"le droit d'accès à la justice pour la partie impécunieuse"( Télécharger le fichier original )par Lloyd Rosique Université de Aix-Marseille - Master 2 Contentieux et procédures civiles dà¢â‚¬â„¢exécution 2015 |
Institut de Formation de Droit Privé et Justice : Mémoire Master 2 Contentieux et procédures civiles d'exécution « Le droit d'accès au juge à l'épreuve de la partie impécunieuse » Sous la direction de Madame Laura WEILLER (Maître De Conférences) ROSIQUE Lloyd 1 Année universitaire 2015-2016 2 SOMMAIRE*** Liste des abréviations P3 Introduction P4 Partie 1 P13 Titre 1 La consécration du droit d'accès à l'arbitre au nom du procèséquitable P14 Section 1. L'impécuniosité : un obstacle au droit d'accès à la justice arbitrale P14 Section 2. L'Impécuniosité : la consécration d'un droit d'accès à l'arbitre P31 Conclusion partie 1 P53 Partie 2 P54 Titre 2 La limitation du droit d'accès à l'arbitre au nom de la forceobligatoire de la convention d'arbitrage P55 Section 1. L'arbitrage : une justice privée et non un service public P55 Section 2. L'arbitrage : une justice privée encline à la réforme P68 Conclusion partie 2 P80 BIBLIOGRAPHIE P82 INDEX P87 TABLE DES MATIERES P89 REMERCIEMENTS P92 3 Liste des Abréviations*** Aff Affaire Art Article ASA Association Suisse de l'arbitrage Bull.Civ Bulletin Civil C.Cass Cour de cassation CC Code Civil C/ Contre CA Cour d'appel Ch.Civ Chambre Civile CMAP Centre médiation d'arbitrage de Paris CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit commercial international COUR EDH Cour Européenne des Droits de l'Homme CONVENTION EDH ou ESDH Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'homme CPC Code de Procédure civile Déf Définition Gaz.Pal Gazette du Palais Loc.Cit Loco Citato MARL Mode Alternatif de résolution des litiges Op. Cit Opere Citato Réf Référence Rev.arb Revue de l'Arbitrage Rev. Internationale Revue internationale de l'arbitrage V. Voir 4 Introduction1 « La justice est gratuite. Heureusement elle n'est pas obligatoire » Jules Renard1. Comme le fait habilement remarquer l'un de nos plus illustres écrivains Français du XXème siècle, l'accès à la justice constitue un véritable enjeu financier. En effet, l'assistance d'un défenseur, d'un avocat ou voire d'un conseil, coûte cher. Ainsi, certains justiciables pourraient se voir refuser l'accès à la justice en raison de la fragilité de leurs ressources financières. Néanmoins, les juges de Strasbourg se sont rapidement saisis du problème, en considérant que l'effectivité du droit de l'accès au juge, tel que prévu par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ne saurait faire abstraction au coût que peut représenter un procès civil. 2 De fait, au visa dudit article qui énonce que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice », la Cour européenne des droits de l'homme a matérialisé son souhait de renforcer l'accès au droit au juge à l'occasion de l'arrêt Airey contre Irlande du 9 octobre 19792. 3 En l'espèce il s'agissait d'une requérante Irlandaise (madame Airey), qui, ne bénéfi- ciant d'aucune aide judiciaire, n'avait pas eu la possibilité d'engager une procédure en séparation de corps compte tenu de la faiblesse de ses ressources financières. Dès lors, le juge 1 RENARD Jules «Journal 1887-1910», édition Actes Sud, 2004 p65 2 CEDH Airey c/ Irlande, 9 octobre 1979, série A, n°32 ;JDI,1982,187,chron. P.Rolland ; AFDI, 1980, 323, Chron. R.Pelloux. 5 européen condamna l'état Irlandais sur la base de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en démontrant que celui était tenu de faciliter l'accès à la justice en fournissant à la requérante une aide judiciaire, afin qu'elle puisse convenablement faire valoir sa cause, en vertu d'une certaine « obligation positive »3. En somme, la Cour européenne des droits de l'homme profita de l'occasion qui lui était donnée par les circonstances de l'espèce, pour affiner sa position jurisprudentielle quant au droit d'accès au juge initialement reconnu dans l'arrêt Golder contre Royaume Uni de 1975 4. 4 Au demeurant, si l'on s'en tient à une appréciation littérale de la convention euro- péenne des droits de l'homme de 1950, nous pouvons remarquer que l'aide judiciaire est garantie uniquement pour les procédures pénales5. En créant la notion « d'obligation positive », la Cour EDH s'est affranchie de cette limitation, en élargissant les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire aux procédures civiles. L'idée sous-jacente de cette démarche étant bien évidemment de garantir au maximum l'effectivité du droit d'accès au juge pour l'ensemble des justiciables. Par ailleurs, le juge européen précisa que l'article 6 paragraphe 1 de la convention EDH pouvait également s'appliquer à une procédure portant sur l'aide juridictionnelle, dès lors que celle-ci pouvait être considérée comme « déterminante pour le droit d'accès à un tribunal »6. 5 En outre, si le défaut de trésorerie du plaideur peut constituer un obstacle au droit d'accès à la justice, elle peut tout aussi bien représenter une menace au niveau de l'égalité des armes. De fait, si l'on analyse la jurisprudence de la Cour EDH depuis ces dix dernières années, on peut aisément relever que celle-ci a finalement décidé de rattacher le défaut d'aide judiciaire à la question de l'égalité des armes. En effet, à l'occasion de l'affaire Steel and Morris du 15 février 2005, les juges Européens ont considéré que dans le cadre d'une affaire complexe, le défaut d'allouer une assistance judiciaire à des plaideurs impécunieux, pouvait priver ces derniers de leur droit au procès équitable. 3 SUDRE Frédéric et autres «Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme» Thémis Droit. Puf. 6ème édition. P20. 4 PELLOUX Robert « Annuaire Français de droit international » centre national de la recherche scientifique, 1975, volume 21, p333. 5 Article 3 paragraphe C de la Convention européenne des droits de l'homme. 6 CEDH, 1er décembre 2008, Blandeau contre France, Paragraphe 22. 6 6 Ainsi, bien que l'égalité des armes ne puisse être totalement garantie, l'état a depuis lors, l'obligation de fournir aux plaideurs impécunieux les moyens nécessaires pour assurer leur défense de manière effective. De la même manière, la Cour EDH a également sanctionné la France sur la base de l'article 6 paragraphe 1, dans un arrêt Bertuzzi contre France du 13 février 2003 au titre du dysfonctionnement du bureau de l'aide juridictionnelle7. Le juge européen accorde alors une grande importance aux moyens, dont les états partie à la convention, doivent mettre en oeuvre pour garantir une justice effective et équitable. 7 Pour autant, l'octroi de l'aide juridictionnelle n'est pas considéré comme un droit absolu. Celle-ci peut se voir limiter par plusieurs critères. En ce sens, la Cour EDH s'est interrogée sur la question de savoir si l'aide juridictionnelle pouvait être conditionnée par la réunion de certains critères, sans pour autant porter atteinte à la substance de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ? Initialement, la Cour EDH estima que le refus de l'Etat d'apporter son concours aux plaideurs les plus démunis, via l'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire était contraire aux exigences posées par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH8. 8 Cependant, elle révisa son appréciation dans un arrêt du 26 février 2002 « Del sol contre France » en arguant le fait que l'état avait la possibilité de conditionner l'octroi de l'aide juridictionnelle en fonction du caractère suffisamment sérieux de l'affaire présentée en l'espèce. Cette justification parait totalement idoine dans la mesure où l'état alloue une aide financière sur la base de fonds publics. La solution adoptée fut d'ailleurs une nouvelle fois confirmée dans un arrêt du 21 septembre 2004 « Santambrogio contre Italie ». En outre, la position de la Cour EDH s'étendit également aux procédures sans représentation obligatoire, comme en témoigne l'arrêt du 17 septembre 2000 « Gnahoré contre France ». 9 A la lecture de ces différents arrêts, on peut légitimement en déduire que la cour tend à concilier la bonne administration de la justice avec le droit d'accès au juge. Au de- 7 RICHARD Pascale « La CEDH condamne la France, dans l'affaire Bertuzzi décidée le 13 février 2003, au titre d'un dysfonctionnement du bureau de l'aide juridictionnelle », legalnewsnotaires, le 11 juin 2003. 8 CEDH, le 30 juillet 1998, Aerts contre Belgique. 7 meurant, si l'obstacle financier représente une menace pour le droit d'accès à la justice, les états partie à la convention EDH de 1950 doivent adapter leur législation pour permettre à leurs justiciables de pouvoir faire valoir leur cause. Ainsi, il serait indigne d'une société démocratique partie à la convention EDH d'exclure implicitement les justiciables en raison de la faiblesse de leurs ressources financières9. 10 Comme nous l'avons vu précédemment de manière succincte, l'Etat français a prévu un mécanisme d'aide juridictionnelle pour permettre aux plaideurs les plus démunis d'avoir accès à la justice. Cette volonté de garantir une justice pour tous obéit à un certain principe de gratuité10. L'aide juridictionnelle se définit ainsi comme étant « la partie principale de l'aide juridique qui, dans le prolongement de l'aide judiciaire (qu'elle remplace sous ce nom nouveau), a pour fin de permettre à une personne dépourvue de ressources suffisantes d'exercer ses droits en justice (en matière gracieuse ou contentieuse, comme demandeur ou défendeur) en la faisant bénéficier d'une remise des frais dus au Trésor, d'une dispense de certains frais et d'une prise en charge, totale ou partielle, par l'Etat, des honoraires des auxiliaires de justice (l'aide est accordée par un bureau d'aide juridictionnelle) »11. 11 En pratique, le bureau d'aide juridictionnelle va reverser une partie des contribu- tions publiques, en fonction des revenus fiscalement déclarés par les intéressés12. Le bureau d'aide juridictionnelle est établi au siège du tribunal de grande instance, et s'organise en différentes sections. Concernant la section qui est chargée d'examiner les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle, nous pouvons observer qu'elle est composée de magistrats (président et vice président du bureau), d'un avocat établi auprès TGI, d'un huissier de justice du ressort de ce même TGI, le directeur départemental des finances publiques, le directeur départemental de la cohésion sociale, et d'un usager de ce service13. 9 Références aux arrêts : CEDH, le 28 octobre 1998 Aït-Mouhoub contre France / CEDH, le 19 juin 2001, Kreuz contre Pologne/ CEDH, le 3 novembre 2009, Adam contre Roumanie. 10 Art L111-2 du COJ : « la gratuité de la justice est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement ». 11 Cornu Gérard « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, neuvième édition août 2011, Puf. 12 Braudo Serge « Dictionnaire du droit privé », 2016. 13 Article 12 du décret du 19 mars 1991 portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. 8 12 Dès lors, l'Etat peut être amené à couvrir l'intégralité des frais de justice d'un justi- ciable financièrement fragile. A titre d'exemple, l'aide juridictionnelle sera totale si le plaideur justifie de revenus inférieurs à 941 euros par mois14. En somme, qu'elle soit totale ou partielle, va permettre de couvrir les frais occasionnés par la procédure judiciaire. Ils comprennent ainsi les frais de représentation, mais également les frais liés à l'exécution de la décision de justice. Il est également à noter, qu'en cas d'urgence, le justiciable peut bénéficier d'une aide juridictionnelle provisoire. 13 De par ces développements, nous avons pu constater qu'il existait différents moyens mis en oeuvre par les états pour faciliter l'accès à la justice aux plaideurs les plus démunis. Néanmoins, si la justice publique répond aux exigences posées par la Convention européenne des droits de l'homme, il serait intéressant d'étudier le problème de l'impécuniosité des plaideurs à travers le prisme de la justice privée. Autrement dit, nous pourrions nous interroger sur la manière dont la justice arbitrale fait face à ce problème. Il convient donc dans un premier temps d'analyser les contours de l'arbitrage avant de se pencher sur la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage. 14 L'arbitrage se définit comme étant « un mode amiable ou pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d'un litige par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de l'Etat ou d'une institution internationale, mais de la convention des parties (lesquelles peuvent être de simples particuliers ou des Etats »15. L'arbitrage représente la justice privée par excellence, car il permet de contourner l'accès à la justice publique par la voie conventionnelle. En effet, les parties désigneront par contrat, et plus précisément par le biais d'une clause compromissoire, un arbitre qui sera chargé de trancher le litige. A la différence de la médiation qui n'a pour unique objet de concilier les parties, l'arbitre rend une décision qui revêt un caractère juridictionnel. On parle alors de sentence arbitrale. 14 AUFFRET Simone et DAGORN Gary « Comment fonctionne l'aide juridictionnelle ? », le Monde, article du 16 octobre 2015. 15 Cornu Gérard « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, neuvième édition août 2011, Puf. 9 15 Dès lors, la justice arbitrale résulte d'une certaine interaction entre le contrat et la « jurisdictio »16. C'est une technique alternative de résolution des litiges assez ancienne qui tire son essence de la Common Law, et plus particulièrement du droit Américain17. Pour autant, l'arbitrage ne repose pas sur un droit typiquement prétorien. En ce sens, nous pouvons constater l'existence d'un encadrement législatif conséquent (ex : La convention de New York du 10 juin 1958, loi type CNUDCI, le code de procédure civile Français18). Il n'en demeure pas moins que l'arbitrage n'en finit pas de séduire le monde des affaires. La raison principale tient à la nature de cette justice parallèle. Si les parties se détournent du juge au profit de l'arbitre, c'est qu'elles recherchent avant tout la rapidité, la discrétion et l'octroi d'une justice adaptée aux litiges commerciaux19. 16 Afin d'illustrer notre propos, nous pouvons nous appuyer sur les chiffres présentés par le premier baromètre sur l'arbitrage publié le 1er juillet 2013 par le centre de médiation et d'arbitrage de Paris (CMAP). Cette étude a notamment révélé d'une part la durée moyenne des procédures d'arbitrage (entre 10 et 12 mois) et d'autre part le montant moyen des sommes en jeu dans ces différents litiges commerciaux (entre 1 et 10 millions d'euros)20. La résolution du conflit doit donc se concevoir sous l'angle de la célérité et de l'équité, afin de ne pas entraver le développement des échanges qui constitue le coeur de l'activité économique. 17 Bien que la justice étatique ne soit pas totalement dénuée de l'ensemble de ces qua- lités, il est à noter que son efficacité n'est plus en mesure de répondre à celle avancée par l'arbitrage contemporain. Par ailleurs, les avantages présentés par la justice arbitrale s'en trouvent décuplés en matière internationale. En effet, les agents économiques disposent d'une certaine liberté quant à l'organisation du procès. A ce titre, ils peuvent choisir librement les avocats qui les représenteront, la langue du procès ainsi que les règles juridiques qui s'appliqueront. Cette liberté de choix leur permet ainsi de s'affranchir des normes impo- 16 GUINCHARD Serge, SOREL Jean-Marc, Cécile Chainais « Droit processuel, Droits fondamentaux du procès », précis Dalloz, 7ème édition, p1417. 17 JALLAMION Carine « Arbitrage et pouvoir politique du XVIIème au XIXème siècle », Rev. Arb. 2005. 18 Des articles 1442 à 1527 depuis la réforme du 13 janvier 2011 via le décret n°2011-48. 19 DERAINS Yves « Le nouveau droit français de l'arbitrage », Lextenso 2011, p.100,101. 20 COHEN Charles « L'arbitrage, une justice à la portée des PME », Rev. Chef d'entreprise. Le 1er juillet 2013. 10 sées par le droit international privé. Au regard du ressenti des parties, une telle éviction se comprend dans la mesure où elles considèrent que la nature de la justice arbitrale leur confère une plus grande égalité des chances21. 18 Au demeurant, l'arbitrage constitue un véritable produit économique qui s'insère parfaitement dans une logique de marché. C'est une justice privée qui obéit aux règles de la concurrence. Par conséquent, les centres d'arbitrages sont amenés à s'affronter sur le plan économique, afin de devenir une place incontournable de la justice arbitrale. En pratique, le centre d'arbitrage Parisien est très plébiscité en raison de la cohérence de sa législation et de la compétence de ses arbitres. Force est donc de constater que le règlement juridictionnel du litige proposé par ces centres d'arbitrage suscitent inévitablement un certain coût. Si l'on se réfère à l'étude menée par le CMAP de 2013, nous pouvons relever que l'arbitrage est une justice extrêmement onéreuse. Le coût moyen d'une procédure d'arbitrage se situerait dans une fourchette comprise entre 50 000 et 200 000 euros22. Bien que les frais d'arbitrage soient encadrés par des barèmes précis (exemple: En ce qui concerne l'association française d'arbitrage, pour un litige compris entre 12 000 001 et 45 000 000 d'euros, les parties devront d'une part payer les frais administratifs correspondant aux 0,025% du montant total, et d'autre part payer les frais propres à la rémunérations des arbitres compris entre 0,2 et 0,3% de ce même montant23), il n'en demeure pas moins que cette justice sur-mesure revêt un caractère dispendieux. 19 En définitive, l'aspect économique constitue la pierre angulaire de la justice arbi- trale. Dès lors, si la carence financière d'une des parties était mise en exergue au cours de la procédure, cela pourrait entrainer de sérieuses conséquences, tant sur le plan de la justice arbitrale qu'au niveau du droit processuel. Ainsi la question de l'impécuniosité des plaideurs dans une instance arbitrale doit inévitablement être posée. Il serait donc pertinent de définir l'impécuniosité, qui apparait comme étant une notion qui tend à confronter la justice arbitrale au droit processuel. 21 V. DERAINS Yves, op. et loc. cit. 22 COHEN Charles. op. et loc. cit. 23 Barème des honoraires des arbitres et frais d'administration : site internet de l'AFA (Association Française d'Arbitrage). 11 20 Une personne est en état d'impécuniosité dès lors qu'elle ne dispose pas d'argent ou alors qu'elle en manque24. A première vue, la définition proposée semble être particulièrement vague. D'un point de vue juridique, elle ne correspond à aucune situation concrète et s'apparente plutôt à une situation purement factuelle25. Cependant l'état de fait auquel fait référence le terme d'impécuniosité n'est pas totalement dénué de logique juridique. Si la notion définie n'est pas rattachée à un régime juridique particulier, il n'en demeure pas moins qu'elle nous fait penser à certaines situations bien précises que l'on retrouve dans le droit des procédures collectives (exemples : état de cessation des paiements, liquidation judiciaire, procédure de sauvegarde...). L'impécuniosité s'apparente ainsi « à une situation irrémédiablement compromise pour le débiteur »26. Néanmoins, la définition de l'impécuniosité se distingue de celles propres au droit des entreprises en difficulté. Sa portée revêt un caractère hybride, elle est à la fois large et étroite. Comme l'a souligné le professeur et spécialiste de l'arbitrage, François Xavier Train27, une entreprise peut se retrouver dans une situation d'impécuniosité sans pour autant faire l'objet d'une procédure collective ou être insolvable. De la même manière, l'entreprise placée en redressement judiciaire n'est pas forcément dans l'impossibilité d'engager des dépenses pour assurer son bon fonctionnement. L'impécuniosité renvoie tout simplement à un état de fragilité financière, sans pour autant s'assimiler au terme de la « partie faible » cher au droit de la consommation. 21 En effet, les personnes considérées comme impécunieuses ne bénéficient pas d'un cadre législatif aussi étendu que celui prévu pour les consommateurs, salariés et assurés. L'impécuniosité se réfère à un état de fragilité économique pour une personne physique ou morale, survenant à l'occasion de situations plus ou moins diverses (inattendues, prévisibles / durables, constantes). Cependant, au regard du droit contemporain, le terme d'impécuniosité semble avoir trouvé sa place dans la sphère juridique, et plus précisément en matière d'arbitrage international. Comme nous l'avons précédemment soulevé, l'arbitrage est une justice privée extrêmement coûteuse, qui est fréquemment confrontée à des cas d'impécuniosité. 24 V. Le dictionnaire Larousse : impécuniosité. 25 TRAIN François-Xavier « Impécuniosité et accès à la justice dans l'arbitrage international », Rev. Arb. 2012. 26 V. TRAIN François-Xavier op. et loc. cit. 27 V. TRAIN François-Xavier op. et loc. cit. P268. 22 Ainsi, la doctrine s'est servie de ce terme pour mêler certains aspects du droit pro- cessuel à la pratique de l'arbitrage28. Les auteurs ont alors considéré que l'impécuniosité devait s'apparenter à la situation dans laquelle se trouvait un plaideur qui n'avait plus les moyens de payer les frais engendrés par la procédure d'arbitrage, le privant ainsi de son droit d'accès au juge au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la CESDH29. En somme, l'immixtion des droits processuels dans le cadre de l'arbitrage suscite de nombreuses interrogations. 23 Au regard du contexte juridique, il serait intéressant d'envisager le problème du droit d'accès au juge à l'épreuve de la partie impécunieuse sous deux angles différents. Le sujet ainsi présenté donne naissance à deux formes de problématiques. D'une part il appa-rait nécessaire de se demander « en quoi l'impécuniosité du plaideur en matière d'arbitrage peut elle attenter à son droit d'accès au juge ? ». Et d'autre part, et de manière plus générale, il serait pertinent de s'interroger afin de déterminer « dans quelles mesures le droit d'accès au juge peut-il primer sur la force obligatoire de la convention d'arbitrage ? ». Afin de répondre à ces différentes questions, qui en définitive, sont intimement liées, nous étudierons dans un premier temps la consécration du droit d'accès à l'arbitre au nom du procès équitable (Titre 1), pour ensuite analyser sa limitation par la force obligatoire de la convention d'arbitrage (Titre 2). 12 28 GUINCHAR Serge « Droit processuel/ Droits fondamentaux du procès », Dalloz. 6ème Ed.,2011, N°223 à 230. 29 JEULAND Emmanuel « Droit processuel général », Montchrestien, 2012, N°156 et 165. 13 |
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