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"le droit d'accès à  la justice pour la partie impécunieuse"

( Télécharger le fichier original )
par Lloyd Rosique
Université de Aix-Marseille - Master 2 Contentieux et procédures civiles dà¢â‚¬â„¢exécution 2015
  

Disponible en mode multipage

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Institut de Formation de Droit Privé et Justice :

Mémoire Master 2 Contentieux et procédures civiles d'exécution

« Le droit d'accès au juge à l'épreuve de la partie impécunieuse »

Sous la direction de Madame Laura WEILLER (Maître De Conférences)

ROSIQUE Lloyd

1

Année universitaire 2015-2016

2

SOMMAIRE

***

Liste des abréviations P3

Introduction P4

Partie 1 P13

Titre 1 La consécration du droit d'accès à l'arbitre au nom du procès

équitable P14

Section 1. L'impécuniosité : un obstacle au droit d'accès à la justice arbitrale P14

Section 2. L'Impécuniosité : la consécration d'un droit d'accès à l'arbitre P31

Conclusion partie 1 P53

Partie 2 P54

Titre 2 La limitation du droit d'accès à l'arbitre au nom de la force

obligatoire de la convention d'arbitrage P55

Section 1. L'arbitrage : une justice privée et non un service public P55

Section 2. L'arbitrage : une justice privée encline à la réforme P68

Conclusion partie 2 P80

BIBLIOGRAPHIE P82

INDEX P87

TABLE DES MATIERES P89

REMERCIEMENTS P92

3

Liste des Abréviations

***

Aff Affaire

Art Article

ASA Association Suisse de l'arbitrage

Bull.Civ Bulletin Civil

C.Cass Cour de cassation

CC Code Civil

C/ Contre

CA Cour d'appel

Ch.Civ Chambre Civile

CMAP Centre médiation d'arbitrage de Paris

CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit commercial

international

COUR EDH Cour Européenne des Droits de l'Homme

CONVENTION EDH ou ESDH Convention Européenne de sauvegarde des Droits de

l'homme

CPC Code de Procédure civile

Déf Définition

Gaz.Pal Gazette du Palais

Loc.Cit Loco Citato

MARL Mode Alternatif de résolution des litiges

Op. Cit Opere Citato

Réf Référence

Rev.arb Revue de l'Arbitrage

Rev. Internationale Revue internationale de l'arbitrage

V. Voir

4

Introduction

1 « La justice est gratuite. Heureusement elle n'est pas obligatoire » Jules Renard1.

Comme le fait habilement remarquer l'un de nos plus illustres écrivains Français du XXème siècle, l'accès à la justice constitue un véritable enjeu financier. En effet, l'assistance d'un défenseur, d'un avocat ou voire d'un conseil, coûte cher. Ainsi, certains justiciables pourraient se voir refuser l'accès à la justice en raison de la fragilité de leurs ressources financières. Néanmoins, les juges de Strasbourg se sont rapidement saisis du problème, en considérant que l'effectivité du droit de l'accès au juge, tel que prévu par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ne saurait faire abstraction au coût que peut représenter un procès civil.

2 De fait, au visa dudit article qui énonce que « Toute personne a droit à ce que sa cause

soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice », la Cour européenne des droits de l'homme a matérialisé son souhait de renforcer l'accès au droit au juge à l'occasion de l'arrêt Airey contre Irlande du 9 octobre 19792.

3 En l'espèce il s'agissait d'une requérante Irlandaise (madame Airey), qui, ne bénéfi-

ciant d'aucune aide judiciaire, n'avait pas eu la possibilité d'engager une procédure en séparation de corps compte tenu de la faiblesse de ses ressources financières. Dès lors, le juge

1 RENARD Jules «Journal 1887-1910», édition Actes Sud, 2004 p65

2 CEDH Airey c/ Irlande, 9 octobre 1979, série A, n°32 ;JDI,1982,187,chron. P.Rolland ; AFDI, 1980, 323, Chron. R.Pelloux.

5

européen condamna l'état Irlandais sur la base de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en démontrant que celui était tenu de faciliter l'accès à la justice en fournissant à la requérante une aide judiciaire, afin qu'elle puisse convenablement faire valoir sa cause, en vertu d'une certaine « obligation positive »3. En somme, la Cour européenne des droits de l'homme profita de l'occasion qui lui était donnée par les circonstances de l'espèce, pour affiner sa position jurisprudentielle quant au droit d'accès au juge initialement reconnu dans l'arrêt Golder contre Royaume Uni de 1975 4.

4 Au demeurant, si l'on s'en tient à une appréciation littérale de la convention euro-

péenne des droits de l'homme de 1950, nous pouvons remarquer que l'aide judiciaire est garantie uniquement pour les procédures pénales5. En créant la notion « d'obligation positive », la Cour EDH s'est affranchie de cette limitation, en élargissant les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire aux procédures civiles. L'idée sous-jacente de cette démarche étant bien évidemment de garantir au maximum l'effectivité du droit d'accès au juge pour l'ensemble des justiciables. Par ailleurs, le juge européen précisa que l'article 6 paragraphe 1 de la convention EDH pouvait également s'appliquer à une procédure portant sur l'aide juridictionnelle, dès lors que celle-ci pouvait être considérée comme « déterminante pour le droit d'accès à un tribunal »6.

5 En outre, si le défaut de trésorerie du plaideur peut constituer un obstacle au droit

d'accès à la justice, elle peut tout aussi bien représenter une menace au niveau de l'égalité des armes. De fait, si l'on analyse la jurisprudence de la Cour EDH depuis ces dix dernières années, on peut aisément relever que celle-ci a finalement décidé de rattacher le défaut d'aide judiciaire à la question de l'égalité des armes. En effet, à l'occasion de l'affaire Steel and Morris du 15 février 2005, les juges Européens ont considéré que dans le cadre d'une affaire complexe, le défaut d'allouer une assistance judiciaire à des plaideurs impécunieux, pouvait priver ces derniers de leur droit au procès équitable.

3 SUDRE Frédéric et autres «Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme» Thémis Droit. Puf. 6ème édition. P20.

4 PELLOUX Robert « Annuaire Français de droit international » centre national de la recherche scientifique, 1975, volume 21, p333.

5 Article 3 paragraphe C de la Convention européenne des droits de l'homme.

6 CEDH, 1er décembre 2008, Blandeau contre France, Paragraphe 22.

6

6 Ainsi, bien que l'égalité des armes ne puisse être totalement garantie, l'état a depuis

lors, l'obligation de fournir aux plaideurs impécunieux les moyens nécessaires pour assurer leur défense de manière effective. De la même manière, la Cour EDH a également sanctionné la France sur la base de l'article 6 paragraphe 1, dans un arrêt Bertuzzi contre France du 13 février 2003 au titre du dysfonctionnement du bureau de l'aide juridictionnelle7. Le juge européen accorde alors une grande importance aux moyens, dont les états partie à la convention, doivent mettre en oeuvre pour garantir une justice effective et équitable.

7 Pour autant, l'octroi de l'aide juridictionnelle n'est pas considéré comme un droit

absolu. Celle-ci peut se voir limiter par plusieurs critères. En ce sens, la Cour EDH s'est interrogée sur la question de savoir si l'aide juridictionnelle pouvait être conditionnée par la réunion de certains critères, sans pour autant porter atteinte à la substance de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ? Initialement, la Cour EDH estima que le refus de l'Etat d'apporter son concours aux plaideurs les plus démunis, via l'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire était contraire aux exigences posées par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH8.

8 Cependant, elle révisa son appréciation dans un arrêt du 26 février 2002 « Del sol

contre France » en arguant le fait que l'état avait la possibilité de conditionner l'octroi de l'aide juridictionnelle en fonction du caractère suffisamment sérieux de l'affaire présentée en l'espèce. Cette justification parait totalement idoine dans la mesure où l'état alloue une aide financière sur la base de fonds publics. La solution adoptée fut d'ailleurs une nouvelle fois confirmée dans un arrêt du 21 septembre 2004 « Santambrogio contre Italie ». En outre, la position de la Cour EDH s'étendit également aux procédures sans représentation obligatoire, comme en témoigne l'arrêt du 17 septembre 2000 « Gnahoré contre France ».

9 A la lecture de ces différents arrêts, on peut légitimement en déduire que la cour

tend à concilier la bonne administration de la justice avec le droit d'accès au juge. Au de-

7 RICHARD Pascale « La CEDH condamne la France, dans l'affaire Bertuzzi décidée le 13 février 2003, au titre d'un dysfonctionnement du bureau de l'aide juridictionnelle », legalnewsnotaires, le 11 juin 2003.

8 CEDH, le 30 juillet 1998, Aerts contre Belgique.

7

meurant, si l'obstacle financier représente une menace pour le droit d'accès à la justice, les états partie à la convention EDH de 1950 doivent adapter leur législation pour permettre à leurs justiciables de pouvoir faire valoir leur cause. Ainsi, il serait indigne d'une société démocratique partie à la convention EDH d'exclure implicitement les justiciables en raison de la faiblesse de leurs ressources financières9.

10 Comme nous l'avons vu précédemment de manière succincte, l'Etat français a prévu

un mécanisme d'aide juridictionnelle pour permettre aux plaideurs les plus démunis d'avoir accès à la justice. Cette volonté de garantir une justice pour tous obéit à un certain principe de gratuité10. L'aide juridictionnelle se définit ainsi comme étant « la partie principale de l'aide juridique qui, dans le prolongement de l'aide judiciaire (qu'elle remplace sous ce nom nouveau), a pour fin de permettre à une personne dépourvue de ressources suffisantes d'exercer ses droits en justice (en matière gracieuse ou contentieuse, comme demandeur ou défendeur) en la faisant bénéficier d'une remise des frais dus au Trésor, d'une dispense de certains frais et d'une prise en charge, totale ou partielle, par l'Etat, des honoraires des auxiliaires de justice (l'aide est accordée par un bureau d'aide juridictionnelle) »11.

11 En pratique, le bureau d'aide juridictionnelle va reverser une partie des contribu-

tions publiques, en fonction des revenus fiscalement déclarés par les intéressés12. Le bureau d'aide juridictionnelle est établi au siège du tribunal de grande instance, et s'organise en différentes sections. Concernant la section qui est chargée d'examiner les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle, nous pouvons observer qu'elle est composée de magistrats (président et vice président du bureau), d'un avocat établi auprès TGI, d'un huissier de justice du ressort de ce même TGI, le directeur départemental des finances publiques, le directeur départemental de la cohésion sociale, et d'un usager de ce service13.

9 Références aux arrêts : CEDH, le 28 octobre 1998 Aït-Mouhoub contre France / CEDH, le 19 juin 2001, Kreuz contre Pologne/ CEDH, le 3 novembre 2009, Adam contre Roumanie.

10 Art L111-2 du COJ : « la gratuité de la justice est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement ».

11 Cornu Gérard « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, neuvième édition août 2011, Puf.

12 Braudo Serge « Dictionnaire du droit privé », 2016.

13 Article 12 du décret du 19 mars 1991 portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

8

12 Dès lors, l'Etat peut être amené à couvrir l'intégralité des frais de justice d'un justi-

ciable financièrement fragile. A titre d'exemple, l'aide juridictionnelle sera totale si le plaideur justifie de revenus inférieurs à 941 euros par mois14. En somme, qu'elle soit totale ou partielle, va permettre de couvrir les frais occasionnés par la procédure judiciaire. Ils comprennent ainsi les frais de représentation, mais également les frais liés à l'exécution de la décision de justice. Il est également à noter, qu'en cas d'urgence, le justiciable peut bénéficier d'une aide juridictionnelle provisoire.

13 De par ces développements, nous avons pu constater qu'il existait différents moyens

mis en oeuvre par les états pour faciliter l'accès à la justice aux plaideurs les plus démunis. Néanmoins, si la justice publique répond aux exigences posées par la Convention européenne des droits de l'homme, il serait intéressant d'étudier le problème de l'impécuniosité des plaideurs à travers le prisme de la justice privée. Autrement dit, nous pourrions nous interroger sur la manière dont la justice arbitrale fait face à ce problème. Il convient donc dans un premier temps d'analyser les contours de l'arbitrage avant de se pencher sur la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage.

14 L'arbitrage se définit comme étant « un mode amiable ou pacifique mais toujours

juridictionnel de règlement d'un litige par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de l'Etat ou d'une institution internationale, mais de la convention des parties (lesquelles peuvent être de simples particuliers ou des Etats »15. L'arbitrage représente la justice privée par excellence, car il permet de contourner l'accès à la justice publique par la voie conventionnelle. En effet, les parties désigneront par contrat, et plus précisément par le biais d'une clause compromissoire, un arbitre qui sera chargé de trancher le litige. A la différence de la médiation qui n'a pour unique objet de concilier les parties, l'arbitre rend une décision qui revêt un caractère juridictionnel. On parle alors de sentence arbitrale.

14 AUFFRET Simone et DAGORN Gary « Comment fonctionne l'aide juridictionnelle ? », le Monde, article du

16 octobre 2015.

15 Cornu Gérard « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, neuvième édition août 2011, Puf.

9

15 Dès lors, la justice arbitrale résulte d'une certaine interaction entre le contrat et la

« jurisdictio »16. C'est une technique alternative de résolution des litiges assez ancienne qui tire son essence de la Common Law, et plus particulièrement du droit Américain17. Pour autant, l'arbitrage ne repose pas sur un droit typiquement prétorien. En ce sens, nous pouvons constater l'existence d'un encadrement législatif conséquent (ex : La convention de New York du 10 juin 1958, loi type CNUDCI, le code de procédure civile Français18). Il n'en demeure pas moins que l'arbitrage n'en finit pas de séduire le monde des affaires. La raison principale tient à la nature de cette justice parallèle. Si les parties se détournent du juge au profit de l'arbitre, c'est qu'elles recherchent avant tout la rapidité, la discrétion et l'octroi d'une justice adaptée aux litiges commerciaux19.

16 Afin d'illustrer notre propos, nous pouvons nous appuyer sur les chiffres présentés

par le premier baromètre sur l'arbitrage publié le 1er juillet 2013 par le centre de médiation et d'arbitrage de Paris (CMAP). Cette étude a notamment révélé d'une part la durée moyenne des procédures d'arbitrage (entre 10 et 12 mois) et d'autre part le montant moyen des sommes en jeu dans ces différents litiges commerciaux (entre 1 et 10 millions d'euros)20. La résolution du conflit doit donc se concevoir sous l'angle de la célérité et de l'équité, afin de ne pas entraver le développement des échanges qui constitue le coeur de l'activité économique.

17 Bien que la justice étatique ne soit pas totalement dénuée de l'ensemble de ces qua-

lités, il est à noter que son efficacité n'est plus en mesure de répondre à celle avancée par l'arbitrage contemporain. Par ailleurs, les avantages présentés par la justice arbitrale s'en trouvent décuplés en matière internationale. En effet, les agents économiques disposent d'une certaine liberté quant à l'organisation du procès. A ce titre, ils peuvent choisir librement les avocats qui les représenteront, la langue du procès ainsi que les règles juridiques qui s'appliqueront. Cette liberté de choix leur permet ainsi de s'affranchir des normes impo-

16 GUINCHARD Serge, SOREL Jean-Marc, Cécile Chainais « Droit processuel, Droits fondamentaux du procès », précis Dalloz, 7ème édition, p1417.

17 JALLAMION Carine « Arbitrage et pouvoir politique du XVIIème au XIXème siècle », Rev. Arb. 2005.

18 Des articles 1442 à 1527 depuis la réforme du 13 janvier 2011 via le décret n°2011-48.

19 DERAINS Yves « Le nouveau droit français de l'arbitrage », Lextenso 2011, p.100,101.

20 COHEN Charles « L'arbitrage, une justice à la portée des PME », Rev. Chef d'entreprise. Le 1er juillet 2013.

10

sées par le droit international privé. Au regard du ressenti des parties, une telle éviction se comprend dans la mesure où elles considèrent que la nature de la justice arbitrale leur confère une plus grande égalité des chances21.

18 Au demeurant, l'arbitrage constitue un véritable produit économique qui s'insère

parfaitement dans une logique de marché. C'est une justice privée qui obéit aux règles de la concurrence. Par conséquent, les centres d'arbitrages sont amenés à s'affronter sur le plan économique, afin de devenir une place incontournable de la justice arbitrale. En pratique, le centre d'arbitrage Parisien est très plébiscité en raison de la cohérence de sa législation et de la compétence de ses arbitres. Force est donc de constater que le règlement juridictionnel du litige proposé par ces centres d'arbitrage suscitent inévitablement un certain coût. Si l'on se réfère à l'étude menée par le CMAP de 2013, nous pouvons relever que l'arbitrage est une justice extrêmement onéreuse. Le coût moyen d'une procédure d'arbitrage se situerait dans une fourchette comprise entre 50 000 et 200 000 euros22. Bien que les frais d'arbitrage soient encadrés par des barèmes précis (exemple: En ce qui concerne l'association française d'arbitrage, pour un litige compris entre 12 000 001 et 45 000 000 d'euros, les parties devront d'une part payer les frais administratifs correspondant aux 0,025% du montant total, et d'autre part payer les frais propres à la rémunérations des arbitres compris entre 0,2 et 0,3% de ce même montant23), il n'en demeure pas moins que cette justice sur-mesure revêt un caractère dispendieux.

19 En définitive, l'aspect économique constitue la pierre angulaire de la justice arbi-

trale. Dès lors, si la carence financière d'une des parties était mise en exergue au cours de la procédure, cela pourrait entrainer de sérieuses conséquences, tant sur le plan de la justice arbitrale qu'au niveau du droit processuel. Ainsi la question de l'impécuniosité des plaideurs dans une instance arbitrale doit inévitablement être posée. Il serait donc pertinent de définir l'impécuniosité, qui apparait comme étant une notion qui tend à confronter la justice arbitrale au droit processuel.

21 V. DERAINS Yves, op. et loc. cit.

22 COHEN Charles. op. et loc. cit.

23 Barème des honoraires des arbitres et frais d'administration : site internet de l'AFA (Association Française d'Arbitrage).

11

20 Une personne est en état d'impécuniosité dès lors qu'elle ne dispose pas d'argent

ou alors qu'elle en manque24. A première vue, la définition proposée semble être particulièrement vague. D'un point de vue juridique, elle ne correspond à aucune situation concrète et s'apparente plutôt à une situation purement factuelle25. Cependant l'état de fait auquel fait référence le terme d'impécuniosité n'est pas totalement dénué de logique juridique. Si la notion définie n'est pas rattachée à un régime juridique particulier, il n'en demeure pas moins qu'elle nous fait penser à certaines situations bien précises que l'on retrouve dans le droit des procédures collectives (exemples : état de cessation des paiements, liquidation judiciaire, procédure de sauvegarde...). L'impécuniosité s'apparente ainsi « à une situation irrémédiablement compromise pour le débiteur »26. Néanmoins, la définition de l'impécuniosité se distingue de celles propres au droit des entreprises en difficulté. Sa portée revêt un caractère hybride, elle est à la fois large et étroite. Comme l'a souligné le professeur et spécialiste de l'arbitrage, François Xavier Train27, une entreprise peut se retrouver dans une situation d'impécuniosité sans pour autant faire l'objet d'une procédure collective ou être insolvable. De la même manière, l'entreprise placée en redressement judiciaire n'est pas forcément dans l'impossibilité d'engager des dépenses pour assurer son bon fonctionnement. L'impécuniosité renvoie tout simplement à un état de fragilité financière, sans pour autant s'assimiler au terme de la « partie faible » cher au droit de la consommation.

21 En effet, les personnes considérées comme impécunieuses ne bénéficient pas d'un

cadre législatif aussi étendu que celui prévu pour les consommateurs, salariés et assurés. L'impécuniosité se réfère à un état de fragilité économique pour une personne physique ou morale, survenant à l'occasion de situations plus ou moins diverses (inattendues, prévisibles / durables, constantes). Cependant, au regard du droit contemporain, le terme d'impécuniosité semble avoir trouvé sa place dans la sphère juridique, et plus précisément en matière d'arbitrage international. Comme nous l'avons précédemment soulevé, l'arbitrage est une justice privée extrêmement coûteuse, qui est fréquemment confrontée à des cas d'impécuniosité.

24 V. Le dictionnaire Larousse : impécuniosité.

25 TRAIN François-Xavier « Impécuniosité et accès à la justice dans l'arbitrage international », Rev. Arb. 2012.

26 V. TRAIN François-Xavier op. et loc. cit.

27 V. TRAIN François-Xavier op. et loc. cit. P268.

22 Ainsi, la doctrine s'est servie de ce terme pour mêler certains aspects du droit pro-

cessuel à la pratique de l'arbitrage28. Les auteurs ont alors considéré que l'impécuniosité devait s'apparenter à la situation dans laquelle se trouvait un plaideur qui n'avait plus les moyens de payer les frais engendrés par la procédure d'arbitrage, le privant ainsi de son droit d'accès au juge au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la CESDH29. En somme, l'immixtion des droits processuels dans le cadre de l'arbitrage suscite de nombreuses interrogations.

23 Au regard du contexte juridique, il serait intéressant d'envisager le problème du

droit d'accès au juge à l'épreuve de la partie impécunieuse sous deux angles différents. Le sujet ainsi présenté donne naissance à deux formes de problématiques. D'une part il appa-rait nécessaire de se demander « en quoi l'impécuniosité du plaideur en matière d'arbitrage peut elle attenter à son droit d'accès au juge ? ». Et d'autre part, et de manière plus générale, il serait pertinent de s'interroger afin de déterminer « dans quelles mesures le droit d'accès au juge peut-il primer sur la force obligatoire de la convention d'arbitrage ? ». Afin de répondre à ces différentes questions, qui en définitive, sont intimement liées, nous étudierons dans un premier temps la consécration du droit d'accès à l'arbitre au nom du procès équitable (Titre 1), pour ensuite analyser sa limitation par la force obligatoire de la convention d'arbitrage (Titre 2).

12

28 GUINCHAR Serge « Droit processuel/ Droits fondamentaux du procès », Dalloz. 6ème Ed.,2011, N°223 à 230.

29 JEULAND Emmanuel « Droit processuel général », Montchrestien, 2012, N°156 et 165.

13

PARTIE 1

14

Titre 1 La consécration du droit d'accès à l'arbitre au

nom du procès équitable

24 L'arbitrage est une justice extrêmement onéreuse, qui s'adresse plus particulière-

ment aux personnes morales bénéficiant d'une puissance financière conséquente. Cependant certaines petites et moyennes entreprises sont attirées par cette justice alternative. Les dirigeants doivent alors analyser les coûts que cette procédure peut engendrer, pour en apprécier l'opportunité. Le cumul des différents coûts que représente une instance arbitrale peuvent constituer à terme, un obstacle financier pour le plaideur (Section 1). Afin de lutter contre cet obstacle financier, la jurisprudence s'est laissée tenter par les garanties offertes par la Convention européenne des droits de l'homme, en consacrant un droit d'accès à l'arbitre (Section 2).

Section 1 L'impécuniosité : un obstacle au droit d'accès à la justice arbitrale

25 A l'heure actuelle, le coût de l'arbitrage est en proie à une inflation sans précédent.

Ainsi, les frais de procédures sont amenés à jouer un rôle non négligeable dans le déroulement du procès arbitral. Ils constituent un véritable enjeu financier. Dès lors, ce phénomène conduit les parties à se livrer non plus une bataille purement juridique, mais plutôt une bataille financière (paragraphe 1). De facto, les plaideurs « partie faible »30 se retrouvent dans une situation extrêmement délicate, dans la mesure où le manque de moyens financiers peut impacter directement l'issue du litige. A ce titre, les arbitres sont parfois amenés à priver le plaideur impécunieux de son droit d'accès à la justice. Le déni de justice économique dans l'arbitrage est une réalité.

30 SACHS Klaus « La protection de la partie faible dans l'arbitrage international », Rev, Gazette du palais, du 13 au 17 juillet 2007.

15

26 Afin de remédier à ce problème, la Cour de cassation s'est interrogée sur

l'opportunité d'appliquer les garanties processuelles prévues par la Convention EDH à l'arbitrage (paragraphe 2).

Paragraphe 1 L'existence d'un obstacle financier relaté par la nature dispendieuse de l'arbitrage

27 Le recours à la justice arbitrale implique un réel investissement. En effet, l'analyse

des coûts en détermine l'opportunité (A). Cependant, il est difficile d'évaluer le coût d'une procédure d'arbitrage dès l'apparition du litige, car de nouveaux frais peuvent faire leur apparition au cours de l'instance. Ainsi, les parties ont la capacité d'accroitre le coût de la procédure d'arbitrage à des fins purement stratégiques (B).

A) L'analyse des coûts

28 Au regard du droit français, Il n'existe pas de réelle définition des coûts de

l'arbitrage. Les différents règlements d'arbitrage se sont donc penchés sur la question. Dès lors, ces derniers ont conclu à l'existence de deux catégories : les frais de l'arbitrage et les frais engagés par les parties pour leur défense31. Les plaideurs sont alors amenés à étudier le coût que représente une procédure d'arbitrage au regard des frais d'arbitrage (1), ainsi qu'au regard des frais engagés pour le compte de leur défense (2).

1) Les frais engagés à l'occasion du fonctionnement du tribunal arbitral

29 L'article 37 du règlement de chambre de commerce internationale (CCI) propose

une définition assez large des frais de l'arbitrage : « les frais d'arbitrage comprennent les honoraires et frais des arbitres et les frais administratifs de la CCI fixés par la Cour, conformément au tableau de calcul en vigueur au moment de l'introduction de l'arbitrage, les ho-

31 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux coûts dans l'arbitrage international » Les cahiers de l'arbitrage, P900

16

noraires et frais d'experts nommés par le tribunal arbitral ». Il est à noter que l'ensemble des règlements d'arbitrage ont repris cette définition initiée par la CCI. Nous pouvons ainsi citer l'exemple du règlement de la London Court of International Arbitration (LCIA32), du centre d'arbitrage du Caire (CRCICA33), ou encore du règlement de l'American Arbitration Association (AAA)34.

30 En outre, le règlement d'arbitrage CNUDCI en apporte une définition un peu plus

précise. Les frais d'arbitrage correspondent aux honoraires et frais de l'arbitre, à la TVA applicable aux honoraires, aux frais du secrétariat du tribunal arbitral, aux frais administratifs des institutions et l'ensemble des frais en lien avec l'activité des arbitres (Notes de frais : transport, hébergement). Ils couvrent également les frais d'expertise des experts habilités et désignés par le tribunal arbitral.

31 L'ensemble de ces dépenses de nature « administrative » constituent le coeur du

fonctionnement de la justice arbitrale. Pour autant, le coût total de l'arbitrage ne se résume pas aux frais propres au fonctionnement du tribunal arbitral. En effet, les plaideurs ne peuvent négliger le coût que représente l'organisation de leur défense.

2) Les frais engagés à l'occasion de l'organisation de la défense

32 A l'instar des frais engagés pour le fonctionnement du tribunal arbitral, les frais rela-

tifs à l'organisation de la défense des plaideurs constituent « les coûts directs de la procédure »35. En d'autres termes, cela signifie que les parties sont amenées à financer directement les frais découlant de ces « coûts directs ». En règle générale, ces coûts sont supportés par l'ensemble des parties de manière égalitaire jusqu'au prononcé de la sentence arbi-trale36. Les parties cherchent avant tout à garder la maitrise des charges financières directes qui leur incombent. Néanmoins, il est tout à fait possible que le tribunal arbitral soit à l'origine de la gestion de ces coûts.

32 Article 28 du règlement Law on international commercial arbitration.

33 Article 42 du règlement Centre régional d'arbitrage commercial international du Caire.

34 Article 31 du règlement Association Américaine de l'arbitrage.

35 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit.

36 CA Paris, 13 décembre. 2001, RTD com. 2002, p. 282; D. 2003, Somm. p. 2475, obs. T. Clay.

17

33 Par conséquent, les frais relatifs à l'organisation de la défense incluent les hono-

raires des avocats engagés pour assurer la défense des parties dans la procédure. En règle générale, les honoraires des conseils font partie de la définition des coûts propres à l'arbitrage sous réserve de dispositions contraires prévues par d'éventuels règlements d'arbitrage. Néanmoins, comme le souligne Caroline Duclercq dans son article « les nouveaux coûts dans l'arbitrage international » dans les cahiers de l'arbitrage, l'allocation des frais exposés pour la défense des parties ainsi que l'analyse de leur caractère raisonnable restent des questions débattues en doctrine.

34 En effet, comme nous l'avons noté dans les développements précédents, les parties

supportent dans 80% des cas, les coûts directs d'une procédure d'arbitrage à parts égales. Force est donc de constater que la question de la définition des coûts dans l'arbitrage est alors essentielle, car l'arbitre pourra être éventuellement appelé à se prononcer sur le mode de répartition des frais.

35 Dés lors, certaines entreprises seront amenées à faire augmenter le coût de la pro-

cédure arbitrale de façon tout à fait dilatoire, dans l'optique de faire plier l'adversaire sur le plan économique.

B) L'analyse des stratégies procédurales

36 En règle générale, Les parties engagées dans une procédure d'arbitrage assument

les frais qui en découlent de manière égalitaire. Pour autant, il arrive que certaines entreprises profitent de ce système à des fins purement déloyales. En d'autres termes, celles-ci cherchent à augmenter considérablement le coût de la procédure, dans le but de nuire à la trésorerie de leur adversaire (1). Par conséquent, ces nouvelles pratiques posent la question de l'allocation des frais dans l'arbitrage (2).

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1) L'accroissement des coûts : La reconnaissance d'une stratégie procédurale menant à l'impécuniosité

37 Certaines entreprises mal intentionnées sont prêtes à livrer une bataille financière à

leur adversaire. L'objectif étant de faire céder la partie adverse, en augmentant considérablement le coût de la procédure d'arbitrage. Pour cela, lesdites sociétés commandent des expertises, des contres expertises, et sollicitent l'assistance d'un grand nombre de témoins (ce qui engendre inévitablement des frais induits conséquents)37. L'assiette de la procédure d'arbitrage s'en trouve ainsi fortement augmentée. De fait, les parties qui seront amenées à connaitre d'éventuelles difficultés financières à ce stade de la procédure, verront leurs chances de remporter le procès s'amenuiser.

38 En effet, celles-ci auront d'une part, bien des peines à financer les frais de provi-

sions, et d'autre part, n'auront plus les moyens d'assurer leur défense de manière effective. Leur trésorerie s'en trouvera indéniablement affectée, du fait de l'avancement de diverses sommes d'argent. En ce sens, la formulation de demandes reconventionnelles ou de nouvelles expertises seront à exclure. Les plaideurs en difficulté ne pourront plus faire face au paiement de l'ensemble de ces provisions.

39 Les parties « faibles » seront donc définitivement disposées à supporter provisoire-

ment le coût des requêtes plus ou moins opportunes de leurs adversaires. Par conséquent, la question du paiement des provisions dans une procédure d'arbitrage revêt un caractère fondamental. L'impécuniosité de l'une des parties à l'instance arbitrale pourrait donc être le fruit du comportement totalement dilatoire de son adversaire.

40 Néanmoins, le recours abusif aux mesures d'expertises ne constitue pas la seule

stratégie en matière d'arbitrage. En effet, certaines entreprises s'adonnent à d'autres manoeuvres dilatoires via la procédure d'internalisation des coûts de l'arbitrage. Officiellement cette méthode consiste à réduire les coûts directs de la procédure d'arbitrage. Pour ce faire, l'une des parties s'engage à confier une partie de l'instruction de l'affaire à son service juridique (juristes d'entreprises, conseils, employés spécialisés...).

37 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit

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41 En internalisant ce type de frais, les parties parviennent à réduire les coûts de la pro-

cédure d'arbitrage, étant donné qu'elles profitent de « tarifs préférentiels ». C'est la raison pour laquelle, certains règlements d'arbitrages acceptent le recours à l'internalisation des frais de procédures liés à l'organisation de la défense des plaideurs38.

42 Néanmoins, ce genre de pratique peut s'avérer dangereux, dans la mesure où le

plaideur à l'origine de l'internalisation des coûts, souhaitera se faire rembourser les frais avancés à l'issue de la procédure d'arbitrage. A ce titre, il est probable que les coûts « inter-nalisés » représentent un montant supérieur à celui qui était initialement prévu par la procédure classique.

43 En somme, cet aspect revêt officieusement un caractère stratégique fondamental.

Sous couvert « d'une certaine bonne foi », les plaideurs profitent de cette solution pour contraindre leur adversaire à payer des frais de procédure plus élevés. A terme, les « parties faibles » succomberont à la pression financière et seront de facto, contraintes de transiger.

44 Cependant, il est à noter qu'une partie de la doctrine s'oppose à l'internalisation des

frais de procédure en matière d'arbitrage. La raison de ce rejet est en lien avec l'existence de dangers initiés par les diverses stratégies financières que nous avons précédemment évoquées ci-dessus.

45 Au demeurant, la doctrine, ainsi que certaines Cours arbitrales, justifient ce refus en

considérant que ces frais sont inhérents au fonctionnement des entreprises. Autrement dit, elles rattachent ces frais de procédure aux frais normaux des entreprises, dans la mesure où ceux-ci n'ont pas été engagés à l'occasion de la procédure arbitrale39. Les plaideurs à l'origine de l'internalisation des frais de procédure ne pourront donc pas en demander le remboursement par la partie adverse.

38 Article 7.3 du règlement d'arbitrage de Paris de 2012 « Costs may also include management time and expenses ».

39 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit. / GOTANDA John « Supplemental damages in private international law», Kluwer law international, 1998, P.191.

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46 Pour autant, ce type de risque reste minoritaire, car la plupart des règlements

d'arbitrage tendent à reconnaitre le mécanisme de l'internalisation des coûts afin de renforcer la technique de l'arbitrage et d'assurer une meilleure visibilité aux entreprises qui en sont à l'origine. L'apparition de ces problèmes d'impécuniosité ont alors conduit les règlements d'arbitrage à réagir sur la question de l'allocation des frais de l'arbitrage.

2) L'accroissement des coûts : Des stratégies procédurales endiguées par les règlements d'arbitrage

47 Généralement les coûts correspondant à la procédure d'arbitrage sont répartis de

manière équitable entre elles à l'issue de la procédure. Néanmoins, un grand nombre de règlements d'arbitrage prévoient que c'est à la partie qui succombe d'assurer le paiement de ces frais. En ce sens, nous pouvons citer l'article 43 du règlement d'arbitrage de la CNUDCI qui énonce que « Les frais d'arbitrage sont en principe à la charge de la partie ou des parties qui succombent », ainsi que l'article 31 du règlement d'arbitrage AAA qui expose que « le tribunal fixera les coûts de l'arbitrage dans la sentence... De tels coûts peuvent inclure : les frais et honoraires des arbitres, les coûts de toute assistance requise par le tribunal, y compris les coûts des experts, les frais et honoraires de l'administrateur, les coûts raisonnables de représentation de la partie ayant eu gain de cause, les coûts en relation avec une demande de mesure provisoire ou conservatoire conformément à l'article 21, la rémunération des arbitres ».

48 C'est une pratique qui est assez courante dans les pays de civil law et common law.

Elle obéit à la théorie du « loser pays rule ». En d'autres termes, la partie qui perd le procès arbitral doit assumer le paiement des frais de procédure. Cependant, certains pays comme les Etats-Unis, la Chine ou encore le Japon optent pour une solution différente. La plupart de leurs règlements d'arbitrage enjoignent les parties à régler les frais de procédure tout au long de l'instance arbitrale, indépendamment de la solution finale40.

40 DUCLERCQ Caroline . op. et loc. cit. / BÜHLER « Awarding costs in international commercial arbitration: an overview», ASA Bull, vol 22, n°2, 2004, P249.

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49 De ce fait, il est à noter qu'il n'existe aucun principe d'allocation des coûts dans

l'arbitrage. Les règlements d'arbitrage donnent parfois même la possibilité aux arbitres d'aménager la répartition de coûts afin de garantir une plus grande égalité ente les parties41. A titre d'exemple, nous pouvons citer l'article 44 du règlement d'arbitrage de l'institut d'Arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm qui stipule que « Sauf accord contraire des parties, le tribunal arbitral peut, à la demande d'une partie, dans la sentence finale, ordonner à une partie de payer les frais raisonnablement encourus par une autre partie, y compris les frais de représentation légale, en tenant compte du résultat de l'affaire et des circonstances pertinentes ».

50 Au regard de ces divers règlements d'arbitrage, il en ressort que les arbitres sont

investis d'un pouvoir de régulation quant à la répartition des frais de la procédure d'arbitrage. Ainsi, ils peuvent mettre un terme aux diverses actions dilatoires ou abusives diligentées par certains plaideurs, en ayant la possibilité de les condamner à en supporter le coût de manière exclusive. La majorité des règlements d'arbitrage confèrent aux arbitres un pouvoir discrétionnaire, leur permettant de contrôler le bon déroulement de la procédure. L'objectif étant de lutter contre certaines pratiques déloyales usitées par certains plaideurs mal intentionnés.

51 Par ailleurs, le pouvoir des arbitres s'est vu renforcer par le règlement de la chambre

internationale de commerce, via l'alinéa 5 de l'article 37 : « Lorsqu'il se prononce sur les frais, le tribunal arbitral peut tenir compte des circonstances qu'il estime pertinentes, y compris dans quelle mesure chacune des parties a conduit l'arbitrage avec célérité et efficacité en termes de coûts ». Aujourd'hui, les arbitres sont de plus en plus soucieux à observer le comportement des parties au cours de la procédure. Par ailleurs, dans le cas où aucune des deux parties ne remporte véritablement le procès arbitral, les règlements d'arbitrages invitent les arbitres à ordonner une répartition équitable des frais de procédures entre celles-ci42.

41 Alinéa 2 de l'article 43 du règlement d'arbitrage CNUDCI / alinéa 2 article 31 du règlement d'arbitrage Association Americaine de l'arbitrage.

42 SCHWARTS Eric « Le règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale: les coûts de l'arbitrage de la CCI », Bull, CCI, N°1, 1993.

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52 Si les tribunaux arbitraux essayent de renforcer l'équilibre procédural entre les par-

ties, en luttant contre les problèmes liés à l'impécuniosité, il n'en demeure pas moins que l'efficacité de leur action ne soit pas entièrement satisfaisante. En effet, il est courant que certains plaideurs se retrouvent dans une situation financière difficile. Dès lors, il convient de relever que les méandres de la procédure d'arbitrage peuvent entrainer des situations d'impécuniosité.

Paragraphe 2 Un obstacle financier encadré par l'immixtion progressive de la CEDH dans l'arbitrage

53 Affirmer qu'il existe un principe d'égalité entre les parties dans une procédure

d'arbitrage serait un doux euphémisme. Le coût de la procédure représente un obstacle financier conséquent, pour les plaideurs qualifiés de « partie faible ». En pratique, les litigants impécunieux sont souvent privés de leur droit d'accès à la justice arbitrale. De ce fait, la doctrine, ainsi que les juridictions étatiques, se sont saisies de cette difficulté, en s'interrogeant sur l'opportunité d'appliquer la convention EDH à l'arbitrage, afin d'offrir de nouvelles garanties procédurales aux plaideurs en difficulté. Il est à noter que, dans un premier temps, la jurisprudence n'a pas souhaité faire droit à cette alternative (A). Néanmoins, celle-ci décida, dans un second temps, d'infléchir sa position en vue de répondre aux problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage. Pour ce faire, les juridictions étatiques ont convenu de re-connaitre une forme d'application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la convention EDH sur l'arbitrage (B).

A) L'inapplicabilité formelle de la Convention EDH à l'arbitrage

54 L'application de la Convention EDH à la procédure d'arbitrage est une question for-

tement controversée au sein de la doctrine. Si certains auteurs militent en faveur de l'extension du champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 de ladite convention, afin de renforcer l'équilibre des parties dans l'arbitrage, c'est un postulat qui ne fait pas l'unanimité

23

(1). En ce qui concerne la position de la jurisprudence, les juridictions étatiques en ont conclu à une inapplicabilité formelle de la convention à l'arbitrage (2).

1) Une question fortement débattue en doctrine

55 En matière d'arbitrage, deux courants doctrinaux s'opposent quant à l'applicabilité

de l'arbitre 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. En effet, certains auteurs comme le professeur Serge GUINCHARD considèrent que lorsque les parties décident de recourir à l'arbitrage, elles renoncent à l'application de l'article 6 paragraphe 1 de ladite convention, et plus généralement au droit à un procès équitable43. Ce dernier démontre que le recours à la Convention européenne des droits de l'homme dans l'arbitrage n'est pas de droit.

56 Ainsi, les parties s'en affranchissent dès lors qu'elles signent une clause compromis-

soire permettant d'écarter la compétence des juridictions étatiques. L'essence même de la justice arbitrale ne permet pas de respecter les exigences posées par la Convention EDH. A ce titre, imposer le principe de la publicité des débats dans une procédure d'arbitrage serait dénué de sens, dans la mesure où l'arbitrage est une justice privée et donc par nature secrète. Par conséquent, le principe du droit d'accès au juge tel que garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ne saurait trouver d'écho dans le cadre de l'arbitrage.

57 De la même manière, les parties n'ayant plus les capacités financières suffisantes

pour payer les frais de provision dans le cadre d'un arbitrage, ne pourraient invoquer une quelconque atteinte à leur droit d'accès à la justice.

58 Néanmoins, d'autres auteurs comme Jean-François RENUCCI, estiment que

« l'accord sur l'arbitrage serait atteint si l'arbitre n'exerce pas sa mission conformément aux garanties du procès équitable »44. Cette thèse repose sur le fait qu'un arbitre est investi d'un pouvoir juridictionnel, au même titre que le juge étatique. De fait, si l'arbitrage est avant

43 GUINCHAR Serge « Droit processuel/ Droits fondamentaux du procès », Dalloz. 6ème Ed.,2011.

44 RENUCCI Jean François « Droit Européen des Droits de l'Homme », LGDJ. 2ème Ed. 2012.

24

tout une justice privée, il n'en demeure pas moins que les décisions émanant des instances arbitrales revêtent un caractère juridictionnel. En effet, les sentences arbitrales répondent au principe de l'autorité de la chose jugée. Il apparait donc nécessaire que la justice arbitrale se plie aux exigences du procès équitable.

59 Cette division au sein de la doctrine a fortement influencé la jurisprudence, qu'il

s'agisse aussi bien de celle relevant de Cour européenne des droits de l'homme, que de celle découlant de nos propres juridictions.

2) Une question partiellement tranchée par la jurisprudence

60 A l'origine, il était d'usage que la Convention européenne des droits de l'homme,

véritable clef de voute du procès équitable, n'était pas applicable à l'arbitrage. Un tel postulat se justifiait, dans la mesure où l'on considérait qu'un tribunal arbitral ne pouvait être assimilé à une juridiction étatique45. De ce fait, il apparaissait logique de ne pas engager la responsabilité d'un Etat partie à la Convention EDH sur la base d'une violation du droit au procès équitable.

61 En ce sens, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt Deweer contre

Belgique du 27 février 1980, démontra que le recours à la justice arbitrale devait s'entendre comme une renonciation au droit à un tribunal. Malgré l'existence de déni de justice dans l'arbitrage, pour des raisons d'impécuniosité, la haute juridiction Européenne s'opposait à ce que les plaideurs en difficulté invoquent la convention pour satisfaire leur droit au procès équitable. Le respect de la convention d'arbitrage s'imposait aux parties dès lors qu'elle était « libre, licite et sans équivoque »46.

45 C.Cass, 1ère CIV, 20 février 2001, Rev. Arb. 2001.511, note : CLAY Thomas « La Convention européenne des droits de l'homme, qui ne concerne que les Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la matière ».

46 LAGARDE Xavier « L'ombre de la CEDH plane sur les procédures d'arbitrage », Décideurs magazine, article du 13/02/2012.

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62 En outre, la jurisprudence poursuivit en adoptant une position restrictive quant à

l'applicabilité de la Convention EDH à l'arbitrage à l'occasion d'un arrêt Cubic du 20 février 200147. Bien qu'il ne s'agissait d'une affaire ayant trait à un quelconque problème d'impécuniosité, la société Cubic invoquait la violation de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH sur la base du non respect au principe de l'impartialité de l'arbitre et du délai raisonnable de la procédure.

63 Pour autant, la Cour de cassation rejeta leur argumentation aux motifs que : « Et

attendu, sur le troisième moyen, fondé sur l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que la Convention précitée, qui ne concerne que les Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la matière... que la cour d'appel a, sur ce point encore, légalement justifié sa décision ; ». Ainsi, la Cour de cassation s'appuya sur les développements initialement avancés par la Cour européenne des droits de l'homme lors de l'affaire Deweer contre Belgique.

64 Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris eut l'occasion de véritablement se prononcer

sur la question de l'impécuniosité et du droit d'accès à la justice arbitrale dans un arrêt Maître Stebler c/ Sté La Croissanterie, du 14 avril 2005. Dans cette affaire, les juges du fond se devaient de répondre à la question suivante : « Comment permettre un accès à la justice à la partie liée par une clause d'arbitrage et dans l'incapacité financière de payer la provision des frais d'arbitrage ? »48. En l'espèce, il s'agissait d'une société qui avait été placée en liquidation judiciaire au cours d'une procédure d'arbitrage. Ladite procédure était régie par le règlement d'arbitrage de la Fédération de la Franchise. Ce règlement prévoyait l'existence d'une procédure d'arbitrage avec un double degré de juridiction. A l'issue de la première instance, la société devenue impécunieuse perdit le procès.

65 Le liquidateur en charge de sa représentation, formula une requête aux fins

d'interjeter appel de la sentence rendue par les arbitres. Cependant, le tribunal arbitral rejeta la demande au motif que la partie appelante n'avait pas payé la provision des frais correspondant au montant de l'appel. Dès lors, la sentence arbitrale rendue en première instance

47 C.Cass, 1ère Civ Cubic Defense systems du 21 février 2001 : pourvoi n° 99 12.574, B.I N° 39.

48 LOQUIN Eric « La partie impécunieuse et les conséquences de l'impossibilité pour elle de payer les frais d'arbitrage » RTD Com. 2006 p. 308.

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devint définitive, évacuant ainsi toute possibilité de procéder à un nouvel examen de l'affaire. Insatisfait de cette situation, le représentant de la société en liquidation, saisit la Cour d'appel de Paris dans le but de faire annuler la décision rendue.

66 De facto, ce dernier s'appuya sur les dispositions du règlement d'arbitrage de la Fé-

dération de la Franchise, en démontrant que le tribunal arbitral avait l'obligation de prendre en compte la situation d'impécuniosité de la société. En ce sens, il cita l'article 20 dudit règlement qui énonce que : « le demandeur est garant de tous les frais d'arbitrage quels qu'ils soient et qu'il est tenu de les verser par provision à la Chambre arbitrale dès que celle-ci l'exige. A défaut du versement de la provision dans le délai fixé par la chambre d'arbitrage, la demande d'arbitrage est considérée comme retirée. Si les circonstances de l'espèce le rendent nécessaires, la Chambre arbitrale peut fixer exceptionnellement les frais d'arbitrage à un montant supérieur ou inférieur à celui qui résulte de l'application du barème ». En somme, le tribunal arbitral aurait dû prendre en compte les circonstances de l'espèce, afin de permettre à la société impécunieuse d'interjeter appel de la sentence rendue.

67 Pour autant, la Cour d'appel de Paris refusa d'annuler la sentence aux motifs que : «

les griefs formés par le recourant à l'encontre de l'institution d'arbitrage relèvent de leurs relations mutuelles et sont étrangers à la qualification de la décision du tribunal arbitral, que, par suite, la clause du règlement d'arbitrage stipulant qu'à défaut de versement de la provision, la demande est considérée comme retirée, la Chambre arbitrale a pu considérer que « le projet de sentence peut être considéré aujourd'hui comme définitif », faute d'accomplissement des formalités afférentes à la demande d'arbitrage au second degré ». Les juges du fond se sont donc livrés à une lecture restrictive du règlement d'arbitrage, laissant le plaideur impécunieux essuyer les conséquences d'un certain déni de justice.

68 De tels risques représentent un véritable danger au regard de l'ordre public procé-

dural. C'est la raison pour laquelle, la jurisprudence décida d'assouplir sa position, afin de renforcer l'équilibre des parties dans une procédure d'arbitrage.

27

B) L'application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH à l'arbitrage

69 La question du droit d'accès à la justice en matière d'arbitrage fut de plus en plus

débattue dans les prétoires européens. Constatant l'existence de certaines dérives procédu-rales dans la justice arbitrale, la Cour européenne des droits de l'homme décida de renforcer l'équilibre des parties au nom du procès équitable (1). Ne pouvant faire formellement application de l'article 6 de la Convention EDH, les juges de Strasbourg et les juridictions étatiques, optèrent pour une application substantielle dudit article dans les procédures d'arbitrage. Un véritable revirement de jurisprudence annonçant ainsi les prémices du droit à l'arbitre (2).

1) Le renforcement de l'équilibre des parties dans l'arbitrage

70 La Cour EDH a concrétisé sa volonté d'inverser sa position jurisprudentielle au tra-

vers d'un arrêt Case of Regent Company contre Ukraine du 3 avril 200849. La haute juridiction Européenne mit en exergue la fonction juridictionnelle du tribunal arbitral. Celle-ci démontra qu'un tribunal arbitral devait être assimilé à un tribunal au sens de la justice publique. En ce sens, la cour précise qu'un tribunal arbitral doit être considéré comme étant un tribunal « établi par la loi » au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Par conséquent, les sentences arbitrales doivent répondre aux mêmes exigences que les décisions des juridictions étatiques.

71 De par cette décision, la Cour EDH nous indique que le droit d'agir en justice tel que

reconnu par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH, tient à s'appliquer dans les procédures d'arbitrage. C'est un signe fort envoyé à la justice arbitrale. Si le recours à la justice

49 CEDH, 3 avril 2008, aff. Regent Company V. Ukraine, req. 773/03, Rev. arb. 2009 p. 797 note Racine.

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arbitrale ne pose pas de difficulté, la Cour EDH entend garantir aux plaideurs une sécurité procédurale reposant sur les principes du droit au procès équitable. Les tribunaux arbitraux sont tenus d'offrir aux parties les mêmes garanties que celles prévues par la justice classique. Force est de constater que la référence au procès équitable devient quasi inévitable.

72 Bien que les circonstances de l'espèce n'étaient pas directement rattachées au pro-

blème de l'impécuniosité dans l'arbitrage, la Cour EDH jugea opportun de renforcer les droits des parties dans une procédure arbitrale. A ce titre, il est à noter que la Cour de cassation avait déjà opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt de la première chambre civile du 1er février 2005. Ainsi, la haute juridiction avait estimé que le principe du droit d'accès au juge s'appliquait aux procédures arbitrales, dans la mesure où celui est : « un droit qui relève de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ». La motivation juridique délivrée par la Cour de cassation est très intéressante, en se sens qu'elle nous laisse en proie à l'interrogation suivante : « les principes de l'arbitrage cohabitent-ils avec l'article 6.1 de la CEDH pour consacrer en substance des règles de même teneur ?50

73 En somme, si la jurisprudence Française s'est toujours refusée de faire application

des dispositions de la CEDH dans l'arbitrage, il n'en demeure pas moins qu'elle a choisi une solution alternative afin de rétablir l'équilibre des parties dans la justice privée. En ce sens, les juges ont opté pour une application substantielle des garanties de la Convention EDH. Ce mécanisme juridique a notamment permis de consacrer le droit d'accès à l'arbitre. Un droit qui sera davantage renforcé par la justice publique suite à l'inflation des problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage.

2) Les prémices du droit d'accès à l'arbitre

74 Le raisonnement juridique mené par les juges étatiques est assez subtile. Ne pou-

vant inscrire les dispositions de la Convention EDH directement dans le visa de la décision, les magistrats se réfèrent aux grands principes procéduraux. De fait, lesdits principes sont directement liés aux garanties énoncées par la Convention EDH. Ainsi, nous pouvons prendre

50 LAGARDE Xavier « L'ombre de la CEDH plane sur les procédures d'arbitrage », Décideurs magazine, article du 13/02/2012.

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pour exemple le principe de l'impartialité et le principe de l'indépendance, qui se retrouvent aussi bien dans la justice publique que dans la justice arbitrale.

75 De facto, les juridictions étatiques mettent en exergue ces principes dans le but de

légitimer l'immixtion de la Convention européenne des droits de l'homme. En ce sens, la jurisprudence Française a reconnu le droit d'accès à l'arbitre au sens de la Convention EDH dans un arrêt Etat d'Israël contre société National iranian oil company (NIOC). La Cour de Cassation déclara que : « Mais attendu que l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge, fût-il arbitral, chargé de statuer sur sa prétention, à l'exclusion de toute juridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6. 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, constitue un déni de justice... »51. L'existence d'un déni de justice contraint ainsi la justice publique à faire application des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Progressivement, les magistrats abandonnent la position initialement adoptée dans l'affaire CUBIC, quant à l'application de la Conv EDH à l'arbitrage.

76 Avec la multiplication des situations de déni de justice dans l'arbitrage, la justice

française s'est appuyée sur le droit d'accès à l'arbitre en vertu de l'article 6 paragraphe 1. A ce titre, les magistrats consulaires du tribunal de commerce de Paris ont rendu un jugement non publié, qui est passé totalement inaperçu aux yeux des observateurs52.

77 En l'espèce, il s'agissait d'un contrat de franchise qui avait été conclu entre une so-

ciété française et une société danoise. Le tribunal de commerce saisi en tant que juge d'appui, décida de mettre en échec la convention d'arbitrage. Afin de justifier le jugement, les magistrats estimèrent qu'il y a avait eu une disproportion entre les frais découlant de la procédure d'arbitrage et les capacités financières de la société : « Il n'est pas non plus contesté que la saisine du tribunal arbitral danois se heurte à l'obligation qui est faite au requérant de consigner des frais divers {provision, frais de dossier, d'enregistrement} afin que l'affaire soit enrôlée».

51C.Cass, 1ère CIV, du 01/02/2005, N° de pourvoi: 01-13742 02-15237.

52 DE FONTMICHEL Maximin « l'accès à l'arbitrage de la partie impécunieuse », les petites affiches, 403e année - 27 janvier 2014 - No 19.

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78 De ce fait, le tribunal considère que «l'impossibilité matérielle pour Mil- Tek France

de se pourvoir devant une juridiction en raison d'une clause contractuelle, constitue une restriction de l'accès au juge qui doit conduire le tribunal à déclarer cette obligation nulle et de nul effet»53.

79 Par conséquent, le tribunal conclut à l'existence d'un déni de justice violant ainsi le

droit d'accès à la justice. L'argumentation avancée revêt un caractère totalement inédit, dans la mesure où, l'impécuniosité de l'un des plaideurs a permis de remettre en cause la convention d'arbitrage. Cependant, le raisonnement juridique ne fut pas entériné par la Cour d'appel. En effet, celle-ci refusa de statuer, dans la mesure où le recours formé n'était pas techniquement recevable. Nous pouvons ainsi en déduire que la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage ne bénéficie pas d'une jurisprudence établie54. En somme, au regard de cette nouvelle tendance jurisprudentielle, le débat sur l'impécuniosité des parties dans l'arbitrage est relancé.

80 Le risque du déni de justice dans l'arbitrage est donc extrêmement élevé. De ce fait,

la justice publique voulut consacrer définitivement le droit d'accès à l'arbitre. Le problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage permit aux magistrats Français de renforcer les garanties procédurales énoncées dans l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Pour autant, les juridictions étatiques n'ont pas souhaité dénaturer l'essence de la procédure arbitrale en faisant primer les principes du procès équitable. L'application substantielle des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH constitua une nouvelle foi la clef de voute du raisonnement juridique. Cependant, il apparait désormais inévitable que l'arbitrage soit rattaché indirectement à ladite convention. Le droit d'accès à l'arbitre est une réalité. C'est un nouveau moyen de protéger les plaideurs impécunieux.

53 Tribunal de commerce de Paris, jugement du 17 mai 2001, RG n° 2011003447.

54 GAILLARD Emmanuel, « Rapport de synthèse sous la direction de CLAY Thomas et BEN HAMIDA Walid «l'argent dans l'arbitrage », lextenso éditions, 2013.

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Section 2 Impécuniosité : La consécration d'un droit d'accès à l'arbitre

81 Comme nous avons pu le constater dans les développements précédents, le recours

aux dispositions de la CEDH dans l'arbitrage est devenu quasiment inéluctable. Il ne serait donc pas incongru de penser que ces textes soient devenus d'application directe dans les procédures d'arbitrage, dans la mesure où les sentences arbitrales sont susceptibles d'être déférées à des juridictions nationales relevant d'Etats juridiquement liés à la Convention EDH55.

82 Bien que le droit d'accès à l'arbitre semble être acquis depuis la jurisprudence « CU-

BIC », il n'en demeure pas moins que les magistrats français ne se sont pas véritablement prononcés sur la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage. Ainsi, à l'occasion des affaires « Pirelli » et « Lola Fleurs », la jurisprudence eut la possibilité de palier à cette absence de réponse. De facto, la juridiction suprême prit le pas de rendre effectif le droit d'accès à l'arbitre pour les plaideurs impécunieux au nom de « l'égalitarisme procédural » en affaiblissant la portée juridique de la convention d'arbitrage (paragraphe 1). Par ailleurs, celle-ci décida également de renforcer la fonction juridictionnelle des tribunaux arbitraux (paragraphe 2).

Paragraphe 1 L'affaiblissement de la portée juridique de la convention d'arbitrage

83 Le droit d'accès à l'arbitre ne repose pas formellement sur l'article 6 paragraphe 1

de la CEDH. Néanmoins, la justice publique entend le consacrer en appliquant substantiellement ses garanties. En somme, les magistrats rattachent implicitement la convention EDH

55 GUINCHARD Serge, SOREL Jean-Marc, Cécile Chainais « Droit processuel, Droits fondamentaux du procès », précis Dalloz, 7ème édition, p1421.

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aux grands principes juridiques découlant de l'ordre public procédural. Ainsi, cette solution parait judicieuse dans la mesure où l'on permet de remettre en cause certains arbitrages sans pour autant leur opposer la Convention EDH. L'ordre public procédural, bien qu'étroitement à celle-ci, permet donc d'annihiler les conventions d'arbitrage en cas de risque de déni de justice (A). Cependant, il est tout à fait possible que certaines procédures d'arbitrage conduisent à des situations de déni de justice. En effet, Il ne faut pas omettre le fait que l'arbitrage reste avant tout une justice privée qui obéit, d'une part à la volonté des parties, et d'autre part à la loi du marché. De plus, l'immixtion des droits fondamentaux dans l'arbitrage, ne doit pas conduire les plaideurs à s'en désintéresser. Par conséquent, il est nécessaire que le recours à l'ordre public procédural fasse l'objet d'un encadrement juridique précis, afin de préserver l'essence même de l'arbitrage (B).

A) Le respect catégorique de l'ordre public procédural

84 Bien que le risque du déni de justice en matière arbitral soit reconnu par la Cour de

cassation depuis maintenant quelques années56, l'impécuniosité d'un plaideur n'avait pas à justifier la remise en cause de la clause compromissoire. Pourtant, dans un récent arrêt, la Cour d'appel de Paris annihila un arbitrage en raison d'une violation du droit d'accès à la justice, et au principe d'égalité entre les parties57. Les juges du fond sont allés jusqu'à écarter la volonté des parties consacrée par la convention d'arbitrage, afin de garantir un accès total à la justice arbitrale et d'éviter tout déni de justice (1). Guidés par un certain idéal de justice, les magistrats parisiens ont souhaité rééquilibrer les droits des plaideurs dans l'arbitrage (2).

1) La prohibition du déni de justice

85 L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 novembre 2011 est venu bouleverser le

monde de l'arbitrage. Statuant sur un litige relatif à l'impécuniosité de l'une des parties dans une procédure d'arbitrage, les juges du fond décidèrent d'annuler la sentence rendue par un tribunal arbitral au visa de l'article 1502 (devenu l'article 1520) du code de procédure civile,

56 Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, n° 01-13.742 : JurisData n° 2005-026746 ; JCP E 2005, 676, note J. Béguin.

57 CA Paris, pôle 1, ch. 1, 17 nov. 2011, n° 09/24158 : JCP G 2012, doctr. 843, n° 6, obs. C. Seraglini

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pour violation du principe du contradictoire et de l'ordre public international, dans la mesure où, le tribunal arbitral n'avait pas examiné les demandes reconventionnelles du défendeur, faute d'avoir eu les moyens financiers de régler la provision et les honoraires d'arbitrage58. Bien que le tribunal arbitral ait suivi l'argumentation avancée par la Cour arbitrale de la CCI, la Cour d'appel Parisienne révoqua celle-ci. En outre, elle s'affranchit également des normes posées par le règlement d'arbitrage. De par cette solution, la juridiction du second degré entendit rendre une solution extrêmement importante, liant l'arbitrage aux principes du droit d'accès au juge et d'égalité des parties découlant de la CESDH.

86 En l'espèce, il s'agissait d'une société de droit Italien, Pirelli, qui était en conflit avec

son cocontractant, une société de droit Espagnol, Licensing Project LS, au sujet d'une licence exclusive de production et de commercialisation de produits manufacturés59. A la suite d'un défaut de paiement de « Royalties », la société Italienne désira mettre un terme au contrat. Pour ce faire, elle engagea une procédure d'arbitrage fin 2007 en collaboration avec la CCI. Néanmoins, au cours de l'année, la société Espagnole fit l'objet d'une procédure collective. Ainsi, dès 2009, ladite société fut placée en liquidation judiciaire. Préalablement saisi, le tribunal arbitral rendit une première sentence partielle dans laquelle il reconnut sa compétence. Par ailleurs, il est à noter que la sentence ne fit l'objet d'aucune contestation. Le tribunal poursuivit en indiquant que l'ouverture d'une procédure collective ne remettait pas en cause la convention d'arbitrage au sens de la loi espagnole. A ce titre, il précisa que le litige devait faire l'objet non pas d'un arbitrage interne, mais bien d'un arbitrage international.

87 Puis, par une seconde sentence, le tribunal arbitral condamna la société espagnole à

payer certaines sommes au profit de la société Italienne. Bien que cette solution n'aurait pas pu trouver écho en France60, la société espagnole, représentée par l'un de ses créanciers, fût contrainte de former de nombreux recours à l'encontre de cette décision (le tribunal de commerce de Barcelone autorisa ledit créancier à intenter des recours dans la mesure où il agissait dans l'intérêt de la masse des créanciers). En ce sens, la Cour d'appel de Paris fût

58 COHEN Daniel « Non paiement de la provision d'arbitrage, droit d'accès à la justice et égalité des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ? », The Paris Journal of International Arbitration, 2012.

59 COHEN Daniel op. et loc. cit.

60 COHEN Daniel op. et loc. cit. / C.Cass. Civ. 1ère , 8 mars 1988, D 1989.577, note J.ROBERT ; rev. Arb. 1989, 473, note, P.ANCEL ; plus récemment, 6 mai 2009, D 2009,1422, note X. DELPECH : D 2009, Pan 2959, obs, Thomas CLAY ; rtd, com.

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saisie de l'affaire. Dans un souci de bonne administration de la justice, celle-ci prit la décision d'unifier le contentieux en regroupant les différents recours formés par la société espagnole et son représentant.

88 Les juges Parisiens se retrouvèrent ainsi confrontés à un écueil juridique de taille. En

effet, ces derniers devaient se prononcer sur la portée juridique de l'article 30 du règlement CCI (article en vigueur jusqu'en 1988, avant d'être modifié par l'article 36 du nouveau règlement de 2012). Cet article donnait à la Cour d'arbitrage, la possibilité de fixer des provisions distinctes sur les demandes principales et reconventionnelles, et à écarter ces dernières en cas de non paiement des frais de provision correspondant. Si l'on revient aux circonstances de l'espèce, il est à noter que la Cour d'arbitrage avait préalablement notifié au tribunal arbitral, ainsi qu'aux parties, que le défendeur s'était abstenu de payer les frais d'arbitrage (frais procéduraux et frais d'honoraires). De fait, celle-ci indiqua au tribunal arbitral, que les demandes reconventionnelles formulées par le plaideur impécunieux se devaient d'être retirées. Par ailleurs, la Cour précisa également que le défendeur avait la possibilité de réitérer ses demandes au cours d'une autre instance, conformément aux dispositions du règlement d'arbitrage.

89 Cependant, la Cour d'appel de Paris réfuta le bien fondé de cette procédure en dé-

montrant que : « cette décision a été tenue pour acquise par le tribunal arbitral ». En ce sens, les juges du fond reprochèrent aux arbitres de ne pas avoir exercé leurs fonctions, et notamment celle de trancher un litige. De plus, elle estima que la société Espagnole, consciente de son état d'impécuniosité, se retrouva dans l'impossibilité de faire valoir sa cause. Elle qualifia la mesure prise par le tribunal arbitral « d'excessive ». Par conséquent, les magistrats parisiens démontrèrent que le tribunal arbitral avait privé le défendeur de son droit d'accès à la justice comme en témoigne l'attendu de principe : « l'atteinte au droit d'accès à la justice et au principe d'égalité entre les parties justifie l'annulation de la sentence en application des articles 1502, 4° et 5° du code de procédure civile ».

90 De par cette solution, la Cour d'appel de Paris semble rendre une décision de prin-

cipe. En effet, celle-ci repose essentiellement sur des principes fondamentaux. En annulant la sentence arbitrale pour violation du droit d'accès au juge et du principe d'égalité entre les

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parties, les juges du fond ont fait implicitement application des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. A ce titre, la juridiction du second degré précise que le droit d'accès au juge du défendeur fut bafoué dans la mesure où le tribunal arbitral l'empêcha de présenter ses demandes reconventionnelles, faute d'avoir financé les frais de provision correspondant. En somme, l'attendu de principe corrobore cette analyse : « le droit d'accès à la justice implique qu'une personne ne puisse être privée de la faculté concrète de faire trancher ses prétentions par un juge et estime que si des restrictions peuvent être apportées à l'exercice de ce droit, elles doivent être proportionnées aux nécessités d'une bonne administration de la justice ». La Cour d'appel poursuit le raisonnement en énonçant que « les juridictions arbitrales ne sont pas soustraites à l'application de ces principes ».

91 A la première lecture, les observateurs ne se sont pas insurgés contre la position dé-

fendue par la justice publique, dans la mesure où il est tout à fait légitime que la justice arbitrale se soumette à un certain nombre de principes procéduraux ayant pour finalité de renforcer la conception d'un certain idéal de justice61. De ce fait, il existe une véritable proximité juridique entre la justice arbitrale et la justice publique. Celles-ci se doivent de répondre aux exigences posées par l'ordre public procédural afin de garantir aux plaideurs, une justice de qualité. En ce sens, Bruno OPPETIT disait que l'arbitrage et la justice étatique entretenaient d'étroites relations: «dualités de légitimités, mais communauté d'éthique et de fin, diversité de moyens, mais unité fonctionnelle »62.

92 Dès lors, il est indéniable que cette proximité entre les deux types de justice ait

permis à la jurisprudence d'introduire le droit d'accès au juge, tel que prévu par la Convention EDH, dans l'arbitrage. En effet, la Convention EDH submerge l'ensemble des contentieux soumis à la justice publique depuis de nombreuses années. Les justiciables y font constamment référence. Elle est devenue en quelque sorte « la gardienne des droits fondamen-

61 COHEN David « justice publique et justice privée », Arch. Phil, Dr, T.41. Sirey, 1997, P149 et S. Spec.P.160.

62 OPPETIT Bruno « justice étatique et justice arbitrale », études offertes à P. BELLET, Litec, 1991, P. 415, à 426.

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taux ». Ainsi, bien que l'arrêt présenté n'opère aucun renvoi à ladite convention, sa présence n'en fait pas moins l'ombre d'un doute63.

93 Concernant la violation du principe d'égalité entre les parties, la Cour d'appel de Pa-

ris légitime son appréciation en évoquant la nécessité pour les arbitres de se soumettre au respect de l'ordre public procédural. Une justification quelques peu alambiquée, confirmant ainsi la présence sous-jacente de la Convention européenne des droits de l'homme. Au demeurant, la justice publique tend à intégrer le principe de l'égalité procédurale dans l'arbitrage au nom de la Convention EDH.

2) L'intégration du principe d'égalité des parties

94 En rendant cette décision, les magistrats de la Cour d'appel de Paris ont mis en

exergue l'existence d'une violation du principe d'égalité des parties dans le procès arbitral. Refusant de se prononcer sur les demandes reconventionnelles formulées par le plaideur impécunieux, le tribunal arbitral a certes privé celui de son d'accès à la justice, mais il l'a également privé de son droit à se défendre. Ainsi, la Cour d'appel profita de cette occasion pour rappeler que la justice arbitrale ne pouvait ignorer certains principes fondamentaux, tel que le principe du contradictoire : « le respect de la contradiction exige que les parties soient placées en situation d'égalité devant le juge, et estime que tel ne serait pas le cas si le défendeur, autorisé seulement à répliquer aux prétentions adverses se trouvait privé de la faculté de soumettre au tribunal des demandes reconventionnelles liées par un lien suffisant de connexité aux demandes principales et de nature à lui permettre le cas échéant, sa libération par la compensation entre créances réciproques ».

95 Le postulat avancé par la Cour d'appel n'implique pas nécessairement une véritable

révolution étant donné que le principe du contradictoire est communément invoqué pour faire annuler certaines sentences arbitrales. A l'instar de la justice étatique, l'arbitrage est tenu de garantir aux parties une véritable égalité de traitement. Ainsi, cette exigence correspond vulgairement au respect des principes du procès équitable. A ce titre, le professeur

63 JARROSSON Charles « L'arbitrage et la Convention Européenne des Droits de l'Homme », Rev, Arb, 1998.571.

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OPPETIT souligne que : « La même philosophie de procès équitable imprègne les finalités et les principes d'organisation de toute forme de justice publique ou privée, contribuant ainsi à instituer la fonction de juger sur des bases communément acceptées et respectées »64. En outre, il est à noter que la Cour de cassation, depuis l'arrêt Lautour, considère que le procès équitable fait partie « des principes de justice universelle », et qu'il s'applique ainsi à tout type de justice65.

96 Par ailleurs, si l'on étudie avec précision le contenu de l'arrêt rendu, on peut claire-

ment constater que la Cour d'appel débute son argumentation en exposant le fait que : «le respect de la contradiction exige que les parties soient placées en situation d'égalité devant le juge ».

97 En somme, le postulat avancé n'est pas inédit, dans la mesure où la justice étatique

a toujours exigé que les arbitres se doivent de « juger et assurer eux-mêmes en conscience et sous leur responsabilité les conditions du « procès équitable » conforme aux principes généraux et fondamentaux du droit et, en tant que de besoin, aux dispositions de l'article 6 de la Convention EDH »66.

98 Pourtant, si l'on étudie en profondeur la motivation de l'arrêt rendu, on peut légiti-

mement s'interroger sur la manière dont la Cour d'appel rattache le principe du contradictoire aux circonstances de l'espèce. Celle-ci nous donne l'impression que ledit principe ne serait entendu comme n'étant qu'un simple corollaire de l'égalité des armes67. En effet, ledit principe ne repose pas uniquement sur le contradictoire. Ainsi, les applications découlant du principe d'égalité des armes peine à trouver leur place dans l'arbitrage68.

64 OPPETIT Bruno « Théorie de l'arbitrage », PUF, 1998, P.117.

65 Cass. Ch. Civ. Sec. Civ, du 25 mai 1948, RCDIP 1949.89. Note Batiffol ; D1948.357.

66 CA Paris, 18 nov. 1987 : Rev. arb. 1988, p. 657, note Ph. Fouchard.

67 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie « Les principes du procès équitable dans l'arbitrage international » Journal du droit international (Clunet) n° 1, Janvier 2012, doctr. 2.

68 GUINCHARD Serge et alii, « Droit processuel. Droit commun et comparé du procès équitable », op. cit. n° 620.

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99 Généralement présenté comme étant le « le principe le plus fécond parmi les droits

naturels de procédure »69, le principe du contradictoire est parfois employé de manière très originale. En ce sens, dans un arrêt « Ducto », la Cour de cassation a considéré au visa des articles 1502 et 1504 du code de procédure civile, et au visa de l'article 6 du code civil, que l'ordre public procédural impose que les parties soient en mesure de participer à l'élaboration du tribunal arbitral de manière totalement égalitaire : « le principe de l'égalité des parties dans la désignation des arbitres est d'ordre public ; qu'on ne peut y renoncer qu'après la naissance du litige »70. Pour autant, le principe d'égalité des armes est un principe autonome. A ce titre, son autonomie est reconnue par l'article 1510 du code de procédure civile qui dispose que : « quelle que soit la procédure choisie, le Tribunal arbitral garantit l'égalité des parties et respecte le principe de la contradiction».

100 Ainsi, les juges du fond dans l'arrêt du 17 novembre 2011, se livrent à une applica-

tion particulière des principes de l'égalité des armes et du contradictoire. En effet, leur utilisation n'avait pas pour but de se joindre à l'un des cas d'annulation prévus par l'ancien article 1502 du code de procédure civile. Dès lors, la cour d'appel de Paris estime que le principe du contradictoire n'est pleinement respecté qu'à condition que les plaideurs se retrouvent sur un pied d'égalité, sans que leur situation financière ne puisse y contrevenir. C'est la raison pour laquelle, la Cour d'appel annula la sentence arbitrale au motif que : « tel ne serait pas le cas si le défendeur, autorisé seulement à répliquer aux prétentions adverses, se trouvait privé de la faculté de soumettre au tribunal des demandes reconventionnelles liées par un lien suffisant de connexité aux demandes principales et de nature à lui permettre d'obtenir, le cas échéant, sa libération par la compensation entre créances réciproques ». Par conséquent, la juridiction du second degré considère que le principe de l'égalité des armes doit s'analyser comme « une exigence de qualité des autres droits de la défense et, notamment, du principe du contradictoire »71.

69 HASCHER Dominique « Principes et pratiques de procédure dans l'arbitrage commercial international » : RCADI 2000, t. 279, p. 126.

70 Cass. 1re civ., 7 janv. 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 2 ; Rev. arb. 1992, p. 470, note P. Bellet ; JDI 1992, p. 707, concl. Flippo et note Ch. Jarrosson.

71 CADIET Loic, J. Normand et S. Amrani-Mekki, « Théorie générale du procès », 1re éd. : PUF 2010, § 175.

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101 Au demeurant, la Cour d'appel Parisienne se servit de cette rupture d'égalité des

armes entre les parties pour en déduire l'existence d'une violation du principe du contradictoire. De fait, celle-ci affina son propos en s'appuyant sur la nature « hybride » 72de la demande reconventionnelle. En effet, la demande reconventionnelle, objet de l'écueil juridique en l'espèce, est à la fois un moyen de défense et à la fois un moyen « d'attaque ». En d'autres termes, c'est une demande incidente émanant uniquement du défendeur qui se joint à l'instance. La demande reconventionnelle est admise par l'article 70 du code de procédure civile seulement s'il existe un lien suffisant qui l'unit à la prétention principale. Ainsi, la Cour d'appel en déduisit logiquement que si une demande reconventionnelle est juridiquement recevable au sein d'une procédure d'arbitrage, le tribunal arbitral est tenu de la déclarer recevable, eu égard aux conditions formelles imposées par le règlement d'arbitrage.

102 En ce sens, l'arrêt du 17 novembre 2011 est extrêmement important, car il vient re-

définir le droit à la défense. La Cour d'appel considère que le droit de se défendre implique nécessairement un droit à « contrattaquer », d'où l'existence des demandes reconventionnelles. Bien évidemment, cette conception renvoie à des considérations bien plus techniques qui tendent, en droit interne, à opérer une véritable distinction entre les défenses au fond et les demandes reconventionnelles. Concernant les circonstances de l'espèce, il s'agissait d'un contentieux de l'inexécution contractuelle. Ainsi, les diverses prétentions formulées par les deux sociétés pouvaient s'analyser comme étant d'une part des exceptions d'inexécution ou d'autre part des contre-attaques sur le terrain indemnitaire73.

103 En définitive, l'arrêt rendu par les juges du fond invite les professionnels de

l'arbitrage à prendre conscience qu'il existe un véritable droit d'accès à la justice dans l'arbitrage. De facto, les plaideurs doivent bénéficier des mêmes moyens afin de satisfaire les exigences du procès équitable. De la même manière, le principe du contradictoire doit régner en maitre sur la procédure, et ce, suivant les mêmes conditions qui existent dans la justice publique.

72 SOLUS Henry et PERROT Roger « Droit judiciaire privé, t. 1, Introduction. Notions fondamentales. Organisation judiciaire » : Sirey 1961, n° 320 et s., spéc. n° 325 et s.

73 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie « Les principes du procès équitable dans l'arbitrage international » Journal du droit international (Clunet) n° 1, Janvier 2012, doctr. 2.

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104 En somme, s'il est porté atteinte à l'ordre public procédural, l'arbitre n'a plus à se

sentir lié par le règlement d'arbitrage. C'est la raison pour laquelle, le tribunal arbitral ne désirant pas se soumettre à l'application de ce principe, vit sa sentence annulée par la Cour d'appel de Paris. La limite à l'ordre public procédural s'oppose non pas au principe de l'arbitrage, mais bien aux conditions dans lesquelles il évolue.

105 Cependant, bien que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris semble octroyer un droit

d'accès au juge aux plaideurs impécunieux sans de véritables restrictions, la Cour de cassation saisie par la société Pirelli, décida dans un arrêt du 28 mars 201374, d'encadrer son champ d'application, en conditionnant le recours à l'ordre public procédural. En effet, l'ordre public procédural, sous l'influence massive de la Convention EDH, n'a pas à dénaturer l'essence même de l'arbitrage.

B) Le respect conditionné de l'ordre public procédural

106 Les hauts magistrats restreignirent le champ d'application du droit d'accès à l'arbitre

en exigeant que la demande reconventionnelle formulée par le plaideur impécunieux doit être « indissociable » de la demande principale (1). De par cette solution, la Cour de Cassation pose les limites du droit d'accès à l'arbitre en renforçant l'effectivité de la convention d'arbitrage (2).

1) L'analyse de la notion d'indissociabilité des demandes reconventionnelles

107 De par cette solution, la Cour de cassation démontre qu'elle n'est pas totalement

indifférente aux observations formulées par une partie de la doctrine. En effet, celle-ci avait fait remarquer que le versement de provisions séparées permettait « d'éviter des demandes

74C.Cass, 1ère Civ, du 28 mars 2013, N° de pourvoi: 11-27770, FS P+B+I : JurisData n° 2013-005254, Bulletin 2013, I, n° 59 D. 2013. 929 ; Rev. arb. 2013. 746, note F.-X. Train ; JCP 2013. Act. 408, obs. J. Béguin, et 559, note J. Béguin et H. Wang ; Paris Journ. intern. arb. 2013. 479, note A. Pinna, et 585, note d'audience av. gén. P. Chevalier ; Procédures 2013. 189, note L. Weiller ; JCP 2013. Doctr. 784, § 4, obs. C. Seraglini ; Gaz. Pal. 30 juin-2 juill. 2013, p. 16, obs. D. Bensaude.

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reconventionnelles extravagantes dans le seul but d'obtenir l'abandon du demandeur »75. Ainsi, certains plaideurs usaient de manoeuvres dilatoires en augmentant considérablement ses demandes de manière à ce que le coût de l'arbitrage atteigne des sommets. Pour autant, il n'est pas opportun de priver un plaideur impécunieux de son droit d'accès à la justice en l'empêchant de formuler des demandes reconventionnelles. De ce fait, la Cour de cassation, largement inspirée des conclusions présentées par l'avocat général Pierre CHEVALIER76, ne remit pas en cause le principe du droit d'accès à l'arbitre pour le plaideur impécunieux, mais y apporta quelques restrictions.

108 Pour ce faire, la Cour de cassation se pencha sur la nature juridique des demandes

reconventionnelles formulées par la société Espagnole. En effet, décida de casser l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris en jugeant que : « Qu'en statuant ainsi, alors que, si le refus par le tribunal arbitral d'examiner les demandes reconventionnelles peut être de nature à porter atteinte au droit d'accès à la justice et au principe d'égalité entre les parties, c'est à la condition que celles-ci soient indissociables des demandes principales, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si tel était le cas en l'espèce, n'a pas donné de base légale à sa décision ». Ainsi, la juridiction suprême reproche aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment cherché si les demandes reconventionnelles étaient « indissociables » des demandes principales.

109 A la lecture de cet attendu de principe, nous pouvons remarquer que la Cour de cas-

sation invite la Cour d'appel à réévaluer l'indissociabilité des demandes, sans pour autant remettre en cause le principe du droit d'accès à l'arbitre.

110 Cette observation implique donc deux possibilités : soit la demande reconvention-

nelle est dissociable de la demande principale, et elle n'a pas à être examinée par le juge car le défendeur garde la possibilité de se défendre via ladite demande principale, soit la demande reconventionnelle est indissociable de la demande principale et il est impératif que

75 PINNA Andréa « La confirmation de la jurisprudence Pirelli par la Cour de cassation et les difficultés pratiques de garantir au plaideur impécunieux l'accès à la justice arbitrale », Rev, arb, 2012/ C.F CLAY Thomas, COHEN, David, note préc. Spéc. P164-165.

76 DELPECH Xavier « Demande conventionnelle en matière d'arbitrage », dalloz actualité du 08 avril 2013.

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les demandes soient analysées ensemble afin que les exigences posées par le droit au procès équitable soient satisfaites.

111 Tout le coeur du raisonnement juridique avancé par la Cour de cassation repose

donc sur cette notion d'indissociabilité des demandes reconventionnelles. Pour autant, l'argumentation développée par la Cour de cassation nous laisse nécessairement en proie à quelques interrogations quant à la signification exacte de la notion d'indissociabilité. Celle-ci revêt un caractère totalement inédit77 et parait se distinguer de la notion de « lien suffisant » communément appliquée dans le cadre de la procédure civile française78.

112 S'il existe indéniablement des similitudes entre ces deux notions, il est à noter que la

haute juridiction, en créant cette notion d'indissociabilité, éprouva le besoin de s'affranchir des acquis de la procédure civile. Cette création juridique n'est pas le fruit du hasard, quand bien même elle suscite de nombreuses interrogations quant à sa portée. En effet, le lien « suffisant » reconnu par le code de procédure civile ne correspond à la notion d'indissociabilité mise en oeuvre par la Cour de cassation. Par ailleurs, celle-ci ne semble pas non plus correspondre à la notion d'indivisibilité des demandes, telle que reconnue en procédure civile.

113 Néanmoins, comme le souligne Andréa PINNA, « il n'est pas à exclure que la condi-

tion posée par la Cour de cassation puisse avoir un lien avec la catégorie des prétentions qui ont pour objet de « faire écarter les prétentions adverses » de l'article 564 du code de procédure civile »79.

114 Par conséquent, la Cour de cassation entend consacrer un droit d'accès à l'arbitre

pour l'ensemble des parties à une procédure d'arbitrage, et ce, quelque soit leur situation financière. Pour autant, elle n'érige pas ce droit d'accès à la justice arbitrale en droit absolu. Ce dernier fait l'objet restrictions comme nous avons pu le constater via l'exemple des de-

77 WEILLER Laura « Retour sur l'effectivité du droit au juge arbitral » Rev. Procédures n° 6, Juin 2013, comm. 189.

78 Article 70 du code de procédure civile

79 PINNA Andréa « La confirmation de la jurisprudence Pirelli par la Cour de cassation et les difficultés pratiques de garantir au plaideur impécunieux l'accès à la justice arbitrale », Rev, arb, 2012, P463.

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mandes reconventionnelles. Cette analyse nous apporte ainsi la preuve que la Cour de cassation est sensible à la cause de l'arbitrage et souhaite respecter la volonté des parties. C'est la raison pour laquelle, le maintien de la convention d'arbitrage est devenu le cheval de bataille des magistrats de la Cour de cassation.

2) Le maintien de la convention d'arbitrage

115 Le maintien de la convention d'arbitrage s'avère être indispensable dans la mesure

où le problème de l'impécuniosité dans la justice arbitrale, peut émaner du demandeur lui-même. Cette hypothèse a pu se vérifier à l'occasion d'une affaire Lola Fleurs80. En l'espèce il s'agissait d'un fonds de commerce franchisé qui avait fait l'objet d'une cession de la part du gérant au profit d'un tiers. Cependant, le franchiseur, alors créancier du franchisé, s'opposa à la cession en contestant le prix de celle-ci. Cette opposition conduisit naturellement le cédant du fonds de commerce à saisir le tribunal de commerce de Paris. Ainsi, il contesta la licéité de la créance du franchiseur en démontrant qu'elle était issue de pratiques commerciales lésionnaires.

116 Contestant le recours formé devant la justice étatique, le franchiseur s'appuya sur la

clause compromissoire présente dans le contrat de franchise, afin de soulever l'incompétence du tribunal de commerce. Le franchisé répondit à cette manoeuvre procédu-rale en formant un contredit de manière à contester le bien fondé de la convention d'arbitrage. A ce titre, il expliqua d'une part qu'il n'avait consenti à la convention d'arbitrage, dans la mesure où c'est la société mère qui l'avait signée, et d'autre part, que sa situation financière ne lui permettait pas de faire face au coût que représentait une procédure arbitrale.

117 Dès lors, le plaideur impécunieux se servit de la même argumentation qui avait été

avancée par la société Espagnole Licensing Project dans le cadre de l'affaire Pirelli, à savoir l'existence d'une violation de son droit d'accès à la justice en vertu de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Cette stratégie juridique avait le mérite d'être opportune, dans la mesure où la Cour d'appel Parisienne l'avait faite prospérer.

80 2. CA Paris, Pôle 1 - Chambre 1, 26 février 2013, SARL Lola Fleurs c/ Société Monceau Fleurs et autres, RG n°12/12953, ASA Bull. 4/2013, p. 900

44

118 Pourtant, la Cour d'appel Parisienne, dans un arrêt du 26 février 2013 en décida au-

trement, faisant ainsi le choix de préserver l'efficacité de la convention d'arbitrage. Bien que la Cour de cassation dans son arrêt du 28 mars 2013 considère qu'une convention d'arbitrage peut être mise en échec en raison de l'existence d'une violation à l'ordre public procédural, la juridiction du second degré estima que l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ne saurait en faire de même, en cas d'une violation du droit au d'accès au juge. Selon elle, le risque de déni de justice dans l'arbitrage ne suffit pas à remettre en cause la convention, ainsi que l'effet négatif du principe compétence-compétence.

119 En ce sens, la Cour d'appel explique qu'il appartient aux arbitres et non au juge de

garantir l'accès à la justice pour les plaideurs dont la situation financière semble être fragile : « le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire ne saurait [...] se déduire de l'incapacité alléguée de Lola Fleurs à faire face au coût d'une telle procédure en raison de sa situation financière et au déni de justice qui en résulterait alors qu'il appartient en tout état de cause au tribunal arbitral de permettre l'accès au juge, un éventuel manquement de sa part sur ce point étant susceptible d'être sanctionné ultérieurement ». En outre, la référence implicite faite à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ne fait pas, là aussi, l'ombre d'un doute. Les juges du fond procèdent une nouvelle fois à une application substantielle de ladite convention81.

120 Dès lors, le droit à la justice pour les plaideurs impécunieux pose question quant à

son application pratique. Il est difficile de garantir un droit d'accès à la justice arbitrale sachant que la partie qui s'en prévaut n'a pas les moyens de la financer. De facto, cette situation contraint les centres d'arbitrage à commettre des dénis de justice, violant ainsi les grands principes de l'ordre public procédural82.

81 DE FONTMICHEL Maximin « L'accès à l'arbitrage de la partie impécunieuse », les petites affiches Chronique arbitrage, 403ème année, édition du 27 janvier 2014, n°19.

82 La lettre de la chambre arbitrale internationale de Paris, entretien avec Andréa PINNA, édito de novembre 2013 : « Dans quelle mesure les concepts de procès équitable, d'égalité des parties, d'accès au juge, voire de « droit à l'arbitre » trouvent-ils aujourd'hui leur place dans arbitrage ? Peut-on parler dans ce domaine d'un véritable « ordre public procédural » ?

45

121 En somme, La jurisprudence reste silencieuse sur la manière de traiter le problème

de l'impécuniosité dans l'arbitrage. Celle-ci renvoie les centres d'arbitrage à leurs responsabilités, tout en les invitant à faire primer leur fonction juridictionnelle sur leur nature contractuelle.

Paragraphe 2 Le renforcement de la fonction juridictionnelle du tribunal arbitral

122 Au travers des différentes affaires Pirelli et Lola Fleurs, nous pouvons remarquer que

la justice publique considère que l'impécuniosité de l'un des plaideurs en matière d'arbitrage n'est pas une cause suffisante pour remettre en cause la convention d'arbitrage. Toutefois, la Cour de cassation veille à ce que les arbitres garantissent l'accès à la justice pour l'ensemble des litigants. Ainsi, la juridiction suprême enjoint ces derniers de veiller au respect des droits du procès équitable dans la procédure arbitrale (A). Cette nouvelle mission impliquant nécessairement un renforcement de la fonction juridictionnelle des arbitres (B).

A) L'arbitre : Un nouveau garant du procès équitable

123 L'arbitre est avant tout un juge. A ce titre, il doit rendre des décisions conformes à

l'ordre public procédural. Pour autant, au regard des différentes affaires que nous avons été amené à étudier, il apparait clairement que les instances arbitrales n'ont pas véritablement cherché à ce que les sentences délivrées par leur soin, soient en parfaite adéquation avec les principes de l'ordre public procédural. C'est la raison pour laquelle, le juge étatique fut amené à exercer un contrôle a posteriori desdites sentences, sur les conséquences de l'impécuniosité des plaideurs au regard de l'ordre public procédural (1). Ce nouvel examen permit ainsi au juge de l'annulation d'investir les instances arbitrales d'une véritable mission de contrôle in concreto des circonstances de l'espèce, afin que les conséquences découlant d'un manque de ressources financières, ne nuisent pas aux principes du droit au procès équitable (2).

46

1) Le contrôle a posteriori des conséquences de l'impécuniosité

124 Au regard des différents arrêts rendu récemment, il apparait clairement que le

risque de déni de justice découlant de l'impécuniosité de l'un des plaideurs en matière arbitrage, ne constitue pas une raison suffisante pour annihiler l'efficacité la convention d'arbitrage. De la même manière, les juridictions étatiques tiennent à renforcer le principe de l'effet négatif du principe compétence-compétence consacré par les articles 1448 et 1465 du code de procédure civile.

125 Ainsi, l'intervention du juge étatique doit se limiter à un contrôle a posteriori de la

sentence arbitrale. Celui-ci est tenu de vérifier si la sentence rendue par l'arbitre est conforme aux exigences posées par l'ordre public procédural. Exigences que l'on retrouve par ailleurs au sein de la Convention EDH.

126 En instaurant un tel système de contrôle, la justice publique entend davantage res-

ponsabiliser les arbitres, en les investissant d'une nouvelle mission : faire respecter les garanties fondamentales du procès. L'arbitre est donc le premier garant du procès équitable dans la justice arbitrale. Bien que la jurisprudence reste silencieuse sur la manière dont les tribunaux arbitraux doivent opérer pour garantir un accès à la justice aux plaideurs impécunieux, celle-ci adresse un message d'une grande clarté au monde de l'arbitrage : « Débrouillez-vous pour garantir aux parties impécunieuses un accès effectif à l'arbitrage et... rendez vous devant le juge de l'annulation »83.

127 En outre, cette solution adoptée par la justice publique suscite quelques interroga-

tions quant au devoir incombant aux arbitres de garantir le droit d'accès à la justice arbitrale pour l'ensemble des plaideurs, quelque soit leur situation financière. En somme, si le risque de déni de justice ne suffit pas à remettre en cause la convention d'arbitrage, les arbitres sont tenus d'en altérer quelque peu le fondement, sous peine de voir leur sentence annulée

83 TRAIN François Xavier « Le contrôle a posteriori et in concreto des conséquences de l'impécuniosité d'une partie à l'arbitrage », note sous Cass. civ. 1re, 28 mars 2013 et Paris, Pôle 1 - Ch. 1, 26 février 2013, Rev. arb., 2013.746.

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par le juge étatique. En effet, certaines stratégies procédurales consistant à faire considérablement augmenter le coût de l'arbitrage, sont en parfaite adéquation avec le règlement d'arbitrage. De sorte que les arbitres sont inéluctablement amenés à commettre des dénis de justice quand l'une des parties ne parvient plus à financer les frais de la procédure. De la même manière, l'impossibilité matérielle pour la partie adverse de se substituer à la partie impécunieuse pour le financement des frais de provision, entraine également des situations de déni de justice. L'arbitre se retrouve donc en proie à une difficulté de taille, à savoir de trouver un consensus entre le droit d'accès à la justice, et le respect de la force obligatoire du contrat.

128 Dès lors, en respectant scrupuleusement le contenu de la convention d'arbitrage, les

arbitres ne pourront pas veiller au respect de certaines garanties fondamentales. C'est la raison pour laquelle ces derniers ont le devoir de l'écarter dans certaines situations dites exceptionnelles. A défaut, Le juge étatique sera amené à intervenir par l'intermédiaire d'un contrôle a posteriori de la sentence délivrée. Celui-ci agira en dernier ressort, dans le but d'une part, de garantir l'accès à la justice pour les plaideurs en difficulté, et d'autre part, de rétablir l'équilibre procédural.

129 Pourtant, ce mécanisme n'est pas réellement satisfaisant dans la mesure où le sort

de la procédure arbitrale est abandonné aux mains de la justice publique. Le recours au contrôle a posteriori du juge étatique serait quasiment inéluctable dès lors que les arbitres seront amenés à se prononcer sur le sort d'une partie impécunieuse.

130 Par conséquent, le juge étatique, désireux de renforcer l'équilibre entre les parties,

se doit de se livrer à une analyse in concreto des faits du litige qui lui est soumis.

2) Le contrôle in concreto des conséquences de l'impécuniosité

131 Le respect du procès équitable est avant tout une tâche qui incombe à l'arbitre. Ce-

lui-ci est donc dans l'obligation de veiller à ce que l'ensemble des parties aient un droit d'accès effectif à la justice arbitrale. Il doit se livrer à une analyse in concreto de l'affaire qui

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lui est présentée. A ce titre, nous pouvons une nouvelle fois nous appuyer sur la jurispru-

dence Pirelli.

132 En effet, l'arrêt rendu par la Cour de cassation illustre parfaitement le fait que

l'annulation de la sentence arbitrale repose la question de l'indissociabilité des demandes reconventionnelles. Dés lors, en faisant le reproche au tribunal arbitral de ne pas avoir suffisamment étudié la nature de celles-ci, la Cour de cassation rappelle aux arbitres qu'ils ont le devoir d'analyser de manière approfondie les circonstances de la cause présentée. Ce travail effectué en amont par les instances arbitrales a l'avantage de revaloriser la portée juridique des sentences arbitrales. L'exercice d'un tel contrôle tend à concilier les mécanismes procé-duraux propres à l'arbitrage, avec les exigences posées par l'ordre public procédural.

133 Par conséquent, la sentence arbitrale ne saurait être annulée que dans les cas où le

tribunal arbitral aurait refusé de se livrer à l'exercice d'un tel contrôle. Il reviendrait donc au juge de l'annulation, par l'intermédiaire d'un contrôle a posteriori, de sanctionner la sentence. Cette solution semble être opportune à plusieurs égards, car elle donne la possibilité aux tribunaux arbitraux de renforcer l'effectivité de leurs décisions en se conformant aux exigences posées par le principe du procès équitable.

134 De la même façon, dans la jurisprudence Lola Fleurs, la Cour d'appel Parisienne invi-

ta les arbitres à procéder à une analyse in concreto de l'affaire de manière à mettre tous les moyens en oeuvre pour garantir au demandeur impécunieux, un accès effectif à la justice arbitrale. Le refus de remettre en cause la convention d'arbitrage confirme la volonté des juridictions étatiques, de donner aux arbitres la mission de contrôler, de manière approfondie, le déroulement de l'instance arbitrale, afin que celle-ci soit en parfaite conformité avec les grands principes de l'ordre public international.

135 Néanmoins, malgré le fait que les tribunaux arbitraux ont l'obligation de procéder à

une analyse in concreto des faits de l'espèce litigieuse, il n'en demeure pas moins que la question du devoir de l'arbitre, quant au problème de l'impécuniosité et du respect au droit d'accès à la justice, reste irrésolue. Cette réflexion nous amène donc naturellement à nous interroger sur les devoirs de l'arbitre.

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B) Le renforcement des pouvoirs juridictionnels de l'arbitre

136 Insatisfaite des traitements réservés aux parties impécunieuses dans l'arbitrage, la

justice publique tend à renforcer les pouvoirs juridictionnels des arbitres, dans l'optique de lutter contre le déni de justice économique. De fait, celle-ci redéfinit les devoirs de l'arbitre en insistant sur la recherche de la protection des droits fondamentaux des parties reconnus par l'ordre procédural (1). Néanmoins, mise à part l'annulation de la sentence en cas de défaillance, les juridictions étatiques restent silencieuses quant à l'existence d'une quelconque action en responsabilité contre les arbitres (2).

1) La place de l'arbitre au regard de l'ordre public procédural

137 De par les récents arrêts rendus par les juridictions étatiques Françaises, nous pou-

vons constater que le droit d'accès à l'arbitre ne se résume pas à la « constitution organique de la juridiction arbitrale »84. En effet, l'existence de ce droit implique que les arbitres sont tenus d'examiner l'ensemble des prétentions alléguées par les parties, et cela, quelque soit leur situation financière respective. La justice publique tient à ce que les tribunaux arbitraux soient prêts à délaisser leurs intérêts économiques, afin de faire primer leur fonction première ; celle de rendre la justice. Si l'arbitre est bel et bien un prestataire de services, il reste avant tout investi d'une mission spéciale qui ne peut se limiter à de simples intérêts financiers. Bien évidemment cette vision de la justice arbitrale peut paraitre totalement utopique à bien des égards.

138 Pourtant, garantir le droit d'accès à l'arbitre pour le plaideur impécunieux s'avère

être une contrepartie nécessaire à l'émergence croissante de la justice privée. En effet, dans la mesure où nous considérons que la justice arbitrale est une véritable justice au même titre que celle rendue par nos juridictions étatiques, il apparait indispensable que celle-ci soit

84 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie « Les principes du procès équitable dans l'arbitrage international » Journal du droit international (Clunet) n° 1, Janvier 2012, doctr. 2.

50

en mesure d'apporter certaines garanties procédurales85. La conception Française de l'arbitrage s'inscrit parfaitement dans ce crédo, comme en témoigne par exemple le décret du 13 janvier 2011. A ce titre, Emmanuel GAILLARD constate que : « spécialement en matière internationale, une forme de justice autonome et suffisamment structurée pour que l'on puisse évoquer l'idée d'un ordre juridique arbitral »86.

139 Dès lors, il est tout à fait logique le droit d'accès au juge tel que prévu par l'article 6

paragraphe 1 de la Convention EDH s'incorpore dans ce modèle d'ordre juridique arbitral. Par conséquent, cette acception de la justice arbitrale peut légitimement mener les arbitres à délaisser la force obligatoire de la convention d'arbitrage, afin de préserver les principes du procès équitable. La justice publique se refuse à devoir considérer que l'arbitrage ne soit qu'une justice « de l'argent ». C'est la raison pour laquelle elle tend à démontrer que « le droit d'accès à la justice ne se monnaye pas »87.

140 En somme, le fonctionnement de la justice arbitrale ne saurait s'affranchir des

grands principes qui gravitent autour de la justice étatique. Si l'une partie de la doctrine spécialisée avait milité pour la reconnaissance d'un ordre juridique arbitral, il n'en demeure pas moins que ce souhait semble aujourd`hui être plus que compromis. En ce sens, Bruno Oppé-tit avait remarqué que les principes des droits fondamentaux du procès faisaient véritablement partie de l'ordre public international, dans la mesure où il déclarait que ceux-ci « traduisent une exigence tout à fait fondamentale et universelle de bonne justice, de nature à imposer ses conséquences avec une force et une impérativité particulières, et non pas de simples règles de procédure dont la contingence ou le particularisme pourraient faire douter de leur appartenance à cet ordre public transnational, supérieur aux droits nationaux »88.

141 Au demeurant, que la justice arbitrale soit rattachée à un ordre juridique autonome

ou non, la Cour de cassation considère que celle-ci se doit de répondre aux exigences du procès équitable. Le manque de moyens financiers pour l'une des parties dans une procé-

85 TRAIN François-Xavier, Gaz. Pal. 2005, 28 mai 2005, n° 148, p. 37.

86 GAILLARD Emmanuel, Aspects philosophiques du droit de l'arbitrage international : Martinus Nijhoff Publishers, 2008 ; ibid., Les principes fondamentaux du nouvel arbitrage in Le nouveau droit français de l'arbitrage, p. 57 et s., spéc. n° 5 et s.

87 BOUCOBZA Xavier et SERINET Yves Marie op. et loc. cit.

88 OPPETIT Bruno Obs : CA Paris, 25 mai 1990 : Rev. crit. DIP 1990, p. 753.

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dure d'arbitrage ne saurait être une cause valable à la commission d'un déni de justice par les arbitres. Le résultat de la sentence ne peut se résumer à de simples intérêts mercantiles. C'est en ce sens que la Cour de cassation conçoit la mission juridictionnelle de l'arbitre.

142 A l'instar du principe de l'égalité des armes, le principe de droit d'accès à l'arbitre

fait partie intégrante des principes généraux des droits de la défense lesquels sont issus du droit naturel89. Par conséquent cela revient à poser la question de la responsabilité des arbitres en cas de manquement à leur devoir de rendre la justice.

2) La question de la responsabilité de l'arbitre

143 Avec la jurisprudence Pirelli-Lola Fleurs, la Cour de cassation fait peser sur les ar-

bitres un devoir de garantir l'accès à la justice à l'ensemble des parties qui se tournent vers l'arbitrage. Pour autant, cette injonction de faire adressée aux tribunaux arbitraux semble être dénuée de tout effet coercitif. En effet, si la haute juridiction prévoit l'annulation de la sentence en cas d'atteinte à l'ordre public procédural, elle s'abstient de se prononcer sur l'éventuelle mise en jeu de la responsabilité personnelle des arbitres. En s'appuyant sur la motivation de l'arrêt Pirelli, nous pouvons ainsi relever que la Cour de cassation entend sanctionner le tribunal arbitral pour son manquement à permettre l'accès à la justice.

144 Dès lors, la question de la responsabilité civile personnelle des arbitres doit se poser.

Si l'arbitre est un prestataire de service, à quels risques s'exposent il lorsqu'il refuse de statuer ? Pour François Xavier Train, la jurisprudence récente traduit un effet de « subjectiva-tion du droit d'accès à la justice »90. En d'autres termes, cela signifie que si l'Etat est tenu de garantir l'accès à la justice pour l'ensemble de ses justiciables, l'arbitre l'est également, en vertu de l'existence d'une obligation contractuelle née de la convention d'arbitrage. Dans l'arbitrage, l'accès au juge est contractualisé.

89 MOTULSKY Henry « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile » Mélanges Roubier, 1961, t. II, p. 175 et s.

90 TRAIN François Xavier « Le contrôle a posteriori et in concreto des conséquences de l'impécuniosité d'une partie à l'arbitrage », op. et loc. cit. P756.

52

145 En l'état actuel du droit positif, il s'avère impossible de se prononcer sur le contenu

de cette obligation contractuelle. Pourrait-on imaginer que l'arbitre ne puisse se prévaloir de l'exception d'inexécution, dès lors que l'un des plaideurs se retrouverait dans l'impossibilité de s'acquitter des frais procéduraux ?

146 En définitive, le droit positif ne donne aucune réponse quant aux problématiques

qui gravitent autour de la notion de droit à l'arbitre. Seuls les mécanismes de contrôle diligentés par les arbitres et les juges étatiques permettent d'en définir approximativement le contour.

53

Conclusion Partie 1

147 Bien que le droit à l'arbitre semble être une solution louable sur le plan de l'équité,

la jurisprudence de la Cour de cassation porte atteinte à la nature de l'arbitrage. Le rattachement des dispositions de la Convention EDH à l'ordre public procédural n'est pas une alternative juridiquement idéale.

148 En effet, sous couvert de renforcer l'équilibre des parties dans l'arbitrage, la Cour de

cassation bafoue d'autres principes fondamentaux tels que le principe de l'autonomie de la volonté ou de la force obligatoire des contrats. L'immixtion des dispositions de la Convention EDH dans la justice privée soulève bien des problématiques.

149 En annulant des sentences arbitrales sur la base d'une violation du droit d'accès à la

justice, la justice étatique envoie un message fort au monde de l'arbitrage, du type : « la justice arbitrale ne peut s'affranchir des principes fondamentaux du procès sous peine de perdre sa légitimité ». Si la portée de cette injonction est à relativiser, il n'en demeure pas moins que la tendance jurisprudentielle amenuise l'efficacité de l'arbitrage.

150 En somme, il est difficilement acceptable que le droit d'accès à l'arbitre, tel que re-

connu par la Cour de cassation, ait pour conséquence de nuire aux libertés fondamentales des litigants.

54

Partie 2

55

Titre 2 La limitation du droit d'accès à l'arbitre au nom

de la force obligatoire de la convention d'arbitrage

151 L'arbitrage est la justice privée par excellence. Dès la formation d'une relation

d'affaires, les parties font le choix de ne pas se soumettre aux juridictions étatiques en cas d'apparition d'un éventuel litige, par le biais d'une clause compromissoire. En résultant d'un accord conventionnel, l'arbitrage se distingue foncièrement de la justice publique (Section 1). Néanmoins, la position actuelle de la Cour de cassation altère quelque peu l'essence de l'arbitrage. C'est la raison pour laquelle il serait nécessaire de recourir à des solutions alternatives, afin de résoudre le problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage (Section 2).

Section 1 L'arbitrage : une justice privée et non un service public

152 Le principe de l'autonomie de la volonté et de la force obligatoire du contrat, consti-

tuent le fondement juridique de la justice arbitrale. En ce sens, lorsque la Cour de cassation se livre à l'annulation de sentences arbitrales au nom du droit d'accès à l'arbitre, elle porte indéniablement atteinte au principe de la liberté contractuelle (paragraphe 1). Une telle position n'est pas souhaitable, dans la mesure où la haute juridiction prend le risque de discréditer la justice arbitrale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 La sauvegarde de l'autonomie de la volonté des parties dans l'arbitrage

153 Le recours à l'arbitrage s'entend d'une renonciation conventionnelle à la gratuité de

la justice (A), ainsi que d'un refus au contrôle de proportionnalité de la répartition des frais procéduraux, opéré par le juge étatique (B).

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A) L'acceptation conventionnelle d'une justice privée : la force obligatoire du règlement d'arbitrage

154 A la différence du droit d'accès au juge, l'exercice du droit à l'arbitre résulte d'un

accord conventionnel. Ainsi, la convention d'arbitrage s'entend comme une renonciation au service public de la justice. Les parties font le choix de recourir à un prestataire de services investi d'un pouvoir juridictionnel. Il est donc tout à fait logique que le droit d'accès à l'arbitre connaisse des restrictions d'ordre économique.

155 Le droit français prévoit que les parties qui souhaitent recourir à une procédure

d'arbitrage, doivent insérer une clause compromissoire au sein du contrat qui unifie leur relation d'affaire. L'alinéa 2 de l'article 1442 du code de procédure civile la définit comme étant : « une convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naitre relativement à ce ou à ces contrats ». Par conséquent, les parties consentent à délaisser le juge étatique, au jour de l'apparition d'un éventuel litige. En pratique, la clause compromissoire est exprimée de la manière suivante : Les parties conviennent d'avoir recours à l'arbitrage conformément au Règlement de ... que les parties déclarent connaître et accepter ».91

156 L'article 1509 du code de procédure civile, quant à lui, consacre l'autonomie des

parties dans le choix du règlement d'arbitrage applicable. Celui-ci dispose que : « La convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage ou à des règles de procédure, régler la procédure à suivre dans l'instance arbitrale. Dans le silence de la convention d'arbitrage, le tribunal arbitral règle la procédure autant qu'il est besoin, soit directement, soit par référence à un règlement d'arbitrage ou à des règles de procédure ».

157 En recourant à la justice privée, les plaideurs font le choix de se soumettre au

règlement d'arbitrage, qui aura pour but d'organiser le déroulement de la procédure. Dès lors, les parties donnent force contractuelle au règlement d'arbitrage. En somme, elles

91 « Force obligatoire du règlement d'arbitrage ; quelques affaires récentes », La lettre de la chambre arbitrale internationale de Paris, n°2, juin 2013.

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devront s'y soumettre et répondre à toutes les obligations qui en découlent92. Les instances arbitrales, ainsi que le juge d'appui devront également appliquer lesdites obligations de manière à se conformer au règlement d'arbitrage. En ce sens, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt M. Caille et autre c/Société Peter Cremer France, a affirmé que le règlement d'arbitrage est nécessairement revêtu de la force obligatoire: « La "formule Synacomex" renvoyant les parties, en cas de litige, devant la Chambre arbitrale de Paris, impliquait nécessairement l'adoption par les contractants du règlement de cet organisme aux termes duquel les sentences sont rendues en dernier ressort et sans autre recours que celui en annulation ». Le règlement d'arbitrage constitue donc « la loi procédurale » des parties93.

158 En définitive, il est fait application du principe de la force obligatoire du contrat,

reconnu et consacré par l'article 1134 du code civil qui dispose que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». Par conséquent, il ne serait pas incongru de percevoir à travers la convention d'arbitrage, la résurgence de la doctrine libérale ayant consacré l'autonomie de la volonté.

159 En effet, si l'on étudie avec précision la convention d'arbitrage, on perçoit aisément

l'application du principe de l'autonomie de la volonté. En ce sens, la convention d'arbitrage est librement conclue par les parties désirant écarter la compétence du juge étatique (application du principe de la liberté contractuelle : les parties sont libres de choisir leur cocontractant, de contracter et de négocier le contenu du contrat). Ainsi, les parties matérialisent le recours à l'arbitrage via une clause compromissoire, ce qui implique l'application du principe du consensualisme. Une fois formalisée, la convention d'arbitrage revêt la force obligatoire et condamne les parties à s'y soumettre. Cet accord est sacralisé par l'adage « Pacta Sunt Servanda », et lie uniquement les parties contractantes en vertu du principe de l'effet relatif du contrat reconnu par l'article 1165 du code civil.

92 TRAIN François-Xavier « Impécuniosité et accès à la justice dans l'arbitrage international », Rev. Arb. 2012. P280 : « qu'elles ressortissent du domaine de la convention d'arbitrage, de celui du contrat d'arbitre, ou de celui du contrat d'organisation de l'arbitrage, pour ce dernier, V. pour exemple, TGI Nanterre, 1 juillet 2010, JCP 2010 1 1286, n°8, Obs Ortscheild.

93 « Force obligatoire du règlement d'arbitrage ; quelques affaires récentes », La lettre de la chambre arbitrale internationale de Paris, n°2, juin 2013.

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160 La majorité des règlements d'arbitrage prévoient des dispositions quant à

l'organisation du financement de l'arbitrage. En effet, les règlements enjoignent les parties à s'acquitter du montant des frais de provision qui leur incombe de manière à financer le fonctionnement de la justice arbitrale94. En outre, les parties renoncent conventionnellement au principe de la gratuité de la justice découlant des préceptes du droit au procès équitable. Le principe gratuité de la justice est bien évidemment inapplicable à l'arbitrage. A ce titre, Christian JARROSSON parle non pas d'une « incompatibilité rationnelle avec la spécificité de l'arbitrage », mais plutôt « d'une incompatibilité avec la force des choses »95. Il est d'ailleurs quasiment impossible de remettre en cause la véracité et la pertinence du propos avancé par l'auteur dans la mesure où les arbitres, tout comme les instances arbitrales, sont rémunérés pour rendre effective la justice arbitrale.

161 Cependant, si l'on se penche sur la position récente de la Cour de cassation, et no-

tamment au travers de l'affaire PIRELLI, nous pouvons remarquer que le principe de la force obligatoire du règlement d'arbitrage n'est pas absolu. Il est foncièrement remis en cause par les droits fondamentaux du procès équitable. A ce sujet, monsieur Maximin De FONTMI-CHEL a déclaré que « l'arbitrage n'est plus le dernier bastion de la force obligatoire du contrat. Ce dernier est en train de céder devant la puissance des principes fondamentaux du procès équitable »96. En effet, les magistrats de la Cour de cassation ont tendance à écarter certaines dispositions des règlements d'arbitrage, alors même que les parties avaient initialement fait le choix de s'y soumettre. Comme nous l'avons vu précédemment, la haute juridiction justifie sa position, en invoquant les grands principes du droit équitable. Pour autant, celle va à l'encontre de la volonté des parties. Il s'agit d'un véritable « coup de force de l'ordre public procédural »97. Les magistrats de la Cour de cassation n'hésitent pas à altérer les caractères de l'arbitrage de manière à renforcer la portée des principes fondamentaux du procès équitable. Dès lors, la nature contractuelle de l'arbitrage s'en retrouve indéniablement affectée.

94 Trib, gr, inst, Beauvais, ref 9 avril 1988. Rev, arb, 2002.993, et voir l'article de J.Rouche « le paiement par le défendeur de sa part de provision sur les frais d'arbitrage : simple faculté ou obligation contracuelle ? ».

95 JARROSSON Christian « l'arbitrage et la Convention Européenne des Droits de l'Homme », préc, spéc, n°34.

96 De FONTMICHEL Maximim, Chronique de droit de l'arbitrage n°9, Petites affiches du 17 juillet 2012.

97 CLAY Thomas, obs. D2011, spéc.p.3031.

59

162 Pour en revenir à l'affaire Pirelli, il est à noter que les juges du fond ont procédé à

une application partielle du règlement d'arbitrage, dans la mesure où seule une partie dudit règlement revêt la force obligatoire. A en croire la tendance jurisprudentielle, il apparait même que ce type de pratique tend à se développer. A l'occasion de l'arrêt société Tecni-mont, rendu par la Cour d'appel de Reims, le professeur Thomas CLAY a relevé que la justice publique se livrait « à une application perlée du règlement d'arbitrage »98. En somme, les juridictions étatiques mettent uniquement en avant la fonction juridictionnelle des tribunaux de manière à renforcer l'égalité des parties.

163 Cependant, l'égalité des parties ne peut être consacrée sur le plan du paiement des

frais d'arbitrage. La justice arbitrale n'a pas à prendre en compte les difficultés financières qu'une partie peut être amenée à connaitre. A ce titre, Daniel COHEN écrit « l'égalité des parties ne s'entend nullement de l'égalité susbtantielle sur le plan des paiements en provision d'arbitrage, ou d'une égalité par catégories en fonction des demandes principales et reconventionnelles, ni même d'une égalité devant la loi dès lors que la partie pouvant s'acquitter devra le faire, mais que l'autre, qui ne peut, s'en trouverait dispensée sans autre conséquence »99. En d'autres termes, la justice arbitrale ne peut consacrer le principe de l'égalité des parties sur le plan procédural, dans la mesure où certains plaideurs ne sont pas en mesure de financer les instances arbitrales. Le principe de l'égalité des parties ne peut s'appliquer au paiement des frais procéduraux.

164 Par conséquent, en ayant recours à l'arbitrage, les parties ne peuvent pas solliciter

du juge étatique une forme de contrôle de proportionnalité sur le paiement des frais de procédure.

98CA Reims 2 nov. 2011 (Sté Tecnimont), rép. gén. n° 10/02888 ; Cah. Arb., Paris Journ. Intern. Arb. 2011.1109, note Th. Clay ; Rev. arb. 2012.112.

99 COHEN Daniel « Non paiement de la provision d'arbitrage, droit d'accès à la justice et égalité des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ? », The Paris Journal of International Arbitration, 2012. P164.

60

B) La renonciation au contrôle de proportionnalité des frais procéduraux par le juge étatique

165 En recourant à l'arbitrage, les parties font le choix de renoncer au principe de la gra-

tuité de la justice. Bien que ledit principe ne soit pas reconnu en tant que tel par la Cour Européenne des droits de l'Homme, celle-ci veille à ce que les frais procéduraux ne soient pas excessifs, voire disproportionnés. Dès lors, les juges Européenne opère un contrôle de proportionnalité, en pesant le coût global de la procédure et les moyens financiers dont disposent les parties à la procédure100.

166 A l'instar de la Cour EDH, les juridictions étatiques françaises se livrent également à

ce type de contrôle dans le cadre de la reconnaissance des jugements étrangers. En effet, ces dernières sont animées par le désir de garantir le droit d'accès au juge à l'ensemble des plaideurs, de manière à ce que leurs décisions soient en adéquation avec les exigences posées par l'ordre public procédural.

167 Dans un arrêt Pordéa du 16 mars 1999101, la Cour de cassation a considéré que les

juridictions Anglaises avaient privé monsieur Pordéa de son d'accès à la justice dans la mesure où celles-ci lui avaient fait supporter des frais de provision excessivement élevés. La haute juridiction déclara que le montant des frais de justice « avait été de nature à faire objectivement obstacle à son libre accès à la justice ».

168 Par conséquent, la décision délivrée par la juridiction anglaise ne pourra être revê-

tue de l'exequatur dès lors que « le droit de chacun d'accéder au juge chargé de statuer sur sa prétention, consacré par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH, relève de l'ordre public procédural international au sens de l'article 27-1 de la Convention de Bruxelles ». 102

169 Ainsi, par le biais d'analyse in concreto, la Cour de cassation apprécia le caractère

dantesque du montant des frais procéduraux supportés par monsieur Pordéa. Par ailleurs,

100 En ce sens voir l'arrêt de la CEDH, Kreuz contre Pologne du 19 juin 2001.

101 Cass.civ.1ère , 16 mars 1999, JDI, 1999.794, note A Huet ; RTD civ.

102 Cass.civ.1ère , 16 mars 1999, JDI, 1999.794, note A Huet ; RTD civ.

61

les juridictions du fond menèrent exactement le même raisonnement à l'occasion d'un arrêt du 29 juin 2006. En l'espèce, la Cour d'appel Parisienne accorda l'exequatur d'une ordonnance de la High Court de Londres soumettant l'une des parties à procéder au paiement des frais de justice. En l'occurrence, la juridiction du second degré énonça « qu'accorder l'exequatur à cette décision ne méconnait nullement la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que M.X., qui de l'industrie de ses ouvrages tire des revenus de l'ordre de 200 000 à 240 000 euros par an selon ses déclarations devant les juges anglais, a eu effectivement accès à la justice anglaise pour se défendre et aux services d'un professionnel du droit pour le conseiller »103.

170 Au demeurant, les circonstances de l'espèce étaient comparables à celles des af-

faires Pordéa et Pirelli. Il s'agissait d'un justiciable, qui faute de ne pas disposer de moyens pécuniaires suffisants, n'avait pas eu la possibilité de soumettre ses prétentions à la juridiction compétente, en raison du non paiement des frais de provision. Cependant, la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage diffère et ne peut être traitée de la même manière. En recourant à la justice arbitrale, les parties aménagent nécessairement l'exercice de leur droit d'accès au juge concernant les modalités de financement.

171 L'obstacle financier ne peut plus être considéré comme un obstacle au droit d'accès

à la justice. La clause compromissoire a pour objet de sacraliser la volonté des parties à renoncer à la protection de l'Etat quant à son obligation de faciliter l'accès à la justice pour les plaideurs impécunieux. A ce titre, Dominique D'AMBRA écrit que la mission de l'Etat est de : « permettre à des personnes qui sont pratiquement dans l'impossibilité d'exercer leurs droits en justice, en raison de l'insuffisance de leurs ressources, de saisir toutes les juridictions sans être tenues d'avancer tout ou partie des frais avec le concours gratuit ou partiellement gratuit des auxiliaires de justice »104.

172 Dès lors, en matière de justice privée, les instances arbitrales n'ont pas à être sou-

mises à ce type d'obligation. De plus, le recours à l'arbitrage n'implique pas uniquement le refus de l'aide judiciaire. Il implique également le refus au contrôle Etatique de proportion-

103 Paris (1ère Ch.-C), 29 juin 2006, inédit, N° rép. :04/22985.

104 D'AMBRA Dominique « l'aide à l'accès à la justice : l'aide juridictionnelle », procédures et effectivité des droits, coll. Droit et justice, t.49,2003, Bruylant, P.43.

62

nalité entre les ressources financières des parties et le coût de la procédure, ainsi qu'entre les moyens financiers respectifs de ces dernières. Le recours à l'arbitrage s'entend donc comme une renonciation au service public. Par conséquent, la justice arbitrale n'a pas à se préoccuper de la santé financière de ses litigants. Si l'arbitrage doit se soumettre à la loi du marché, il doit en être de même pour ses acteurs.

173 Par ailleurs, nous pouvons nous demander si, dans l'hypothèse où l'impécuniosité de

l'un des plaideurs empêcherait la constitution du tribunal arbitral, ou la mise en oeuvre préparatoire de l'instance sur la compétence, le recours aux juridictions Etatiques serait une solution opportune ?

Paragraphe 2 La sauvegarde de la justice arbitrale

174 L'intervention du juge étatique dans la procédure arbitrale est une question déli-

cate, car elle tend à envisager la méconnaissance de l'un de nos grands principes en procédure civile, à savoir le principe compétence-compétence. Ce principe interdit au juge étatique d'intervenir dans une procédure d'arbitrage, avant que les arbitres ne soient amenés à examiner l'affaire. Toutefois, le droit français permet une exception dès lors que la convention d'arbitrage apparait être manifestement nulle ou inapplicable.

175 Par conséquent, nous sommes en droit de nous interroger sur le fait de savoir si la

reconnaissance de l'impécuniosité d'un plaideur dans une procédure d'arbitrage par le juge étatique est compatible avec l'effet négatif du principe compétence-compétence (A) ? Ainsi, cette réflexion nous amène également à repenser la place de la justice arbitrale dans notre droit interne (B).

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A) L'impécuniosité confrontée au principe compétence-compétence

176 Le principe compétence-compétence résulte de l'application de l'article 1448 du

code de procédure civile qui dispose que « lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l'Etat ne peut relever d'office son incompétence. Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite ». Ledit principe comprend deux implications : un effet positif105 et un effet négatif.106

177 Pris en son aspect positif, le principe compétence-compétence entend octroyer la

possibilité aux arbitres de se prononcer sur leur propre compétence, dès lors que celle-ci est amenée à être remise en cause par les litigants.

178 Pris en son aspect négatif, celui-ci consiste à priver les juridictions étatiques de sta-

tuer sur la compétence du tribunal arbitral, tant que ce dernier n'a pas été en mesure de le faire préalablement.

179 Néanmoins, ce principe connait quelques exceptions et notamment en cas de « nul-

lité manifeste de la clause compromissoire » ou « d'inapplicabilité manifeste » 107de ladite clause. Ces exceptions résultent aussi bien d'une volonté jurisprudentielle108 que législative (l'article 1448 du code de procédure civile le prévoit expressément). Au regard de la jurisprudence actuelle, il apparait clairement que l'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage soit rarement reconnue. Celle-ci privilégie en effet la mise en oeuvre d'un contrôle « Prima facie de la convention d'arbitrage »109 .

105 WEILLER Laura « Vingt ans de droit de l'arbitrage » Rev,Procédures n° 1, Janvier 2015, dossier 3.

106 Gaillard Emmanuel « L'effet négatif de la compétence-compétence » in Mélanges J.-F. Poudret : Lausanne, 1999, p. 387.

107 WEILLER Laura, op. et loc. cit.

108 Cass. 1re civ., 16 oct. 2001 : Quarto children : Rev. arb. 2002, p. 919, note D. Cohen. - Cass. 2e civ., 18 déc. 2003 : JCP G 2004, II, 10075, note C. Noblot ; Bull. civ. 2003, II, n° 393 et 394 ; Rev. arb. 2004, p. 442 ; RTD com. 2004, p. 255, obs. E. Loquin.

109 WEILLER Laura, op. et loc. cit.

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180 En somme, la mise en échec temporaire de la convention d'arbitrage en raison de

l'impécuniosité de l'une des parties s'analyse en une inapplicabilité de la clause et non en nullité de ladite clause110. Pour autant, ne pourrait-on pas considérer que cette suspension temporaire de la convention, soit assimilable à une cause « manifeste » d'inapplicabilité ? Bien que cette réflexion semble juridiquement logique, il n'en demeure pas moins qu'elle ne garantisse la résolution du contentieux de l'impécuniosité dans l'arbitrage.

181 En effet, le doute sur le maintien de la convention d'arbitrage en cas du non paie-

ment des frais d'arbitrage subsiste, et notamment du fait de la position de la Cour de cassa-tion111. En outre, l'interrogation persiste en vertu du caractère polysémique de la notion d'impécuniosité, que nous avons eu précédemment l'occasion d'étudier. De façon générale, l'impécuniosité correspond à l'impossibilité pour le plaideur qui en souffre, de faire face au paiement des charges financières qui émanent de la procédure arbitrale.

182 Dès lors, la constatation d'une telle situation implique nécessairement une étude

sérieuse et approfondie du dossier de la partie défaillante. En somme, Il est totalement impossible et impensable de conclure à l'existence d'un cas d'impécuniosité au premier abord. En effet, même une société faisant l'objet d'une procédure collective, ne se trouve pas forcément dans une situation d'impécuniosité au regard de la procédure arbitrale112. Par conséquent, il apparait peu probable que l'impécuniosité de l'une des parties dans un arbitrage constitue une cause d'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage.

183 Au demeurant, la possibilité pour le juge étatique d'intervenir dans une procédure

d'arbitrage, afin d'évaluer une telle situation vis-à-vis de la clause compromissoire, constitue une exception de l'effet négatif du principe compétence-compétence. Si l'intervention de la justice étatique trouve sa légitimité dans l'arbitrage, en cas de déni de justice économique,

110 TRAIN François Xavier « Impécuniosité et accès à la justice dans l'arbitrage international (à propos de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 novembre 2011 dans l'affaire "LP c/Pirelli) »(2) Rev. arb. 267.

111 CACHARD Olivier « le contrôle de la nullité ou de l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire », Rev, arb, 2006.893 ; LOQUIN Eric, obs, in RTD com, 2006.764.

112 TRAIN François Xavier : op. et loc. cit. « l'effet négatif de la compétence compétence s'impose au juge commissaire chargé en principe de la vérification des créances , lorsque la clause est invoquée devant lui : V. Articulation des procédures collectives et arbitrage : FOUCHARD Philipe « Arbitrage et faillite », Rev arb, 1998.471.

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tel ne devrait pas être le cas dès lors que les tribunaux arbitraux sont amenés à statuer sur un litige opposant uniquement des professionnels. La protection par la justice publique du professionnel partie faible dans un arbitrage n'a pas de raison d'être. Ce mécanisme procé-dural est dangereux dans la mesure où il risque d'entrainer le développement d'un contentieux important quant à l'efficacité des clauses compromissoires.

184 En ce sens, cette tendance se trouve en totale inadéquation avec d'une part nos

règles juridiques internes, et d'autre part avec la nature même de la justice arbitrale. Néanmoins, il est à noter que la jurisprudence Française tient à ce que les sentences arbitrales ne soient pas constamment remises en cause. A ce titre, la politique législative Française corrobore également la volonté de maintenir l'efficacité de la convention. De fait, l'intervention du juge étatique dans une procédure d'arbitrage doit s'entendre comme un soutien à la sauvegarde de la clause compromissoire.

185 En définitive, la question de l'effet négatif du principe compétence-compétence est

abandonnée aux mains des parties, dans la mesure où il leur appartient de soumettre aux arbitres, leurs contestations quant à la validité de la convention d'arbitrage. Ainsi, permettre à la justice publique de s'ingérer dans les relations d'affaires, en ayant la possibilité d'annihiler des conventions d'arbitrage, « remettrait en cause l'équilibre général du régime de l'arbitrage international en France »113. Il en va de même que certaines parties useraient de leur état d'impécuniosité afin d'échapper à la justice arbitrale. La partie forte n'est pas nécessairement à l'origine des manoeuvres dilatoires dans une instance arbitrale, elles peuvent très bien résulter de la partie impécunieuse114

186 En outre, la préservation du droit d'accès au juge n'a pas à altérer la convention

d'arbitrage sous peine de porter atteinte à la nature même de l'arbitrage. C'est la raison pour laquelle, la jurisprudence, de par les arrêts Lola Fleurs et Pirelli, invite les tribunaux arbitraux à trouver des solutions de manière à ce que les sentences qu'ils seront amenées à délivrer soient en parfaite adéquation avec l'ordre public procédural. La sauvegarde de la

113 TRAIN François Xavier : op. et loc. cit. P299.

114 GAILLARD Emmanuel « L'impécuniosité des parties et leurs effets dans l'arbitrage- la position Française ».

66

justice arbitrale est essentielle, et celle-ci ne doit pas succomber aux exigences fondamentales qu'impliquent les dispositions de la Convention EDH.

B) La préservation des places arbitrales

187 En matière d'arbitrage, les dernières décisions rendues par les juridictions étatiques

tendent à remettre en cause certaines sentences arbitrales, qui auraient bafoué le principe de droit d'accès au juge. Pour autant, si l'on se réfère aux affaires Pirelli et Lola Fleurs, nous pouvons constater que les juridictions arbitrales n'ont à aucun moment privé les plaideurs impécunieux de leur droit d'accès au juge. En effet, ces derniers ne pouvant s'acquitter des charges procédurales qui leur incombaient, ont tout simplement entravé le fonctionnement de la justice arbitrale.

188 De ce fait, les tribunaux arbitraux leur ont indiqué que s'ils ne pouvaient pas assu-

mer financièrement le coût de leur défense au cours de l'instance, ils pouvaient légitimement le faire dans le cadre d'une procédure ultérieure. Bien que cette solution semble être illusoire au regard de la situation financières desdites parties en difficulté, les juridictions arbitrales n'ont à aucun moment violé le principe du droit d'accès au juge. Ainsi, les arbitres ne se sont pas livrés à un déni de justice tel que défini par l'article 4 du code civil qui dispose que : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

189 Au demeurant, il ne s'agit pas d'une véritable privation du droit d'accès à la justice,

mais plutôt d'un report, dans la mesure où les plaideurs impécunieux pourront de nouveau faire valoir leurs droits au cours d'une autre instance, une fois après avoir réglé les frais de procédure115. Les règlements d'arbitrage subordonnant la présentation des moyens de défense au paiement de certains frais de provision permettent également de veiller à l'équilibre de la justice arbitrale. Comme le souligne le professeur Thomas CLAY, il faut absolument éviter que le défendeur impécunieux multiplie les demandes reconventionnelles « dans le seul but d'obtenir l'abandon du demandeur ». En effet, ce type de situation pour-

115 COHEN Daniel « Non paiement de la provision d'arbitrage, droit d'accès à la justice et égalité des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ? », The Paris Journal of International Arbitration, 2012.

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rait également conduire à une violation du droit d'accès au juge pour le demandeur à l'origine de la procédure d'arbitrage.

190 La liberté du juge étatique à statuer sur l'application des dispositions contractuelles

en vertu de la situation financière des parties à l'arbitrage parait tout simplement incongrue. Pour quelles raisons la défaillance d'une partie serait couverte par la justice publique dès lors que celle-ci avait fait le choix de la rendre incompétente ? A ce titre, le professeur Bruno OPPETIT écrit que « l'arbitrage ne peut être considéré comme un système mixte, à la fois mi public et mi privé » dans la mesure où « il n'est pas dans sa vocation de devenir une sorte de justice déléguée dans des tâches de service public »116.

191 La position actuelle de la jurisprudence concerne uniquement l'arbitrage internatio-

nal. Cependant, celle-ci nous invite à nous interroger sur son impact sur l'arbitrage interne, voire sur l'arbitrage ad hoc. En effet, comme le souligne Daniel COHEN117, l'argumentation avancée par la Cour de cassation dans le cadre de l'affaire Pirelli, pourrait réapparaitre à l'occasion d'un arbitrage interne. Le postulat revendiqué par les juridictions étatiques est amené à concerner tous les types d'arbitrage institutionnel, dans la mesure où celles-ci ont statué en fonction d'un règlement d'arbitrage.

192 En outre, l'arbitrage ad hoc risque d'être lui aussi fortement influencé par la juris-

prudence de la justice publique. En ce sens, si les arbitres d'un arbitrage ad hoc expriment initialement leur volonté de ne pas en prendre en compte les prétentions non provisionnées des plaideurs à la procédure, ceux-ci pourraient également voir leur décision censurée au nom du principe du droit d'accès au juge. Cette situation poserait la question de la différence entre la valeur contractuelle du règlement d'arbitrage présent dans un arbitrage institutionnel, et celle d'un acte de mission dans le cadre d'un arbitrage ad hoc. En somme, la volonté des parties n'est pas une raison juridique assez « solide » pour préserver la convention d'arbitrage du contrôle du juge étatique.

116 OPETTIT Bruno « théorie de l'arbitrage » op.cit,. spéc. P.119

117 COHEN Daniel « Non paiement de la provision d'arbitrage, droit d'accès à la justice et égalité des parties : avancée ou menace pour l'arbitrage ? », The Paris Journal of International Arbitration, 2012.

68

193 Prise en l'état, la position actuelle de la jurisprudence affaiblit considérablement les

centres d'arbitrage. A l'issue des affaires Pirelli et Lola Fleurs, les professionnels de l'arbitrage ont exprimé leurs inquiétudes quant aux conséquences que celles-ci auraient sur l'efficacité de la justice arbitrale. De plus, il apparait que les centres d'arbitrage soient tentés de se détourner de la place parisienne comme lieu de siège de l'arbitrage. Cela aurait d'énormes répercussions sur l'arbitrage international, et la Cour d'appel Parisienne pourrait ne plus être la juridiction de contrôle des sentences arbitrales. Au regard des dernières réformes concernant les règlements d'arbitrage, une telle situation annihilerait les efforts menés par les centres d'arbitrage, qui s'étaient efforcés à clarifier, simplifier, et renforcer l'accessibilité à la justice arbitrale118.

194 En définitive, le problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage ne doit pas pouvoir

être assimilable à une rupture d'égalité entre les droits des parties, entrainant une violation de l'ordre public procédural. De fait, la voie empruntée par la jurisprudence ne semble pas être très opportune. C'est la raison pour laquelle la doctrine s'est interrogée sur la manière de résoudre les écueils procéduraux causés par le manque d'argent des plaideurs dans l'arbitrage.

Section 2 L'arbitrage : une justice privée encline à la réforme

195 De manière à résoudre les problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage, certains au-

teurs spécialisés ont mis en lumière diverses solutions (paragraphe 1). Par ailleurs, il serait intéressant d'observer la manière dont les pays de Common and Civil Law partie à la Convention EDH traitent la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage (paragraphe 2).

118 COHEN Daniel . op. et loc. cit.

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Paragraphe 1 les solutions apportées par la doctrine

196 La pratique de la justice arbitrale permet aujourd'hui de trouver quelques solutions

quant au problème de l'impécuniosité des parties. Ces solutions sont intéressantes dans la mesure où, elles permettent de s'affranchir du recours aux droits fondamentaux. Ainsi, deux types de financement de l'arbitrage sont à même de fermer la porte au déni de justice : le financement par les conseils (A) et le financement par les fonds d'investissement (B).

A) Le financement par le conseil

197 Aujourd'hui, l'impécuniosité des parties dans l'arbitrage est un problème assez ré-

current. De ce fait, certains auteurs ont décidé de mettre en oeuvre certains moyens alternatifs de financement de l'arbitrage pour venir en aide aux parties connaissant d'importantes difficultés financières. En effet, certaines entreprises ne sont plus en capacité de financer seule l'ensemble de la procédure en cas de défaillance de la partie adverse sur le paiement des frais de procédure119. A l'heure actuelle, il existe deux méthodes capables de résoudre ces problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage, à savoir le financement par le conseil et le financement par les fonds d'investissement120.

198 Concernant le financement par les conseils de la procédure d'arbitrage, il est à noter

que celui-ci est indirectement réalisé. En effet, dans le cadre de ce mécanisme procédural, les conseils acceptent d'être rémunérés par leur client seulement qu'en cas de réussite. De ce fait, les parties n'ont pas à avancer les frais de provision relatifs à l'organisation de leur défense. Ce procédé présente ainsi le mérite d'amoindrir le coût de l'arbitrage. Dès lors, ce n'est qu'en fonction d'un résultat positif que la partie devra s'acquitter de ces charges. Pour autant, celles-ci seront prélevées sur le montant total des gains remportés par la partie victorieuse. Ainsi, il ne pourra être constaté aucune « atteinte » à la trésorerie de la partie requérante.

119 Voir l'étude générale sur la question du financement de l'arbitrage : PINSOLLE Philippe « le financement de l'arbitrage par les tiers » Rev, Arb, 2010.385.

120 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux coûts dans l'arbitrage international » Les cahiers de l'arbitrage.

70

199 Pour ce faire, les parties signent avec leurs conseils, une convention nommée « quo-

ta litis » ou encore « contingency fee ». Néanmoins, la licéité de ce type de convention pose question dans le cadre d'un arbitrage international. En effet, ces conventions sont généralement interdites. Dès lors, il convient de s'interroger d'une part sur le fait de savoir si le tribunal arbitral a la capacité de statuer sur la validité de la convention, et d'autre part sur la loi applicable à celle-ci ?

200 La question de loi applicable concernant la convention « quota litis » n'a pas encore

été résolue à ce jour. En somme, les spécialistes de l'arbitrage se demandent si la légalité de ladite convention doit dépendre de la loi du siège de l'arbitrage, de la loi du barreau des avocats qui interviennent au litige, ou du lieu d'exécution de la sentence arbitrale 121 ? Cette question revêt une importance non négligeable dans la mesure où, la convention quota litis, lorsqu'elle est validée, permet de réduire considérablement le coût de la procédure arbitrale.

201 A en croire la pratique, les conseils considèrent que la loi du règlement d'arbitrage

doit primer quant à la licéité de la convention « quota litis ». Pour autant, une partie de la doctrine refuse cette acception, en ce sens qu'une telle pratique pourrait donner naissance à des situations d'inégalité entre les parties. En effet, il est totalement possible que le règlement du barreau de l'un des conseils autorise ce type de convention, et non celui de la partie adverse. Il est également à noter que ce type de convention pourrait se voir prohiber par l'ordre public du siège de l'arbitrage122. Par ailleurs, la plupart des règlements d'arbitrage ne reconnaissent pas la validité de ces conventions d'honoraire de résultat.

202 Ainsi, au regard des différentes législations, il apparait que la convention dite

« quota litis » comme mode de règlement des frais de défense, ne soit pas véritablement reconnue. En ce qui concerne la législation française, il est à noter que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que : « Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées,

121 DUCLERCQ Caroline « les nouveaux coûts dans l'arbitrage international » Les cahiers de l'arbitrage. 122DUCLERCQ Caroline op. et loc. cit.

71

prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ». Cette disposition législative a notamment été reprise par le code de déontologie des avocats de la communauté européenne qui prévoit dans son article 3.3.1 que « l'avocat ne peut pas fixer ses honoraires sur la base d'un pacte quota litis ».

203 Par conséquent, le financement de l'arbitrage international par les conseils via une

convention d'honoraire de résultat serait interdit aux yeux des juridictions françaises. Cette prohibition reposerait sur un moyen d'ordre public au sens de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Pour autant, ce n'est pas la position de la Cour d'appel de Paris qui dans un arrêt du 10 juillet 1992 qui estime que la convention « quota litis » est un contrat international qui ne peut être rattaché à une loi précise, énonçant que : « dès lors que les conventions d'honoraires s'insèrent dans le cadre spécifique de la résolution d'un litige, par la voie d'un arbitrage international, la rémunération sous forme de pourcentage est reconnue par les usages du commerce international et qu'elle est, en outre, admise par de nombreux pays aux systèmes juridiques différents. Ces conventions ne sont pas contraires à la conception française de l'ordre public international »123.

204 Cet arrêt est extrêmement important, car il permet d'ouvrir une brèche dans la légi-

slation française, quant au financement de l'arbitrage par les conseils, via la mise en oeuvre d'une convention d'honoraires de résultat. Si les Etats-Unis autorisent ce mode de financement pour les plaideurs financièrement en difficulté124, il serait souhaitable que le législateur Français adopte la même position concernant l'arbitrage. Les parties devront donc vérifier en amont la légalité de la convention signée avec leurs conseils de manière à éviter que celle-ci soit censurée par le tribunal arbitral.

205 Ainsi, il reste à envisager la solution des fonds d'investissement afin d'amoindrir le

coût de la procédure arbitral et de permettre à l'ensemble des plaideurs de bénéficier de leur droit d'accès à la justice.

123 LEBOULANGER Philippe « Note CA Paris (1ère Ch.B) 10 juillet 1992, société international contractors Group V.Me X, revue de l'arbitrage, 1992, n°4, pp615-624.

124 BORN Gary « Chapter 14 legal representatives and professionnal responsability in international arbitration », in international arbitration; law and practice, Kluwer law international 2012, P261-271.

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B) Les fonds d'investissement

206 Avec l'accroissement du coût de la procédure arbitrale, les professionnels de

l'arbitrage ont développé un mode de financement de la procédure arbitrale en s'appuyant sur des fonds d'investissement. Cette technique s'intitule « le Third Party Funding », ou «TPF»125. D'origine Anglo-Saxonne, «le Third Party Funding» est « une personne, généralement une entreprise dont le métier est le financement, qui offre un service qui consiste dans le paiement de tout ou partie des frais du procès d'une autre personne, moyennant une rémunération »126. Le TPF ne peut être assimilée à une banque ou à une assurance. Il s'agit plutôt d'un fonds qui est créé dans le but de financer des procédures arbitrales. A ce titre, il permet de prendre en charge tous les frais qui découlent d'une procédure d'arbitrage, à savoir les frais d'expertise, les honoraires des arbitres, des conseils, ainsi que les frais administratifs issus de l'institution arbitrale.

207 L'objectif de ce système est de garantir l'accès à la justice à l'ensemble des plaideurs

dès le commencement de la procédure arbitrale. De ce fait, ceux-ci pourront assurer aisément leur défense. Ils pourront formuler des demandes reconventionnelles ou diligenter des expertises, sans prendre le risque de ne pas pouvoir assurer leur financement. En définitive, le TPF s'analyse comme une avance de fonds dans la procédure arbitrale. Néanmoins, il est à noter que cette avance de somme d'argent implique une contrepartie à l'issue de la procédure. Ainsi, l'entreprise qui se sera livrée à ce type de financement devra rembourser l'organisme au jour de l'exécution de la sentence arbitrale.

208 Si le TPF constitue la clef du problème concernant la question de l'impécuniosité des

parties et le droit d'accès à la justice dans l'arbitrage, il n'en demeure pas moins que cette alternative représente également un coût considérable. En effet, le TPF exige en moyenne

125 CONSTARGENT Jean Robin « Le financement par un tiers comme réponse aux évolutions de l'arbitrage international » Journal de l'arbitrage de l'Université de Versailles - Versailles University Arbitration Journal n° 1, Octobre 2012, 2. Etude menée par CONSTARGENT Jean-Robin, Parrainé par Guy Lepage Directeur Général de La Française AM International Claims Collection.

126 KESSEDJIAN Catherine « le financement de contentieux par un tiers-Third party Litigation Funding, éditions Panthéon-ASSAS, colloques, décembre 2012 ; Philippe Pinsolle, op.cit.

73

un remboursement majoré entre 30 à 60% des sommes avancées127. Lesdites sommes avancées par le TPF font donc nécessairement partie des frais engagés à l'occasion de la procédure arbitrale, et doivent être inclues dans les frais relatifs à l'organisation de la défense.

209 Par ailleurs, à l'instar des conventions quota litis, les parties doivent absolument

s'assurer que la convention soit légale au sens de la législation applicable, sous peine de se voir annuler par les instances arbitrales. L'avantage que présente ce mécanisme de financement de l'arbitrage est sa nouveauté. De ce fait, la législation Française ne s'est pas encore véritablement positionnée quant à sa légalité. La seule exigence tient au mode de règlement des honoraires des avocats. Ces derniers se doivent d'être rémunérés uniquement par leurs clients. Ainsi, les fonds d'investissement ont l'obligation de déposer l'argent sur le compte de son client, afin que celui-ci puisse, de son propre gré, financer son conseil. Cette procédure est imposée par le règlement intérieur des barreaux (RIN) qui énonce en son article 113 que « L'avocat ne peut percevoir d'honoraires que de son client ou d'un mandataire de celui-ci ».

210 Cependant, le recours au TPF implique certaines conditions quant à l'organisation du

financement. Le financeur doit tout d'abord être tenu par un devoir de précaution envers ses investisseurs et actionnaires128. En effet, celui-ci doit être à même d'évaluer les forces et les faiblesses de la société qu'il s'apprête à financer de manière à limiter les risques ; Pour ce faire, il doit se livrer à une analyse précise des capacités financières de la société tout en jaugeant les chances de réussite du dossier soumis à l'arbitrage. A ce titre, Nicolas MOINET écrit que « L'intelligence est le croisement de l'information et de la stratégie »129. L'activité de financement ne peut pas s'affranchir de cette démarche, sans quoi elle s'exposerait à des risques trop importants.

127 DUCLERCQ Caroline op. et loc. cit.

128 CONSTARGENT Jean Robin « Le financement par un tiers comme réponse aux évolutions de l'arbitrage international » Journal de l'arbitrage de l'Université de Versailles - Versailles University Arbitration Journal n° 1. Octobre 2012, 2. Etude menée par CONSTARGENT Jean-Robin, Parrainé par Guy Lepage Directeur Général de La Française AM International Claims Collection.

129 MOINET Nicolas, Petite histoire de l'intelligence économique : une innovation "à la française", L'Har-

mattan, coll. Intelligence économique, 2010, p. 25.

74

211 Le tiers financeur doit également rechercher si la partie qu'il accepte de financer ne

cherche pas à manipuler la procédure d'arbitrage ou à commettre certaines fraudes. A ce titre, le tiers financeur doit pouvoir suspendre, voire annuler le financement de la procédure au bénéfice de la partie fautive. De manière à sanctionner ladite partie, Jean-Robin COSTAR-GENT soulève trois alternatives ; la première serait l'annulation de l'investissement octroyé, la deuxième serait d'obliger la partie défaillante à rembourser la somme avancée avant que la sentence arbitrale ne soit rendue, et la troisième serait d'insérer une clause contractuelle dans la convention de financement prévoyant la mise en oeuvre d'une pénalité sous forme de garantie réelle130.

212 A l'instar de la procédure d'arbitrage, la procédure de financement doit conserver

une certaine confidentialité. A ce titre, le tiers financeur est tenu de préserver l'image du client en s'abstenant de divulguer une quelconque information en lien avec la procédure de financement. Pour ce faire, l'idéal est de procéder à la signature d'un contrat de confidentialité concernant les informations dites « sensibles » entre le tiers et les parties qu'il finance. La préservation du secret dans l'arbitrage est une condition indispensable à son bon fonctionnement. Ainsi, les modes de financement de la procédure arbitrale doivent également respecter cette exigence de discrétion.

213 En définitive, le financement de l'arbitrage par un « Third party Funding » apparait

être la solution idéale, dans la mesure où elle permet à de nombreuses entreprises de pouvoir face à l'accroissement du coût de la procédure arbitrale. De plus, le recours au TPF permet aux parties d'obtenir un diagnostic sur leur dossier concernant les risques encourus131. Pour autant, il est clair que ce type de financement ne peut constituer une solution globale dans la mesure où il concerne en pratique très peu de dossiers.

214 Dés lors, il conviendrait d'étudier la manière dont les pays de civil and Common Law

résolvent le problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage international.

130CONSTARGENT Jean-Robin op. et loc. cit.

131 LEPAGE Guy et GREC Alain Directeurs Généraux de La Française AM International Claims Collection Administrateurs de la Française IC Fund « Pratique d'une institution financière régulée » Dossier financement de l'arbitrage par un tiers, La lettre de l'AFA, éditorial, n°12, 2014.

75

Paragraphe 2 Les solutions apportées par les autres états partie à la

Convention EDH

215 Nous étudierons dans un premier temps la position des juridictions Allemandes con-

cernant la partie faible dans l'arbitrage (A), pour ensuite nous concentrer sur celle des juridictions anglaises (B).

A) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Allemagne

216 En cas de situation d'impécuniosité dans une procédure arbitrale, la loi allemande

autorise à l'ensemble des parties de remettre en cause la convention d'arbitrage. En ce sens, elle permet d'une part au demandeur impécunieux de formuler ses demandes auprès de la juridiction étatique, et d'autre part, elle octroie la possibilité au défendeur impécunieux de mettre un terme à la convention d'arbitrage si le demandeur à l'arbitrage refuse d'avancer les frais de procédure de son adversaire132.

217 La Cour fédérale suprême Allemande a fait le choix de protéger la partie faible dans

l'arbitrage, dès lors que celle-ci se retrouvait dans l'impossibilité de financer la procédure arbitrale, ainsi que ses conseils. En adoptant une telle solution, la haute juridiction Allemande fait primer le droit d'accès à la justice tel que prévu par l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH au détriment du caractère contractuel de l'arbitrage. Ainsi, le risque de déni de justice constitue une raison suffisante aux yeux de la justice Allemande pour libérer les parties de la convention d'arbitrage. Dans un arrêt du 14 septembre 2000133, les hauts magistrats de la Cour suprême ont affirmé leur position en énonçant que le problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage rendait impossible l'exécution de la convention. De ce fait, ceux-ci estiment que le litige doit être tranché par les juridictions étatiques.

132 SACHS Klaus « La protection de la partie faible en arbitrage » Gazette du palais, Lextenso, 127ème année tri hebdomadaire du vendredi 13 au mardi 17 juillet 2007/ Les cahiers de l'arbitrage, n°2007-2, Cf. Schütze, Armut im internationalen Schiedsverfahren - kollisionsrechtliche Aspekte, in Aus-gewählte Probleme des deutschen.

133 BGH, décision du 14 septembre 2000, NJW 2000, 3720.

76

218 De manière à justifier leur position, les juges Allemands se réfèrent à l'article 1032

du code de procédure Allemande, reprenant lui-même l'article 8-1 de la loi type de Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI), qui dispose que : « Le tribunal saisi d'un différend sur une question faisant l'objet d'une convention d'arbitrage renverra les parties à l'arbitrage si l'une d'entre elles le demande au plus tard lorsqu'elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être exécutée». En d'autres termes, la loi Allemande rend inapplicable la convention d'arbitrage dès lors que l'une des parties ne peut plus financer la procédure arbitrale134.

219 Pour autant, à en croire la doctrine Allemande135, il semblerait que la Cour suprême

revienne sur sa jurisprudence. En effet, au lieu de considérer que la convention d'arbitrage est totalement inapplicable en cas de l'impécuniosité de l'une des parties, la Cour suprême invite à ce que lesdites parties se prononcent sur leur volonté de faire appel ou non à la justice publique. Le manque d'argent dans la procédure arbitrale ne donne plus nécessairement compétence aux juridictions Allemandes. Le recours à la justice étatique est donc soumis à la volonté des parties. On en revient à appliquer le principe« pacta sunt servanda », qui est propre à l'arbitrage. Ce mécanisme est donc juridiquement plus satisfaisant dans la mesure où il tend plus à respecter l'accord des parties.

220 En outre, comme le soulève le professeur Klaus SACHS, le nouveau raisonnement de

la Cour suprême Allemande se doit d'être favorablement accueilli dans la mesure où il serait véritablement inopportun de rendre inapplicable une convention d'arbitrage dès lors qu'une partie connaitrait des difficultés financières à court terme. L'impécuniosité provisoire de l'un des plaideurs ne saurait alors donner compétence de droit aux juridictions étatiques. D'autant plus, comment justifier un tel procédé en cas rétablissement de la santé financière

134 SACHS Klaus, op. et loc. cit.

135SACHS Klaus, op. et loc. cit. V. par exemple Wagner, Poor Parties in German Forums : Placing Arbitration under the Sword of Damocles ?, in Financial Capacity of the Parties, op. cit., p. 10 et s.

77

de la partie initialement en difficulté ? Le législateur Allemand reste muet sur cette question, ce qui renforce la position nouvellement adoptée par la Cour suprême136

221 Si les juridictions Allemandes tendent à privilégier le droit d'accès à la justice sur la

force obligatoire de la convention d'arbitrage, il serait intéressant d'étudier la position des juridictions Anglaises, en sachant que celles-ci obéissent à la tradition du Common Law et qu'elles sont soumises aux dispositions de la Convention EDH.

B) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Angleterre

222 Au regard de la législation Anglaise, il apparait qu'une convention d'arbitrage soit

difficilement susceptible d'être remise en cause. A ce titre, les juridictions britanniques admettent l'impossibilité d'exécution de la convention d'arbitrage que dans des cas exception-nels137. Cette réticence s'explique tout naturellement par l'origine même de l'arbitrage. Historiquement, cette forme de justice privée est d'origine Anglo-Saxonne. Elle repose sur la tradition libérale des pays de Common Law. Dès lors, la volonté des parties doit être préservée, sans que l'Etat ne puisse intervenir.

223 De manière à illustrer notre propos, nous pouvons nous appuyer sur l'affaire Paczy

contre Haendler and Natermann. En l'espèce, le demandeur à l'instance avait manifesté sa volonté de recourir aux juridictions étatiques, alors qu'il était engagé dans une procédure arbitrale, en arguant qu'il ne bénéficiait pas de ressources financières suffisantes pour faire face au coût qu'engendrait une telle procédure. Dès lors, il démontra que ses droits à la justice n'allaient pas être respectés par les instances arbitrales et que de ce fait, les juridictions

136 GAILLARD Emmanuel «L'impécuniosité des parties et ses effets sur l'arbitrage: la position Française», in Financial Capacity of the Parties, p. 65 et s.

137 SACHS Klaus, voir Hunter, Impecuniosity of the Parties and its Effect on Arbitration -An English Perspective, in Financial Capacity of the Parties, op. cit., p. 105 et s.

78

anglaises devaient impérativement lui garantir un droit d'accès à la justice, en lui fournissant une aide judiciaire138.

224 Cependant, la Cour d'appel de Londres ne fut pas sensible à l'argumentation du

plaideur impécunieux. Elle indiqua à celui-ci que sa situation financière ne pouvait engendrer l'annulation de la convention d'arbitrage139. La position du juge Anglais se comprend aisément dans la mesure où elle s'appuie sur les origines de l'arbitrage, s'inscrivant dans la tradition du Common Law. La justice publique n'a pas à interférer dans les affaires privées, d'autant plus lorsque les parties ont expressément manifesté leur volonté de recourir à la justice privée par la voie contractuelle.

225 Au sens du droit Anglais, le non paiement des frais d'une procédure arbitrale ne

peut engendrer un déni de justice. En ce sens, le refus pour les arbitres de statuer sur les prétentions de la partie devenue impécunieuse ne constitue pas une violation du droit d'accès au juge. En outre, depuis la ratification de la Convention EDH par le Royaume-Uni en 1988, on ne peut relever l'existence d'une décision de justice qui aurait convenu d'annuler une sentence arbitrale pour ne pas avoir garanti le droit d'accès à la justice. A l'inverse des juridictions Françaises, les juridictions Anglaises ne désirent pas recourir à une application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH en invoquant les principes de l'ordre public procédural, de manière à garantir l'accès à la justice à l'ensemble des plaideurs.

226 Contrairement à la justice Anglaise, la justice Américaine admet qu'une partie vic-

time d'une situation d'impécuniosité puisse se retourner vers les juridictions étatiques, afin de jouir pleinement de son droit d'accès à la justice. La Cour suprême des Etats-Unis eut l'occasion de l'affirmer dans un arrêt « Green Tree Financial Corp.- Alabama et al. contre Randolph du 11 décembre 2000 ». Celle-ci énonça que lorsqu'une convention d'arbitrage peut être considérée comme « prohibitively expensive », la partie impécunieuse peut la remettre en cause et soumettre son litige devant les juridictions étatiques140. Celle-ci rajouta

138 SACHS Klaus, op.cit.

139 Paczy v Haendler & Natermann [1981] 1 Lloyd's Report 302 (CA). SACHS Klaus op.cit.

140 GAILLARD Emmanuel, « Rapport de synthèse sous la direction de CLAY Thomas et BEN HAMIDA Walid «l'argent dans l'arbitrage », lextenso éditions, 2013.

79

également que la charge de la preuve concernant le caractère excessif du coût de l'arbitrage appartenait à la partie qui souhaitait faire annuler la convention d'arbitrage. Paradoxalement, la position de la justice Américaine se situe aux antipodes de celle de son allié de toujours, l'Angleterre.

227 Par conséquent, il n'existe pas de position jurisprudentielle universelle concernant le

problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage international. Celui-ci nous livre une opposition de taille entre les droits fondamentaux, à savoir le droit d'accès à la justice et le principe du consensualisme contractuel.

80

Conclusion Partie 2

228 Pour conclure, il est nécessaire de reconnaitre que le principe « Pacta Sunt Servan-

da » doit prévaloir sur le principe du droit d'accès au juge tel que prévu par la Convention EDH, en matière d'arbitrage. Le déni de justice ne peut découler de l'incapacité de l'une des parties à financer la procédure d'arbitrage dans la mesure où, celle-ci avait initialement fait le choix de ne pas recourir à la justice publique. En élisant contractuellement les instances arbitrales, les parties renoncent à certaines garanties reconnues par les droits fondamentaux. Dès lors, le manque de moyens financiers pour faire face au coût de la procédure arbitrale, ne peut aboutir à un déni de justice. Le tribunal arbitral, en tant que prestataire de service, est tout à fait dans son droit de ne pas statuer bénévolement.

229 Cependant, il est indispensable de réduire le coût de l'arbitrage qui est devenu plus

que considérable aujourd'hui. Ainsi, pour limiter les dénis de justice dans l'arbitrage pour cause d'impécuniosité, il serait opportun d'inciter les parties à réaliser quelques économies (par exemple, choisir un seul arbitre au lieu de trois/ Se tourner vers la procédure de l'internalisation des coûts).

230 Au demeurant, comme le souligne Klaus SACHS141, il serait tout à fait envisageable

d'opérer une réforme législative de notre système d'aide juridictionnelle afin que celui-ci puisse courir une partie des frais d'arbitrage pour la partie « faible ». Cette observation se comprend aisément compte tenu du contexte actuel. En effet, en voulant faire de l'arbitrage une justice parallèle, la majorité des Etats ayant adopté la loi modèle CNUDCI, ont tendance à placer l'arbitrage sur un pied d'égalité vis-à-vis de la justice publique. Ainsi, de manière à renforcer cette égalité, nous pourrions légitimement envisager un système d'aide juridictionnelle ouvert à la pratique de l'arbitrage.

141 SACHS Klaus , op.cit.

231 Néanmoins, cette solution ne semble pas trouver d'écho à l'heure actuelle. C'est la

raison pour laquelle nous devons nous en remettre à la réalité du marché de l'arbitrage. Une réalité économique parfaitement résumée par une citation du juge Irlandais Sir James Matthews qui énonce que « la justice est ouverte à tous, comme le Ritz »142.

81

142 Oxford Dictionary of Quotations, 4th edition 1992, p. 453.

82

Bibliographie

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87

Index:

(La numérotation renvoie aux paragraphes)

A

Accès à l'arbitre (Droit) 23, 24, 73, 75, 76, 80, 82, 83, 106, 107, 109, 114, 137, 138, 142, 150, 152, 154.

Accès à la justice (Droit)5, 9, 25, 53, 57, 64, 69, 79, 84, 89, 90, 103, 107, 108, 114, 117, 120, 127, 135, 139,

144, 149, 171, 189, 205, 208, 217, 221, 223, 225, 226, 227.

Aide judiciaire 3, 4, 5, 10, 172, 223.

Aide juridictionnelle 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 230.

Arbitrage ad hoc 191, 192.

Autonomie de la volonté 148, 152, 158, 159.

C

CEDH 72, 73, 81, 83, 217.

Clause compromissoire 14, 56, 84, 116, 119, 151, 155, 159, 171, 179, 183, 184.

Common Law 15, 48, 214, 221, 222, 224.

Convention d'arbitrage23, 61, 77, 79, 82, 84, 86, 106, 114, 115, 116, 118, 122, 124, 127, 128, 134, 139,

144, 154, 156, 158, 159, 174, 176, 179, 180, 180, 185, 186, 193, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 224, 226.

Convention Européenne des Droits de l'Homme 3, 4, 13, 25, 55, 60, 72, 75, 169.

D

Déni de justice 25, 61, 67, 75, 76, 79, 80, 83, 84, 118, 119, 124, 127, 136, 141, 189, 196, 217, 225, 228.

Droit à l'arbitre 146, 147,154.

Droit au juge 2.

E

Egalité des armes 5, 6, 98, 99, 100, 101, 142.

F

Force obligatoire du contrat 127, 152, 158, 161.

I

Impécuniosité13, 19, 20, 21, 22, 23, 39, 46, 52, 53, 61, 62, 64, 66, 72, 73, 79, 80, 82, 84, 85, 89, 115, 121,

122, 123, 124, 135, 151, 170, 173, 175, 176, 180, 181, 182, 185, 194, 195, 196, 197, 208, 216, 217, 219, 220, 226, 227, 229.

88

J

Juge d'appui 157.

Juge étatique 58, 123, 125, 127, 128, 129, 130, 155, 159, 164, 174, 175, 183, 184, 190, 192.

Justice privée 13, 14, 18, 21, 56, 58, 73, 83, 138, 148, 151, 157, 172, 222, 224.

L

La responsabilité de l'arbitre 143.

Liberté contractuelle 159.

O

Ordre public international 73, 75, 85, 134, 140, 203.

P

Pacta sunt servanda 159, 219, 228.

Partie faible 20, 25, 53, 183, 215, 217.

Procès équitable... 5, 23, 55, 58, 60, 61, 69, 71, 80, 95, 97, 103, 110, 122, 126, 131, 132, 139, 141, 160, 161.

R

Règlement d'arbitrage 30, 47, 49, 64, 66, 67, 85, 88, 101, 104, 127, 156, 157, 161, 163, 191, 192, 201.

S

Sentence arbitrale 14, 32, 65, 90, 100, 125, 132, 133, 200, 207, 211, 225.

T

Third Party Funding 206, 213.

Tribunal arbitral

29, 30, 31, 32, 33, 49, 51, 60, 65, 66, 67, 70, 77, 85, 85, 86, 87, 88, 80, 90, 94, 99, 101, 104, 108, 119,

132, 133, 143, 156, 173, 176, 178, 199, 204, 228.

89

TABLE DES MATIERES

***

Partie 1 P13

Titre 1 La consécration du droit d'accès à l'arbitre au nom du procès équitable P14

Section 1 L'impécuniosité : un obstacle au droit d'accès à la justice arbitrale P14

Paragraphe 1 L'existence d'un obstacle financier relaté par la nature dispendieuse de l'arbitrage P15

A) L'analyse des coûts P15

1) Les frais engagés à l'occasion du fonctionnement du tribunal arbitral P15

2) Les frais engagés à l'occasion de l'organisation de la défense P16

B) L'analyse des stratégies procédurales P17

1) L'accroissement des coûts : La reconnaissance d'une stratégie procédurale menant à

l'impécuniosité P18

2) L'accroissement des coûts : Des stratégies procédurales endiguées par les règlements

d'arbitrage P20

Paragraphe 2 Un obstacle financier encadré par l'immixtion progressive de la CEDH dans l'arbitrage

P22

A) L'inapplicabilité formelle de la Convention EDH à l'arbitrage P22

1) Une question fortement débattue en doctrine P23

2) Une question partiellement tranchée par la jurisprudence P24

B) L'application substantielle de l'article 6§1 de la Convention EDH à l'arbitrage P26

1) Le renforcement de l'équilibre des parties dans l'arbitrage P26

2) Les prémices du droit à l'arbitre P28

Section 2 Impécuniosité : La consécration d'un droit d'accès à l'arbitre P31

Paragraphe 1 L'affaiblissement de la portée juridique de la convention d'arbitrage P31

A) Le respect catégorique de l'ordre public procédural P32

1) La prohibition du déni de justice P32

2) L'intégration du principe d'égalité des parties P36

B) Le respect conditionné de l'ordre public procédural P40

1) L'analyse de la notion d'indissociabilité des demandes reconventionnelles P40

2) Le maintien de la convention d'arbitrage P43

Paragraphe 2 Le renforcement de la fonction juridictionnelle du tribunal arbitral P45

A) L'arbitre : le nouveau garant du procès équitable P45

1) Le contrôle a posteriori des conséquences de l'impécuniosité P45

2) Le contrôle in concreto des conséquences de l'impécuniosité P47

B) Le renforcement des pouvoirs juridictionnels de l'arbitre P48

1) La place de l'arbitre au regard de l'ordre public procédural P49

2) La question de la responsabilité de l'arbitre P51

90

Conclusion partie 1 P52

91

Partie 2 P54

Titre 2 La limitation du droit d'accès à l'arbitre au nom de la force obligatoire de la conven-

tion d'arbitrage P55

Section 1 L'arbitrage : une justice privée et non un service public P55

Paragraphe 1 La sauvegarde de l'autonomie de la volonté des parties dans l'arbitrage P55

A) L'acceptation conventionnelle d'une justice privée : la force obligatoire du règlement

d'arbitrage P56

B) La renonciation au contrôle de proportionnalité des frais procéduraux par le juge étatique

P60

Paragraphe 2 La sauvegarde de la justice arbitrale P62

A) L'impécuniosité confrontée au principe compétence-compétence P63

B) La préservation des places arbitrales P66

Section 2 L'arbitrage : une justice privée encline à la réforme P68

Paragraphe 1 les solutions apportées par la doctrine P69

A) Le financement par le conseil P69

B) Les fonds d'investissement P72

Paragraphe 2 Les solutions apportées par les autres Etats parties à la Convention EDH P75

A) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Allemagne P75

B) L'impécuniosité dans l'arbitrage en Angleterre P77

Conclusion partie 2 P80

92

Remerciements

Je tiens à remercier avant tout Madame Laura WEILLER pour avoir gracieusement accepté de superviser mon mémoire, et également la bibliothèque de la faculté de droit d'Aix-en-Provence, pour m'avoir permis de mener à bien mes recherches.

...






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard