SUJET : CONTRAINTES ET FACTEURS DE VULNERABILITES
ET DE CRISES LIES A L'EAU
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PLAN :
INTODUCTION
I - CONTRAINTES LIES A L'EAU
1 - SOCIO-ECONOMIQUE
2 - ECOLOGIQUE
II - FACTEURS DE VUNERABILITES LIES A L'EAU
1 - CHANGEMENTS CLIMATIQUES
2 - CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE
III-LES CRISES LIEES A L'EAU
1- CONFLITS
2- STRESS HYDRIQUE
CONCLUSION
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INTRODUCTION
L'eau est l'une des ressources naturelles les plus
précieuses de notre système planétaire. Sa quantité
est constamment renouvelée sur la terre du fait de processus
d'interaction entre l'atmosphère le ciel et elle-même,
appelé cycle globale de l'eau. Malgré qu'elle ait
été reconnue comme un droit universel, plus de souffrances et de
conflits surgissent au dépend de l'eau que de tout autres facteurs
confondus. L'augmentation de la population usagers à elle seul ne
saurait expliquer le risque accru de pénurie d'eau, à cela
s'ajouterai les facteurs naturels et/ou anthropiques. Autant de facteurs de
vulnérabilité compromettant la configuration de sa
disponibilité et sa raréfaction entant que produit ont
été suspectés et tout semble indiquer que cette situation
va de mal en pire si des mesures corrections et préventives ne sont pas
implémentées. L'eau est un bien mondiale, sa gestion concerne un
grand nombre d'acteurs et à différents niveau et espace
géopolitique, elle s'exerce sur une multiplicité d'échelle
géographiques, ce qui lui confère un caractère
conflictogéne.
I - CONTRAINTES LIEES A L'EAU
Définition de contrainte. Etymologie
: du latin « constringere», lier, resserrer, enchaîner,
contraindre, réprimer. Une contrainte est une
violence ou une pression exercée contre une personne pour l'obliger
à faire quelque chose ou pour l'empêcher de faire ce qu'elle
voudrait. Elle peut être physique ou morale.
En 2013, sur les 7 milliards de Terriens, entre 2 et 4
milliards n'ont pas un accès satisfaisant à l'
eau
potable. 90 % de l'eau utilisée sert à nourrir
les populations. Dans les 25 prochaines années, l'essor
démographique et la hausse des niveaux de vie que va connaître
notre planète s'accompagnera nécessairement d'une explosion de
l'utilisation de l'eau alors qu'il faudra également préserver les
milieux naturels.
1-SOCIO-ECONOMIQUE
Le facteur social
Sur Terre, l'eau douce est relativement abondante mais elle n'est
pas bien répartie entre les différents pays ou régions du
globe. Et, à mesure que la population mondiale augmente, les besoins en
eau de l'humanité ne cessent de croître. L'eau pourrait devenir,
au XXIe siècle, un enjeu politique et économique
comparable à ce que fut, par exemple, le pétrole durant les
dernières décennies.
Les Nations Unies tablent sur un accroissement de la population
mondiale de deux milliards d'individus d'ici 2050 ; la Terre compterait alors 9
milliards d'habitants. Cette croissance démographique concernera
essentiellement des pays en développement, dont bon nombre connaissent
déjà des difficultés dans le domaine de l'eau. Ce seul
fait suffit à appréhender les risques à venir de tensions
accrues sur les ressources d'eau, au niveau mondial. En effet, pour
répondre à la demande alimentaire, il faudra doubler la
production agricole et trouver 4 500 km3 d'eau douce supplémentaire par
an (source : BRGM - 2011).
Si l'approche internationale de la gestion des ressources
n'évolue pas significativement dans les prochaines années, les
deux tiers de la population mondiale pourraient subir des manques d'eau plus ou
moins forts dès 2025. Les inégalités risquent de se
creuser, puisque les besoins vont souvent s'accroître là où
les ressources sont déjà faibles (Moyen-Orient, zones arides de
l'Afrique...)
Le facteur économique
A cela s'ajoute le facteur économique : les besoins
augmentant, les coûts de mobilisation des ressources deviendront d'autant
plus élevés que ces dernières seront difficiles à
exploiter. Beaucoup des pays concernés par ces problèmes de
pénurie sont en développement et ne pourront peut-être pas
assumer ces implications financières. Pour certains pays, les
problèmes d'eau constitueront donc un frein au développement.
Une gestion plus rationnelle des ressources en eau, un recours
à des techniques d'irrigation plus efficientes et moins gourmandes en
eau, le développement de processus industriels moins polluants et plus
économes en eau sont autant de facteurs susceptibles d'infléchir
plus ou moins sensiblement ces prévisions.
L'impact, difficile à prévoir, d'éventuelles
modifications d'ordre climatique, profondes au niveau mondial ou
régional, doit être pris en compte. Même si les avis
divergent beaucoup sur ce point, des hypothèses telles que
l'accentuation des écarts entre climats arides et humides,
l'irrégularité plus forte des précipitations
saisonnières ou annuelles, l'extension de l'aridité dans
certaines zones auraient des conséquences directes sur la
répartition, et donc la gestion des ressources.
2-ECOLOGIQUE
Impacter le moins possible la ressource, sur les plans
quantitatifs et qualitatifs
Minimiser l'ensemble des prélèvements d'eau, mais
surtout ceux qui ont lieu dans les eaux souterraines profondes, donc
prélever l'eau autant que possible dans la ressource renouvelable, dans
les cours d'eau de préférence ou sinon dans les nappes de
surface, et la recycler au maximum. Ne pas oublier que les eaux
météoriques (qui tombent du ciel sous la forme de pluie,
grêle ou neige) s'intègrent tout naturellement dans la ressource
en eau renouvelable de moindre qualité dont l'exploitation est à
privilégier devant celle des nappes profondes. Minimiser la pollution
des eaux de surface et des eaux souterraines, charge organique, microbes et
substances toxiques d'origine médicamenteuse ou autre. C'est une
nécessité écologique mais aussi sanitaire.
Nos modèles d'alimentation en eau potable et
d'assainissement ont été inventés au siècle dernier
sans contraintes écologiques. Ils sont énergivores, ont des
impacts inacceptables sur la ressource en eau et entraînent les pays qui
les utilisent dans une fuite en avant technologique et financière. Ce
diagnostic est largement partagé : "le modèle occidental de
gestion de l'eau n'est pas adapté au niveau de développement et
il n'est pas la panacée(2)" ou encore "Le problème qui
se présente en France est le manque de mesures par rapport à la
pollution souterraine. On n'en parle pas suffisamment. Les eaux souterraines
sont les ressources en eaux des prochains millénaires et on ne les
connaît pas. En France comme ailleurs, on exploite donc encore
très mal ces ressources. Dans 50 ans, si on continue comme ça, on
peut craindre une pénurie nationale. La France devra alors s'asseoir
avec les pays riverains pour trouver des solutions. La crise de l'eau est quant
à elle commencée dans le reste du monde. Il faut aussi comprendre
que le changement climatique entraîne l'appauvrissement de l'eau. Il
existe des gestes simples (pour éviter cette pénurie d'eau en
France). Le problème est qu'ils ne sont pas tous défendables
politiquement car ils risquent de toucher des intérêts
énormes. La production agroalimentaire serait à changer, il
faudrait repenser toute la politique agricole, repenser le développement
économique du pays. Mais vous imaginez la complexité que cela
représente pour les hommes politiques et leurs intérêts !
Surtout en France, où il est difficile de bousculer les choses.
Là est tout le problème"(3).
Dilution des rejets, pollution organique et contamination
microbiologique des cours d'eau
Malgré tous les progrès techniques
réalisés, nos systèmes
d'assainissements(4) n'éliminent qu'une partie de la pollution
organique et des microorganismes pathogènes(5) des effluents
domestiques. Ils n'en n'éliminent pas non plus les microcontaminants
toxiques comme par exemple les substances médicamenteuses ou les
nanoparticules dont on commence seulement à découvrir les effets
délétères sur les organismes aquatiques(6). Ils ont donc
un impact très significatif. En France par exemple, l'essentiel de la
pollution organique, la moitié de la pollution phosphorée et une
grande partie des contaminations microbiologiques des cours d'eau proviennent
des systèmes d'assainissement. La présence de pathogènes
fécaux, même après traitement, empêche le recyclage
des eaux usées et constitue un problème sanitaire grave dans les
pays chauds. Bien que l'essentiel de la matière organique, la
moitié du phosphore et l'essentiel des pathogènes contenus dans
les effluents domestiques proviennent uniquement de nos lisiers(7), ces
derniers ne représentent qu'un centième environ du volume total
des effluents domestiques. Le reste de la pollution des effluents domestiques
provient des eaux de lavages dites "eaux grises", et contient essentiellement
du phosphore et des tensio-actifs apportés par les agents lavant. Diluer
d'un facteur 100 les substances polluantes avant de les traiter constitue une
véritable aberration à cause du mauvais rendement
épuratoire et de la consommation énergétique accrue. Cette
dilution a lieu à l'intérieur des habitations suite au
mélange avec les eaux des chasses d'eau et avec les eaux grises mais
aussi à l'intérieur des réseaux d'assainissement suite aux
entrées inévitables d'eaux de ruissellement des routes et
à la collecte de rejets industriels et sauvages. A cette gabegie
énergétique et écologique que constitue le fait de diluer
la pollution avant de la traiter, s'ajoute l'aberration de l'introduction des
papiers hygiéniques dans les effluents : chaque année en France
par exemple, environ 800000 tonnes de papiers sont transportés, via les
réseaux d'assainissement, jusqu'aux stations d'épuration. Autant
d'énergie et d'arbres gâchés, alors que le bon sens
voudrait qu'on les recycle directement. De plus, ces papiers séjournent
dans les eaux usées et y larguent des substances toxiques, qui
s'ajoutent à tous les produits chimiques que l'on déverse dans
les cuvettes des toilettes pour en éliminer la saleté et les
odeurs, et qui se retrouveront in fine dans les cours d'eau.
Réutilisation problématique en agriculture
des boues des stations d'épuration
Nos lisiers sont une source équilibrée d'azote, de
phosphore, de potassium et de matière organique précieuse pour
les sols agricoles ou forestiers. Mais les boues organiques produites à
partir des effluents domestiques contiennent des substances toxiques
(métaux lourds, hydrocarbures, etc.) suite à leur dilution dans
le réseau d'assainissement. On ne peut donc pas les réutiliser
sans danger pour les sols et la ressource en eau
II-FACTEURS DE VULNERABILITES
Caractéristique sociale, économique, physique
(matérielle) ou naturelle d'une collectivité ou d'un
élément exposé, susceptible de les rendre plus sensibles
à la manifestation d'un ou de plusieurs aléas.
1-CHANGEMENTS CLIMATIQUES
L'eau- est-elle devenue une grosse victime des changements
climatiques en Afrique ? Selon le Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du
Climat (GIEC), 20 % des problèmes globaux de l'eau résultent du
réchauffement climatique. La crise de l'eau et les changements
climatiques sont devenues des réalités similitudes et cruciales
pour l'humanité. « La crise de l'eau douce est aussi important et
représente la même menace que les changements climatiques »
comme le souligne PNUD(2007) dans le RMDH 2007.
De ce fait, plusieurs millions de personnes au sud et en
particulier en Afrique luttent au quotidien pour survivre aux caprices du
climat. Il est à noter que les maux qui minent l'Afrique, les maladies,
l'insécurité alimentaire, les sous infrastructures de base, l'eau
apparaît comme une victime des changements climatiques. Les conditions
climatiques extrêmes prennent des dimensions dramatiques dans les pays
subsahariennes et voire toute l'Afrique. De longues périodes de
sécheresses dictent leur loi dérogeant ainsi les cycles de
saisons ; des pluies diluviennes accompagnées d'inondations sont des
maîtresses détruisant ainsi les bases existentielles des
populations vulnérables dans les contrées du continent africain
le plus frappé par les variabilités climatiques. Le cycle normal
de l'eau est rompu et compromet la distribution et l'utilisation des ressources
en eau. L'insécurité de l'eau est la conséquence de sa
rareté physique, elle-même le résultat de facteurs
climatiques ou géographiques.
Les agents climatiques qui jouent un rôle dans la
disponibilité de la ressource en eau sont essentiellement les
précipitations, la température
et la demande évaporative. Les récents travaux
du GIEC, constitue un enjeu capital pour les régions sèches
affectées par la désertification et soumises à la
variabilité et aux extrêmes climatique. Le GIEC prévoit par
ailleurs, le tarissement des fleuves dans de nombreuses zones du continent
africain. En effet déjà, plusieurs zones
sahélo-sahélienne sont confrontées à des
ensablements des cours d'eaux et des fleuves ; c'est le cas du fleuve Niger.
Le volume d'eau du fleuve Niger a fortement diminué au
cours de ces dernières années. La Banque Mondiale dans un
rapport redoute que les changements climatiques coupent l'accès
à l'eau à des milliards de personnes dans les prochaines
décennies du siècle. Cette situation risque de s'accentuer au
cours de cette dernière décennie à avenir avec la hausse
de température liée au réchauffement climatique accru.
Même si le changement climatique n'est pas la cause
principale de la crise de l'eau, il pourrait générer des impacts
très négatifs sur les ressources en eau et leur gestion en
exerçant une pression de plus en plus forte sur les eaux de surface et
souterraines. Le changement climatique devrait influer sur la quantité
et la qualité de l'eau. Les périodes de sécheresse,
d'inondation, d'ouragan et de mousson sont de plus en plus
sévères et affectent plus particulièrement les populations
des pays en développement. La hausse des températures
entraîne une augmentation de l'évaporation et de la fonte des
glaciers et réduit ainsi la fiabilité et la qualité de
l'approvisionnement en eau. Dans les zones côtières, les impacts
du changement climatique seront aggravés par la hausse de la mer et la
baisse du niveau des eaux souterraines, qui pourraient causer une intrusion
d'eau salée dans les aquifères côtiers. Les inondations et
les crues dépendent de l'intensité, du volume, de la
répartition dans le temps des précipitations et de l'état
antérieur des cours d'eau. L'augmentation observée de
l'intensité des précipitations indique que le changement
climatique a d'ores et déjà une incidence sur l'intensité
et la fréquence des crues
Il est largement prouvé par des relevés
d'observations et des projections climatiques que les sources d'eau douce sont
vulnérables et auront à souffrir gravement du changement
climatique, avec de grandes répercussions sur les sociétés
humaines et sur les écosystèmes. La disponibilité de la
ressource en eau est également affectée par des facteurs non
climatiques comme le changement d'affectation des terres, la construction et la
gestion de réservoirs, l'émission de polluants, le traitement des
eaux usées, mais aussi par l'usage fait de la ressource, ce tout
causé par l'expansion démographique.
CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE
La croissance de la population mondiale augmente les besoins en
eau de 64 milliards de mètres cubes chaque année, soit plus de 2
millions de litres chaque seconde. D'ici 2080, il faudra pomper deux fois plus
'eau pour satisfaire les besoins de l'humanité. La fourchette
estimée de la consommation d'eau en 2080 varie de 7 000 à 10 0000
km3Le monde est confronté à une urbanisation et un taux de
croissance démographique sans précédent, principalement
dans les pays en développement. En 2008, l'humanité a franchi une
étape, avec plus de la moitié de la population mondiale vivant
dans des zones urbaines. En2030, la population urbaine en Afrique et en
Asie devrait doubler par rapport à 2000 et les villes des pays en
développement constitueront près de 80% de la population
mondiale. Les villes des pays en développement
sont en expansion avec des taux de croissance comparables à ceux des
villes européennes au 19ème siècle et éprouvent les
mêmes difficultés, notamment le manque d'accès aux services
de base tels que l'eau et de l'assainissement.
Cette explosion démographique exerce une pression
sur l'accès à l'eau et à l'assainissement et
augmente la dégradation des ressources. Au
cours des dernières décennies, la demande en eau a
augmenté deux fois plus vite que la population, ce qui
conduit à des pénuries d'eau
généralisées et à des crises de l'eau.
On constate, par ailleurs, de fortes disparités dans
l'accès à l'eau et à l'assainissement entre les zones
urbaines et les zones rurales et entre les pauvres et les riches
ménages urbains. En général, l'accès à
l'eau et à l'assainissement est relativement meilleur dans les
zones urbaines que dans les zones rurales même si l'accès à
l'eau et à l'assainissement progresse moins vite dans les villes du fait
de la croissance urbaine.
De l'eau pour tous : les effets de la croissance
démographique Les effets de la pression de la croissance
démographique sur les ressources en eau douce sont aggravés par
la concentration des populations dans les zones urbaines,
particulièrement dans les régions du monde où le niveau de
développement est faible. Dans les pays du «Tiers Monde», on
assiste de plus en plus à une montée des revendications pour une
plus grande et plus juste répartition de l'eau (l'eau comme bien
inaliénable), mais celles-ci se heurtent parfois aux compagnies
privées (généralement situées dans les pays
développés de l'hémisphère nord) qui
possèdent les capitaux et les savoir-faire en matière
d'opérations hydrauliques. La croissance démographique a
également une incidence directe sur l'augmentation des besoins
alimentaires :
· l'UNICEF estime à 3 000 litres par jour la
quantité d'eau nécessaire à la fabrication des produits
d'alimentation, contre 30 litres pour se laver,
· la FAO estime que les surfaces irriguées
augmenteront d'environ 14 % d'ici à 2035. L'agriculture devra
répondre à la nécessité de produire davantage tout
en réduisant sa consommation en eau.
LES POLITIQUES DE GESTION
Beaucoup de pays ne disposent pas de politiques nationales en
matière d'eau, ce qui constitue un handicap majeur car c'est la
politique qui sert de fondement à la législation, à la
planification stratégique et à la gestion opérationnelle.
Même lorsqu'il existe des politiques, elles sont souvent
inappropriées, et la législation en matière d'eau est mal
élaborée dans plusieurs cas. C'est notamment le cas au niveau des
problèmes liés à la qualité de l'eau, qui ne font
pratiquement l'objet d'aucune législation
Le niveau de la gestion présente un problème
particulier. Pour des raisons opérationnelles, il est indispensable de
décentraliser la gestion de l'eau jusqu'au niveau des limites
hydrologiques, c'est-à-dire du bassin versant des affluents ; cependant,
ces limites ne correspondent pas toujours aux frontières
administratives. La détermination des limites les plus adéquates
constitue un défi majeur pour lequel il ne saurait y avoir une
réponse simple. Afin de garantir l'efficacité et la
durabilité de la gestion de l'eau, il faudrait la décentraliser
jusqu'au niveau approprié le plus bas et dans l'espace
géographique le moins étendu. L'absence de discipline et de
transparence au sein de nombreux organismes de l'Etat et de services
d'utilité publique est à l'origine d'un cercle vicieux de
problèmes dont l'exploitation inefficace des systèmes, la
mauvaise maintenance, la facturation laissant à désirer et des
taux de recouvrement encore moins satisfaisants, des déperditions d'eau
importantes et des pertes financières. Des prestations non fiables se
traduisent dans l'ensemble par une moindre disposition à payer. De
nombreux pays membres régionaux confrontés à ce
problème reconnaissent qu'il faudrait de toute urgence restructurer et
décentraliser le secteur de l'approvisionnement en eau.
Il existe au moins cinquante-quatre (54) masses d'eau qui
traversent ou constituent des frontières internationales en Afrique.
Très peu d'entre elles sont conjointement gérées. La
dépendance des pays situés en aval vis - à - vis de ceux
qui se trouvent en amont pour ce qui est de l'accès à l'eau ou
à sa mise en valeur constitue une menace potentielle pour la
stabilité et la paix régionales. Une approche
intégrée de la gestion des ressources en eau requiert la
coopération régionale en vue de la gestion conjointe des cours
d'eau internationaux.
III-LES CRISES LIEES A L'EAU
Une crise est un
événement social ou personnel qui se caractérise par un
paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes, pouvant
produire des explosions de violence ou de révolte.
1-STRESS HYDRIQUE
On assiste à un stress
hydrique lorsque la demande en eau dépasse la
quantité disponible pendant une certaine période ou lorsque sa
mauvaise qualité en limite l'usage.
La Terre, riche de formes de vie diverses et abondantes et de 6
milliards d'humains, se trouve confrontée à une grave crise de
l'eau. Tout indique que celle-ci est en train de s'aggraver et qu'elle
continuera à le faire si des mesures correctives ne sont pas prises. La
crise concerne la gestion des ressources et elle est provoquée par les
manières dont nous utilisons l'eau. Mais la véritable
tragédie est l'impact de cette crise sur la vie quotidienne des
populations pauvres, qui souffrent de maladies liées à l'eau,
vivent dans des environnements dégradés et souvent dangereux, et
qui luttent pour éduquer leurs enfants, gagner leur vie et se
nourrir.
L'environnement naturel subit également cette crise. Il
ploie sous les montagnes de déchets déversés de
manière quotidienne et subit abus et exploitations qui ne tiennent
guère compte, semble-t-il, des futures conséquences et des
futures générations.
En vérité, ce sont les problèmes d'attitude
et de comportement qui sont au coeur de la crise. Nous connaissons la plupart
des problèmes (mais pas tous) et sommes généralement
capables de les localiser. Nous possédons les connaissances et
compétences nous permettant de commencer à les résoudre.
Nous avons élaboré d'excellents concepts, comme ceux
d'équité et de durabilité. Pourtant, l'inertie de nos
dirigeants et une population mondiale qui n'est pas pleinement consciente de
l'ampleur du problème (et dans bien des cas dans l'incapacité
d'agir pour y remédier) font que nous ne prenons pas les mesures
correctives nécessaires à temps et ne mettons pas en pratique nos
concepts.
Pour l'humanité, la pauvreté d'une part importante
de la population mondiale est à la fois un symptôme et une cause
de la crise de l'eau. En améliorant l'accès des pauvres à
une eau mieux gérée, on peut fortement contribuer à
éliminer la pauvreté. Une meilleure gestion de l'eau nous
permettra d'aborder le problème de la pénurie croissante d'eau
dans de nombreuses régions du monde en développement.
La résolution de la crise de l'eau et de ses multiples
facettes n'est qu'un des défis auxquels l'humanité est
confrontée à l'aube de ce troisième millénaire, et
c'est dans ce contexte que ce problème doit être envisagé.
Nous devons l'inscrire dans un scénario global de résolution des
problèmes et des conflits. Pourtant, de toutes les crises sociales et
naturelles auxquelles nous devons faire face, c'est de celle-ci que
dépend notre survie et celle de notre planète Terre.
Un stress hydrique qui touche une large partie du
globe
Le stress hydrique - autrement dit, une ressource insuffisante
pour
répondre aux
différentes activités humaines et aux besoins de l''
environnement -
commence lorsque la disponibilité en eau est inférieure à
1 700 mètres cubes par an et par
personne. Quasiment les trois quarts des habitants des
pays arabes vivent en dessous du seuil de pénurie établi, lui,
à 1 000 m3 par an, et près de la
moitié se trouvent dans une situation extrême avec moins de
500 m3, en '
Egypte, en '
Libye notamment.
Les projets de centres de dessalement se multiplient pour
produire de
l'eau potable dans les régions du monde qui en ont les moyens, comme en
Californie ou dans les pays arabes. À elle seule, l''
Arabie
saoudite souhaite se
doter de
16 nouvelles usines fonctionnant à l'énergie '
nucléaire.
Les eaux souterraines de plus en plus
surexploitées
Stress des eaux souterraines : prélèvements sur la
recharge annuelle (en %). Rapport ONU-Eau
Les aquifères souterrains fournissent de l'eau potable
à la moitié de la '
population mondiale. Mais
un sur cinq est surexploité. Largement dévolus à
l'irrigation intensive - comme dans le nord de la Chine où le niveau de
la nappe phréatique est descendu de 40 mètres en quelques
années -, les prélèvements excessifs accentuent les
risques de glissement de terrain et favorisent surtout les entrées de
sel, rendant à terme l'eau inconsommable. Avec l'élévation
du niveau de la mer, des grandes '
villes voient ainsi la
qualité de l'eau douce de leurs aquifères menacée,
notamment Shanghai, en Chine, et Dacca, au '
Bangladesh. Et des îles
du Pacifique comme Tuvalu et Samoa sont contraintes d'importer de plus en plus
d'eau douce. La pénétration de sel représente aussi une
inquiétude pour les régions méditerranéennes
françaises.
L''
Inde est souvent citée en
exemple au chapitre de l'exploitation non-durable de la ressource souterraine.
En 1960, le pays était équipé de moins d'un million
de puits ; en 2000, il en comptait 19 millions. Toute cette
ressource prélevée au moyen de pompes a permis d'accroître
fortement la productivité agricole et de
réduire le
niveau de pauvreté. Mais le choix de l'irrigation se paie aujourd'hui
non seulement par de graves '
pollutions, mais aussi parce que
les pannes d'électricité dues au manque d'eau pour faire
fonctionner les centrales thermiques sont monnaie courante.
La consommation d'eau
D'ici 2050, la demande en eau devrait
augmenter de
55 %, non seulement sous la pression d'une population croissante (la Terre
comptera alors 9,5 milliards de personnes), mais aussi parce que la '
consommation s'envole.
Les besoins de l''
industrie devraient
exploser de
400 % d'ici-là. Quant au secteur agricole, ses
prélèvements actuels ne sont pas soutenables, estiment les
experts. Entre 1961 et 2009, les terres cultivées se sont
étendues de 12 %, tandis que les superficies irriguées
augmentaient de 117 %.
Il faudrait
rendre l'agriculture
moins gourmande afin qu'elle puisse
nourrir de
plus en plus d'humains, sans
contaminer pour
autant la ressource ni
polluer davantage
l'environnement.
Avoir recours
aux eaux usées, une fois traitées, pourrait
contribuer à
relever ce
défi.
Enfin, les rapporteurs de l'ONU rappellent l'impératif
d'accroître les efforts pour
ménager les
ressources, car les écosystèmes sont en déclin, en
particulier les zones humides. Or, celles-ci rendent des services sans commune
mesure. L'ONU-Eau cite une étude de 2014 qui évalue à
20 000 milliards de dollars (19 000 milliards d'euros) les
pertes dues à leur détérioration, et qui montre
qu'investir pour la préservation de l'environnement s'avère
très rentable.
2-CONFLITS
LES CONFLITS
Quelle que soit la source consultée pour affiner la
définition du mot « conflit », on trouve les racines
latines confligere et conflictus, c'est-à-dire
le désaccord et l'affrontement. Si l'on s'en tient au domaine de l'eau,
les désaccords sont innombrables mais les affrontements peu nombreux.
le géographe canadien Frédéric Lasserre a
recensé, notamment en Afrique, des dizaines de conflits liés
à l'eau, pour la plupart cependant de faible intensité :
autour du Nil, entre l'Égypte et l'Éthiopie (1979, puis 1991,
puis plus récemment) ; autour de
l'Okavango, entre la Namibie et le Botswana (1989-93)
jusqu'à la mise en place d'une Commission mixte du bassin de
l'Okavango ; autour du Sénégal, avec des révoltes
violentes en Mauritanie (1989) déclenchant l'exode des populations
noires vers le Sénégal ; à la frontière
Mauritanie-Mali (1999), où les conflits d'usage entre villageois sont
récurrents ; autour du fleuve Tana (Kenya, 2001), pour
l'accès à l'eau et aux pâturages ; autour des puits
dans la région d'El Bur,au nord de Mogadiscio (Somalie) entre 2004
et 2006 (plus de 250 morts), etc.
Nous sommes donc à la marge d'une géographie des
conflits. Néanmoins, le croisement de la géographie physique
(orographie, hydrologies marine et continentale, climatologie) et de la
géographie politique (les conflits de pouvoir, les frontières)
donne à l'hydro-politique un assez bon terrain d'application. Il sera
donc proposé ici d'identifier, sur le continent africain, les principaux
risques de conflit en jouant avec les échelles (des conflits d'usage
locaux aux grands barrages). Les conflits sociaux inévitablement
provoqués par les nouvelles règles d'accès à l'eau
potable seront également abordés. Et nous commencerons par la
principale cause - potentielle ou réelle - de crise
interétatique : les bassins versants transfrontaliers.
Les bassins
transfrontaliers
À l'évidence, la géographie physique
facilite les études de cas. Sachant qu'on appelle bassin versant
l'espace (la surface) où les précipitations s'écoulent
vers un exutoire commun, et que le territoire ainsi défini est
limité par une « ligne de partage des eaux »
parfaitement visible et cartographiable sans contestation possible, nous
disposons d'un cadre idéal. En outre, le principal moteur de la
dynamique à l'oeuvre étant la « pente » -
facteur plus ou moins oublié depuis que l'homme prétend
maîtriser la nature - la plupart des enjeux hydro-politiques sont faciles
à appréhender, et les stratèges à l'ancienne
savaient, comme le répétait souvent le général de
Gaulle, que « qui tient le haut tient le bas ».
Le continent africain compte sept grands bassins fluviaux
transfrontaliers (Nil, Niger, Tchad, Congo, Orange, Okavango et Limpopo). Sans
atteindre le nombre d'États traversés par le Danube (19),
plusieurs d'entre eux ont été sérieusement
fragmentés par le tracé des frontières nationales au
lendemain des Indépendances. C'est surtout le cas du Niger, autrefois
« seulement » partagé entre la France et le Royaume
Uni et aujourd'hui entre 11 pays, mais aussi du Congo (13 pays), du Nil (11) et
du Tchad, seul grand bassin endoréique d'Afrique, qui concerne de
près ou de loin 8 pays.
Si l'homme s'est permis de tracer des frontières
politiques (et linéaires) sur un continent qui, pendant la
période précoloniale, ignorait ce concept, il n'en a pas pour
autant effacé la zonation climatique. Or celle-ci
détermine le régime et le débit des grands fleuves
concernés. L'espace est alors rattrapé par le temps, dans la
mesure où le décalage entre le pic de la saison des pluies sur le
haut cours et la crue sur le cours inférieur détermine des
activités de contre-saison souvent vitales pour des dizaines de milliers
de riverains. Le Niger, le Chari (principal tributaire du lac Tchad) et surtout
le Nil en sont les meilleures illustrations.
Le Nil
C'est un cas d'école en hydro-politique. En effet, sur les
11 pays concernés par le bassin du Nil, l'Égypte est le plus
vulnérable, car 95 % de l'eau du Nil viennent des pays voisins, et
son utilisation concerne 150 millions de personnes. Le plus long fleuve
6 du
monde (6 671 km) prend sa source (Nil Blanc) dans le lac Victoria
(partagé entre l'Ouganda, la Tanzanie et le Kenya), mais il
reçoit l'essentiel de son alimentation - entre 84 et 90 % - du Nil
Bleu, qui dévale des hautes terres éthiopiennes où tombent
des précipitations abondantes. Et où la population a connu une
croissance démographique spectaculaire dans les deux dernières
décennies.
La configuration géographique du cours du Nil
(fig. 1) a largement contribué à l'existence de
l'Égypte et à la prospérité agricole de son cours
inférieur. Les énormes masses d'eau qui traversent le
désert avant de rejoindre la Méditerranée sont au coeur de
la vie égyptienne, et si l'on réduisait cette alimentation, les
conséquences humaines seraient désastreuses. Du temps où
il colonisait l'Égypte, le Royaume Uni l'avait bien compris, il avait
signé avec l'Italie dès 1891 le Protocole de Rome fixant les
frontières entre l'Éthiopie et le Soudan mais interdisant
également toute tentative de modifier le débit du fleuve Atbara
(dernier affluent du Nil). En 1902, le Royaume Uni prenait d'autres
précautions en signant avec l'empereur Ménélik II un
traité par lequel ce dernier s'engageait à ne jamais entreprendre
d'aménagements sur le Nil Bleu sans son autorisation...
Par la suite, des accords importants ont été
signés entre l'Égypte et le Soudan (sous administration
bipartite) : en 1929, on s'est mis d'accord pour octroyer
48 milliards de m3 d'eau du Nil par an à l'Egypte,
et 4 milliards au Soudan. Puis, en 1959, on a porté les volumes
respectifs à 55,5 et 18,5 milliards. Par ailleurs, les pays en
amont se sont engagés à ne pas priver l'Égypte de cette
eau.
Figure 1 - Configuration géographique du
Nil
Agrandir
Original
(jpeg, 632k)
C'est dans ce contexte et dans cet esprit que de grands barrages
(Assouan, Assiout) ont régulé le débit du Nil en
Égypte. Mais le Soudan a également construit des barrages, en
particulier sur le Nil Bleu, et l'Éthiopie pourrait être
tentée d'en faire autant. En outre, la Tanzanie et le Kenya ont
commencé à pomper l'eau du lac Victoria pour irriguer 4 à
5 millions d'hectares de terres agricoles dont ils ont un besoin
impératif. Et cinq autres pays sont concernés par le bassin
versant du Nil (Rwanda, Burundi, Congo et plus lointainement
l'Érythrée, la Centrafrique). Ce sont donc bien onze pays qui
« tiennent entre leurs mains » la sécurité de
l'Égypte, alors que celle-ci n'est formellement protégée
que par l'accord signé avec le Soudan en 1959. On comprend que la
tension ait pu être vive en 1995 entre les deux pays, quand le Soudan a
envisagé de construire un nouveau barrage : des troupes ont
été massées à la frontière, quelques
incidents frontaliers ont eu lieu, et la crise a atteint le niveau 3 sur
l'échelle d'intensité du HIIK.
Il était donc urgent que soit créée, en
1999, l'Initiative du Bassin du Nil (IBN), à laquelle participent
actuellement neuf des États concernés autour d'une
« vision commune ». Mais l'Égypte et le Soudan
semblent s'arc-bouter sur les volumes décidés en 1959. Les
autorités du Caire l'ont clairement réaffirmé lors d'une
réunion de l'IBN tenue à Charm el Cheikh en 2010, et
confirmé en février 2011 à Goma en rappelant
fermement qu'il s'agissait pour l'Égypte d'une question de
« sécurité nationale » et qu'elle
se réservait la possibilité de prendre toutes les
mesures nécessaires à la défense de ses droits
historiques.
Entre temps, l'Éthiopie, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda et
la Tanzanie avaient signé, le 14 avril 2010, un accord de
coopération sur le partage du fleuve. La République
Démocratique du Congo (RDC) et le Burundi ne s'y étaient pas
associés à cause de la pression de l'Égypte.
On le voit, le risque de conflit est relativement
élevé, d'autant plus qu'un élément nouveau vient
d'intervenir dans le jeu hydro-politique : la création du nouvel
État du Sud-Soudan, décidée par le
référendum de janvier 2011, et qui prendra effet le
9 juillet 2011. Ce nouvel État contrôlera un bief important
du Nil Blanc, notamment la zone des marais du Sudd qu'on avait commencé
à canaliser pour éviter ce qu'on considérait comme une
trop grande déperdition de l'eau du fleuve. Il s'agit du canal Jonglei,
entrepris en 1978, mais dont les travaux ont été stoppés
en 1984 par la rébellion alors que la moitié était
réalisée. L'Égypte aurait alors gagné entre 4 et
8 milliards de m3. En juillet 2011, le Sud-Soudan
constituera le douzième État concerné par le bassin
versant du Nil, et il ne sera pas le moins actif.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette étude de
cas ? À l'évidence, un État a terriblement besoin de
l'eau du Nil : l'Égypte (1 million de km2,
83 millions d'habitants dont 1/3 est âgé de moins de 14 ans,
et dont 95 % vivent sur les rives d'El Bahr). Pour cette raison, elle a
toujours été en pointe dans les négociations, mais aussi
toujours prête à montrer sa puissance militaire.
L'Égypte ne rentrera jamais en guerre dans la
région si ce n'est pour une question d'eau, déclarait Nasser.
Un autre État va être contraint de se mêler
davantage au jeu hydro politique (et « qui tient le haut tient le
bas ») : l'Éthiopie (1,1 million de km2,
85 millions d'habitants), maîtresse du Nil Bleu, pays où
80 % de la population vit de l'agriculture (qui représente
90 % des recettes d'exportation). L'Éthiopie a été
très affaiblie par une longue guerre contre l'Érythrée, et
par une guerre civile. Classée parmi les 10 pays les plus pauvres du
monde, elle n'a plus de débouché maritime autre que le port de
Djibouti, et doit faire face à une très forte croissance
démographique, avec un taux naturel de 2,56 % et un indice de
fécondité de 5,22.
Et le troisième est en cours de mutation (partition) et en
crise (Darfour) : le Soudan (2,5 millions de km2,
40 millions d'habitants), pays dont la population est encore
majoritairement agro-pastorale avec des conflits d'usage qui marquent surtout
la micro-économie de l'eau et placent l'hydro-politique à une
autre échelle, sans en amoindrir les risques.
Cette région d'Afrique doit donc être
surveillée de très près, et il n'est pas anodin qu'existe
une cellule à l'US State Department (Washington) qui
établit des scénarios sur l'avenir à court terme.
Le Niger
Le cas du Niger est très particulier : c'est un
fleuve qui mesure 4 200 km de long, pour un dénivelé de
seulement 800 m, qui donne l'impression de se tromper de chemin et de
prendre le Sahara pour la mer. Il y dessine d'ailleurs un delta
intérieur autour de Tombouctou avant de reprendre la pente vers le Sud.
À Mopti, il est à moins de 300 m (298 m) et il lui
reste pourtant encore 2 500 km à parcourir avant d'atteindre
l'océan Atlantique (fig. 2). Sa pente moyenne n'est que de
1,2 cm/100 m, soit 0,01 %.
Figure 2 - Configuration géographique du
fleuve Niger
Agrandir
Original
(jpeg, 524k)
C'est peu dire qu'il paresse, car il est soumis à des
saisons des pluies très irrégulières Là encore, la
« nature » a son mot à dire : du fait de
l'itinéraire suivi par son cours, le Niger connaît plusieurs
régimes pluviométriques, du tropical très humide en
Guinée au subdésertique au Mali et au Niger, avec une
évaporation très forte et des infiltrations dans le sable
importantes. Il est également soumis à des
prélèvements de plus en plus lourds eu égard à une
pression démographique guère moindre que dans le cas
précédent. Il a d'ailleurs cessé de couler sous le pont
Kennedy à Niamey en juin 1985 puis en août 2003. Ces
deux alertes ont peut-être accéléré la prise de
conscience collective, mais les initiatives communes d'envergure sont encore
attendues...
Les caractéristiques hydrographiques du Niger en font donc
un cas d'école hydro-politique très intéressant. Comme le
Nil, c'est une lame d'eau vitale qui irrigue des espaces désertiques
selon un calendrier décalé mais, à la différence du
Bahr, elle achève son périple dans un pays (le Nigeria) qui
dispose d'autres approvisionnements. Pour autant, les problèmes du
partage politique sont également nés de la colonisation et de
l'occupation de l'Ouest africain par deux grandes puissances : la France,
qui a pris possession des « terres légères »
du Sahara, et le Royaume Uni qui a préféré se concentrer
sur la région sub-deltaïque où elle envisageait de
développer la culture du palmier à huile. Dès lors, les
frontières - balkanisées ensuite après les
Indépendances - se sont mises en travers du bassin versant (Bouquet,
2004).
Conflits d'usage et transferts
massifs
Il convient de passer du terroir où les conflits d'usage
concernent les cultivateurs, les éleveurs et, parfois, les
pêcheurs, déclenchant quelquefois de véritables guerres
(Darfour), au territoire où des États pensent à mettre au
point un plan de transfert massif d'eau entre le fleuve Congo et le lac Tchad,
mettant en péril des équilibres agro-pastoraux anciens, en
feignant d'oublier que les accords internationaux ont toujours un double :
les désaccords internationaux.
À l'échelle du
terroir, les conflits d'usage
Avec la croissance démographique, particulièrement
forte en Afrique subsaharienne puisque la croissance naturelle dépasse
encore 2,5 %, la terre est devenue un bien recherché et, plus
encore, la terre bénéficiant de précipitations suffisantes
ou de possibilités d'irrigation. Il fut un temps où le continent
était incontestablement sous-peuplé et où chacun trouvait
largement sa place. Puis les oppositions entre agriculteurs sédentaires
et éleveurs nomades se sont multipliées et aggravées,
conduisant à des crises estimées de moyenne intensité par
le HIIK, avant de monter d'un ou deux crans dans le cas de la guerre du
Darfour.
Pour bien comprendre, il faut rappeler quel est le statut de la
terre dans cette partie du monde : elle « appartient »
à celui qui la cultive (et les arbres
« appartiennent » à ceux qui les ont
plantés). En réalité, la notion
d'« appartenance » ne convient pas dans la culture rurale
de l'Afrique sahélienne, car les parcelles sont occupées par les
paysans qui les mettent en valeur, souvent selon une référence
à un lointain droit du sang, mais qui s'effacera si l'occupant ne
cultive plus.
Et, dans le cas du Darfour, comme au Ouaddaï voisin, comme
au Kanem et dans toutes les savanes ouest-africaines, cette terre est libre
dans le créneau de temps où elle n'est pas cultivée,
c'est-à-dire juste après la récolte et juste avant les
labours. Les éleveurs peuvent donc parcourir ces terres
« à contre-saison ». Au Tchad et au Soudan, ils en
profitent souvent pour récolter la gomme arabique des acacias dont ils
sont détenteurs.
Au Darfour, la cohabitation entre éleveurs et cultivateurs
a été rendue compliquée par les sécheresses
à répétition des deux dernières décennies,
et les premiers ont muté en Jinjawid (« cavaliers
diables », cavaliers armés de fusils d'assaut belges de type
G3). Ils ont commencé à terroriser les seconds pour qu'ils fuient
leurs terres de culture et les abandonnent aux éleveurs, à la
recherche de pâturages. Le début de la guerre du Darfour
était donc indirectement une guerre de l'eau née du croisement
entre une péjoration de la pluviométrie et une pression
démographique forte. Avec le temps, elle est devenue très
meurtrière et a déplacé des centaines de milliers de
personnes ; plus d'un million sont encore dans des camps
contrôlés par le Haut Commissariat aux Réfugiés
(HCR), et au moins autant dans des agglomérations de fortune.
L'exemple soudanais d'alternance de l'occupation des terres dans
le temps attire l'attention sur l'une des caractéristiques fondamentales
des systèmes agraires dans les milieux secs africains :
l'exploitation des terres à contre-saison, et notamment à la
décrue. En effet, les cours d'eau, les lacs, les mares, connaissent une
crue annuelle décalée dans le temps, c'est-à-dire
intervenant quelques semaines après le pic de précipitations de
la saison des pluies, puis une décrue au cours de laquelle les terres,
qui ont été inondées, s'exondent tout en conservant une
forte humidité, surtout si ce sont des vertisols (argiles à
montmorillonite).
Cette opportunité a naturellement été
repérée de longue date par les populations riveraines des
fleuves, rivières et mares résiduelles. Au fur et à mesure
que se retire la lame d'eau, elles sèment des céréales,
généralement du maïs, ou bien du sorgho de décrue
(c'est le berbéré des Arabes tchadiens, ou
le muskwari des Kirdi du Nord-Cameroun). Il s'agit d'une
pratique qui suppose une parfaite connaissance de la micro topographie des
lieux, mais elle concerne des dizaines de milliers de paysans dans les Savanes
et le Sahel ouest-africains. Tout le sud du bassin tchadien - toute la partie
argileuse - est concerné. Dans les bonnes années, cette culture
de décrue assure une seconde récolte, à contre-saison,
dont le produit est nécessaire aux besoins alimentaires du groupe.
Il est aisé de comprendre que les parcelles ainsi
exploitées sont très recherchées, non seulement par les
cultivateurs auxquels s'applique un régime foncier très strict
(gare à celui qui n'exploitera pas sa micro-parcelle), mais aussi par
les éleveurs qui savent que là où pousse le maïs ou
le sorgho pousserait tout aussi bien l'herbe prisée par leurs animaux,
et qui ont également besoin de couloirs de passage pour que leurs
bêtes aillent boire. Quant aux pêcheurs, ils se croient volontiers
« propriétaires » des mares résiduelles dans
lesquelles ils se livrent saisonnièrement à de véritables
pêches miraculeuses quand il reste peu d'eau.
Comment équilibrer les droits, toujours dans ce contexte
de pression sur la terre ? La Banque mondiale a, certes, eu la (mauvaise)
idée de « sécuriser » les parcelles en
invitant chaque exploitant à demander un titre de
propriété. Mais sur quels critères, droit du sol ou droit
du sang ? En attendant que les guichets fonciers nouvellement
installés dans les campagnes achèvent de bouleverser le droit
coutumier, les différentes communautés continuent d'exploiter
à l'ancienne les terres de décrue, et le littoral du lac Tchad en
offre une illustration pertinente.
Conflits sociaux pour l'eau
potable
Au cas où il ne serait pas trouvé suffisamment de
causes de conflits, le nouvel ordre économique mondial a pris quelques
décisions lourdes, fortement menaçantes pour la paix sociale, et
donc potentiellement « conflictogéne ». C'est ainsi
que l'année même (1992) où le premier Sommet de la Terre
affirmait, à Stockholm, que le concept de
« développement durable » incluait un volet social
pesant aussi lourd que les volets économique et environnemental,
d'autres experts en mondialisation s'accordaient à Dublin, dans la plus
grande discrétion, sur les termes d'une Déclaration qui allait
avoir de graves conséquences sur le mode de vie des plus pauvres
habitants de la planète, soit plus d'un milliard de personnes.
Enrobé au coeur de considérations
lénifiantes :
L'eau douce - ressource fragile et non renouvelable - est
indispensable à la vie, au développement et à
l'environnement ; la gestion et la mise en valeur des ressources en eau
doivent associer usagers, planificateurs et décideurs à tous les
échelons ; les femmes jouent un rôle essentiel dans
l'approvisionnement, la gestion et la préservation de l'eau.
Un point fondamental en matière de choix de
société a été officiellement acté dans ce
qui allait devenir la « Déclaration de
Dublin » :
L'eau, utilisée à de multiples fins, a une valeur
économique et devrait donc être reconnue comme bien
économique,
CONCLUSION
Les projections pour la demande globale en eau d'ici 2050,
s'établissent à +55%, une hausse en grande partie due à
une augmentation des besoins industriels et aux taux de croissance
démographique. Ces statistiques alarmants dus à son
caractère vulnérable de l'eau doivent nous guider sur la mise en
place de politique de gestion intégrés et participatives
décente ressource. Dans ce contexte, le défi auquel nous faisons
face est celui de la connaissance et de la répartition, afin de
répondre de manière équitable, tout en faisant face
à une pression grandissante d'origine économique, au risque accru
de pénurie.
L'Afrique a été reconnue comme le continent le plus
vulnérable aux changements climatiques. Une adaptation au changement
climatique qui appelle à la résilience du climat devrait
être au coeur de toute activité de développement. Compte
tenu de l'importance des ressources en eau et des infrastructures hydrauliques
dans le développement économique et social du monde, il faudrait
investir suffisamment pour s'adapter au changement climatique afin d'assurer
leur disponibilité et leur utilisation durable.
Schaubergerdisait (l'eau est le sang de la
terre, le support de toute vie)
SOURCES :
Christian Bouquet, « Conflits et risques de
conflits liés à l'eau en Afrique », Les
Cahiers d'Outre-mer [En ligne], 255 | Juillet-Septembre
2011, mis en ligne le 01 juillet 2014, consultéle 18 décembre
2016. URL : http://com.revues.org/6283 ; DOI :
10.4000/com.6283
SOURCE : Extrait du premier
Rapport
mondial sur la mise en valeur de l'eau dans le monde,
réalisé conjointement par 23 organismes des Nations Unies dont le
PNUE.
BARON C., MAILLEFERT M. (2011) Une lecture institutionnaliste de
la gouvernance de l'eau potable : des terrains d'Afrique de l'Ouest
francophone aux faits
stylisés, Régions&Cohésion, Volume 1,
Issue 3, Winter, 7-33.
BONNASSIEUX A., COLLETIS G., CAPELLER W., BARON C.,
COLLETISSALLES M., OLIVIER S., SALLES D. (2005) Conflits d'usage et conflits de
représentation de l'eau en Afrique. L'exemple du Burkina Faso,
in Construire des gouvernances : entre citoyens, décideurs
et scientifiques, Publication MOST-Unesco, Ed. PIE-Peter Lang, 101-
LORRAIN D. (2003) Les quatre compétitions dans un monopole
naturel : qu'est-il en train d'arriver au secteur de
l'eau ?, Flux, n°52-53, 69-86.
MEI L. (2008) La gestion de l'eau dans les villages
périurbains de Ouagadougou (Burkina Faso). Étude
sociogéographique comparative, Doctorat de Géographie
tropicale, Université Bordeaux 3, janvier.
PROGRAMME RESO (1997) Inventaire des ressources en eau.
Problèmes et conflits liés à l'exploitation de l'eau,
t.11, Ministère de l'Environnement et de l'Eau du Burkina Faso et
Groupement Sahelconsult/F.E. T, Ouagadougou.
OLIVIER DE SARDAN J.-P., ELHADJI DAGOBI A. (2001) La gestion
communautaire sert-elle l'intérêt public ? Le cas de
l'hydraulique villageoise au Niger, Politique Africaine, 80,
153-158.TIDJANI ALOU M. (2006) Les mini-adductions d'eau potable dans la
région de Maradi (Niger) : la gestion d'un bien
public, Études et travaux du LASDEL,
n°42.TRAORÉ R. (2002) Stratégies et innovations en
matière de gestion de l'eau : cas du bassin versant du
Nakambé au Burkina Faso, Mémoire de DEA « Espaces,
Sociétés, Logiques économiques »,
Université de Toulouse Le Mirail/Enfa/Ensat. Source :
notre-planete.info,
http://www.notre-planete.info/actualites/actu_1919_demande_eau_forte.php
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