aise de faire
l'éducation thérapeutique. Et je trouve que c'est dommage de les
mettre en difficultés et de ne pas apporter au patient l'écoute.
Donc...ben...quand on fait le soin, parfois on est dans l'action...c'est
vrai...euh...on est vraiment dans l'action. Et je trouve quand on est dans
l'éducation...et ben...des fois ce n'est pas facile en fait. C'est un
peu exagérer mais c'est vraiment laisser parler le patient...voila...se
mettre un peu en arrière quoi...prendre le second rôle...vraiment.
Le rôle soignant c'est autre chose, on travail avec les collègues,
on prend pas les decisions seul, vis-à-vis du patient on est dans une
position de soigneur, d'acteur voila.
|
28'03
|
Malika
|
Et quand avez-vous perçu ce second rôle ?
|
28'05
|
Marie
|
C'est vrai que le fait de faire la formation, je pratiquais
déjà...euh...j'ai observé...mais on voit bien que ce n'est
pas du tout la même chose. On voit bien qu'on n'est pas du tout dans la
même posture. On voit bien que c'est complètement différent
de faire de l'éducation au soin et l'éducation
thérapeutique. Ce n'est pas du tout pareil.
|
28'23
|
Malika
|
Qu'est ce qui est différent pour vous ?
|
28'25
|
Marie
|
On fait parfois je discute avec d'autres collègues qui
font de l'ETP, je vois bien qu'ils ne sont pas au second rôle...enfin je
ne peux pas leur dire...ce n'est pas mon rôle à
moi...mais...euh...il y a des gens qui font tout en 4 h. ce qu'on fait nous en
3 matinées...eux en 4 h. faire de l'éducation avec 10 patients en
4 h moi j'ai du mal. Je n'arrive pas. Déjà nous...par exemple on
est obligé de couper de ceci et que des fois on pourrait y passer la
journée quoi. Donc...euh...
|
28'55
|
Malika
|
Par rapport à quoi cette différence ?
|
28'57
|
Marie
|
Il y a une notion de temps qui est importante quand on fait de
l'éducation...en fait quand on est dans le soin... on est toujours
pressé. Des temps de passage des traitements, des temps de faire ceci
cela. On n'a pas...il faut finir à telle heure et on commence à
telle heure. Alors...dans l'éducation, cette notion du temps n'est pas
gérée pareil.... Il faut prendre du temps, ...il faut laisser le
temps aux patients, le temps de parler, ...on n'est pas pressé, il n'y a
pas d'autres taches, on fait que ça sur la journée...sinon ce
n'est pas de l'éducation... En soins, le temps est partagé entre
les patients et les autres taches, déjà, il faut consacrer du
temps à chaque patient, il y en a qui te prennent une demi-heure,
d'autres un quart d'heure, d'autre voir une heure et si ce n'est pas
prévu, ça déborde et on sera obligé de rester plus
dans le service, ce qui peut engendrer le stress et tout ça...
|
29'32
|
Malika
|
Comment définissez-vous le moment de l'ETP ?
|
140
29'34
|
Marie
|
Les trois quarts du temps c'est les patients qui...qui
interviennent et c'est ça l'éducation. On intervient
après...pour rajouter des choses importantes voilà. En fait c'est
les patients qui parlent à leur niveau bien sûr...euh...ils en
ressortent des problèmes, ils en ressortent des solutions. Et c'est
là...aussi que l'effet groupe est important. C'est à dire c'est
souvent quand un patient est en train d'exposer un problème et un autre
intervient... : Et ben...tient vous devriez faire si...vous devriez faire
ça. Bien sûr nous on l'avait vu...on l'avait pensé
évidement. Mais ce n'est même pas venu de nous quoi. C'est aussi
important que ça vienne d'un autre patient. C'est vraiment un moment
d'échange au sommet...quoi...
|
30'08
|
Malika
|
Et avant c'était comment pour vous ?
|
30'10
|
Marie
|
Euh...ben...je pensais comme certains soignants qui pensent
faire de l'éducation thérapeutique. Et... en faite ils font de
l'information...ils font tout...euh...très bien...euh...je n'ai pas
aucun jugement là-dessus. Mais je me demande toujours si le temps de
parole accordé au patient est suffisant.
|
30'27
|
Malika
|
Comment vous gériez votre activité avant ?
|
30'29
|
Marie
|
Ah...oui oui. Je donnais des documents et écrire au
tableau et dire il faut faire si...faire ça. Je réalise que ce
n'est pas ça de l'éducation. De toute façon quand on a
fait la formation ce n'est pas ça qu'il faut faire.
|
30'42
|
Malika
|
Et qu'est ce qu'on vous a appris à la formation ?
|
30'44
|
Marie
|
Ben...déjà l'écoute. Et entre guillemets
l'état des lieux, c'est-à-dire déjà avant de mettre
le moindre truc, il faut faire un état des lieux. Qu'est ce qu'on va
faire avec ce patient, où sont les besoins. C'est pour ça qu'on
fait le diagnostic éducatif. Situer les besoins, les objectifs. C'est
des patients différents qui ont des objectifs différents. C'est
déjà à partir de là, si déjà on ne
sait pas de quoi le patient a besoin, on ne peut pas apporter des choses. Si on
prend un groupe de 10 et on dit ben voilà on va parler nanana et ben on
sort tout ce qu'on veut dire. Il y a des gens qui savent déjà, ou
bien, ils ne savent même pas ce qu'on veut dire. Il faut qu'ils y
trouvent un intérêt pour qu'ils adhèrent.
|
31'24
|
Malika
|
Et après l'atelier vous faites quoi ?
|
31'26
|
Marie
|
Après l'atelier ETP, je...je viens ici, je
dépose mon matériel, je classe mes documents et après je
retourne me changer. Et c'est vrai que...à ce moment-là...c'est
vrai...c'est complètement différent.
|
31'37
|
Malika
|
Qu'est ce qui est différent ?
|
31'39
|
Marie
|
Par ce que là...euh...allez up...j'enfile ma blouse et
je change de casquette. Malgré que le jeudi après-midi je reste
encore dans l'éducation thérapeutique...je vais faire de
l'éducation des auto injections.
|
31'52
|
Malika
|
Vous restez dans la continuité ?
|
31'54
|
Marie
|
Oui oui je reste quand même dans la continuité.
C'est sur la journée de l'éducation thérapeutique.
Après je téléphone...je fait du recrutement...les
dossiers...les rendez vous ...tout ça.
|
32'06
|
Malika
|
Vous n'avez pas de secrétaire ?
|
32'08
|
Marie
|
Non non on n'a pas de secrétaire, on fait nous
même la partie administrative. Ce n'est pas la partie la plus
désirée, ça nous prend beaucoup de temps, mais
voilà il faut passer par là. Ce n'est pas non
plus...mais...passer des coups de fil, faire de l'administratif... Voilà
il faut le faire tout simplement ça...ça permet aussi une vue
globale de la chose.
|
32'25
|
Malika
|
Et le suivi c'est comment ?
|
32'27
|
Marie
|
Alors justement. Déjà il y a le questionnaire de
satisfaction. Et euh...en fait cette année ce qu'on veut initier...on
s'est inspirer en fait de... j'ai rencontré...j'ai fait un
échange avec une patiente ressource qui fait des ateliers sur Paris.
Cette dame charmante en journée d'échange...moi j'adore les
journées d'échanges avec les autres hôpitaux parce qu'en
fait...je...je vais à la pèche aux idées...aux. Moi
ça m'apporte à chaque fois et notamment...elle utilise en fait
une fiche...elle rappelle les patients à distance. Elle pose quelques
questions et voilà...elle fait de l'évaluation. Donc elle m'a
gentiment donné sa fiche et je vais la retravailler puis la mettre en
pratique.
|
32'59
|
Malika
|
Elle fait son propre suivi ?
|
33'00
|
Marie
|
En fait pour le suivi...euh...normalement on devrait refaire un
diagnostic. Au niveau timing c'est un peu difficile. Ça prend du
temps...euh...moi je passerai
|
141
|
|
trois quarts d'heure sur...mine de rien...et j'essaie de ne
pas dépasser une heure avec chaque patient. Et après on a les
retranscriptions. Je ne veux pas utiliser l'informatique devant les patients.
Donc ça prend 1/4 d'heure 20mn. C'est vrai que...faire revenir les gens
pour discuter ce n'est pas évident. Les gens ne sont pas
forcément disponibles c'est vrai. Il y a des gens qui viennent de loin.
Donc j'ai trouvé que c'est assez pratique le suivi au
téléphone pour tout le monde en fait.
|
33'42
|
Malika
|
Avez-vous un modèle de diagnostic éducatif ?
|
33'44
|
Marie
|
Une base de diagnostic pour tous les programmes ETP sur
l'hôpital et le reste chaque service à fait son programme
d'éducation.
|
33'49
|
Malika
|
Comment abordez-vous les patients en dehors de l'éducation
?
|
33'51
|
Marie
|
En fait en dehors de l'éduc, la relation
diffère, le patient reçoit les soins, on n'a pas vraiment
d'échange. Je n'ai pas le temps pour les patients, oui surtout quand je
suis en chimio et quand on vient me poser une question. Je me rappelle un
mercredi je faisais des dépistages et tout...et un patient m'a
interpellé. C'est vrai qu'on n'a pas la même casquette à ce
moment là. Et le changement tout de suite machin...ce n'est pas toujours
évident...c'est difficile, il faut bien être au claire.
|
34'08
|
Malika
|
Par rapport à qui?
|
34'09
|
Marie
|
Et ben par rapport à moi déjà puis aux
patients.
|
34'11
|
Malika
|
Vous dites quoi à ce moment ?
|
34'13
|
Marie
|
Je dis au patient, ce n'est pas le moment de répondre et
qu'ils m'appellent le jeudi je suis là pour ça et c'est plus
facile pour moi.
|
34'18
|
Malika
|
Dès que les patients vous voient ils s'adressent à
vous ?
|
34'20
|
Marie
|
A oui oui bien sûr dès qu'ils me voient en dehors
de l'éduc, ils ne se disent pas là...elle est en soin. Et ils ne
savent pas forcément...euh...quand ils me croisent dans le couloir, ils
ne savent pas forcément que je suis en train de passer une chimio juste
à côté. Si je ne suis pas disponible. Je leur dis
voilà. Donc...euh...il y a des fois où il faut se rendre
disponible aussi c'est selon la demande. Si c'est quelque chose quand
même on ne va pas laisser les gens. Je renvois vers mes
collègues...vers le médecin.
|
34'47
|
Malika
|
Vous êtes la seule référente dans le service
?
|
34'50
|
Marie
|
Oui parmi les 7 infirmières à l'HDJ, je suis la
référente principale et maintenant j'ai une
collègue...elle a commencé quand...oui...depuis décembre
on va dire qu'elle m'a rejoint.
|
35'00
|
Malika
|
Vous avez géré toute seule les années
d'avant ?
|
35'02
|
Marie
|
Oui oui avant, j'ai géré toute seule. C'est
aussi c'est pour ça qu'on a choisi d'être à deux à
cause des vacances. L'année dernière...ah...oui...j'ai dû
me faire opéré...voilà...un truc pas grave et tout...mais
ben...en fait quand j'étais en arrêt...voila...euh...c'est un peu
le feu artistique quoi. C'est rare mais ça arrive.
|
35'19
|
Malika
|
Comment vous vous organisez si tous les soignants de votre
service sont formés à l'éducation ?
|
35'24
|
Marie
|
Je suis lucide que ce n'est pas possible. C'est surtout un
budget...euh...au jour d'aujourd'hui...euh...on est à l'hôpital
quand même. Je suis quand même assez lucide que ce n'est pas
possible. Il y en a aussi ceux qui ne vont pas aimer. Après il y a des
collègues qui n'aiment pas faire ça. Puis on ne peut pas
être trop à faire ça déjà. Si on était
5 ou 6 à faire ça...ce n'est pas possible on perd le fil. Pas au
niveau des patients parce que la posture une fois qu'on l'a on l'a. Mais au
niveau de la gestion administrative ... paperasse...voilà.
|
35'55
|
Malika
|
C'est le changement d'activité qui fait peur ?
|
35'57
|
Marie
|
Oui il faut remettre à jour son...ses connaissances
aussi...et...c'est que les jeudis. Quand même ce n'est pas rien il faut
suivre quand même.
|
36'07
|
Malika
|
Un temps de 20% d'ETP est-il suffisant pour la gestion de l'ETP
?
|
36'10
|
Marie
|
Ça dépend des périodes il y a des moments
où il faudrait plus d'une journée d'ETP par semaine. C'est un peu
juste et puis il y a d'autre moment...voilà.
|
36'15
|
Malika
|
Pourriez-vous me parler de votre activité de soignante
?
|
36'17
|
Marie
|
A l'hôpital du jour...euh... la matinée
cancérologie...en fait...il y a des gens qui viennent pour la
chimio...les gens qui ont des scléroses en plaques pour un traitement en
IV, des gens qui souffrent de polyarthrites, des maladies de crohn, et certains
examens qui doivent se faire dans la journée...voilà. Ensuite
on
|
142
|
|
fait la chimiothérapie des cancers gastro, ORL,
hématologie qui viennent faire leur chimio...en fin le suivi de tout
ça. on fait le suivi de tout ça. On prend les constantes, donne
les traitements sous perfusion, on surveille si complication, on appelle le
médecin, on répond au téléphone, on gère le
dossier du patient, on fait les transmissions écrites...
|
36'41
|
Malika
|
Si on vous propose d'être à 100% en éducation
?
|
36'43
|
Marie
|
Là...je ne sais pas si je voudrai faire que de l'ETP.
Parce que j'aime aussi ce que je fais en...en cancérologie. En fait se
sont deux activités différentes que j'aime ...euh...mais si je
devais faire un choix entre les deux. Je serais bien embêtée.
|
36'58
|
Malika
|
C'est comment par rapport à votre identité ?
|
37'00
|
Marie
|
Une identité de soignante ...avant tout...avant tout
oui, de base oui, c'est sur. Bien sûr. Après j'ai
développé des qualités d'éducatrice qui
étaient déjà présentes le fait d'être
soignante. Ça c'est sûr. Et il y a une partie dans ma pratique qui
s'est améliorée...euh...l'écoute, l'organisation...C'est
vrai que c'est deux choses différentes. J'aime les deux.
L'éducation...c'est peu être un complément.
|
37'23
|
Malika
|
Au niveau identitaire que représente les deux
activités pour vous ?
|
37'26
|
Marie
|
L'éducation pour moi c'est valorisant en tant que
soignante. Parce que soignante on va dire dans un service classique euh...on
n'a pas toujours le retour. Quand on fait de l'éducation moi je trouve
qu'on a beaucoup de retour. De part la part administrative, on demande aux
patients s'ils sont contents. Si je fais une chimio à un patient, au
moment ou il part... je lui demande pas...alors ça vous a plu cette
journée avec moi, est ce que vous êtes satisfait,...je ne parle
pas de l'ambiance, est ce que ça vous a plu machin. Je vois bien que la
journée c'est bien passée. Moi je suis contente parce que le
patient n'a pas souffert, je me suis bien organisé, il ne part pas tard,
c'est très bien. C'est valorisant...c'est hyper valorisant...on n'a pas
forcément le même retour c'est dommage...moi je trouve.
|
38'04
|
Malika
|
Le patient perçoit-il le changement dans votre rôle
?
|
38'07
|
Marie
|
En fait, le patient voit en moi l'éducatrice, pas la
soignante, et du coup je le sens plus proche. Parce qu'il y a le lien qui s'est
crée de part sa participation aux ateliers. De part le diagnostic
éducatif aussi. C'est intense. Donc il y a une complicité, le
patient se sent plus proche de moi et c'est réceptive du fait...ben...il
m'a vu dans cette posture d'écoute...de...voilà. C'est peu
être à tord par rapport à d'autres collègues parce
que c'est dommage. C'est vrai je le sens des fois, ils viennent me solliciter
plus par rapport à mes collègues. Mais je comprends aussi. C'est
aussi mon rôle...je suis bien référente en éducation
thérapeutique. Ça les concerne et ça fait partie de mon
rôle. Ils le savent aussi et quand je me présente je me
présente comme ça.
|
38'43
|
Malika
|
Je reviens à votre identité actuelle ?
|
38'45
|
Marie
|
J'ai...j'ai acquis des choses de part cette formation
d'éducatrice, de part aussi de mettre en pratique. C'est bien jolie
qu'on a cette formation c'est chouette. Mais il faut pouvoir mettre tout
ça en pratique...voila. Moi j'ai de la chance de pouvoir mettre tout
ça en pratique. C'est souvent...c'est sûr que ça modifie
certains domaines dans ma pratique. Je dirais de l'influence...ça
questionne quand même mon identité. Quand on fait cette formation
et quand on la met en pratique on développe vraiment cette
capacité d'écoute.
|
39'13
|
Malika
|
Il y a eu un changement dans vos pratiques ?
|
39'16
|
Marie
|
Un p'tit peu oui... forcément, il y a eu un changement
dans ma pratique en tant qu'infirmière. Après...euh...il y a
quelque chose que je mets en pratique tout le temps même dans ma vie
personnelle.
|
39'25
|
Malika
|
Ce changement par rapport à quoi vis à vis du
patient ?
|
39'28
|
Marie
|
J'essaie de le rendre plus actif. Il participe plus. Il
communique plus. Il parle de sa maladie. Moi je mets plus d'écoute. En
fait c'est un peu compliqué parce que moi tout s'est fait en même
temps. Je suis arrivé en cancérologie après j'ai
commencé l'éducation. Tout s'est un peu imbriquer mais ce qu'on
fait à l'hôpital de jour c'est des maladies chroniques. Avant de
faire des chimio on prévient des effets secondaires. On donne des
conseils à suivre...En fait c'est une forme d'éducation...c'est
une éducation au soin. On évalue, on éduque à la
cure. C'est ce qu'on fait maintenant en faite c'est les mêmes
pratiques...en gros.
|
39'58
|
Malika
|
Et au niveau de l'organisation c'est comment ?
|
143
40'00
|
Marie
|
On est toute seule en ETP. Autonome. Responsable quoi...On se
débrouille comme on peut...Aussi au moment du soin...mettre à
plat les prescriptions ça fait partie aussi de mon travail. Je suis
infirmière...ce n'est pas frustrant...après c'est agréable
d'être autonome aussi et ne pas avoir de pression. Après je suis
contente de faire toute seule mon travail comme à l'ETP mais je connais
mes limites.
|
40'22
|
Malika
|
Qu'est ce qui a changé pour vous ?
|
40'25
|
Marie
|
C'est différent maintenant à l'hôpital de
jour on est assez autonome avec les patients du début à la fin.
Le rôle propre est bien développé moi je trouve. On prend
des initiatives...la réflexion...l'organisation surtout. C'est pareil...
dans ma vie privée je suis devenu plus qu'avant...euh...on passe notre
temps à organiser, à savoir ce qu'on doit faire en premier, en
second...donc c'est surtout ça...ça...ça.
|
40'45
|
Malika
|
Vous voulez dire ça se développe ?
|
40'47
|
Marie
|
A oui oui ça se développe. C'est des
capacités qui se développent... qui évoluent.
|
40'51
|
Malika
|
Comment voyez-vous votre approche actuelle pour le soin, pour le
patient après la pratique d'ETP ?
|
40'55
|
Marie
|
Les éducations pour les auto- injections
forcément sont influencées par ma posture d'éducatrice.
Après je ne peux pas faire que ça. C'est quand même un
planning et forcément...comment dire...je m'inspire...je m'inspire sur
ce que je fais en éducation... c'est de la formation quand même.
On n'est pas au même niveau. Je dirais qu'on s'inspire. On n'a pas la
même posture quand même.
|
41'18
|
Malika
|
Pouvez-vous me retracer un peu votre organisation à l'HDJ
?
|
41'21
|
Marie
|
Depuis qu'on pratique l'éducation on a changé
d'organisation, maintenant, sur la journée on est
échelonné. On est 5 à 6 infirmières dont une
infirmière en programmation qui gère que la paperasse...euh...les
coups de fil...reprogramme les patients des collègues, prépare
les dossiers pour le lendemain voilà...Ce n'est pas
évident...euh...on est au top de l'organisation ici.
|
41'38
|
Malika
|
Qu'entendez-vous par au top de l'organisation ?
|
41'41
|
Marie
|
Ça tourne...et puis après dans la journée
on arrive à des heures un peu différentes. Il y en a qui arrivent
à....à 9h. Une à 9h et demie. Une à 10h et une
à 10h et demie. Et puis on prend en charge nos patients du début
jusqu'à la fin. On fait toutes les pathologies. Tous les jours il y a
quelqu'un qui reste jusqu'à 19 h.... et...Mais en éducation on
est seul. Là par exemple ce matin je suis arrivé à 9h...il
n'y a pas de relève... je travaille toute seule du début à
la fin.
|
42'03
|
Malika
|
Et avant?
|
42'04
|
Marie
|
Avant...quand ont été à l'étage il
y avait un coté médecine un coté cancéreux. Et on a
toujours fait les deux. Mais il y ceux qui faisaient que coté
médecine voilà...elles sont moins à l'aise avec les prises
en charge hors médecine parce qu'elles ne connaissent pas. On ne
travaille pas en équipe forcément...mais si on travaille quand
même en équipe. On se relaye pour des patients. On est là
les unes pour les autres en cas de besoin. Mais ce n'était pas aussi
organisé.
|
42'31
|
Malika
|
Et c'est comment l'organisation avec votre collègue ?
|
42'34
|
Marie
|
Euh...ben...il y a des moments on se laisse des p'tits mots.
On s'appelle. Moi j'ai un agenda... on essaie de faire un agenda un peu plus
général pour écrire des choses.
|
42'45
|
Malika
|
Que représentent pour vous les mesures éducatives
?
|
42'47
|
Marie
|
Euh...déjà c'est les programmes
d'éducation...euh...aussi la technique qu'on apprend en formation de 40h
comme l'écoute la reformulation, laisser le patient parler,
découverte des compétences, aussi rendre le patient acteur. Avant
le patient il subissait le soin on va dire maintenant, il a son mot à
dire, en fait ce n'est pas la même prise en charge...euh...avant on
l'éduqué aux médicaments, au soin sans plus. On lui ne
demande pas son avis, s'il a des questions on répond, mais sans un vrai
échange...aussi là on fait le diagnostic éducatif, il y
avait pas ça pour les maladies chroniques...c'est tout un parcours
éducatif de l'accueil jusqu'au suivi et stabilisation on va dire.
|
43'22
|
Malika
|
Comment procédez-vous à l'évaluation de
l'activité éducative ?
|
43'25
|
Marie
|
En fait, on n'a pas d'outil d'évaluation de
l'activité je pense...euh...l'évaluation de l'atelier je le fait
avec le questionnaire, mais notre travail, je ne sais pas on n'a jamais
évalué.
|
43'44
|
Malika
|
Vous avez des choses à rajouter ?
|
144
43'46
|
Marie
|
C'est une activité dans laquelle je m'épanouie.
...Je me considère plus ...dans l'aide, dans l'accompagnement que dans
le soin. C'est plutôt un accompagnement là. On soutient, on
propose, on a un rôle d'écoute. Je dirai qu'on passe
énormément de temps à écouter...écouter...
reformuler. Et souvent on se rend compte que les solutions viennent des
patients eux-mêmes. Aussi, le fait de changer un peu de
casquette...euh...parce que le fait d'être soignante notamment je dis
c'est quand même assez puissant. La maladie chronique ce n'est pas
quelque chose de simple n'en plus. Mais voilà c'est quelque chose qui me
plait. Je trouve que c'est assez...assez...formateur. Faire un atelier c'est un
rôle formateur.... C'est un bon moment rien que de voir les patients
partir avec le sourire...je suis ravie. ...c'est un retour. En soin on a les
deux rôles, le prescrit et le propre...euh...en éducation, c'est
le rôle propre, on est autonome. Finalement c'est bien de mettre en
pratique ce qu'on connaît par rapport à l'autre
activité...En fait elles se complètent assez bien. Faire un
atelier c'est vraiment un moment que j'adore quoi. C'est un bon moment rien que
de voir les patients partir avec le sourire...je suis ravie. C'est super
égoïste...oh lala...ce que je dis. Mais c'est un retour. On est
quand même dans une profession ou on donne beaucoup de nous et on n'a pas
toujours...euh...ce retour un p'tit peu...un peu de considération
voilà. On sent quand même...que voilà...une valorisation et
c'est vrai que dans l'éducation thérapeutique on a beaucoup
ça plus qu'en soins. C'est complètement différent la
relation.
|
45'52
|
Malika
|
Merci pour cet entretien et bonne continuation.
|
145
Script de l'entretien avec Infirmière en
unité de Diabétologie
Hôpital de Blois
Entretien réalisé le 08/06/2015
Nous allons faire un entretien d'une quarantaine de minutes,
si vous êtes d'accord, cet entretien concerne votre activité
d'éducatrice. Je vais donc vous poser quelques questions pour orienter
le discours. Notre objectif n'est pas de juger votre façon de
travailler. La majorité des questions sont ouvertes volontairement pour
vous laisser répondre le plus spontanément possible, sans vous
influencer.
0'00
|
Malika
|
C'est quand vous voulez!
|
0'01
|
Laura
|
D'accord...j'ai 36 ans, je suis infirmière. Ça fait
12 ans que je suis déjà en diabéto...et
référente en éducation depuis 2011.
|
0'05
|
Malika
|
Avez-vous travaillé dans d'autres services ?
|
0'07
|
Laura
|
Oui, en médecine interne. En fait, cette unité
relève du service de médecine et on prenait en charge les
patients diabétiques, il n'y avait pas cette unité de
diabète avant. Tous étaient ensemble. Donc, j'ai fait trois ans
en service de médecine ensuite au moment où on s'est dit : on
passe à l'aide médicale, il y a douze ans, j'ai voulu être
dans cette unité de diabétologie.
|
0'22
|
Malika
|
Le travail D'ETP représente-t-il un choix pour vous ?
|
0'24
|
Laura
|
Oui. En fait, on n'avait pas vraiment le choix. Au
départ, on était l'aide médicale. Donc c'est
déjà ça et puis on a changé, on a parlé de
l'éducation thérapeutique dans tout l'hôpital en 2011, et,
on a changé de contenu. Et on a établi des programmes
d'éducation et on a crée l'unité de diabétologie,
avant les patients diabétiques c'était pour la
médecine.
|
0'33
|
Malika
|
La pratique d'ETP relève-elle d'une prescription
médicale dans votre service ?
|
0'35
|
Laura
|
Oui, forcément, c'est le médecin qui voit le
patient d'abord, ensuite il le dirige vers nous pour commencer
l'éducation...euh, mais nous on peut proposer l'éduc, si on voit
que le médecin n'a pas encore eu le patient. En diabéto, le
patient vient pour un séjour. Donc, nous on commence l'éduc
même si le médecin ne l'a pas prescrit, il est au courant bien
sûr.
|
0'48
|
Malika
|
Par quoi est représenté ce changement de l'aide
médicale à l'éducation thérapeutique ?
|
0'51
|
Laura
|
En fait, avant on faisait le questionnaire. Je sais faire. Je
ne sais pas faire. Donc après, on a changé un peu la
méthode. Tout ça...ça a évalué. Au fil des
années, on s'est plus adapté aux besoins du patient... on a
changé un peu de méthode tout ça...ça..., on s'est
plus adapté aux besoins du patient qu'on lui impose à faire.
Avant, c'est vraiment : faites 3 glycémies..., faites 6 glycémies
par jour...Maintenant, on a dit : qu'est-ce que vous êtes en mesure de
faire... On a changé de formulation des questions. Ce n'est pas des
questions fermées : oui, non, machin... Ce sont plutôt des
questions ouvertes. Enfin, mais ça...on l'a travaillé avec la
formation en éducation qui a pris plus de place à l'hôpital
et dans...dans partout, je n'pense pas qu'à l'hôpital.
|
1'26
|
Malika
|
Comment définissez-vous l'information de
l'éducation et de la persuasion ?
|
1'29
|
Laura
|
C'est vrai qu'il a un apport d'information dans le but ensuite
de pouvoir réfléchir à quelque chose et pouvoir prendre
conscience de ce qu'on fait...euh...pourquoi on le fait et qu'est ce qu'on peut
en tirer. Parce que pouvoir faire des glycémies ce n'est pas facile...et
si on ne fait rien derrière...ça ne sert pas à
grand-chose. Le conseil, on peut le faire sans éducation, à moins
qu'il réponde à un besoin éducatif, oui,
donner...donner...ce n'est pas faire de l'éducation. Donc
automatiquement l'éducation vient après l'information. C'est
beaucoup de l'apprentissage à réfléchir. Si tu donnes
toutes les informations au DG...oui je veux dire le Diabète
Gestationnel. Et elles font ce qu'elles veulent...après c'est à
elles aussi...l'éducation ça se commence dans un deuxième
temps. Elle ne se fait pas comme ça. Mais la persuasion, je ne pense pas
que ça marche si un patient refuse de s'injecter, quoi qu'on fasse on ne
peut pas le convaincre, il vaut mieux discuter ensemble et trouver une
méthode d'aide qui le conviendra le plus à mon avis.
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2'25
|
Malika
|
Que représente pour vous l'éducation
thérapeutique ?
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2'27
|
Laura
|
Pour moi c'est la seule méthode qui aide le patient
à prendre en charge sa maladie et vivre avec on va dire. En
éducation on passe vraiment par cette phase de conseil. Parce que nous
en tant qu'infirmière déjà, pouvoir éduquer et
pouvoir réfléchir sur ce qu'on fait ou sur ce qu'on va obtenir
comme résultat, il y a
|
146
|
|
quand même des incontournables en éducation
thérapeutique. C'est-à-dire que s'il y a un traitement sous
insuline, il faut bien apprendre à se le faire. Si c'est une
glycémie...de toute façon il faut savoir lire la glycémie
ou en tout cas...devant un lecteur, ils vont comprendre le chiffre.
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2'56
|
Malika
|
Avez-vous suivi une formation pour la pratique ETP ?
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2'59
|
Laura
|
Oui, oui une formation de 40h. c'est programmé par
l'hôpital. En fait dans cette unité de diabéto, on est que
6 infirmières formées en éducation parmi 24
infirmières entre médecine et diabéto. Donc on est les
seules référentes.
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3'08
|
Malika
|
Avez-vous des journées spécifiques à la
pratique ETP ?
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3'10
|
Laura
|
Le groupe c'est le mercredi matin, il y a le psychologue qui
est là. Le jeudi matin, il y a l'atelier diète. On redonne les
bonnes bases. C'est pareil ça dépend du public. C'est des
généralités sur les aliments, sur les associations.
Sachant que ces gens on les voit d'abord individuellement pour personnaliser.
Tout le monde ne mange pas trois fois par jour. Il y des gens qui travaillent
en équipe...voila. Ensuite on les voit en groupe. Ensuite jeudi...il y a
l'atelier pieds. Le médecin note les patients qui ont besoins...enfin
qui semblent. Après il va y avoir une demande pour le psychologue...il y
a le groupe...il y a l'individuel. Aussi là...c'est le psy qui voit en
fonction du passé...un p'tit peu de ce qui est noté dans le
dossier médical. Le kiné est demandé ponctuellement pour
des gens qui ont des problèmes de la
réadaptation...à...à la marche... quelque chose comme
ça. Pour l'activité physique pure, il n'y a pas de kiné.
Parce que malheureusement dans certains jours on n'est pas prioritaire.
Nous...on leur propose les plaquettes...on peut prendre contact pour eux. Libre
à eux après de s'y rendre ou pas voilà. On leur donne des
informations...ils n'ont pas de prise en charge au niveau du transport...donc
ce qui fait que...voilà.
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4'29
|
Malika
|
Comment procédez-vous à la réalisation de
l'ETP ?
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4'31
|
|
Moi je suis là en consultation. On a le temps de
recevoir les patients. On ne fait pas d'autres soins effectivement qui nous
rappellent en timing on va dire. Mais après...ça commence dans
les chambres...le but c'est quand même c'est que ce soit en continu dans
la chambre ou débuter en chambre. C'est vraiment un lien avec le
diabétologue ...avec le psychologue...ça peu etre le kiné.
L'éducation thérapeutique sur l'activité physique par
exemple. Le fait qu'il est dans la chambre, ma collègue ne va pas lui
dire enfin...qu'il est bien au lit en fait...euh...c'est vraiment un travail de
groupe...c'est dans la continuité. On ira les voir dans les chambres, on
parle du diabète, de leur vie de tout les jours, de leur entourage, de
leur famille, s'ils connaissent le diabète ou pas. Ensuite une fois le
patient mieux, on commence le l'entretien éducatif. Danc moi
j'interviens là, je commence le diagnostic, donc mon rôle en
second plan, on ne va pas lui proposer l'éduc le premier jour.
|
5'12
|
Malika
|
Comment gériez-vous avant d'introduire de l'ETP dans le
service ?
|
5'15
|
Laura
|
En fait, avant on n'était pas à
l'éducation thérapeutique. Le médecin voyait le patient en
consulte. Nous, nous, on le voyait une demi-heure avant. On faisait une
glycémie, on lui demande de faire pipi dans un...dans un p'tit pot pour
l'albuminurie, une prise de sang... En fait, tout ce qui est lié
potentiellement avec les complications du diabète. On faisait
l'électrocardiogramme...En fait, c'était un peu speed. C'est le
bazar, on va dire. Dans la consulte, il fallait...ben...on
dépatouillait, la consultation médecin en gros...on va dire
ça. Ensuite, il y a eu une amélioration sur les lecteurs de
glycémie. Avant, on faisait les moyennes tout seul, on faisait les
tests...voilà. Tout ça, on n'avait pas besoin de le faire.
Maintenant c'est la machine, et, même le patient peut le faire, c'est
pour ça que l'on fait recours à l'éducation pour que le
patient devienne autonome et tout ça.
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5'57
|
Malika
|
Comment se passe l'organisation de l'ETP dans le service ?
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5'59
|
Laura
|
En fait, on ne travaille pas en même temps. C'est un
planning. Par exemple moi là je fais l'éducation pendant 2 mois
consécutifs, après c'est le tour d'une autre collègue et
moi je ferai que les soins. En fait en gros je suis éducatrice que deux
mois dans l'année on va dire.
|
6'11
|
Malika
|
Et vous arrivez facilement à basculer entre les deux
activités ?
|
6'13
|
Laura
|
Ben, non au début c'est dur après on s'habitue
forcément.
|
6'15
|
Malika
|
C'est dur par rapport à quoi ?
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6'16
|
Laura
|
Par rapport aux taches. Les soins et l'éducation ce
n'est pas pareil déjà. En soins je commence à 6h30, les
trans, les médoc, les pansements, la tournée avec les
médecins, le stress, la gestion du temps, des fois ça
déborde sur des heures sup voila. Euh...mais en éduc,
déjà j'arrive à 9h et je fini à 17h. je ne suis pas
lié au timing. Si un peu mais pas de stress comme en soin.
|
147
6'35
|
Malika
|
Comment se déroule une activité ETP ?
|
6'37
|
Laura
|
En fait c'est les patients qui parlent la majorité du
temps. C'est le patient qui emmène les informations et nous on
répond sans ce coté pouvoir ou savoir. Logiquement sur
l'éducation, nous, on amorce. Mais c'est quand même lui qui nous
donne les éléments. Après on réajuste en fonction
de ce qu'il nous dit et de ce qu'il a envie. Est ce qu'il n'a pas envie, est ce
qu'il a besoin. On ne va pas lui emmener. Enfin moi, en éduc, on n'a
même pas toutes les informations. Je veux dire que des fois par
barrière de compréhension ou de langue, on ne rentre pas dans les
mêmes détails que certaines personnes. Il y a des patients qui ne
veulent pas savoir comment marche le pancréas par exemple. Il y en a qui
me disent non...D'accord, moi je leur dis pourquoi je suis là...
pourquoi je les prends...et je leur demande de ce qu'ils attendent de moi...de
ce qu'ils connaissent. Je ne veux pas leur donner...D'ailleurs, il y a qui ont
du diabète depuis 40 ans, je ne vais pas leur demander s'ils savent
faire une glycémie. Je me doute a priori qu'ils font des
glycémies. Donc je ne vais pas leur réapprendre s'ils le font
bien. Mais...ça, on se rend compte au fur et à mesure au cours de
l'entretien. Je me dis : tiens s'il procède comme ça, c'est
normal que ça ne donne pas les bons résultats. Mais je ne vais
pas lui expliquer la surveillance glycémie. Il y en a qui ont du
diabète avant que je sois née d'accord. Toutes ces
compétences là je ne les revois pas, je les mets sur le
diagnostic éducatif. Mais je vais travailler d'autres
compétences. Je sais qu'il a un appareil et qu'il sait faire et tout
ça.
|
7'48
|
Malika
|
Comment définissez-vous votre rôle éducatif
?
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7'50
|
Laura
|
...On l'oriente, on répand à ses soucis, on
l'accompagne dans sa maladie, pour qu'il retrouve on va dire sa nouvelle vie.
...pour lui ça ne va être comme avant, forcement. Et toutes ces
infos qu'on donne doivent être adaptées à la personne
diabétique. Les conseils sur les apports en général qu'il
faut... Pour lui c'est nouveau, c'est de l'apprentissage. Et c'est de notre
rôle de lui apprendre à gérer sa maladie. C'est lui
l'acteur. C'est un rôle éducatif. Nous on est au second
rôle. L'activité infirmière c'est différent. C'est
curatif, c'est un rôle prescrit, nous on est acteur, on décortique
les prescriptions en gros...c'est du concret.... Euh... il n'y a pas
d'échange, pas d'apprentissage pour le patient...euh... le rôle
éducatif, c'est une activité ou on a plus d'autonomie sans
pression, ...ça complète l'activité soignante, c'est
valorisant, ça rend pédagogue, il faut aimer...en fait c'est un
tout, ça apporte beaucoup pour notre activité, ça guide
notre façon de voir le patient, on n'est plus dans le jugement s'il ne
s'est pas faire, ça nous rend plus compréhensif...voila.
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8'16
|
Malika
|
Tous les patients atteints de diabète gestationnel
participent au groupe ETP ?
|
8'19
|
Laura
|
En groupe les patients participent d'emblé...euh ...on a
des groupes ou très mal ou très bien ou un peu...du coup on
adapte.
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8'24
|
Malika
|
Quelle est la durée des séances éducatives
?
|
8'25
|
Laura
|
Les séances individuelles c'est lundi, mardi et
vendredi ça dure...euh... de 45mn à 1h. En groupe...on a deux
programmes, le DG et les autres...les ateliers durent à peu près
trois heures et demi. Les DG c'est 2h 30... Euh...il y en a...je ne prends pas
de p'tit déjeuner, il y en a ...que des boissons sucrées. On a
une dame qui mange en continu...en continu...elle va au supermarché,
elle ne pouvait même pas ramener ses courses jusqu'à la maison,
elle fait que manger. En fait... quand on a ce genre de situation...on n'va pas
détaillé... l'acide pas essentiel...voila. On s'adapte. En fait
l'éducation thérapeutique c'est aussi avoir la capacité de
s'adapter...voila.
|
8'57
|
Malika
|
A quel moment vous intervenez pendant l'activité ETP ?
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8'60
|
Laura
|
En individuel, ...je lui apporte les connaissances, je
l'accompagne dans son apprentissage...c'est moi qui gère... moi je
travaille sur pourquoi le diabète est perturbé. Après, il
m'explique qu'il fait son insuline toujours au même endroit et quand il
se souvient de la faire. Là, moi je peux rebondir sur ça et je
travaille là-dessus. Mais spontanément, je ne vais pas prendre le
catalogue dès le début. C'est quand même quelqu'un qui
connaît sa maladie. Qui sait à peu près faire ses
dextros...son insuline...voilà. Il vit ça au quotidien. En
groupe, si avec la diète, elle apporte sa partie, moi je note si besoin,
j'interviens si ça à un lien avec la physiologie...si avec le
médecin, pareil...après moi je rajoute des explications si
besoins...c'est vrai que je n'interviens pas beaucoup, mais chacun son
rôle. On peut apporter des conseils ou des réponses
supplémentaires si a besoin à un moment donné. Parce que
s'il est là c'est qu'il a quelque chose qui cloche. Au niveau de la
prise des trois mois ou en est-il. Il va vous dire que ça a
augmenté. Donc, on essaie de creuser pourquoi...voilà. Ça
peut être lier à je ne sais pas moi. On peut partir sur plein de
pistes. Ça peut être le stress...euh...à ce moment on
essaie de savoir qu'est ce qui se passe...voilà. Des fois, il en a
mare...euh...il en peut plus en ce moment, il a un peu lâcher prise sur
l'alimentation...sur l'activité sportive. On s'aperçoit qu'il n'y
a pas
|
148
|
|
de contrôle. Qu'est ce qui fait qu'il n'y a plus de
contrôle..,voilà. C'est souvent quand même un contexte
général.
|
9'58
|
Malika
|
Pouvez-vous me décrire votre activité pendant une
journée d'ETP ?
|
10'01
|
Malika
|
J'écoute les transmissions pour voir un peu..,je ne
peux pas commencer sans savoir..,souvent on se parle un p'tit peu..,et puis ma
collègue me dit..,il faudra le voir parce qu'il connaît rien..,ni
à la physiopathologie ni au diabète..,ça ça va
être des infos. Ensuite on va apporter un peu les outils pour savoir un
peu ce qui se passe. Ensuite on fera de l'éducation..,voilà.
|
10'22
|
Malika
|
De quels outils s'agit-il ?
|
10'23
|
Laura
|
Sur une découverte je le vois en chambre..,les
représentations qu'il a..,est ce qu'il a un grand père qui a un
diabète. Je dessine sur le tableau. J'explique c'est quoi le rôle
du pancréas..,comment se fait l'absorption du sucre en gros..,tout
ça. Et après seulement on fait de l'éducation parce qu'il
faut d'abord faire le point..,puis après..,forcément..,ce que je
dis c'est un peu speed. Il va retourner dans sa chambre, il va encore avoir des
infos..,c'est une façon de dire mais c'est quand même c'est des
choses qui vont être répétés. La
glycémie..,les mots déjà..,parce que rien que les
mots..,glycémie..,glycémie capillaire..,je ne sais pas
moi..,l'hémoglobine..,et il va entendre des choses comme ça. Il
n'va pas tout retenir d'emblé. Ça va être
répété..,répété. Et puis tout ce
qu'on fait..,on transmet sur le dossier patient.
|
11'05
|
Malika
|
Comment procédez-vous au choix des thèmes en ETP
?
|
11'08
|
Laura
|
Le choix des thèmes en séance individuelle,
ça diffère d'un patient à un autre. Par exemple hier,
j'avais un patient qui est arrivé..,je lui dit..,c'est bon alors la
surveillance glycémie..,mais alors ce patient sans insuline retard rien
du tout..,il mange des repas complètement farfelus, l'activité
physique néant. Enfin rien..,il ne bouge pas..,donc lui
d'emblé..,il va rien faire. Donc..,lui..,on se dit : est ce qu'on peut
en tirer un peu de positif. Qu'est ce que vous seriez près à
faire en négociation un peu voilà. Là où il peut
nous aider. Nous..,on peut faire le traitement. Mais après..,lui
à domicile..,il faut que les choses se poursuivent. Il a dit par
exemple..,moi l'activité physique c'est hors de question voilà.
Donc ce n'est pas la peine de proposer d'emblé..,euh..,lui.., il l'a dit
c'est ça..,donc ce n'est pas ça qu'on va travailler..,s'il n'est
pas près..,il n'est pas près voilà. Quand même on
peut entendre ça. Il y a des gens qui ont des activités..,ce
n'est pas évident même s'il faudrait faire 3 injections
d'insulines. Pour l'instant à défaut de tout lâcher ou de
ne rien faire c'est mieux. Si on l'oblige ça va le faire un mois deux
mois et après on voit que ça décroche. Par contre le
DG..,là c'est vrai que c'est un peu urgent. Je vois que le
DG..,elle..,elle réalise qu'il y a un bébé..,ils sont
deux..,
|
12'08
|
Malika
|
Proposez-vous l'ETP à tous les patients atteints du
diabète ?
|
12'11
|
Laura
|
Sur la chronicité..,on a le temps de travailler l'ETP.
Je veux dire qu'on n'est pas à 15 jours. Ce n'est pas en 15 jours qu'il
va mettre sa vie en péril. Il y en a qui n'font jamais tout seul.
Ça va être une infirmière à domicile. Ce n'est pas
grave c'est à nous de s'adapter en fonction d'eux..,Il y en a qui ont
des troubles..,à nous de s'adapter à..,à ceux qui ont des
troubles cognitifs..,ou une incapacité de faire une injection tout
seul..,ou parce qu'ils ne veulent pas..,ou parce qu'ils ont peur. Moi..,je
vois..,il y a un monsieur qui a été hospitalisé plusieurs
fois. Je lui ai expliqué.., ré expliquer en plus de
l'éducation..,mais rien à faire..,là..,il faut juste mieux
trouver quelque chose pour que le diabète reste
équilibré..,qu'il soit bien traité. C'est
l'horreur..,qu'il dit. Là..,c'est plutôt que l'information..,c'est
ce qu'on peut faire pour lui. Il y a une dame qui dit qu'elle a peur de
l'aiguille..,donc on lui montre..,on lui explique..,on lui montre sur un autre
patient..,on essaie de trouver autre chose. C'est-à-dire dans la
chambre..,c'est elle qui le fait. On reste à côté et une
fois que ça se passe bien..,voilà. C'est difficile pour les gens
d'emblé comme ça d'adhérer à tout. Et puis des fois
ça marche deux à trois semaines et puis à la
maison..,ben..,c'est différent..,euh. En fait c'est il y a tellement de
choses qui rentrent en jeu qu'il ne faut pas passer à
côté.
|
13'22
|
Malika
|
Que représentent ces choses?
|
13'23
|
Laura
|
Et ben. En ETP, ça peu être émotionnel, le
coté familier, le coté de rythme de vie, il y a tout plein de
choses. Il y aussi le coté financier pour l'alimentation. Nous on est
bien attentif à tout ça, on travaille sur ça en ETP. En
soin on n'a pas le temps d'aborder ses choses, on est plutôt
centré sur l'acte médical, pas sur le patient. Le temps n'est pas
géré pareil, je dirai on est plus relaxe en éducation. On
va essayer de trouver avec le patient quelque technique qui nous aide pour que
ça évolue favorablement. Il faut qu'on ait une alimentation
standardisée, une hygiène de vie, un peu d'exercice physique
ça peu être la marche par exemple pas forcement en club. Voila. Et
tout ça pour avoir un diabète un peu équilibré on
va dire parce que sur la chronicité ce n'est pas évident de
|
149
|
|
rester sage on va dire. Et tout ça pour nous ce n'est
pas juste des orientations simples. Ce sont des orientations qui pèsent
dans la balance. Ce qui apporte finalement un impact réel sur et sur
l'équilibre glycémique et sur...pour la personne.
|
13'58
|
Malika
|
Comment vous recrutez ces patients ?
|
13'60
|
Laura
|
Le patient quand il vient ici il est adressé par le
médecin diabéto encore souvent par un médecin
traitant...ou des urgences. Et puis nous, on démarre l'entretien, on
leur dit qu'est ce que vous attendez de l'hospitalisation. Qu'est ce que
j'attends : là déjà ils ne sont pas encore acteur. On lui
dit de venir, il obéit, puis, ils finissent par le dire...ben oui je
m'étais quand même aperçu que ce n'était pas
terrible les résultats ou voilà. On a la barrière le
patient ne veut entendre que le médecin. Mais il faut qu'on règle
tout. Comment on va retourner...Finalement le patient il se met comme
même dans le mouvement. C'est-à-dire on se dit quand même
qu'il va pouvoir être acteur de ce qui se passe quand même. Et
puis, il y en a qui disent d'emblé, moi je ne suis pas médecin,
moi je veux régler le problème. Il faut mettre les choses
à plat et tout voilà. Mais ça c'est tout au début.
Ça dépend du début s'il passe en urgence et, de l'urgence
il vient, ou c'est la nuit qu'il arrive, ou par l'intermédiaire d'une
consultation programmé, pas programmé, envoyé
par...enfin...ça c'est à nous justement dévaluer au tout
début de l'entretien. A nous de savoir, qu'est ce qui fait qu'il soit
arrivé ici. Est-ce que c'est vous qui aviez tiré la sonnette
d'alarme. Est-ce que c'est votre femme, votre médecin. Il faut savoir,
qu'est ce qu'il sait faire. Souvent on donne un carnet de suivi...c'est quoi un
carnet voilà.
|
14'12
|
Malika
|
Quelle est la durée d'un entretien thérapeutique
?
|
14'14
|
Laura
|
C'est aléatoire...le diagnostic et les séances
individuelles durent une heure si on fait vraiment un projet avec des...des
objectifs bien précises. Avec une éducation initiale, un suivi et
tout ça.
|
14'24
|
Malika
|
Quelles compétences sollicitez-vous pendant
l'activité d'ETP ?
|
14'27
|
Laura
|
En formation il nous donne une situation. Un...fait le
patient... l'autre fait le soignant. On laisse faire le sketch entre
guillemets. Après, selon l'analyse et le niveau de chacun...on se rend
compte qu'il ne fallait pas faire comme ça...ou...on est peu être
passé par une autre voie. L'attitude aussi...euh...il ne faut pas se
tenir comme ça par exemple de face...alors qu'on devait se mettre sur le
côté. C'est ces petites choses simples juste sur l'attitude.
Déjà le patient quand il se sent écouté...ça
change le contact. Le premier contact est primordial.
|
14'54
|
Malika
|
Faut-il passer par la formation pour avoir ces compétences
?
|
14'57
|
Laura
|
On va dire que la formation nous aide à prendre
conscience de ces compétences. Euh...pour moi un soignant qui va exercer
par exemple dans un service où il va rencontrer des gens d'une
manière ponctuelle, je dis pour des pathologies aiguës dans un
service de chir...par exemple, il ne va pas avoir développé au
cours de son expérience une expertise en éducation
thérapeutique. Par contre, un soignant qui travaille dans un service
où il rencontre des pathologies chroniques depuis une vingtaine
d'années, intuitivement, même sans avoir conscience, elle va
pouvoir développer des compétences qui la dirigent vers les
compétences nécessaires à l'éducation comme
l'écoute, la reformulation, l'attitude et tout ça...
|
15'32
|
Malika
|
Même sans formation?
|
15'33
|
Laura
|
Même sans formation. Après, ça sera des
compétences comment dirais-je, plus personnel...euh...intuitives. Et
ça ne veut pas dire que la formation n'est pas...euh...ne rajoutera pas
une plu value bien évidement. Mais je pense que naturellement, quand on
travaille dans certains services, en pneumologie ou en...euh...en
diabétologie, et puis quand on a aussi...une grande expérience
dans ces services, je pense que ça dépend aussi du
caractère du soignant et de sa personnalité. C'est un ensemble on
va dire. Et ça joue beaucoup sur le comportement du soignant.
|
16'06
|
Malika
|
Pour vous les soignants qui travaillent en chir ne peuvent pas
éduquer ?
|
16'09
|
Laura
|
En fait, ils peuvent éduquer à l'auto sondage
par exemple. Mais ça passe au second plan. Dans les services où
il y a une pathologie chronique, on se rend compte en fait qu'on n'est pas dans
l'urgence. On est dans la qualité et dans une prise en charge à
longue durée et du coup l'éducation thérapeutique est
mieux adaptée. Mais en chir c'est de l'aigu, on développe
beaucoup plus des compétences de soins d'urgences on va dire, le
relationnel et l'écoute du patient sont un peu négligés.
On ne peut pas il y a beaucoup de soins à faire dans ces services. Donc,
je ne sais pas si ces soignants veulent vraiment intégrer l'ETP ou pas,
en plus c'est une question de personne, de caractère, et...et... de
savoir faire et être avec le patient et ce n'est pas tout le monde qui
l'a même
|
150
|
|
en étant soignant...voila.
|
16'44
|
Malika
|
Percevez-vous une différence entre l'éducation au
soin de l'éducation thérapeutique ?
|
16'48
|
Laura
|
Mais c'est un soin qu'on va mettre au même niveau qu'un
autre. Oui oui pour moi c'est évident. Moi je suis sensibilisé
déjà, vu que je fais ça depuis 12 ans, on va dire.
Ensuite, j'ai fait une formation de 40 h. Donc pour moi l'éducation
ça aller de soi. Pour moi c'est comme ça que je vois mon
métier. Je ne le vois pas sans. Sinon c'est un métier qui est
dénué de sens. Donc, pour moi c'est inclus dans la prise en
charge et après le fait de faire la formation ça a
renforcé. Je ne peux pas travailler sans éducation, les deux se
complètent. Ça me donne des outils, ça ouvre les yeux sur
certaines choses. Ça améliore les prises en charges. Ça
renforce les convictions personnelles. Je ne peux pas choisir entre les deux.
L'éducation au soin, est différente de l'ETP, déjà
l'organisation, le temps, la posture, sont pas pareil. On fait l'acte
médical, on informe le patient, mais sans plus. Je ne vais dire au
patient qu'est ce que tu penses du soin je sais que c'est
désagréable...voila. En plus je suis concentrée sur le
soi, pas sur la personne...voila. En plus je suis concentrée sur le
soin, pas sur la personne, il n'y a pas ce face à face qu'on a en
séance éducative...on ne regarde pas le patient, on observe pas
ses réactions, on se centre sur le pansement, sur la perf si elle passe,
mais pas sur le patient...
|
17'21
|
Malika
|
Procédez-vous à une organisation spécifique
pour la réalisation d'ETP ?
|
17'24
|
Laura
|
Des soignants qui se sentent moins à l'aise à
faire de l'ETP, il y en a quand même qui sont un peu durs. C'est vrai que
c'est comme une classe. Si tout le monde pointe à 14h et c'est bien le
bazar, et, qu'il n'y a pas l'accueil de programmer. Déjà le
service complètement désorganisé avec des chariots par
tout. C'est sûr que ça n'donne pas une image très positive
pour la prise en charge. C'est déjà même si la chambre
n'est pas prête et que voilà on arrive à leur dire...
euh...bonjour on vous attend. Déjà on vous attend...ça
change tout...même si ce n'est pas prêt...c'est important de leur
expliquer qu'on les attendait et que la chambre va bientôt être
prête. C'est important de les laisser attendre sur un siège tout
seul. Il se dit il n'y a personne qui vient me voir...il voit que les soignants
passent tous devant sans savoir qui est qui. C'est important d'expliquer. On ne
se dit pas par exemple il n'a pas besoin de savoir si on est près ou
pas. Non...on lui explique qu'il y a eu du retard et qu'on ne l'a pas
oublié. Moi...je trouve que c'est rassurant pour le patient de savoir.
Sinon le patient risque de renter chez lui le fait que personne ne s'occupe de
lui. Et comme il est stressé, et qu'il ne souffre pas, il n'a pas mal,
rien ne le retient, il rentre chez lui, ceci dit il risque de revenir par le
biais des urgences mais pour l'instant il ne réalise pas il n'a pas la
conscience de la maladie. Donc, pour moi l'accueil c'est très important
et surtout l'attitude qu'on a avec ces patients.
|
18'36
|
Malika
|
Adoptez-vous les mêmes attitudes avec les patients en ETP
qu'au soin ?
|
18'39
|
Laura
|
Moi je dis l'accueil dans l'éducation même pour
notre métier en général c'est très important,
même des fois certains soignants semblent dépassés par
l'urgence et passe sans voir le patient qui attend dans le couloir. Moi, avec
du recul je trouve qu'il faut revoir nos habitudes de travail. Prendre du
temps, je ne sais pas s'organiser autrement peut-être et
ça...ça se discute. Enfin je reviens sur l'attitude c'est
important déjà. L'autre jour je me suis retrouver avec un patient
qui a une prescription médicale pour un diagnostic éducatif, il
arrive, il est déjà venu, ce n'est pas mal pour un chauffeur
routier, alors il est tout le temps assis dans son camion et pour
l'alimentation, alors il n'a rien mais rien mais rien à faire mais alors
la qui n'a rien à faire de l'alimentation. C'est...et quand il m'a vu,
je l'observe, il doit se dire : mais qu'est- ce qu'elle va me dire cella. Moi
j'arrive, bonjour je suis la référente éducatrice, il me
regarde, il essaye de faire demi-tour. Mais si je n'ai pas un peu
d'expérience on va dire et je l'aborde pas avec une attitude d'humour.
Alors là c'est mort. Donc le contact c'est un peu compliquer ce n'est
pas comme le soin. Au soin on s'impose, mais en ETP on s'adapte voilà
c'est un peu ça.
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19'45
|
Malika
|
Faites-vous l'ETP en blouse ?
|
19'47
|
Laura
|
J'aimerai mais ce n'est pas possible. Ben non. Ici dans le
service on est tous en tenu de travail. C'est le règlement, ça
reste un service de soins on va dire.
|
19'55
|
Malika
|
Que représente pour vous l'apport de la blouse en ETP ?
|
19'57
|
Laura
|
Et ben...pour moi c'est l'image de la verticalité de la
relation ça représente la notion du savoir détenir le
savoir c'est moi qui sais. Et on veut partir dans l'idéal je pense que
pour l'éducation c'est quand même important d'oter la blouse du
moment que c'est le patient qui emmène les informations, c'est lui
l'acteur je veux dire. Et nous normalement on doit se positionner au second
plan, second rôle. Et ça...ça ce n'est pas évident,
si on est pas préparé et conscient de ça.
|
151
20'21
|
Malika
|
Et vous, êtes-vous au second rôle en ETP ?
|
20'23
|
Laura
|
Ah, oui. J'en ai pris conscience, ça ne sert à
rien de se braquer, et n'aboutir à rien en fin de compte du moment qu'il
s'agit d'un accompagnement pour le patient et que c'est lui qui nous apporte
l'info, déjà ce qu'il connaît pour pouvoir l'aider et lui
apporter ce qui est nécessaire, s'il est là c'est qu'il y a un
déséquilibre quelque part. Et nous on a le rôle de la
béquille pour que ce patient revoit ses habitudes de vie et
détecte l'événement déclencheur qui fait que ce
patient soit là. Pour moi c'est ça l'éducation.
Déjà dès l'éducation initiale c'est lui qui
parle.
|
20'58
|
Malika
|
Avez-vous des patients qui rechutent malgré
l'éducation ?
|
21'00
|
Laura
|
A oui souvent. Soit parce que le traitement ne marche pas tout
simplement et les résultats ne sont pas bons. Et finalement, ils disent
: ça sert à rien de se soigner. Et finalement, je fais bien mais
ça ne marche pas. Donc l'éducation...on leur explique que le
traitement ce n'est pas la cause. Et là le rôle de
l'éducation c'est de les aider à se rebooster...les
coachés voilà. On ne veut pas que ce soit top au niveau des
résultats, mais sur la chronicité on essaie de rester sur les
normes. C'est ça l'éducation.
|
21'29
|
Malika
|
C'est quoi une éducation initiale ?
|
21'31
|
Laura
|
En fait, on commence par l'éducation initiale, c'est le
diagnostic éducatif qu'on fait sur l'ordi en gros. Puis on
détermine les objectifs avec le patient, on fixe des rendez-vous pour le
suivi. Par exemple ce matin, il y a des personnes qui sont revenues deux mois
après l'hôspi. Ils avaient des objectifs à atteindre et
là on va voir ensemble comment ils ont géré tout
ça.
|
21'50
|
Malika
|
Faites-vous l'initial pour tous les patients ?
|
21'52
|
Laura
|
Nous on fait l'initial pour tous les patients
hospitalisés pour un diabète. On commence l'éduc dans les
chambres, ou dans le bureau, c'est personnalisé, bien sûr. Et puis
on propose le suivi et le renforcement et les ateliers.
|
22'03
|
Malika
|
C'est quoi le renforcement?
|
22'04
|
Laura
|
En fait, le renforcement ce n'est pas pour tous les patients.
C'est que pour les patients qui ont du mal à gérer, ou qui ont
besoin de plus de séance éducative, donc nous, on donne des
rendez-vous pour des entretiens de renforcement.
|
22'16
|
Malika
|
Le suivi se passe comment ?
|
22'18
|
Laura
|
On organise le suivi, en gros, pour les objectifs qui ont
été fixé, les gens reviennent, pour voir s'ils ont atteint
leur objectif ou pas encore. Et le suivi peut se faire aussi au niveau du
réseau, donc ils ont le choix.
|
22'30
|
Malika
|
Tous les patients doivent passer par ces stades éducatifs
?
|
22'33
|
Laura
|
Alors...euh...en fait, ce n'est pas tous les patients qui
passent par ces stades éducatifs, c'est là, la question. Nous on
démarre un diagnostic éducatif, il y en a qui passe par les trois
stade et d'autre non, il y en a qu'on ne voit qu'une fois, et qui ne reviennent
plus, d'autre font que deux stades, et d'autre viennent
régulièrement. Voila.
|
22'48
|
Malika
|
Vous les rappelez ces patients ?
|
22'50
|
Laura
|
Ben, c'est la question, nous on fixe des rendez vous, le jour
même si la personne n'est pas venue, nous on appelle, on laisse un
message, et puis voila.
|
22'58
|
Malika
|
Faites-vous le suivi téléphonique ?
|
22'60
|
Laura
|
Ah, non, non, on ne fait pas le suivi
téléphonique, on n'a pas le temps. En plus on n'a pas
discuté de cette organisation, je sais que ça existe, peut
être que c'est mieux pour les patients, le fait que le déplacement
n'est pas prix en charge et tout ça...mais, il faut tout une
organisation.
|
23'16
|
Malika
|
Ça perturbe votre organisation?
|
23'18
|
Laura
|
Je ne dis pas que ça perturbe. Mais si. Du moment
où je commence à donner des coups de fil, on va dire si j'en
donne 3. On va dire 20 minutes pour chaque patient. Alors que je suis en
consulte, j'ai des patients dans les chambres à voir, sans oublier les
nouvelles consultes. Sans oublier ceux qui se présentent sans
rendez-vous qu'on prend aussi parce qu'ils viennent c'est que ça ne va
pas. Donc, il faut toute une organisation à mon avis.
|
23'45
|
Malika
|
Avez-vous perçu un changement dans vos habitudes de
travail ?
|
23'48
|
Laura
|
Le changement c'est dans la conscience de l'écoute peut
être. Peut être que je faisais naturellement. Mais, je n'en avais
pas forcement conscience...la
|
152
|
|
conscience de l'écoute et d'autres outils...
|
23'59
|
Malika
|
De quels outils s'agit-il ?
|
24'01
|
Laura
|
Il y a quelques outils par exemple utilisés en
entretien motivationnel, donc réemployés, que je ne faisais
pas...euh...pas couramment. L'importance du diagnostic éducatif.
Euh...le...le...ça je le faisais déjà. Ça m'a
renforcé, le fait de ne pas multiplier les objectifs
thérapeutiques et les rendre vraiment adapter au besoin du patient. Et
puis bien explorer tous les domaines du patient. En fait ne pas chercher une
solution qui euh...qui pour lui ne correspond pas à un problème.
Nous ça correspond à un problème, quand on voit la
situation. Mais si pour lui ce n'est pas un problème, ça ne sert
à rien de chercher des solutions. En fait c'est vraiment se coller
à sa vie en fait. C'est un accompagnement. Donc, ces mesures nous
orientent, ... nous cadrent à prendre en charge le patient dans sa
globalité, on ne se centre pas que sur le soin comme avant les
traitements, l'insuline, le régime...on imposait des choses, là
ce n'est pas pareil, on a un programme à suivre, on fait le diagnostic
éducatif, les séances et tout ça.
|
24'42
|
Malika
|
Pourriez-vous me parler de vos outils éducatifs ?
|
24'44
|
Laura
|
Les instruments éducatifs...Il faut bien débuter
par un diagnostic éducatif. Utiliser justement des techniques de
communication, prévoir, planifier un programme...évaluer,
suivi... Et puis, il y a nous, les patients, ce qui accompagne, les ateliers,
l'ordinateur, le diagnostic, ... c'est les moyens, et puis il y a les outils...
visuels comme les cartes, les schémas. C'est la méthode et puis
il y a les outils...euh...et bien il peut en exister autant qu'il n'existe de
personne...euh...je pense. Je ne pense pas qu'il y a un
outil...euh...qui...soit valable pour tous le monde voilà.
|
25'21
|
Malika
|
A quoi est liée cette diversification d'outil ?
|
25'23
|
Laura
|
Etant donné que la population...euh...la
majorité de la population diabétique par exemple pour le DG,
c'est des femmes que j'ai vu jusqu'à présent sont d'origine
Centre Africaine ou Nord Africaine, il y eu des origines...euh...Indou...enfin.
Et bien je voudrai...en fait je viens d'en discuter avec l'externe la
dernière fois et j'ai appelé l'Hôpital de Bobigny, j'ai
appelé à...je voudrai trouver des outils justement qui me... qui
me permettent de mieux m'adapter à cette population. Donc, là je
ne veux pas forcément créer d'outil. Mais, je souhaite reprendre
des outils qui ont été déjà utilisés
dans...dans certaines régions quoi. Donc, là pour l'instant je
suis en recherche...euh...on ne m'a pas donné de suite, j'attends. Sinon
je vais essayer de le créer moi-même, ce n'est pas grave.
|
26'10
|
Malika
|
Et vos outils actuels?
|
26'11
|
Laura
|
Là pour l'instant...euh... les outils qu'on a, ils ne sont
pas suffisamment adaptés, oui.
|
26'14
|
Malika
|
Par exemple?
|
26'15
|
Laura
|
Par exemple pour l'alimentation, il y a tout le monde comment
dirais-je. L'identité alimentaire est vraiment différente en
fonction de...des origines et du coup...elle...euh...toutes les
préconisations, tous les outils sont
adaptés...euh...à...euh...à des plats
traditionnels...français et euh...je souhaiterai que se soit aussi
adapter à des plats traditionnels euh...d'Afrique Centrale, d'Afrique du
Nord. Donc, je pense que c'est tout à fait faisable. Le tout c'est que
je sois suffisamment documentée. Et puis...et puis je m'appuie sur
d'autres expériences quoi. Il faut savoir que la majorité de la
population diabétique on va dire est étrangère je pense.
Donc il faut s'adapter. Au niveau de la maternité ça
représente plus de la moitié de la population, donc à ne
pas négliger je pense.
|
26'57
|
Malika
|
Quel rapport avec la maternité ?
|
26'59
|
Laura
|
En fait la difficulté avec le DG...euh...étant
donné qu'il y en a beaucoup en mater...donc, la mater nous envoie ces
patients et nous, on fait des consultations individuelles après le
premier entretien. Et là, on doit procéder en groupe pour une
première approche. En fait c'est en maternité qui qu'ils nous
inscrivent les femmes qui ont une glycémie à jeun
perturbée. Et après, on a un groupe d'emblé. Ça
commence par 2h d'information pour être le plus personnalisé
possible alors qu'on est en groupe. En donnant un maximum d'info au groupe, il
faut s'adapter, je dirai voila. En rentre plus au moins dans les détails
selon l'intérêt de chacun et puis selon les priorités
définies pour chacun.
|
27'42
|
Malika
|
Puisque le premier entretien se fait en groupe. Comment
procédez-vous à la personnalisation ?
|
27'46
|
Laura
|
En fait c'est ça la difficulté par ce que c'est
ça toute la difficulté. Et bien c'est que c'est qu'on les fait
parler comme même.
|
27'52
|
Malika
|
Et tous les patients participent ?
|
153
27'54
|
Laura
|
En groupe, les patients finissent par participer. Au debout
c'est difficile. Mais ils participent d'emblée. Ils nous expliquent leur
situation. Donc, ce qu'elles ont...donc le diabète gestationnel, si
elles ont déjà vécu ça etc. Ensuite, on fait le
lien avec l'insuline, on explique un peu la physiologie, le pancréas.
Ensuite, on reprend chaque situation sachant que le fait d'entendre l'autre par
exemple on effectue presque des entretiens alimentaires pour chacune. On pose
des questions comme : que prenez-vous au p'tit déjeuner mesdames, et
vous madame... Alors voilà, et tout le monde discute sur le p'tit
déjeuner. Ensuite...qu'est-ce que vous prenez comme boisson. En fait on
essaie de faire quelque chose de très personnalisé en
étant en groupe. Moi je prends note pour chacune d'entre-elles. Aussi en
même temps, on est en groupe, du coup elles se lâchent un p'tit
plus que si elles étaient toutes seules. Et donc, du coup on est plus
proche de la réalité. Finalement, même si on a moins de
temps c'est plus dur pour nous euh...ce n'est pas plus mal. Si vraiment je me
rends compte que nous avons abordé que quelques petites choses, et que
nous n'avons pas beaucoup de temps, et que le chemin va être long.
Contrairement aux autres pathologies le DG...le temps est bien
déterminé. Donc, alors je vais les revoir la semaine suivante,
alors que normalement je ne les revoie pas, c'est le médecin qui revoit
chaque patient avec son carnet. Et bien moi, si je vois que c'est
l'anarchie...et que ça nécessite d'approfondir je les revoie bien
sûr en individuel.
|
29'16
|
Malika
|
Avez-vous choisi cette méthode d'entretien en groupe avant
l'individuel ?
|
29'19
|
Laura
|
Non...Pour le GD, on n'a pas choisi de méthode, mais on
est obligé de procéder ainsi, si en maternité, ils
détectent 4 ou 5 patientes qui ont besoins d'être éduquer.
Nous on ne peut pas procédez en individuel, on n'a pas le temps. Le
mieux c'est le groupe et puis on personnalise si besoin. Mais si les patients
comprennent, et si nous, on a compris leur représentation et on les
écoute un petit peu. Ils adhèrent à cette méthode
d'ETP au début puis ils lâchent forcément après
l'accouchement. C'est comme dans tout. D'autant plus que ce n'est pas
évident de respecter un régime alimentaire français et
qu'on a d'autres habitudes alimentaires je pense.
|
29'55
|
Malika
|
L'introduction de l'activité d'éducation dans le
service a-t-il transformé vos habitudes de travail ?
|
29'59
|
Laura
|
Si forcement obligatoirement dans le sens où on
n'impose pas. On ne va pas dire : on va vous mettre sous insuline. On en
discute, c'est-à-dire...euh...ça prend plus de temps. Il faut
discuter. Il faut négocier et parfois on revient en arrière. Et
puis les gens négocient aussi sur les maladies chroniques, c'est comme
ça. Pourquoi c'est obligatoirement l'insuline et pas les
médicaments.
|
30'22
|
Malika
|
Avant?
|
30'23
|
Laura
|
Avant ça marché avec ce qu'on savait je trouve.
On ne savait pas faire autrement j'ai envie de dire. Donc c'est un peu comme
tout les outils qu'on nous met. Vous voyez maintenant il y a des outils qui
vont nous aider à pouvoir évaluer l'apprentissage de quelqu'un.
Avant on n'était pas ici, il n'y avait pas l'éducation
thérapeutique on était en médecine...tout ça
ça n'existait pas. Vous voyez ce n'est que des outils ça ne
s'adapte pas à tout le monde.
|
30'42
|
Malika
|
Avez-vous perçu un changement par rapport à votre
comportement ?
|
30'45
|
Laura
|
Oui forcément, on change de comportement personnel,
même dans la vie quotidienne on change, on est plus attentif, on change
de méthode on est plus dans la dictée on va dire faites ceci
faites cela. On écoute, on essaie de comprendre les habitudes de chaque
patient, on analyse, on discute avec lui comment il compte s'organiser, est ce
qu'il est prêt de modifier un peu ses habitudes ou pas. Comme pour
l'alimentation. Avant on leur disait de ne pas manger de féculant...ne
manger pas de ceci de cela...le même régime pour tout le monde,
tous pareil. Maintenant on adapte. Tout le monde n'a pas le même travail.
Il y a douze ans de cela. Mais on voit encore des patients qui nous disent qui
pensent encore qu'il ne faut pas du tout manger de sucre...ça arrive de
moins en moins mais ça arrive encore. Ils ont des représentations
du diabète un peu sévère, donc le diabète ça
fait peur, ça représente beaucoup d'interdit...et on ne change
pas comme ça des représentations d'emblé.
|
31'42
|
Malika
|
Comment percevez-vous la relation soignant/soigné en ETP
?
|
31'45
|
Laura
|
En fait, ce n'est pas du tout pareil qu'en soin.
Alors...heu..., en ETP, on est au second rôle comme je l'ai
déjà dit. Déjà ça change tout. Donc, c'est
le patient qui est acteur de sa situation. Nous on a plus le rôle
d'accompagnement et de réajustement on va dire. Donc le patient est plus
alaise, il raconte son vécu, il apporte beaucoup de choses. Nous on est
en position d'écoute, plus d'écoute pour pouvoir
interpréter ce qu'il dit. Ce n'est pas juste une discussion et voila.
Non il faut beaucoup d'attention, de reformulation, s'il n'arrive pas à
voir les choses et tout ça. Donc la relation c'est une sorte
d'entretien, de
|
154
|
|
dialogue, c'est plein d'émotion aussi.
|
32'23
|
Malika
|
Et la relation en soin ?
|
32'24
|
Laura
|
Ben...en soin, c'est nous qui sommes acteurs
déjà. Lui il consent le soin on dire sans trop de questions. On
plus on n'a pas le temps de discuter sur tout, sur tout pas sur son
vécu. Mais le patient quand il voit que le soignant est centré
sur le soin, il ne dérange pas trop on va dire comme si qu'il
connaît son rôle à ce moment. Ça parait bizarre mais
c'est comme ça.
|
32'47
|
Malika
|
Dans vos pratiques par rapport aux soins avez-vous perçu
un changement par rapport à la relation soigné/soigné ?
|
32'53
|
Laura
|
Moi, oui forcement, je fais attention, je regarde le patient
quand je fais le soin, je prête plus d'attention, plus d'écoute.
Et tout ça en lien avec mon statut d'éducatrice je trouve.
|
33'03
|
Malika
|
Et c'est comment par rapport à votre identité
professionnelle ?
|
33'06
|
Laura
|
Ça perturbe forcément mon identité de
soignante à chaque fois qu'il y a quelque chose de nouveau. Je pense que
l'adaptation, elle est aussi pour nous. Ce n'est pas si facile de faire
l'entretien éducatif...je veux dire. Ça nécessite des
compétences...euh...plein de choses voilà. Déjà les
gens attendent plus de réponses derrière. C'est quand même
l'expérience qui fait parfois les choses. Si on n'a pas le regard
incarné et on n'a pas l'expérience sur l'insuline, sur les
délais, sur l'alimentation, sur les petites choses. Je pense que parfois
que c'est l'expérience oui l'expérience de toute situation
vécue, on disant on s'était mal pris...euh...et on revoit nos
façons de travailler c'est important.
|
33'50
|
Malika
|
Et par rapport à la nouvelle organisation ?
|
33'52
|
Laura
|
La nouvelle organisation s'est faite au fur et à
mesure. Après, il y a le côté personnel...euh...et ce qu'on
a envie et ce qu'on n'a pas envie. C'est difficile...euh...il y a des jours ou
c'est difficile d'être à l'entretien. De se dire comment on va
amorcer avec certains patients. Ou parce qu'on ne peut être aussi
découragé parce qu'on voit ce qu'on fait. On n'a jamais
évalué l'éducation thérapeutique, dès fois,
on a quand même l'impression de s'y prendre mal parce que ça suit
pas. Aussi parce que l'équipe ne suis pas, c'est ce que je
dis...euh...le problème c'est qu'on fait l'éduc...mais qui
regarde derrière ce qu'on fait. Qui analyse les pratiques qu'on fait.
Moi, ça fait deux moi que je fais l'éducation, peut etre je m'y
prend à l'envers, peut etre c'est pas du tout ça ce que je fais.
Mais qui nous dit ça...personne.
|
34'44
|
Malika
|
Il n'y a pas de suivi ?
|
34'45
|
Laura
|
Il y a le suivi des patients mais c'est nous qui le faisons.
C'est le questionnaire de satisfaction pour le groupe et le pour le suivi, je
revoie le diagnostic ...pour le suivi ils ont le choix. Soit ici soit au
réseau Pour le suivi ils ont le choix. Soit ici soit au réseau.
Et c'est là que le réseau a son intérêt. Par exemple
pour l'activité sportive, il n'y pas des séances de kiné.
Ils ont tous un programme d'éducation...il y a des activités
diverses...ça peut être la marche...voilà.
|
35'03
|
Malika
|
Et le suivi professionnel?
|
35'04
|
Laura
|
Il n'y a pas le suivi d'un professionnel. Qui nous dirait si
c'est ça ce qu'on fait. L'analyse des pratiques qu'est ce qui la fait.
C'est ce qu'on disait à la réunion du service...l'analyse de
l'activité...il faut justifier de nos formations d'éducation
thérapeutique. Il faut justifier de tout ça. Mais qui vient nous
évaluer sur le terrain pour nous dire que finalement on ne fait pas
juste ce qu'on fait...on prend pas juste un thé avec le patient...et ben
personne...on remplit des dossiers sur l'ordi...qui regarde et remarque ce que
je marque en compte rendu...qui...pas du tout.
|
35'39
|
Malika
|
Et qui regarde ce que vous faites ?
|
35'41
|
Laura
|
Personne, il n'y a personne qui regarde ce qu'on fait... je
pense.
|
35'44
|
Malika
|
Et la continuité du suivi ?
|
35'45
|
Laura
|
Il n'y a pas de continuité pour le suivi, rien pour
l'instant.
|
35'46
|
Malika
|
Où se situe le problème à votre avis ?
|
35'48
|
Laura
|
En fait, le problème c'est l'outil de recueil de
données qui n'est pas assez polyvalent pour que chacun puisse allez
chercher l'information qu'il a besoin.
|
35'55
|
Malika
|
S'agit-t-il de la compatibilité de l'outil ?
|
35'57
|
Laura
|
Non...non je ne suis pas sûr. Mais au-delà de dire
que l'outil n'est pas adapté moi je ne suis pas forcement d'accord.
Quand je vois pour les transversaux en
|
155
|
|
tout cas et puis même pour les autres services le fait que
le compte rendu apparaisse dans les trans. Elles lisent toujours les trans
derrière.
|
36'16
|
Malika
|
A quel niveau se situe le problème à votre avis
?
|
36'18
|
Laura
|
En fait nous on n'est pas dans le dossier patient. Le dossier
éducation thérapeutique est un dossier dissocié du dossier
patient. Il faut ouvrir une autre
session pour que moi, je remets au point, je lui demande s'il est
marié, s'il a des enfants, sinon ça ne me valide pas mon
dossier.
|
36'34
|
Malika
|
Vos patients ont combien de dossiers ?
|
36'36
|
Laura
|
C'est que chaque patient a 2 dossiers, oui mais il faut
inclure le diagnostic éducation au dossier patient. C'est là
où je dis cela veut dire que les filles en hôspi n'ouvrent jamais
quasiment le dossier éducatif. Ce dossier...donc on peut partir sur deux
pistes différentes. C'est là où je me questionne quand le
patient nous dit : C'est hors de question, je ne me piquerai pas. Et qu'on
s'aperçoit qu'au moment de son retour à domicile et qu'on me
dit...euh...et ben...il ne s'est pas s'éduquer...il n'est pas
éduqué. Il ne s'est pas se piquer...euh...Et ben...non. Le
patient ne veut pas se piquer. Il faut lui mettre une infirmière
à domicile...c'est ce que j'avais mis sur son dossier éducatif.
C'est là où je me dis il y a quand même un problème.
Ça fait trois jours que je le vois...euh...je le mentionne sur son
dossier informatisé...mais personne n'a accès aux infos sur
l'ordi c'est la galère de communication entre collègues.
|
37'22
|
Malika
|
Une galère de communication?
|
37'24
|
Laura
|
Oui, forcement. Il y a deux outils différents.
|
37'26
|
Malika
|
Et vous le transmettez verbalement aussi ?
|
37'28
|
Laura
|
Ben...euh...normalement si on l'écrit on n'est pas
censé faire des transmissions à la longueur de la journée
alors. On le fait parce qu'on sait que ce n'est pas lu. Mais c'est difficile
à être derrière tout ça.
Là...là...c'est plus facile parce que c'est nous et...euh...sur
deux moi. Et avant on changeait tous les deux trois jours. C'était la
galère pour l'info.
|
37'48
|
Malika
|
La galère comment?
|
37'49
|
Laura
|
Et ben à chaque fois on fait entrer les données
de nouveau, parce que notre dossier d'éducation thérapeutique
n'est pas relié au dossier de l'hôspi c'est
tout...voilà.
|
37'54
|
Malika
|
D'accord. Et vous faites comment ?
|
37'56
|
Laura
|
En fait, il y a toute une partie administrative qu'il faut
valider à chaque fois. En plus on ne peut jamais rajouter sur une trans
ou revoir ce qui est fait avant. Donc si on n'a pas une bonne mémoire on
repose les mêmes questions à chaque fois, style s'il est
marié ou pas, si ceci si cela. Et tout ça c'est une perte de
temps en plus c'est gênant vis-à-vis du patient.
|
38'17
|
Malika
|
Et comment vous gérez alors ?
|
38'19
|
Laura
|
Et ben...quand le patient revient en entretien...hier par
exemple j'ai eu la chance de prendre monsieur dès l'entrée, donc
j'ai marqué tout et tout. Mais ma collègue pour faire son
entrée administrative elle a du reposer les mêmes questions que
j'avais déjà posé
donc...c'est...c'est...enfin...ça.
|
38'36
|
Malika
|
C'est comment pour le patient ?
|
38'38
|
Laura
|
C'est hyper désagréable. Et quand il revient
pour une autre éducation et répond à chaque fois aux
mêmes questions...lui...tu vois...tu vois...l faut à chaque fois
redire...redire...enfin...tu vois pour lui ce n'est pas pris au
sérieux.
|
38'49
|
Malika
|
Et c'est quoi votre ressenti ?
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38'51
|
Laura
|
On perd du temps...on perd du temps alors. Maintenant pour moi
comme je connais bien ce logiciel et les trucs intérieurs...c'est facile
d'aborder l'entretien.
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38'59
|
Malika
|
Et pour vos collègues?
|
39'01
|
Laura
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Et ben...chacun fait comme il peut, on va dire ça comme
ça.
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39'04
|
Malika
|
Discutez-vous entre collègues sur ces problèmes de
gestion ?
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39'07
|
Laura
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Euh...ben...non. En on parle comme ça sans plus. Mais
il n'y a pas eu de réunion disant on va parler des problèmes de
la gestion de l'éducation. Pour l'outil chacun fait comme il sait on va
dire et galère sûrement. Mais pas de suivi comme j'ai
déjà dit. Après en travaille avec les moyens qu'on a. mais
dommage par ce qu'on perd énormément de temps à transcrire
et retranscrire, alors qu'on pouvait avoir un seul dossier et tout le monde
peut le consulter au lieu de
|
156
|
|
séparer les deux dossiers alors qu'il s'agit du même
patient. C'est dingue, mais voila...
|
39'39
|
Malika
|
Pensez-vous que l'ETP doit être pratiquez par toutes les
infirmières ?
|
39'42
|
Laura
|
Ici, en diabéto je dirai oui, c'est très
important du moment qu'on traite une pathologie chronique, aussi tout le monde
sera sur le même fil pour la continuité, pour l'organisation,
c'est important, en plus si tout le monde pratique l'éduc, on aura les
mêmes visions, regard, euh. Les mêmes compétences, le
même langage quoi. Peut être là moi je procède
autrement, j'ai plus d'écoute, enfin ce n'est pas la même prise en
charge pour le même patient...oui ça serai bien si tout le monde
est formé...Mais, il parait que c'est une question de budget.
|
40'22
|
Malika
|
Travaillez-vous en équipe pluridisciplinaire en ETP ?
|
40'25
|
Laura
|
Oui, les ateliers de groupe c'est avec la diète, le
médecin s'il est disponible, il y a aussi le psychologue mais c'est lui
qui décide s'il voit les patients en groupe ou en
individuel...euh...l'atelier pied c'est avec une aide soignante formée
et moi-même. En fait, c'est un peu dur de travailler vraiment en
équipe pluri...euh, dès fois, les gens n'sont pas disponible, ou
ils ont des réunions, ou ils sont pris ailleurs...euh...donc c'est
vraiment dure de se connecter ensemble on va dire.
|
40'59
|
Malika
|
Pourriez-vous me décrire votre activité de
soignante ?
|
41'02
|
Laura
|
Oui oui, pendant dix mois consécutifs je travaille avec
mes collègues comme infirmière simple médecine et en
diabéto on va dire...donc, je commence à 6h30 jusqu'à
14h30...dès fois ça déborde..., le matin dès
l'arrivée, je fais les trans, je prépare mon tour du matin, donc
mon chariot de soins, les traitements en perf ou en peros, je fais les
toilettes avec l'aide soignante si besoin, les réfections des lits et
tout ça voila. On donne les petits déj, on vérifie les
glycémies, on éduc à l'auto-injection, je fais les
pansements si besoin...euh...le tour avec le médecin, je réponds
aux communications, je fais les entrées des urges, les sortie...voila.
Ensuite je distribue les médocs du midi, je fais ou je vérifie
les dextros...euh...je vérifie si les patients ont mangé ou pas,
donc, j'oriente, je conseil...Et en fin de matinée, je fais mes trans
écrites sur le dossier patient et sur l'ordi...euh...on fait les trans
orales avec l'équipe d'après-midi ...voila...euh... Et si je suis
du soir, c'est de 14h15 à 91h15. En gros c'est pareil, sauf qu'on fait
en plus les sorties et les entrées des patients et on ne propose pas les
toilettes, sinon on fait énormément de paperasse, on
prépare les dossiers des entrées programmées, des staffs,
on fait aussi les réunions...
|
43'35
|
Malika
|
Avez-vous des choses à rajouter ?
|
|
Laura
|
L'éducation ça nécessite d'être
plus compétent et avoir plus de connaissance je trouve. Ils veulent des
réponses plus précises plus adaptées. Le fait de
généralisé les choses par rapport au groupe, moi je trouve
que c'est bien aussi. On n'est pas obligé d'être pointilleux dans
tous les domaines. Alors vraiment si on veut personnaliser la chose il faut
être pointilleux et faire des diplômes dans tout. Ce n'est pas le
but. Les patients, si nous on arrive à expliquer bien les choses et
s'ils connaissent et s'ils imaginent. Le moment privilégié avec
le patient va être transmit aux collègues. Et du coup ces
collègues doivent être dans la même démarche. Si la
personne se sente écouté, se sente respecté et autonome
dans ses choix et ses prises de décisions. Ça ne se
déroulera pas forcement mieux si on l'oblige ça ne va le faire.
Du coup ça nous oblige à nous comporter un peu
différemment malgré tout. Mais pour arriver à faire tout
ça il faut qu'il y ait plus de communication entre nous et que le
logiciel ne beugue pas. Et tout ça il faut du temps, et le temps c'est
le problème de tout le monde je trouve. Voila.
|
45'23
|
Malika
|
Merci pour cet entretien et bonne continuation.
|
157
Script de l'entretien avec Infirmière en service
de Cardiologie
Hôpital de Blois
Entretien réalisé le 18/06/2015
Nous allons faire un entretien d'une quarantaine de minutes,
si vous êtes d'accord, cet entretien concerne votre activité
d'éducatrice. Je vais donc vous poser quelques questions pour orienter
le discours. Notre objectif n'est pas de juger votre façon de
travailler. La majorité des questions sont ouvertes volontairement pour
vous laisser répondre le plus spontanément possible, sans vous
influencer.
0'00
|
Malika
|
Vous pouvez commencé.
|
0'01
|
Sophie
|
J'ai la trentaine infirmière à l'hôpital
depuis 13 ans.
|
0'03
|
Malika
|
Depuis quand dans ce service ?
|
0'05
|
Sophie
|
Depuis 9 ans.
|
0'06
|
Malika
|
Vous étiez dans quel service avant ?
|
0'08
|
Sophie
|
Avant j'ai commencé en médecine polyvalente.
J'ai fait 3 ou 4 mois. Donc j'allais dans les services. En fait on est
titulaire dans l'hôpital mais pas dans le service. Ensuite j'ai fait une
structure d'EPAD une structure de gériatrie pendant 6 mois. A
l'époque on faisait 2 mois de nuit. Ensuite j'ai intégré
le service des urgences, je suis resté 2 ans et demi enfin presque 3. Et
après j'ai intégré la cardiologie en remplacement et puis
j'ai postulé et j'y suis resté.
|
0'32
|
Malika
|
Le travail d'ETP représente-t-il un choix pour vous ?
|
0'34
|
Sophie
|
On m'a proposé le poste d'éducatrice. Et j'ai
accepté. En fait on avait les deux programmes qui étaient en
cours en 2011. Le cadre qui est parti m'a proposé le poste. On avait 50%
dédié à l'urgence cardiologique, on faisait le
déchocage lundi mardi mercredi de la semaine, et le jeudi vendredi de
l'autre semaine... on recevait tous les patients qui venaient pour un motif
cardiologique. L'idée c'était de désengorger un p'tit peu
les urgences et puis prendre ce qui était spécifique à la
cardiologie.
|
0'55
|
Malika
|
Dans quel cadre l'ETP a été instauré dans
votre service ?
|
0'59
|
Sophie
|
En fait il y a eu le changement et on fait de l'ETP depuis
2011 parce que l'effectif médical s'est retrouvé réduit.
Les internes sont passés de 4 internes à 1. Donc si vous
voulez...au niveau des urgences de 9h30 à 17h30 il fallait qu'il y ait
toujours quelqu'un et le médecin ne pouvait pas faire les visites le
matin pour se détacher aux urges l'après midi. Depuis 4 ans on
n'en a qu'un interne par semestre. Donc depuis, le cadre a dispatché 20%
sur l'ETP et 30% sur les consultes externes. Ensuite on a augmenté l'ETP
à 50% et là...euh...on est depuis cette année à 20%
ce qui correspond à une journée parce que la file active n'est
pas suffisante il n'y a pas assez de patients.
|
1'34
|
Malika
|
Vous êtes la seule éducatrice dans le service ?
|
1'36
|
Sophie
|
Dans le service sur 15 infirmières, il y avait une
collègue qui a fait le DU en éducation, qui est parti et
là il y a moi. Et là...je vais changer de poste et il va y avoir
une qui me remplacera j'espère.
|
1'47
|
Malika
|
Avez-vous suivi une formation pour la pratique d'ETP ?
|
1'50
|
Sophie
|
Moi j'ai suivi la formation continue de 40 h d'ETP. Le jeudi on
fait de l'ETP et les autres journées on est dans le service. Je suis sur
les deux programmes.
|
1'58
|
Malika
|
Avez-vous un temps dédié à l'ETP ?
|
1'60
|
Sophie
|
Oui j'ai 20% de mon temps sur mon planning du mois. Donc tous
les jeudis. Ce jour là... je suis de journée de 9h à 17h.
Je suis sur les deux programmes en fait.
|
2'11
|
Malika
|
De quels programmes s'agit-il ?
|
2'13
|
Sophie
|
Le programme pour les patients souffrant d'insuffisance
cardiaque...et...euh...le programme pour les patients atteints de troubles du
rythme ou de thromboemboliques.
|
2'24
|
Malika
|
Là, je viens d'assister pendant 40 mn à un
entretien entre vous et une patiente. S'agit-il d'un entretien
éducatif?
|
158
2'29
|
Sophie
|
On fait non...là...la dame est venue en consulte
externe non programmée. Le médecin a diagnostiqué une
arythmie, il l'a mis sous traitement anticoagulant, il m'a demandé de la
voir. Donc elle est là... sans vraiment comprendre. C'est...que sur
l'information.
|
2'41
|
Malika
|
Comment vous définissez l'information de
l'éducation et de la persuasion ?
|
2'44
|
Sophie
|
L'information on donne des infos...des indices...je dirais des
explications sur la maladie. On répond aux questions...voilà.
Mais l'éducation on parle sur la qualité de vie. La dame je lui
pose pleines de questions, j'ai l'impression que je suis un extra
terrestre...elle me dit vous avez peur que je me blesse. Et ben...euh...avec la
vie de tous les jours visiblement...il n'y a pas eu de changement au niveau des
habitudes de vie chez cette dame... alors qu'elle souffre d'une insuffisance
cardiaque. Ce n'est pas rien quoi. Vous faites toujours votre jardin. Lorsqu'on
a une insuffisance cardiaque chronique la personne ne peut pas faire tout
ça...Voilà. L'éducation c'est sur les maladies chroniques.
Par contre, si cette dame n'est pas convaincue et ne réalise pas, moi je
ne peux pas être persuasif. En éducation ce n'est pas le but,
déjà on ne peut pas imposer une éducation, en plus, si le
patient n'est pas d'accord pour un suivi thérapeutique ça ne va
pas se faire, on ne peut pas le convaincre, il faut discuter et trouver une
solution. Donc nous on l'aide, on l'accompagne dans sa maladie à trouver
des issues pour se rétablir. Elle... ça reste de l'aiguë et
ce n'est pas encore chronique. Elle parlait d'elle-même, mais elle ne
détaillait pas trop. J'ai un peu l'impression qu'elle est un peu
surprise de ce qui lui arrive. Elle a déjà fait un infarctus il y
a 6 ans... mais après...euh...l'arythmie c'est quelque chose qui arrive
après. Pour eux c'est passé, la crise est passée. Il y a
eu un traitement, il n'y a pas d'incidence pour la suite. Après elle
fait de l'hypertension depuis l'âge de 33 ans. Après l'alcool...ce
qu'elle a pu prendre...on pourrait le prendre en famille. Effectivement pour
certaines personnes ça peut se développer. Il y en a qui vont
sentir le palpitant. Mais après il y a une différence entre le
coeur qui va palpiter d'une façon régulière et
l'arythmie.
|
4'06
|
Malika
|
Vous définissez comment cet entretien ?
|
4'08
|
Sophie
|
Là pour elle la fonction est
déstructurée. C'est beaucoup plus éducatif mais moins
thérapeutique. Ma dame si je la verrai, on aurait fait le point sur le
comment elle vie, comment elle prend le traitement, est ce qu'il y a une
incidence par rapport à sa vie de tout les jours. Et je lui propose un
diagnostic éducatif. Là elle est venue en consulte, le
médecin lui annonce une arythmie et me demande si je peux la voir. Moi
je ne peux pas lui proposer d'emblé l'éducation, elle ne comprend
pas ce qui lui arrive.
|
4'32
|
Malika
|
Pourriez-vous me décrire le déroulement d'une
séance éducative ?
|
4'35
|
Sophie
|
Après les transmissions, je vais voir en individuel les
patients dans les chambres, c'est le jeudi...la personne je lui explique un peu
la pathologie, je lui présente un peu les planches pour voir si elle a
compris comment fonctionne son coeur. ...pour détecter ces
compétences... la personne va faire le lien. ...le jeudi en
séance sur rendez-vous, je lui pose des questions sur les facteurs
déclencheurs...je rebondis pour plus de détail...Elle sais que
l'alcool peut déclencher certaines choses, je ne vais pas travailler sur
ça. Elle a compris que c'est un des facteurs. Euh...l'hypertension je
demande comment elle gère...voilà. Après je lui demande si
elle voit quelque chose qui va rester dans le temps. L'arythmie c'est à
vie. Et les traitements...je ne sais pas si elle sait le rôle de chaque
traitement...donc je lui demande. Ce qu'elle a...c'est des crises qui peuvent
revenir. Je lui demande si elle se pose des questions, elle m'a dit...qu'elle
veut faire son jardin comme avant, je sais qu'elle n'aura plus les mêmes
capacités, donc on va travailler sur ce sujet, sur le risque de se
couper, si c'est le cas comment elle va réagir, qu'est ce qu'elle en
pense de tout ça voilà...euh ...à chaque séance, on
revoit les compétences et on réajuste...ensuite je trans sur
l'ordi...
|
5'36
|
Malika
|
A qui proposez-vous le programme d'ETP ?
|
5'38
|
Sophie
|
Le programme c'est le médecin et puis l'équipe
car ils sont éduqués sur le temps d'hospitalisation. Si on voit
bien que la personne a des ressources et peut développer des
compétences, on lui propose le programme. Ce n'est pas proposé
d'une manière directe, on ne fait pas remplir un consentement. Ce n'est
pas présenté par le médecin disant...vous aurez une
infirmière qui va vous faire de l'éducation.
|
5'58
|
Malika
|
Ça se passe comment?
|
5'60
|
Sophie
|
L'infirmière qui a le patient en charge sur son
secteur. C'est elle qui lui donne le traitement et évalue un peu ses
compétences. Elle l'éduque au traitement, la conduite à
tenir. Pour les patients qui sont sous anti-coagulant...l'infirmière va
prendre un temps donné dans sa journée et va prendre le patient
un p'tit temps pour lui expliquer qu'est ce que c'est le traitement et voir un
peu les compétences à développer s'il peut les
acquérir.
|
159
6'28
|
Malika
|
Pensez-vous que l'ETP doit être pratiqué par toutes
les infirmières ?
|
6'31
|
Sophie
|
Je pense que oui mais je ne sais pas si elles veulent
pratiquer l'ETP et changer d'habitude de travail...euh...déjà,
...elles ne sont pas formés pour, je ne sais pas si elles peuvent, car
c'est l'hôpital qui forme...euh...j'ai entendu que c'est une question de
moyens. Mais elles ont à leur disposition l'outil informatique farma
pour expliquer les médocs et pourquoi on les donne. Donc, elles
proposent l'ETP, sauf après, qu'elles ne gèrent pas. Mais pour
faire de l'éducation il faut plus de temps pour chaque patient,
après au moment des soins on ne peut pas faire l'éduc, je ne sais
pas, il faudrait une autre organisation peut être.
|
6'44
|
Malika
|
C'est qui forma?
|
6'45
|
Sophie
|
Elles sont formées à farma, c'est un
logiciel...un support qui présente les traitements qu'ils ont en cours.
En fait l'infirmière éduque à la conduite à tenir
en fait c'est pratico-pratique.
|
6'54
|
Malika
|
Et vous quel est votre rôle dans cette organisation ?
|
6'57
|
Sophie
|
Moi...à ceux qui on propose un diagnostic
éducation. Je retourne la conversation. Est-ce que vous connaissez ce
traitement ? IL va me dire ah ...j'ai un parent...un copain...un voisin...un
collègue par exemple qui le prend. A ce moment je commence à lui
poser des questions ouvertes sur comment son voisin vie...qu'est-ce qu'il fait
comme travail etc. Et là si ça l'intéresse je lui propose
un rendez-vous pour revenir et faire le diagnostic éducatif à
tête reposée.
|
7'32
|
Malika
|
La pratique d'ETP relève-t-elle d'une prescription
médicale ?
|
7'35
|
Sophie
|
En fait, le patient va rentrer dans un lit de cardiologie. Le
médecin va prescrire a traitement. Moi, si je vois que c'est un
traitement anticoagulant. En fait, on a deux programmes à proposer
dès la prescription du médicament sur pharma. Donc, le
médecin laisse un mémo sur l'ordi comme quoi le patient doit
être éduqué. Des fois on propose l'éducation sans
prescription du médecin. Mais on voit la posture du patient. Si c'est un
épisode d'une première arythmie le pauvre c'est compliqué.
Donc on attend 3 ou 4 jours pour commencer le parcours éducatif. Je fais
le diagnostic éducatif avec le patient sur l'ordi, je le recrute pour le
parcours éducatif et faire le suivi. Et là le suivi c'est que les
jeudis en individuel.
|
8'12
|
Malika
|
C'est quoi le parcours éducatif ?
|
8'14
|
Sophie
|
En fait le parcours éducatif...euh...pour rentrer le
patient dans le programme rarement on le fait avec le médecin. Il y a un
diagnostic éducatif initial qui doit être fait pour l'inclure
dedans. Nous... on propose d'emblée dès l'instauration du
traitement. Donc le programme est sur le temps d'hospitalisation. En
général on l'étale sur 3 jours à peu près.
Le diagnostic éducatif dure on va dire une heure. Les séances
éducatives aussi. Ensuite, je propose une date pour ça...pour
revoir les compétences. Par contre les 3/4 du temps les patients sont
hospitalisés. Donc...quand ils font leur séjour dans le
service... on les éduque pendant 3 jours. Puis... on leur propose un
rendez-vous de consultation. Une convocation à peu près 1 mois
après leur sortie de l'hospitalisation. Pour revoir les competences.
|
9'28
|
Malika
|
Vous avez un jour précis pour recevoir ces patients en
externe ?
|
9'31
|
Sophie
|
Oui c'est ce qu'on appelle la journée ETP et c'est tous
les jeudis. En fait l'éducation thérapeutique commence dans les
chambres avec mes collègues et moi je fais le suivi programmé les
jeudis en externe.
|
9'42
|
Malika
|
Comment procédez-vous pendant cette journée d'ETP
?
|
9'44
|
Sophie
|
Je reçois les patients en externe chaque jeudi qui est
consacré à l'éducation. Ils ont mis sur le marché
depuis 2 ans d'autres médicaments qui sont plus confortables. Les
patients n'ont pas besoin de faire des prises de sang pour voir si le
traitement est efficace et puis on leur demande plus d'avoir un régime
alimentaire particulier. Donc, j'explique c'est quoi le coeur en
présentant des cartes représentatives avec des schémas, on
parle des conséquences des efforts physiques, ce qu'on peut faire ou
pas, si problèmes je lui demande comment il va réagir, ce qu'il
en pense et tout ça, il faut que le patient parle et moi je le guide, et
je l'oriente, j'explique si besoin...Donc, on a réactualisé le
temps d'ETP.
|
10'14
|
Malika
|
Comment avez-vous réactualisé ce temps d'ETP, et en
faveur de qui ?
|
10'17
|
Sophie
|
En fait la séance pour le cognitif... il y a deux temps
éducatif... Chaque séance éducative dure environ
3heures...avant il y a avait 3 temps éducatifs pour les anciens
traitements. Parce que la compétence pratique de la prise de
sang...appeler le médecin.... Appeler l'infirmière pour expliquer
les résultats du sang...savoir lire un bilan sang. Ça on leur
demande plus de les acquérir parce que ça n'existe plus à
partir du moment où ils prennent leurs traitements. On
|
160
|
|
sait que c'est efficace. Donc pour nous c'est un temps
d'éducation en moins.
|
10'53
|
Malika
|
Quel genre de séance éducative pratiquez-vous ?
|
10'55
|
Sophie
|
Les séances c'est individuel, on ne fait pas de
séances collectives. On a fait l'année dernière une
séance collective. Ce n'était pas sur le temps d'hospi. Ça
demande du temps à mes collègues. Ça je ne peux pas faire
toute seule des séances de groupe. Les ateliers cognitifs c'est
impossible à faire sur le temps d'hospi parce qu'il faut faire toutes
les activités éducatives. On mise beaucoup de temps et souvent le
temps qui va être imparti. C'est souvent l'après midi et on a des
entrées et des sorties et des retours de bloc...etc. On ne peut
même pas dégager une heure pour ce genre de chose. Si on avait du
temps dédié pour faire du collective...oui.
|
11'42
|
Malika
|
Comment c'était la séance de groupe que vous avez
réalisé ?
|
11'45
|
Sophie
|
Ben...on l'a fait l'année dernière. Donc ce
n'est pas les collègues qui...euh...donc je l'ai faite. Souvent les
patients ne viennent pas. Sur les 8 patients convoqués, il y a que 4 qui
sont venus. Bon...ça été fait avec un jeu de rôle si
vous voulez et des discutions entre les patients. Ça partait un p'tit
peu dans tous les sens mais on recentrait un p'tit peu. Il y a des attentes.
Après le collectif il faut bien organiser. Il faut être sûr
que tout le monde vienne au bon moment et avoir une salle qui soit bien
adaptée. Là ici dans ce bureau si on est deux ça va
à peu près...euh...cette table je ne peux pas la retirer.
|
12'32
|
Malika
|
Où se passe l'accueil des patients en groupe ?
|
12'34
|
Sophie
|
En fait on n'a pas de salle. Avant ce bureau c'était un
bureau médical si vous voulez. Il y en a eu des départs. Ce
bureau...si toutefois il y a un nouveau médecin qui l'occupe.
Déjà cette table... n'est pas déjà très
confortable. On a d'autres salles à l'hôpital qu'on peut
réserver. Mais souvent le jeudi...peut être vous avez
déjà vu une de mes collègues à l'hôpital de
jour que souvent le jeudi matin prend cette salle. En fin je ne connais pas
trop son programme d'ETP. Il faut essayer de trouver une salle libre disponible
en sachant qu'il y a plusieurs intervenants à travailler ce
jour-là. Donc ce n'est pas évident. Avant c'était une
autre salle. C'était la salle des internes sur notre zone. Maintenant on
met tout le matériel médical du service dedans. Si toutefois il y
un autre médecin qui est recruté, il va demander un bureau et je
pense qu'il aura ce bureau. Je ne sais pas si le médecin m'autorise
à prendre son bureau pour l'activité ETP...ah...ça c'est
une de mes questions de cette après midi en réunion de service
sachant que la cadre va partir en septembre à l'école des cadres
et le nouveau médecin arrive en novembre. Moi je ne serai pas là
mais je m'inquiète pour mes collègues.
|
14'02
|
Malika
|
Comment vous concevez votre rôle par rapport aux deux
activités ?
|
14'05
|
Sophie
|
Quand on est dans l'éducation on n'est pas dans nos
attentes. On est plus sur les attentes des patients. Quand on est dans le
service on a des attentes médicales. On a les choses prescrites. On a de
la surveillance et effectivement on est sur notre activité de
travail...on est dans les deux rôles. Le rôle propre et le
rôle prescrit. L'ETP est intégrée au rôle propre elle
complète le soin. bien sûr.
|
14'38
|
Malika
|
Comment vous percevez votre comportement avec le patient avant et
après la pratique d'ETP ?
|
14'42
|
Sophie
|
Quand on fait la formation de 40 h...on vous parle de votre
positionnement en tant que soignante. Et vous vous rendez compte que même
au niveau de la vie de tous les jours pas que sur la vie professionnelle. On
est souvent dans...on va faire beaucoup de reproches auprès des
patients. On fait juste comme il faut...on va leur reprocher d'apprendre leurs
médicaments correctement, on ne supporte plus de leur expliquer des
choses. Et puis...on pense qu'ils ne comprennent rien...euh...Donc souvent le
soignant va se retrouver en train de dire...mais je perds du temps...On les
juge en fait...euh...oui oui on les juge sans le vouloir en fait. Peut
être parce qu'on a essayé de faire en sorte à tout bien
faire. Moi j'ai eu l'information qu'on materne les patients. On les dirige au
lieu de vouloir savoir qu'est ce qu'ils attendaient de nous. On les laisse dans
une position passive plutôt qu'attractive. Eux aussi ils se laissent
conditionner.
|
16'03
|
Malika
|
Comment vous vous positionnez actuellement par rapport au patient
?
|
16'07
|
Sophie
|
Depuis la formation on fait ça été une
évidence. Ils nous disent...il faut se mettre à la place du
patient. Là on ne voit que de l'extérieur. Mais on n'a pas
été voir ce qu'ils ont à l'intérieur. Et si on ne
pose pas beaucoup de questions ouvertes et on ne donne pas le temps aux
patients de s'exprimer et ben c'est que des questions par oui ou non. Ils vont
répondre par oui ou non. Il faut demander comment ils voient le retour
à domicile et tout ça. Il faut les valoriser et mettre ce qui est
bien en avant.
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16'40
|
Malika
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Comment définissez-vous votre posture actuelle ?
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161
16'43
|
Sophie
|
Ça arrive une période où je me suis
posé beaucoup de questions. Mais aussi dans ma vie personnelle avec mes
enfants. La formation a répondu un p'tit peu à des questions
comme l'autonomie. Je m'aperçois que ma façon d'aborder mes
enfants et là même qu'avec mes patients. Je ne les rendais pas
autonome. Alors je ne fais pas pareil par rapport aux patients. Mais au niveau
de l'autonomie, j'ai réalisé que ma posture elle était la
même à la maison qu'au travail. Cette prise de
conscience...voilà...je me suis posé plein de questions. La
formation m'a apportée une lumière, elle est tombée au bon
moment.
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17'33
|
Malika
|
Ce changement de comportement vous le constatez où ?
|
17'36
|
Sophie
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En fait j'ai perçu un changement par rapport à
mes collègues. Je suis plus dans l'écoute que dans l'attente. Ce
n'est pas pour toi que le patient doit faire ça...c'est plutôt
pour lui. Il n'est pas là pour vous faire plaisir et prendre son
médicament. Mais s'il ne veut pas le prendre c'est qu'il a une crainte.
A chaque fois que vous rentrez dans la chambre vous voulez le convaincre. Moi
je ne suis plus dans cette posture de convaincre... Je ne suis plus dans qu'est
ce qui vous empêche... Mais j'essaie de comprendre. Nous...on sait
certaines choses sur le traitement...lui non...Nous on est convaincu...lui
non.
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18'12
|
Malika
|
Ce changement. C'est que par rapport à l'écoute
?
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18'15
|
Sophie
|
Le changement par rapport à l'écoute...la
reformulation des questions...toujours la reformulation. L'écoute quand
on est fatigué du boulot on ne l'a pas forcément. Avant on ne le
faisait pas. On cherchait à convaincre le patient. Ça
j'étais forte. C'est une prise de conscience. Je me suis rendu compte
que... ce que je faisais ce n'est pas du tout ça. Je dis que la
formation est arrivée au bon moment. Il faut aussi retirer certaines
barrières.
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18'41
|
Malika
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De quelles barrières s'agit-il ?
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18'43
|
Sophie
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Comme la blouse, là je porte une blouse...ça
peut être une barrière. Ici c'est compliquer de retirer la blouse
au moment de l'ETP...parce qu'on est dans le même service. Je veux dire
en service de soins.
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18'56
|
Malika
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Etes-vous informé de l'introduction de la pratique d'ETP
aux programmes de formation des infirmières depuis 2009 ?
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19'02
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Sophie
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Par rapport à l'ETP les étudiants nous en
parlent. Ils ne sont pas trop en pratique quand ils sont en stage. Le programme
de 2009...je ne le connais pas assez. Justement je sais que l'ETP ça
fait partie des compétences qu'on doit valider. Après...ce qui
est dispensé à l'école ne rend pas compte. Les 40h par
rapport au DE c'est la mise en pratique qu'on fait.
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19'21
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Malika
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Comment vous percevez le rôle du patient en ETP ?
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19'24
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Sophie
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Le rôle du patient je veux dire c'est moi qui change.
Les changements, c'est dans mon organisation. Je ne suis plus dans le
rôle curatif...mes actions curatives. Le patient c'est moi qui lui dit,
qui lui laisse la parole ou pas pendant le soin. En éducation il est
acteur c'est lui qui parle.
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19'40
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Malika
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Comment vous vous organisez dans le service par rapport aux deux
activités ?
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19'44
|
Sophie
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Ce n'est pas facile de basculer du soin curatif au soin
éducatif. Il faut se poser. Les soins curatifs...on est dans l'action,
il faut toujours faire les choses vite...vite. Toujours très vite. On a
un timing et si on déborde et bien on sait qu'on va déborder sur
notre fin de journée. Donc on va finir plus tard. Si on ne finit pas le
soin ça engendre le stress. Quand je ne fais pas l'ETP les autres jours
j'arrive dans le service à 6h30 et je finis à 14h30. Il y a des
moments de transmissions. Le temps passé dans les chambres, les
traitements, les prises de sang, faire les pansements, faire le tour avec le
médecin...enfin c'est de l'aigu...donc forcément ils n'sont pas
bien. Il est déjà midi et il faut donner de nouveau les
traitements, il faut expliquer. L'après midi, je travaille de 14h15
à 21h15, généralement c'est la même chose au niveau
des traitements, des soins, sauf qu'on fait en plus les retours de bloc, les
surveillances...les préparations des dossiers.... Les imprévus,
les entrées, les sorties, les staffs, les réunions du service,
les trans écrites... L'éducation passe au second plan. Ce n'est
pas une priorité. Le curatif est prioritaire dans le service.
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20'34
|
Malika
|
Et pendant l'activité ETP?
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20'36
|
Sophie
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En éducation je suis hors maîtrise du temps. Un
temps de 3/4 h est accordé à chaque patient. Je gère le
temps. Ça n'engendre pas le stress...Mais psychologiquement il faut
être très dans l'écoute et c'est très fatiguant
moralement. Il faut retenir ce que dit le patient pour pouvoir reformuler. On
essaie de comprendre tout ce qu'il dit. Il faut être beaucoup dans
l'échange.
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20'59
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Malika
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Avez-vous aperçu des changements par rapport à
votre identité professionnelle ?
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21'03
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Sophie
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L'éducation a renforcé...oui ça a
changé mon identité. Ça bouscule dans mes habitudes. Mais
c'est bien. On a tous des choses cachées. Certaines ne veulent
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162
|
|
pas être éducatrices. Moi j'ai pris le risque. Je
ressens une transformation identitaire. Elle s'est faite déjà sur
le plan personnel on va dire. Elle continue sur l'axe professionnel. Je sais
ça me permet de grandir...grandir dans mon comportement, dans ma
façon d'être avec l'autre, de mon regard envers l'autre. Je change
de regard...euh...je maîtrise mieux. Maintenant je me questionne plus sur
mon comportement. Pourquoi je dis ça. Pourquoi je fais ça. Je ne
suis plus dans la même posture qu'avant. Je suis vraiment dans une
posture d'écoute. Ça fait 9 ans que je suis dans le service. On
ne remet pas forcément en question ses pratiques. Mais maintenant je
remets en question mes pratiques. Je ne me positionne plus de la même
façon. Il faut se remettre en question par rapport à la relation
soignant soigné. J'aimerai dire à mes collègues maintenant
je comprends pourquoi le patient ne se sent pas écouter par ce qu'on est
centré sur le soin inconsciemment sinon on ne fait pas ce
métier.
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24'38
|
Malika
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Vous communiquez entre vous les soignants par rapport à
vos comportements ?
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24'42
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Sophie
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Non non on ne discute pas de façon intime sur nos
habitudes de travail. Sur la prise de conscience, sur l'écoute. Par
exemple je vois ma collègue, il lui parle, elle fait autre chose en
même temps. Elle répond à côté...euh...c'est
normal, elle est centrée sur le soin. Elle n'a pas du tout la posture
d'écoute à ce moment. Après il y en a qui vont se remettre
en question peu être plus tard...euh...forcément. Bon...moi
j'observe ça reste moi. Mais je ne peux pas dire...euh...que c'est comme
ça qu'on doit faire...euh...c'est un peu...moi...j'ai fait la formation
en plus, j'ai plus de connaissance ça reste là. Ce n'est pas
évident de pouvoir écouter l'autre.
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24'31
|
Malika
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Travaillez-vous en équipe pluridisciplinaire pendant
l'activité ETP ?
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24'34
|
Sophie
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Non, je suis toute seule pendant la séance
éducative, autonome, responsable j'organise et je réalise la
séance... j'accompagne le patient dans son apprentissage...La
diète intervient dans le service pour les patients diabétiques,
pour les régimes en sel. Elle participe aux programmes d'ETP.
Normalement on travaille ensemble le diagnostic éducatif mais faute
d'aménagement du temps en commun on ne peut faire ensemble. Ben...chacun
fait de son côté quoi. Les kinés doivent intervenir
à un moment mais ils n'étaient pas près à
collaborer avec nous. Par contre on travaille avec une association
santé, on envoie les patients.
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25'04
|
Malika
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D'après vous. Il y a -t-il une relation entre les deux
activités ?
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25'07
|
Sophie
|
Se sont deux activités complètement
différentes. Je dis...euh...une purement technique et l'autre beaucoup
plus relationnelle. La pédagogie ça me plaisait.
L'éducation a renforcé mon côté éducatif.
J'aime les deux...j'aime bien le curatif mais l'éducation c'est un autre
moment. Mais je commence à me lasser du curatif parce que c'est
superficiel. « ...Il n'y a pas de communication véritable en soin
mise à part le geste technique...en éducation on est formateur,
le patient apprend pleins de choses c'est lui qui apporte l'information, moi je
réajuste... » On n'va pas connaître les patients, on est
satisfait de bien faire le soin, on n'a pas de retour du patient. La
communication ne va pas s'approfondir. On essaie de connaître la maladie
mais pour le malade s'il n'y a pas d'éducation derrière...pas
d'échange. En 'éducation, il y a l'échange, il apporte
l'information, il apprend.... Les deux se complètent...J'ai l'impression
qu'on apporte peu normalement on doit pratiquer les deux.
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25'14
|
Malika
|
Comment voyez-vous la bascule entre vos activités ?
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25'16
|
Sophie
|
Euh...en termes de casquette...ça tourne. Je fais les
soins intensifs. Je fais les soins de médecine. Je fais l'ETP et les
consultations externes aussi. Et quand il y les étudiants, il faut les
encadrer. Ça fait beaucoup de casquettes je veux dire...vous êtes
obligé de vous y adapter. Il y a des jours où on n'est pas
dedans, dans la casquette qu'il faut. Il faut alors...moi je me pose pour faire
le point et revoir les attentes de chaque activité. C'est une charge de
travail énorme. Mais après c'est bien de ne pas faire la routine.
Quand on est dans la routine on ne se remet pas en question. On ne prend pas du
recul sur ce qu'on fait. Je pense qu'il y a des gens qui ont peur du
changement. Même moi je pense que j'ai peur. C'est une charge de travail
en plus. E plus on n'a pas beaucoup de moyens pour bien réaliser l'ETP.
C'est la formation qui m'a aidé à changer...
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26'18
|
Malika
|
Que représente pour vous l'activité ETP ?
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26'20
|
Sophie
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L'éducation pour moi, c'est un moment d'échange,
où le patient puisse exprimer ce qu'il ressent, comment il gère
sa maladie. Il parle de son entourage, comment il se voit avec cette
maladie...euh...C'est aussi, un moment d'écoute de notre part,
d'attention, d'orientation, de...de reformulation aussi. Euh...je dirai c'est
à ce moment quand connaît mieux notre patient, du coup, c'est un
autre regard envers le patient, c'est aussi une autre prise en charge de la
maladie
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163
|
|
dans sa globalité. C'est la meilleure façon
d'aborder le patient, c'est une chance pour lui de s'exprimer, de
réaliser, d'en prendre conscience, surtout quand il entend les autres
qui vivent les mêmes choses que lui. Du coup il ne se sent pas seul,
donc, ...euh... c'est un temps de partage pour moi. Euh ...Ce n'est pas un
moment de compassion, ...euh...mais d'apprentissage, beaucoup d'apprentissage,
que ce soit pour nous ou pour les patients, voilà.
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28'01
|
Malika
|
Sollicitez-vous d'autres professionnels pour la
réalisation de la séance ETP ?
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28'04
|
Sophie
|
Non, moi je fais seule l'éducation le jeudi. Dès
fois j'assiste à l'entretien avec le médecin. Mais on ne fait pas
les séances de groupe, donc on ne travaille pas ensemble. Par contre je
peux contacter la diète pour un patient, lui prendre un rendez-vous.
Mais pour le kiné ou le psy, on peut orienter les patients vers eux si
le médecin voit que le patient en a besoin. Aussi, on peut contacter le
réseau pour recommander des patients.
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28'41
|
Malika
|
Quelle distinction faites-vous entre le temps du soin et le temps
ETP ?
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28'44
|
Sophie
|
La gestion du temps ce n'est pas du tout la même chose,
au moment du soin, on est pris par le temps, notre temps est partagé
entre le soin curatif et les autres taches. Il faut tout faire et finir
à temps, c'est super stressant, il faut être très
concentré dans le soin à faire et dans ce qui reste à
faire, et ça c'est très fatigant physiquement et moralement, on
court tout le temps après le temps...ah oui oui c'est ça. On n'a
pas le temps pour le patient...le soin prime le relationnel. En ETP, on a moins
cette notion du temps. On laisse le temps aux patients, bien sûr nous on
gère.
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29'21
|
Malika
|
Pourriez-vous me parler de vos outils en ETP.
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29'23
|
Sophie
|
D'abord, c'est l'informatique pour le diagnostic
éducatif, les entretiens du parcourt éducatif. Aussi pharma pour
l'éducation sur les médocs. On utilise la communication sur les
représentations qu'il a par rapport à la maladie, s'il
connaît. Euh...On explique c'est quoi le rôle du coeur, on utilise
des cartes des schémas, des prospectus ...tout ça. Donc, c'est le
patient qui parle la majorité des temps, nous on est dans
l'écoute, la reformulation si besoin...voila. Le choix des thèmes
c'est avec le patient...ça diffère d'un patient à un
autre. Donc, on prévoit, on planifie un programme éducatif...on
évalue on transmet... et tout ça. C'est la méthode et puis
donc les outils...on n'a pas vraiment le choix à part les cartes...pour
les moyens aussi on n'a pas vraiment les moyens, mes collègues sont pas
disponibles, moi je ne peux pas toute seuls, pas de salle voile, en plus
l'éduc n'est pas prioritaire dans le service et c'est dommage.
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30'32
|
Malika
|
Que pensez-vous des mesures éducatives ?
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30'34
|
Sophie
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C'est vrai qu'avec ces mesures éducatives tout est
claire, on gère mieux l'éducation, les patients sont mieux pris
en charge...euh...il y a les deux programmes déjà...avec un
support éducatif comme le dossier éducatif du patient sur l'ordi.
Euh...avant on n'avait pas le dossier éducatif c'était que le
dossier de soin. Euh...on ne faisait pas l'éducation, si mais pas
thérapeutique, c'est vraiment que sur les traitements, mais actuellement
c'est le patient qui devient acteur de sa maladie. Euh...nous on détecte
ses compétences d'apprentissage après on l'accompagne dans
l'acquisition de cet apprentissage, soit la connaissance de la maladie, comment
la gérer, qu'est- ce qu'il en pense, s'il a des connaissances et
là on intervient. Euh...donc, il y a les séances
éducatives pour ça, c'est vraiment un moment de partage avec le
patient sur son vécu, sa pathologie son entourage, son travail sur
comment il gère, avant il n'y avait pas ça. On n'était pas
formé pour ce genre de prise en charge. En plus il y a le réseau
de santé s'il ne veut pas revenir à l'hôpital, donc c'est
un accompagnement dans sa globalité pédagogique et curatif avant
c'était que le curatif.
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32'02
|
Malika
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Comment procédez-vous à l'évaluation de
l'ETP ?
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32'04
|
Sophie
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Alors, l'évaluation de l'éducation pour les
patients c'est au moment de revoir les objectifs avec le patient...euh...on
voit s'il a acquis les objectifs visés, si ça nécessite un
renforcement ou bien il faut tout revoir, pour quoi ça ne marche pas
qu'est ce qui fait que le patient rechute, on discute avec le médecin et
tout ça. Euh...sinon évaluer l'activité
thérapeutique en tant que tel, je dirai qu'on n'a pas d'outil pour
ça, pas de suivi pas de réunion pour exprimer nos
difficultés ou parler des problèmes de son application pour
l'instant rien, en fait j'ai l'impression que l'éducation ne passe pas
en priorité c'est l'urgence qui prime, en plus c'est tout nouveau l'ETP
à l'hôpital, ce n'est pas encore dans la culture des soignants.
Euh...et moi la seule référente je ne sais pas comment je vais
parler de l'éducation en réunion de service alors que personne ne
la pratique à part moi et ma collègue donc, voilà.
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33'36
|
Malika
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Je reviens à votre attitude. Adoptez-vous la même
attitude par rapport au deux activités ?
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33'40
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Sophie
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Non, non, peut-être avant oui, mais après la
formation, j'ai compris qu'il s'agit de deux activités
différentes. En soin j'ai une attitude de soignante on va dire...euh
concentré sur le soin, les questions son strict pour avoir l'info que je
veux voilà. Mais en ETP, j'ai une attitude d'écoute, plus
d'écoute pour
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164
|
|
pouvoir reformuler. Euh...et pour mettre le patient en
position d'échange...euh... En soin je ne suis pas dans l'écoute
je suis dans l'action, dans le geste...euh, même le patient il me laisse
faire...euh... donc il m'aide à être dans une attitude de... je
dirai... c'est moi qui commande peut-être j'exagère...mais c'est
ça en gros... Alors qu'on éducation mon attitude change,
...euh...je ne suis pas dans c'est moi qui fait, qui sais...voilà. Mais
je suis dans le partage, dans la communication...euh...quoi que mon attitude
à changer un peu j'essaie d'être à l'écoute
même en soin, je ne fais plus à la place du patient pour ce qu'il
peut faire et tout ça...euh...ça... ça s'apprend,
forcément.
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35'02
|
Malika
|
Sollicitez-vous des qualités spécifiques pour
être dans cette attitude éducative ?
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35'05
|
Sophie
|
Oui, forcément...euh...des qualités comme
l'écoute, savoir se mettre face au patient, lui donner le temps de
s'exprimer. ...Je dirai le savoir d'échange et de communication ce n'est
pas tout le monde qui l'a...euh...aussi se mettre au second
rôle...euh...ne pas être dans le jugement par rapport au
patient.... Avoir de la patience...euh...c'est difficile tout ça quand
on est pris dans le tourbillon des soins...euh...dès fois on est
dépassé et on remarque pas ou on ne fait pas attention au propos
du patient. ...euh...et si on n'a pas ces qualités on ne peut pas
pratiquer l'éducation et ça même si on l'a un peu dans
notre métier on l'apprend plus et on le renforce en formation.
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35'56
|
Malika
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Pensez-vous que l'ETP doit être pratiqué par toutes
les infirmières ?
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35'59
|
Sophie
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Pour les prises en charges des chroniques je dirai que oui, la
formation est nécessaire à tous les soignants... euh...ça
donne beaucoup d'outil de travail, le comportement avec le patient...notre
façon de faire, l'attitude et tout ça. Euh...au mois tout le
monde aura le même regard, les mêmes habitudes de travail.... Les
mêmes compétences. Aussi si on discute sur un patient ça
sera le même discours.... Mais je crois que l'éducation dans notre
service n'est pas assez prioritaire, on est toujours centré sur le
curatif, il y a beaucoup d'urgence, c'est la pathologie du coeur et ça
fait peur, c'est aussi une question d'organisation je trouve... Mais si les
soignants ne sont pas formés à l'ETP ils n'seront jamais de ses
pratiques et ne pourront pas l'intégrée à leurs pratiques
quotidiennes. Euh...en fait c'est une question de formation pour les gens, mais
comme je l'ai mentionné c'est aussi une question de budget et de
priorité je pense...voilà.
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37'28
|
Malika
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Avez-vous des choses à rajouter ?
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|
Sophie
|
C'est-à-dire que les patients qu'on a...la
majorité c'est des personnes âgées. Ils ne reviennent pas
forcément pour l'éducation. Venir à l'hôpital ce
n'est pas toujours agréable, en plus le transport n'est pas pris en
charge par la sécu. Je pense qu'on doit être une équipe
mobile qui va chez les gens...euh...pas forcément... peut-être il
faut juste un local à l'extérieur de l'hôpital. Une salle
de la mairie par exemple. On pourrait accueillir des patients qui soient
à proximité de leur domicile. Vous imaginez la
représentation. Ce n'est pas la même. Si ça revient
à nous, la consultation est gratuite. Donc ils ne payent pas le
transport ou le taxi. En plus l'hôpital est loin des habitants. Mais
c'est une idée. J'aimerai bien mais ce n'est pas réalisable
aujourd'hui...non. Déjà ce temps d'éducation est
accordé, aménagé. Mais...si l'équipe
médicale était en nombre, ce temps serait forcément
octroyé aux urgences comme avant. Je trouve qu'on en fait de moins en
moins l'éducation à cause des priorités. En plus ce n'est
pas rentable. Ça ne rapporte pas de sou à l'hôpital...ils
veulent des lits. C'est l'hôpital quoi.
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39'25
|
Malika
|
Merci pour ce temps d'échange.
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165