Institut de Formation de Droit Privé et Justice :
Mémoire Master 2 Contentieux et procédures
civiles d'exécution
« Le droit d'accès au juge à
l'épreuve de la partie impécunieuse »
Sous la direction de Madame Laura WEILLER (Maître De
Conférences)
ROSIQUE Lloyd
1
Année universitaire 2015-2016
2
SOMMAIRE
***
Liste des abréviations P3
Introduction P4
Partie 1 P13
Titre 1 La consécration du droit d'accès
à l'arbitre au nom du procès
équitable P14
Section 1. L'impécuniosité : un obstacle au
droit d'accès à la justice arbitrale P14
Section 2. L'Impécuniosité : la
consécration d'un droit d'accès à l'arbitre P31
Conclusion partie 1 P53
Partie 2 P54
Titre 2 La limitation du droit d'accès à
l'arbitre au nom de la force
obligatoire de la convention d'arbitrage
P55
Section 1. L'arbitrage : une justice privée et non
un service public P55
Section 2. L'arbitrage : une justice privée encline
à la réforme P68
Conclusion partie 2 P80
BIBLIOGRAPHIE P82
INDEX P87
TABLE DES MATIERES P89
REMERCIEMENTS P92
3
Liste des Abréviations
***
Aff Affaire
Art Article
ASA Association Suisse de l'arbitrage
Bull.Civ Bulletin Civil
C.Cass Cour de cassation
CC Code Civil
C/ Contre
CA Cour d'appel
Ch.Civ Chambre Civile
CMAP Centre médiation d'arbitrage de Paris
CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit
commercial
international
COUR EDH Cour Européenne des Droits de
l'Homme
CONVENTION EDH ou ESDH Convention Européenne de
sauvegarde des Droits de
l'homme
CPC Code de Procédure civile
Déf Définition
Gaz.Pal Gazette du Palais
Loc.Cit Loco Citato
MARL Mode Alternatif de résolution des
litiges
Op. Cit Opere Citato
Réf Référence
Rev.arb Revue de l'Arbitrage
Rev. Internationale Revue internationale de
l'arbitrage
V. Voir
4
Introduction
1 « La justice est gratuite. Heureusement
elle n'est pas obligatoire » Jules Renard1.
Comme le fait habilement remarquer l'un de nos plus illustres
écrivains Français du XXème siècle, l'accès
à la justice constitue un véritable enjeu financier. En effet,
l'assistance d'un défenseur, d'un avocat ou voire d'un conseil,
coûte cher. Ainsi, certains justiciables pourraient se voir refuser
l'accès à la justice en raison de la fragilité de leurs
ressources financières. Néanmoins, les juges de Strasbourg se
sont rapidement saisis du problème, en considérant que
l'effectivité du droit de l'accès au juge, tel que prévu
par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme, ne saurait faire abstraction au coût que peut
représenter un procès civil.
2 De fait, au visa dudit article qui
énonce que « Toute personne a droit à ce que sa
cause
soit entendue équitablement, publiquement et dans
un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le
jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle
d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la
totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de
la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale
dans une société démocratique, lorsque les
intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des
parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement
nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances
spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte
aux intérêts de la justice », la Cour européenne
des droits de l'homme a matérialisé son souhait de renforcer
l'accès au droit au juge à l'occasion de l'arrêt Airey
contre Irlande du 9 octobre 19792.
3 En l'espèce il s'agissait d'une
requérante Irlandaise (madame Airey), qui, ne bénéfi-
ciant d'aucune aide judiciaire, n'avait pas eu la
possibilité d'engager une procédure en séparation de corps
compte tenu de la faiblesse de ses ressources financières. Dès
lors, le juge
1 RENARD Jules «Journal 1887-1910»,
édition Actes Sud, 2004 p65
2 CEDH Airey c/ Irlande, 9 octobre 1979, série
A, n°32 ;JDI,1982,187,chron. P.Rolland ; AFDI, 1980, 323, Chron.
R.Pelloux.
5
européen condamna l'état Irlandais sur la base
de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de
l'homme, en démontrant que celui était tenu de faciliter
l'accès à la justice en fournissant à la requérante
une aide judiciaire, afin qu'elle puisse convenablement faire valoir sa cause,
en vertu d'une certaine « obligation positive »3. En
somme, la Cour européenne des droits de l'homme profita de l'occasion
qui lui était donnée par les circonstances de l'espèce,
pour affiner sa position jurisprudentielle quant au droit d'accès au
juge initialement reconnu dans l'arrêt Golder contre Royaume Uni de 1975
4.
4 Au demeurant, si l'on s'en tient à une
appréciation littérale de la convention euro-
péenne des droits de l'homme de 1950, nous pouvons
remarquer que l'aide judiciaire est garantie uniquement pour les
procédures pénales5. En créant la notion «
d'obligation positive », la Cour EDH s'est affranchie de cette limitation,
en élargissant les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire aux
procédures civiles. L'idée sous-jacente de cette démarche
étant bien évidemment de garantir au maximum l'effectivité
du droit d'accès au juge pour l'ensemble des justiciables. Par ailleurs,
le juge européen précisa que l'article 6 paragraphe 1 de la
convention EDH pouvait également s'appliquer à une
procédure portant sur l'aide juridictionnelle, dès lors que
celle-ci pouvait être considérée comme «
déterminante pour le droit d'accès à un tribunal
»6.
5 En outre, si le défaut de
trésorerie du plaideur peut constituer un obstacle au droit
d'accès à la justice, elle peut tout aussi bien
représenter une menace au niveau de l'égalité des armes.
De fait, si l'on analyse la jurisprudence de la Cour EDH depuis ces dix
dernières années, on peut aisément relever que celle-ci a
finalement décidé de rattacher le défaut d'aide judiciaire
à la question de l'égalité des armes. En effet, à
l'occasion de l'affaire Steel and Morris du 15 février 2005, les juges
Européens ont considéré que dans le cadre d'une affaire
complexe, le défaut d'allouer une assistance judiciaire à des
plaideurs impécunieux, pouvait priver ces derniers de leur droit au
procès équitable.
3 SUDRE Frédéric et autres
«Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de
l'Homme» Thémis Droit. Puf. 6ème
édition. P20.
4 PELLOUX Robert « Annuaire
Français de droit international » centre national de la
recherche scientifique, 1975, volume 21, p333.
5 Article 3 paragraphe C de la Convention
européenne des droits de l'homme.
6 CEDH, 1er décembre 2008, Blandeau
contre France, Paragraphe 22.
6
6 Ainsi, bien que l'égalité des
armes ne puisse être totalement garantie, l'état a depuis
lors, l'obligation de fournir aux plaideurs impécunieux
les moyens nécessaires pour assurer leur défense de
manière effective. De la même manière, la Cour EDH a
également sanctionné la France sur la base de l'article 6
paragraphe 1, dans un arrêt Bertuzzi contre France du 13 février
2003 au titre du dysfonctionnement du bureau de l'aide
juridictionnelle7. Le juge européen accorde alors une grande
importance aux moyens, dont les états partie à la convention,
doivent mettre en oeuvre pour garantir une justice effective et
équitable.
7 Pour autant, l'octroi de l'aide
juridictionnelle n'est pas considéré comme un droit
absolu. Celle-ci peut se voir limiter par plusieurs
critères. En ce sens, la Cour EDH s'est interrogée sur la
question de savoir si l'aide juridictionnelle pouvait être
conditionnée par la réunion de certains critères, sans
pour autant porter atteinte à la substance de l'article 6 paragraphe 1
de la Convention EDH ? Initialement, la Cour EDH estima que le refus de l'Etat
d'apporter son concours aux plaideurs les plus démunis, via l'aide
juridictionnelle dans le cadre d'une procédure avec
représentation obligatoire était contraire aux exigences
posées par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH8.
8 Cependant, elle révisa son
appréciation dans un arrêt du 26 février 2002 « Del
sol
contre France » en arguant le fait que l'état
avait la possibilité de conditionner l'octroi de l'aide juridictionnelle
en fonction du caractère suffisamment sérieux de l'affaire
présentée en l'espèce. Cette justification parait
totalement idoine dans la mesure où l'état alloue une aide
financière sur la base de fonds publics. La solution adoptée fut
d'ailleurs une nouvelle fois confirmée dans un arrêt du 21
septembre 2004 « Santambrogio contre Italie ». En outre, la position
de la Cour EDH s'étendit également aux procédures sans
représentation obligatoire, comme en témoigne l'arrêt du 17
septembre 2000 « Gnahoré contre France ».
9 A la lecture de ces différents
arrêts, on peut légitimement en déduire que la cour
tend à concilier la bonne administration de la justice
avec le droit d'accès au juge. Au de-
7 RICHARD Pascale « La CEDH condamne la
France, dans l'affaire Bertuzzi décidée le 13 février
2003, au titre d'un dysfonctionnement du bureau de l'aide juridictionnelle
», legalnewsnotaires, le 11 juin 2003.
8 CEDH, le 30 juillet 1998, Aerts contre Belgique.
7
meurant, si l'obstacle financier représente une menace
pour le droit d'accès à la justice, les états partie
à la convention EDH de 1950 doivent adapter leur législation pour
permettre à leurs justiciables de pouvoir faire valoir leur cause.
Ainsi, il serait indigne d'une société démocratique partie
à la convention EDH d'exclure implicitement les justiciables en raison
de la faiblesse de leurs ressources financières9.
10 Comme nous l'avons vu
précédemment de manière succincte, l'Etat français
a prévu
un mécanisme d'aide juridictionnelle pour permettre aux
plaideurs les plus démunis d'avoir accès à la justice.
Cette volonté de garantir une justice pour tous obéit à un
certain principe de gratuité10. L'aide juridictionnelle se
définit ainsi comme étant « la partie principale de l'aide
juridique qui, dans le prolongement de l'aide judiciaire (qu'elle remplace sous
ce nom nouveau), a pour fin de permettre à une personne dépourvue
de ressources suffisantes d'exercer ses droits en justice (en matière
gracieuse ou contentieuse, comme demandeur ou défendeur) en la faisant
bénéficier d'une remise des frais dus au Trésor, d'une
dispense de certains frais et d'une prise en charge, totale ou partielle, par
l'Etat, des honoraires des auxiliaires de justice (l'aide est accordée
par un bureau d'aide juridictionnelle) »11.
11 En pratique, le bureau d'aide
juridictionnelle va reverser une partie des contribu-
tions publiques, en fonction des revenus fiscalement
déclarés par les intéressés12. Le bureau
d'aide juridictionnelle est établi au siège du tribunal de grande
instance, et s'organise en différentes sections. Concernant la section
qui est chargée d'examiner les demandes d'admission à l'aide
juridictionnelle, nous pouvons observer qu'elle est composée de
magistrats (président et vice président du bureau), d'un avocat
établi auprès TGI, d'un huissier de justice du ressort de ce
même TGI, le directeur départemental des finances publiques, le
directeur départemental de la cohésion sociale, et d'un usager de
ce service13.
9 Références aux arrêts : CEDH,
le 28 octobre 1998 Aït-Mouhoub contre France / CEDH, le 19 juin 2001,
Kreuz contre Pologne/ CEDH, le 3 novembre 2009, Adam contre Roumanie.
10 Art L111-2 du COJ : « la gratuité de la
justice est assurée selon les modalités fixées par la loi
et le règlement ».
11 Cornu Gérard « Vocabulaire
juridique », Association Henri Capitant, neuvième
édition août 2011, Puf.
12 Braudo Serge « Dictionnaire du droit
privé », 2016.
13 Article 12 du décret du 19 mars 1991
portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative
à l'aide juridique.
8
12 Dès lors, l'Etat peut être
amené à couvrir l'intégralité des frais de justice
d'un justi-
ciable financièrement fragile. A titre d'exemple,
l'aide juridictionnelle sera totale si le plaideur justifie de revenus
inférieurs à 941 euros par mois14. En somme, qu'elle
soit totale ou partielle, va permettre de couvrir les frais occasionnés
par la procédure judiciaire. Ils comprennent ainsi les frais de
représentation, mais également les frais liés à
l'exécution de la décision de justice. Il est également
à noter, qu'en cas d'urgence, le justiciable peut
bénéficier d'une aide juridictionnelle provisoire.
13 De par ces développements, nous avons
pu constater qu'il existait différents moyens
mis en oeuvre par les états pour faciliter
l'accès à la justice aux plaideurs les plus démunis.
Néanmoins, si la justice publique répond aux exigences
posées par la Convention européenne des droits de l'homme, il
serait intéressant d'étudier le problème de
l'impécuniosité des plaideurs à travers le prisme de la
justice privée. Autrement dit, nous pourrions nous interroger sur la
manière dont la justice arbitrale fait face à ce problème.
Il convient donc dans un premier temps d'analyser les contours de l'arbitrage
avant de se pencher sur la question de l'impécuniosité dans
l'arbitrage.
14 L'arbitrage se définit comme
étant « un mode amiable ou pacifique mais toujours
juridictionnel de règlement d'un litige par une
autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d'une
délégation permanente de l'Etat ou d'une institution
internationale, mais de la convention des parties (lesquelles peuvent
être de simples particuliers ou des Etats »15.
L'arbitrage représente la justice privée par excellence, car il
permet de contourner l'accès à la justice publique par la voie
conventionnelle. En effet, les parties désigneront par contrat, et plus
précisément par le biais d'une clause compromissoire, un arbitre
qui sera chargé de trancher le litige. A la différence de la
médiation qui n'a pour unique objet de concilier les parties, l'arbitre
rend une décision qui revêt un caractère juridictionnel. On
parle alors de sentence arbitrale.
14 AUFFRET Simone et DAGORN Gary « Comment
fonctionne l'aide juridictionnelle ? », le Monde, article du
16 octobre 2015.
15 Cornu Gérard « Vocabulaire
juridique », Association Henri Capitant, neuvième
édition août 2011, Puf.
9
15 Dès lors, la justice arbitrale
résulte d'une certaine interaction entre le contrat et la
« jurisdictio »16. C'est une technique
alternative de résolution des litiges assez ancienne qui tire son
essence de la Common Law, et plus particulièrement du droit
Américain17. Pour autant, l'arbitrage ne repose pas sur un
droit typiquement prétorien. En ce sens, nous pouvons constater
l'existence d'un encadrement législatif conséquent (ex : La
convention de New York du 10 juin 1958, loi type CNUDCI, le code de
procédure civile Français18). Il n'en demeure pas
moins que l'arbitrage n'en finit pas de séduire le monde des affaires.
La raison principale tient à la nature de cette justice
parallèle. Si les parties se détournent du juge au profit de
l'arbitre, c'est qu'elles recherchent avant tout la rapidité, la
discrétion et l'octroi d'une justice adaptée aux litiges
commerciaux19.
16 Afin d'illustrer notre propos, nous pouvons
nous appuyer sur les chiffres présentés
par le premier baromètre sur l'arbitrage publié
le 1er juillet 2013 par le centre de médiation et d'arbitrage
de Paris (CMAP). Cette étude a notamment révélé
d'une part la durée moyenne des procédures d'arbitrage (entre 10
et 12 mois) et d'autre part le montant moyen des sommes en jeu dans ces
différents litiges commerciaux (entre 1 et 10 millions
d'euros)20. La résolution du conflit doit donc se concevoir
sous l'angle de la célérité et de l'équité,
afin de ne pas entraver le développement des échanges qui
constitue le coeur de l'activité économique.
17 Bien que la justice étatique ne soit
pas totalement dénuée de l'ensemble de ces qua-
lités, il est à noter que son efficacité
n'est plus en mesure de répondre à celle avancée par
l'arbitrage contemporain. Par ailleurs, les avantages présentés
par la justice arbitrale s'en trouvent décuplés en matière
internationale. En effet, les agents économiques disposent d'une
certaine liberté quant à l'organisation du procès. A ce
titre, ils peuvent choisir librement les avocats qui les représenteront,
la langue du procès ainsi que les règles juridiques qui
s'appliqueront. Cette liberté de choix leur permet ainsi de s'affranchir
des normes impo-
16 GUINCHARD Serge, SOREL Jean-Marc, Cécile
Chainais « Droit processuel, Droits fondamentaux du procès
», précis Dalloz, 7ème édition,
p1417.
17 JALLAMION Carine « Arbitrage et pouvoir
politique du XVIIème au XIXème siècle », Rev.
Arb. 2005.
18 Des articles 1442 à 1527 depuis la
réforme du 13 janvier 2011 via le décret n°2011-48.
19 DERAINS Yves « Le nouveau droit
français de l'arbitrage », Lextenso 2011, p.100,101.
20 COHEN Charles « L'arbitrage, une
justice à la portée des PME », Rev. Chef d'entreprise.
Le 1er juillet 2013.
10
sées par le droit international privé. Au regard
du ressenti des parties, une telle éviction se comprend dans la mesure
où elles considèrent que la nature de la justice arbitrale leur
confère une plus grande égalité des
chances21.
18 Au demeurant, l'arbitrage constitue un
véritable produit économique qui s'insère
parfaitement dans une logique de marché. C'est une
justice privée qui obéit aux règles de la concurrence. Par
conséquent, les centres d'arbitrages sont amenés à
s'affronter sur le plan économique, afin de devenir une place
incontournable de la justice arbitrale. En pratique, le centre d'arbitrage
Parisien est très plébiscité en raison de la
cohérence de sa législation et de la compétence de ses
arbitres. Force est donc de constater que le règlement juridictionnel du
litige proposé par ces centres d'arbitrage suscitent
inévitablement un certain coût. Si l'on se réfère
à l'étude menée par le CMAP de 2013, nous pouvons relever
que l'arbitrage est une justice extrêmement onéreuse. Le
coût moyen d'une procédure d'arbitrage se situerait dans une
fourchette comprise entre 50 000 et 200 000 euros22. Bien que les
frais d'arbitrage soient encadrés par des barèmes précis
(exemple: En ce qui concerne l'association française d'arbitrage, pour
un litige compris entre 12 000 001 et 45 000 000 d'euros, les parties devront
d'une part payer les frais administratifs correspondant aux 0,025% du montant
total, et d'autre part payer les frais propres à la
rémunérations des arbitres compris entre 0,2 et 0,3% de ce
même montant23), il n'en demeure pas moins que cette justice
sur-mesure revêt un caractère dispendieux.
19 En définitive, l'aspect
économique constitue la pierre angulaire de la justice arbi-
trale. Dès lors, si la carence financière d'une
des parties était mise en exergue au cours de la procédure, cela
pourrait entrainer de sérieuses conséquences, tant sur le plan de
la justice arbitrale qu'au niveau du droit processuel. Ainsi la question de
l'impécuniosité des plaideurs dans une instance arbitrale doit
inévitablement être posée. Il serait donc pertinent de
définir l'impécuniosité, qui apparait comme étant
une notion qui tend à confronter la justice arbitrale au droit
processuel.
21 V. DERAINS Yves,
op. et loc. cit.
22 COHEN
Charles. op. et loc. cit.
23 Barème des honoraires des arbitres et frais
d'administration : site internet de l'AFA (Association Française
d'Arbitrage).
11
20 Une personne est en état
d'impécuniosité dès lors qu'elle ne dispose pas
d'argent
ou alors qu'elle en manque24. A première
vue, la définition proposée semble être
particulièrement vague. D'un point de vue juridique, elle ne correspond
à aucune situation concrète et s'apparente plutôt à
une situation purement factuelle25. Cependant l'état de fait
auquel fait référence le terme d'impécuniosité
n'est pas totalement dénué de logique juridique. Si la notion
définie n'est pas rattachée à un régime juridique
particulier, il n'en demeure pas moins qu'elle nous fait penser à
certaines situations bien précises que l'on retrouve dans le droit des
procédures collectives (exemples : état de cessation des
paiements, liquidation judiciaire, procédure de sauvegarde...).
L'impécuniosité s'apparente ainsi « à une situation
irrémédiablement compromise pour le débiteur
»26. Néanmoins, la définition de
l'impécuniosité se distingue de celles propres au droit des
entreprises en difficulté. Sa portée revêt un
caractère hybride, elle est à la fois large et étroite.
Comme l'a souligné le professeur et spécialiste de l'arbitrage,
François Xavier Train27, une entreprise peut se retrouver
dans une situation d'impécuniosité sans pour autant faire l'objet
d'une procédure collective ou être insolvable. De la même
manière, l'entreprise placée en redressement judiciaire n'est pas
forcément dans l'impossibilité d'engager des dépenses pour
assurer son bon fonctionnement. L'impécuniosité renvoie tout
simplement à un état de fragilité financière, sans
pour autant s'assimiler au terme de la « partie faible » cher au
droit de la consommation.
21 En effet, les personnes
considérées comme impécunieuses ne
bénéficient pas d'un
cadre législatif aussi étendu que celui
prévu pour les consommateurs, salariés et assurés.
L'impécuniosité se réfère à un état
de fragilité économique pour une personne physique ou morale,
survenant à l'occasion de situations plus ou moins diverses
(inattendues, prévisibles / durables, constantes). Cependant, au regard
du droit contemporain, le terme d'impécuniosité semble avoir
trouvé sa place dans la sphère juridique, et plus
précisément en matière d'arbitrage international. Comme
nous l'avons précédemment soulevé, l'arbitrage est une
justice privée extrêmement coûteuse, qui est
fréquemment confrontée à des cas
d'impécuniosité.
24 V. Le dictionnaire Larousse :
impécuniosité.
25 TRAIN François-Xavier «
Impécuniosité et accès à la justice dans
l'arbitrage international », Rev. Arb. 2012.
26 V. TRAIN François-Xavier
op. et loc. cit.
27 V. TRAIN François-Xavier
op. et loc. cit. P268.
22 Ainsi, la doctrine s'est servie de ce terme
pour mêler certains aspects du droit pro-
cessuel à la pratique de l'arbitrage28. Les
auteurs ont alors considéré que l'impécuniosité
devait s'apparenter à la situation dans laquelle se trouvait un plaideur
qui n'avait plus les moyens de payer les frais engendrés par la
procédure d'arbitrage, le privant ainsi de son droit d'accès au
juge au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la CESDH29. En somme,
l'immixtion des droits processuels dans le cadre de l'arbitrage suscite de
nombreuses interrogations.
23 Au regard du contexte juridique, il serait
intéressant d'envisager le problème du
droit d'accès au juge à l'épreuve de la
partie impécunieuse sous deux angles différents. Le sujet ainsi
présenté donne naissance à deux formes de
problématiques. D'une part il appa-rait nécessaire de se demander
« en quoi l'impécuniosité du plaideur en matière
d'arbitrage peut elle attenter à son droit d'accès au juge ?
». Et d'autre part, et de manière plus générale,
il serait pertinent de s'interroger afin de déterminer « dans
quelles mesures le droit d'accès au juge peut-il primer sur la force
obligatoire de la convention d'arbitrage ? ». Afin de répondre
à ces différentes questions, qui en définitive, sont
intimement liées, nous étudierons dans un premier temps la
consécration du droit d'accès à l'arbitre au nom du
procès équitable (Titre 1), pour ensuite analyser sa limitation
par la force obligatoire de la convention d'arbitrage (Titre 2).
12
28 GUINCHAR Serge « Droit processuel/ Droits
fondamentaux du procès », Dalloz. 6ème
Ed.,2011, N°223 à 230.
29 JEULAND Emmanuel « Droit processuel
général », Montchrestien, 2012, N°156 et 165.
13
PARTIE 1
14
Titre 1 La consécration du droit d'accès
à l'arbitre au
nom du procès équitable
24 L'arbitrage est une justice extrêmement
onéreuse, qui s'adresse plus particulière-
ment aux personnes morales bénéficiant d'une
puissance financière conséquente. Cependant certaines petites et
moyennes entreprises sont attirées par cette justice alternative. Les
dirigeants doivent alors analyser les coûts que cette procédure
peut engendrer, pour en apprécier l'opportunité. Le cumul des
différents coûts que représente une instance arbitrale
peuvent constituer à terme, un obstacle financier pour le plaideur
(Section 1). Afin de lutter contre cet obstacle financier, la jurisprudence
s'est laissée tenter par les garanties offertes par la Convention
européenne des droits de l'homme, en consacrant un droit d'accès
à l'arbitre (Section 2).
Section 1 L'impécuniosité : un obstacle au
droit d'accès à la justice arbitrale
25 A l'heure actuelle, le coût de
l'arbitrage est en proie à une inflation sans
précédent.
Ainsi, les frais de procédures sont amenés
à jouer un rôle non négligeable dans le déroulement
du procès arbitral. Ils constituent un véritable enjeu financier.
Dès lors, ce phénomène conduit les parties à se
livrer non plus une bataille purement juridique, mais plutôt une bataille
financière (paragraphe 1). De facto, les plaideurs « partie faible
»30 se retrouvent dans une situation extrêmement
délicate, dans la mesure où le manque de moyens financiers peut
impacter directement l'issue du litige. A ce titre, les arbitres sont parfois
amenés à priver le plaideur impécunieux de son droit
d'accès à la justice. Le déni de justice économique
dans l'arbitrage est une réalité.
30 SACHS Klaus « La protection de la partie
faible dans l'arbitrage international », Rev, Gazette du palais, du
13 au 17 juillet 2007.
15
26 Afin de remédier à ce
problème, la Cour de cassation s'est interrogée sur
l'opportunité d'appliquer les garanties processuelles
prévues par la Convention EDH à l'arbitrage (paragraphe 2).
Paragraphe 1 L'existence d'un obstacle financier
relaté par la nature dispendieuse de l'arbitrage
27 Le recours à la justice arbitrale
implique un réel investissement. En effet, l'analyse
des coûts en détermine l'opportunité (A).
Cependant, il est difficile d'évaluer le coût d'une
procédure d'arbitrage dès l'apparition du litige, car de nouveaux
frais peuvent faire leur apparition au cours de l'instance. Ainsi, les parties
ont la capacité d'accroitre le coût de la procédure
d'arbitrage à des fins purement stratégiques (B).
A) L'analyse des coûts
28 Au regard du droit français, Il
n'existe pas de réelle définition des coûts de
l'arbitrage. Les différents règlements
d'arbitrage se sont donc penchés sur la question. Dès lors, ces
derniers ont conclu à l'existence de deux catégories : les frais
de l'arbitrage et les frais engagés par les parties pour leur
défense31. Les plaideurs sont alors amenés à
étudier le coût que représente une procédure
d'arbitrage au regard des frais d'arbitrage (1), ainsi qu'au regard des frais
engagés pour le compte de leur défense (2).
1) Les frais engagés à l'occasion du fonctionnement
du tribunal arbitral
29 L'article 37 du règlement de chambre
de commerce internationale (CCI) propose
une définition assez large des frais de l'arbitrage :
« les frais d'arbitrage comprennent les honoraires et frais des
arbitres et les frais administratifs de la CCI fixés par la Cour,
conformément au tableau de calcul en vigueur au moment de l'introduction
de l'arbitrage, les ho-
31 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux
coûts dans l'arbitrage international » Les cahiers de
l'arbitrage, P900
16
noraires et frais d'experts nommés par le tribunal
arbitral ». Il est à noter que l'ensemble des
règlements d'arbitrage ont repris cette définition initiée
par la CCI. Nous pouvons ainsi citer l'exemple du règlement de la London
Court of International Arbitration (LCIA32), du centre d'arbitrage
du Caire (CRCICA33), ou encore du règlement de l'American
Arbitration Association (AAA)34.
30 En outre, le règlement d'arbitrage
CNUDCI en apporte une définition un peu plus
précise. Les frais d'arbitrage correspondent aux
honoraires et frais de l'arbitre, à la TVA applicable aux honoraires,
aux frais du secrétariat du tribunal arbitral, aux frais administratifs
des institutions et l'ensemble des frais en lien avec l'activité des
arbitres (Notes de frais : transport, hébergement). Ils couvrent
également les frais d'expertise des experts habilités et
désignés par le tribunal arbitral.
31 L'ensemble de ces dépenses de
nature « administrative » constituent le coeur du
fonctionnement de la justice arbitrale. Pour autant, le
coût total de l'arbitrage ne se résume pas aux frais propres au
fonctionnement du tribunal arbitral. En effet, les plaideurs ne peuvent
négliger le coût que représente l'organisation de leur
défense.
2) Les frais engagés à l'occasion de l'organisation
de la défense
32 A l'instar des frais engagés pour le
fonctionnement du tribunal arbitral, les frais rela-
tifs à l'organisation de la défense des
plaideurs constituent « les coûts directs de la procédure
»35. En d'autres termes, cela signifie que les parties
sont amenées à financer directement les frais découlant de
ces « coûts directs ». En règle générale,
ces coûts sont supportés par l'ensemble des parties de
manière égalitaire jusqu'au prononcé de la sentence
arbi-trale36. Les parties cherchent avant tout à garder la
maitrise des charges financières directes qui leur incombent.
Néanmoins, il est tout à fait possible que le tribunal arbitral
soit à l'origine de la gestion de ces coûts.
32 Article 28 du règlement Law on international
commercial arbitration.
33 Article 42 du règlement Centre
régional d'arbitrage commercial international du Caire.
34 Article 31 du règlement Association
Américaine de l'arbitrage.
35 DUCLERCQ Caroline .
op. et loc. cit.
36 CA Paris, 13 décembre. 2001, RTD com. 2002,
p. 282; D. 2003, Somm. p. 2475, obs. T. Clay.
17
33 Par conséquent, les frais relatifs
à l'organisation de la défense incluent les hono-
raires des avocats engagés pour assurer la
défense des parties dans la procédure. En règle
générale, les honoraires des conseils font partie de la
définition des coûts propres à l'arbitrage sous
réserve de dispositions contraires prévues par d'éventuels
règlements d'arbitrage. Néanmoins, comme le souligne Caroline
Duclercq dans son article « les nouveaux coûts dans l'arbitrage
international » dans les cahiers de l'arbitrage, l'allocation des
frais exposés pour la défense des parties ainsi que l'analyse de
leur caractère raisonnable restent des questions débattues en
doctrine.
34 En effet, comme nous l'avons noté
dans les développements précédents, les parties
supportent dans 80% des cas, les coûts directs d'une
procédure d'arbitrage à parts égales. Force est donc de
constater que la question de la définition des coûts dans
l'arbitrage est alors essentielle, car l'arbitre pourra être
éventuellement appelé à se prononcer sur le mode de
répartition des frais.
35 Dés lors, certaines entreprises
seront amenées à faire augmenter le coût de la pro-
cédure arbitrale de façon tout à fait
dilatoire, dans l'optique de faire plier l'adversaire sur le plan
économique.
B) L'analyse des stratégies procédurales
36 En règle générale, Les
parties engagées dans une procédure d'arbitrage assument
les frais qui en découlent de manière
égalitaire. Pour autant, il arrive que certaines entreprises profitent
de ce système à des fins purement déloyales. En d'autres
termes, celles-ci cherchent à augmenter considérablement le
coût de la procédure, dans le but de nuire à la
trésorerie de leur adversaire (1). Par conséquent, ces nouvelles
pratiques posent la question de l'allocation des frais dans l'arbitrage (2).
18
1) L'accroissement des coûts : La reconnaissance d'une
stratégie procédurale menant à
l'impécuniosité
37 Certaines entreprises mal
intentionnées sont prêtes à livrer une bataille
financière à
leur adversaire. L'objectif étant de faire céder
la partie adverse, en augmentant considérablement le coût de la
procédure d'arbitrage. Pour cela, lesdites sociétés
commandent des expertises, des contres expertises, et sollicitent l'assistance
d'un grand nombre de témoins (ce qui engendre inévitablement des
frais induits conséquents)37. L'assiette de la
procédure d'arbitrage s'en trouve ainsi fortement augmentée. De
fait, les parties qui seront amenées à connaitre
d'éventuelles difficultés financières à ce stade de
la procédure, verront leurs chances de remporter le procès
s'amenuiser.
38 En effet, celles-ci auront d'une part,
bien des peines à financer les frais de provi-
sions, et d'autre part, n'auront plus les moyens d'assurer
leur défense de manière effective. Leur trésorerie s'en
trouvera indéniablement affectée, du fait de l'avancement de
diverses sommes d'argent. En ce sens, la formulation de demandes
reconventionnelles ou de nouvelles expertises seront à exclure. Les
plaideurs en difficulté ne pourront plus faire face au paiement de
l'ensemble de ces provisions.
39 Les parties « faibles » seront
donc définitivement disposées à supporter provisoire-
ment le coût des requêtes plus ou moins opportunes
de leurs adversaires. Par conséquent, la question du paiement des
provisions dans une procédure d'arbitrage revêt un
caractère fondamental. L'impécuniosité de l'une des
parties à l'instance arbitrale pourrait donc être le fruit du
comportement totalement dilatoire de son adversaire.
40 Néanmoins, le recours abusif aux
mesures d'expertises ne constitue pas la seule
stratégie en matière d'arbitrage. En effet,
certaines entreprises s'adonnent à d'autres manoeuvres dilatoires via la
procédure d'internalisation des coûts de l'arbitrage.
Officiellement cette méthode consiste à réduire les
coûts directs de la procédure d'arbitrage. Pour ce faire, l'une
des parties s'engage à confier une partie de l'instruction de l'affaire
à son service juridique (juristes d'entreprises, conseils,
employés spécialisés...).
37 DUCLERCQ Caroline .
op. et loc. cit
19
41 En internalisant ce type de frais, les
parties parviennent à réduire les coûts de la pro-
cédure d'arbitrage, étant donné qu'elles
profitent de « tarifs préférentiels ». C'est la raison
pour laquelle, certains règlements d'arbitrages acceptent le recours
à l'internalisation des frais de procédures liés à
l'organisation de la défense des plaideurs38.
42 Néanmoins, ce genre de pratique
peut s'avérer dangereux, dans la mesure où le
plaideur à l'origine de l'internalisation des
coûts, souhaitera se faire rembourser les frais avancés à
l'issue de la procédure d'arbitrage. A ce titre, il est probable que les
coûts « inter-nalisés » représentent un montant
supérieur à celui qui était initialement prévu par
la procédure classique.
43 En somme, cet aspect revêt
officieusement un caractère stratégique fondamental.
Sous couvert « d'une certaine bonne foi », les
plaideurs profitent de cette solution pour contraindre leur adversaire à
payer des frais de procédure plus élevés. A terme, les
« parties faibles » succomberont à la pression
financière et seront de facto, contraintes de transiger.
44 Cependant, il est à noter qu'une
partie de la doctrine s'oppose à l'internalisation des
frais de procédure en matière d'arbitrage. La
raison de ce rejet est en lien avec l'existence de dangers initiés par
les diverses stratégies financières que nous avons
précédemment évoquées ci-dessus.
45 Au demeurant, la doctrine, ainsi que
certaines Cours arbitrales, justifient ce refus en
considérant que ces frais sont inhérents au
fonctionnement des entreprises. Autrement dit, elles rattachent ces frais de
procédure aux frais normaux des entreprises, dans la mesure où
ceux-ci n'ont pas été engagés à l'occasion de la
procédure arbitrale39. Les plaideurs à l'origine de
l'internalisation des frais de procédure ne pourront donc pas en
demander le remboursement par la partie adverse.
38 Article 7.3 du règlement d'arbitrage de
Paris de 2012 « Costs may also include management time and expenses
».
39 DUCLERCQ Caroline .
op. et loc. cit. / GOTANDA John «
Supplemental damages in private international law», Kluwer law
international, 1998, P.191.
20
46 Pour autant, ce type de risque reste
minoritaire, car la plupart des règlements
d'arbitrage tendent à reconnaitre le mécanisme
de l'internalisation des coûts afin de renforcer la technique de
l'arbitrage et d'assurer une meilleure visibilité aux entreprises qui en
sont à l'origine. L'apparition de ces problèmes
d'impécuniosité ont alors conduit les règlements
d'arbitrage à réagir sur la question de l'allocation des frais de
l'arbitrage.
2) L'accroissement des coûts : Des stratégies
procédurales endiguées par les règlements d'arbitrage
47 Généralement les coûts
correspondant à la procédure d'arbitrage sont répartis
de
manière équitable entre elles à l'issue
de la procédure. Néanmoins, un grand nombre de règlements
d'arbitrage prévoient que c'est à la partie qui succombe
d'assurer le paiement de ces frais. En ce sens, nous pouvons citer l'article 43
du règlement d'arbitrage de la CNUDCI qui énonce que «
Les frais d'arbitrage sont en principe à la charge de la partie ou des
parties qui succombent », ainsi que l'article 31 du règlement
d'arbitrage AAA qui expose que « le tribunal fixera les coûts de
l'arbitrage dans la sentence... De tels coûts peuvent inclure : les frais
et honoraires des arbitres, les coûts de toute assistance requise par le
tribunal, y compris les coûts des experts, les frais et honoraires de
l'administrateur, les coûts raisonnables de représentation de la
partie ayant eu gain de cause, les coûts en relation avec une demande de
mesure provisoire ou conservatoire conformément à l'article 21,
la rémunération des arbitres ».
48 C'est une pratique qui est assez courante
dans les pays de civil law et common law.
Elle obéit à la théorie du « loser
pays rule ». En d'autres termes, la partie qui perd le procès
arbitral doit assumer le paiement des frais de procédure. Cependant,
certains pays comme les Etats-Unis, la Chine ou encore le Japon optent pour une
solution différente. La plupart de leurs règlements d'arbitrage
enjoignent les parties à régler les frais de procédure
tout au long de l'instance arbitrale, indépendamment de la solution
finale40.
40 DUCLERCQ Caroline .
op. et loc. cit. / BÜHLER «
Awarding costs in international commercial arbitration: an overview», ASA
Bull, vol 22, n°2, 2004, P249.
21
49 De ce fait, il est à noter qu'il
n'existe aucun principe d'allocation des coûts dans
l'arbitrage. Les règlements d'arbitrage donnent parfois
même la possibilité aux arbitres d'aménager la
répartition de coûts afin de garantir une plus grande
égalité ente les parties41. A titre d'exemple, nous
pouvons citer l'article 44 du règlement d'arbitrage de l'institut
d'Arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm qui stipule que «
Sauf accord contraire des parties, le tribunal arbitral peut, à la
demande d'une partie, dans la sentence finale, ordonner à une partie de
payer les frais raisonnablement encourus par une autre partie, y compris les
frais de représentation légale, en tenant compte du
résultat de l'affaire et des circonstances pertinentes ».
50 Au regard de ces divers règlements
d'arbitrage, il en ressort que les arbitres sont
investis d'un pouvoir de régulation quant à la
répartition des frais de la procédure d'arbitrage. Ainsi, ils
peuvent mettre un terme aux diverses actions dilatoires ou abusives
diligentées par certains plaideurs, en ayant la possibilité de
les condamner à en supporter le coût de manière exclusive.
La majorité des règlements d'arbitrage confèrent aux
arbitres un pouvoir discrétionnaire, leur permettant de contrôler
le bon déroulement de la procédure. L'objectif étant de
lutter contre certaines pratiques déloyales usitées par certains
plaideurs mal intentionnés.
51 Par ailleurs, le pouvoir des arbitres s'est
vu renforcer par le règlement de la chambre
internationale de commerce, via l'alinéa 5 de l'article
37 : « Lorsqu'il se prononce sur les frais, le tribunal arbitral peut
tenir compte des circonstances qu'il estime pertinentes, y compris dans quelle
mesure chacune des parties a conduit l'arbitrage avec
célérité et efficacité en termes de coûts
». Aujourd'hui, les arbitres sont de plus en plus soucieux à
observer le comportement des parties au cours de la procédure. Par
ailleurs, dans le cas où aucune des deux parties ne remporte
véritablement le procès arbitral, les règlements
d'arbitrages invitent les arbitres à ordonner une répartition
équitable des frais de procédures entre
celles-ci42.
41 Alinéa 2 de l'article 43 du règlement
d'arbitrage CNUDCI / alinéa 2 article 31 du règlement d'arbitrage
Association Americaine de l'arbitrage.
42 SCHWARTS Eric « Le règlement
d'arbitrage de la chambre de commerce internationale: les coûts de
l'arbitrage de la CCI », Bull, CCI, N°1, 1993.
22
52 Si les tribunaux arbitraux essayent de
renforcer l'équilibre procédural entre les par-
ties, en luttant contre les problèmes liés
à l'impécuniosité, il n'en demeure pas moins que
l'efficacité de leur action ne soit pas entièrement
satisfaisante. En effet, il est courant que certains plaideurs se retrouvent
dans une situation financière difficile. Dès lors, il convient de
relever que les méandres de la procédure d'arbitrage peuvent
entrainer des situations d'impécuniosité.
Paragraphe 2 Un obstacle financier encadré par
l'immixtion progressive de la CEDH dans l'arbitrage
53 Affirmer qu'il existe un principe
d'égalité entre les parties dans une procédure
d'arbitrage serait un doux euphémisme. Le coût de
la procédure représente un obstacle financier conséquent,
pour les plaideurs qualifiés de « partie faible ». En
pratique, les litigants impécunieux sont souvent privés de leur
droit d'accès à la justice arbitrale. De ce fait, la doctrine,
ainsi que les juridictions étatiques, se sont saisies de cette
difficulté, en s'interrogeant sur l'opportunité d'appliquer la
convention EDH à l'arbitrage, afin d'offrir de nouvelles garanties
procédurales aux plaideurs en difficulté. Il est à noter
que, dans un premier temps, la jurisprudence n'a pas souhaité faire
droit à cette alternative (A). Néanmoins, celle-ci décida,
dans un second temps, d'infléchir sa position en vue de répondre
aux problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage. Pour ce
faire, les juridictions étatiques ont convenu de re-connaitre une forme
d'application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la convention EDH
sur l'arbitrage (B).
A) L'inapplicabilité formelle de la Convention EDH
à l'arbitrage
54 L'application de la Convention EDH à
la procédure d'arbitrage est une question for-
tement controversée au sein de la doctrine. Si certains
auteurs militent en faveur de l'extension du champ d'application de l'article 6
paragraphe 1 de ladite convention, afin de renforcer l'équilibre des
parties dans l'arbitrage, c'est un postulat qui ne fait pas
l'unanimité
23
(1). En ce qui concerne la position de la jurisprudence, les
juridictions étatiques en ont conclu à une inapplicabilité
formelle de la convention à l'arbitrage (2).
1) Une question fortement débattue en doctrine
55 En matière d'arbitrage, deux courants
doctrinaux s'opposent quant à l'applicabilité
de l'arbitre 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. En effet,
certains auteurs comme le professeur Serge GUINCHARD considèrent que
lorsque les parties décident de recourir à l'arbitrage, elles
renoncent à l'application de l'article 6 paragraphe 1 de ladite
convention, et plus généralement au droit à un
procès équitable43. Ce dernier démontre que le
recours à la Convention européenne des droits de l'homme dans
l'arbitrage n'est pas de droit.
56 Ainsi, les parties s'en affranchissent
dès lors qu'elles signent une clause compromis-
soire permettant d'écarter la compétence des
juridictions étatiques. L'essence même de la justice arbitrale ne
permet pas de respecter les exigences posées par la Convention EDH. A ce
titre, imposer le principe de la publicité des débats dans une
procédure d'arbitrage serait dénué de sens, dans la mesure
où l'arbitrage est une justice privée et donc par nature
secrète. Par conséquent, le principe du droit d'accès au
juge tel que garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ne
saurait trouver d'écho dans le cadre de l'arbitrage.
57 De la même manière, les parties
n'ayant plus les capacités financières suffisantes
pour payer les frais de provision dans le cadre d'un
arbitrage, ne pourraient invoquer une quelconque atteinte à leur droit
d'accès à la justice.
58 Néanmoins, d'autres auteurs comme
Jean-François RENUCCI, estiment que
« l'accord sur l'arbitrage serait atteint si
l'arbitre n'exerce pas sa mission conformément aux garanties du
procès équitable »44. Cette thèse
repose sur le fait qu'un arbitre est investi d'un pouvoir juridictionnel, au
même titre que le juge étatique. De fait, si l'arbitrage est
avant
43 GUINCHAR Serge « Droit processuel/ Droits
fondamentaux du procès », Dalloz. 6ème
Ed.,2011.
44 RENUCCI Jean François « Droit
Européen des Droits de l'Homme », LGDJ. 2ème
Ed. 2012.
24
tout une justice privée, il n'en demeure pas moins que
les décisions émanant des instances arbitrales revêtent un
caractère juridictionnel. En effet, les sentences arbitrales
répondent au principe de l'autorité de la chose jugée. Il
apparait donc nécessaire que la justice arbitrale se plie aux exigences
du procès équitable.
59 Cette division au sein de la doctrine a
fortement influencé la jurisprudence, qu'il
s'agisse aussi bien de celle relevant de Cour
européenne des droits de l'homme, que de celle découlant de nos
propres juridictions.
2) Une question partiellement tranchée par la
jurisprudence
60 A l'origine, il était d'usage que la
Convention européenne des droits de l'homme,
véritable clef de voute du procès
équitable, n'était pas applicable à l'arbitrage. Un tel
postulat se justifiait, dans la mesure où l'on considérait qu'un
tribunal arbitral ne pouvait être assimilé à une
juridiction étatique45. De ce fait, il apparaissait logique
de ne pas engager la responsabilité d'un Etat partie à la
Convention EDH sur la base d'une violation du droit au procès
équitable.
61 En ce sens, la Cour européenne des
droits de l'homme, dans un arrêt Deweer contre
Belgique du 27 février 1980, démontra que le
recours à la justice arbitrale devait s'entendre comme une renonciation
au droit à un tribunal. Malgré l'existence de déni de
justice dans l'arbitrage, pour des raisons d'impécuniosité, la
haute juridiction Européenne s'opposait à ce que les plaideurs en
difficulté invoquent la convention pour satisfaire leur droit au
procès équitable. Le respect de la convention d'arbitrage
s'imposait aux parties dès lors qu'elle était « libre,
licite et sans équivoque »46.
45 C.Cass, 1ère CIV, 20
février 2001, Rev. Arb. 2001.511, note : CLAY Thomas « La
Convention européenne des droits de l'homme, qui ne concerne que les
Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la
matière ».
46 LAGARDE Xavier « L'ombre de la CEDH plane
sur les procédures d'arbitrage », Décideurs magazine,
article du 13/02/2012.
25
62 En outre, la jurisprudence poursuivit en
adoptant une position restrictive quant à
l'applicabilité de la Convention EDH à
l'arbitrage à l'occasion d'un arrêt Cubic du 20 février
200147. Bien qu'il ne s'agissait d'une affaire ayant trait à
un quelconque problème d'impécuniosité, la
société Cubic invoquait la violation de l'article 6 paragraphe 1
de la Convention EDH sur la base du non respect au principe de
l'impartialité de l'arbitre et du délai raisonnable de la
procédure.
63 Pour autant, la Cour de cassation rejeta
leur argumentation aux motifs que : « Et
attendu, sur le troisième moyen, fondé sur
l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme, que la Convention précitée, qui ne concerne que les
Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la
matière... que la cour d'appel a, sur ce point encore, légalement
justifié sa décision ; ». Ainsi, la Cour de cassation
s'appuya sur les développements initialement avancés par la Cour
européenne des droits de l'homme lors de l'affaire Deweer contre
Belgique.
64 Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris eut
l'occasion de véritablement se prononcer
sur la question de l'impécuniosité et du droit
d'accès à la justice arbitrale dans un arrêt Maître
Stebler c/ Sté La Croissanterie, du 14 avril 2005. Dans cette affaire,
les juges du fond se devaient de répondre à la question suivante
: « Comment permettre un accès à la justice à la
partie liée par une clause d'arbitrage et dans l'incapacité
financière de payer la provision des frais d'arbitrage ?
»48. En l'espèce, il s'agissait d'une
société qui avait été placée en liquidation
judiciaire au cours d'une procédure d'arbitrage. Ladite procédure
était régie par le règlement d'arbitrage de la
Fédération de la Franchise. Ce règlement prévoyait
l'existence d'une procédure d'arbitrage avec un double degré de
juridiction. A l'issue de la première instance, la société
devenue impécunieuse perdit le procès.
65 Le liquidateur en charge de sa
représentation, formula une requête aux fins
d'interjeter appel de la sentence rendue par les arbitres.
Cependant, le tribunal arbitral rejeta la demande au motif que la partie
appelante n'avait pas payé la provision des frais correspondant au
montant de l'appel. Dès lors, la sentence arbitrale rendue en
première instance
47 C.Cass, 1ère Civ Cubic Defense
systems du 21 février 2001 : pourvoi n° 99 12.574, B.I N°
39.
48 LOQUIN Eric « La
partie impécunieuse et les conséquences de l'impossibilité
pour elle de payer les frais d'arbitrage » RTD Com. 2006 p. 308.
26
devint définitive, évacuant ainsi toute
possibilité de procéder à un nouvel examen de l'affaire.
Insatisfait de cette situation, le représentant de la
société en liquidation, saisit la Cour d'appel de Paris dans le
but de faire annuler la décision rendue.
66 De facto, ce dernier s'appuya sur les
dispositions du règlement d'arbitrage de la Fé-
dération de la Franchise, en démontrant que le
tribunal arbitral avait l'obligation de prendre en compte la situation
d'impécuniosité de la société. En ce sens, il cita
l'article 20 dudit règlement qui énonce que : « le
demandeur est garant de tous les frais d'arbitrage quels qu'ils soient et qu'il
est tenu de les verser par provision à la Chambre arbitrale dès
que celle-ci l'exige. A défaut du versement de la provision dans le
délai fixé par la chambre d'arbitrage, la demande d'arbitrage est
considérée comme retirée. Si les circonstances de
l'espèce le rendent nécessaires, la Chambre arbitrale peut fixer
exceptionnellement les frais d'arbitrage à un montant supérieur
ou inférieur à celui qui résulte de l'application du
barème ». En somme, le tribunal arbitral aurait dû
prendre en compte les circonstances de l'espèce, afin de permettre
à la société impécunieuse d'interjeter appel de la
sentence rendue.
67 Pour autant, la Cour d'appel de Paris refusa
d'annuler la sentence aux motifs que : «
les griefs formés par le recourant à
l'encontre de l'institution d'arbitrage relèvent de leurs relations
mutuelles et sont étrangers à la qualification de la
décision du tribunal arbitral, que, par suite, la clause du
règlement d'arbitrage stipulant qu'à défaut de versement
de la provision, la demande est considérée comme retirée,
la Chambre arbitrale a pu considérer que « le projet de sentence
peut être considéré aujourd'hui comme définitif
», faute d'accomplissement des formalités afférentes
à la demande d'arbitrage au second degré ». Les juges
du fond se sont donc livrés à une lecture restrictive du
règlement d'arbitrage, laissant le plaideur impécunieux essuyer
les conséquences d'un certain déni de justice.
68 De tels risques représentent un
véritable danger au regard de l'ordre public procé-
dural. C'est la raison pour laquelle, la jurisprudence
décida d'assouplir sa position, afin de renforcer l'équilibre des
parties dans une procédure d'arbitrage.
27
B) L'application substantielle de l'article 6
paragraphe 1 de la Convention EDH à l'arbitrage
69 La question du droit d'accès
à la justice en matière d'arbitrage fut de plus en plus
débattue dans les prétoires européens.
Constatant l'existence de certaines dérives procédu-rales dans la
justice arbitrale, la Cour européenne des droits de l'homme
décida de renforcer l'équilibre des parties au nom du
procès équitable (1). Ne pouvant faire formellement application
de l'article 6 de la Convention EDH, les juges de Strasbourg et les
juridictions étatiques, optèrent pour une application
substantielle dudit article dans les procédures d'arbitrage. Un
véritable revirement de jurisprudence annonçant ainsi les
prémices du droit à l'arbitre (2).
1) Le renforcement de l'équilibre des parties dans
l'arbitrage
70 La Cour EDH a concrétisé sa
volonté d'inverser sa position jurisprudentielle au tra-
vers d'un arrêt Case of Regent Company contre Ukraine du
3 avril 200849. La haute juridiction Européenne mit en
exergue la fonction juridictionnelle du tribunal arbitral. Celle-ci
démontra qu'un tribunal arbitral devait être assimilé
à un tribunal au sens de la justice publique. En ce sens, la cour
précise qu'un tribunal arbitral doit être considéré
comme étant un tribunal « établi par la loi » au sens
de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Par conséquent, les
sentences arbitrales doivent répondre aux mêmes exigences que les
décisions des juridictions étatiques.
71 De par cette décision, la Cour EDH
nous indique que le droit d'agir en justice tel que
reconnu par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH,
tient à s'appliquer dans les procédures d'arbitrage. C'est un
signe fort envoyé à la justice arbitrale. Si le recours à
la justice
49 CEDH, 3 avril 2008, aff. Regent Company V. Ukraine,
req. 773/03, Rev. arb. 2009 p. 797 note Racine.
28
arbitrale ne pose pas de difficulté, la Cour EDH entend
garantir aux plaideurs une sécurité procédurale reposant
sur les principes du droit au procès équitable. Les tribunaux
arbitraux sont tenus d'offrir aux parties les mêmes garanties que celles
prévues par la justice classique. Force est de constater que la
référence au procès équitable devient quasi
inévitable.
72 Bien que les circonstances de l'espèce
n'étaient pas directement rattachées au pro-
blème de l'impécuniosité dans
l'arbitrage, la Cour EDH jugea opportun de renforcer les droits des parties
dans une procédure arbitrale. A ce titre, il est à noter que la
Cour de cassation avait déjà opéré un revirement de
jurisprudence dans un arrêt de la première chambre civile du
1er février 2005. Ainsi, la haute juridiction avait
estimé que le principe du droit d'accès au juge s'appliquait aux
procédures arbitrales, dans la mesure où celui est : «
un droit qui relève de l'ordre public international consacré par
les principes de l'arbitrage international et l'article 6.1 de la Convention
européenne des droits de l'homme ». La motivation juridique
délivrée par la Cour de cassation est très
intéressante, en se sens qu'elle nous laisse en proie à
l'interrogation suivante : « les principes de l'arbitrage
cohabitent-ils avec l'article 6.1 de la CEDH pour consacrer en substance des
règles de même teneur ?50
73 En somme, si la jurisprudence
Française s'est toujours refusée de faire application
des dispositions de la CEDH dans l'arbitrage, il n'en demeure
pas moins qu'elle a choisi une solution alternative afin de rétablir
l'équilibre des parties dans la justice privée. En ce sens, les
juges ont opté pour une application substantielle des garanties de la
Convention EDH. Ce mécanisme juridique a notamment permis de consacrer
le droit d'accès à l'arbitre. Un droit qui sera davantage
renforcé par la justice publique suite à l'inflation des
problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage.
2) Les prémices du droit d'accès à
l'arbitre
74 Le raisonnement juridique mené par les
juges étatiques est assez subtile. Ne pou-
vant inscrire les dispositions de la Convention EDH
directement dans le visa de la décision, les magistrats se
réfèrent aux grands principes procéduraux. De fait,
lesdits principes sont directement liés aux garanties
énoncées par la Convention EDH. Ainsi, nous pouvons prendre
50 LAGARDE Xavier « L'ombre de la CEDH plane
sur les procédures d'arbitrage », Décideurs magazine,
article du 13/02/2012.
29
pour exemple le principe de l'impartialité et le
principe de l'indépendance, qui se retrouvent aussi bien dans la justice
publique que dans la justice arbitrale.
75 De facto, les juridictions étatiques
mettent en exergue ces principes dans le but de
légitimer l'immixtion de la Convention
européenne des droits de l'homme. En ce sens, la jurisprudence
Française a reconnu le droit d'accès à l'arbitre au sens
de la Convention EDH dans un arrêt Etat d'Israël contre
société National iranian oil company (NIOC). La Cour de Cassation
déclara que : « Mais attendu que l'impossibilité pour
une partie d'accéder au juge, fût-il arbitral, chargé de
statuer sur sa prétention, à l'exclusion de toute juridiction
étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de l'ordre
public international consacré par les principes de l'arbitrage
international et l'article 6. 1, de la Convention européenne des droits
de l'homme, constitue un déni de justice... »51.
L'existence d'un déni de justice contraint ainsi la justice
publique à faire application des dispositions de l'article 6 paragraphe
1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Progressivement,
les magistrats abandonnent la position initialement adoptée dans
l'affaire CUBIC, quant à l'application de la Conv EDH à
l'arbitrage.
76 Avec la multiplication des situations de
déni de justice dans l'arbitrage, la justice
française s'est appuyée sur le droit
d'accès à l'arbitre en vertu de l'article 6 paragraphe 1. A ce
titre, les magistrats consulaires du tribunal de commerce de Paris ont rendu un
jugement non publié, qui est passé totalement inaperçu aux
yeux des observateurs52.
77 En l'espèce, il s'agissait d'un
contrat de franchise qui avait été conclu entre une so-
ciété française et une
société danoise. Le tribunal de commerce saisi en tant que juge
d'appui, décida de mettre en échec la convention d'arbitrage.
Afin de justifier le jugement, les magistrats estimèrent qu'il y a avait
eu une disproportion entre les frais découlant de la procédure
d'arbitrage et les capacités financières de la
société : « Il n'est pas non plus contesté que la
saisine du tribunal arbitral danois se heurte à l'obligation qui est
faite au requérant de consigner des frais divers {provision, frais de
dossier, d'enregistrement} afin que l'affaire soit
enrôlée».
51C.Cass, 1ère CIV, du 01/02/2005, N° de
pourvoi: 01-13742 02-15237.
52 DE FONTMICHEL Maximin « l'accès
à l'arbitrage de la partie impécunieuse », les petites
affiches, 403e année - 27 janvier 2014 - No 19.
30
78 De ce fait, le tribunal considère que
«l'impossibilité matérielle pour Mil- Tek France
de se pourvoir devant une juridiction en raison d'une
clause contractuelle, constitue une restriction de l'accès au juge qui
doit conduire le tribunal à déclarer cette obligation nulle et de
nul effet»53.
79 Par conséquent, le tribunal conclut
à l'existence d'un déni de justice violant ainsi le
droit d'accès à la justice. L'argumentation
avancée revêt un caractère totalement inédit, dans
la mesure où, l'impécuniosité de l'un des plaideurs a
permis de remettre en cause la convention d'arbitrage. Cependant, le
raisonnement juridique ne fut pas entériné par la Cour d'appel.
En effet, celle-ci refusa de statuer, dans la mesure où le recours
formé n'était pas techniquement recevable. Nous pouvons ainsi en
déduire que la question de l'impécuniosité dans
l'arbitrage ne bénéficie pas d'une jurisprudence
établie54. En somme, au regard de cette nouvelle tendance
jurisprudentielle, le débat sur l'impécuniosité des
parties dans l'arbitrage est relancé.
80 Le risque du déni de justice dans
l'arbitrage est donc extrêmement élevé. De ce fait,
la justice publique voulut consacrer définitivement le
droit d'accès à l'arbitre. Le problème de
l'impécuniosité dans l'arbitrage permit aux magistrats
Français de renforcer les garanties procédurales
énoncées dans l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Pour
autant, les juridictions étatiques n'ont pas souhaité
dénaturer l'essence de la procédure arbitrale en faisant primer
les principes du procès équitable. L'application substantielle
des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH constitua une
nouvelle foi la clef de voute du raisonnement juridique. Cependant, il apparait
désormais inévitable que l'arbitrage soit rattaché
indirectement à ladite convention. Le droit d'accès à
l'arbitre est une réalité. C'est un nouveau moyen de
protéger les plaideurs impécunieux.
53 Tribunal de commerce de Paris, jugement du 17 mai
2001, RG n° 2011003447.
54 GAILLARD Emmanuel, « Rapport de
synthèse sous la direction de CLAY Thomas et BEN HAMIDA Walid
«l'argent dans l'arbitrage », lextenso éditions, 2013.
31
Section 2 Impécuniosité : La
consécration d'un droit d'accès à l'arbitre
81 Comme nous avons pu le constater dans les
développements précédents, le recours
aux dispositions de la CEDH dans l'arbitrage est devenu
quasiment inéluctable. Il ne serait donc pas incongru de penser que ces
textes soient devenus d'application directe dans les procédures
d'arbitrage, dans la mesure où les sentences arbitrales sont
susceptibles d'être déférées à des
juridictions nationales relevant d'Etats juridiquement liés à la
Convention EDH55.
82 Bien que le droit d'accès à
l'arbitre semble être acquis depuis la jurisprudence « CU-
BIC », il n'en demeure pas moins que les magistrats
français ne se sont pas véritablement prononcés sur la
question de l'impécuniosité dans l'arbitrage. Ainsi, à
l'occasion des affaires « Pirelli » et « Lola Fleurs », la
jurisprudence eut la possibilité de palier à cette absence de
réponse. De facto, la juridiction suprême prit le pas de rendre
effectif le droit d'accès à l'arbitre pour les plaideurs
impécunieux au nom de « l'égalitarisme procédural
» en affaiblissant la portée juridique de la convention d'arbitrage
(paragraphe 1). Par ailleurs, celle-ci décida également de
renforcer la fonction juridictionnelle des tribunaux arbitraux (paragraphe
2).
Paragraphe 1 L'affaiblissement de la portée
juridique de la convention d'arbitrage
83 Le droit d'accès à l'arbitre ne repose
pas formellement sur l'article 6 paragraphe 1
de la CEDH. Néanmoins, la justice publique entend le
consacrer en appliquant substantiellement ses garanties. En somme, les
magistrats rattachent implicitement la convention EDH
55 GUINCHARD Serge, SOREL Jean-Marc, Cécile
Chainais « Droit processuel, Droits fondamentaux du procès
», précis Dalloz, 7ème édition,
p1421.
32
aux grands principes juridiques découlant de l'ordre
public procédural. Ainsi, cette solution parait judicieuse dans la
mesure où l'on permet de remettre en cause certains arbitrages sans pour
autant leur opposer la Convention EDH. L'ordre public procédural, bien
qu'étroitement à celle-ci, permet donc d'annihiler les
conventions d'arbitrage en cas de risque de déni de justice (A).
Cependant, il est tout à fait possible que certaines procédures
d'arbitrage conduisent à des situations de déni de justice. En
effet, Il ne faut pas omettre le fait que l'arbitrage reste avant tout une
justice privée qui obéit, d'une part à la volonté
des parties, et d'autre part à la loi du marché. De plus,
l'immixtion des droits fondamentaux dans l'arbitrage, ne doit pas conduire les
plaideurs à s'en désintéresser. Par conséquent, il
est nécessaire que le recours à l'ordre public procédural
fasse l'objet d'un encadrement juridique précis, afin de
préserver l'essence même de l'arbitrage (B).
A) Le respect catégorique de l'ordre public
procédural
84 Bien que le risque du déni de justice
en matière arbitral soit reconnu par la Cour de
cassation depuis maintenant quelques
années56, l'impécuniosité d'un plaideur n'avait
pas à justifier la remise en cause de la clause compromissoire.
Pourtant, dans un récent arrêt, la Cour d'appel de Paris annihila
un arbitrage en raison d'une violation du droit d'accès à la
justice, et au principe d'égalité entre les parties57.
Les juges du fond sont allés jusqu'à écarter la
volonté des parties consacrée par la convention d'arbitrage, afin
de garantir un accès total à la justice arbitrale et
d'éviter tout déni de justice (1). Guidés par un certain
idéal de justice, les magistrats parisiens ont souhaité
rééquilibrer les droits des plaideurs dans l'arbitrage (2).
1) La prohibition du déni de justice
85 L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du
17 novembre 2011 est venu bouleverser le
monde de l'arbitrage. Statuant sur un litige relatif à
l'impécuniosité de l'une des parties dans une procédure
d'arbitrage, les juges du fond décidèrent d'annuler la sentence
rendue par un tribunal arbitral au visa de l'article 1502 (devenu l'article
1520) du code de procédure civile,
56 Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, n°
01-13.742 : JurisData n° 2005-026746 ; JCP E 2005, 676, note J.
Béguin.
57 CA Paris, pôle 1, ch. 1, 17 nov. 2011,
n° 09/24158 : JCP G 2012, doctr. 843, n° 6, obs. C. Seraglini
33
pour violation du principe du contradictoire et de l'ordre
public international, dans la mesure où, le tribunal arbitral n'avait
pas examiné les demandes reconventionnelles du défendeur, faute
d'avoir eu les moyens financiers de régler la provision et les
honoraires d'arbitrage58. Bien que le tribunal arbitral ait suivi
l'argumentation avancée par la Cour arbitrale de la CCI, la Cour d'appel
Parisienne révoqua celle-ci. En outre, elle s'affranchit
également des normes posées par le règlement d'arbitrage.
De par cette solution, la juridiction du second degré entendit rendre
une solution extrêmement importante, liant l'arbitrage aux principes du
droit d'accès au juge et d'égalité des parties
découlant de la CESDH.
86 En l'espèce, il s'agissait d'une
société de droit Italien, Pirelli, qui était en conflit
avec
son cocontractant, une société de droit
Espagnol, Licensing Project LS, au sujet d'une licence exclusive de production
et de commercialisation de produits manufacturés59. A la
suite d'un défaut de paiement de « Royalties », la
société Italienne désira mettre un terme au contrat. Pour
ce faire, elle engagea une procédure d'arbitrage fin 2007 en
collaboration avec la CCI. Néanmoins, au cours de l'année, la
société Espagnole fit l'objet d'une procédure collective.
Ainsi, dès 2009, ladite société fut placée en
liquidation judiciaire. Préalablement saisi, le tribunal arbitral rendit
une première sentence partielle dans laquelle il reconnut sa
compétence. Par ailleurs, il est à noter que la sentence ne fit
l'objet d'aucune contestation. Le tribunal poursuivit en indiquant que
l'ouverture d'une procédure collective ne remettait pas en cause la
convention d'arbitrage au sens de la loi espagnole. A ce titre, il
précisa que le litige devait faire l'objet non pas d'un arbitrage
interne, mais bien d'un arbitrage international.
87 Puis, par une seconde sentence, le tribunal
arbitral condamna la société espagnole à
payer certaines sommes au profit de la société
Italienne. Bien que cette solution n'aurait pas pu trouver écho en
France60, la société espagnole,
représentée par l'un de ses créanciers, fût
contrainte de former de nombreux recours à l'encontre de cette
décision (le tribunal de commerce de Barcelone autorisa ledit
créancier à intenter des recours dans la mesure où il
agissait dans l'intérêt de la masse des créanciers). En ce
sens, la Cour d'appel de Paris fût
58 COHEN Daniel « Non paiement de la
provision d'arbitrage, droit d'accès à la justice et
égalité des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ?
», The Paris Journal of International Arbitration, 2012.
59 COHEN Daniel
op. et loc. cit.
60 COHEN Daniel
op. et loc. cit. / C.Cass. Civ.
1ère , 8 mars 1988, D 1989.577, note J.ROBERT ; rev. Arb.
1989, 473, note, P.ANCEL ; plus récemment, 6 mai 2009, D 2009,1422, note
X. DELPECH : D 2009, Pan 2959, obs, Thomas CLAY ; rtd, com.
34
saisie de l'affaire. Dans un souci de bonne administration de
la justice, celle-ci prit la décision d'unifier le contentieux en
regroupant les différents recours formés par la
société espagnole et son représentant.
88 Les juges Parisiens se retrouvèrent
ainsi confrontés à un écueil juridique de taille. En
effet, ces derniers devaient se prononcer sur la portée
juridique de l'article 30 du règlement CCI (article en vigueur jusqu'en
1988, avant d'être modifié par l'article 36 du nouveau
règlement de 2012). Cet article donnait à la Cour d'arbitrage, la
possibilité de fixer des provisions distinctes sur les demandes
principales et reconventionnelles, et à écarter ces
dernières en cas de non paiement des frais de provision correspondant.
Si l'on revient aux circonstances de l'espèce, il est à noter que
la Cour d'arbitrage avait préalablement notifié au tribunal
arbitral, ainsi qu'aux parties, que le défendeur s'était abstenu
de payer les frais d'arbitrage (frais procéduraux et frais
d'honoraires). De fait, celle-ci indiqua au tribunal arbitral, que les demandes
reconventionnelles formulées par le plaideur impécunieux se
devaient d'être retirées. Par ailleurs, la Cour précisa
également que le défendeur avait la possibilité de
réitérer ses demandes au cours d'une autre instance,
conformément aux dispositions du règlement d'arbitrage.
89 Cependant, la Cour d'appel de Paris
réfuta le bien fondé de cette procédure en dé-
montrant que : « cette décision a
été tenue pour acquise par le tribunal arbitral ». En
ce sens, les juges du fond reprochèrent aux arbitres de ne pas avoir
exercé leurs fonctions, et notamment celle de trancher un litige. De
plus, elle estima que la société Espagnole, consciente de son
état d'impécuniosité, se retrouva dans
l'impossibilité de faire valoir sa cause. Elle qualifia la mesure prise
par le tribunal arbitral « d'excessive ». Par conséquent, les
magistrats parisiens démontrèrent que le tribunal arbitral avait
privé le défendeur de son droit d'accès à la
justice comme en témoigne l'attendu de principe : « l'atteinte
au droit d'accès à la justice et au principe
d'égalité entre les parties justifie l'annulation de la sentence
en application des articles 1502, 4° et 5° du code de
procédure civile ».
90 De par cette solution, la Cour d'appel de
Paris semble rendre une décision de prin-
cipe. En effet, celle-ci repose essentiellement sur des
principes fondamentaux. En annulant la sentence arbitrale pour violation du
droit d'accès au juge et du principe d'égalité entre
les
35
parties, les juges du fond ont fait implicitement application
des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. A ce titre,
la juridiction du second degré précise que le droit
d'accès au juge du défendeur fut bafoué dans la mesure
où le tribunal arbitral l'empêcha de présenter ses demandes
reconventionnelles, faute d'avoir financé les frais de provision
correspondant. En somme, l'attendu de principe corrobore cette analyse :
« le droit d'accès à la justice implique qu'une personne
ne puisse être privée de la faculté concrète de
faire trancher ses prétentions par un juge et estime que si des
restrictions peuvent être apportées à l'exercice de ce
droit, elles doivent être proportionnées aux
nécessités d'une bonne administration de la justice ».
La Cour d'appel poursuit le raisonnement en énonçant que
« les juridictions arbitrales ne sont pas soustraites à
l'application de ces principes ».
91 A la première lecture, les
observateurs ne se sont pas insurgés contre la position dé-
fendue par la justice publique, dans la mesure où il
est tout à fait légitime que la justice arbitrale se soumette
à un certain nombre de principes procéduraux ayant pour
finalité de renforcer la conception d'un certain idéal de
justice61. De ce fait, il existe une véritable
proximité juridique entre la justice arbitrale et la justice publique.
Celles-ci se doivent de répondre aux exigences posées par l'ordre
public procédural afin de garantir aux plaideurs, une justice de
qualité. En ce sens, Bruno OPPETIT disait que l'arbitrage et la justice
étatique entretenaient d'étroites relations:
«dualités de légitimités, mais communauté
d'éthique et de fin, diversité de moyens, mais unité
fonctionnelle »62.
92 Dès lors, il est indéniable que
cette proximité entre les deux types de justice ait
permis à la jurisprudence d'introduire le droit
d'accès au juge, tel que prévu par la Convention EDH, dans
l'arbitrage. En effet, la Convention EDH submerge l'ensemble des contentieux
soumis à la justice publique depuis de nombreuses années. Les
justiciables y font constamment référence. Elle est devenue en
quelque sorte « la gardienne des droits fondamen-
61 COHEN David « justice publique et justice
privée », Arch. Phil, Dr, T.41. Sirey, 1997, P149 et S.
Spec.P.160.
62 OPPETIT Bruno « justice étatique et
justice arbitrale », études offertes à P. BELLET, Litec,
1991, P. 415, à 426.
36
taux ». Ainsi, bien que l'arrêt
présenté n'opère aucun renvoi à ladite convention,
sa présence n'en fait pas moins l'ombre d'un doute63.
93 Concernant la violation du principe
d'égalité entre les parties, la Cour d'appel de Pa-
ris légitime son appréciation en évoquant
la nécessité pour les arbitres de se soumettre au respect de
l'ordre public procédural. Une justification quelques peu
alambiquée, confirmant ainsi la présence sous-jacente de la
Convention européenne des droits de l'homme. Au demeurant, la justice
publique tend à intégrer le principe de l'égalité
procédurale dans l'arbitrage au nom de la Convention EDH.
2) L'intégration du principe d'égalité des
parties
94 En rendant cette décision, les
magistrats de la Cour d'appel de Paris ont mis en
exergue l'existence d'une violation du principe
d'égalité des parties dans le procès arbitral. Refusant de
se prononcer sur les demandes reconventionnelles formulées par le
plaideur impécunieux, le tribunal arbitral a certes privé celui
de son d'accès à la justice, mais il l'a également
privé de son droit à se défendre. Ainsi, la Cour d'appel
profita de cette occasion pour rappeler que la justice arbitrale ne pouvait
ignorer certains principes fondamentaux, tel que le principe du contradictoire
: « le respect de la contradiction exige que les parties soient
placées en situation d'égalité devant le juge, et estime
que tel ne serait pas le cas si le défendeur, autorisé seulement
à répliquer aux prétentions adverses se trouvait
privé de la faculté de soumettre au tribunal des demandes
reconventionnelles liées par un lien suffisant de connexité aux
demandes principales et de nature à lui permettre le cas
échéant, sa libération par la compensation entre
créances réciproques ».
95 Le postulat avancé par la Cour d'appel
n'implique pas nécessairement une véritable
révolution étant donné que le principe du
contradictoire est communément invoqué pour faire annuler
certaines sentences arbitrales. A l'instar de la justice étatique,
l'arbitrage est tenu de garantir aux parties une véritable
égalité de traitement. Ainsi, cette exigence correspond
vulgairement au respect des principes du procès équitable. A ce
titre, le professeur
63 JARROSSON Charles « L'arbitrage et la
Convention Européenne des Droits de l'Homme », Rev, Arb,
1998.571.
37
OPPETIT souligne que : « La même philosophie de
procès équitable imprègne les finalités et les
principes d'organisation de toute forme de justice publique ou privée,
contribuant ainsi à instituer la fonction de juger sur des bases
communément acceptées et respectées »64.
En outre, il est à noter que la Cour de cassation, depuis
l'arrêt Lautour, considère que le procès équitable
fait partie « des principes de justice universelle », et
qu'il s'applique ainsi à tout type de justice65.
96 Par ailleurs, si l'on étudie avec
précision le contenu de l'arrêt rendu, on peut claire-
ment constater que la Cour d'appel débute son
argumentation en exposant le fait que : «le respect de la
contradiction exige que les parties soient placées en situation
d'égalité devant le juge ».
97 En somme, le postulat avancé n'est pas
inédit, dans la mesure où la justice étatique
a toujours exigé que les arbitres se doivent de
« juger et assurer eux-mêmes en conscience et sous leur
responsabilité les conditions du « procès équitable
» conforme aux principes généraux et fondamentaux du droit
et, en tant que de besoin, aux dispositions de l'article 6 de la Convention EDH
»66.
98 Pourtant, si l'on étudie en profondeur
la motivation de l'arrêt rendu, on peut légiti-
mement s'interroger sur la manière dont la Cour d'appel
rattache le principe du contradictoire aux circonstances de l'espèce.
Celle-ci nous donne l'impression que ledit principe ne serait entendu comme
n'étant qu'un simple corollaire de l'égalité des
armes67. En effet, ledit principe ne repose pas uniquement sur le
contradictoire. Ainsi, les applications découlant du principe
d'égalité des armes peine à trouver leur place dans
l'arbitrage68.
64 OPPETIT Bruno « Théorie de l'arbitrage
», PUF, 1998, P.117.
65 Cass. Ch. Civ. Sec. Civ, du 25 mai 1948, RCDIP
1949.89. Note Batiffol ; D1948.357.
66 CA Paris, 18 nov. 1987 : Rev. arb. 1988, p. 657,
note Ph. Fouchard.
67 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie «
Les principes du procès équitable dans l'arbitrage
international » Journal du droit international (Clunet) n° 1,
Janvier 2012, doctr. 2.
68 GUINCHARD Serge et alii, « Droit
processuel. Droit commun et comparé du procès équitable
», op. cit. n° 620.
38
99 Généralement
présenté comme étant le « le principe le plus
fécond parmi les droits
naturels de procédure »69, le
principe du contradictoire est parfois employé de manière
très originale. En ce sens, dans un arrêt « Ducto », la
Cour de cassation a considéré au visa des articles 1502 et 1504
du code de procédure civile, et au visa de l'article 6 du code civil,
que l'ordre public procédural impose que les parties soient en mesure de
participer à l'élaboration du tribunal arbitral de manière
totalement égalitaire : « le principe de
l'égalité des parties dans la désignation des arbitres est
d'ordre public ; qu'on ne peut y renoncer qu'après la naissance du
litige »70. Pour autant, le principe
d'égalité des armes est un principe autonome. A ce titre, son
autonomie est reconnue par l'article 1510 du code de procédure civile
qui dispose que : « quelle que soit la procédure choisie, le
Tribunal arbitral garantit l'égalité des parties et respecte le
principe de la contradiction».
100 Ainsi, les juges du fond dans l'arrêt
du 17 novembre 2011, se livrent à une applica-
tion particulière des principes de
l'égalité des armes et du contradictoire. En effet, leur
utilisation n'avait pas pour but de se joindre à l'un des cas
d'annulation prévus par l'ancien article 1502 du code de
procédure civile. Dès lors, la cour d'appel de Paris estime que
le principe du contradictoire n'est pleinement respecté qu'à
condition que les plaideurs se retrouvent sur un pied d'égalité,
sans que leur situation financière ne puisse y contrevenir. C'est la
raison pour laquelle, la Cour d'appel annula la sentence arbitrale au motif que
: « tel ne serait pas le cas si le défendeur, autorisé
seulement à répliquer aux prétentions adverses, se
trouvait privé de la faculté de soumettre au tribunal des
demandes reconventionnelles liées par un lien suffisant de
connexité aux demandes principales et de nature à lui permettre
d'obtenir, le cas échéant, sa libération par la
compensation entre créances réciproques ». Par
conséquent, la juridiction du second degré considère que
le principe de l'égalité des armes doit s'analyser comme
« une exigence de qualité des autres droits de la
défense et, notamment, du principe du contradictoire
»71.
69 HASCHER Dominique « Principes et
pratiques de procédure dans l'arbitrage commercial international »
: RCADI 2000, t. 279, p. 126.
70 Cass. 1re civ., 7 janv. 1992 : Bull. civ. 1992, I, n°
2 ; Rev. arb. 1992, p. 470, note P. Bellet ; JDI 1992, p. 707, concl. Flippo et
note Ch. Jarrosson.
71 CADIET Loic, J. Normand et S. Amrani-Mekki, «
Théorie générale du procès », 1re
éd. : PUF 2010, § 175.
39
101 Au demeurant, la Cour d'appel Parisienne se
servit de cette rupture d'égalité des
armes entre les parties pour en déduire l'existence
d'une violation du principe du contradictoire. De fait, celle-ci affina son
propos en s'appuyant sur la nature « hybride » 72de la
demande reconventionnelle. En effet, la demande reconventionnelle, objet de
l'écueil juridique en l'espèce, est à la fois un moyen de
défense et à la fois un moyen « d'attaque ». En
d'autres termes, c'est une demande incidente émanant uniquement du
défendeur qui se joint à l'instance. La demande reconventionnelle
est admise par l'article 70 du code de procédure civile seulement s'il
existe un lien suffisant qui l'unit à la prétention principale.
Ainsi, la Cour d'appel en déduisit logiquement que si une demande
reconventionnelle est juridiquement recevable au sein d'une procédure
d'arbitrage, le tribunal arbitral est tenu de la déclarer recevable, eu
égard aux conditions formelles imposées par le règlement
d'arbitrage.
102 En ce sens, l'arrêt du 17 novembre
2011 est extrêmement important, car il vient re-
définir le droit à la défense. La Cour
d'appel considère que le droit de se défendre implique
nécessairement un droit à « contrattaquer »,
d'où l'existence des demandes reconventionnelles. Bien
évidemment, cette conception renvoie à des considérations
bien plus techniques qui tendent, en droit interne, à opérer une
véritable distinction entre les défenses au fond et les demandes
reconventionnelles. Concernant les circonstances de l'espèce, il
s'agissait d'un contentieux de l'inexécution contractuelle. Ainsi, les
diverses prétentions formulées par les deux
sociétés pouvaient s'analyser comme étant d'une part des
exceptions d'inexécution ou d'autre part des contre-attaques sur le
terrain indemnitaire73.
103 En définitive, l'arrêt rendu
par les juges du fond invite les professionnels de
l'arbitrage à prendre conscience qu'il existe un
véritable droit d'accès à la justice dans l'arbitrage. De
facto, les plaideurs doivent bénéficier des mêmes moyens
afin de satisfaire les exigences du procès équitable. De la
même manière, le principe du contradictoire doit régner en
maitre sur la procédure, et ce, suivant les mêmes conditions qui
existent dans la justice publique.
72 SOLUS Henry et PERROT Roger « Droit judiciaire
privé, t. 1, Introduction. Notions fondamentales. Organisation
judiciaire » : Sirey 1961, n° 320 et s., spéc. n°
325 et s.
73 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie «
Les principes du procès équitable dans l'arbitrage
international » Journal du droit international (Clunet) n° 1,
Janvier 2012, doctr. 2.
40
104 En somme, s'il est porté atteinte
à l'ordre public procédural, l'arbitre n'a plus à se
sentir lié par le règlement d'arbitrage. C'est
la raison pour laquelle, le tribunal arbitral ne désirant pas se
soumettre à l'application de ce principe, vit sa sentence annulée
par la Cour d'appel de Paris. La limite à l'ordre public
procédural s'oppose non pas au principe de l'arbitrage, mais bien aux
conditions dans lesquelles il évolue.
105 Cependant, bien que l'arrêt de la Cour
d'appel de Paris semble octroyer un droit
d'accès au juge aux plaideurs impécunieux sans
de véritables restrictions, la Cour de cassation saisie par la
société Pirelli, décida dans un arrêt du 28 mars
201374, d'encadrer son champ d'application, en conditionnant le
recours à l'ordre public procédural. En effet, l'ordre public
procédural, sous l'influence massive de la Convention EDH, n'a pas
à dénaturer l'essence même de l'arbitrage.
B) Le respect conditionné de l'ordre public
procédural
106 Les hauts magistrats restreignirent le champ
d'application du droit d'accès à l'arbitre
en exigeant que la demande reconventionnelle formulée
par le plaideur impécunieux doit être « indissociable »
de la demande principale (1). De par cette solution, la Cour de Cassation pose
les limites du droit d'accès à l'arbitre en renforçant
l'effectivité de la convention d'arbitrage (2).
1) L'analyse de la notion d'indissociabilité des demandes
reconventionnelles
107 De par cette solution, la Cour de cassation
démontre qu'elle n'est pas totalement
indifférente aux observations formulées par une
partie de la doctrine. En effet, celle-ci avait fait remarquer que le versement
de provisions séparées permettait « d'éviter des
demandes
74C.Cass, 1ère Civ, du 28 mars 2013, N°
de pourvoi: 11-27770, FS P+B+I : JurisData n° 2013-005254, Bulletin 2013,
I, n° 59 D. 2013. 929 ; Rev. arb. 2013. 746, note F.-X. Train ; JCP 2013.
Act. 408, obs. J. Béguin, et 559, note J. Béguin et H. Wang ;
Paris Journ. intern. arb. 2013. 479, note A. Pinna, et 585, note
d'audience av. gén. P. Chevalier ; Procédures 2013. 189, note L.
Weiller ; JCP 2013. Doctr. 784, § 4, obs. C. Seraglini ; Gaz. Pal. 30
juin-2 juill. 2013, p. 16, obs. D. Bensaude.
41
reconventionnelles extravagantes dans le seul but d'obtenir
l'abandon du demandeur »75. Ainsi, certains plaideurs usaient
de manoeuvres dilatoires en augmentant considérablement ses demandes de
manière à ce que le coût de l'arbitrage atteigne des
sommets. Pour autant, il n'est pas opportun de priver un plaideur
impécunieux de son droit d'accès à la justice en
l'empêchant de formuler des demandes reconventionnelles. De ce fait, la
Cour de cassation, largement inspirée des conclusions
présentées par l'avocat général Pierre
CHEVALIER76, ne remit pas en cause le principe du droit
d'accès à l'arbitre pour le plaideur impécunieux, mais y
apporta quelques restrictions.
108 Pour ce faire, la Cour de cassation se
pencha sur la nature juridique des demandes
reconventionnelles formulées par la
société Espagnole. En effet, décida de casser
l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris en jugeant que : «
Qu'en statuant ainsi, alors que, si le refus par le tribunal arbitral
d'examiner les demandes reconventionnelles peut être de nature à
porter atteinte au droit d'accès à la justice et au principe
d'égalité entre les parties, c'est à la condition que
celles-ci soient indissociables des demandes principales, la cour d'appel, qui
n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si tel
était le cas en l'espèce, n'a pas donné de base
légale à sa décision ». Ainsi, la juridiction
suprême reproche aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment
cherché si les demandes reconventionnelles étaient «
indissociables » des demandes principales.
109 A la lecture de cet attendu de principe,
nous pouvons remarquer que la Cour de cas-
sation invite la Cour d'appel à réévaluer
l'indissociabilité des demandes, sans pour autant remettre en cause le
principe du droit d'accès à l'arbitre.
110 Cette observation implique donc deux
possibilités : soit la demande reconvention-
nelle est dissociable de la demande principale, et elle n'a
pas à être examinée par le juge car le défendeur
garde la possibilité de se défendre via ladite demande
principale, soit la demande reconventionnelle est indissociable de la demande
principale et il est impératif que
75 PINNA Andréa « La confirmation
de la jurisprudence Pirelli par la Cour de cassation et les difficultés
pratiques de garantir au plaideur impécunieux l'accès à la
justice arbitrale », Rev, arb, 2012/ C.F CLAY Thomas, COHEN, David,
note préc. Spéc. P164-165.
76 DELPECH Xavier « Demande conventionnelle
en matière d'arbitrage », dalloz actualité du 08 avril
2013.
42
les demandes soient analysées ensemble afin que les
exigences posées par le droit au procès équitable soient
satisfaites.
111 Tout le coeur du raisonnement juridique
avancé par la Cour de cassation repose
donc sur cette notion d'indissociabilité des demandes
reconventionnelles. Pour autant, l'argumentation développée par
la Cour de cassation nous laisse nécessairement en proie à
quelques interrogations quant à la signification exacte de la notion
d'indissociabilité. Celle-ci revêt un caractère totalement
inédit77 et parait se distinguer de la notion de « lien
suffisant » communément appliquée dans le cadre de la
procédure civile française78.
112 S'il existe indéniablement des
similitudes entre ces deux notions, il est à noter que la
haute juridiction, en créant cette notion
d'indissociabilité, éprouva le besoin de s'affranchir des acquis
de la procédure civile. Cette création juridique n'est pas le
fruit du hasard, quand bien même elle suscite de nombreuses
interrogations quant à sa portée. En effet, le lien «
suffisant » reconnu par le code de procédure civile ne correspond
à la notion d'indissociabilité mise en oeuvre par la Cour de
cassation. Par ailleurs, celle-ci ne semble pas non plus correspondre à
la notion d'indivisibilité des demandes, telle que reconnue en
procédure civile.
113 Néanmoins, comme le souligne
Andréa PINNA, « il n'est pas à exclure que la
condi-
tion posée par la Cour de cassation puisse avoir un
lien avec la catégorie des prétentions qui ont pour objet de
« faire écarter les prétentions adverses » de l'article
564 du code de procédure civile »79.
114 Par conséquent, la Cour de cassation
entend consacrer un droit d'accès à l'arbitre
pour l'ensemble des parties à une procédure
d'arbitrage, et ce, quelque soit leur situation financière. Pour autant,
elle n'érige pas ce droit d'accès à la justice arbitrale
en droit absolu. Ce dernier fait l'objet restrictions comme nous avons pu le
constater via l'exemple des de-
77 WEILLER Laura « Retour sur
l'effectivité du droit au juge arbitral » Rev.
Procédures n° 6, Juin 2013, comm. 189.
78 Article 70 du code de procédure civile
79 PINNA Andréa « La confirmation de
la jurisprudence Pirelli par la Cour de cassation et les difficultés
pratiques de garantir au plaideur impécunieux l'accès à la
justice arbitrale », Rev, arb, 2012, P463.
43
mandes reconventionnelles. Cette analyse nous apporte ainsi la
preuve que la Cour de cassation est sensible à la cause de l'arbitrage
et souhaite respecter la volonté des parties. C'est la raison pour
laquelle, le maintien de la convention d'arbitrage est devenu le cheval de
bataille des magistrats de la Cour de cassation.
2) Le maintien de la convention d'arbitrage
115 Le maintien de la convention d'arbitrage
s'avère être indispensable dans la mesure
où le problème de l'impécuniosité
dans la justice arbitrale, peut émaner du demandeur lui-même.
Cette hypothèse a pu se vérifier à l'occasion d'une
affaire Lola Fleurs80. En l'espèce il s'agissait d'un fonds
de commerce franchisé qui avait fait l'objet d'une cession de la part du
gérant au profit d'un tiers. Cependant, le franchiseur, alors
créancier du franchisé, s'opposa à la cession en
contestant le prix de celle-ci. Cette opposition conduisit naturellement le
cédant du fonds de commerce à saisir le tribunal de commerce de
Paris. Ainsi, il contesta la licéité de la créance du
franchiseur en démontrant qu'elle était issue de pratiques
commerciales lésionnaires.
116 Contestant le recours formé devant la
justice étatique, le franchiseur s'appuya sur la
clause compromissoire présente dans le contrat de
franchise, afin de soulever l'incompétence du tribunal de commerce. Le
franchisé répondit à cette manoeuvre procédu-rale
en formant un contredit de manière à contester le bien
fondé de la convention d'arbitrage. A ce titre, il expliqua d'une part
qu'il n'avait consenti à la convention d'arbitrage, dans la mesure
où c'est la société mère qui l'avait signée,
et d'autre part, que sa situation financière ne lui permettait pas de
faire face au coût que représentait une procédure
arbitrale.
117 Dès lors, le plaideur
impécunieux se servit de la même argumentation qui avait
été
avancée par la société Espagnole
Licensing Project dans le cadre de l'affaire Pirelli, à savoir
l'existence d'une violation de son droit d'accès à la justice en
vertu de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Cette stratégie
juridique avait le mérite d'être opportune, dans la mesure
où la Cour d'appel Parisienne l'avait faite prospérer.
80 2. CA Paris, Pôle 1 - Chambre 1, 26
février 2013, SARL Lola Fleurs c/ Société Monceau Fleurs
et autres, RG n°12/12953, ASA Bull. 4/2013, p. 900
44
118 Pourtant, la Cour d'appel Parisienne, dans
un arrêt du 26 février 2013 en décida au-
trement, faisant ainsi le choix de préserver
l'efficacité de la convention d'arbitrage. Bien que la Cour de cassation
dans son arrêt du 28 mars 2013 considère qu'une convention
d'arbitrage peut être mise en échec en raison de l'existence d'une
violation à l'ordre public procédural, la juridiction du second
degré estima que l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ne
saurait en faire de même, en cas d'une violation du droit au
d'accès au juge. Selon elle, le risque de déni de justice dans
l'arbitrage ne suffit pas à remettre en cause la convention, ainsi que
l'effet négatif du principe compétence-compétence.
119 En ce sens, la Cour d'appel explique qu'il
appartient aux arbitres et non au juge de
garantir l'accès à la justice pour les plaideurs
dont la situation financière semble être fragile : « le
caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire ne
saurait [...] se déduire de l'incapacité alléguée
de Lola Fleurs à faire face au coût d'une telle procédure
en raison de sa situation financière et au déni de justice qui en
résulterait alors qu'il appartient en tout état de cause au
tribunal arbitral de permettre l'accès au juge, un éventuel
manquement de sa part sur ce point étant susceptible d'être
sanctionné ultérieurement ». En outre, la
référence implicite faite à l'article 6 paragraphe 1 de la
Convention EDH ne fait pas, là aussi, l'ombre d'un doute. Les juges du
fond procèdent une nouvelle fois à une application substantielle
de ladite convention81.
120 Dès lors, le droit à la
justice pour les plaideurs impécunieux pose question quant à
son application pratique. Il est difficile de garantir un
droit d'accès à la justice arbitrale sachant que la partie qui
s'en prévaut n'a pas les moyens de la financer. De facto, cette
situation contraint les centres d'arbitrage à commettre des dénis
de justice, violant ainsi les grands principes de l'ordre public
procédural82.
81 DE FONTMICHEL Maximin « L'accès
à l'arbitrage de la partie impécunieuse », les petites
affiches Chronique arbitrage, 403ème année,
édition du 27 janvier 2014, n°19.
82 La lettre de la chambre arbitrale internationale
de Paris, entretien avec Andréa PINNA, édito de novembre 2013 :
« Dans quelle mesure les concepts de procès équitable,
d'égalité des parties, d'accès au juge, voire de «
droit à l'arbitre » trouvent-ils aujourd'hui leur place
dans arbitrage ? Peut-on parler dans ce domaine d'un véritable «
ordre public procédural » ?
45
121 En somme, La jurisprudence reste silencieuse
sur la manière de traiter le problème
de l'impécuniosité dans l'arbitrage. Celle-ci
renvoie les centres d'arbitrage à leurs responsabilités, tout en
les invitant à faire primer leur fonction juridictionnelle sur leur
nature contractuelle.
Paragraphe 2 Le renforcement de la fonction
juridictionnelle du tribunal arbitral
122 Au travers des différentes
affaires Pirelli et Lola Fleurs, nous pouvons remarquer que
la justice publique considère que
l'impécuniosité de l'un des plaideurs en matière
d'arbitrage n'est pas une cause suffisante pour remettre en cause la convention
d'arbitrage. Toutefois, la Cour de cassation veille à ce que les
arbitres garantissent l'accès à la justice pour l'ensemble des
litigants. Ainsi, la juridiction suprême enjoint ces derniers de veiller
au respect des droits du procès équitable dans la
procédure arbitrale (A). Cette nouvelle mission impliquant
nécessairement un renforcement de la fonction juridictionnelle des
arbitres (B).
A) L'arbitre : Un nouveau garant du procès
équitable
123 L'arbitre est avant tout un juge. A ce
titre, il doit rendre des décisions conformes à
l'ordre public procédural. Pour autant, au regard des
différentes affaires que nous avons été amené
à étudier, il apparait clairement que les instances arbitrales
n'ont pas véritablement cherché à ce que les sentences
délivrées par leur soin, soient en parfaite adéquation
avec les principes de l'ordre public procédural. C'est la raison pour
laquelle, le juge étatique fut amené à exercer un
contrôle a posteriori desdites sentences, sur les conséquences de
l'impécuniosité des plaideurs au regard de l'ordre public
procédural (1). Ce nouvel examen permit ainsi au juge de l'annulation
d'investir les instances arbitrales d'une véritable mission de
contrôle in concreto des circonstances de l'espèce, afin que les
conséquences découlant d'un manque de ressources
financières, ne nuisent pas aux principes du droit au procès
équitable (2).
46
1) Le contrôle a posteriori des conséquences de
l'impécuniosité
124 Au regard des différents arrêts
rendu récemment, il apparait clairement que le
risque de déni de justice découlant de
l'impécuniosité de l'un des plaideurs en matière
arbitrage, ne constitue pas une raison suffisante pour annihiler
l'efficacité la convention d'arbitrage. De la même manière,
les juridictions étatiques tiennent à renforcer le principe de
l'effet négatif du principe compétence-compétence
consacré par les articles 1448 et 1465 du code de procédure
civile.
125 Ainsi, l'intervention du juge
étatique doit se limiter à un contrôle a posteriori de
la
sentence arbitrale. Celui-ci est tenu de vérifier si la
sentence rendue par l'arbitre est conforme aux exigences posées par
l'ordre public procédural. Exigences que l'on retrouve par ailleurs au
sein de la Convention EDH.
126 En instaurant un tel système de
contrôle, la justice publique entend davantage res-
ponsabiliser les arbitres, en les investissant d'une nouvelle
mission : faire respecter les garanties fondamentales du procès.
L'arbitre est donc le premier garant du procès équitable dans la
justice arbitrale. Bien que la jurisprudence reste silencieuse sur la
manière dont les tribunaux arbitraux doivent opérer pour garantir
un accès à la justice aux plaideurs impécunieux, celle-ci
adresse un message d'une grande clarté au monde de l'arbitrage : «
Débrouillez-vous pour garantir aux parties impécunieuses un
accès effectif à l'arbitrage et... rendez vous devant le juge de
l'annulation »83.
127 En outre, cette solution adoptée par
la justice publique suscite quelques interroga-
tions quant au devoir incombant aux arbitres de garantir le
droit d'accès à la justice arbitrale pour l'ensemble des
plaideurs, quelque soit leur situation financière. En somme, si le
risque de déni de justice ne suffit pas à remettre en cause la
convention d'arbitrage, les arbitres sont tenus d'en altérer quelque peu
le fondement, sous peine de voir leur sentence annulée
83 TRAIN François Xavier « Le
contrôle a posteriori et in concreto des conséquences de
l'impécuniosité d'une partie à l'arbitrage », note
sous Cass. civ. 1re, 28 mars 2013 et Paris, Pôle 1 - Ch. 1, 26
février 2013, Rev. arb., 2013.746.
47
par le juge étatique. En effet, certaines
stratégies procédurales consistant à faire
considérablement augmenter le coût de l'arbitrage, sont en
parfaite adéquation avec le règlement d'arbitrage. De sorte que
les arbitres sont inéluctablement amenés à commettre des
dénis de justice quand l'une des parties ne parvient plus à
financer les frais de la procédure. De la même manière,
l'impossibilité matérielle pour la partie adverse de se
substituer à la partie impécunieuse pour le financement des frais
de provision, entraine également des situations de déni de
justice. L'arbitre se retrouve donc en proie à une difficulté de
taille, à savoir de trouver un consensus entre le droit d'accès
à la justice, et le respect de la force obligatoire du contrat.
128 Dès lors, en respectant
scrupuleusement le contenu de la convention d'arbitrage, les
arbitres ne pourront pas veiller au respect de certaines
garanties fondamentales. C'est la raison pour laquelle ces derniers ont le
devoir de l'écarter dans certaines situations dites exceptionnelles. A
défaut, Le juge étatique sera amené à intervenir
par l'intermédiaire d'un contrôle a posteriori de la sentence
délivrée. Celui-ci agira en dernier ressort, dans le but d'une
part, de garantir l'accès à la justice pour les plaideurs en
difficulté, et d'autre part, de rétablir l'équilibre
procédural.
129 Pourtant, ce mécanisme n'est pas
réellement satisfaisant dans la mesure où le sort
de la procédure arbitrale est abandonné aux
mains de la justice publique. Le recours au contrôle a posteriori du juge
étatique serait quasiment inéluctable dès lors que les
arbitres seront amenés à se prononcer sur le sort d'une partie
impécunieuse.
130 Par conséquent, le juge
étatique, désireux de renforcer l'équilibre entre les
parties,
se doit de se livrer à une analyse in concreto des faits
du litige qui lui est soumis.
2) Le contrôle in concreto des conséquences de
l'impécuniosité
131 Le respect du procès équitable
est avant tout une tâche qui incombe à l'arbitre. Ce-
lui-ci est donc dans l'obligation de veiller à ce que
l'ensemble des parties aient un droit d'accès effectif à la
justice arbitrale. Il doit se livrer à une analyse in concreto de
l'affaire qui
48
lui est présentée. A ce titre, nous pouvons une
nouvelle fois nous appuyer sur la jurispru-
dence Pirelli.
132 En effet, l'arrêt rendu par la Cour de
cassation illustre parfaitement le fait que
l'annulation de la sentence arbitrale repose la question de
l'indissociabilité des demandes reconventionnelles. Dés lors, en
faisant le reproche au tribunal arbitral de ne pas avoir suffisamment
étudié la nature de celles-ci, la Cour de cassation rappelle aux
arbitres qu'ils ont le devoir d'analyser de manière approfondie les
circonstances de la cause présentée. Ce travail effectué
en amont par les instances arbitrales a l'avantage de revaloriser la
portée juridique des sentences arbitrales. L'exercice d'un tel
contrôle tend à concilier les mécanismes
procé-duraux propres à l'arbitrage, avec les exigences
posées par l'ordre public procédural.
133 Par conséquent, la sentence arbitrale
ne saurait être annulée que dans les cas où le
tribunal arbitral aurait refusé de se livrer à
l'exercice d'un tel contrôle. Il reviendrait donc au juge de
l'annulation, par l'intermédiaire d'un contrôle a posteriori, de
sanctionner la sentence. Cette solution semble être opportune à
plusieurs égards, car elle donne la possibilité aux tribunaux
arbitraux de renforcer l'effectivité de leurs décisions en se
conformant aux exigences posées par le principe du procès
équitable.
134 De la même façon, dans la
jurisprudence Lola Fleurs, la Cour d'appel Parisienne invi-
ta les arbitres à procéder à une analyse
in concreto de l'affaire de manière à mettre tous les moyens en
oeuvre pour garantir au demandeur impécunieux, un accès effectif
à la justice arbitrale. Le refus de remettre en cause la convention
d'arbitrage confirme la volonté des juridictions étatiques, de
donner aux arbitres la mission de contrôler, de manière
approfondie, le déroulement de l'instance arbitrale, afin que celle-ci
soit en parfaite conformité avec les grands principes de l'ordre public
international.
135 Néanmoins, malgré le fait que
les tribunaux arbitraux ont l'obligation de procéder à
une analyse in concreto des faits de l'espèce
litigieuse, il n'en demeure pas moins que la question du devoir de l'arbitre,
quant au problème de l'impécuniosité et du respect au
droit d'accès à la justice, reste irrésolue. Cette
réflexion nous amène donc naturellement à nous interroger
sur les devoirs de l'arbitre.
49
B) Le renforcement des pouvoirs juridictionnels de l'arbitre
136 Insatisfaite des traitements
réservés aux parties impécunieuses dans l'arbitrage, la
justice publique tend à renforcer les pouvoirs
juridictionnels des arbitres, dans l'optique de lutter contre le déni de
justice économique. De fait, celle-ci redéfinit les devoirs de
l'arbitre en insistant sur la recherche de la protection des droits
fondamentaux des parties reconnus par l'ordre procédural (1).
Néanmoins, mise à part l'annulation de la sentence en cas de
défaillance, les juridictions étatiques restent silencieuses
quant à l'existence d'une quelconque action en responsabilité
contre les arbitres (2).
1) La place de l'arbitre au regard de l'ordre public
procédural
137 De par les récents arrêts
rendus par les juridictions étatiques Françaises, nous pou-
vons constater que le droit d'accès à l'arbitre
ne se résume pas à la « constitution organique de la
juridiction arbitrale »84. En effet, l'existence de ce droit
implique que les arbitres sont tenus d'examiner l'ensemble des
prétentions alléguées par les parties, et cela, quelque
soit leur situation financière respective. La justice publique tient
à ce que les tribunaux arbitraux soient prêts à
délaisser leurs intérêts économiques, afin de faire
primer leur fonction première ; celle de rendre la justice. Si l'arbitre
est bel et bien un prestataire de services, il reste avant tout investi d'une
mission spéciale qui ne peut se limiter à de simples
intérêts financiers. Bien évidemment cette vision de la
justice arbitrale peut paraitre totalement utopique à bien des
égards.
138 Pourtant, garantir le droit d'accès
à l'arbitre pour le plaideur impécunieux s'avère
être une contrepartie nécessaire à
l'émergence croissante de la justice privée. En effet, dans la
mesure où nous considérons que la justice arbitrale est une
véritable justice au même titre que celle rendue par nos
juridictions étatiques, il apparait indispensable que celle-ci soit
84 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie «
Les principes du procès équitable dans l'arbitrage
international » Journal du droit international (Clunet) n° 1,
Janvier 2012, doctr. 2.
50
en mesure d'apporter certaines garanties
procédurales85. La conception Française de l'arbitrage
s'inscrit parfaitement dans ce crédo, comme en témoigne par
exemple le décret du 13 janvier 2011. A ce titre, Emmanuel GAILLARD
constate que : « spécialement en matière internationale,
une forme de justice autonome et suffisamment structurée pour que l'on
puisse évoquer l'idée d'un ordre juridique arbitral
»86.
139 Dès lors, il est tout à fait
logique le droit d'accès au juge tel que prévu par l'article 6
paragraphe 1 de la Convention EDH s'incorpore dans ce
modèle d'ordre juridique arbitral. Par conséquent, cette
acception de la justice arbitrale peut légitimement mener les arbitres
à délaisser la force obligatoire de la convention d'arbitrage,
afin de préserver les principes du procès équitable. La
justice publique se refuse à devoir considérer que l'arbitrage ne
soit qu'une justice « de l'argent ». C'est la raison pour laquelle
elle tend à démontrer que « le droit d'accès à
la justice ne se monnaye pas »87.
140 En somme, le fonctionnement de la justice
arbitrale ne saurait s'affranchir des
grands principes qui gravitent autour de la justice
étatique. Si l'une partie de la doctrine spécialisée avait
milité pour la reconnaissance d'un ordre juridique arbitral, il n'en
demeure pas moins que ce souhait semble aujourd`hui être plus que
compromis. En ce sens, Bruno Oppé-tit avait remarqué que les
principes des droits fondamentaux du procès faisaient
véritablement partie de l'ordre public international, dans la mesure
où il déclarait que ceux-ci « traduisent une exigence
tout à fait fondamentale et universelle de bonne justice, de nature
à imposer ses conséquences avec une force et une
impérativité particulières, et non pas de simples
règles de procédure dont la contingence ou le particularisme
pourraient faire douter de leur appartenance à cet ordre public
transnational, supérieur aux droits nationaux
»88.
141 Au demeurant, que la justice arbitrale soit
rattachée à un ordre juridique autonome
ou non, la Cour de cassation considère que celle-ci se
doit de répondre aux exigences du procès équitable. Le
manque de moyens financiers pour l'une des parties dans une procé-
85 TRAIN François-Xavier, Gaz. Pal. 2005, 28
mai 2005, n° 148, p. 37.
86 GAILLARD Emmanuel, Aspects philosophiques du
droit de l'arbitrage international : Martinus Nijhoff Publishers, 2008 ;
ibid., Les principes fondamentaux du nouvel arbitrage in Le nouveau droit
français de l'arbitrage, p. 57 et s., spéc. n° 5 et
s.
87 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie
op. et loc. cit.
88 OPPETIT Bruno Obs : CA Paris, 25 mai 1990 : Rev.
crit. DIP 1990, p. 753.
51
dure d'arbitrage ne saurait être une cause valable
à la commission d'un déni de justice par les arbitres. Le
résultat de la sentence ne peut se résumer à de simples
intérêts mercantiles. C'est en ce sens que la Cour de cassation
conçoit la mission juridictionnelle de l'arbitre.
142 A l'instar du principe de
l'égalité des armes, le principe de droit d'accès à
l'arbitre
fait partie intégrante des principes
généraux des droits de la défense lesquels sont issus du
droit naturel89. Par conséquent cela revient à poser
la question de la responsabilité des arbitres en cas de manquement
à leur devoir de rendre la justice.
2) La question de la responsabilité de l'arbitre
143 Avec la jurisprudence Pirelli-Lola Fleurs,
la Cour de cassation fait peser sur les ar-
bitres un devoir de garantir l'accès à la
justice à l'ensemble des parties qui se tournent vers l'arbitrage. Pour
autant, cette injonction de faire adressée aux tribunaux arbitraux
semble être dénuée de tout effet coercitif. En effet, si la
haute juridiction prévoit l'annulation de la sentence en cas d'atteinte
à l'ordre public procédural, elle s'abstient de se prononcer sur
l'éventuelle mise en jeu de la responsabilité personnelle des
arbitres. En s'appuyant sur la motivation de l'arrêt Pirelli, nous
pouvons ainsi relever que la Cour de cassation entend sanctionner le tribunal
arbitral pour son manquement à permettre l'accès à la
justice.
144 Dès lors, la question de la
responsabilité civile personnelle des arbitres doit se poser.
Si l'arbitre est un prestataire de service, à quels
risques s'exposent il lorsqu'il refuse de statuer ? Pour François Xavier
Train, la jurisprudence récente traduit un effet de «
subjectiva-tion du droit d'accès à la justice
»90. En d'autres termes, cela signifie que si l'Etat est
tenu de garantir l'accès à la justice pour l'ensemble de ses
justiciables, l'arbitre l'est également, en vertu de l'existence d'une
obligation contractuelle née de la convention d'arbitrage. Dans
l'arbitrage, l'accès au juge est contractualisé.
89 MOTULSKY Henry « Le droit naturel dans la
pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en
procédure civile » Mélanges Roubier, 1961, t. II, p.
175 et s.
90 TRAIN François Xavier « Le
contrôle a posteriori et in concreto des conséquences de
l'impécuniosité d'une partie à l'arbitrage »,
op. et loc. cit. P756.
52
145 En l'état actuel du droit positif, il
s'avère impossible de se prononcer sur le contenu
de cette obligation contractuelle. Pourrait-on imaginer que
l'arbitre ne puisse se prévaloir de l'exception d'inexécution,
dès lors que l'un des plaideurs se retrouverait dans
l'impossibilité de s'acquitter des frais procéduraux ?
146 En définitive, le droit positif ne
donne aucune réponse quant aux problématiques
qui gravitent autour de la notion de droit à l'arbitre.
Seuls les mécanismes de contrôle diligentés par les
arbitres et les juges étatiques permettent d'en définir
approximativement le contour.
53
Conclusion Partie 1
147 Bien que le droit à l'arbitre semble
être une solution louable sur le plan de l'équité,
la jurisprudence de la Cour de cassation porte atteinte
à la nature de l'arbitrage. Le rattachement des dispositions de la
Convention EDH à l'ordre public procédural n'est pas une
alternative juridiquement idéale.
148 En effet, sous couvert de renforcer
l'équilibre des parties dans l'arbitrage, la Cour de
cassation bafoue d'autres principes fondamentaux tels que le
principe de l'autonomie de la volonté ou de la force obligatoire des
contrats. L'immixtion des dispositions de la Convention EDH dans la justice
privée soulève bien des problématiques.
149 En annulant des sentences arbitrales sur la
base d'une violation du droit d'accès à la
justice, la justice étatique envoie un message fort au
monde de l'arbitrage, du type : « la justice arbitrale ne peut
s'affranchir des principes fondamentaux du procès sous peine de perdre
sa légitimité ». Si la portée de cette injonction est
à relativiser, il n'en demeure pas moins que la tendance
jurisprudentielle amenuise l'efficacité de l'arbitrage.
150 En somme, il est difficilement acceptable
que le droit d'accès à l'arbitre, tel que re-
connu par la Cour de cassation, ait pour conséquence de
nuire aux libertés fondamentales des litigants.
54
Partie 2
55
Titre 2 La limitation du droit d'accès à
l'arbitre au nom
de la force obligatoire de la convention
d'arbitrage
151 L'arbitrage est la justice privée par
excellence. Dès la formation d'une relation
d'affaires, les parties font le choix de ne pas se soumettre
aux juridictions étatiques en cas d'apparition d'un éventuel
litige, par le biais d'une clause compromissoire. En résultant d'un
accord conventionnel, l'arbitrage se distingue foncièrement de la
justice publique (Section 1). Néanmoins, la position actuelle de la Cour
de cassation altère quelque peu l'essence de l'arbitrage. C'est la
raison pour laquelle il serait nécessaire de recourir à des
solutions alternatives, afin de résoudre le problème de
l'impécuniosité dans l'arbitrage (Section 2).
Section 1 L'arbitrage : une justice privée et non un
service public
152 Le principe de l'autonomie de la
volonté et de la force obligatoire du contrat, consti-
tuent le fondement juridique de la justice arbitrale. En ce
sens, lorsque la Cour de cassation se livre à l'annulation de sentences
arbitrales au nom du droit d'accès à l'arbitre, elle porte
indéniablement atteinte au principe de la liberté contractuelle
(paragraphe 1). Une telle position n'est pas souhaitable, dans la mesure
où la haute juridiction prend le risque de discréditer la justice
arbitrale (paragraphe 2).
Paragraphe 1 La sauvegarde de l'autonomie de la
volonté des parties dans l'arbitrage
153 Le recours à l'arbitrage s'entend
d'une renonciation conventionnelle à la gratuité de
la justice (A), ainsi que d'un refus au contrôle de
proportionnalité de la répartition des frais procéduraux,
opéré par le juge étatique (B).
56
A) L'acceptation conventionnelle d'une justice privée :
la force obligatoire du règlement d'arbitrage
154 A la différence du droit
d'accès au juge, l'exercice du droit à l'arbitre résulte
d'un
accord conventionnel. Ainsi, la convention d'arbitrage
s'entend comme une renonciation au service public de la justice. Les parties
font le choix de recourir à un prestataire de services investi d'un
pouvoir juridictionnel. Il est donc tout à fait logique que le droit
d'accès à l'arbitre connaisse des restrictions d'ordre
économique.
155 Le droit français prévoit que
les parties qui souhaitent recourir à une procédure
d'arbitrage, doivent insérer une clause compromissoire
au sein du contrat qui unifie leur relation d'affaire. L'alinéa 2 de
l'article 1442 du code de procédure civile la définit comme
étant : « une convention par laquelle les parties à un
ou plusieurs contrats s'engagent à soumettre à l'arbitrage les
litiges qui pourraient naitre relativement à ce ou à ces contrats
». Par conséquent, les parties consentent à
délaisser le juge étatique, au jour de l'apparition d'un
éventuel litige. En pratique, la clause compromissoire est
exprimée de la manière suivante : Les parties conviennent
d'avoir recours à l'arbitrage conformément au Règlement de
... que les parties déclarent connaître et accepter
».91
156 L'article 1509 du code de procédure
civile, quant à lui, consacre l'autonomie des
parties dans le choix du règlement d'arbitrage
applicable. Celui-ci dispose que : « La convention d'arbitrage peut,
directement ou par référence à un règlement
d'arbitrage ou à des règles de procédure, régler la
procédure à suivre dans l'instance arbitrale. Dans le silence de
la convention d'arbitrage, le tribunal arbitral règle la
procédure autant qu'il est besoin, soit directement, soit par
référence à un règlement d'arbitrage ou à
des règles de procédure ».
157 En recourant à la justice
privée, les plaideurs font le choix de se soumettre au
règlement d'arbitrage, qui aura pour but d'organiser le
déroulement de la procédure. Dès lors, les parties donnent
force contractuelle au règlement d'arbitrage. En somme, elles
91 « Force obligatoire du règlement d'arbitrage ;
quelques affaires récentes », La lettre de la chambre
arbitrale internationale de Paris, n°2, juin 2013.
57
devront s'y soumettre et répondre à toutes les
obligations qui en découlent92. Les instances arbitrales,
ainsi que le juge d'appui devront également appliquer lesdites
obligations de manière à se conformer au règlement
d'arbitrage. En ce sens, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans
un arrêt M. Caille et autre c/Société Peter Cremer France,
a affirmé que le règlement d'arbitrage est nécessairement
revêtu de la force obligatoire: « La "formule Synacomex"
renvoyant les parties, en cas de litige, devant la Chambre arbitrale de Paris,
impliquait nécessairement l'adoption par les contractants du
règlement de cet organisme aux termes duquel les sentences sont rendues
en dernier ressort et sans autre recours que celui en annulation ».
Le règlement d'arbitrage constitue donc « la loi procédurale
» des parties93.
158 En définitive, il est fait
application du principe de la force obligatoire du contrat,
reconnu et consacré par l'article 1134 du code civil
qui dispose que : « Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent
être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les
causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de
bonne foi ». Par conséquent, il ne serait pas incongru de
percevoir à travers la convention d'arbitrage, la résurgence de
la doctrine libérale ayant consacré l'autonomie de la
volonté.
159 En effet, si l'on étudie avec
précision la convention d'arbitrage, on perçoit
aisément
l'application du principe de l'autonomie de la volonté.
En ce sens, la convention d'arbitrage est librement conclue par les parties
désirant écarter la compétence du juge étatique
(application du principe de la liberté contractuelle : les parties sont
libres de choisir leur cocontractant, de contracter et de négocier le
contenu du contrat). Ainsi, les parties matérialisent le recours
à l'arbitrage via une clause compromissoire, ce qui implique
l'application du principe du consensualisme. Une fois formalisée, la
convention d'arbitrage revêt la force obligatoire et condamne les parties
à s'y soumettre. Cet accord est sacralisé par l'adage «
Pacta Sunt Servanda », et lie uniquement les parties contractantes en
vertu du principe de l'effet relatif du contrat reconnu par l'article 1165 du
code civil.
92 TRAIN François-Xavier «
Impécuniosité et accès à la justice dans
l'arbitrage international », Rev. Arb. 2012. P280 : « qu'elles
ressortissent du domaine de la convention d'arbitrage, de celui du contrat
d'arbitre, ou de celui du contrat d'organisation de l'arbitrage, pour ce
dernier, V. pour exemple, TGI Nanterre, 1 juillet 2010, JCP 2010 1 1286,
n°8, Obs Ortscheild.
93 « Force obligatoire du règlement d'arbitrage ;
quelques affaires récentes », La lettre de la chambre
arbitrale internationale de Paris, n°2, juin 2013.
58
160 La majorité des règlements
d'arbitrage prévoient des dispositions quant à
l'organisation du financement de l'arbitrage. En effet, les
règlements enjoignent les parties à s'acquitter du montant des
frais de provision qui leur incombe de manière à financer le
fonctionnement de la justice arbitrale94. En outre, les parties
renoncent conventionnellement au principe de la gratuité de la justice
découlant des préceptes du droit au procès
équitable. Le principe gratuité de la justice est bien
évidemment inapplicable à l'arbitrage. A ce titre, Christian
JARROSSON parle non pas d'une « incompatibilité rationnelle avec la
spécificité de l'arbitrage », mais plutôt « d'une
incompatibilité avec la force des choses »95. Il est
d'ailleurs quasiment impossible de remettre en cause la véracité
et la pertinence du propos avancé par l'auteur dans la mesure où
les arbitres, tout comme les instances arbitrales, sont
rémunérés pour rendre effective la justice arbitrale.
161 Cependant, si l'on se penche sur la position
récente de la Cour de cassation, et no-
tamment au travers de l'affaire PIRELLI, nous pouvons
remarquer que le principe de la force obligatoire du règlement
d'arbitrage n'est pas absolu. Il est foncièrement remis en cause par les
droits fondamentaux du procès équitable. A ce sujet, monsieur
Maximin De FONTMI-CHEL a déclaré que « l'arbitrage n'est
plus le dernier bastion de la force obligatoire du contrat. Ce dernier est en
train de céder devant la puissance des principes fondamentaux du
procès équitable »96. En effet, les
magistrats de la Cour de cassation ont tendance à écarter
certaines dispositions des règlements d'arbitrage, alors même que
les parties avaient initialement fait le choix de s'y soumettre. Comme nous
l'avons vu précédemment, la haute juridiction justifie sa
position, en invoquant les grands principes du droit équitable. Pour
autant, celle va à l'encontre de la volonté des parties. Il
s'agit d'un véritable « coup de force de l'ordre public
procédural »97. Les magistrats de la Cour de
cassation n'hésitent pas à altérer les caractères
de l'arbitrage de manière à renforcer la portée des
principes fondamentaux du procès équitable. Dès lors, la
nature contractuelle de l'arbitrage s'en retrouve indéniablement
affectée.
94 Trib, gr, inst, Beauvais, ref 9 avril 1988. Rev,
arb, 2002.993, et voir l'article de J.Rouche « le paiement par le
défendeur de sa part de provision sur les frais d'arbitrage : simple
faculté ou obligation contracuelle ? ».
95 JARROSSON Christian « l'arbitrage et la
Convention Européenne des Droits de l'Homme », préc,
spéc, n°34.
96 De FONTMICHEL Maximim, Chronique de droit de
l'arbitrage n°9, Petites affiches du 17 juillet 2012.
97 CLAY Thomas, obs. D2011,
spéc.p.3031.
59
162 Pour en revenir à l'affaire Pirelli,
il est à noter que les juges du fond ont procédé
à
une application partielle du règlement d'arbitrage,
dans la mesure où seule une partie dudit règlement revêt la
force obligatoire. A en croire la tendance jurisprudentielle, il apparait
même que ce type de pratique tend à se développer. A
l'occasion de l'arrêt société Tecni-mont, rendu par la Cour
d'appel de Reims, le professeur Thomas CLAY a relevé que la justice
publique se livrait « à une application perlée du
règlement d'arbitrage »98. En somme, les juridictions
étatiques mettent uniquement en avant la fonction juridictionnelle des
tribunaux de manière à renforcer l'égalité des
parties.
163 Cependant, l'égalité des
parties ne peut être consacrée sur le plan du paiement des
frais d'arbitrage. La justice arbitrale n'a pas à
prendre en compte les difficultés financières qu'une partie peut
être amenée à connaitre. A ce titre, Daniel COHEN
écrit « l'égalité des parties ne s'entend
nullement de l'égalité susbtantielle sur le plan des paiements en
provision d'arbitrage, ou d'une égalité par catégories en
fonction des demandes principales et reconventionnelles, ni même d'une
égalité devant la loi dès lors que la partie pouvant
s'acquitter devra le faire, mais que l'autre, qui ne peut, s'en trouverait
dispensée sans autre conséquence »99. En
d'autres termes, la justice arbitrale ne peut consacrer le principe de
l'égalité des parties sur le plan procédural, dans la
mesure où certains plaideurs ne sont pas en mesure de financer les
instances arbitrales. Le principe de l'égalité des parties ne
peut s'appliquer au paiement des frais procéduraux.
164 Par conséquent, en ayant recours
à l'arbitrage, les parties ne peuvent pas solliciter
du juge étatique une forme de contrôle de
proportionnalité sur le paiement des frais de procédure.
98CA Reims 2 nov. 2011 (Sté Tecnimont),
rép. gén. n° 10/02888 ; Cah. Arb., Paris Journ.
Intern. Arb. 2011.1109, note Th. Clay ; Rev. arb.
2012.112.
99 COHEN Daniel « Non paiement de la
provision d'arbitrage, droit d'accès à la justice et
égalité des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ?
», The Paris Journal of International Arbitration, 2012. P164.
60
B) La renonciation au contrôle de
proportionnalité des frais procéduraux par le juge
étatique
165 En recourant à l'arbitrage, les
parties font le choix de renoncer au principe de la gra-
tuité de la justice. Bien que ledit principe ne soit
pas reconnu en tant que tel par la Cour Européenne des droits de
l'Homme, celle-ci veille à ce que les frais procéduraux ne soient
pas excessifs, voire disproportionnés. Dès lors, les juges
Européenne opère un contrôle de proportionnalité, en
pesant le coût global de la procédure et les moyens financiers
dont disposent les parties à la procédure100.
166 A l'instar de la Cour EDH, les juridictions
étatiques françaises se livrent également à
ce type de contrôle dans le cadre de la reconnaissance
des jugements étrangers. En effet, ces dernières sont
animées par le désir de garantir le droit d'accès au juge
à l'ensemble des plaideurs, de manière à ce que leurs
décisions soient en adéquation avec les exigences posées
par l'ordre public procédural.
167 Dans un arrêt Pordéa du 16 mars
1999101, la Cour de cassation a considéré que les
juridictions Anglaises avaient privé monsieur
Pordéa de son d'accès à la justice dans la mesure
où celles-ci lui avaient fait supporter des frais de provision
excessivement élevés. La haute juridiction déclara que le
montant des frais de justice « avait été de nature
à faire objectivement obstacle à son libre accès à
la justice ».
168 Par conséquent, la décision
délivrée par la juridiction anglaise ne pourra être
revê-
tue de l'exequatur dès lors que « le droit de
chacun d'accéder au juge chargé de statuer sur sa
prétention, consacré par l'article 6 paragraphe 1 de la
Convention EDH, relève de l'ordre public procédural international
au sens de l'article 27-1 de la Convention de Bruxelles ». 102
169 Ainsi, par le biais d'analyse in concreto,
la Cour de cassation apprécia le caractère
dantesque du montant des frais procéduraux
supportés par monsieur Pordéa. Par ailleurs,
100 En ce sens voir l'arrêt de la CEDH, Kreuz contre
Pologne du 19 juin 2001.
101 Cass.civ.1ère , 16 mars 1999, JDI,
1999.794, note A Huet ; RTD civ.
102 Cass.civ.1ère , 16 mars 1999, JDI,
1999.794, note A Huet ; RTD civ.
61
les juridictions du fond menèrent exactement le
même raisonnement à l'occasion d'un arrêt du 29 juin 2006.
En l'espèce, la Cour d'appel Parisienne accorda l'exequatur d'une
ordonnance de la High Court de Londres soumettant l'une des parties à
procéder au paiement des frais de justice. En l'occurrence, la
juridiction du second degré énonça « qu'accorder
l'exequatur à cette décision ne méconnait nullement la
Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que M.X.,
qui de l'industrie de ses ouvrages tire des revenus de l'ordre de 200 000
à 240 000 euros par an selon ses déclarations devant les juges
anglais, a eu effectivement accès à la justice anglaise pour se
défendre et aux services d'un professionnel du droit pour le conseiller
»103.
170 Au demeurant, les circonstances de
l'espèce étaient comparables à celles des af-
faires Pordéa et Pirelli. Il s'agissait d'un
justiciable, qui faute de ne pas disposer de moyens pécuniaires
suffisants, n'avait pas eu la possibilité de soumettre ses
prétentions à la juridiction compétente, en raison du non
paiement des frais de provision. Cependant, la question de
l'impécuniosité dans l'arbitrage diffère et ne peut
être traitée de la même manière. En recourant
à la justice arbitrale, les parties aménagent
nécessairement l'exercice de leur droit d'accès au juge
concernant les modalités de financement.
171 L'obstacle financier ne peut plus être
considéré comme un obstacle au droit d'accès
à la justice. La clause compromissoire a pour objet de
sacraliser la volonté des parties à renoncer à la
protection de l'Etat quant à son obligation de faciliter l'accès
à la justice pour les plaideurs impécunieux. A ce titre,
Dominique D'AMBRA écrit que la mission de l'Etat est de : «
permettre à des personnes qui sont pratiquement dans
l'impossibilité d'exercer leurs droits en justice, en raison de
l'insuffisance de leurs ressources, de saisir toutes les juridictions sans
être tenues d'avancer tout ou partie des frais avec le concours gratuit
ou partiellement gratuit des auxiliaires de justice
»104.
172 Dès lors, en matière de
justice privée, les instances arbitrales n'ont pas à être
sou-
mises à ce type d'obligation. De plus, le recours
à l'arbitrage n'implique pas uniquement le refus de l'aide judiciaire.
Il implique également le refus au contrôle Etatique de
proportion-
103 Paris (1ère Ch.-C), 29 juin 2006,
inédit, N° rép. :04/22985.
104 D'AMBRA Dominique « l'aide à l'accès
à la justice : l'aide juridictionnelle », procédures et
effectivité des droits, coll. Droit et justice, t.49,2003, Bruylant,
P.43.
62
nalité entre les ressources financières des
parties et le coût de la procédure, ainsi qu'entre les moyens
financiers respectifs de ces dernières. Le recours à l'arbitrage
s'entend donc comme une renonciation au service public. Par conséquent,
la justice arbitrale n'a pas à se préoccuper de la santé
financière de ses litigants. Si l'arbitrage doit se soumettre à
la loi du marché, il doit en être de même pour ses
acteurs.
173 Par ailleurs, nous pouvons nous demander si,
dans l'hypothèse où l'impécuniosité de
l'un des plaideurs empêcherait la constitution du
tribunal arbitral, ou la mise en oeuvre préparatoire de l'instance sur
la compétence, le recours aux juridictions Etatiques serait une solution
opportune ?
Paragraphe 2 La sauvegarde de la justice arbitrale
174 L'intervention du juge étatique dans
la procédure arbitrale est une question déli-
cate, car elle tend à envisager la
méconnaissance de l'un de nos grands principes en procédure
civile, à savoir le principe compétence-compétence. Ce
principe interdit au juge étatique d'intervenir dans une
procédure d'arbitrage, avant que les arbitres ne soient amenés
à examiner l'affaire. Toutefois, le droit français permet une
exception dès lors que la convention d'arbitrage apparait être
manifestement nulle ou inapplicable.
175 Par conséquent, nous sommes en droit
de nous interroger sur le fait de savoir si la
reconnaissance de l'impécuniosité d'un plaideur
dans une procédure d'arbitrage par le juge étatique est
compatible avec l'effet négatif du principe
compétence-compétence (A) ? Ainsi, cette réflexion nous
amène également à repenser la place de la justice
arbitrale dans notre droit interne (B).
63
A) L'impécuniosité confrontée au principe
compétence-compétence
176 Le principe
compétence-compétence résulte de l'application de
l'article 1448 du
code de procédure civile qui dispose que «
lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant
une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf
si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage
est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l'Etat
ne peut relever d'office son incompétence. Toute stipulation contraire
au présent article est réputée non écrite ».
Ledit principe comprend deux implications : un effet positif105
et un effet négatif.106
177 Pris en son aspect positif, le principe
compétence-compétence entend octroyer la
possibilité aux arbitres de se prononcer sur leur
propre compétence, dès lors que celle-ci est amenée
à être remise en cause par les litigants.
178 Pris en son aspect négatif, celui-ci
consiste à priver les juridictions étatiques de sta-
tuer sur la compétence du tribunal arbitral, tant que
ce dernier n'a pas été en mesure de le faire
préalablement.
179 Néanmoins, ce principe connait
quelques exceptions et notamment en cas de « nul-
lité manifeste de la clause compromissoire » ou
« d'inapplicabilité manifeste » 107de ladite
clause. Ces exceptions résultent aussi bien d'une volonté
jurisprudentielle108 que législative (l'article 1448 du code
de procédure civile le prévoit expressément). Au regard de
la jurisprudence actuelle, il apparait clairement que l'inapplicabilité
manifeste de la convention d'arbitrage soit rarement reconnue. Celle-ci
privilégie en effet la mise en oeuvre d'un contrôle «
Prima facie de la convention d'arbitrage »109 .
105 WEILLER Laura « Vingt ans de droit de l'arbitrage »
Rev,Procédures n° 1, Janvier 2015, dossier 3.
106 Gaillard Emmanuel « L'effet négatif de la
compétence-compétence » in Mélanges J.-F. Poudret :
Lausanne, 1999, p. 387.
107 WEILLER Laura,
op. et loc. cit.
108 Cass. 1re civ., 16 oct. 2001 : Quarto children : Rev. arb.
2002, p. 919, note D. Cohen. - Cass. 2e civ., 18 déc. 2003 : JCP G 2004,
II, 10075, note C. Noblot ; Bull. civ. 2003, II, n° 393 et 394 ; Rev. arb.
2004, p. 442 ; RTD com. 2004, p. 255, obs. E. Loquin.
109 WEILLER Laura,
op. et loc. cit.
64
180 En somme, la mise en échec temporaire
de la convention d'arbitrage en raison de
l'impécuniosité de l'une des parties s'analyse
en une inapplicabilité de la clause et non en nullité de ladite
clause110. Pour autant, ne pourrait-on pas considérer que
cette suspension temporaire de la convention, soit assimilable à une
cause « manifeste » d'inapplicabilité ? Bien que cette
réflexion semble juridiquement logique, il n'en demeure pas moins
qu'elle ne garantisse la résolution du contentieux de
l'impécuniosité dans l'arbitrage.
181 En effet, le doute sur le maintien de la
convention d'arbitrage en cas du non paie-
ment des frais d'arbitrage subsiste, et notamment du fait de
la position de la Cour de cassa-tion111. En outre, l'interrogation
persiste en vertu du caractère polysémique de la notion
d'impécuniosité, que nous avons eu précédemment
l'occasion d'étudier. De façon générale,
l'impécuniosité correspond à l'impossibilité pour
le plaideur qui en souffre, de faire face au paiement des charges
financières qui émanent de la procédure arbitrale.
182 Dès lors, la constatation d'une telle
situation implique nécessairement une étude
sérieuse et approfondie du dossier de la partie
défaillante. En somme, Il est totalement impossible et impensable de
conclure à l'existence d'un cas d'impécuniosité au premier
abord. En effet, même une société faisant l'objet d'une
procédure collective, ne se trouve pas forcément dans une
situation d'impécuniosité au regard de la procédure
arbitrale112. Par conséquent, il apparait peu probable que
l'impécuniosité de l'une des parties dans un arbitrage constitue
une cause d'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage.
183 Au demeurant, la possibilité pour le
juge étatique d'intervenir dans une procédure
d'arbitrage, afin d'évaluer une telle situation
vis-à-vis de la clause compromissoire, constitue une exception de
l'effet négatif du principe compétence-compétence. Si
l'intervention de la justice étatique trouve sa légitimité
dans l'arbitrage, en cas de déni de justice économique,
110 TRAIN François Xavier «
Impécuniosité et accès à la justice dans
l'arbitrage international (à propos de l'arrêt de la Cour d'appel
de Paris du 17 novembre 2011 dans l'affaire "LP c/Pirelli) »(2) Rev.
arb. 267.
111 CACHARD Olivier « le contrôle de la
nullité ou de l'inapplicabilité manifeste de la clause
compromissoire », Rev, arb, 2006.893 ; LOQUIN Eric, obs, in RTD com,
2006.764.
112 TRAIN François Xavier :
op. et loc. cit. « l'effet
négatif de la compétence compétence s'impose au juge
commissaire chargé en principe de la vérification des
créances , lorsque la clause est invoquée devant lui : V.
Articulation des procédures collectives et arbitrage : FOUCHARD Philipe
« Arbitrage et faillite », Rev arb, 1998.471.
65
tel ne devrait pas être le cas dès lors que les
tribunaux arbitraux sont amenés à statuer sur un litige opposant
uniquement des professionnels. La protection par la justice publique du
professionnel partie faible dans un arbitrage n'a pas de raison d'être.
Ce mécanisme procé-dural est dangereux dans la mesure où
il risque d'entrainer le développement d'un contentieux important quant
à l'efficacité des clauses compromissoires.
184 En ce sens, cette tendance se trouve en
totale inadéquation avec d'une part nos
règles juridiques internes, et d'autre part avec la
nature même de la justice arbitrale. Néanmoins, il est à
noter que la jurisprudence Française tient à ce que les sentences
arbitrales ne soient pas constamment remises en cause. A ce titre, la politique
législative Française corrobore également la
volonté de maintenir l'efficacité de la convention. De fait,
l'intervention du juge étatique dans une procédure d'arbitrage
doit s'entendre comme un soutien à la sauvegarde de la clause
compromissoire.
185 En définitive, la question de l'effet
négatif du principe compétence-compétence est
abandonnée aux mains des parties, dans la mesure
où il leur appartient de soumettre aux arbitres, leurs contestations
quant à la validité de la convention d'arbitrage. Ainsi,
permettre à la justice publique de s'ingérer dans les relations
d'affaires, en ayant la possibilité d'annihiler des conventions
d'arbitrage, « remettrait en cause l'équilibre
général du régime de l'arbitrage international en France
»113. Il en va de même que certaines parties
useraient de leur état d'impécuniosité afin
d'échapper à la justice arbitrale. La partie forte n'est pas
nécessairement à l'origine des manoeuvres dilatoires dans une
instance arbitrale, elles peuvent très bien résulter de la partie
impécunieuse114
186 En outre, la préservation du droit
d'accès au juge n'a pas à altérer la convention
d'arbitrage sous peine de porter atteinte à la nature
même de l'arbitrage. C'est la raison pour laquelle, la jurisprudence, de
par les arrêts Lola Fleurs et Pirelli, invite les tribunaux arbitraux
à trouver des solutions de manière à ce que les sentences
qu'ils seront amenées à délivrer soient en parfaite
adéquation avec l'ordre public procédural. La sauvegarde de la
113 TRAIN François Xavier :
op. et loc. cit. P299.
114 GAILLARD Emmanuel « L'impécuniosité
des parties et leurs effets dans l'arbitrage- la position Française
».
66
justice arbitrale est essentielle, et celle-ci ne doit pas
succomber aux exigences fondamentales qu'impliquent les dispositions de la
Convention EDH.
B) La préservation des places arbitrales
187 En matière d'arbitrage, les
dernières décisions rendues par les juridictions
étatiques
tendent à remettre en cause certaines sentences
arbitrales, qui auraient bafoué le principe de droit d'accès au
juge. Pour autant, si l'on se réfère aux affaires Pirelli et Lola
Fleurs, nous pouvons constater que les juridictions arbitrales n'ont à
aucun moment privé les plaideurs impécunieux de leur droit
d'accès au juge. En effet, ces derniers ne pouvant s'acquitter des
charges procédurales qui leur incombaient, ont tout simplement
entravé le fonctionnement de la justice arbitrale.
188 De ce fait, les tribunaux arbitraux leur ont
indiqué que s'ils ne pouvaient pas assu-
mer financièrement le coût de leur défense
au cours de l'instance, ils pouvaient légitimement le faire dans le
cadre d'une procédure ultérieure. Bien que cette solution semble
être illusoire au regard de la situation financières desdites
parties en difficulté, les juridictions arbitrales n'ont à aucun
moment violé le principe du droit d'accès au juge. Ainsi, les
arbitres ne se sont pas livrés à un déni de justice tel
que défini par l'article 4 du code civil qui dispose que : « Le
juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de
l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
comme coupable de déni de justice ».
189 Au demeurant, il ne s'agit pas d'une
véritable privation du droit d'accès à la justice,
mais plutôt d'un report, dans la mesure où les
plaideurs impécunieux pourront de nouveau faire valoir leurs droits au
cours d'une autre instance, une fois après avoir réglé les
frais de procédure115. Les règlements d'arbitrage
subordonnant la présentation des moyens de défense au paiement de
certains frais de provision permettent également de veiller à
l'équilibre de la justice arbitrale. Comme le souligne le professeur
Thomas CLAY, il faut absolument éviter que le défendeur
impécunieux multiplie les demandes reconventionnelles « dans le
seul but d'obtenir l'abandon du demandeur ». En effet, ce type de
situation pour-
115 COHEN Daniel « Non paiement de la provision
d'arbitrage, droit d'accès à la justice et égalité
des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ? », The
Paris Journal of International Arbitration, 2012.
67
rait également conduire à une violation du droit
d'accès au juge pour le demandeur à l'origine de la
procédure d'arbitrage.
190 La liberté du juge étatique
à statuer sur l'application des dispositions contractuelles
en vertu de la situation financière des parties
à l'arbitrage parait tout simplement incongrue. Pour quelles raisons la
défaillance d'une partie serait couverte par la justice publique
dès lors que celle-ci avait fait le choix de la rendre
incompétente ? A ce titre, le professeur Bruno OPPETIT écrit que
« l'arbitrage ne peut être considéré comme un
système mixte, à la fois mi public et mi privé »
dans la mesure où « il n'est pas dans sa vocation de
devenir une sorte de justice déléguée dans des
tâches de service public »116.
191 La position actuelle de la jurisprudence
concerne uniquement l'arbitrage internatio-
nal. Cependant, celle-ci nous invite à nous interroger
sur son impact sur l'arbitrage interne, voire sur l'arbitrage ad hoc. En effet,
comme le souligne Daniel COHEN117, l'argumentation avancée
par la Cour de cassation dans le cadre de l'affaire Pirelli, pourrait
réapparaitre à l'occasion d'un arbitrage interne. Le postulat
revendiqué par les juridictions étatiques est amené
à concerner tous les types d'arbitrage institutionnel, dans la mesure
où celles-ci ont statué en fonction d'un règlement
d'arbitrage.
192 En outre, l'arbitrage ad hoc risque
d'être lui aussi fortement influencé par la juris-
prudence de la justice publique. En ce sens, si les arbitres
d'un arbitrage ad hoc expriment initialement leur volonté de ne pas en
prendre en compte les prétentions non provisionnées des plaideurs
à la procédure, ceux-ci pourraient également voir leur
décision censurée au nom du principe du droit d'accès au
juge. Cette situation poserait la question de la différence entre la
valeur contractuelle du règlement d'arbitrage présent dans un
arbitrage institutionnel, et celle d'un acte de mission dans le cadre d'un
arbitrage ad hoc. En somme, la volonté des parties n'est pas une raison
juridique assez « solide » pour préserver la convention
d'arbitrage du contrôle du juge étatique.
116 OPETTIT Bruno « théorie de l'arbitrage »
op.cit,. spéc. P.119
117 COHEN Daniel « Non paiement de la provision
d'arbitrage, droit d'accès à la justice et égalité
des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ? », The
Paris Journal of International Arbitration, 2012.
68
193 Prise en l'état, la position actuelle
de la jurisprudence affaiblit considérablement les
centres d'arbitrage. A l'issue des affaires Pirelli et Lola
Fleurs, les professionnels de l'arbitrage ont exprimé leurs
inquiétudes quant aux conséquences que celles-ci auraient sur
l'efficacité de la justice arbitrale. De plus, il apparait que les
centres d'arbitrage soient tentés de se détourner de la place
parisienne comme lieu de siège de l'arbitrage. Cela aurait
d'énormes répercussions sur l'arbitrage international, et la Cour
d'appel Parisienne pourrait ne plus être la juridiction de contrôle
des sentences arbitrales. Au regard des dernières réformes
concernant les règlements d'arbitrage, une telle situation annihilerait
les efforts menés par les centres d'arbitrage, qui s'étaient
efforcés à clarifier, simplifier, et renforcer
l'accessibilité à la justice arbitrale118.
194 En définitive, le problème de
l'impécuniosité dans l'arbitrage ne doit pas pouvoir
être assimilable à une rupture
d'égalité entre les droits des parties, entrainant une violation
de l'ordre public procédural. De fait, la voie empruntée par la
jurisprudence ne semble pas être très opportune. C'est la raison
pour laquelle la doctrine s'est interrogée sur la manière de
résoudre les écueils procéduraux causés par le
manque d'argent des plaideurs dans l'arbitrage.
Section 2 L'arbitrage : une justice privée encline
à la réforme
195 De manière à résoudre
les problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage, certains
au-
teurs spécialisés ont mis en lumière
diverses solutions (paragraphe 1). Par ailleurs, il serait intéressant
d'observer la manière dont les pays de Common and Civil Law partie
à la Convention EDH traitent la question de
l'impécuniosité dans l'arbitrage (paragraphe 2).
118 COHEN Daniel .
op. et loc. cit.
69
Paragraphe 1 les solutions apportées par la
doctrine
196 La pratique de la justice arbitrale permet
aujourd'hui de trouver quelques solutions
quant au problème de l'impécuniosité des
parties. Ces solutions sont intéressantes dans la mesure où,
elles permettent de s'affranchir du recours aux droits fondamentaux. Ainsi,
deux types de financement de l'arbitrage sont à même de fermer la
porte au déni de justice : le financement par les conseils (A) et le
financement par les fonds d'investissement (B).
A) Le financement par le conseil
197 Aujourd'hui, l'impécuniosité
des parties dans l'arbitrage est un problème assez ré-
current. De ce fait, certains auteurs ont décidé
de mettre en oeuvre certains moyens alternatifs de financement de l'arbitrage
pour venir en aide aux parties connaissant d'importantes difficultés
financières. En effet, certaines entreprises ne sont plus en
capacité de financer seule l'ensemble de la procédure en cas de
défaillance de la partie adverse sur le paiement des frais de
procédure119. A l'heure actuelle, il existe deux
méthodes capables de résoudre ces problèmes
d'impécuniosité dans l'arbitrage, à savoir le financement
par le conseil et le financement par les fonds
d'investissement120.
198 Concernant le financement par les conseils
de la procédure d'arbitrage, il est à noter
que celui-ci est indirectement réalisé. En
effet, dans le cadre de ce mécanisme procédural, les conseils
acceptent d'être rémunérés par leur client seulement
qu'en cas de réussite. De ce fait, les parties n'ont pas à
avancer les frais de provision relatifs à l'organisation de leur
défense. Ce procédé présente ainsi le mérite
d'amoindrir le coût de l'arbitrage. Dès lors, ce n'est qu'en
fonction d'un résultat positif que la partie devra s'acquitter de ces
charges. Pour autant, celles-ci seront prélevées sur le montant
total des gains remportés par la partie victorieuse. Ainsi, il ne pourra
être constaté aucune « atteinte » à la
trésorerie de la partie requérante.
119 Voir l'étude générale sur la question du
financement de l'arbitrage : PINSOLLE Philippe « le financement de
l'arbitrage par les tiers » Rev, Arb, 2010.385.
120 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux coûts dans
l'arbitrage international » Les cahiers de l'arbitrage.
70
199 Pour ce faire, les parties signent avec
leurs conseils, une convention nommée « quo-
ta litis » ou encore « contingency fee ».
Néanmoins, la licéité de ce type de convention pose
question dans le cadre d'un arbitrage international. En effet, ces conventions
sont généralement interdites. Dès lors, il convient de
s'interroger d'une part sur le fait de savoir si le tribunal arbitral a la
capacité de statuer sur la validité de la convention, et d'autre
part sur la loi applicable à celle-ci ?
200 La question de loi applicable concernant la
convention « quota litis » n'a pas encore
été résolue à ce jour. En somme,
les spécialistes de l'arbitrage se demandent si la
légalité de ladite convention doit dépendre de la loi du
siège de l'arbitrage, de la loi du barreau des avocats qui interviennent
au litige, ou du lieu d'exécution de la sentence arbitrale
121 ? Cette question revêt une importance non
négligeable dans la mesure où, la convention quota litis,
lorsqu'elle est validée, permet de réduire
considérablement le coût de la procédure arbitrale.
201 A en croire la pratique, les conseils
considèrent que la loi du règlement d'arbitrage
doit primer quant à la licéité de la
convention « quota litis ». Pour autant, une partie de la doctrine
refuse cette acception, en ce sens qu'une telle pratique pourrait donner
naissance à des situations d'inégalité entre les parties.
En effet, il est totalement possible que le règlement du barreau de l'un
des conseils autorise ce type de convention, et non celui de la partie adverse.
Il est également à noter que ce type de convention pourrait se
voir prohiber par l'ordre public du siège de l'arbitrage122.
Par ailleurs, la plupart des règlements d'arbitrage ne reconnaissent pas
la validité de ces conventions d'honoraire de résultat.
202 Ainsi, au regard des différentes
législations, il apparait que la convention dite
« quota litis » comme mode de règlement des
frais de défense, ne soit pas véritablement reconnue. En ce qui
concerne la législation française, il est à noter que
l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de
certaines professions judiciaires et juridiques dispose que : « Toute
fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat
judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la
rémunération des prestations effectuées,
121 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux coûts dans
l'arbitrage international » Les cahiers de l'arbitrage.
122DUCLERCQ Caroline
op. et loc. cit.
71
prévoit la fixation d'un honoraire
complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu
». Cette disposition législative a notamment été
reprise par le code de déontologie des avocats de la communauté
européenne qui prévoit dans son article 3.3.1 que «
l'avocat ne peut pas fixer ses honoraires sur la base d'un pacte quota litis
».
203 Par conséquent, le financement de
l'arbitrage international par les conseils via une
convention d'honoraire de résultat serait interdit aux
yeux des juridictions françaises. Cette prohibition reposerait sur un
moyen d'ordre public au sens de l'article 10 de la loi du 31 décembre
1971. Pour autant, ce n'est pas la position de la Cour d'appel de Paris qui
dans un arrêt du 10 juillet 1992 qui estime que la convention «
quota litis » est un contrat international qui ne peut être
rattaché à une loi précise, énonçant que :
« dès lors que les conventions d'honoraires s'insèrent
dans le cadre spécifique de la résolution d'un litige, par la
voie d'un arbitrage international, la rémunération sous forme de
pourcentage est reconnue par les usages du commerce international et qu'elle
est, en outre, admise par de nombreux pays aux systèmes juridiques
différents. Ces conventions ne sont pas contraires à la
conception française de l'ordre public international
»123.
204 Cet arrêt est extrêmement
important, car il permet d'ouvrir une brèche dans la légi-
slation française, quant au financement de l'arbitrage
par les conseils, via la mise en oeuvre d'une convention d'honoraires de
résultat. Si les Etats-Unis autorisent ce mode de financement pour les
plaideurs financièrement en difficulté124, il serait
souhaitable que le législateur Français adopte la même
position concernant l'arbitrage. Les parties devront donc vérifier en
amont la légalité de la convention signée avec leurs
conseils de manière à éviter que celle-ci soit
censurée par le tribunal arbitral.
205 Ainsi, il reste à envisager la
solution des fonds d'investissement afin d'amoindrir le
coût de la procédure arbitral et de permettre
à l'ensemble des plaideurs de bénéficier de leur droit
d'accès à la justice.
123 LEBOULANGER Philippe « Note CA Paris
(1ère Ch.B) 10 juillet 1992, société
international contractors Group V.Me X, revue de l'arbitrage, 1992, n°4,
pp615-624.
124 BORN Gary « Chapter 14 legal representatives and
professionnal responsability in international arbitration », in
international arbitration; law and practice, Kluwer law international 2012,
P261-271.
72
B) Les fonds d'investissement
206 Avec l'accroissement du coût de la
procédure arbitrale, les professionnels de
l'arbitrage ont développé un mode de financement
de la procédure arbitrale en s'appuyant sur des fonds d'investissement.
Cette technique s'intitule « le Third Party Funding », ou
«TPF»125. D'origine Anglo-Saxonne, «le Third Party
Funding» est « une personne, généralement une
entreprise dont le métier est le financement, qui offre un service qui
consiste dans le paiement de tout ou partie des frais du procès d'une
autre personne, moyennant une rémunération »126.
Le TPF ne peut être assimilée à une banque ou à une
assurance. Il s'agit plutôt d'un fonds qui est créé dans le
but de financer des procédures arbitrales. A ce titre, il permet de
prendre en charge tous les frais qui découlent d'une procédure
d'arbitrage, à savoir les frais d'expertise, les honoraires des
arbitres, des conseils, ainsi que les frais administratifs issus de
l'institution arbitrale.
207 L'objectif de ce système est de
garantir l'accès à la justice à l'ensemble des
plaideurs
dès le commencement de la procédure arbitrale.
De ce fait, ceux-ci pourront assurer aisément leur défense. Ils
pourront formuler des demandes reconventionnelles ou diligenter des expertises,
sans prendre le risque de ne pas pouvoir assurer leur financement. En
définitive, le TPF s'analyse comme une avance de fonds dans la
procédure arbitrale. Néanmoins, il est à noter que cette
avance de somme d'argent implique une contrepartie à l'issue de la
procédure. Ainsi, l'entreprise qui se sera livrée à ce
type de financement devra rembourser l'organisme au jour de l'exécution
de la sentence arbitrale.
208 Si le TPF constitue la clef du
problème concernant la question de l'impécuniosité des
parties et le droit d'accès à la justice dans
l'arbitrage, il n'en demeure pas moins que cette alternative représente
également un coût considérable. En effet, le TPF exige en
moyenne
125 CONSTARGENT Jean Robin « Le financement par un tiers
comme réponse aux évolutions de l'arbitrage international »
Journal de l'arbitrage de l'Université de Versailles - Versailles
University Arbitration Journal n° 1, Octobre 2012, 2. Etude menée
par CONSTARGENT Jean-Robin, Parrainé par Guy Lepage Directeur
Général de La Française AM International Claims
Collection.
126 KESSEDJIAN Catherine « le financement de contentieux
par un tiers-Third party Litigation Funding, éditions
Panthéon-ASSAS, colloques, décembre 2012 ; Philippe Pinsolle,
op.cit.
73
un remboursement majoré entre 30 à 60% des
sommes avancées127. Lesdites sommes avancées par le
TPF font donc nécessairement partie des frais engagés à
l'occasion de la procédure arbitrale, et doivent être inclues dans
les frais relatifs à l'organisation de la défense.
209 Par ailleurs, à l'instar des
conventions quota litis, les parties doivent absolument
s'assurer que la convention soit légale au sens de la
législation applicable, sous peine de se voir annuler par les instances
arbitrales. L'avantage que présente ce mécanisme de financement
de l'arbitrage est sa nouveauté. De ce fait, la législation
Française ne s'est pas encore véritablement positionnée
quant à sa légalité. La seule exigence tient au mode de
règlement des honoraires des avocats. Ces derniers se doivent
d'être rémunérés uniquement par leurs clients.
Ainsi, les fonds d'investissement ont l'obligation de déposer l'argent
sur le compte de son client, afin que celui-ci puisse, de son propre
gré, financer son conseil. Cette procédure est imposée par
le règlement intérieur des barreaux (RIN) qui énonce en
son article 113 que « L'avocat ne peut percevoir d'honoraires que de
son client ou d'un mandataire de celui-ci ».
210 Cependant, le recours au TPF implique
certaines conditions quant à l'organisation du
financement. Le financeur doit tout d'abord être tenu
par un devoir de précaution envers ses investisseurs et
actionnaires128. En effet, celui-ci doit être à
même d'évaluer les forces et les faiblesses de la
société qu'il s'apprête à financer de manière
à limiter les risques ; Pour ce faire, il doit se livrer à une
analyse précise des capacités financières de la
société tout en jaugeant les chances de réussite du
dossier soumis à l'arbitrage. A ce titre, Nicolas MOINET écrit
que « L'intelligence est le croisement de l'information et de la
stratégie »129. L'activité de financement ne
peut pas s'affranchir de cette démarche, sans quoi elle s'exposerait
à des risques trop importants.
127 DUCLERCQ Caroline
op. et loc. cit.
128 CONSTARGENT Jean Robin « Le financement par un tiers
comme réponse aux évolutions de l'arbitrage international »
Journal de l'arbitrage de l'Université de Versailles - Versailles
University Arbitration Journal n° 1. Octobre 2012, 2. Etude menée
par CONSTARGENT Jean-Robin, Parrainé par Guy Lepage Directeur
Général de La Française AM International Claims
Collection.
129 MOINET Nicolas, Petite histoire de l'intelligence
économique : une innovation "à la française",
L'Har-
mattan, coll. Intelligence économique, 2010, p. 25.
74
211 Le tiers financeur doit également
rechercher si la partie qu'il accepte de financer ne
cherche pas à manipuler la procédure d'arbitrage
ou à commettre certaines fraudes. A ce titre, le tiers financeur doit
pouvoir suspendre, voire annuler le financement de la procédure au
bénéfice de la partie fautive. De manière à
sanctionner ladite partie, Jean-Robin COSTAR-GENT soulève trois
alternatives ; la première serait l'annulation de l'investissement
octroyé, la deuxième serait d'obliger la partie
défaillante à rembourser la somme avancée avant que la
sentence arbitrale ne soit rendue, et la troisième serait
d'insérer une clause contractuelle dans la convention de financement
prévoyant la mise en oeuvre d'une pénalité sous forme de
garantie réelle130.
212 A l'instar de la procédure
d'arbitrage, la procédure de financement doit conserver
une certaine confidentialité. A ce titre, le tiers
financeur est tenu de préserver l'image du client en s'abstenant de
divulguer une quelconque information en lien avec la procédure de
financement. Pour ce faire, l'idéal est de procéder à la
signature d'un contrat de confidentialité concernant les informations
dites « sensibles » entre le tiers et les parties qu'il finance. La
préservation du secret dans l'arbitrage est une condition indispensable
à son bon fonctionnement. Ainsi, les modes de financement de la
procédure arbitrale doivent également respecter cette exigence de
discrétion.
213 En définitive, le financement de
l'arbitrage par un « Third party Funding » apparait
être la solution idéale, dans la mesure où
elle permet à de nombreuses entreprises de pouvoir face à
l'accroissement du coût de la procédure arbitrale. De plus, le
recours au TPF permet aux parties d'obtenir un diagnostic sur leur dossier
concernant les risques encourus131. Pour autant, il est clair que ce
type de financement ne peut constituer une solution globale dans la mesure
où il concerne en pratique très peu de dossiers.
214 Dés lors, il conviendrait
d'étudier la manière dont les pays de civil and Common Law
résolvent le problème de
l'impécuniosité dans l'arbitrage international.
130CONSTARGENT Jean-Robin
op. et loc. cit.
131 LEPAGE Guy et GREC Alain Directeurs
Généraux de La Française AM International Claims
Collection Administrateurs de la Française IC Fund « Pratique d'une
institution financière régulée » Dossier
financement de l'arbitrage par un tiers, La lettre de l'AFA, éditorial,
n°12, 2014.
75
Paragraphe 2 Les solutions apportées par les
autres états partie à la
Convention EDH
215 Nous étudierons dans un premier
temps la position des juridictions Allemandes con-
cernant la partie faible dans l'arbitrage (A), pour ensuite
nous concentrer sur celle des juridictions anglaises (B).
A) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Allemagne
216 En cas de situation
d'impécuniosité dans une procédure arbitrale, la loi
allemande
autorise à l'ensemble des parties de remettre en cause
la convention d'arbitrage. En ce sens, elle permet d'une part au demandeur
impécunieux de formuler ses demandes auprès de la juridiction
étatique, et d'autre part, elle octroie la possibilité au
défendeur impécunieux de mettre un terme à la convention
d'arbitrage si le demandeur à l'arbitrage refuse d'avancer les frais de
procédure de son adversaire132.
217 La Cour fédérale
suprême Allemande a fait le choix de protéger la partie faible
dans
l'arbitrage, dès lors que celle-ci se retrouvait dans
l'impossibilité de financer la procédure arbitrale, ainsi que ses
conseils. En adoptant une telle solution, la haute juridiction Allemande fait
primer le droit d'accès à la justice tel que prévu par
l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH au détriment du caractère
contractuel de l'arbitrage. Ainsi, le risque de déni de justice
constitue une raison suffisante aux yeux de la justice Allemande pour
libérer les parties de la convention d'arbitrage. Dans un arrêt du
14 septembre 2000133, les hauts magistrats de la Cour suprême
ont affirmé leur position en énonçant que le
problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage rendait
impossible l'exécution de la convention. De ce fait, ceux-ci estiment
que le litige doit être tranché par les juridictions
étatiques.
132 SACHS Klaus « La protection de la partie faible
en arbitrage » Gazette du palais, Lextenso, 127ème
année tri hebdomadaire du vendredi 13 au mardi 17 juillet 2007/ Les
cahiers de l'arbitrage, n°2007-2, Cf. Schütze, Armut im
internationalen Schiedsverfahren - kollisionsrechtliche Aspekte, in
Aus-gewählte Probleme des deutschen.
133 BGH, décision du 14 septembre 2000, NJW 2000, 3720.
76
218 De manière à justifier leur
position, les juges Allemands se réfèrent à l'article
1032
du code de procédure Allemande, reprenant
lui-même l'article 8-1 de la loi type de Commission des Nations Unies
pour le Droit Commercial International (CNUDCI), qui dispose que : «
Le tribunal saisi d'un différend sur une question faisant l'objet d'une
convention d'arbitrage renverra les parties à l'arbitrage si l'une
d'entre elles le demande au plus tard lorsqu'elle soumet ses premières
conclusions quant au fond du différend, à moins qu'il ne constate
que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible
d'être exécutée». En d'autres termes, la loi
Allemande rend inapplicable la convention d'arbitrage dès lors que l'une
des parties ne peut plus financer la procédure
arbitrale134.
219 Pour autant, à en croire la doctrine
Allemande135, il semblerait que la Cour suprême
revienne sur sa jurisprudence. En effet, au lieu de
considérer que la convention d'arbitrage est totalement inapplicable en
cas de l'impécuniosité de l'une des parties, la Cour
suprême invite à ce que lesdites parties se prononcent sur leur
volonté de faire appel ou non à la justice publique. Le manque
d'argent dans la procédure arbitrale ne donne plus nécessairement
compétence aux juridictions Allemandes. Le recours à la justice
étatique est donc soumis à la volonté des parties. On en
revient à appliquer le principe« pacta sunt servanda », qui
est propre à l'arbitrage. Ce mécanisme est donc juridiquement
plus satisfaisant dans la mesure où il tend plus à respecter
l'accord des parties.
220 En outre, comme le soulève le
professeur Klaus SACHS, le nouveau raisonnement de
la Cour suprême Allemande se doit d'être
favorablement accueilli dans la mesure où il serait véritablement
inopportun de rendre inapplicable une convention d'arbitrage dès lors
qu'une partie connaitrait des difficultés financières à
court terme. L'impécuniosité provisoire de l'un des plaideurs ne
saurait alors donner compétence de droit aux juridictions
étatiques. D'autant plus, comment justifier un tel procédé
en cas rétablissement de la santé financière
134 SACHS Klaus,
op. et loc. cit.
135SACHS Klaus,
op. et loc. cit. V. par exemple Wagner, Poor
Parties in German Forums : Placing Arbitration under the Sword of Damocles ?,
in Financial Capacity of the Parties, op. cit., p. 10 et s.
77
de la partie initialement en difficulté ? Le
législateur Allemand reste muet sur cette question, ce qui renforce la
position nouvellement adoptée par la Cour suprême136
221 Si les juridictions Allemandes tendent
à privilégier le droit d'accès à la justice sur
la
force obligatoire de la convention d'arbitrage, il serait
intéressant d'étudier la position des juridictions Anglaises, en
sachant que celles-ci obéissent à la tradition du Common Law et
qu'elles sont soumises aux dispositions de la Convention EDH.
B) L'impécuniosité dans l'arbitrage en
Angleterre
222 Au regard de la législation Anglaise,
il apparait qu'une convention d'arbitrage soit
difficilement susceptible d'être remise en cause. A ce
titre, les juridictions britanniques admettent l'impossibilité
d'exécution de la convention d'arbitrage que dans des cas
exception-nels137. Cette réticence s'explique tout
naturellement par l'origine même de l'arbitrage. Historiquement, cette
forme de justice privée est d'origine Anglo-Saxonne. Elle repose sur la
tradition libérale des pays de Common Law. Dès lors, la
volonté des parties doit être préservée, sans que
l'Etat ne puisse intervenir.
223 De manière à illustrer notre
propos, nous pouvons nous appuyer sur l'affaire Paczy
contre Haendler and Natermann. En l'espèce, le
demandeur à l'instance avait manifesté sa volonté de
recourir aux juridictions étatiques, alors qu'il était
engagé dans une procédure arbitrale, en arguant qu'il ne
bénéficiait pas de ressources financières suffisantes pour
faire face au coût qu'engendrait une telle procédure. Dès
lors, il démontra que ses droits à la justice n'allaient pas
être respectés par les instances arbitrales et que de ce fait, les
juridictions
136 GAILLARD Emmanuel «L'impécuniosité
des parties et ses effets sur l'arbitrage: la position Française»,
in Financial Capacity of the Parties, p. 65 et s.
137 SACHS Klaus, voir Hunter, Impecuniosity of the Parties
and its Effect on Arbitration -An English Perspective, in Financial Capacity of
the Parties, op. cit., p. 105 et s.
78
anglaises devaient impérativement lui garantir un droit
d'accès à la justice, en lui fournissant une aide
judiciaire138.
224 Cependant, la Cour d'appel de Londres ne fut
pas sensible à l'argumentation du
plaideur impécunieux. Elle indiqua à celui-ci
que sa situation financière ne pouvait engendrer l'annulation de la
convention d'arbitrage139. La position du juge Anglais se comprend
aisément dans la mesure où elle s'appuie sur les origines de
l'arbitrage, s'inscrivant dans la tradition du Common Law. La justice publique
n'a pas à interférer dans les affaires privées, d'autant
plus lorsque les parties ont expressément manifesté leur
volonté de recourir à la justice privée par la voie
contractuelle.
225 Au sens du droit Anglais, le non paiement
des frais d'une procédure arbitrale ne
peut engendrer un déni de justice. En ce sens, le refus
pour les arbitres de statuer sur les prétentions de la partie devenue
impécunieuse ne constitue pas une violation du droit d'accès au
juge. En outre, depuis la ratification de la Convention EDH par le Royaume-Uni
en 1988, on ne peut relever l'existence d'une décision de justice qui
aurait convenu d'annuler une sentence arbitrale pour ne pas avoir garanti le
droit d'accès à la justice. A l'inverse des juridictions
Françaises, les juridictions Anglaises ne désirent pas recourir
à une application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la
Convention EDH en invoquant les principes de l'ordre public procédural,
de manière à garantir l'accès à la justice à
l'ensemble des plaideurs.
226 Contrairement à la justice Anglaise,
la justice Américaine admet qu'une partie vic-
time d'une situation d'impécuniosité puisse se
retourner vers les juridictions étatiques, afin de jouir pleinement de
son droit d'accès à la justice. La Cour suprême des
Etats-Unis eut l'occasion de l'affirmer dans un arrêt « Green Tree
Financial Corp.- Alabama et al. contre Randolph du 11 décembre 2000
». Celle-ci énonça que lorsqu'une convention d'arbitrage
peut être considérée comme « prohibitively
expensive », la partie impécunieuse peut la remettre en cause
et soumettre son litige devant les juridictions étatiques140.
Celle-ci rajouta
138 SACHS Klaus, op.cit.
139 Paczy v Haendler & Natermann [1981] 1 Lloyd's Report 302
(CA). SACHS Klaus op.cit.
140 GAILLARD Emmanuel, « Rapport de synthèse sous la
direction de CLAY Thomas et BEN HAMIDA Walid «l'argent dans l'arbitrage
», lextenso éditions, 2013.
79
également que la charge de la preuve concernant le
caractère excessif du coût de l'arbitrage appartenait à la
partie qui souhaitait faire annuler la convention d'arbitrage. Paradoxalement,
la position de la justice Américaine se situe aux antipodes de celle de
son allié de toujours, l'Angleterre.
227 Par conséquent, il n'existe pas de
position jurisprudentielle universelle concernant le
problème de l'impécuniosité dans
l'arbitrage international. Celui-ci nous livre une opposition de taille entre
les droits fondamentaux, à savoir le droit d'accès à la
justice et le principe du consensualisme contractuel.
80
Conclusion Partie 2
228 Pour conclure, il est nécessaire de
reconnaitre que le principe « Pacta Sunt Servan-
da » doit prévaloir sur le principe du droit
d'accès au juge tel que prévu par la Convention EDH, en
matière d'arbitrage. Le déni de justice ne peut découler
de l'incapacité de l'une des parties à financer la
procédure d'arbitrage dans la mesure où, celle-ci avait
initialement fait le choix de ne pas recourir à la justice publique. En
élisant contractuellement les instances arbitrales, les parties
renoncent à certaines garanties reconnues par les droits fondamentaux.
Dès lors, le manque de moyens financiers pour faire face au coût
de la procédure arbitrale, ne peut aboutir à un déni de
justice. Le tribunal arbitral, en tant que prestataire de service, est tout
à fait dans son droit de ne pas statuer bénévolement.
229 Cependant, il est indispensable de
réduire le coût de l'arbitrage qui est devenu plus
que considérable aujourd'hui. Ainsi, pour limiter les
dénis de justice dans l'arbitrage pour cause
d'impécuniosité, il serait opportun d'inciter les parties
à réaliser quelques économies (par exemple, choisir un
seul arbitre au lieu de trois/ Se tourner vers la procédure de
l'internalisation des coûts).
230 Au demeurant, comme le souligne Klaus
SACHS141, il serait tout à fait envisageable
d'opérer une réforme législative de notre
système d'aide juridictionnelle afin que celui-ci puisse courir une
partie des frais d'arbitrage pour la partie « faible ». Cette
observation se comprend aisément compte tenu du contexte actuel. En
effet, en voulant faire de l'arbitrage une justice parallèle, la
majorité des Etats ayant adopté la loi modèle CNUDCI, ont
tendance à placer l'arbitrage sur un pied d'égalité
vis-à-vis de la justice publique. Ainsi, de manière à
renforcer cette égalité, nous pourrions légitimement
envisager un système d'aide juridictionnelle ouvert à la pratique
de l'arbitrage.
141 SACHS Klaus , op.cit.
231 Néanmoins, cette solution ne semble
pas trouver d'écho à l'heure actuelle. C'est la
raison pour laquelle nous devons nous en remettre à la
réalité du marché de l'arbitrage. Une
réalité économique parfaitement résumée par
une citation du juge Irlandais Sir James Matthews qui énonce que «
la justice est ouverte à tous, comme le Ritz »142.
81
142 Oxford Dictionary of Quotations, 4th edition 1992, p. 453.
82
Bibliographie
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87
Index:
(La numérotation renvoie aux paragraphes)
A
Accès à l'arbitre (Droit) 23, 24, 73, 75, 76,
80, 82, 83, 106, 107, 109, 114, 137, 138, 142, 150, 152, 154.
Accès à la justice (Droit)5, 9, 25, 53, 57, 64,
69, 79, 84, 89, 90, 103, 107, 108, 114, 117, 120, 127, 135, 139,
144, 149, 171, 189, 205, 208, 217, 221, 223, 225, 226, 227.
Aide judiciaire 3, 4, 5, 10, 172, 223.
Aide juridictionnelle 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 230.
Arbitrage ad hoc 191, 192.
Autonomie de la volonté 148, 152, 158, 159.
C
CEDH 72, 73, 81, 83, 217.
Clause compromissoire 14, 56, 84, 116, 119, 151, 155, 159, 171,
179, 183, 184.
Common Law 15, 48, 214, 221, 222, 224.
Convention d'arbitrage23, 61, 77, 79, 82, 84, 86, 106, 114, 115,
116, 118, 122, 124, 127, 128, 134, 139,
144, 154, 156, 158, 159, 174, 176, 179, 180, 180, 185, 186, 193,
216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 224, 226.
Convention Européenne des Droits de l'Homme 3, 4, 13, 25,
55, 60, 72, 75, 169.
D
Déni de justice 25, 61, 67, 75, 76, 79, 80, 83, 84, 118,
119, 124, 127, 136, 141, 189, 196, 217, 225, 228.
Droit à l'arbitre 146, 147,154.
Droit au juge 2.
E
Egalité des armes 5, 6, 98, 99, 100, 101, 142.
F
Force obligatoire du contrat 127, 152, 158, 161.
I
Impécuniosité13, 19, 20, 21, 22, 23, 39, 46, 52,
53, 61, 62, 64, 66, 72, 73, 79, 80, 82, 84, 85, 89, 115, 121,
122, 123, 124, 135, 151, 170, 173, 175, 176, 180, 181, 182,
185, 194, 195, 196, 197, 208, 216, 217, 219, 220, 226, 227, 229.
88
J
Juge d'appui 157.
Juge étatique 58, 123, 125, 127, 128, 129, 130, 155, 159,
164, 174, 175, 183, 184, 190, 192.
Justice privée 13, 14, 18, 21, 56, 58, 73, 83, 138, 148,
151, 157, 172, 222, 224.
L
La responsabilité de l'arbitre 143.
Liberté contractuelle 159.
O
Ordre public international 73, 75, 85, 134, 140, 203.
P
Pacta sunt servanda 159, 219, 228.
Partie faible 20, 25, 53, 183, 215, 217.
Procès équitable... 5, 23, 55, 58, 60, 61, 69, 71,
80, 95, 97, 103, 110, 122, 126, 131, 132, 139, 141, 160, 161.
R
Règlement d'arbitrage 30, 47, 49, 64, 66, 67, 85, 88,
101, 104, 127, 156, 157, 161, 163, 191, 192, 201.
S
Sentence arbitrale 14, 32, 65, 90, 100, 125, 132, 133, 200, 207,
211, 225.
T
Third Party Funding 206, 213.
Tribunal arbitral
29, 30, 31, 32, 33, 49, 51, 60, 65, 66, 67, 70, 77, 85, 85,
86, 87, 88, 80, 90, 94, 99, 101, 104, 108, 119,
132, 133, 143, 156, 173, 176, 178, 199, 204, 228.
89
TABLE DES MATIERES
***
Partie 1 P13
Titre 1 La consécration du droit d'accès
à l'arbitre au nom du procès équitable P14
Section 1 L'impécuniosité : un obstacle au droit
d'accès à la justice arbitrale P14
Paragraphe 1 L'existence d'un obstacle financier relaté
par la nature dispendieuse de l'arbitrage P15
A) L'analyse des coûts P15
1) Les frais engagés à l'occasion du
fonctionnement du tribunal arbitral P15
2) Les frais engagés à l'occasion de
l'organisation de la défense P16
B) L'analyse des stratégies procédurales P17
1) L'accroissement des coûts : La reconnaissance d'une
stratégie procédurale menant à
l'impécuniosité P18
2) L'accroissement des coûts : Des stratégies
procédurales endiguées par les règlements
d'arbitrage P20
Paragraphe 2 Un obstacle financier encadré par l'immixtion
progressive de la CEDH dans l'arbitrage
P22
A) L'inapplicabilité formelle de la Convention EDH
à l'arbitrage P22
1) Une question fortement débattue en doctrine P23
2) Une question partiellement tranchée par la
jurisprudence P24
B) L'application substantielle de l'article 6§1 de la
Convention EDH à l'arbitrage P26
1) Le renforcement de l'équilibre des parties dans
l'arbitrage P26
2) Les prémices du droit à l'arbitre P28
Section 2 Impécuniosité : La consécration
d'un droit d'accès à l'arbitre P31
Paragraphe 1 L'affaiblissement de la portée juridique de
la convention d'arbitrage P31
A) Le respect catégorique de l'ordre public
procédural P32
1) La prohibition du déni de justice P32
2) L'intégration du principe d'égalité des
parties P36
B) Le respect conditionné de l'ordre public
procédural P40
1) L'analyse de la notion d'indissociabilité des demandes
reconventionnelles P40
2) Le maintien de la convention d'arbitrage P43
Paragraphe 2 Le renforcement de la fonction juridictionnelle du
tribunal arbitral P45
A) L'arbitre : le nouveau garant du procès
équitable P45
1) Le contrôle a posteriori des conséquences de
l'impécuniosité P45
2) Le contrôle in concreto des conséquences de
l'impécuniosité P47
B) Le renforcement des pouvoirs juridictionnels de l'arbitre
P48
1) La place de l'arbitre au regard de l'ordre public
procédural P49
2) La question de la responsabilité de l'arbitre P51
90
Conclusion partie 1 P52
91
Partie 2 P54
Titre 2 La limitation du droit d'accès à
l'arbitre au nom de la force obligatoire de la conven-
tion d'arbitrage P55
Section 1 L'arbitrage : une justice privée et non un
service public P55
Paragraphe 1 La sauvegarde de l'autonomie de la volonté
des parties dans l'arbitrage P55
A) L'acceptation conventionnelle d'une justice privée :
la force obligatoire du règlement
d'arbitrage P56
B) La renonciation au contrôle de proportionnalité
des frais procéduraux par le juge étatique
P60
Paragraphe 2 La sauvegarde de la justice arbitrale P62
A) L'impécuniosité confrontée au principe
compétence-compétence P63
B) La préservation des places arbitrales P66
Section 2 L'arbitrage : une justice privée encline
à la réforme P68
Paragraphe 1 les solutions apportées par la doctrine
P69
A) Le financement par le conseil P69
B) Les fonds d'investissement P72
Paragraphe 2 Les solutions apportées par les autres Etats
parties à la Convention EDH P75
A) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Allemagne
P75
B) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Angleterre
P77
Conclusion partie 2 P80
92
Remerciements
Je tiens à remercier avant tout Madame Laura WEILLER
pour avoir gracieusement accepté de superviser mon mémoire, et
également la bibliothèque de la faculté de droit
d'Aix-en-Provence, pour m'avoir permis de mener à bien mes
recherches.
...
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