V.3.3.3. La grande chasse
D'après nos investigations et observations, la grande
chasse a considérablement baissé à Malouma grâce aux
efforts consentis par le conservateur du parc de Mwagne. Cependant il semble
que des chasseurs du village Komambela viennent exercer cette activité
dans ce secteur. C'est à Ekata que l'exercice de la grande chasse est
évident. Elle est pratiquée principalement
Alyas Aimé LIBESHY MOUNDENDA, Elève
Ingénieur des Techniques des Eaux et Forêts. ENEF, juillet 2005.
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Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
par des pygmées à l'aide des carabines et des
lances introduites dans le canon d'un fusil de type calibre 12 chargé.
Cette activité est également pratiquée par des sujets
congolais qui pénètrent depuis le Congo pour chasser dans la zone
de la Zadié. Les chasseurs nous ont certifiés qu'ils rencontrent
constamment ces chasseurs et nous avons également pu observer leurs
pistes dans cette zone à 15 km du village. Certains trafiquants louent
des carabines ou des fusils de guerres au Congo et les confient aux
pygmées qui sont des spécialistes de cette chasse. Les
éléphants sont d'abord chassés pour leurs pointes d'ivoire
qui génère des revenus importants. Par crainte de
l'administration des Eaux et Forêts, La viande est souvent laissée
sur place après le forfait. Celle-ci est consommée par les
villageois en cas de découverte et si elle est encore de bonne
qualité.
La chasse des grands singes est pratiquement inexistante car
ces espèces sont difficiles à rencontrer dans le secteur.
V.3.4. Le portage
Dans le secteur concerné par notre étude, le
portage ne constitue pas une activité à part entière. Il
est confondu dans l'activité de chasse. Les chasseurs portent
eux-mêmes leurs gibiers ou se font aider par d'autres personnes, souvent
des membres de leur famille. Pour diminuer le poids, ils boucanent une partie
du gibier dans des campements satellites et transportent l'autre partie de
viande en état frais à l'aide des sacs ou de hottes. Sur des
longues distances, les chasseurs piègent en groupe pour s'entraider lors
du transport du gibier.
V.3.5. Le prélèvement
Le tableau ci-dessous résume les
prélèvements effectués dans le secteur Malouma-Ekata
pendant une période de 23 jours, en nombre d'individus et par ordre.
Ce tableau nous montre que le taux de
prélèvement journalier est environ de 27 individus soit 91.80 kg.
Les espèces les plus prélevées sont Cephalophus
callipygus, Cephalophus monticola et Atherurus
africanus.
Tableau n° 12 : Espèces prélevées.
Ordre
|
Nom pilote
|
Nom scientifique
|
Quantité
|
Poids moy (Kg)
|
Poids total (Kg)
|
Artiodactyle
|
Céphalophe bleu
|
Cephalophus monticola
|
40
|
5,75
|
230
|
Céphalophe de bai
|
Cephalophus dorsalis
|
17
|
18,5
|
314,5
|
Céphalophe à dos jaune
|
Cephalophus sylvicultor
|
2
|
55
|
110
|
Céphalophe de peters
|
Cephalophus callipygus
|
49
|
17
|
833
|
Potamochère
|
Potamocherus porcus
|
6
|
72,5
|
435
|
Chevrotain aquatique
|
Hyemoschus aquaticus
|
2
|
11,5
|
23
|
Sous total
|
116
|
|
1945,5
|
Carnivore
|
Civette
|
Viverra civetta
|
5
|
13,5
|
67,5
|
Nandinie
|
Nandinia binotata
|
1
|
2,5
|
2,5
|
Sous total
|
6
|
|
70
|
Rodentia (Rongeurs)
|
Athérure
|
Atherurus africanus
|
18
|
2,75
|
49,5
|
Aulacode
|
Tryonomis swinderianus
|
2
|
2,5
|
5
|
Rat de Gambie
|
Cricetomys gambianus
|
1
|
1,2
|
1,2
|
Sous total
|
21
|
|
55,7
|
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Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
|
|
Pholidote
|
Pangolin à écailles tricuspides
|
Manis tricuspis
|
2
|
1,5
|
3
|
Sous total
|
|
2
|
|
3
|
Testudinata
|
Tortue d'eau douce
|
Pelusio gabonensis
|
1
|
2,3
|
2,3
|
Sous total
|
1
|
|
2,3
|
Primates
|
Hocheur
|
Cercopithecus nictitans
|
1
|
5
|
5
|
Moustac
|
Cecopithecus cephus
|
3
|
3,5
|
10,5
|
Colobe noir
|
Colobus satanas
|
1
|
12
|
12
|
Sous total
|
5
|
|
27,5
|
Oiseaux
|
Pintade commune
|
Numida meleagris
|
6
|
1,2
|
7.2
|
Sous total
|
6
|
|
7,2
|
Total général
|
157
|
|
Si l'on considère la durée (23 jours) et le
nombre de gibiers prélevés (157), on se rend compte que le taux
de prélèvement journalier dans le secteur Malouma-Ekata (6,82)
est légèrement supérieur à celui
d'Assok-Begué (5), (Moro Eyi, 2001).
Artiodactyle Testudinata Rongeurs Oiseaux Carnivores Primates
Pholidote

Repartition des espèces
prélévées par ordre 1%
3%
4%
4%
13%
1%
74%
Figure n° 2 : Répartition des espèces
prélevées par ordre
On remarque que :
- Les ordres Artiodactyles et Rongeurs sont largement
majoritaires dans le secteur ; - Les ordres Testudinata et Pholidote sont
minoritaires.
Cette répartition a également été
obtenue par Vanwijnsberghe à Odzala en 1996.
La large prédominance des Artiodactyles et des rongeurs
est due à l'utilisation massive du piégeage dans le secteur. La
faible part des primates qui sont pourtant abondant dans la zone peut
s'expliquer par la crainte de l'épidémie d'Ebola.
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Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
Repartition des espèces
prélévées par statut
Integralement protégés
Partiellement protégés
Non protégés

1% 5%
94%
La figure 3 révèle que parmi les espèces
prélevées, les espèces intégralement
protégées représentent 1 % et les animaux partiellement
protégés représentent 5%. Ces taux peuvent être
rassurant dans la perspective de la conservation de ces espèces.
Toutefois nous pouvons nuancer ce sentiment d'espérance sachant que cela
peut tout aussi bien signifier que ces espèces deviennent rares en
forêt d'où l'intérêt d'un inventaire poussé
sur la population de ces espèces.
V.3.6. La vente
Pour la filière de vente de gibier, on distingue trois
niveaux en fonction du client :
- La vente directe aux villageois : Ce mode de vente est
très courant. La viande ramenée de forêt est exposée
le long de la route en gigot ou en entier. Mais il existe une autre technique
de vente de la viande qui est très prisée par les villageois,
c'est celle de découper la viande en des petits morceaux appelés
vulgairement « qui va vite ». Ces morceaux sont vendus à 100
FCFA l'unité.
- Ecoulement par les chasseurs à Mékambo :
Certains chasseurs écoulent eux même leur produit de chasse sur
Mékambo où ils les vendent aux restaurateurs et aux particuliers.
Ce mode de vente est difficile car la circulation des véhicules dans le
secteur est rare.
- La vente à un revendeur : les chasseurs sont
abonnés à des revendeurs qui périodiquement et sur
rendez-vous se déplacent pour acheter la viande pour ensuite la
revendre au marché de Mékambo ou aux restaurateurs
et aux particuliers fortunés.
Tableau n° 13 : Coût de quelques espèces
Espèces
|
Prix (Fcfa)
|
Céphalophe bleu
|
2.000
|
Céphalophe
|
Gigot
|
1.000
|
|
Entier
|
6.000/7.000
|
Potamochère
|
Gigot
|
2.000/2.500
|
|
Entier
|
15.000
|
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Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
|
|
Singe moyen
|
2.000/2500
|
Athérure
|
2.000
|
Pangolin géant
|
10.000
|
Pangolin à écaille
|
1.500
|
Civette
|
1.500
|
Rat de Gambie
|
500
|
Pintade
|
800
|
Peau de panthère
|
15.000
|
Les prix ont été relevés dans les villages
Malouma et Ekata.
Comparativement avec les prix pratiqués à
Assok-Begué et relevés par Moro Eyi en 2000, ces prix sont plus
faibles mais pratiquement les mêmes avec ceux pratiqués à
Mbomo au Congo (Vanwijnsberghe, 1996). L'enclavement dans lequel se trouve le
secteur Malouma-Ekata explique ces prix très bas.
Ces prix peuvent être revus à la baisse en cas de
négociation ou en fonction de la qualité de la viande.
Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
V.4. Conflit Homme/animal
Le conflit homme animal est un conflit qui survient
après des dégâts matériels ou corporels
causés par un animal sur l'homme ou ses biens. Le cas le plus
récurent est celui de l'éléphant à cause de
l'importance de ses dégâts et des conséquences qui en
découlent. Dans notre secteur d'étude, c'est à Malouma
où des dégâts d'éléphants ont
été constatés. En effet, nous avons visités des
champs dévastés par des éléphants et ce
malgré le fait que les villageois ne parcourent pas de longues distances
pour faire les plantations (2 km au maximum). Cette situation est d'autant plus
probable que les premiers signes d'éléphant sont observables
à partir d'une distance de 1.5 km du village. Ces dégâts
ont pour corollaire la famine qui se manifeste par la pénurie de
maniocs, bananes et autres produits alimentaires issus de l'agriculture.
D'après les villageois, la fréquence des dégâts est
estimée à une fois tous les deux mois.
Les dégâts corporels ne sont pas en reste. Il
nous a été rapporté qu'en l'an 2001 un chef de
regroupement du village Malouma était décédé suite
à une charge d'un éléphant en forêt. Toute chose qui
nécessite l'intervention des autorités compétentes pour
enrayer ce phénomène au risque de voir les villageois se faire
justice ouvrant ainsi une large porte aux braconniers. Signalons que des
dégâts sont aussi causés par des rongeurs dans les champs
de manioc, de bananes et d'arachides.
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Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
Recommandations.
Bien qu'étant indispensable à la survie des
populations du secteur Malouma-Ekata, la chasse villageoise telle qu'elle est
pratiquée représente une grande menace sur la faune du massif
forestier de Mwagné. Aussi, pour freiner ce phénomène
récurrent et gérer de façon rationnelle les ressources
fauniques dans ce massif forestier nous faisons quelques recommandations
à l'endroit des différents acteurs de la gestion de ces
ressources :
A l'administration des Eaux et Forêts :
- Instaurer des contrôles réguliers sur les axes
routiers Mekambo-Malouma et Mekambo-Ekata ;
- Mener des campagnes de sensibilisation sur la chasse ; -
Officialiser la limite de 20 km ;
- Limiter à 15 km la plus longue distance à
laquelle peut se trouver un campement de chasse.
Au CNPN et le WWF :
- Former et mettre sur le terrain des écogardes pour le
Parc National de Mwagné ;
- Faire des études de reconnaissance afin d'évaluer
les ressources animales ;
- Instaurer des contrôles qui visent la grande chasse, y
inclus la chasse transfrontalière ;
- Faire un monitoring à long terme de la chasse
villageoise afin d'évaluer sa durabilité et sa dynamique
spatiale
Au Ministère de l'Intérieur :
- Etablir un poste de contrôle à la frontière
avec le Congo.
Etude de la chasse villageoise dans le massif forestier
de Mwagne : secteur Malouma-Ekata
Conclusion
A l'issue de notre travail, il nous semble opportun de
reconnaître que la chasse villageoise occupe une très grande place
dans le cycle des activités des populations du secteur Malouma-Ekata.
Elle représente pour elles une source de protéines abondantes et
de qualité incontournable. En outre elle constitue la seule
activité sûre qui leur garantie le minimum de ressources
pécuniaires indispensables à la satisfaction de leurs besoins
quotidiens.
Cette prépondérance de la chasse n'est pas sans
conséquences :
- La pression de chasse est de plus en plus forte dans le secteur
;
- L'accroissement de la chasse d'éléphants
motivée par sa grande rentabilité ; - La diminution de gibier
dans les zones proches des villages.
Les espèces les plus menacées par la chasse sont
les céphalophes et les rongeurs qui subissent une dégradation
quantitative.
La proximité du secteur avec le Congo et l'absence d'un
poste de contrôle à la frontière sont des facteurs
importants dans l'augmentation de la pression de la chasse ne
générale et de la grande chasse en particulier.
Par ailleurs, au regard des résultats obtenus dans
notre étude, il nous convient de dire que la stratégie de gestion
de la chasse villageoise basée sur le model des 20 km de part et d'autre
de la route peut être appliquée à Malouma et à Ekata
sans que cela ne gène les villageois.
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Références
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